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Table des matières
Modification à l'ordre du jour
Permis de conduire à points (Suite)
Aides publiques aux entreprises
SÉANCE
du jeudi 7 mai 2009
97e séance de la session ordinaire 2008-2009
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
Secrétaires : M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Anne-Marie Payet.
La séance est ouverte à 9 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Conférence des présidents
M. le président. - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.
Semaines réservées par priorité au Gouvernement
MARDI 12 MAI 2009
A 9 heures 30 :
- Dix-huit questions orales.
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
A 16 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
MERCREDI 13 MAI 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
A 14 heures 30 et le soir :
- Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ;
- Suite éventuelle du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
JEUDI 14 MAI 2009
A 9 heures 30 :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
A 15 heures et le soir :
- Questions d'actualité au Gouvernement.
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite de l'ordre du jour du matin.
VENDREDI 15 MAI 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
A 9 heures 30 et à 15 heures :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
LUNDI 18 MAI 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
A 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
MARDI 19 MAI 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
A 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
MERCREDI 20 MAI 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
A 14 heures 30 :
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Semaine sénatoriale de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques
MARDI 26 MAI 2009
A 9 heures 30 :
- Dix-huit questions orales.
A 15 heures :
- Débat sur le service civil volontaire.
- Question orale avec débat de M. Martial Bourquin sur la crise de l'industrie.
MERCREDI 27 MAI 2009
A 14 heures 30 :
- Débat sur les travaux de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes.
- Question orale avec débat de Mme Marie-France Beaufils sur la réforme de la taxe professionnelle ;
JEUDI 28 MAI 2009
A 9 heures :
- Question orale avec débat de Mme Bernadette Dupont sur le plan « Autisme ».
- Question orale avec débat de M. Jean-Jacques Mirassou sur l'avenir du programme de l'Airbus A400M.
A 15 heures et le soir :
- Questions d'actualité au Gouvernement.
- Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.
Semaine d'initiative sénatoriale
MARDI 2 JUIN 2009
A 15 heures et le soir :
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative.
- Proposition de résolution de M. Gérard Larcher, Président du Sénat, tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat.
MERCREDI 3 JUIN 2009
A 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises.
JEUDI 4 JUIN 2009
Journée mensuelle réservée aux groupes de l'opposition et aux groupes minoritaires :
A 9 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
- Proposition de loi de MM. François Rebsamen et Jean-Pierre Bel visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices record.
- Question orale européenne avec débat de M. Richard Yung sur l'avenir de la politique sociale européenne.
- Proposition de loi de M. Daniel Raoul pour le développement des sociétés publiques locales.
- Le sujet réservé au groupe Union centriste sera déterminé ultérieurement.
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Bel. - Nous le dénonçons depuis plusieurs jours : les séances d'initiative parlementaire ne sont qu'une caricature de débat, une mascarade, alors que la réforme constitutionnelle devait réhabiliter le Parlement et améliorer nos conditions de travail. Afin de permettre à nos collègues de la majorité de participer à ce débat important, nous demandons une suspension de séance.
M. le président. - Personne n'est là pour s'y opposer... (Sourires) Afin de créer les conditions d'un débat serein, la séance est suspendue pour un quart d'heure.
La séance, suspendue à 9 h 05, reprend à 9 h 20.
Création d'une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l'énergie (Question orale avec débat)
M. le président. - Je ferai part au Président Larcher des conditions « quantitatives » de ce débat, mais, puisque selon la formule magique du Règlement, le Sénat est toujours en nombre pour délibérer, je vous propose de passer à l'ordre du jour, qui appelle la discussion de la question orale avec débat de M. François Rebsamem à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la création d'une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l'énergie.
M. François Rebsamen, auteur de la question. - (Applaudissements à gauche) Je remercie les collègues présents ce matin, en nombre, comme l'a dit le président. Je veux aussi remercier le ministre puisqu'il s'agit aussi, avec cette question orale, de revivifier les droits du Parlement, et que s'il n'était pas là, nous débattrions pratiquement entre nous. Mes remerciements vont aussi aux deux collègues de la majorité venus participer à une séance qui restera dans les annales : cela compte pour le Journal officiel et pour l'Histoire ! Il est vrai qu'il ne s'agit que d'un petit sujet, la création d'une contribution exceptionnelle de solidarité sur les entreprises du secteur de l'énergie...
Je ne referai pas l'analyse de la crise que nous traversons, la plus grave depuis les années trente. Tous les jours, les estimations de la récession se font plus pessimistes ; on parle d'une décroissance de 2,9 ou 3 %. Cela se traduit dans les lois de finances rectificatives ; la dernière suscite de vives inquiétudes : le déficit atteint 105 milliards, le double de ce que prévoyait la loi de finances initiale, entre 5 et 6 % du PIB, et la dette publique approchera 80 % du PIB en 2011. Le premier président de la Cour des comptes rappelait qu'elle avait bondi de vingt points en 1993. Décidément, M. Sarkozy aura marqué l'histoire budgétaire, puisqu'il était alors ministre du budget et que l'on peut s'attendre à un nouveau bond de vingt points -il n'a pas de chance !
Les recettes budgétaires périclitent, 15 milliards vont manquer au budget de l'État et il y a tout à craindre des dernières annonces du Président de la République, qui veut encore baisser les impôts alors que M. Obama entend vérifier que les entreprises américaines acquittent bien leur dû à l'État fédéral.
Les salariés sont les premières victimes de la crise. Les manifestations témoignent d'une forte mobilisation et de vives inquiétudes. On attend un million de chômeurs de plus et, même si nous faisons moins mal que d'autres, cela fait quand même 2 800 chômeurs de plus chaque jour.
Les hommes politiques, pour qui la défense de l'emploi et le refus des licenciements sont au coeur de leur engagement, savent comment les conflits, dont le nombre augmente, peuvent à tout moment dégénérer car l'exaspération se nourrit de l'écart entre des plans sociaux qui font des salariés les parents pauvres de l'entreprise et les parachutes dorés ou autres retraites chapeau généreusement accordés aux dirigeants.
Face à une situation extrêmement difficile, il est fondamental de mettre en oeuvre des mesures en faveur de nos concitoyens et de trouver des financements afin d'éviter de creuser un peu plus les déficits.
Il faut également revenir sur ce qui a été fait depuis 2007. Disant cela, je sais bien que j'agace mes collègues de la majorité et le Gouvernement, mais la loi Tepa, qui a été une erreur de début de mandat, se révèle aujourd'hui une grave faute économique et il serait diabolique de persévérer. (M. Jean-Jacques Mirassou le confirme) Il ne peut y avoir de mobilisation de tous les Français quand l'injustice fiscale est érigée en dogme. Contrairement à ce que prétend le Président de la République, il ne s'agit pas de pragmatisme mais d'idéologie néolibérale à la sauce Thatcher. Alors que la crise frappe notre pays, la défiscalisation des heures supplémentaires contribue à détériorer un peu plus encore la situation de l'emploi. Les chiffres publiés par l'Insee démontrent que le bouclier fiscal a creusé l'écart entre les Français les plus aisés et ceux qui sont les plus pauvres. Quand on apprend que 14 000 foyers fiscaux ont touché en moyenne un chèque de 33 000 euros, on ne peut s'empêcher de penser que l'effort devant la crise n'est pas le même pour tout le monde. En outre, le maintien de cette politique fiscale injuste gaspille des marges de manoeuvre pour combattre la crise.
Décider d'augmenter les déficits publics pour relancer l'économie est un pari risqué. C'est pourquoi nous avons fait à diverses reprises des propositions pour augmenter les recettes de l'État et en revenir à une plus grande justice fiscale. Ainsi, avons-nous suggéré d'instaurer une cinquième tranche de solidarité pour les revenus supérieurs à 380 000 euros (M. Daniel Raoul approuve) et de taxer à 100 % les rémunérations différées des dirigeants de sociétés bénéficiant d'aides directes de l'État. Nous n'acceptons pas une société sans garde-fou et où la justice sociale, loin d'être une priorité, est considérée comme un obstacle.
Alors que la crise frappe, certaines entreprises dégagent d'immenses profits. Tant mieux, mais il n'est pas acceptable qu'ils soient reversés sous forme de dividendes aux actionnaires. Total inonde les journaux de publicités pour redorer son image auprès du public. Pour l'instant, GDF-Suez n'en est pas encore là, mais cela ne saurait tarder. 2008 restera une année désastreuse pour de nombreuses entreprises mais celles du secteur énergétique sont loin de connaître les difficultés économiques que rencontrent aujourd'hui des centaines de PME. Les bénéfices de Total se montent à 14 milliards, soit 14 % de plus qu'en 2007. Ceux de GDF-Suez s'élèvent à 6,3 milliards, en hausse de 13 %. Ces bénéfices exceptionnels sont dus à l'augmentation du prix du pétrole et du gaz. Cette envolée des cours a d'ailleurs facilité la fusion entre GDF et Suez. Mais l'augmentation des bénéfices s'est faite sur le dos des consommateurs : les prix à la pompe ont mis beaucoup de temps à baisser alors que le cours du baril diminuait et il a fallu attendre la fin de la période de chauffe pour voir les tarifs du gaz diminuer.
Alors que Total affichait une santé insolente, elle a annoncé 555 suppressions de postes. Un de vos collègues, monsieur le ministre, s'en est ému et il a même estimé que ces deux annonces concomitantes étaient quelque peu provocatrices. Total fait partie des rares entreprises qui ont surperformé par rapport aux indices boursiers européens de référence. Cependant, la hausse des bénéfices nets ne s'est pas traduite par une augmentation des investissements productifs, mais plutôt par le rachat d'actions, ce qui a permis aux dirigeants de profiter de la hausse des cours et des dividendes. Je n'ai pas réussi à connaître le montant du chèque versé par Total à l'État au titre de l'impôt sur les sociétés. Ce chiffre semble classé confidentiel défense. Après la terrible catastrophe de Toulouse, un ancien dirigeant de Total disait d'ailleurs que s'il était connu, il risquerait d'être mal interprété. En 2006, la holding basée en France afficherait même un crédit d'impôts de 200 millions, après 700 en 2005.
A situation exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle. Par delà les grandes campagnes de publicité de Total pour se refaire une beauté médiatique, cette entreprise va octroyer 50 millions au Fonds d'investissement des expérimentations pour les jeunes créé par votre collègue Hirsch : 50 millions, soit 0,072 % des bénéfices pour 2008 ! Cette générosité mérite d'être saluée, mais elle risque d'être interprétée comme de la condescendance. Les relations des dirigeants de cette société avec les pouvoirs publics et le Gouvernement commencent même à gêner : Mme Lagarde reçoit à bras ouverts le PDG de Total et lui fait la bise. Elle n'a pas les mêmes égards pour José Bové, même si les moustaches sont semblables... (Sourires)
Total est une entreprise irréprochable et propre : on l'a vu lors de l'Erika. Cet épisode n'aura coûté au groupe que six jours de bénéfices...
Dès lors, n'est-il pas légitime de considérer qu'une partie du bénéfice exceptionnel des entreprises du secteur énergétique doit être redistribuée pour soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus défavorisés qui ne doivent pas être deux fois pénalisés ?
Pour quelles raisons ces sociétés ont-elles si peu participé au plan de relance de 26 milliards lancé par le Gouvernement alors que les entreprises parapubliques comme EDF, la RATP, la SNCF ou La Poste ont été fortement sollicitées ? Heureusement, d'ailleurs, que notre pays compte encore quelques entreprises publiques pour venir en aide au Gouvernement lorsque celui-ci veut relancer l'économie ! Alors que le modèle capitaliste s'affole, il n'est pas possible de dilapider des milliards pour venir en aide aux banques tout en restant sourd aux difficultés grandissantes que rencontrent des milliers de familles. On ne peut demander aux entreprises publiques des efforts sans cesse plus importants et laisser des entreprises florissantes engranger des bénéficies sans les solliciter. Pourtant, le Président de la République avait déclaré : « que chacun comprenne que si on demande aux salariés de porter une partie du fardeau dans la crise, il est normal que les même salariés (...) bénéficient du fruit de leur travail quand ça va bien ». Alors, pourquoi ne pas demander une contribution à ces entreprises plutôt que de les laisser distribuer des dividendes ? Le Gouvernement nous répond que ce n'est pas possible. Il est pourtant fondamental de sortir de ce système confiscatoire des richesses produites par le collectif.
Qui touche quoi ? N'est-il pas temps de modifier les proportions entre capital et travail ? Bien des propositions sont faites ; hélas le Gouvernement, dès qu'il s'agit de les mettre en application, les rejette.
Le groupe socialiste a présenté deux amendements en loi de finances pour accroître la justice fiscale. D'abord, moduler l'impôt sur les sociétés, en une sorte de bonus-malus, au détriment de celles qui ne songent qu'à servir les actionnaires. M. Woerth avait répondu que la question exigeait un débat approfondi. Ensuite, créer une contribution exceptionnelle sur les sociétés qui engrangent des superprofits. La présidente du Medef se rengorge à l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle et refuse l'idée d'impôts de remplacement : elle suggère aux collectivités de compenser plutôt ce moins perçu par une recherche de gains de productivité...
Pourquoi ne pas demander aux grands groupes qui en dépit de la crise réalisent de gros profits une contribution de solidarité temporaire ? Le montant en serait débattu au Parlement et abonderait le Fonds stratégique d'investissement, ou le Fonds d'investissement social aujourd'hui doté de 1,5 milliard d'euros. La justice et la solidarité sont les clés de l'efficacité économique. Ensemble, faisons bouger les lignes ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Didier Guillaume. - Notre pays traverse une crise sans précédent : crise financière mondiale, certes, mais aussi crise de notre modèle républicain. Quel est le bilan, après deux ans de présidence ? Les tensions sont exacerbées, le communautarisme érigé comme modèle, le chacun pour soi et l'individualisme devenus la règle. Il est temps de rassembler les Français au lieu de les diviser car, mobilisés, ils sauront se serrer les coudes pour affronter les difficultés. Donnons des signes forts à ceux qui ont l'impression que ce n'est jamais pour eux, à ceux qui se sentent privés de voix au chapitre, à ceux qui triment sans retrouver les fruits de leur travail, à ceux qui aimeraient travailler et n'ont aucune perspective. Dans cet hémicycle, chaque engagement doit peser. II faut mettre au coeur de nos débats les mots que les Français attendent, justice, solidarité, exemplarité. Des mots simples, des valeurs sûres que chacun peut comprendre.
Il faut que les Français croient à nouveau à l'action publique. Démontrons-leur qu'elle peut transformer leur quotidien. Le sentiment d'injustice est de plus en plus fort. Les grévistes, séquestrant leurs dirigeants, s'écrient qu'ils ont « tout perdu et plus rien à perdre ». Le seuil de tolérance est atteint. Quand votre région est économiquement sinistrée, quand après des années de fidélité à votre entreprise vous devez vous inscrire au chômage, quand les files d'attente au Pôle emploi anéantissent le moindre espoir de retrouver du travail, il est naturel de réclamer aux pouvoirs publics plus de justice. Dans le même temps les Français découvrent que certains profits, bonus ou parachutes dorés représentent plusieurs centaines d'années de Smic. Les gros titres des journaux évoquent « le temps des inégalités » ; le niveau de vie des riches progresse, celui des pauvres recule. Comment s'étonner de trouver par centaines de milliers dans la rue, salariés craignant pour leur emploi, chômeurs de fraîche date dont l'avenir s'est obscurci, étudiants qui s'interrogent sur la valeur de leur bagage, fonctionnaires constatant que rentabilité et profit ont remplacé devoir et solidarité dans le service public, citoyens qui s'aperçoivent que l'ascenseur social ne fait que descendre ? Un sondage en témoigne : les jeunes estiment que leurs conditions de vie seront moins bonnes que celles de leurs parents.
Les Français demandent de la redistribution sociale et un soutien au pouvoir d'achat. Or le désengagement financier de l'État auprès des collectivités locales se poursuit : ces dernières assurent pourtant la solidarité envers les plus démunis ! Dans le département que je préside, le Fonds de solidarité énergie est sollicité pour contribuer au maintien dans le logement des plus fragiles : aide aux impayés de loyers, participation au paiement des factures d'eau, d'électricité, de chauffage. Dans la Drôme, 600 personnes sont concernées chaque mois, contre 300 en 2008. Cela représentera sur l'année un million d'euros de dépenses. Pour le RMI, même constat : 580 inscriptions nouvelles depuis janvier, soit 3 millions d'euros de plus à la charge du conseil général.
Le Gouvernement doit donner un signal fort de plus grande justice sociale et de solidarité nationale accrue. Qui a dit récemment : « Ce système où celui qui est responsable d'un désastre peut partir avec un parachute doré, (...) où l'on exige des entreprises des rendements trois ou quatre fois plus élevés que la croissance de l'économie réelle (...) a creusé les inégalités, démoralisé les classes moyennes et alimenté la spéculation sur les marchés... » ? Qui a dit : « L'économie de marché c'est le marché régulé, le marché mis au service du développement, au service de la société, au service de tous. Ce n'est pas la loi de la jungle, ce n'est pas des profits exorbitants pour quelques-uns et des sacrifices pour tous les autres » ? Non pas la première secrétaire du parti socialiste, mais Nicolas Sarkozy ! (On feint la surprise sur les bancs socialistes)
II est temps de passer des belles paroles aux actes. Il est temps de s'attaquer à certains symboles afin que l'exemplarité soit remise à l'ordre du jour. Après le temps de l'argent-roi doit venir celui de la moralité et de l'exemplarité. Demandons aux grands groupes du secteur de l'énergie de participer à la solidarité nationale. Nombre d'arguments plaident en cette faveur. Ce sont les consommateurs qui font leurs bénéfices. Il est immoral de s'enrichir et en même temps de licencier. Les grands groupes ont les moyens et le devoir de contribuer à la solidarité et l'effort consenti les rapprochera des citoyens. Cette contribution spécifique de solidarité doit être le signal fort d'un retour à la cohésion nationale, la justice sociale, la solidarité et l'exemplarité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Odette Terrade. - Les profits faramineux des grandes entreprises du secteur de l'énergie pourraient servir à créer de l'emploi, augmenter les salaires et diminuer les factures des consommateurs, plutôt qu'à gonfler les dividendes des actionnaires et les salaires déjà indécents des dirigeants. Les mouvements sociaux chez EDF, GDF-Suez ou Total mettent en lumière les incohérences et les contradictions du modèle libéral pour le secteur de l'énergie. Les profits du groupe pétrolier, 14 milliards d'euros en 2008 et sans doute autant en 2009, sont le fruit de restructurations drastiques, dans le raffinage notamment. Chez la filiale Hutchinson, 6 000 salariés sont au chômage partiel depuis janvier. Chez GDF-Suez, l'assemblée générale du 4 mai dernier a voté l'attribution de 6,8 milliards d'euros aux détenteurs de parts sociales, alors que le bénéfice net du groupe s'élève pour 2008 à 6,5 milliards d'euros. Les salariés ont manifesté leur colère ; c'est que les négociations salariales, elles, sont dans l'impasse car la direction reste sourde à leurs revendications de justice sociale. Et si elle a renoncé récemment à une nouvelle attribution de stock-options aux principaux dirigeants, c'est uniquement en raison des mouvements sociaux actuels.
Le fameux rapport Cotis commandé au directeur général de l'Insee par le Président de la République montre que les écarts de salaires n'ont fait que croître. En outre, la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est stable depuis le milieu des années quatre-vingt. Les entreprises n'investissent plus dans le capital humain ni dans l'outil de production, car tout doit aller à l'actionnaire.
En 2007, les dividendes nets représentent 16 % de l'excédent brut d'exploitation des sociétés non financières, contre seulement 7 % en 1993. Le groupe Total bat des records de profitabilité depuis 2005. Pourtant, 329 postes sont supprimés à la raffinerie de Gonfreville en Seine-Maritime, 6 000 salariés sont en chômage partiel chez Hutchinson, 200 emplois sont supprimés à Vierzon et Châteaudun.
Ces résultats ont été obtenus au prix de restructurations qui pèsent sur les salariés et sur tous les bassins d'emploi. Il est donc urgent de légiférer pour interdire aux entreprises qui distribuent des bénéfices tout licenciement boursier -c'est le sens de la proposition de loi que nous avons déposée en mars.
Ce n'est pas en taxant ponctuellement les résultats financiers de telle ou telle entreprise qu'on moralisera le capitalisme et qu'on rendra leur dignité aux salariés. Le capitalisme n'est ni moral ni juste, les salariés demandent que le législateur reconnaisse leur droit à empêcher les licenciements qui n'ont d'autre but que d'accroître le rentabilité financière au détriment de l'intérêt collectif. Comme le dit le coordinateur CGT de Total, il est urgent que les salariés soient mieux représentés dans les enceintes de décision et disposent d'un droit de veto pour bloquer les licenciements si l'entreprise réalise des bénéfices.
Du côté des consommateurs, on sait que la concurrence libre et non faussée n'a pas entraîné de baisse des tarifs. Les marchés spéculatifs fonctionnent toujours bien à la hausse, mais jamais à la baisse. Les pratiques commerciales de GDF-Suez sont dénoncées depuis longtemps par les associations de consommateurs. Alors que les tarifs réglementés, dont la disparition est d'ailleurs programmée, auraient pu permettre au Gouvernement de faire baisser les prix, les nouveaux contrats de service public pour la période 2009-2013 n'apportent aucun changement notable. Dans ces conditions, taxer les profits reviendrait à taxer les consommateurs. On peut craindre aussi qu'EDF, dont le contrôle public s'affaiblit, ne s'arrange avec ses concurrents pour augmenter ses prix.
Nous défendons depuis des années la constitution d'un grand pôle public de l'énergie, seul à même de permettre un contrôle citoyen sur les ressources et l'approvisionnement, donc sur les prix et les missions de service public (Applaudissements à gauche)
M. Ladislas Poniatowski. - Je ne contesterai pas la réalité d'une crise qui, par sa vitesse de propagation et son extension, est la plus inquiétante qu'ait connue le monde depuis 1945. Je ne dirai rien non plus des efforts accomplis par le Gouvernement pour y faire face, même si je les soutiens ; M. Novelli les défendra mieux que je ne saurais le faire. J'interviendrai en ma qualité de président du groupe d'étude sur l'énergie du Sénat : je veux vous convaincre que cette proposition de surtaxer les entreprises du secteur de l'énergie est une bien mauvaise idée.
Il est vrai que ces entreprises sont relativement épargnées par la crise et que leurs résultats financiers sont plutôt enviables. Mais il serait erroné de les considérer comme des vaches à lait dans la trésorerie desquelles on pourrait puiser pour boucher les trous du budget de l'État. (M. Bernard Piras se gausse)
Il y a d'abord une question de principe. Quand les bénéfices d'une entreprise augmentent, il est normal qu'elle acquitte davantage d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle. Mais il serait contraire aux principes de stabilité et de prévisibilité de l'impôt d'en tirer argument pour les contraindre à une contribution exceptionnelle, par essence suspecte et de nature à les inciter à délocaliser à l'étranger, soit leurs bénéfices, soit leurs investissements.
Au-delà, cette contribution exceptionnelle serait une grave erreur économique. Vous savez bien que les résultats impressionnants de Total ou de GDF-Suez en 2008 sont dus à la hausse des prix des hydrocarbures, qui se sont depuis effondrés ; les résultats 2009 seront certainement moins flamboyants. Plus fondamentalement, les entreprises du secteur doivent disposer de ressources financières importantes pour faire face à leurs besoins d'investissement à long terme. GDF-Suez a investi en 2008 11,8 milliards d'euros, dont 3 en France ; Total, 12,4 milliards, dont 1,7 en France. La prospection des hydrocarbures nécessite un effort financier constant, dont les coûts marginaux augmentent toujours, un effort indépendant du niveau des cours et de celui des résultats. Ce serait rendre un bien mauvais service à ces entreprises de les soumettre à une surtaxation dont les seuls bénéficiaires seraient leurs concurrents étrangers.
Si je suis votre raisonnement, il serait logique de taxer aussi EDF, dont les résultats ont atteint en 2008 4,3 milliards d'euros. Mais son PDG, reçu par notre groupe d'études, nous a fait part des besoins colossaux d'investissement de l'entreprise pour assurer l'indépendance énergétique de la France et renouveler notre parc électronucléaire. EDF va investir 8 milliards en 2009 et au moins 4 milliards par an pendant dix ans, tandis que son endettement a malheureusement augmenté de 4 milliards. C'est dire que surtaxer ses résultats serait tout sauf pertinent. J'aurais pu également citer Alstom, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 18,7 milliards d'euros et un résultat de 1,1 milliard dans ses deux métiers du transport et de l'énergie. Veut-on aussi pénaliser ce fleuron de note économie ?
Les flux d'énergie irriguent tout notre tissu économique ; si la consommation de l'industrie marque le pas, celle des ménages continue d'augmenter. Instituer une contribution exceptionnelle serait contreproductif, il faut que les entreprises du secteur de l'énergie demeurent en bonne santé financière pour préserver leur capacité d'investissement, continuer à contribuer à l'indépendance énergétique du pays, être en état de réagir rapidement lorsque les premiers signes de reprise se feront sentir. Il n'y a pas de solution miracle pour combler les déficits publics. Il est légitime que les entreprises participent normalement au financement des charges publiques en acquittant les impôts auxquels elles sont tenues ; il n'y a pas de raison de les désigner comme boucs émissaires. (Applaudissements à droite)
M. Aymeri de Montesquiou. - Si tous les secteurs sont frappés par la crise, celui de l'énergie affiche en 2008 des résultats considérables, en notable augmentation par rapport à 2007 : 14 milliards d'euros pour Total, 6,5 pour GDF-Suez, plus de 5 pour EDF. Ces entreprises sont parmi les plus performantes du monde : Total est le quatrième groupe pétrolier mondial, EDF le premier groupe de création et d'approvisionnement électrique, Areva est présent dans plus de 40 pays.
Cette prospérité conduit à s'interroger sur la pertinence d'une surtaxation de leurs résultats, afin de les faire participer à la lutte contre les effets de la crise. Prenons garde toutefois à ne pas les affaiblir dans la très dure compétition internationale.
Conformément à l'article 34 de la Constitution, c'est bien au Parlement, qui a adopté les mesures du plan de relance et le projet de loi de finances rectificative pour 2009, de décider du principe d'une participation du secteur à l'effort de la Nation.
Cet appel à la solidarité nationale, qui pourrait corriger les effets mal adaptés au contexte de crise du bouclier fiscal, peut prendre une forme soit contraignante, par l'établissement d'une taxe additionnelle exceptionnelle, soit partenariale, par une incitation fiscale.
Dans la première hypothèse, on pourrait envisager l'établissement par le Parlement d'une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés à condition qu'elle soit temporaire, que son assiette soit la plus large possible et que son taux ne porte pas atteinte à la gestion et aux investissements des entreprises concernées. Il reviendrait à l'État d'affecter le produit de cette taxe.
Mais alors que la France est le deuxième État le plus imposé de l'Union européenne (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, le confirme), ne serait-il pas contreproductif d'aggraver la fiscalité des entreprises, qui représentent des centaines de milliers d'emplois, au risque de les inciter à délocaliser leur siège social. Rappelons-nous que sous le gouvernement Jospin, alors que M. Fabius était ministre de l'économie, la holding Renault a été implantée aux Pays-Bas où la fiscalité était plus clémente. (On apprécie à droite)
Si la proposition de M. Rebsamen peut sembler au premier abord séduisante, il convient de bien peser les risques induits. Quand l'État ne détient aucune participation financière et n'a donc pas son mot à dire dans la localisation du siège, ils sont réels. Il est des pays beaucoup plus attractifs que le nôtre. Sans aller jusqu'aux territoires figurant sur la liste des paradis fiscaux dressée lors du dernier G20, on peut penser à certains membres à part entière ou associés de l'Union européenne.
Alors que la France aurait besoin d'une réforme approfondie et durable de sa fiscalité, gardons-nous, en forgeant une fiscalité au gré des circonstances, de faire fuir les fleurons de notre industrie. On sait que le plus souvent, la recherche et l'innovation, qui doivent être tout particulièrement encouragées dans le domaine de l'énergie, sont liées au siège. Évitons de contrecarrer les efforts de nos entreprises dans un contexte de compétitivité acharnée entre grands.
Pour toutes ces raisons, l'incitation fiscale a la préférence du groupe RDSE. Une libre participation financière des entreprises des grands groupes du secteur énergétique trouverait sa contrepartie dans des avantages fiscaux liés au développement de l'activité, la recherche et développement, l'innovation, la participation au capital de start-up ou le mécénat. Cette participation pourrait être directement affectée à des fonds ou à des actions ciblées comme l'aide au financement de la formation par des stages, le soutien à des PME sous-traitantes. Les investissements pourraient également être orientés vers les BOT (Build-operate transfer), ce qui permettrait un retour structurel sur investissement préparant l'avenir.
Le débat reste ouvert. Vu l'urgence de la situation, souhaitons qu'avec l'accord du Gouvernement, le Sénat soit à même de proposer sans tarder des propositions innovantes et adaptées à la situation de crise, fondées sur trois piliers chers à mon groupe : souplesse fiscale, efficacité économique et justice sociale.
Puisque nous sommes en période de guerre économique, permettez-moi de citer Winston Churchill qui dirigea son pays dans une guerre autrement redoutable : « On considère le chef d'entreprise comme un homme à abattre ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char ». (Applaudissements au centre et à droite.)
M. François Patriat. - Notre proposition de loi n'est ni manichéenne, ni démagogique. Le bon sens et l'équité ne sont pas le monopole de la majorité. Il n'y a pas d'un côté, des parlementaires soucieux de diminuer les charges sur les entreprises, de l'autre des parangons de l'impôt qui ne penseraient qu'à charger la barque.
M. Ladislas Poniatowski. - Un peu quand même.
M. François Patriat. - Est-il interdit de considérer que, depuis 2007, la situation a changé, et que les certitudes d'hier doivent faire place à d'autres ? Le choc de confiance que devait provoquer la loi Tepa n'a produit ni relance, ni croissance, mais n'a fait au contraire qu'aggraver une situation systémique qui porte à l'outrance économique.
Les grandes entreprises payent l'impôt, nous dit M. Poniatowski, elles participent donc à l'effort de solidarité. Oublie-t-il combien durement le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée a frappé les collectivités locales ? En Bourgogne, ce sont 20 millions d'euros de moins-values, qui auraient pu accompagner le plan de relance, auquel le Gouvernement nous demande de participer pour moitié après avoir bloqué nos ressources.
Oublie-t-il que les géants du Cac 40 ont engrangé, depuis cinq ans, 220 millions d'euros de profits par jour ? Oublie-t-il que les grandes entreprises peuvent jouer à plein la carte de la mondialisation, qui ne profite pas, c'est un euphémisme, au reste de l'économie ? Alors que c'est le dynamisme des PME qui est créateur d'emplois nouveaux, leur taux de profit, avant la déflagration boursière de 2008, était au plus bas depuis dix ans.
D'un côté, donc, des entreprises prospères, avec des actionnaires choyés et des dirigeants surpayés, de l'autre, une économie à bout de souffle, frappée par la précarité, mitée de CDD et d'intérim.
Une contribution exceptionnelle, limitée dans le temps, permettrait de renforcer l'investissement dans les nouveaux secteurs de l'économie. Pourquoi en refuser le principe ?
La politique fiscale est une arme anticrise, incontournable dans un plan de relance. Mais la majorité a rejeté toutes nos propositions en ce sens, qu'elles portent sur la fiscalité des ménages ou celle des entreprises. C'est cette arme qui manque aussi aujourd'hui au plan de relance européen. C'est la fiscalité qui détermine la capacité de nos régions, je l'ai dit, à agir pour l'investissement et l'emploi.
A en croire les déclarations de M. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, il faudrait se réjouir des 13 milliards de bénéfices de Total, lesquels signifieraient une assiette supplémentaire de 13 milliards d'impôt sur les sociétés pour l'État. Mais Total ne réalise que 5 % de ses profits en France. Combien le groupe verse-t-il à l'État français, monsieur le ministre ? Nous resservirez-vous le chantage des délocalisations ? « Une contribution sur les profits fera fuir les entreprises ». Mais ce sont les consommateurs français qui ont payé leurs superprofits. Quand les prix du pétrole ont augmenté, leur a-t-on demandé d'acquitter une taxe ? (On approuve sur les bancs socialistes) Un peu de décence, que diable ! D'autres pays, pourtant, l'ont fait. Le gouvernement britannique l'a fait. Il a institué une taxe sur les superprofits.
Les revenus de Total constituent une « rente ricardienne », celle dont bénéficie une entreprise qui détient un accès exclusif à une ressource non reproductible. C'est en effet une pure rente : au-delà de 15 dollars le baril, tout est profit pour le groupe. Mais les ressources pétrolières étant limitées, les capacités d'investissement le sont aussi. Il serait sain de permettre la restitution de ces capitaux pour qu'ils soient investis dans les secteurs où ils seront plus productifs, dans le développement et l'innovation, aujourd'hui délaissés.
La production des grands groupes, qui réalisent les profits, repose sur un éventail de sous-traitants auxquels ils font subir toute la pression. Et vous nous dites qu'il serait mal venu, aujourd'hui, d'instituer une taxe exceptionnelle ? Faites-le donc, en nous en imputant la responsabilité, nous sommes prêts à l'endosser ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Houpert. - Ne confondons pas les objectifs et les moyens. L'énergie est aujourd'hui l'unité de transformation du monde et 35 % de cette énergie provient du pétrole. Il serait indécent de consommer sans compter ce que la terre a mis des millions d'années à produire. Plutôt que de tempêter contre les profits de Total, mieux vaudrait aider à une évolution des comportements de consommation, sans pénaliser cependant les entreprises qui montent.
Qu'est-ce qu'un superprofit sinon un profit conjoncturel ? A vouloir stigmatiser des entreprises comme Total, vous faites peser sur l'ensemble d'un secteur le poids de vos préjugés. Certaines entreprises du secteur de l'énergie ont dégagé des profits en 2008 : 13 milliards pour Total, 6,5 pour GDF-Suez. Pourquoi n'avez-vous pas aussi mentionné EDF, Areva, Poweo ? Les autres sociétés du secteur de l'énergie comme Altergaz ou Sebdo, tout juste bénéficiaires en 2008, Vergnet qui perd 5,9 millions mériteraient tout autant votre attention... même si elles se consacrent à la fourniture de gaz naturel et à la production d'énergie solaire ou éolienne. Les grandes entreprises énergétiques, très différentes les unes les autres, et ne méritant pas toutes les honneurs de vos préjugés, sont confrontées à des problèmes semblables comme la forte fluctuation des cours des matières premières : le baril de pétrole est passé de 146 à 35 euros en quelques semaines. L'enjeu pour ces entreprises est de pouvoir investir sur le long terme en assurant une certaine stabilité des prix au consommateur. Leurs marges dépendent essentiellement de coûts d'approvisionnement aléatoires. Quel sens aurait une taxe franco-française pour des multinationales réalisant l'essentiel de leurs bénéfices dans les activités de production à l'étranger ?
Les entreprises de l'énergie sont présentes en France essentiellement dans la distribution et la production d'énergie alternative. En Côte-d'Or, ce sont plus de 300 entreprises et 4 000 emplois. Imposer une taxe aux seules entreprises françaises augmenterait les coûts de la distribution et de la production d'énergies alternatives. Est-ce bien raisonnable ?
Créer une nouvelle taxe, c'est envoyer un mauvais signal au consommateur qui au final, comme payeur, est perdant, et vous ne pouvez pas demander en même temps la baisse du prix de l'énergie et la création d'une nouvelle taxe. Ce sont les petits revenus qui supporteront in fine cette taxe qui sera directement répercutée sur les prix de revient des entreprises et, de facto, sur les consommateurs. Les plus faibles sont obligés de continuer à se chauffer au fioul, ils n'ont pas les moyens d'installer une chaudière à condensation, une chaudière bois ou des panneaux solaires. Il n'appartient pas aux élus de la Nation de renchérir le prix de l'énergie, alors que l'État prélève déjà jusqu'à 50 % du prix de l'essence. Certains de nos villages souffrent suffisamment de l'éloignement, pour ne pas supporter une nouvelle hausse du prix de l'essence. Certaines personnes âgées de nos villages souffrent suffisamment du froid, pour ne pas supporter une nouvelle hausse du prix du fuel !
M. David Assouline. - Mais qui parle de ça ?
M. Alain Houpert. - Plutôt que contre les entreprises, mieux vaut prendre des mesures en faveur du consommateur -crédit d'impôt pour l'isolation des logements, pour l'adaptation des systèmes de chauffage, prime à la cuve. Mais il faut aller plus loin. Monsieur le ministre, vous avez décidé de doubler la prime à la cuve de 75 à 150 euros, pour alléger la facture des ménages. De plus, aujourd'hui, en France, les consommateurs bénéficient d'un prix à la pompe plus faible que dans le reste de l'Europe. C'est le résultat des efforts du Gouvernement !
Une contribution des grandes entreprises serait un mauvais signal envoyé à tous les acteurs du marché de l'énergie. Pour stabiliser les prix, susciter l'investissement et la concurrence, encore faut-il une certaine sécurité fiscale. En France, de nombreux entrepreneurs s'engagent dans la production d'énergie durable -bois, éolien, carburants verts-, et nous allons voir émerger de grandes entreprises. L'État doit garantir une sécurité fiscale favorable aux investissements et, aussi, orienter ces investissements. Plutôt que de condamner le secteur de l'énergie, nous devons nous le réapproprier. Par exemple, en élargissant les conditions d'éligibilité au crédit impôt-recherche. Refusez-vous d'accompagner ces changements décisifs pour les générations à venir ? Ne voyez-vous pas quel est le sens de l'histoire ? Dans nos territoires, la production d'électricité d'origine thermique -à base de paille ou de bois- est une voie d'avenir, un vivier d'emplois potentiels au sein d'établissements qui, dans certaines communes, représentent parfois la seule source de taxe professionnelle. Ces nouvelles sources énergie permettront de relocaliser l'économie dans nos territoires et d'éviter les mouvements pendulaires villes-campagnes.
Pendant trop longtemps le pays a été trop frileux pour orienter les investissements vers des métiers d'avenir. Le vrai problème en France, en Bourgogne ou à Dijon... ce n'est pas la prospérité de certaines entreprises, c'est la gestion calamiteuse de l'argent public, c'est l'impérieuse nécessité pour les collectivités de trouver de nouvelles sources de financement, et de sortir d'une gestion court-termiste. Alors que nous vivons de profondes mutations de nos comportements, tant en ce qui concerne la production que la consommation d'énergie, vous proposez de créer de nouvelles taxes qui vont à l'encontre du sens de l'histoire ! Il faut faire des propositions plus proches du vécu des Français... (Applaudissements à droite)
M. David Assouline. - Chaque parlementaire, chaque élu de notre pays est confronté à la triste réalité de la crise sociale qui frappe aujourd'hui les Français. Dans ses permanences, dans ses visites de terrain, il mesure la gravité de cette crise à la multiplication des demandes d'intervention auprès des services sociaux liées à l'impossibilité pour des salariés, de payer le loyer, la cantine des enfants, les factures d'eau ou d'électricité, sans parler du nombre croissant de bons d'alimentation distribués par les mairies.
Votre Gouvernement a la responsabilité de tout faire pour préserver la cohésion de la société française en évitant à des centaines de milliers de ménages de connaître la précarité et la détresse. C'est d'ailleurs le sens de l'appel que lançait le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, aux gouvernements de la zone Euro, lundi dernier, en pronostiquant « une crise sociale » en Europe du fait de la forte hausse attendue du chômage. « Tous les efforts doivent être orientés vers l'encadrement social et économique de cette situation » a-t-il affirmé, en invitant les gouvernements à amortir le choc pour les salariés licenciés, et les chefs d'entreprise à éviter « les licenciements massifs et prématurés » en faisant preuve « de responsabilité sociale ».
C'est, depuis déjà plusieurs semaines, le sens des politiques des collectivités locales dirigées par la gauche qui, malgré le désengagement financier de l'État et la paupérisation organisée des services publics, déploient des moyens exceptionnels en faveur de l'économie et de l'emploi de leurs territoires : ainsi un conseil général aux moyens limités comme celui de l'Ardèche mobilise-t-il 106 millions alors que celui des Bouches-du-Rhône en réunit un milliard ; ainsi la Ville de Paris apporte-t-elle sa garantie à 57 millions de crédits réservés aux PME alors que le conseil régional de Poitou-Charentes a voté, il y a quelques jours, l'entrée de la région au capital d'Heuliez à hauteur de 5 millions.
Or, dans le même temps, qu'observent les 50 000 nouveaux chômeurs qui s'inscrivent à Pôle emploi, chaque mois, dans les conditions déplorables à cause de votre restructuration du service public de l'emploi ? Ils voient Dexia, sauvée de la faillite par les gouvernements belge et français au prix de 6,4 milliards de crédits publics, distribuer 8 millions de primes à ses cadres et dirigeants français. Ils voient les banques, aux bilans plombés par leurs engagements dans des produits financiers complexes, demander à l'Autorité des marchés financiers d'agréer de nouveaux produits de ce type. Ils subissent aussi la pression accrue des directions des grandes entreprises pour diminuer, toujours plus, les coûts et accroître, toujours plus, les rendements.
Ils voient, dans le même temps, les mêmes multinationales du CAC 40 rendre publics des résultats en baisse -globalement de 42 % entre 2007 et 2008- et gratifier tout de même leurs actionnaires de dividendes au moins aussi élevés que l'année passée. Les sociétés cotées au CAC 40 ont distribué, au titre de l'exercice 2008, près des deux tiers de leurs bénéfices nets en dividendes, soit 37,5 milliards.
Ce choix des grands groupes en faveur de la rémunération du capital, malgré une récession économique historique, est conforme à l'orientation prise par les entreprises depuis le début des années 90 au détriment de leur capacité propre d'investir et, donc, de développer leur activité. Le directeur général de l'Insee, Jean-Philippe Cotis, missionné par le Président de la République pour étudier l'évolution du partage de la valeur ajoutée ces dernières années, montre dans son rapport que « les dividendes nets représentent 16 % de l'excédent brut d'exploitation des sociétés non financières en 2007 contre seulement 7 % en 1993 ».
Cette explosion des profits financiers au détriment de l'investissement dans le capital productif s'est accompagnée d'une dérive exponentielle des plus hautes rémunérations -celles supérieures à 200 000 euros annuels- dont la part dans la masse salariale n'a cessé de progresser au cours des dix dernières années.
Dans ce contexte, la question de François Rebsamen est de celles que se posent, tous les jours, beaucoup de nos concitoyens, qu'ils soient artisans ou patrons de PME réduits au dépôt de bilan à cause de banques ayant coupé le robinet du crédit, ou qu'ils soient salariés menacés par le chômage et la précarité. Votre réponse est donc attendue bien au-delà de ces bancs.
Elle est attendue notamment par les centaines de salariés de Total, victimes de la restructuration des branches « pétrochimie » et « raffinage » en France, que le quatrième groupe pétrolier mondial a eu l'indécence de rendre publique en même temps que l'annonce d'un résultat net pour 2008 constituant le plus important bénéfice jamais réalisé par une entreprise française en valeur, soit 13,92 milliards.
Que la France dispose, dans un secteur aussi stratégique que l'énergie, d'un incontestable leader mondial, que l'activité de cette entreprise soit très profitable, personne ne s'en plaindra. Mais que cette rentabilité, qui est le fruit du travail et des efforts de productivité des milliers de salariés de Total, enrichisse principalement les actionnaires, pose problème. Ce n'est pas le bénéfice de Total qui est en cause, mais la manière dont les dirigeants du groupe ont décidé de le répartir : en distribuant un dividende total de 5,4 milliards, Total s'installe résolument comme le « champion des dividendes » du CAC 40, pour reprendre les termes d'un hebdomadaire financier.
Ces 5,4 milliards sont à comparer aux 109 millions versés aux employés au titre de l'épargne salariale et aux 50 millions que le groupe pétrolier a généreusement proposé d'affecter au Fonds d'investissement des expérimentations pour les jeunes.
M. Daniel Raoul - Sur cinq ans !
M. David Assouline. - M. Wauquiez peut ainsi faire semblant de ne pas avoir crié en vain au scandale. Quant aux jeunes auxquels le plan de Martin Hirsch offre quelques centaines de contrats aidés, précaires et sous-qualifiés, quant aux salariés des sites de Total touchés par les 550 suppressions de postes prévues, quant à ceux des sous-traitants et des fournisseurs des activités concernées du géant pétrolier, ils n'ont qu'à ravaler en silence leur humiliation.
Pour éviter que le silence de l'humiliation ne se transforme en révolte, il faudrait que le Gouvernement renonce à cette politique fiscale de classe. Lorsque des responsables politiques de droite du niveau et de la compétence d'Alain Juppé préconisent de suspendre l'application du bouclier fiscal, il est révoltant de voir dans un grand quotidien le secrétaire général de l'UMP affirmer qu'augmenter les impôts serait « une absurdité ». Allez-vous rester dans votre prison doctrinaire ? Ôtez vos oeillères !
Si M. Sarkozy veut sortir de la posture du volontarisme pour réellement agir en faveur de l'intérêt général, il lui reste à prendre des mesures courageuses et déterminées. Comme l'écrivait Condorcet en 1777, « la première règle de la politique, c'est la justice. La seconde, c'est la justice. La troisième, c'est encore d'être juste ». De cette maxime, la République devrait faire un impératif catégorique ! (Applaudissements à gauche)
M. Ladislas Poniatowski. - Nous faire traiter de doctrinaires par M. Assouline, cela ne manque pas de sel !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Le Gouvernement partage nombre des réflexions entendues ce matin, même s'il ne partage pas les conclusions que M. Rebsamen en tire.
Nous sommes d'accord sur le constat de la crise, dont personne n'a dit qu'elle serait due à la politique du Gouvernement. Vous avez fini par admettre que la crise financière s'est imposée à nous. Nous rassemble aussi le constat qu'il est sain que les entreprises, grandes ou petites, fassent des bénéfices. J'apprécie que vous reconnaissiez enfin la réalité. Quand une entreprise fait des pertes, l'effet s'en ressent sur le territoire puis c'est le pays qui est frappé.
Nous devons tirer une légitime fierté des activités de nos entreprises, particulièrement de celles du secteur de l'énergie, qui remportent d'importants contrats à l'exportation.
Vous pointez du doigt les bénéfices de Total en 2008 mais vous omettez de dire qu'au premier trimestre 2009 ceux-ci ont diminué de 40 %.
M. David Assouline. - Pourquoi alors avoir distribué de tels dividendes ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ne regardez pas que les chiffres qui vous arrangent !
Est-il opportun de taxer des profits qui viennent de diminuer de moitié ? Et puis il faudrait analyser la genèse de ces profits. Vous verriez alors qu'ils n'ont pas été payés par les consommateurs. L'électricité coûte 20 % moins cher en France que dans les autres pays européens et le gaz 10 %. La hausse des tarifs de l'électricité en 2008 a été inférieure à l'inflation : 2 % contre 3,6 %. Quant à l'évolution du prix du gaz, elle est due à l'application de la formule tarifaire approuvée par la Commission de régulation de l'énergie. La hausse de 2008 n'a fait que répercuter strictement l'augmentation du prix de l'approvisionnement. Nous avons gelé le prix du gaz pour l'hiver 2008-2009, que cette formule aurait conduit à relever. Et nous avons répercuté dès que possible la baise du prix du pétrole : au 1er avril. Les engagements des pétroliers ont été respectés ; un point hebdomadaire est fait à Bercy.
En fait, les profits de Gaz de France-Suez et de Total sont principalement dus à leur activité hors de France. Pour Total, la France représente moins de 5 % de ses résultats nets ; pour Gaz de France, c'est moins de 20 %.
Ce sont les plus faibles qui supportent le plus mal ces hausses de prix ? C'est l'évidence même. Mais le Gouvernement a réagi. Nous avons élargi les critères d'éligibilité au tarif social de l'électricité. Le nombre de foyers concernés est passé d'1,1 à 2 millions. Nous avons créé en août dernier un tarif social du gaz, avec une réduction forfaitaire de 120 euros. Et n'oubliez pas la prime à la cuve, passée de 150 euros en 2007-2008 à 200 euros, qui touche 830 000 foyers.
Vous proférez une contre-vérité en parlant de licenciements chez Total. Il y a bien eu 550 postes supprimés mais sans licenciement. Et Total investit un milliard pour élargir son marché, ainsi que vers l'énergie solaire et le photovoltaïque. Et la France bénéficie de 10 % de ses investissements alors que le groupe n'y réalise que 5 % de ses profits.
Vous minimisez les 50 millions que Total va donner en cinq ans au projet de Martin Hirsch. Ce n'est pas rien et cela n'avait rien d'obligatoire. La désinvolture de votre critique est donc déplacée.
M. David Assouline. - C'est la mesure qui est désinvolte !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Cette grande entreprise contribue aussi au plan de relance, pour 1,5 milliard en 2009, tandis qu'EDF y apporte 2 milliards. C'est aussi pour l'accompagnement des PME à l'exportation que Total est exemplaire.
Total contribue à leur croissance à l'international.
François Rebsamen propose une contribution exceptionnelle fondée sur les bénéfices.
M. François Rebsamen. - Et temporaire.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Vous avez confiance en la bonté naturelle de la nature humaine. Je vous rappelle que la vignette, créée à titre temporaire en 1951, n'a été supprimée qu'en 2001 !
M. David Assouline. - par les socialistes !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ce qui est exceptionnel risque de durer. La fièvre fiscale qui vous étreint peut, tout comme d'autres fièvres, être dangereuse...
M. David Assouline. - Dites-le à Barack Obama !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les bénéfices des entreprises du secteur de l'énergie sont taxés aux mêmes conditions que ceux des autres entreprises, soit 33,33 %, auxquels s'ajoute la contribution sociale, ce qui fait un taux effectif d'imposition de 34,43 %. Sur ce point, la France ne se trouve pas dans une position favorable par rapport à ses partenaires européens, et une taxation excessive risque de provoquer des dérives.
En outre, les bénéfices annoncés par les grandes entreprises de l'énergie sont des résultats mondiaux, dont une majeure partie n'a pas été réalisée sur notre territoire et n'est donc pas imposable en France. En cas d'option pour les bénéfices mondiaux consolidés, il faut déduire les impôts réglés à l'étranger. Les taxes sur l'exploration et la production d'énergie peuvent y atteindre des montants importants -jusqu'à 50 % en Russie. Enfin, en tant qu'actionnaire de GDF-Suez, l'État a perçu 1,7 milliard de dividendes en 2008.
De nombreux sénateurs de gauche ont parlé d'envol des inégalités. Je n'ai pas la même interprétation de l'étude de l'Insee et du rapport Cotis. Selon l'institut, le rapport entre les 10 % des salariés les mieux rémunérés et les 10 % les moins bien rémunérés est resté stable durant les quatre dernières années.
M. David Assouline. - Ce n'est pas vrai sur les vingt dernières années !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les chiffres publiés aujourd'hui indiquent que le rapport entre la croissance des rémunérations aux deux extrémités de la hiérarchie des salaires ne s'est accru que de 2,5 % entre 1996 et 2006.
Le président Poniatowski a brillamment démontré le caractère inopportun d'une telle taxation. Le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays nous place déjà en tête des pays de l'OCDE. Puiser, même temporairement, dans les poches de nos concitoyens ou des entreprises ne nous aidera pas à sortir de la crise.
M. David Assouline. - C'est du libéralisme pur !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Il faut augmenter l'attractivité de notre territoire, car seule l'activité économique crée de l'emploi et de la richesse.
M. David Assouline. - Doctrine ! Sectarisme !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Si vous découragez celle-ci, elle se venge. Vous l'avez démontré lorsque vous étiez au pouvoir. (Protestations sur les bancs socialistes, applaudissements sur les bancs de l'UMP) Le Gouvernement maintient sa position et ne souhaite pas augmenter la contribution fiscale de ces entreprises. (Applaudissements à droite et au centre)
M. François Rebsamen, auteur de la question. - Je remercie mes collègues pour leur participation à ce débat, et les sénateurs de gauche de leur soutien à ma démarche. Monsieur le ministre, vous avez très bien commencé votre intervention en rappelant un constat partagé, puis votre ultralibéralisme -voire une certaine agressivité- a pris le dessus ! Nous marquerons encore un point devant l'opinion, car on ne peut écarter cette question d'un revers de main.
Ne croyez pas que les élus que nous sommes ne connaissent pas la vie des entreprises : nous en rencontrons tous les jours dans nos collectivités, notamment lorsque nous assurons une médiation entre les organisations syndicales et les patrons qui licencient. Monsieur Houpert, vous confondez les entreprises du CAC 40 et nos PME de Côte-d'Or ! Aucune des entreprises du département dont nous sommes tous deux élus ne serait touchée par cette contribution. En outre, vous parlez de taxe, ce qui crée une confusion.
Monsieur le ministre, ce type de contribution exceptionnelle est appliqué dans certains pays de l'Union européenne, notamment au Portugal. Vous parlez d'une baisse des bénéfices de Total au premier trimestre, mais ceux-ci s'élèvent tout de même à 2,11 milliards d'euros ! En outre, on a comparé à tort EDF et Total, on a cherché à nous faire pleurer sur le sort de Total, et on a même parlé d'augmenter le prix de l'essence... Restons dans le cadre de notre proposition : une mesure temporaire adaptée à une situation exceptionnelle.
Vous êtes vous aussi frappé d'une fièvre, celle du déficit ! Vous le savez, il faudra bien trouver des recettes, soit par l'inflation, soit par l'augmentation des impôts. Notre contribution correspond à un juste retour pour participer à l'effort d'innovation, comme l'a fait EDF, qui a versé 2,5 milliards pour faire face à la crise. Total y échapperait parce que c'est une entreprise privée, et se contenterait de verser 50 millions en cinq ans ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - 1,5 milliard.
M. François Rebsamen, auteur de la question. - Vous craignez de faire fuir Total... Mais la vie de cette entreprise est liée à la France, où elle va être associée au secteur du nucléaire et où elle réalise 20 % de ses 14 milliards de bénéfices. Leur taxation aurait pu rapporter 800 millions, ce qui serait préférable à la suppression de 550 emplois...
Votre défense, quasi idéologique, vous a fait vous enflammer et perdre le ton courtois que vous aviez au début de ce débat. Votre position est dépassée en cette période de crise. Un jour, vous devrez vous rallier à la nôtre. (Applaudissements à gauche)
Permis de conduire à points
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, présentée par MM. Nicolas About et Pierre Jarlier, tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire.
Discussion générale
M. Nicolas About, auteur de la proposition de loi. - Adversaire affirmé des excès de vitesse, je suis partisan de peines applicables avec ce tact et cette mesure qu'on demande aux médecins : je demande du sérieux et de la cohérence dans les efforts.
En matière de sécurité routière, les actions des pouvoirs publics se sont, dès l'origine, appuyées sur des études indépendantes. L'accidentologie montre que l'alcool reste la première cause d'accident, la vitesse constituant un facteur aggravant. Le comportement de nos concitoyens, lui, s'est sensiblement amélioré, le port de la ceinture étant désormais respecté par 97 % d'entre eux.
Depuis une vingtaine d'années, on a mis l'accent sur le facteur humain et la localisation a été négligée -il y a une logique à cela. On sait pourtant que 65 % des accidents surviennent sur des routes départementales, 6 % sur les autoroutes et 12 % sur les routes nationales. En dépit de la densité du trafic, le milieu urbain connaît moins d'accidents que le milieu rural, où la fluidité du trafic favorise la vitesse... et les accidents, notamment sur des obstacles fixes. On sait enfin que rouler de nuit est un facteur aggravant : la nuit représente 10 % du trafic, mais 34 % des blessés et 45 % des tués.
Il en découle logiquement trois priorités : alcool, vitesse et ciblage en fonction des critères de temps et de lieu. Pourquoi alors avoir modifié les leviers traditionnels qui avaient prouvé leur efficacité ? En implantant les radars automatiques sur les grandes routes, l'État n'abandonne-t-il pas les grandes priorités qu'il s'était fixées ? La répression routière devient de plus en plus féroce, dans quel objectif ?
La multiplication des radars automatiques industrialise les sanctions au détriment des conducteurs de bonne volonté. On a en 2008 retiré 9 millions de points pour 4,5 millions d'infractions. L'augmentation de la part des excès de vitesse pourrait être un motif de satisfaction si 80 % des retraits ne concernaient des infractions d'un point, soit de petits dépassements de vitesse. Le nombre des grands excès, loin d'avoir baissé, a crû au deuxième quadrimestre 2008.
Les conducteurs de bonne volonté sont sanctionnés à l'aveugle, ce qui les contraint à rouler les yeux rivés au compteur de vitesse. Ils sont immédiatement sanctionnés lorsqu'ils mordent la ligne blanche pour dépasser un deux roues, qu'ils n'ont pas la ceinture pour sortir d'une place de stationnement trop étroite, ou qu'ils profitent d'un feu rouge pour prendre leur téléphone et prévenir leurs correspondants qu'ils les rappelleront plus tard.
Cela aboutit à une invalidation du permis, qui est une peine très lourde. Aussi la Cour européenne des droits de l'homme a-t-elle rappelé en 1998 que le retrait de points constituait une sanction pénale et non une mesure administrative. Le permis est en effet un gage d'autonomie et il conditionne souvent l'obtention et la conservation d'un emploi. La loi du 1er août 2008 ne prévoit-elle pas qu'une offre d'emploi raisonnable est située à moins de 30 kilomètres du domicile du demandeur ?
Le site du ministère de l'intérieur annonce pourtant triomphalement que 98 057 permis ont été invalidés en 2008, soit une hausse de 560 % depuis 2002. Qui peut s'en réjouir en ces temps de crise ?
Les entraves répétées à la circulation ont de graves conséquences. Elles poussent d'abord les gens à choisir des deux roues, motorisés ou non, alors que c'est le mode de transport le plus dangereux avec 1 % du trafic mais 18 % des tués. Où est le gain en matière de sécurité ? Deuxièmement, certains conducteurs se rabattent sur les voitures sans permis, ce qui, par un curieux paradoxe augmente le trafic sur les axes les plus dangereux puisqu'ils n'ont plus le droit d'emprunter les autoroutes, plus sûres : quand on détourne ainsi 1 % du trafic, on augmente d'autant le nombre de tués. Quelle belle logique ! Troisièmement, certains roulent sans permis de conduire ; ils sont bien plus que les 33 000 qui ont été identifiés à l'occasion de contrôles. Ils représentent un risque pour la collectivité et pour eux-mêmes, puisque le Fonds de garantie, au lieu de les prendre en charge, se retournera contre eux.
L'excès de sanction peut transformer le conducteur ordinaire en délinquant de la route. L'automatisation de la peine représente une dérive de la politique de sécurité routière car, en abandonnant la lutte contre la grande délinquance routière et la prise de risques excessive, les pouvoirs publics se sont affranchis de façon simple et rentable des priorités qu'ils s'étaient fixées.
Ma proposition vise à revenir à une adéquation entre le risque et la sanction. On ne peut pas faire respecter des règles qui n'ont pas de sens mais on creuse de la sorte le fossé entre nos citoyens et la police comme avec les pouvoirs publics, ce qui n'est pas bon pour la République. Le texte recherche donc une plus grande équité en limitant la répression contre les comportements qui ne provoquent pas de risque pour la collectivité, et en l'aggravant pour ceux qui sont véritablement dangereux. Il s'agit d'abord de réformer le système de retrait de points sans remettre en cause le principe du permis à points, en supprimant le retrait de point en cas de dépassement de la vitesse autorisée inférieur à 5 kilomètre-heure. L'amende, elle, demeurerait applicable. Le texte prévoyait également la restitution immédiate des points ainsi retirés, mais j'ai déposé un amendement de suppression pour qu'on n'en prenne pas argument pour refuser l'ensemble du texte.
On peut s'interroger sur l'aggravation des sanctions en matière d'obligation du port de la ceinture de sécurité. En tant que médecin, je ne nie pas le caractère nécessaire du port de la ceinture, mais il convient d'être le plus juste et le plus objectif possible en matière de sanction. Si le bouclage de la ceinture réduit statistiquement le nombre total des morts par accident, son efficacité est loin d'être la même selon les risques encourus. Son efficacité dépend en grande partie de la vitesse au moment de l'accident. Comme l'ont démontré toutes les études, les forces mises en jeu varient avec la vitesse. Si les ceintures protègent d'un choc frontal à 50 km/h ou d'un choc latéral à 70 km/h, ce n'est plus du tout le cas à des vitesses plus élevées. De plus, le fait pour le conducteur de ne pas attacher sa ceinture ne fait courir aucun risque à autrui. Son sort est seul en cause. L'État peut-il dès lors interdire à l'automobiliste la liberté de choisir ce qu'il veut éviter ? Certains automobilistes ne cachent pas qu'en cas de choc à très grande vitesse, ils appréhendent plus de se trouver conscients et bloqués par leur ceinture que d'être assommés. Notons que, dans certains cas limites, le port de la ceinture peut entraîner la mort. Enfin, la neutralité pénale du non-port de la ceinture est incontestable. Elle repose sur l'absence de droit éminent de la collectivité sur les personnes physiques, dès lors que l'intérêt d'autrui n'est pas en cause. De ce fait la législation française ne sanctionne plus pénalement ni le suicide ni sa tentative malgré les dépenses sociales et sanitaires qu'ils peuvent engendrer. Toutefois, il est normal qu'en cas d'infraction, le contrevenant puisse encourir une sanction financière. Il nous faut donc supprimer la sanction pénale, au sens de la Cour européenne, que constitue le retrait de trois points du permis, en cas de non-port de la ceinture de sécurité.
Les Français passent en moyenne un peu moins de cinquante minutes par jour dans leur voiture. Si le port de la ceinture est si important pour eux en ville, comme le rappelle notre rapporteur dans son excellent rapport, pourquoi le pouvoir réglementaire en dispense-t-il tous ceux qui y passent plusieurs heures par jour ? Ainsi en est-il des chauffeurs de taxi, des postiers, des livreurs, des ambulanciers, sans parler des pompiers, des policiers et des gendarmes dont on peut comprendre l'obligation d'intervention rapide. Le pouvoir réglementaire estime-t-il que ces métiers protègent des chocs ces conducteurs permanents ? Ou bien le port de la ceinture serait-il une corvée si longue, pénible et insurmontable pour toutes ces professions ? Le pouvoir réglementaire peut-il être pris au sérieux alors qu'il punit d'une amende de 135 euros le non-port de la ceinture dans les taxis, sauf pour le conducteur, pour les enfants et pour les bébés, car on ne veut pas contraindre les chauffeurs à avoir des sièges adaptés ! Le pouvoir règlementaire semble ainsi admettre que pour ces trois catégories d'usagers, le risque d'être gravement blessé n'a aucune importance ! Surprenant ? Non. Incohérent ? Certainement ! Voilà pourquoi je vous propose de mettre fin à cette sanction qui, à elle seule, supprime la moitié des points d'un nouveau conducteur et le prive de la possibilité d'obtenir les six autres points avant une période de trois nouvelles années.
Votre rapporteur a évoqué dans son rapport la nécessité de revenir sur cette mesure même si elle n'a pas osé aller jusqu'à déposer un amendement au risque de s'attirer les foudres du ciel. (Mme Catherine Troendle s'exclame)
Dans un second volet, le dispositif est complété par un renforcement des sanctions à l'encontre des automobilistes présentant un comportement véritablement dangereux. Le fait de conduire sans permis ou sans assurance est puni mais il convient de renforcer ce dispositif.
Certains facteurs aggravants, révélés par l'accidentologie, ont été trop souvent négligés. L'un d'entre eux est celui du taux particulièrement élevé d'accidents mortels durant la nuit. Bien qu'elle ne représente que 10 % du trafic, la période nocturne génère presque la moitié des tués sur la route. Les associations des victimes de la route devraient se pencher sur ces chiffres ! Pour remédier à cette surmortalité routière la nuit, il faut des contrôles de l'alcoolémie nocturne plus fréquents, mais une telle décision dépend des pouvoirs publics et coûterait plus cher que des radars, et il faut réduire la vitesse, ce qui relève de la loi. Comme le démontre le rapport de la sécurité routière, la vitesse moyenne de nuit est plus élevée que de jour. Mais on va nous dire tout à l'heure qu'il ne faut surtout pas diminuer la vitesse de nuit parce que les accidents sont uniquement dus à la boisson ! Pourtant, cette mesure serait de nature à sauver de 700 à 900 vies sans parler des milliers de blessés en moins. On vous dira tout à l'heure que 1 km/h de moins, c'est 4 % de tués en moins.
Je compte sur vos amendements, ceux du rapporteur et pourquoi pas ceux du Gouvernement pour améliorer cette proposition de loi. Pourquoi ne pas aider les régions qui oeuvrent plus que les autres pour sauver des vies ? Est-il normal d'avoir trois fois plus de risque de mourir sur la route dans tel département que dans tel autre ? Pourquoi ne pas accélérer la suppression des passages à niveau grâce au produit des amendes ? Il serait facile de sauver des vies en limitant la vitesse de tous les poids lourds à 90 km/h et en installant des radars bi-zones se déclenchant en fonction de la vitesse et de la hauteur des véhicules pour mettre fin aux excès de vitesse de près de la moitié des poids lourds. On pourrait sauver beaucoup de vies de motards en interdisant la conduite de motos de plus de 11CV avant deux années de permis moto. On voit même aujourd'hui des motos à trois roues qui peuvent être conduites sans permis moto ! Notre pays a le triste record du nombre de veuves de moins de 30 ans, dont 80 % d'entre elles ont au moins un enfant. Enfin, si les forces de sécurité étaient mieux réparties, le nombre de tués la nuit diminuerait.
Pour ma part, je souhaite voir les citoyens traités avec plus d'équité comme le réclame la Cour européenne et parvenir, par des mesures simples, à sauver beaucoup de vies. Je sais que ma proposition dérange car elle remet en cause des priorités reconnues par tous, mais elle le fait en déchirant le rideau de fumée que représentent les sanctions automatiques des petits dépassements et des non-ports de ceinture dont l'intérêt est de payer les radars et les stages qui ne pourraient être financés par les seuls grands excès de vitesse. Chacun sait que les mesures supplémentaires à mettre en oeuvre coûteront cher à l'État et aux collectivités. Nous allons probablement assister à la litanie des critiques lorsqu'une proposition dérange. On nous dira que ces mesures sont inadaptées ou qu'elles sont bonnes, mais qu'elles relèvent du pouvoir réglementaire. Cet argument ne tient pas : la Cour européenne dans son arrêt du 23 septembre 1998 a confirmé que le retrait de points revêt un caractère punitif et dissuasif et qu'il s'apparente donc à une peine accessoire. La commission des lois et notre assemblée ont déjà abordé ce thème dans le cadre de plusieurs lois, comme en mars 2007 avec la loi Prévention de la délinquance, dont un des articles prévoyait de rendre plus rapidement un point de permis perdu ! Cette mesure m'avait bluffé à l'époque ! Nous pouvons espérer que cet argument réglementaire ne nous sera pas sérieusement opposé. On nous dira aussi que le système de contrôle et la sévérité des sanctions pénales ou administratives assurent l'égalité de traitement des conducteurs et qu'il ne faut surtout rien changer... Il s'agit d'une contre-vérité ! L'iniquité est la règle au niveau du contrôle et des sanctions. Les poids lourds ne sont pris par les radars que s'ils dépassent les vitesses autorisées pour les véhicules légers, soit 30 à 40 km/h de plus que les limites les concernant. Le rapport de la circulation routière indique que 47 % des poids lourds dépassent impunément les vitesses qui leur sont fixées. Les motards, dont je suis, échappent à tous les radars fixes prenant de face. Enfin, l'ensemble des conducteurs échappent au retrait de points si le véhicule est photographié par l'arrière et qu'ils contestent l'infraction en affirmant qu'ils n'étaient pas au volant mais qu'ils refusent de se livrer à une dénonciation qui pourrait être qualifiée de calomnieuse. L'impunité en ce qui concerne la perte de points est garantie à tous ceux qui encombrent les tribunaux.
En cas de condamnation à l'issue d'un long et coûteux parcours judiciaire, ces conducteurs ne perdront que les points en question, mais le temps qu'il aura fallu pour attendre la décision judiciaire leur aura permis de récupérer tous les autres points qui leur manquaient. Est-ce équitable de pousser les gens à contester systématiquement leurs infractions pour leur permettre de retrouver leurs points ? Il suffit de faire des recours systématiques pour retrouver chaque année deux ou trois points. Tous les jeunes ont donc intérêt à contester les infractions qui leurs sont reprochées. Aujourd'hui, seuls les conducteurs trop honnêtes, trop naïfs ou trop pauvres pour consigner des sommes supérieures à l'amende ou pour se payer des stages à 19 % du Smic, acceptent de perdre des points. Une loi qui frappe par ses défauts les plus faibles et les plus pauvres n'est pas une bonne loi Le rapport de Mme Troëndle sur ce sujet est édifiant. Je suis donc rassuré : on ne devrait pas nous opposer le caractère équitable et juste du permis à points dans sa version actuelle.
En revanche, ce texte est une vraie proposition de loi. Il n'a pas le caractère sacré, constant et parfait que confère l'origine gouvernementale à de trop nombreuses propositions de loi. Ce texte est même marqué d'un sceau, voire d'une tache: il est inscrit à l'ordre du jour à la demande d'un groupe minoritaire. Nous connaissons le sort réservé traditionnellement aux propositions de loi déposées par l'opposition. Nous allons découvrir celui qui sera fait aux propositions déposées par un groupe minoritaire soutenant majoritairement et régulièrement le Gouvernement. Cette proposition va-t-elle être écartée d'un revers de main ? Sera-t-elle jugée digne d'être amendée par la commission, par les sénateurs de la majorité, par le Gouvernement ? Est-il scandaleux de souhaiter punir seulement d'une amende ceux qui commettent des erreurs légères, sans risque pour les tiers, quand d'autres sont juste réprimandés pour avoir envoyé après une instruction bâclée des innocents pendant des années en prison et dont certains se sont suicidés ? Je serai avec le groupe auquel j'appartiens très attentif au sort qui nous sera réservé. (Applaudissements au centre et sur divers bancs à droite)
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois. - Votre commission a été saisie de cette proposition de loi qui tend en particulier à supprimer le retrait de points en cas d'excès de vitesse inférieurs à 5 km/h.
La politique de sécurité routière est une matière extrêmement sensible : l'expérience montre que, dans ce domaine, une mesure annoncée commence à produire des effets avant même qu'elle ne soit devenue effective. C'est donc avec la plus grande prudence que je me suis attachée à examiner cette proposition de loi.
Ce texte a le mérite de nous forcer à nous interroger sur l'acceptabilité de la politique menée depuis 2002. Répressive, cette politique a mis fin au sentiment d'impunité de nombreux conducteurs. Depuis lors, la quasi-certitude d'être sanctionné et le permis à points ont modifié le comportement des usagers. Cette sévérité nouvelle s'est traduite par une hausse très importante des permis invalidés pour défaut de points, avec les conséquences professionnelles imaginables pour certains. Pour autant, doit-on prendre le risque de remettre en cause les succès obtenus depuis 2002 en assouplissant les règles de retrait de points ? Les solutions avancées par la proposition de loi résoudraient-elles les problèmes soulevés ? Nous devons répondre à ces questions délicates.
Entre 2002 et 2008, les progrès de la sécurité routière ont épargné 12 741 vies, soit une baisse de 44 % du nombre de tués : la France se rapproche du peloton de tête européen. Mais il ne s'agit que d'une étape, et le Président de la République a fixé un objectif ambitieux de moins de 3 000 morts en 2012. La rupture de 2002 ne s'explique que par le renforcement de la répression. Les autres facteurs ont leur part, mais aucune révolution technologique n'a pu avoir un impact si rapide et si fort : c'est bien le permis à points qui a responsabilisé les conducteurs. Il est un outil pédagogique et préventif : il n'y a pas à proprement parler de sanction tant que le solde de points est supérieur à zéro. (M. Nicolas About s'exclame) L'invalidation du permis ne sanctionne jamais une infraction, mais une répétition d'infractions commises dans un court laps de temps. La perte de points fonctionne comme une alerte qui doit faire prendre conscience au conducteur de la nécessité d'une conduite raisonnable. La stratégie depuis 2002 consiste à agir sur le comportement de tous les conducteurs et non uniquement sur celui des conducteurs les plus dangereux. En 2002, la vitesse était la première cause de mortalité sur les routes. L'action s'est donc portée spécialement sur ces infractions. En 2007, la vitesse est devenue la première contravention constatée, devant le stationnement. Les excès de vitesse représentent 80 % des infractions entraînant un retrait de points. Cette répression renforcée a produit immédiatement des effets. Entre 2002 et 2007, la vitesse moyenne de jour a baissé de 8 km/h environ, tous réseaux confondus.
La multiplication des contrôles, la sévérité des sanctions ne sont tolérables par les usagers qu'à la condition que soient préservées les vertus pédagogiques et préventives du permis à points. Celui-ci ne saurait être perçu comme un compte à rebours implacable. Du reste, concernant la récupération des points, le Comité interministériel de sécurité routière du 8 novembre 2006 a défini plusieurs dispositions nouvelles, dont celle dite du « un point, un an ».
La proposition de loi entend cependant corriger les excès et les effets pervers du permis à points et réorienter la politique de sécurité routière vers des facteurs de risque insuffisamment pris en compte. La principale mesure consiste à supprimer les retraits de points en cas d'excès de vitesse de moins de 5 km/h. Aujourd'hui, les plus petits excès de vitesse -moins de 20 km/h- sont punis d'une amende et donnent lieu de plein droit au retrait d'un point. Le texte introduit une différenciation entre les excès de vitesse compris entre 1 et 4 km, ceux compris entre 5 et 19, ceux au-delà de 20. Les premiers ne seraient plus sanctionnés que par une amende. De nombreux arguments ont conduit la commission à ne pas adopter cet article. Les experts admettent qu'une baisse de 1 km/h de la vitesse moyenne se traduit par une baisse du nombre de tués de 4 %. Entre 2002 et 2007, la vitesse de jour a baissé de 8 km/h, le nombre de tués de 40 %, celui des blessés de 25 %.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Eh oui...
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Ce sont les changements d'ensemble des comportements sur la route qui entraînent des progrès durables. Or l'amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points. La mesure proposée pourrait être interprétée comme une quasi-dépénalisation. De fait, les vitesses maximales autorisées seraient relevées de 5 km/h ; cela n'est pas anodin. Ajoutée à la marge technique...
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - La marge d'erreur !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - ...elle aboutirait à relever de 10 km le seuil de retrait de points. Or, en ville, un véhicule roulant à 60 km/h a besoin de neuf mètres de plus, pour s'arrêter rapidement, qu'un véhicule circulant à 50 km/h. Un piéton renversé par une voiture lancée à 50 km/h a encore des chances de s'en sortir, mais à 60, ses chances sont presque nulles.
Selon l'auteur de la proposition de nombreux permis invalidés le seraient par une succession de petits excès de vitesse. Il juge cette répression à l'égard de comportements peu dangereux excessive au regard des conséquences sociales et économiques d'un retrait de permis. Mais on compte seulement une centaine de permis invalidés à la suite de retraits de un ou deux points, soit 0,12 % des cas. Entre 2004 et 2006, seulement 15 % des points retirés résultent d'infractions liées à la vitesse. Une proportion encore plus faible est due à des excès de vitesse de moins de 20 km... La moitié des permis sont invalidés à la suite d'un retrait de six points.
De nombreux conducteurs ne seraient pas conscients ou informés que leur permis a été invalidé, dit l'auteur de la proposition. Certes, nombre de retraits de points qui devraient être notifiés par lettre simple ne le sont pas. Mais lorsqu'il perd la totalité de ses points, l'intéressé est averti par lettre recommandée avec accusé de réception et doit restituer son permis à la préfecture. Si l'adresse n'est pas la bonne, le permis demeure valide, jusqu'à la notification effective. Le titulaire du permis de conduire est en outre averti lorsque son solde de points atteint six points ou moins. Ce courrier rappelle la possibilité de récupérer quatre points en suivant un stage de sensibilisation. Pourtant, seulement 20 % des personnes ayant vu leur permis invalidé ont effectué au moins une fois ce stage.
J'ajoute que le retrait de points est toujours la conséquence d'une infraction, soumise à une amende. Bref, l'ignorance complète de plusieurs retraits de points n'est guère concevable.
Un dernier argument serait celui de la conduite sans permis ou sans assurance. D'abord, je rappelle que l'on peut assurer son véhicule même si l'on n'est pas titulaire du permis de conduire.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Qui dit le contraire ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Le Fonds de garantie des assurances obligatoires n'intervient qu'en cas de défaut d'assurance ou de véhicule inconnu. Le nombre de conducteurs sans permis impliqués dans des accidents corporels est resté stable en 2006 et 2007, bien inférieur au niveau de 2002. Un, deux millions de conducteurs sans permis ? Les chiffres avancés sont invérifiables. Le seul fiable est celui des condamnations pour conduite sans permis, qui a doublé entre 2003 et 2007, pour atteindre 40 795 ; mais les contrôles se sont renforcés... Selon le ministère de l'intérieur, en outre, 90 % des personnes conduisant sans permis ne l'ont jamais obtenu.
Enfin, un équilibre entre les retraits et les récupérations de points est en train d'émerger. La nouvelle politique, dès 2003, s'était traduite par une hausse exponentielle des retraits de points et des permis invalidés. Entre 2002 et 2007, le nombre total de points retirés chaque année est passé de 3,1 millions à 9,5 millions. Dans le même temps, le nombre de permis invalidés chaque année a été multiplié par six, de 13 000 à 88 000 environ. Si cette tendance se poursuivait, le système deviendrait insoutenable. Mais le rééquilibrage s'amorce, qui démontre les vertus du permis à points. En 2008, le nombre de permis invalidés a continué à progresser mais dans des proportions moins impressionnantes ; et le nombre de points récupérés a très fortement augmenté. La règle dite des trois ans, qui permet de récupérer la totalité de ses points en l'absence d'infractions, produit ses premiers effets. En 2007, 1,43 million de conducteurs ont récupéré la totalité de leurs points. En 2008, 1,8 million !
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Et 9 millions de points retirés !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - La mesure dite « un point, un an » commence également à produire ses effets. En vigueur depuis le 1er janvier 2007, elle s'est traduite par la restitution de 2,5 millions de points en 2008. Pour ces raisons, il n'apparaît pas opportun de modifier profondément les règles du permis à points. En conséquence, la commission n'a pas adopté l'article premier.
La proposition de loi tend également à supprimer le retrait de points pour absence de port de la ceinture de sécurité, punie d'une amende de 135 euros et d'un retrait de trois points. La commission des lois est hostile à cette modification : 20 % des conducteurs non ceinturés impliqués dans un accident corporel ont été tués, contre moins de 2 % des conducteurs ceinturés. J'ajoute que la personne qui n'attache pas sa ceinture fait peser sur la société le risque d'une charge financière plus importante en cas d'accident. Toutefois, un retrait de trois points est peut-être excessif. La définition du barème relevant du domaine réglementaire, suggérons au Gouvernement d'étudier cette proposition.
L'article 3 aligne la vitesse de nuit sur la vitesse par temps de pluie. Le code de la route ne fait aucune différence entre la conduite de jour ou de nuit. Seules les conditions atmosphériques sont prises en compte.
Selon les statistiques de l'Observatoire national interministériel de sécurité routière reprises par l'exposé des motifs, 45 % des tués et 31 % des blessés sur la route seraient constatés la nuit, alors que le trafic de nuit ne représente que 10 % du total ; l'Observatoire relève en outre que les vitesses moyennes pratiquées la nuit et le taux de dépassement des vitesses maximales sont supérieurs à ceux constatés de jour. D'autres arguments plaident en revanche pour le maintien des vitesses actuelles. La surmortalité peut s'expliquer par des facteurs propres à la circulation de nuit, dont l'alcool : la proportion des accidents mortels avec alcool s'élève à 29 % du total, et 70 % de ces 29 % ont lieu la nuit. Plusieurs des personnes auditionnées ont en outre émis la crainte qu'une baisse des vitesses de nuit ne conduise à décrédibiliser la politique de sécurité routière. Lorsque le trafic est très faible et la visibilité bonne, ce qui est souvent le cas la nuit, comment justifier la baisse de la vitesse autorisée ? Il faut aussi rappeler que les résultats obtenus depuis 2002 l'ont été sans que les vitesses maximales autorisées aient été réduites.
Enfin, les dispositions de l'article 3 relèvent du domaine réglementaire. Pour toutes ces raisons, la commission ne les a pas adoptées.
Les articles suivants sont relatifs à la conduite sans assurance. L'article 4 crée un retrait de points, tandis que l'article 5 institue une peine complémentaire de vente du véhicule au profit du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages. L'article 6 prévoit que les contrats d'assurance responsabilité civile continuent à produire leurs effets jusqu'à l'échéance normale du contrat lorsque l'assuré a perdu la totalité des points de son permis de conduire. Enfin, afin d'écarter le risque de voir des conducteurs titulaires d'un permis invalidé continuer à circuler en toute bonne foi, faute d'avoir été dûment informés, l'article 7 oblige chaque assuré, lors de la conclusion ou du renouvellement d'un contrat d'assurance automobile, à fournir à l'assureur un certificat de détention du permis de conduire de moins d'un mois, qui serait délivré par la préfecture du lieu de résidence. Aucun de ces articles n'a été adopté par la commission. Tous semblent relever d'un malentendu et sont pour l'essentiel sans objet : l'obligation d'assurance porte sur le véhicule et non sur le conducteur.
La commission n'a ainsi pas établi de texte, de sorte qu'en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique porte sur le texte même de la proposition de loi. Il apparaît en effet prématuré de modifier les équilibres du système au moment où les aménagements de 2006 et 2007 commencent à en corriger les excès répressifs sans en affaiblir les vertus pédagogiques.
Le système n'est cependant pas parfait. La commission des lois a notamment déploré les incohérences de la signalisation routière, (applaudissements à droite) notamment les variations de vitesse maximale soudaines, erratiques et multiples, qui donnent souvent le sentiment aux usagers de la route qu'on leur tend des pièges... Les comités d'usagers devraient proposer des ajustements à qui de droit, État, département ou commune, en fonction du classement des routes concernées.
L'impunité des conducteurs étrangers reste également un point délicat. L'application de la directive européenne facilitant l'application transfrontalière de la législation dans le domaine de la sécurité, instrument juridique du premier pilier, pourrait être une solution, mais le recours à une décision-cadre, relevant du troisième pilier, serait plus adéquat. Au vu du blocage actuel, les accords bilatéraux semblent plus efficaces. J'en veux pour preuve celui signé entre la France et la Suisse ; des accords du même type devraient pouvoir l'être avec tous les pays ayant des frontières communes avec la France.
Depuis le 1er janvier 2008, tout nouveau permis est assorti de six points ; en l'absence d'infraction, il est crédité de deux points supplémentaires chaque année, jusqu'à atteindre douze. Avant cette date, les nouveaux permis étaient assortis de six points et ce n'était qu'au terme de trois ans sans infraction que les douze points étaient acquis. Cette situation crée une inégalité entre les conducteurs selon la date d'obtention du permis. Une rétroactivité du nouveau dispositif, par exemple à compter du 1er janvier 2007, pourrait-elle être envisagée ?
M. Roland du Luart. - Ce serait un minimum !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - J'appelle enfin de mes voeux la constitution par le Gouvernement d'un groupe de travail pour réfléchir à une réforme du contentieux du permis de conduire. Les dérives actuelles conduisent à l'encombrement des juridictions, rendent moins efficace la lutte contre la violence routière et créent de profondes inégalités, tous les conducteurs ne pouvant s'offrir les services d'un avocat spécialisé. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yves Détraigne. - Personne ne peut nier les résultats obtenus dans la lutte contre l'insécurité routière ; mais on ne peut pas plus contester le caractère aveugle et souvent inéquitable du système actuel. Un système où est sanctionné de la même manière un conducteur qui dépasse la limitation de vitesse d'1 ou 2 km/h et un autre qui la dépasse de 19. Un système dans lequel un conducteur fautif, qui aura les moyens de s'offrir les services d'un avocat, pourra faire valoir que ce n'est pas lui qui conduisait ou qu'il a besoin de son permis pour son activité professionnelle, et pourra continuer à rouler, tandis qu'un autre n'aura d'autre choix que de perdre ses point ou son permis. Un système qui frappe de la même manière un conducteur qui n'a pas besoin de son permis pour travailler et un autre pour qui la simple perte de points peut être un motif de licenciement, comme cela est prévu dans certaines conventions collectives.
Et que dire de l'évidente inadaptation de certaines limitations de vitesse aux réalités du terrain ? Sur l'autoroute A34, qui relie Reims à Charleville-Mézières, une portion de 30 kilomètres est limitée à 110 km/h au motif que sur 4 kilomètres, là où la voie emprunte l'ancienne voie express N51, les bandes d'arrêt d'urgence ne sont pas balisées... Sur cette voie expresse, aménagée à deux fois deux voies séparées par un rail entre la commune dont je suis maire, Witry-lès-Reims, et Reims, la vitesse est limitée à 90 km/h dans un sens et à 110 dans l'autre, situation que personne n'a jamais été en mesure de m'expliquer. On peut dans ces conditions avoir le sentiment qu'on veut piéger les conducteurs, même les plus raisonnables.
Ce système parfois absurde est-il une vache sacrée à laquelle on ne pourrait toucher ? Est-il légitime de se pencher sur ces incohérences et autres incontestables anomalies, au risque d'être accusé de vouloir casser l'actuelle dynamique vertueuse, ou est-ce vraiment politiquement incorrect ? S'il ne faut pars revenir sur les grands principes de notre politique de sécurité routière, rien n'interdit à mes yeux de faire preuve de bon sens dans la déclinaison de ces principes. Il n'est pas scandaleux de dire que rouler à 92 km/h sur une route limitée à 90 n'est pas la même chose qu'y rouler à 109.
J'ai été frappé il y a un peu plus d'un an, lors de la flambée des cours du pétrole, par le débat qui s'est engagé au plus haut niveau de l'État sur la possibilité de ramener la vitesse maximale sur autoroute à 120 km/h. (M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, nie qu'un tel débat ait eu lieu) Il était en tout cas sur la place publique.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - On aurait sauvé 40 % des tués sur autoroute...
M. Yves Détraigne. - Un conducteur vertueux roulant un jour à 129 km/h serait devenu le lendemain, roulant à 121 km/h, un chauffard... (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'exclame. M. Nicolas About, auteur de la proposition, approuve) Je ne soutiens pas toutes les propositions de M. About, mais j'estime qu'il faut faire preuve de pragmatisme. C'est dans cet esprit que le groupe de l'Union centriste aborde l'examen du texte.
Comme certains d'entre vous, je parcours plus de 40 000 kilomètres par an depuis vingt ans. Comme d'autres peut-être, j'ai eu l'occasion de participer à un stage de récupération de points -j'en avais perdu six sur douze.
C'est sur l'autoroute A4 entre Paris et Champigny que j'ai perdu mes deux derniers points, à cause d'une modification inopinée de la limitation de vitesse. Où l'on passait la veille à 110, elle avait été ramenée à 90. Le piège.
M. le président. - Veillez à ne pas dépasser votre temps de parole.
M. Yves Détraigne. - Je vais accélérer, monsieur le président. (Exclamations sur plusieurs bancs : « Surtout pas ! »)
Au cours du stage que j'ai effectué, nous étions dix-sept, dont une douzaine d'artisans ou de commerciaux qui avaient absolument besoin de leur permis pour travailler. Il faut savoir que bien souvent, leurs patrons leur fixent de tels objectifs de visites qu'ils n'ont pas d'autre choix, pour les tenir, que de flirter avec l'excès de vitesse.
La proposition emblématique de ce texte, soit la suppression de la perte d'un point pour les excès de vitesse ne dépassant pas 5 km/h est de bon sens. Ceux qui ont l'habitude de conduire savent que l'on ne peut pas garder les yeux rivés sur son compteur. Ce serait même dangereux. Notre rapporteur relève elle-même qu'il suffit parfois d'un changement de déclivité de la route pour passer, par inadvertance, la limite, ce qui n'a, reconnaissons-le, rien à voir avec un dépassement de 20 km/h, forcément conscient.
Voter l'article premier ne remettrait nullement en cause notre politique de sécurité routière. Au contraire, ce serait le signe de notre volonté de remédier au caractère aveugle de la réglementation actuelle, souvent appliquée sans discernement. Car on ne peut nier que l'objectif quantitatif l'emporte parfois sur le souci d'assurer la sécurité routière. J'en veux pour preuve la note de service d'un commissaire d'une ville de province...
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - En Champagne.
M. Yves Détraigne. - ...publiée par un magazine automobile, et dans laquelle il est demandé aux motards de relever 66 défauts de port de ceinture, 170 excès de vitesse, 133 contraventions aux règles de stationnement, etc. Voilà de quoi pousser les forces de l'ordre à agir sans discernement.
Loin donc d'être malvenue, cette proposition de loi arrive à point nommé. Il est temps d'oser dire que notre réglementation appelle des aménagements.
M. Roland du Luart. - Très bien !
M. Yves Détraigne. - Au bénéfice de ma conviction, j'espère que vous me pardonnerez, monsieur le président, d'avoir dépassé... mon temps de parole (Applaudissements au centre.)
M. Dominique de Legge. - Nous sommes tous concernés par les contraintes du permis à points, qui provoquent bien souvent l'agacement des automobilistes, particulièrement ceux que leur profession oblige à prendre la route. « Ni délinquants, ni dangers publics », comme le précise l'exposé des motifs, bien des conducteurs ressentent les verbalisations comme des sanctions injustes. Qui d'entre nous n'a jamais pesté contre un radar inopiné, pour quelques km/h de dépassement ?
Toutefois, si le groupe UMP comprend bien les motivations de ce texte, il entend rappeler ce qu'est l'objectif premier du permis à points : sauver des vies. Baisser la garde, ce serait prendre le risque de compromettre les succès obtenus depuis 2002 par la politique de sécurité routière. La crainte de la sanction est souvent l'amorce d'une attitude responsable.
A l'heure où les comportements deviennent plus responsables, une modification du dispositif donnerait un mauvais signal, affectant les bénéfices pédagogiques et préventifs du permis à points. (M. le ministre et M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, approuvent) Ne remettons pas en cause les progrès accomplis.
La politique menée depuis 2002 a permis de mettre fin à l'impunité de nombreux conducteurs et les a responsabilisés. Entre 2002 et 2008, 12 741 vies et 157 000 blessés ont ainsi pu être épargnés. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Qui plus est, les propositions avancées ne nous semblent pas de nature à résoudre les problèmes soulevés par M. About.
Prenons ainsi l'article premier. Nous comprenons bien qu'un excès de vitesse de 4 km/h n'est pas aussi dangereux qu'un dépassement de 19 km/h, en particulier en ville. Mais les petits excès de vitesse ne sont pas la cause principale des retraits de permis : de tels cas restent très marginaux. (M. le ministre le confirme) Selon les statistiques de l'Observatoire national interministériel de sécurité routière, les excès de vitesse ne contribuent que pour un quart aux invalidations du permis de conduire, loin derrière les alcoolémies délictuelles. Seuls 0,12 % des conducteurs ayant commis des infractions sanctionnées par un retrait d'un ou deux points maximum voient leur permis invalidé.
Sur autoroute, la limitation à 130 km/h a fait déjà l'objet d'une tolérance de 5 %, qui autorise de facto déjà le conducteur à rouler à 137 km/h. Un assouplissement de 5 km/h serait interprété comme une permission de rouler à 141 km/h. (M. Nicolas About proteste) L'écart n'est pas anodin.
Sans compter que l' amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points, et qu'une telle mesure créera fatalement une inégalité entre ceux qui ont les moyens financiers d'acquitter de nombreuses amendes, et les autres. Surtout, elle se traduira sans délai par une augmentation des accidents. Le rapporteur a cité les chiffres des experts.
La loi a déjà assoupli en 2007 les sanctions applicables aux petits excès de vitesse, en donnant la possibilité de récupérer un point au bout d'un an sans infraction.
Nous sommes de même très opposés à la suppression des retraits de points en cas de non-port de la ceinture de sécurité, proposée à l'article 2. La ceinture est, au sens propre, vitale.
M. Roland du Luart. - Y compris pour les policiers, qui devraient être sanctionnés comme les autres.
M. Dominique de Legge. - Elle sauve des vies et réduit la gravité des blessures. Quand on sait que les conducteurs ont presque tous acquis le réflexe de mettre leur ceinture lorsqu'ils conduisent, quand on sait que l'absence de ceinture sur la route est aujourd'hui la troisième cause de mortalité des conducteurs après l'alcool et la vitesse, on ne peut souscrire à la proposition de l'article 2 . En 2007, 400 vies supplémentaires auraient pu être sauvées si l'obligation du port de la ceinture avait été respectée.
Comment prétendre à la fois lutter contre le handicap et proposer un tel assouplissement ? Comment peut-on déplorer l'ampleur des déficits sociaux et ne pas tout faire pour éviter des accidents coûteux pour la collectivité ?
L'article 3, enfin, tend à aligner la vitesse maximale autorisée de nuit sur la vitesse par temps de pluie. Mais la surmortalité constatée la nuit n'est pas la conséquence directe, notre rapporteur l'a rappelé, de vitesses excessives.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - La sécurité routière dit le contraire ! (M. le ministre le conteste)
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Le taux d'alcoolémie est premier.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Que faites-vous contre l'abus d'alcool ?
M. Dominique de Legge. - Il est paradoxal de vouloir tout à la fois desserrer la pression sur la vitesse le jour et renforcer la limitation de vitesse de nuit, alors que ce n'est pas la période la plus critique.
Ce texte nous semble donc inopportun, alors que les réformes récentes commencent à produire leurs effets sur le comportement des automobilistes. Nous devons rester fermes sur les principes, ce qui ne nous interdit pas de nous interroger sur la cohérence de certaines limitations de vitesses. De fait, on observe parfois des différences sur un même tronçon, à topographies identiques. Cela, ajouté au zèle parfois excessif de certains agents, ne sert pas l'objectif de prévention qui est le nôtre. Ce n'est pas avec les propositions de ce texte, mais par une plus grande cohérence dans les limitations et plus de discernement dans la verbalisation que l'on remédiera à ces deux problèmes. Le groupe UMP, soucieux de privilégier une application intelligente et éclairée de la loi, plutôt que son assouplissement, suivra les conclusions du rapporteur.
M. Yvon Collin. - Il est incontestable que le permis à points et la multiplication des radars ont permis une baisse significative du nombre de morts sur les routes françaises. Responsabilisation des conducteurs et crainte de l'amende restent les deux piliers de notre politique de sécurité routière. Nos concitoyens sont, reconnaissons-le, de plus en plus responsables au volant. (M. le ministre le confirme) On ne peut que s'en féliciter. La politique de prévention routière menée depuis de nombreuses années porte donc ses fruits. Il faut continuer, oserais-je dire sans ralentir, sur cette voie.
Mais est-ce à dire qu'il ne faut rien changer ? Qu'aucune amélioration n'est possible ? Que le tout-répressif reste la seule option ? En 2002, le nombre de points retirés était de l'ordre de 3,1 millions. En 2008, il est passé à 9,5 millions. Mais si l'on y regarde de plus près, on constate que ce sont les infractions sanctionnées par la perte d'un seul point qui ont été multipliées par cinq depuis 2002. On peut donc en conclure que les infractions enregistrées sont de moins en moins graves et que la grande majorité des automobilistes français ne sont ni des chauffards ni des criminels en puissance... C'est à la lumière de ces observations qu'il convient d'apprécier cette proposition de loi. C'est une mesure raisonnable et raisonnée que propose son article premier.
La plupart des membres de mon groupe considèrent que le retrait de points pour un excès de vitesse de moins de 5 km/h est disproportionné par rapport à l'infraction commise. Nous pensons que, sans tomber dans un laxisme que personne ne souhaite, il nous faut introduire un peu de souplesse dans un système rigide et sans appel. II est plus dangereux pour un automobiliste de surveiller fréquemment son compteur sur une longue distance, avec le stress occasionné par une peur permanente de l'éventuel radar, que de faire un excès de 2 ou 3 km/h. En toute logique, et c'est une obligation du code de la route, l'attention du conducteur devrait d'abord se porter sur la signalisation, les autres véhicules, les obstacles imprévus... plutôt que sur le compteur. C'est pourquoi nous soutenons l'article premier qui présente l'avantage de maintenir la sanction financière mais d'éviter une perte de points... qui peut se transformer en perte d'emploi pour absence de permis ou, pire encore, faire passer dans la clandestinité certains conducteurs qui conduisent sans permis. Chez certains de nos voisins, une telle marge de tolérance pour les petits excès de vitesse existe déjà avec succès. En Allemagne, sont considérés comme des « petits dépassements » ceux allant jusqu'a 20 km/h au-delà de la vitesse autorisée et aucune sanction n'est encourue pour un excès de moins de 5 km/h. Or, l'Allemagne est un modèle en matière de conduite automobile et de sécurité routière. L'Espagne a poussé la latitude jusqu'à ne sanctionner ni par un retrait de points, ni par une amende, un dépassement de 10 km/h. Pour des excès de vitesse compris entre 11 et 30 km/h, seule l'amende est appliquée et c'est seulement à partir de 31 km/h que des points sont retirés.
La majorité des membres de mon groupe est également favorable à l'article 2 qui ne sanctionne que par une amende le fait, pour un conducteur, de ne pas porter la ceinture de sécurité. II est, là aussi, démontré que cette ceinture ne constitue pas, à forte vitesse, une garantie de protection suffisante. II nous apparaît opportun de maintenir les sanctions financières pour rappeler que son port est obligatoire et peut sauver des vies, essentiellement en cas d'accident à faible vitesse, mais de supprimer la perte de points, dans la mesure où cette ceinture peut, dans certains cas, sauver des vies et, dans d'autres, être inutile, voire même dangereuse dans des cas exceptionnels.
En revanche, nous sommes résolument opposés à l'article 3 qui prévoit que la vitesse de nuit ne peut excéder la vitesse limite par temps de pluie. La principale source d'accidents la nuit réside dans la consommation d'alcool et de stupéfiants.
Si les amendements de suppression déposés sur chacun des articles sont repoussés, et si nous arrivons à un vote sur l'ensemble du texte, le RDSE s'abstiendra. (Applaudissements)
M. Jacques Mahéas. - Appliqué en France depuis le 1er juillet 1992 le permis à points est un élément essentiel de la lutte contre l'insécurité routière. Faire passer la sécurité de tous avant son intérêt personnel, c'est l'objectif de ce permis, adopté depuis lors par de nombreux pays européens.
Il a épargné des vies et diminué le nombre des blessés. Depuis trente ans, la courbe du nombre des tués diminue régulièrement de façon linéaire grâce, également aux airbags, aux systèmes de freinage et aux contrôles techniques. Ce mécanisme de sanction a modifié le comportement des conducteurs et, de ce fait, a réduit le nombre des victimes et c'est bien là l'essentiel.
Cependant, depuis 1992, l'automatisation des contrôles et l'extension du champ des infractions entraînant un retrait de points font que notre assemblée est régulièrement saisie de propositions de loi modifiant les modalités de ces retraits pour en exclure telle ou telle catégorie d'infractions jugée trop sévèrement punie pour une catégorie de conducteurs -par exemple les professionnels de la route-, ce qui fait l'objet d'une proposition de loi déposée par le groupe UMP le 12 mars et reprise ici dans un amendement.
La crise économique justifierait aujourd'hui cette proposition de loi dont l'auteur avance même, dans un article de presse, des chiffres chocs : 30 000 emplois auraient été perdus à la suite d'un permis de conduire invalidé ! Pas plus tard qu'avant-hier, France Info recevait notre collègue dans une émission matinale où il défendait, sans contradicteur, sa position. On peut s'interroger sur l'opportunité des mesures proposées et sur l'argumentation qui les justifie, parfois provocante et discutable.
Cette proposition vise, comme l'indique son intitulé, à introduire une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière. Ce n'est pas en réduisant les sanctions à une amende, qu'on y parviendra, bien au contraire ! La suppression du retrait de points créerait une inégalité entre les conducteurs ayant les moyens financiers d'acquitter de nombreuses amendes et les autres. En outre, l'expérience démontre qu'en matière de répression des contraventions routières l'amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de point. Enfin et surtout cette suppression n'interviendrait que pour les infractions qui coûtent le plus de vies. Le retrait de trois points pour défaut d'assurance -ce qui ne touche pas toutes les catégories sociales- mérite certainement débat, mais cela paraît disproportionné par rapport aux sanctions des infractions qui mettent directement des vies en danger.
Au prétexte que tout système est perfectible à la marge, c'est l'économie générale des retraits de points qui est attaquée et fragilisée. Or le permis à points relève d'une démarche avant tout pédagogique, c'est un système qui se présente comme un tout, et les attaques dont il fait l'objet au bénéfice de catégories non représentatives -celle visée à l'article premier ne représente que 0,12 % des conducteurs, soit une centaine de personnes en infraction- sont autant d'atteintes à un dispositif dont la force réside justement dans son application égalitaire.
L'objectif du dispositif est simple et efficace : il est d'éviter l'infraction et sa récidive. Préventif et pédagogique, il responsabilise les conducteurs en sanctionnant le comportement de ceux qui transgressent les règles du code de la route. La perte de points est un avertissement et doit être ainsi interprétée par le contrevenant qu'elle amène à prendre conscience de la nécessité d'une conduite raisonnable. Le permis à points est l'axe central du système de sanctions des infractions au code de la route.
Les mesures proposées aux articles premier et 2 paraissent dangereuses pour la sécurité publique et sont contestées par le président du Comité départemental de Seine-Saint-Denis de l'Association de prévention routière. Il s'agit d'abord de supprimer le retrait de points pour un dépassement de moins de 5 km/h de la vitesse autorisée, soit, compte tenu de l'application de la marge technique, pour tout dépassement de moins de 10 km/h. La même mesure est proposée pour le non-port de la ceinture de sécurité. En commission, notre rapporteur, Mme Troendle, a également recommandé de ne pas adopter ces deux articles.
L'opposition de cette association reconnue d'utilité publique est particulièrement vive car l'application de ce texte se traduirait, pour la première mesure, par une augmentation des vitesses pratiquées et, donc, par une augmentation du nombre de tués et de blessés. La question du retrait de points pour les petits dépassements de vitesse fait en permanence l'objet d'une polémique un peu irrationnelle. Pourtant, en réponse à une question écrite en novembre dernier, le secrétaire d'État aux transports, Dominique Bussereau, indiquait que 80 % des conducteurs possédaient tous leurs points. En 2007, une progression de 25 % du nombre des conducteurs récupérant tous les points a été enregistrée. Le nombre de permis invalidés reste faible : 0,5 % en 2006.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Il y a peu de condamnés à mort !
M. Jacques Mahéas. - Toutes les études françaises et étrangères ont montré qu'une augmentation des vitesses moyennes d'1 km/h entraîne automatiquement une augmentation de 4 % du nombre de tués. Si la proposition qui nous est faite était retenue, elle entraînerait mécaniquement une augmentation de la vitesse moyenne d'environ 5 km/h et, parallèlement, une augmentation de l'ordre de 20 % du nombre de tués -soit 800 morts supplémentaires par an- sans compter les blessés, ce qui serait inacceptable.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Tout à fait !
M. Jacques Mahéas. - Monsieur le ministre, je vous demande de nous le confirmer car c'est le point central. Nous voulons sauver des vies ! (M. Nicolas About s'indigne) Cette mesure serait justifiée selon M. About car « au bout d'un certain laps de temps, le cumul de plusieurs petits excès de vitesse peut conduire à l'invalidation pure et simple du permis de conduire ». Or il n'en est rien ! Selon les statistiques de l'Observatoire national interministériel de sécurité routière les excès de vitesse ne contribuent qu'à un quart des invalidations, loin derrière les alcoolémies délictuelles. Toujours selon la même source, « seuls 0,12 % des conducteurs ont eu leur permis invalidé après avoir commis des infractions sanctionnées par un retrait d'un ou deux points maximum ». Cette mesure ne concerne donc en fait qu'une centaine de conducteurs.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Ce n'est pas de ça qu'on parle !
M. Jacques Mahéas. - Ce ne sont donc pas les petits excès de vitesse qui sont à l'origine de l'augmentation des invalidations, mais les alcoolémies délictuelles.
En revanche c'est bien le respect des limitations de vitesse et la baisse des vitesses moyennes qui expliquent la baisse de moitié du nombre de tués et la forte diminution de blessés depuis 2002.
Nombre d'accidents sont la conséquence de petits accommodements avec la règle : neuf accidents sur dix ont pour origine une infraction au code de la route. Les sanctions aux petits excès de vitesse ont déjà été assouplies en 2007, en permettant la récupération d'un point au bout d'un an sans infraction ou retrait de points. Le nombre de conducteurs ayant récupéré tous leurs points en 2008 est en très forte hausse, et 80 % des conducteurs français sont actuellement en possession de tous leurs points.
Quant à l'article 2 qui prévoit également de supprimer les retraits de points pour non-port, par le conducteur, de la ceinture de sécurité, il constitue un grave retour en arrière, alors que la quasi-totalité des conducteurs ont désormais intégré le réflexe.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Cela représente tout de même 1,2 million de points retirés !
M. Jacques Mahéas. - Depuis 2002 les progrès ont été importants mais on attribue au défaut de port de la ceinture de sécurité 9 % des tués sur la route. On estime que 300 à 400 vies auraient pu être sauvées en 2008 si le port avait été systématique pour les conducteurs comme pour les passagers.
Bref, une telle proposition de loi ne diffuse pas un bon message. Je reconnais toutefois que le système est perfectible. Des progrès sont attendus en matière de coopération internationale : la quasi-impunité des conducteurs de voitures immatriculées à l'étranger est souvent évoquée. Selon Bruxelles, un quart des excès de vitesse constatés en France sont le fait de conducteurs étrangers, hors Europe. Une proposition de directive a été adoptée le 9 mars 2008 tendant à faciliter l'exécution transfrontalière des sanctions liées à l'excès de vitesse, la conduite en état d'ivresse, le non-port de ceinture de sécurité et le franchissement d'un feu rouge avec des véhicules immatriculés dans des États membres autres que l'État d'infraction.
Une marge de progrès dans le respect des limitations de vitesse demeure. Environ 20 % des vies pourraient encore être sauvées si tous les conducteurs respectaient les limitations de vitesse. Cette marge rend nécessaire de persévérer dans la lutte contre les excès de vitesse.
Des progrès pourraient aussi être rapidement constatés, si l'éducation nationale disposait de moyens supplémentaires pour développer une vraie politique de prévention.
On pourrait aussi s'interroger sur la rigidité des radars, qui ne prennent en compte ni l'heure, ni les conditions de trafic ni l'état des routes.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Sous la pluie, ils ne fonctionnent pas.
M. Jacques Mahéas. - Il serait bon aussi de comparer ce que rapporte un radar avec le nombre d'accidents enregistrés à cet endroit. Quand il y a un très gros rapport financier et très peu d'accidents, cela s'apparente à un jackpot.
Il faudrait mener une réflexion sur les deux-roues et même sur les piétons. La multiplication des feux rouges et des dos d'âne dans les communes confine à l'absurde.
Il est absurde aussi que le critère retenu pour les contrôles techniques ne soit pas le kilométrage parcouru, au lieu de la périodicité. Nous pourrions évoquer aussi le coût du permis, très excessif, en particulier pour les jeunes et les embouteillages si agaçants et l'insuffisance des transports en commun, ainsi que les critères selon lesquels sont distribués les crédits pour l'entretien des routes. Dans mon département, celles-ci sont dans un état déplorable au regard de ce qui se fait ailleurs.
M. Christian Cambon. - Pas partout !
M. Jacques Mahéas. - Nombre de nos concitoyens ne savent pas bien où en sont leurs points. Chacun devrait avoir la possibilité concrète de savoir où il en est par téléphone
C'est au nom de l'importance que nous attachons à la vie humaine, au combat contre l'insécurité routière, que le groupe socialiste, comme d'autres ici présents, refuse avec détermination de voter le texte de la proposition de loi qui aurait comme première conséquence une augmentation intolérable du nombre de tués et de blessés sur nos routes.
M. Alain Fouché. - Je tiens tout d'abord à saluer l'initiative de M. About qui a eu le courage d'ouvrir le débat du permis à points. Il ne peut, en effet, y avoir de sujet tabou (M. Nicolas About rit) d'autant que nous devons toujours chercher la meilleure adéquation entre les objectifs et les moyens. Nous partageons tous la volonté constante des pouvoirs publics de renforcer la sécurité routière afin de réduire le nombre des victimes de la route. Mais il nous faut aussi savoir faire preuve de discernement, car ajouter sans cesse de la répression à la répression expose au risque d'un refus collectif de la sanction, le niveau maximum d'acceptation étant atteint. (M. le secrétaire d'État le conteste)
C'est en ce sens que l'article premier de la proposition de loi, qui vise à supprimer le retrait de points en cas d'excès de vitesse de moins de 5 km/h, est tout à fait opportun. Comme le dit l'exposé des motifs, « à moins de 5 km/h, le contrevenant n'est ni un délinquant, ni un danger public. Pourtant, la sanction par retrait de points est automatique. Au bout d'un certain laps de temps, le cumul de plusieurs petits excès de vitesse peut ainsi conduire à l'invalidation pure et simple du permis de conduire ». En tant qu'élu de proximité, je sens monter l'exaspération de nos concitoyens. Commis par inadvertance, les excès de vitesse de moins de 5 km/h ne sont pas le fait de délinquants, mais d'honnêtes gens qui voient s'abattre sur eux une sanction automatique, sans discussion, sans indulgence. On présente la marge technique comme une faveur faite aux usagers de la route ; nous savons bien qu'il n'en est rien puisqu'il s'agit d'une nécessité correspondant à la marge d'erreur des indicateurs de vitesse des véhicules comme à celle des radars.
En Allemagne, aucune sanction n'est appliquée pour un dépassement de la vitesse autorisée jusqu'à 5 km/h. Une amende -mais pas de sanction en termes de points- est prévue jusqu'à 20 km/h. En 2007, le nombre de morts sur les routes d'Allemagne n'a jamais été aussi bas, passant même, avec 4 970 tués, sous le seuil symbolique des 5 000 victimes -soit pas plus qu'en France, avec vingt millions d'habitants de plus.
Élu de la ruralité, je peux vous dire que la détention du permis de conduire n'est pas un luxe, mais souvent une nécessité vitale. Je ne peux pas me résoudre à voir le système actuel fabriquer des chômeurs non plus que des hors-la-loi. En 2007, plus de 93 000 conducteurs ont été contrôlés sans permis. Il faut bien sûr compter parmi eux tous ceux qui n'ont jamais passé le permis mais aussi 30 000 conducteurs à qui on a retiré le permis. Selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, les conducteurs sans permis circulant dans l'Hexagone avoisineraient les 300 000... Autant dire que les sanctions -pourtant lourdes, deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende- sont peu dissuasives, surtout quand on considère la probabilité d'être contrôlé. Dans ces conditions, je considère que nous allons à l'encontre de l'objectif poursuivi. La répression fait passer au second plan la pédagogie et produit un effet d'éviction. C'est ainsi que nous constatons une recrudescence d'accidents très graves sur le réseau secondaire.
Alors, pourquoi faut-il attendre deux ans pour pouvoir effectuer un nouveau stage de sensibilisation qui permet de récupérer quatre points ? Pourquoi pénaliser lourdement les professionnels de la route et ne pas créer, à leur intention, un permis de conduire spécial assorti d'un système de récupération anticipée des points ? Voilà des questions qui, me semble-t-il, méritent d'être posées. Et c'est tout l'intérêt de notre débat d'aujourd'hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs à droite et au centre)
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a proposé d'avancer au matin du mercredi 13 mai 2009 la nouvelle lecture du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet qui était prévue à 14 h 30. Cet aménagement horaire a été demandé par la commission des affaires culturelles.
Nous siégerions à 9 h 30 pour l'examen de ce projet de loi ; à 14 h 30 et le soir pour la suite du projet de loi portant réforme de l'hôpital. Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Permis de conduire à points (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, présentée par MM. Nicolas About et Pierre Jarlier, tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire.
Discussion générale (Suite)
M. Christian Cambon. - Je veux tout d'abord souligner l'intérêt de l'initiative de M. About : elle nous permet de débattre d'un sujet dont parlementaires et maires sont régulièrement saisis par les conducteurs qui ont subi des sanctions et a été l'occasion d'auditionner le ministre de l'intérieur, la déléguée interministérielle à la sécurité routière et le secrétaire d'État aux transports.
La lutte contre l'insécurité routière, prioritaire depuis 2002, a donné des résultats encourageants avec 13 000 morts et 157 000 blessés en moins. Il s'agit là des meilleurs chiffres depuis vingt ans ! Allumage des feux de jour, limitations de vitesse, permis à points, radars automatiques ont indiscutablement contribué à réduire l'hécatombe dramatique sur nos routes. Certes, le retrait de points, la suspension de permis entraînent de graves conséquences sur la vie des conducteurs, voire dans certains cas la perte d'emploi. Comme d'autres élus, je pourrais citer des cas. Néanmoins, cela ne justifie pas un assouplissement des règles de retrait de points. (« Très bien ! » sur les bancs de la commission) Pour de nombreux conducteurs, la multiplication des contrôles et la sévérité des sanctions auraient pour seul but d'augmenter le produit des amendes. Restons raisonnables ! (M. Nicolas About s'exclame) Le seul souci du législateur et du Gouvernement est de responsabiliser les conducteurs pour préserver des vies. (Marques d'approbation sur les bancs de la commission) Comme d'autres maires, j'ai assumé la lourde charge d'annoncer à des familles la triste nouvelle du décès de leurs proches. Que des vies soient fauchées par des chauffards ou des conducteurs irresponsables est inacceptable !
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Bien sûr !
M. Christian Cambon. - Ne baissons pas la garde quand notre politique de sécurité routière commence de porter ses fruits. Comme de nombreux membres du groupe UMP, je soutiens donc totalement la position du rapporteur et du président de la commission et ne voterai pas ce texte.
En revanche, monsieur le ministre, je déplore, comme d'autres collègues, dont le rapporteur, le manque de cohérence de notre signalisation routière...
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Ah ! Quand même...
M. Christian Cambon. - Des variations de vitesse maximale multiples, soudaines et erratiques empêchent le conducteur de connaître la vitesse autorisée...
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Là est toute la question !
M. Christian Cambon. - ...et lui donne le sentiment d'être piégé. Entre autres exemples, citons la sortie de l'A4 en Ile-de-France où la vitesse, limitée à 90 km/h, est brusquement réduite à 50 km/h après le panneau de fin d'autoroute sans que la distance permette une décélération sans risque...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Juste !
M. Christian Cambon. - ...alors qu'un radar est installé à cet endroit exact ! Citons l'A13 dans le sens Paris-Province où la vitesse passe soudainement de 130 à 90 km/h -là encore, les contrôles radars sont là pour faire du chiffre !- et, enfin, la RN19 où la vitesse autorisée est modifiée six fois sur deux kilomètres entre Boissy-st-Léger et Villecresnes ! Est-ce tolérable ? Ne peut-on pas adapter la vitesse à la dangerosité objective de la route ? Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il est indispensable d'élaborer, avec les autorités régulatrices que sont les départements et, parfois, les communes, un plan d'ensemble de la signalisation rétablissant une progressivité de la vitesse sur nos autoroutes ? Si les conducteurs comprenaient les raisons des limitations de vitesse, ils les respecteraient davantage. Monsieur le ministre, pouvez-vous, dans votre réponse, nous éclairer sur les intentions du Gouvernement ?
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Ah !
M. Christian Cambon. - Quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre aux usagers de la route, encore trop nombreux à penser qu'ils se font piéger...
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Cela va être dur !
M. Christian Cambon. - ...par les radars ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
La discussion générale est close.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Merci de ce débat de grande qualité. Après avoir été les mauvais élèves de l'Europe en matière de sécurité routière, notre politique associant sévérité et information depuis 2002 a montré son efficacité : nous avons ainsi épargné 13 000 vies et près de 200 000 blessés. Ce dispositif, beaucoup d'entre vous l'ont dit, peut être amélioré. La proposition la plus emblématique, pour ne pas dire la plus médiatique, du texte de M. About concerne la suppression du retrait d'un point pour les petits excès de vitesse.
Avant d'examiner le texte en détail, rappelons que la responsabilisation des conducteurs est au coeur de la politique menée depuis 2002. Le déploiement de 2 300 radars automatiques, qui se poursuivra notamment sur les feux de signalisation, a contribué à réduire nettement la vitesse moyenne et, partant, les accidents. Pour favoriser un changement durable des comportements, cette politique doit être équitable et bien acceptée socialement. Sont exclus toute politique du chiffre et tout piégeage des automobilistes puisque les contrôles sont concentrés sur les axes et les créneaux les plus dangereux.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Ce n'est pas le cas !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Monsieur About, en tant que président d'un conseil général, je n'ai rien à redire aux contrôles dans mon département !
J'en reviens à notre politique. Elle passe également par des mesures de prévention, ciblées sur les catégories les plus exposées telles que les jeunes et les conducteurs de deux roues.
Le permis à points répond à un double objectif de responsabilisation et d'égalité. C'est une démarche pédagogique, car la sanction est mesurée et progressive. La perte de points est une alerte, afin que le conducteur prenne conscience de la nécessité d'une conduite raisonnée. Le système a été évalué et réformé : les usagers sont mieux informés, avec un courrier recommandé lorsque la moitié des points a été enlevée et la possibilité, pour tous les conducteurs, de consulter le site Télépoints. La récupération des points a été facilitée, comme M. Détraigne en a fait l'expérience. Tous les bilans indiquent que le permis à points remplit sa fonction pédagogique. Deux millions de nos compatriotes ont récupéré un point en un an sans infraction, 1,8 million ont retrouvé la totalité du capital initial. Parallèlement, la baisse du nombre de victimes se poursuit : 4 274 morts l'an passé. C'est encore trop, mais nous étions à 10 000 il y a quelques années ! L'objectif du Président de la République est de 3 000 en 2012.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Il faut voter l'article 3 !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Un relâchement du comportement des automobilistes aurait des résultats terribles. C'est pourquoi le Gouvernement, comme la commission des lois, n'est pas favorable à cette proposition de loi.
Monsieur Détraigne, il n'y a pas de consigne au niveau national sur un quelconque « quota » de PV. Policiers et gendarmes ont reçu une circulaire très ferme du ministre de l'intérieur ; aux préfets de vérifier le respect des directives. L'objectif n'est pas de faire du chiffre, mais d'être efficaces.
Monsieur Mahéas, le port de la ceinture est devenu un réflexe. Tout signal contradictoire aurait des conséquences effroyables. Chaque année, ce sont 400 personnes qui auraient pu être sauvées par la ceinture !
Monsieur Collin, l'Espagne est certes moins stricte sur le dépassement de la vitesse autorisée, mais le nombre de morts par habitants est bien plus élevé qu'en France, et les autorités réfléchissent d'ailleurs à un durcissement de leur politique routière.
Policiers et gendarmes se doivent d'être exemplaires, mais on peut comprendre que, pour certaines missions très particulières, ils ne portent pas la ceinture...
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Bien sûr ! Comme les taxis...
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - L'emplacement des radars est fixé par les préfets après concertation avec les représentants des usagers. Nous pouvons améliorer cette concertation avec les élus locaux.
Le plan de relance prévoit un financement supplémentaire pour les routes et leur entretien.
Une amende est bien moins dissuasive que le retrait de points, et moins équitable. Les jours de grève -avant le service minimum- ceux qui ont voiture et chauffeur n'étaient pas logés à la même enseigne que ceux qui prennent le métro ! Nous ne voulons pas de discrimination par l'argent.
En 2007, sur 880 000 automobilistes sanctionnés, seuls 17, soit 0,002 %, ont perdu douze fois un point !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Absolument.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Je ne parle pas de ceux-là !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - L'harmonisation des limitations de vitesse est effectivement insuffisante. Les changements abrupts sur un même axe routier sont mal acceptés. Ils s'expliquent par la grande diversité des acteurs, qui fait aussi le charme de la France... La signalisation peut également être améliorée. Je m'engage donc devant la Haute assemblée à mettre en place, avec Mme Alliot-Marie, l'ADF et l'AMF, des mesures concrètes pour mener à bien cette harmonisation. (« Très bien » et applaudissements sur les bancs UMP)
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Enfin !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Je remercie Mme Troendle pour la qualité de son rapport. Monsieur About, le Gouvernement est sensible au problème que vous avez évoqué, mais pas à vos arguments. Il n'est donc pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)
M. le président. - Nous avons pris note de vos engagements, monsieur le ministre.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Fouché.
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le premier alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les utilisateurs professionnels sont dotés d'un permis de conduire spécial. »
II. - L'article L. 223-6 du même code est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si le conducteur justifiant d'une nécessité absolue de détenir son permis de conduire pour des motifs liés à son activité professionnelle n'a pas commis, dans le délai d'un an à compter de la date du paiement de la dernière amende forfaitaire, de l'émission du titre exécutoire de la dernière amende forfaitaire majorée, de l'exécution de la dernière composition pénale ou de la dernière condamnation définitive, une nouvelle infraction ayant donné lieu à un retrait de un ou deux points, son permis est affecté du nombre maximal de points. » ;
2° Dans le dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
III. - L'article L. 223-8 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le 1°, après les mots : « points du permis de conduire, », sont insérés les mots : « le nombre maximal de points du permis de conduire spécial pour les utilisateurs professionnels, » ;
2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° Les conditions de mise en oeuvre de la récupération ;
« 7° Les modalités de la procédure de demande de récupération par le titulaire du permis de conduire. »
M. Alain Fouché. - Tous les conducteurs ne sont pas sur un pied d'égalité. Pour les professionnels de la route, le permis est une nécessité absolue, et la menace de retrait disproportionnée quand elle résulte de l'addition de fautes légères. Cet amendement leur permet donc de récupérer les points perdus en un an, s'ils ne commettent pas de nouvelle infraction. C'est une mesure d'équité. Pour garantir la vigilance, les amendes sont maintenues, et la durée de récupération n'est pas réduite pour les fautes lourdes.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Ce n'est pas parce que le rapport de la commission des lois ne va pas dans le sens des attentes de M. About qu'il peut se permettre de porter un jugement de valeur sur mon travail ! J'ai fait mon rapport sans tabou, sans céder au politiquement correct. J'ai relevé des incohérences à plusieurs reprises. La commission a travaillé avec sérieux et en toute indépendance d'esprit.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Tout à fait.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - L'amendement n°4, qui reprend une proposition de loi de M. Alduy, cosignée, entre autres, par M. Fouché, revient à créditer de douze points un automobiliste professionnel qui n'aurait commis aucune infraction en un an. Pourquoi ceux qui roulent le plus, dans les véhicules les plus dangereux, les camions, devraient-ils jouir d'une clémence particulière ? Au contraire, ce sont les plus expérimentés !
Et comment définir un utilisateur professionnel de la route ? S'agit-il uniquement des transporteurs routiers, des taxis ? Quid des artisans, des PME...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Et des sénateurs !
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - L'amendement autorise la récupération de tous les points, même si l'automobiliste a commis une infraction valant le retrait de six points un an et un mois auparavant ! C'est excessivement avantageux.
Enfin, aucune donnée ne fait état d'une explosion des retraits de permis chez les professionnels. Le système a déjà été rééquilibré. Retrait, sinon rejet.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Je remercie Alain Fouché de nous permettre de discuter de cette question, dont les élus entendent souvent parler... Les statistiques d'accidentologie montrent que les professionnels -notamment les conducteurs de camions, qui assurent 85 % du fret de marchandises- sont plus attentifs que les autres au respect des règles ; en outre, nous avons conclu des accords avec les grandes fédérations de transporteurs routiers.
L'instauration d'un permis spécial pour les professionnels de la route serait injuste et inégalitaire, et risquerait de ce fait d'être inconstitutionnelle. En outre, l'établissement de la liste des bénéficiaires serait fort complexe, comme l'a indiqué Mme le rapporteur. Qu'en serait-il, notamment, des étudiants ou des habitants des départements ruraux -tels que le vôtre, monsieur Fouché-, qui n'ont d'autre possibilité que d'utiliser la route ? Enfin, une disposition de ce type pourrait provoquer un relâchement des comportements, surtout en milieu urbain, où a lieu le plus grand nombre d'accidents liés à l'habitude. Selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, une augmentation de 1 km/h de la vitesse maximale induit un accroissement de 4 % du nombre de tués sur les routes.
Monsieur Fouché, votre sens de l'État et votre connaissance du terrain devraient vous aider à retirer votre amendement. A défaut, avis défavorable.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Madame le rapporteur, je ne critique pas votre travail, et les recommandations contenues dans le rapport sont très intéressantes, mais je n'en partage pas les conclusions.
Monsieur le ministre, j'ai moi aussi lu très attentivement le rapport de l'Observatoire national interministériel, qui est mon livre de chevet. (Sourires) Ce que vous avez dit sur les poids lourds est inexact. Selon le rapport, 20 % d'entre eux dépassent systématiquement les limitations ; en outre, ils sont flashés comme les véhicules légers, donc, sur autoroute, quand ils dépassent de 40 km/h leur limitation de vitesse à 90 km/h.
Je ne souhaite pas permettre les excès de vitesse, et si les limitations étaient abaissées à 110, 100 ou 90 km/h, notre position serait la même. Il faut du tact et de la limite en tout : il n'est pas plus dangereux de rouler à 111 km/h qu'à 110, ou à 91 qu'à 90. Ne nous rendez pas responsables des morts sur la route, alors que rien n'est fait pour limiter le nombre d'accidents mortels la nuit : 45 % des tués pour 10 % du trafic... On ne modifie pas la vitesse la nuit, alors que la vitesse moyenne y est plus élevée que de jour -et cela n'est pas seulement le fait des conducteurs alcoolisés. On n'agit pas car cela coûterait très cher : 90 % de la circulation ayant lieu de jour, il est plus rentable de verbaliser à ce moment. Et la suppression du permis encourage l'utilisation des deux roues, qui ne comptent que pour 1 % du trafic, mais représentent 40 % des tués.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Le Gouvernement ne souhaite pas modifier les règles en permanence.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Et le CPE ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Il en est ainsi du taux autorisé d'alcoolémie, des limitations de vitesse en ville et sur route : nous avons des règles, elles sont comprises et doivent être appliquées strictement. Tout assouplissement causerait des morts supplémentaires.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Très bien !
M. Alain Fouché. - Je ne retire pas mon amendement. Tout le monde ne serait pas concerné par ce permis spécial. Il est possible d'agir dans ce domaine.
M. Jacques Mahéas. - Je comprends le souci d'Alain Fouché et le besoin qu'ont les professionnels de la route de conserver leur permis de conduire. Toutefois, ces derniers doivent être plus prudents que les autres conducteurs car c'est leur gagne-pain.
La proposition de loi a trait à l'addition de fautes dites bénignes, liées par exemple à l'accumulation de panneaux différents sur une courte distance : cela doit faire l'objet de discussions avec les collectivités locales car certaines anomalies rendent les règles difficilement compréhensibles et observables.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Absolument.
M. Jacques Mahéas. - Monsieur le ministre, on peut tout de même améliorer le système, même par voie réglementaire. Il faudrait revoir la signalisation routière et faciliter la récupération des points. En revanche, la création d'un permis de conduire spécifique et la réduction à un an du délai de récupération des points comporteraient plus d'inconvénients que d'avantages. Cela susciterait de nombreuses demandes : ainsi des habitants des campagnes, qui habitent à 60 km de leur travail, sans transport en commun. Ils ne peuvent faire ce trajet en mobylette !
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - De nombreux ouvriers le font.
M. Jacques Mahéas. - Nous sommes dans un monde de confort, tout de même ! Sinon il faudrait tenir compte des vélos ou des patins à roulette... (Sourires)
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Il y a des gens qui n'ont pas le choix. Cela ne me fait pas rire.
M. Jacques Mahéas. - Moi non plus. J'ai d'ailleurs connu un jeune énarque qui venait au conseil municipal en patins à roulettes !
La création d'un permis de conduire dérogatoire créerait un appel d'air pour d'autres demandes tout aussi légitimes d'un point de vue humain et économique. Il n'est pas dans l'intérêt de la sécurité routière d'affaiblir des dispositions auxquelles tout le monde est en train de s'habituer.
A la demande de la commission, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 271 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 136 |
Pour l'adoption | 15 |
Contre | 256 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article premier
Après l'article L. 223-8 du code de la route, il est inséré un article L. 223-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 223-9. - Toute contravention résultant d'un dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 km par heure ne peut pas donner lieu à une réduction du nombre de points du permis de conduire.
« L'application de l'alinéa précédent entraîne la restitution immédiate des points retirés sur le permis de conduire des automobilistes, qui ont fait l'objet d'une telle sanction, sous réserve qu'ils se soient acquittés au préalable de l'amende forfaitaire correspondante, fixée par décret pris en Conseil d'État, en application de l'article L. 529 du code de procédure pénale. »
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mahéas. - Je me suis expliqué durant la discussion générale. Avec cet article, le dépassement des limitations de vitesse ne serait sanctionné qu'au-delà de 10 km/h et cela créerait une inégalité au profit des conducteurs qui ont les moyens d'acquitter de nombreuses amendes. On sait en outre que les amendes sont moins dissuasives. N'envoyons pas un tel message à la veille des grands week-ends de printemps : une hausse, même minime de la vitesse peut entraîner des accidents. Poursuivons plutôt une politique qui commence à porter ses fruits.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. About.
Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 223-9 du code de la route.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Je ne veux pas que la rétroactivité soit un motif pour retirer ou supprimer cet article. Pourquoi l'avais-je prévue ? Parce que le tribunal de Saint-Dié a estimé que tous les PV établis par des radars Sagem sont illégaux et que celui de Vesoul a jugé que la légèreté, pour ne pas dire plus, avec laquelle les forces de police installent les radars entraîne des décalages qui peuvent aller jusqu'à 30 %. Mais les jugements des tribunaux ne suppriment pas toutes les autres amendes distribuées dans les mêmes conditions, ce qui crée une inégalité car seuls les riches peuvent s'offrir un avocat, aller en justice et récupérer des points. Ils n'obtiennent satisfaction que pour eux et les autres contraventions, établies dans la plus totale illégalité restent. S'instaure ainsi une justice à deux vitesses au détriment des conducteurs honnêtes, naïfs ou trop faibles, flashés à tort, mais auxquels on peut tordre le cou.
Je communiquerai au ministre les directives écrites fixant des objectifs en nombre d'interpellations, d'infractions : par exemple, dans ce secteur, (l'orateur consulte un document) il faut en 2009 obtenir 45 refus d'obtempérer et 230 contraventions hors stationnement. A qui veut-on faire croire qu'on ne donne pas de directives aux forces de l'ordre ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Il n'y a pas de jurisprudence définitive tant que la Cour de cassation ne s'est pas prononcée et dans notre système, il n'y a pas de précédent : le jugement ne vaut que pour les parties. Faut-il le contester ?
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Je le constate.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - On dit beaucoup de choses qui ne sont pas vérifiées.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Si !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Des tribunaux ont estimé que le fabricant du radar ne peut en assurer la vérification...
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Ce n'est pas le cas de celui de Vesoul...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Cela ne veut pas dire que le radar est faux !
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - C'est illégal !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Pour le tribunal de Saint-Dié...
Vous établiriez une inégalité entre ceux qui ont les moyens de payer une amende et les autres. L'égalité doit s'appliquer ici comme elle s'est appliquée à l'amendement de M. Fouché.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement de suppression, qui rejoint l'avis de la commission. Pratiquement inapplicable, l'amendement de M. About fragiliserait le dispositif du permis à points. Je veux enfin insister sur le risque d'une nouvelle injustice car les conducteurs qui ont les moyens de payer des amendes rouleraient systématiquement 5 km/h plus vite que les autres.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Il y a déjà une marge d'erreur de 5 km/h et, comme on me l'a appris à l'école, cinq plus cinq égale dix. Je suis donc favorable à l'amendement de suppression d'une mesure mortifère et je rejoins l'avis de la commission des lois sur l'amendement de M. About.
A la demande de la commission, l'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin:
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 153 |
Pour l'adoption | 255 |
Contre | 49 |
L'amendement n°5 est adopté.
En conséquence, l'article premier est supprimé et l'amendement n°1 devient sans objet.
Article 2
Après l'article L. 412-2 du même code, il est inséré un article L. 412-3 ainsi rédigé :
« Le fait, pour tout conducteur, de ne pas porter la ceinture de sécurité, ne peut être sanctionné que par une amende dont le montant est défini par décret pris en conseil d'État. »
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mahéas. - Cet article supprime la perte de points du permis en cas de non-port de la ceinture de sécurité par le conducteur. Il maintient la seule amende de 135 euros en raison des abus de verbalisation et du fait que la ceinture de sécurité à forte vitesse n'est pas une garantie efficace en cas d'accident.
Pourtant, les études montrent que 20 % des conducteurs non ceinturés impliqués dans un accident ont été tués, alors que moins de 2 % de ceux qui l'avaient ont péri. Il est vrai que je ne connais pas la distinction entre petite et grande vitesse et je ne sais pas s'il y a des statistiques sur ce point.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Il y en a.
M. Jacques Mahéas. - En revanche, je suis d'accord avec M. About lorsqu'il dit qu'il est anormal que ceux qui roulent beaucoup en ville ne soient pas astreints au port de la ceinture. Il conviendrait de disposer de statistiques pour voir si ces métiers enregistrent des taux plus élevés de blessés et de morts.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Ce serait effectivement intéressant ! Si les taux étaient identiques, cela signifierait que le port de la ceinture ne sert à rien !
M. Jacques Mahéas. - En outre, les contrevenants prennent le risque de coûter cher à la société. Enfin, grâce à la perte de points, le port de la ceinture de sécurité a beaucoup progressé : à la campagne, le taux est passé entre 1997 et 2007 de 94 % à 98,6 % et en ville de 69 % à 96 %. A l'arrière, le taux varie entre 77 % et 85 %. Ces progrès doivent être encouragés et il ne faut pas casser cette dynamique.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Cet amendement de suppression correspond aux aspirations de la commission : avis favorable.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Après l'alcoolémie et la vitesse, le non-port de la ceinture est la troisième cause de mortalité au volant. Les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables et des chocs à 20 km/h peuvent leur être fatal. Or, un enfant sur dix n'est pas attaché et un sur sept l'est mal. L'an dernier, si tous les conducteurs et passagers de véhicules avaient été attachés, 400 vies auraient été sauvées. Je suis donc favorable à cet amendement de suppression.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Je regrette infiniment que notre rapporteur, dont c'était initialement l'intention, n'ait pas déposé un amendement pour réduire la sanction en cas de non-port de la ceinture à la perte d'un seul point.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - C'est règlementaire !
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - A de nombreuses reprises, la loi a fixé le nombre de points perdus ! De plus, la Cour européenne a rappelé qu'il s'agissait d'une sanction pénale. Le législateur est donc dans son rôle.
En outre, le décret du ministre permet à ceux qui roulent beaucoup en ville de transgresser cette règle alors qu'ils devraient être les premiers à la respecter. Ne s'agit-il pas là d'un curieux paradoxe ? Il serait intéressant de savoir si ces professionnels connaissent des taux de blessés et de tués plus importants que le reste de la population. Ces études n'ont certainement pas été faites car si elles l'avaient été, le ministre aurait, à n'en pas douter, modifié son décret pour ne pas faire courir de risques inutiles à ces professionnels. Il vient de nous dire aussi à juste titre que le port de la ceinture était particulièrement important pour les enfants : pourquoi alors ne pas imposer aux taxis de mettre à disposition des enfants et des bébés des sièges adaptés ? Son attitude est très étonnante ! Attention, mes chers collègues, vos enfants sont en danger dans les taxis car M. le ministre accepte que la sécurité n'y soit pas assurée ! (Exclamations à droite)
Je souhaite donc que la perte soit limitée à un point et que l'amende reste inchangée à 135 euros, ce qui est déjà énorme.
A la demande de la commission, l'amendement n°6 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 154 |
Pour l'adoption | 280 |
Contre | 27 |
L'amendement n°6 est adopté et l'article 2 est supprimé.
Article 3
Après l'article L. 413-5 du même code, il est inséré un article L. 413-6 ainsi rédigé :
« La vitesse de nuit sur l'ensemble du réseau est réduite dans des conditions définies par décret pris en Conseil d'État. Elle ne peut être supérieure à la vitesse limitée par temps de pluie. »
M. le président. - L'amendement n°3, présenté par M. Fouché, a été retiré.
M. Jacques Mahéas. - J'ai l'impression de faire le travail de la majorité qui ne veut pas de ce texte ! (Sourires)
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mahéas. - Cet article propose de réduire la vitesse de nuit, comme c'est déjà le cas par temps de pluie ou de brouillard, au motif que les vitesses moyennes nocturnes sont plus élevées que dans la journée.
J'ai été sensible à ce qu'a dit M. About, mais les études démontrent que la surmortalité de nuit s'explique essentiellement par la consommation d'alcool.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Il en va de même le jour !
M. Jacques Mahéas. - C'est vrai ! Pourtant, nous estimons qu'il est préférable de s'attaquer à la vraie source du risque en multipliant les contrôles d'alcoolémie et de stupéfiants la nuit, dispositif plus approprié que de prévoir de nouvelles limitations de vitesse.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Cet amendement rejoint les préoccupations de la commission : avis favorable.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Le Gouvernement ne souhaite pas passer son temps à modifier des règles connues des Français depuis 2002. Les comportements sont en train de changer et il serait contreproductif de prévoir de nouvelles règles. Je suis donc favorable à cet amendement.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - Vous n'êtes pas favorable au changement des règles, dites-vous monsieur le ministre. Mais quand ça vous arrange, vous y procédez, comme l'an dernier !
Dans ma bible, le rapport de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, il est dit que la vitesse moyenne pratiquée de nuit est supérieure de 6 km/h à celle pratiquée de jour. Et si le trafic de nuit ne représente que 10 % du trafic global, il est responsable de 45 % des morts sur la route ! Pourtant, on me répond : circulez, il n'y a rien à voir ! Dans le même temps, M. le ministre nous dit qu'un km/h de plus sur la route augmente le nombre de tués de 4 %. Comprenne qui pourra !
Nous avons ici la possibilité de réduire de façon considérable le nombre de tués et le Gouvernement s'y oppose ! J'avais cru qu'il était opposé à l'article premier et à l'article 2 car il estimait qu'ils risquaient de faire augmenter le nombre de tués. On m'a dit : si ces articles sont adoptés, vous aurez ces morts sur la conscience ! Avec cet article, nous avons vraiment la possibilité d'en réduire le nombre, mais vous me répondez qu'il ne faut pas changer la réglementation en vigueur.
Ne rien changer, c'est refuser de sanctionner l'absence d'aménagements par l'État ou les collectivités locales, mais continuer de punir les conducteurs dans des cas limites.
Dans les départements où des efforts ont été accomplis, on a trois fois moins de risques de se tuer sur la route -en Bretagne par exemple. Lorsque l'État avait la responsabilité des routes nationales, celles-ci étaient des lieux de carnage ; transférées aux départements, qui les ont aménagées, elles sont devenues beaucoup moins dangereuses. Mais on ne le dit jamais, pour éviter de mettre en évidence les anciennes carences de l'État...
Il n'est pas bon d'avoir raison trop tôt, mais vous y viendrez forcément car 71 % des Français n'y comprennent plus rien et se sentent grugés, et ils ont raison.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - L'un des commissaires du Gouvernement présents est membre de l'Observatoire de la sécurité routière et je puis donc vous donner les chiffres exacts : en 2007, la vitesse moyenne sur autoroute était de 120 km/h par heure le jour, 115 la nuit ; sur les routes nationales, 82 le jour et 82 la nuit ; mais en agglomération, vous avez raison, la vitesse moyenne est de 53 km/h le jour et 58 la nuit. Mme la ministre de l'intérieur a adressé une circulaire aux forces de l'ordre pour leur demander d'accentuer la vigilance sur les axes et aux horaires où les jeunes se tuent le plus, c'est-à-dire le week-end et la nuit.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Nicolas About. - A la page n°140 du rapport de l'Observatoire, il est écrit que sur les autoroutes, la vitesse moyenne de nuit est inférieure de 5 km/h à la vitesse de jour ; qu'en centre-ville et sur les routes nationales, la vitesse est la même de jour et de nuit ; mais que la vitesse de nuit est supérieure de 6 km/h à la vitesse de jour sur les routes de dégagement, de 5 km/h sur les routes nationales en traversée d'agglomération et de 4 km/h sur les voies d'entrée et de sortie des agglomérations. Y a-t-il deux rapports, l'un pour le ministre, l'autre pour les parlementaires ? On n'a pas le droit de se moquer de nous ainsi !
A la demande de la commission, l'amendement n°7 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l'adoption | 285 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté. En conséquence, l'article 3 est supprimé.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - La demande de M. le ministre a été entendue par sa majorité... Pardon, par une majorité ! (Sourires sur les bancs socialistes) Vous pensez qu'il n'y a pas lieu de légiférer, qu'il ne faut rien changer. Je pensais que davantage de bon sens, de mesure, d'humanité étaient envisageables. Puisque tel n'est pas le cas, je ne défendrai pas les articles suivants.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Alors nous renonçons à demander des scrutins publics.
Article 4
Dans le I de l'article L. 324-2 du même code, après les mots : « est puni de 3 750 euros d'amende » sont insérés les mots : « et le retrait de trois points du permis de conduire ».
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mahéas. - Il est exposé.
L'amendement, accepté par la commission et le Gouvernement est adopté.
L'article 4 est en conséquence supprimé.
Article 5
Le II de l'article L. 324-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8° - La vente du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire. Le fruit de la vente est reversé au profit du fonds de garantie automobile institué par l'article L. 420-1 du code des assurances. »
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mahéas. - Exposé !
L'amendement, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 5 est en conséquence supprimé.
Article 6
L'article L. 211-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée aux premier et deuxième alinéas du présent article continuent à produire leurs effets, jusqu'à leur date d'échéance, lorsque l'assuré a perdu la totalité des points de son permis de conduire, dont plus de la moitié en application du 4° du III de l'article R. 413-14 du code de la route. »
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mahéas. - Même chose.
L'amendement, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 6 est supprimé.
Article 7
Après l'article L. 211-7 du même code, il est inséré un article L. 211-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-7-1. - À la date d'échéance du contrat, et au moment de son renouvellement, l'assureur vérifie auprès de l'assuré que celui-ci est toujours titulaire du permis de conduire. Il lui demande, simultanément au versement de la prime ou de la cotisation, la production d'un certificat de détention du permis de conduire, établi depuis moins d'un mois par la préfecture de son département de résidence. »
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jacques Mahéas. - Exposé !
L'amendement, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 7 est supprimé.
M. le président. - Tous les articles ayant été supprimés, il n'y a plus lieu de voter sur l'ensemble ; la proposition de loi est rejetée.
M. Nicolas About, auteur de la proposition de loi. - Je remercie tous ceux qui ont participé à ces échanges et salue le travail de Mme le rapporteur. Je regrette que soit administrée aujourd'hui la preuve que l'ordre du jour réservé aux parlementaires ne permet nullement de faire avancer les choses...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Ce n'est pas parce que vous n'avez pas gain de cause que rien n'avance sur aucun sujet !
M. Nicolas About, auteur de la proposition de loi. - Mais aucune suggestion n'a été faite pour améliorer ou modifier mon texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Soit il y a consensus et des améliorations et modifications peuvent être présentées. Soit la commission est hostile à l'essentiel du texte et comment mieux respecter les auteurs qu'en laissant la discussion se dérouler autour de la proposition de loi telle que présentée ? Nous avons débattu, la médiatisation est sans conteste réussie... Ne voyez dans notre attitude nul mépris pour votre proposition de loi. Simplement, nous ne l'approuvons pas.
M. Nicolas About, auteur de la proposition. - J'espère que vous n'y reviendrez pas dans un an ou deux, comme vous l'avez fait l'an dernier.
M. Jacques Mahéas. - Une majorité s'est prononcée contre ce texte, qui n'est pas « la » majorité. Nous sommes dans l'opposition...
M. Alain Gournac. - Mais au service de la République !
M. Jacques Mahéas. - Nos collègues de la majorité sénatoriale ont clamé à plusieurs reprises dans la discussion qu'à partir de 2002, tout avait été extraordinaire : je leur rappelle que le permis à points a été créé en 1992, sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy. Cette réforme, bien sûr, ne fut guère populaire, elle entraîna des difficultés aux élections suivantes.
Pour ma part, j'ai souvent proposé que l'on diminue le taux d'alcoolémie toléré pour les conducteurs. En outre, je ne suis pas d'accord sur tout avec le ministre. M. About a lancé des pistes de réflexion intéressantes et il est certainement possible d'améliorer les choses. Le Gouvernement qui chamboule tout dans tant de domaines -jamais hélas de façon constructive- ne saurait invoquer des règles immuables s'agissant de la sécurité routière.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Ce texte a le grand mérite de nous avoir poussés à prendre position sur l'acceptabilité de la politique de sécurité menée depuis 2002. Je souhaite, monsieur le ministre, que les interrogations sur lesquelles je me suis exprimée puissent trouver une réponse. Un engagement de votre part m'agréerait.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - J'ai dit, sur les limites de vitesse, que nous mènerions le travail d'harmonisation nécessaire.
Ces questions intéressent grandement nos compatriotes. Nous connaissons tous ces drames qui endeuillent tant de familles. Quelles que soient nos différences d'analyse, nous sommes unanimes en faveur d'une politique forte de sécurité routière. Je remercie le président About de nous avoir permis d'ouvrir le débat. (Applaudissements à droite)
Aides publiques aux entreprises
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'évaluation et au contrôle de l'utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers, présentée par M. Robert Hue et ses collègues du groupe CRC-SPG.
Discussion générale
M. Robert Hue, auteur de la proposition de loi. - Le 19 février dernier, face à la montée du mouvement social et à l'exigence grandissante de l'opinion de voir s'exercer un contrôle sur les aides publiques aux entreprises, le Président de la République déclarait : « Plus que jamais, le dialogue social est nécessaire. Désormais, les organisations syndicales seront associées aux opérations de restructuration des entreprises et participeront aussi au contrôle des aides publiques. C'est une transparence que nous devons au contribuable ».
C'est déjà dans cet esprit qu'avait été votée la loi de janvier 2001 sur le contrôle des fonds publics, abrogée, dès décembre 2002, sous la pression du patronat, par une majorité zélée.
Alors que nous sommes aujourd'hui dans la fuite en avant sur les aides publiques aux entreprises et aux banques, alors que malgré la crise, les sociétés du CAC 40 affichent des bénéfices en progression de plus de 12 %, une loi efficace assurant la transparence et le contrôle s'impose plus que jamais. Tel est le sens de ce texte.
C'est à l'aune de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que nous vous proposons de l'examiner. « La société a droit de demander compte à tout agent public de son administration », dit son article XV. Ce texte fondateur de l'État de droit dit que l'impôt est une nécessité, qu'il est légitime que la charge publique soit justement répartie, que payent plus ceux qui ont plus et moins ceux qui ont moins, qu'il est légitime que le peuple sache à quoi sont employés les impôts, déterminés par la loi. C'est dans ce cadre que se justifie le contrôle parlementaire de la dépense publique.
La dépense publique recouvre aujourd'hui des formes de plus en plus complexes, et les aides publiques aux entreprises n'ont pas toujours le caractère d'une dépense. Qui peut avoir à craindre de la clarté et de la transparence ? En quoi la réclamer, monsieur le rapporteur, serait-il le signe d'une suspicion à l'égard de ceux qui bénéficient de deniers publics ? Il est légitime que le régisseur d'un poste de recettes du trésor public rende des comptes sur sa gestion, comme il est légitime que le responsable d'une association ou d'une collectivité subventionnée produise tout élément d'appréciation de sa situation budgétaire. Personne ne voit dans ces contrôles la moindre suspicion. Notre proposition de loi doit être interprétée comme une manifestation aussi légitime de la transparence qui doit présider à l'utilisation de l'argent public.
Mais votre position, monsieur le rapporteur, trahit quelque chose de plus profond. Vous considérez ne pas avoir de leçons à recevoir ni de comptes à rendre. Chacun constate que l'essentiel des procédures menées par la Cour des comptes comme par les chambres régionales des comptes, notamment s'agissant des budgets locaux, ne conduit à rien d'autre qu'à un quitus.
Vous chantez les louanges de la Lolf et de la dernière révision constitutionnelle, en vertu desquelles les parlementaires disposeraient de larges moyens de contrôle et d'investigation sur la gestion des dépenses publiques. Or, que constatons-nous ? Que la pratique des chapitres « réservoirs », maintes fois dénoncée par la Cour des comptes, n'a pas disparu, loin de là ; que c'est bien souvent en dernière instance le Gouvernement qui garde la haute main sur la ventilation effective de la dépense publique, procédant à des ajustements, que votre majorité vote sans broncher.
Autre exemple de dérive, les exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises. Depuis l'adoption de la loi quinquennale sur l'emploi, le travail et la formation professionnelle de décembre 1993, elle n'ont fait que croître et embellir, année après année, au point que l'on est en droit de s'interroger sur l'opportunité d'un tel engagement de dépenses : un milliard d'euros en 1993, consacrés à des allègements très ciblés ; 42 milliards aujourd'hui, qui sont ainsi distraits du recouvrement par la sécurité sociale. A comparer aux 3 ou 4 milliards de son déficit.
Une dépense multipliée par dix en quinze ans, quelle orgie pour des partisans de la réduction de la dépense publique, animés par les chaudes recommandations du Medef et des cercles patronaux les plus divers !
Le 5 juin 2008, la Cour des comptes, a la demande de la mission commune d'information de l'Assemblée nationale sur la politique d'allégement des cotisations sociales, a déposé un rapport très critique. Il mettait ainsi en cause les allégements généraux qui tirent les salaires vers le bas. Il déplorait le manque d'évaluation des exonérations ciblées. Parmi les grands pays européens, seule l'Italie pratique de telles politiques sans le moindre contrôle. Même un pays aussi profondément libéral que le Royaume-Uni n'a jamais utilisé les allègements pour venir en aide aux entreprises.
Le rapport Méhaignerie, de deux ans antérieur, s'interrogeait déjà sur ces politiques d'allégement des charges sociales. On peut de fait se poser la question du bien-fondé de tels engagements de dépenses.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Bonne question, en effet.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Hors les déclarations du Président de la République sur la nécessité de rendre compte de l'engagement des deniers publics et celles de M. Xavier Bertrand sur la conditionnalité des aides publiques, où en est-on ? Rien n'est venu modifier l'ordre des choses. Les groupes Auchan et Carrefour peuvent continuer sans problème à développer emplois précaires et temps partiel subi, en bénéficiant de toujours plus d'allégements de cotisations. Et que l'on ne tente pas une diversion sur les PME-PMI, qui jouent généralement le jeu de la transparence. Nous parlons des grands groupes qui souvent les étranglent.
Pour la clarté du débat, il importe de faire le tour de ce que nous entendons par « aides publiques aux entreprises » Bien entendu, les considérables allégements de cotisations sociales sont un élément clé de ces aides. Plus de 40 milliards de recettes fiscales transférées alors que le déficit budgétaire est de 104 milliards, cela pose question.
Mais les aides publiques, ce sont aussi les multiples aides directes dont bénéficient les entreprises et provenant des collectivités locales, de l'État et, parfois, de l'Europe. Leurs modalités de contrôle ne sont aucunement unifiées malgré toutes les dérives que cela peut provoquer. Ces aides publiques aux entreprises, ce sont aussi les très importantes dépenses fiscales que l'État prend désormais en charge en lieu et place des entreprises normalement redevables : allégement de l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle, crédit d'impôt. A ce jour, rien de fondamental n'a été produit qui justifie le bien-fondé de tels dispositifs. Il serait instructif de faire le bilan du plafonnement de la taxe professionnelle au regard de la situation de l'emploi dans les entreprises. Et que penser des 360 milliards d'aides publiques aux banques que le plan de sauvetage de cet automne a programmés ? Pour n'avoir pas fixé de conditions plus précises de contrôle des sommes avancées par l'État pour secourir les banques françaises, on ne pouvait éviter ni la dégringolade du titre Natixis, ni l'affaire Bouton, ni encore la persistance de l'inégalité d'accès au crédit des PME et TPE !
Et pourtant, 90 % des Français -vous entendez madame la ministre, monsieur le rapporteur ?-, 90 % des Français, selon un récent sondage CSA, estiment nécessaire de contrôler les aides publiques et de n'accorder celles-ci qu'aux entreprises qui s'engagent à maintenir l'emploi. Et ils ont raison, puisque nous sommes à un niveau d'aides publiques aux entreprises jamais atteint : 40 milliards d'allègement de cotisations sociales, 20 milliards d'exonération de taxe professionnelle, 10 milliards d'aides directes à l'automobile, plus de 320 milliards de garantie aux établissements bancaires !
C'est ici que notre proposition de loi prend tout son sens. Et vous n'entendez rien ! Certes vous dites partager le constat -il serait difficile de faire autrement- mais cela s'arrête là. Votre opposition, purement idéologique, nous accuse d'entretenir un climat de suspicion envers les entrepreneurs et de vouloir créer un dispositif empreint de lourdeur bureaucratique. La bureaucratie ! La lourdeur ! Et pourquoi pas les soviets ? (Rires et exclamations). Comment ne pas balayer d'un revers de main vos critiques conservatrices et archaïques, quand le Président de la République propose dans le même temps la mise en place d'un comité des sages du Medef (Mme Nicole Borvo-Seat s'esclaffe) pour contrôler le mode de rémunération des dirigeants ! Soyons sérieux ! Quand il annonce un décret sur le contrôle des aides publiques et que l'on se rend compte que ce décret, du 30 mars dernier, ne vise qu'à rendre obligatoire l'information du comité d'entreprise dès qu'une aide publique est accordée. Ce décret est un leurre complet puisqu'il vise à informer et non à contrôler ni à sanctionner et qu'il écarte les organisations syndicales de toute possibilité d'intervention.
L'argent public doit impérativement concourir à un grand objectif national de maintien et de créations d'emplois, et d'investissements utiles à la création de richesses réelles. Mais, visiblement, la majorité de cette assemblée s'apprête à refuser toute transparence sur l'utilisation de l'argent public qui est celui de nos concitoyens. Allez-vous laisser se poursuivre ce camouflage d'État, qui pourrait même -je pèse mes mots- relever du détournement de fonds publics ?
Enfin, et c'est le plus grave à mes yeux, vous nous accusez de jouer sur l'émotionnel en temps de crise. Ayez plutôt le courage de dire aux Français que vous ne souhaitez pas la transparence sur l'utilisation de l'argent public !
La commission nationale dont nous demandons la création aura du pain sur la planche. Elle devra travailler au plus près du terrain -d'où les commissions régionales- et en lien direct avec le contrôle parlementaire, seul déterminant en dernière instance et dont elle est appelée à devenir un auxiliaire indispensable. (Applaudissements à gauche)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Cette proposition de loi reprend presque à l'identique un dispositif mis en place par une loi du 4 janvier 2001 et abrogée dans le collectif budgétaire de décembre 2002. Il s'agit de créer une commission nationale et des commissions régionales de contrôle des aides publiques aux entreprises. Une telle proposition repose sur une exigence légitime, celle de s'assurer que les aides octroyées sont utiles et remplissent l'objectif pour lequel elles ont été versées. Cependant, le texte proposé risque de s'avérer contre-productif car il pourrait fragiliser l'activité des organes de contrôle existants, à commencer par le Parlement.
M. Alain Gournac. - Eh oui ! Le Parlement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - De plus, la proposition de loi ressuscite des commissions dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles n'ont pas obtenu de résultats convaincants durant leur existence passée, au cours de la période 2001-2002.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent que les aides publiques soient correctement contrôlées. Nous ne pouvons que partager cet objectif. Et la commission des finances est, plus que toute autre, sensible à la contrepartie des aides publiques et, de manière générale, au contrôle de l'efficacité de toute dépense publique, y compris des dépenses fiscales ou sociales.
Les aides octroyées dans le cadre de la crise actuelle visent à maintenir le financement de l'économie et elles sont accordées dans un cadre conventionnel, contre des engagements des entreprises bénéficiaires. Ce soutien public est important : comment pourrait-il en être autrement dans la conjoncture actuelle ? Le rapport écrit retrace l'action volontariste de l'État depuis l'éclatement de la crise des subprimes, à l'automne dernier : financement des fonds propres des banques, mise à leur disposition de 17 milliards auparavant centralisés à la Caisse des dépôts, renforcement des capacités d'intervention d'Oséo, aides à la trésorerie des entreprises, dispositifs dits « CAP » et « CAP+ » pour maintenir à flot le crédit interentreprises...
Au regard de cet effort public, le contrôle est légitime, qu'il s'agisse des aides ordinaires ou des aides de crise... sans attiser les braises d'un climat social déjà tendu. Cependant, nos entreprises doivent pouvoir agir vite et quels que soient les efforts des uns ou des autres, la très forte dégradation de la conjoncture -la « pire crise depuis la Libération » disait le rapporteur général Philippe Marini en présentant le dernier collectif budgétaire- ne peut qu'augmenter le chômage.
Nous ne devons ni faire d'amalgame en considérant tous les entrepreneurs français comme des fraudeurs potentiels, ni créer de nouvelles lourdeurs au moment même où il convient de réagir vite, dans un contexte de crise aiguë. Or, le dispositif proposé crée précisément de telles lourdeurs et risque même de nuire à l'efficacité des actuels organes de contrôle.
Les possibilités de contrôle des aides publiques abondent déjà dans notre pays. D'abord au plan institutionnel et démocratique, avec le contrôle du Parlement, renforcé par la Lolf et par la révision constitutionnelle de juillet 2008. Le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposent d'un pouvoir étendu de communication de pièces et documents, et nous publions chaque année des rapports peu complaisants sur l'utilisation des deniers publics, en nous efforçant d'assurer un meilleur suivi de nos préconisations.
M. Robert Hue, auteur de la proposition de loi. - Alors, pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il demandé encore un décret ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quelle mauvaise foi !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Le contrôle parlementaire s'exerce également en continu au travers d'auditions et de questions écrites ou orales au gouvernement. De nouvelles modalités peuvent aussi être imaginées dans un contexte particulier, comme c'est le cas avec le comité de suivi du dispositif de financement de l'économie, mis en place par décret en décembre 2008 à la demande du Parlement.
Le contrôle est également juridictionnel, que ce soit par les juridictions administratives et judiciaires ou, surtout, par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. En application des articles 58-1et 58-2 de la Lolf, la Cour remplit une mission d'assistance auprès des commissions des finances et nous lui demandons environ cinq enquêtes par an. C'est, par exemple, à la suite d'une enquête réalisée par la Cour qu'a été publié en février 2007 un rapport d'information sur l'efficacité des aides à l'emploi. De même, l'article L. 211-4 du code des juridictions financières prévoit que les chambres régionales peuvent vérifier les comptes de toute entité, publique ou privée, qui bénéficie d'un concours financier, supérieur à 1 500 euros, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public national ou local.
Le contrôle est exercé par l'administration elle-même, par les corps généraux d'inspection, les services de contrôle des impôts, les contrôleurs financiers et les préfets ou représentants de l'État. Il est notamment mis en oeuvre sous l'angle du droit et du budget communautaires, pour le respect du plafond des aides de minimis ou le contrôle décentralisé des aides agricoles et des fonds structurels. Mon rapport en détaille les modalités, et rappelle que notre collègue Joël Bourdin a récemment publié un rapport sévère sur les refus d'apurement d'aides agricoles.
L'évaluation a souvent été le parent pauvre de la mise en oeuvre des politiques publiques. L'évaluation a posteriori repose d'abord sur le Parlement : offices bicaméraux d'évaluation, auditions, amendements prévoyant la remise d'un rapport spécifique du gouvernement ou le respect de certaines conditions avant la mise en place de tout nouveau dispositif d'aide à l'activité économique... L'évaluation, a priori, traditionnellement considérée comme absente ou parcellaire, va connaître un réel essor puisque la loi organique du 15 avril 2009 prévoit une nouvelle obligation d'assortir tout projet de loi d'une étude d'impact détaillée.
Ces contrôles sont certes imparfaits, mais ils existent. Point n'est besoin d'en rajouter, ce qui aurait pour effet de les diminuer, d'autant que vous instrumentalisez une perception émotionnelle de la crise. (Marques de dénégation sur les bancs CRC-SPG) En outre, le dispositif proposé est marqué par une lourdeur bureaucratique...
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Et le comité des sages du patronat, il est formidable peut-être !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - ...avec une commission nationale et 22 commissions régionales, qui occasionnera des frais supplémentaires pour les services ministériels et préfectoraux.
De fait, les modalités de contrôle proposées sont très discutables. A l'article premier, qui crée la Commission nationale d'évaluation et de contrôle des aides publiques, la nature des aides concernées n'est pas précisée, mais élargie aux fonds structurels européens. (M. Robert Hue s'exclame) A l'article 2 relatif à la composition de cette commission, le nombre de parlementaires, représentants de l'État, des syndicats et des organisations patronales ainsi que des personnalités qualifiées qui y siègeront n'est pas fixé. Au vu des expériences passées, tout porte à croire que cette formule, par son caractère pléthorique, paralysera le fonctionnement de la commission.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Et le peuple !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Les pouvoirs conférés à la commission à l'article 3 sont trop larges pour être efficaces : pouvoir de consultation à chaque création d'un dispositif d'aide publique, pouvoir d'auto-saisine, pouvoir de saisine par des millions d'instances -puisque la France, si je ne m'abuse, compte pas moins de 2,5 millions d'entreprises (Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le confirme)- pouvoir d'information par les préfets et tout ordonnateur d'aide publique. Les missions assignées aux commissions régionales, créées à l'article 4, risquent de se limiter à émettre des voeux pieux dont l'efficacité économique est douteuse... L'article 5, en donnant à l'ordonnateur d'une aide publique la possibilité de la suspendre ou d'en exiger le remboursement, sera source d'une forte insécurité juridique pour les entreprises. L'article 6, qui inclut les aides publiques dans le champ du rapport annuel que les entreprises de plus de 300 salariés doivent remettre à leur comité d'entreprise...
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Une disposition importante !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - ...est partiellement satisfait par la partie réglementaire du code du travail.
Pour conclure, rappelons que le principal argument contre l'abrogation de ce dispositif en 2002 est levé puisque, depuis la dernière révision constitutionnelle, le Parlement a plus de temps pour exercer ses missions de contrôle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Parlons-en !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - A titre personnel, je suis très favorable à ce que la commission des finances contrôle de manière approfondie l'utilisation des aides. Sans surprise, je vous propose donc de n'adopter aucun article de cette proposition de loi, ce qui revient à la rejeter ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - Monsieur Hue, je vous remercie d'avoir rappelé la détermination du Président de la République à entretenir le dialogue social. Plus que jamais, le dialogue social est nécessaire. L'association des personnels aux plans de restructuration, aux démarches des entreprises pour obtenir des aides publiques, au suivi de l'utilisation de ces aides, constitue une forme de contrôle au plus près du terrain, à laquelle vous vous rallierez sans doute. Certes, les allègements de charge atteignaient un milliard en 1993, mais ils ont pris un essor considérable avec les 35 heures ! Preuve que l'idée n'était pas bonne... A situation exceptionnelle, démarche exceptionnelle de l'État. Au reste, les dispositions existantes depuis des années permettaient de contrôler l'utilisation des deniers publics, que personne n'oserait assimiler, comme vous le faites, à un « détournement de fonds publics ».
Puisque occasion m'en est donnée, je veux vous rendre compte des différents plans mis en oeuvre par le Gouvernement, vous qui êtes les représentants du peuple chargés d'approuver le budget avec le vote de la loi de finances initiale, les lois de finances rectificatives et de contrôler l'utilisation des fonds publics via notamment des auditions et la création de commissions particulières. Pour répondre aux difficultés de financement, le Gouvernement est intervenu au niveau européen, avant même la faillite de Lehman Brothers, pour demander que la BEI apporte davantage de fonds aux entreprises. Pas moins de 22 milliards ont été mobilisés pour qu'Oséo apporte sa garantie ou son cofinancement. Ensuite, ont été mis en place le complément d'assurance-crédit public et le complément d'assurance-crédit plus pour pallier les insuffisances des assureurs et contribuer à la relance du crédit interentreprises. Au 1er avril, le montant des encours brut garantis atteignait 202 millions.
Le plan de soutien au secteur bancaire, qui a été soumis au Parlement un mois seulement après la faillite de Lehman Brothers le 16 octobre 2008, a permis de créer deux outils : la Société de financement de l'économie française (Sfef) et la société de prise de participation de l'État (SPPE). A cet égard, monsieur Hue, l'enveloppe consacrée à la Sfef était fondée sur une hypothèse maximaliste -nous nous préparions au pire. En réalité, elle a prêté un peu plus de 50 milliards à un taux d'intérêt de 4 %. Encore une fois, il ne s'agissait pas d'offrir un cadeau aux banques, mais de soutenir le financement de l'économie.
M. Alain Gournac. - Bien sûr !
Mme Christine Lagarde, ministre. - La SPPE, qui a pour rôle de renforcer les fonds propres des banques, leur a apporté 10,5 milliards sous la forme de titres super subordonnés et souscrit 3 milliards d'actions préférentielles non assorties de droit de vote à BNP Paribas. La rémunération des fonds publics est évidemment élevée, tout est conçu pour que les banques et établissements financiers remboursent au plus tôt les prêts et rachètent les actions.
L'automobile a été le premier secteur de l'économie réelle à subir de plein fouet la crise automobile, l'achat de véhicules reposant en grande partie sur le prêt bancaire. D'où 2 milliards accordés à la Sfef pour faciliter le crédit aux consommateurs et 6,5 milliards prêtés aux constructeurs automobiles sans oublier la prime à la casse, le système de bonus-malus. Ce secteur devait être soutenu parce qu'il représente un avantage technologique important, en particulier s'il parvient à mettre au point le moteur hybride, et un nombre important de salariés.
En contrepartie de ces aides publiques, des engagements économiques et éthiques ont été pris, qui seront contrôlés par le comité de suivi dont le Gouvernement avait promis la création lors des débats sur la loi du 16 octobre 2008. Je m'engage à mettre la disposition de ce comité, dont fait notamment partie le président Arthuis, toutes les informations et les meilleurs fonctionnaires dont je dispose dans le respect de l'indispensable confidentialité s'agissant d'entreprises cotées, pour que lumière soit faite ! De surcroît, le médiateur du crédit, René Ricol, a pour charge de s'assurer que les établissements financiers restituent l'argent public injecté à l'économie réelle sous forme de prêts. Chaque mois, mon ministère publie sur son site les informations disponibles en la matière.
Chaque mois, mon ministère publie l'évolution des encours de crédit des banques qui bénéficient d'un soutien de l'État.
Enfin, le Président de la République a demandé à la Cour des comptes de mener des enquêtes au sein des banques pour rendre compte de l'utilisation des fonds dont elles ont bénéficié. Un premier rapport sera publié d'ici l'été. J'ai mis mes meilleurs inspecteurs à la disposition de la Cour.
Le plan automobile est un pacte : les constructeurs se sont engagés à ne pas procéder à des plans sociaux en 2009, à maintenir leurs sites de production français en activité pendant la durée des prêts, à poursuivre leurs efforts de recherche et développement et à oeuvrer pour plus de solidarité. Le respect scrupuleux de la LME a fait remonter 2 milliards de trésorerie chez les sous-traitants. La mise en oeuvre du pacte et le suivi du respect des engagements sont examinés régulièrement par le Comité pour l'avenir de l'automobile, qui comprend des représentants de l'État, des constructeurs, des équipementiers et sous-traitants, des syndicats, des élus et des établissements de recherche.
Les assureurs crédit remettent chaque mois au ministère le montant des produits CAP et CAP+ activés, ainsi que le montant de leurs encours globaux d'assurance crédit.
La création d'une Commission nationale d'évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises serait superfétatoire. Le meilleur outil de contrôle, c'est le Parlement ! (M. Alain Gournac applaudit)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Bravo !
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Où sont les résultats ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Le comité de suivi s'est déjà réuni deux fois. J'ai été frappée par son indépendance, son information détaillée, le climat de coopération qui y règne, dans la transparence et le souci de la confidentialité. Entre l'étude d'impact préalable et le suivi de chaque texte, votre assemblée dispose de tous les moyens nécessaires pour contrôler le bon usage des fonds publics. Sachez que je m'y attache avec toute mon énergie. (Applaudissements à droite)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Très bien.
M. Bernard Vera. - Pourquoi le Sénat était-il si pressé de supprimer la loi Hue, par un amendement qui n'avait même pas été défendu en séance par son auteur ? Ce ne sont pourtant pas les organismes inutiles qui manquent ! Ce qui tracasse la majorité sénatoriale, c'est la volonté de transparence sur l'utilisation des deniers publics. Notre proposition de loi de 2000 a été à trois reprises rejetée sans examen ; le rapporteur ne fait donc guère preuve d'originalité...
Cette obstination est idéologique : l'argent public distribué aux entreprises est un sujet tabou ! Au mépris de la volonté populaire, on estime sans doute que les questions budgétaires sont trop sérieuses pour être débattues sur la place publique ! Qui sont ces libéraux, chantres de la privatisation et de l'autorégulation, qui quémandent de nouveaux subsides publics à la moindre difficulté ?
Les résultats ne sont guère à la hauteur des moyens engagés... De 1993 à 2007, les allégements de cotisations sociales passaient de 1 à 42 milliards, doublés par de nouveaux allégements de l'impôt sur les sociétés ou de taxe professionnelle. Dans le même temps, la part des dividendes dans la valeur ajoutée de nos entreprises passait de 7 à 16 % des profits bruts ! Ce sont les chiffres du rapport Cotis.
Ceux qui refusent d'encadrer la rémunération des dirigeants d'entreprises cotées et de contrôler l'attribution des fonds publics redoutent de voir confier aux salariés de nouveaux pouvoirs d'intervention. Car la Commission nationale de contrôle des fonds publics, comme sa déclinaison régionale, n'est qu'un outil au service des salariés et des élus locaux pour cerner les relations entre l'État et le monde des affaires, de l'industrie et du commerce.
Allez-vous refuser notre proposition au moment où le Président de la République veut rendre obligatoire l'information des comités d'entreprise sur les aides publiques, où M. Xavier Bertrand veut « conditionnaliser » les exonérations sociales, où notre rapporteur général estime que « l'efficacité des allègements généraux de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi doit faire l'objet d'une évaluation » ?
M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est les 35 heures !
M. Bernard Vera. - Pour une fois, nous sommes d'accord avec M. Marini !
Dans le respect des prérogatives du Parlement, c'est cette tâche que nous entendons confier à la Commission nationale d'évaluation et de contrôle. Transparence, responsabilité, recherche d'efficacité, impératifs de toute action publique, guident notre démarche. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Alain Gournac. - Si l'objectif de nos collègues -l'évaluation de l'impact des aides publiques aux entreprises sur l'emploi- est louable, la création d'une nouvelle commission nous ferait retomber dans les ornières d'une économie trop lourdement administrée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah !
M. Alain Gournac. - Ne nous enfermons pas dans une bureaucratie excessive, à l'heure de la révision générale des politiques publiques et de la simplification ! Ne multiplions pas les contrôles et les tracasseries administratives, qui ne sont guère efficaces contre le chômage.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Vous le faites bien pour les chômeurs !
M. Alain Gournac. - Cette conception de l'économie nostalgique d'une économie administrée appartient au passé. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Et le discours de Toulon ? On est en plein retour de l'État !
M. Alain Gournac. - La réalité, c'est une économie de marché moderne, libre, soumise à la concurrence et qui, si elle n'est pas parfaite, a fait ses preuves. (Protestations sur les bancs CRC)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. Gournac se prend-il pour Mme Thatcher ?
M. Alain Gournac. - Laissez-moi parler ! Je n'ai pas interrompu Robert Hue. Respectez les positions différentes de la vôtre : je ne suis pas communiste, ce n'est pas demain que je vais le devenir ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Ils n'écoutent jamais !
M. Alain Gournac. - Le capitalisme doit être moralisé, c'est l'enseignement principal de la crise actuelle. Mais ce texte participe maladroitement à la concrétisation de cette aspiration : une bureaucratie excessive serait d'autant plus inutile qu'il existe déjà des possibilités de contrôle administratif pleinement opérantes. Sans parler du contrôle parlementaire, renforcé depuis peu !
Pour le contrôle des aides publiques aux entreprises, nos assemblées ont une légitimité démocratique supérieure à celle d'une nouvelle commission : cela relève de la compétence des rapporteurs spéciaux des commissions des finances. En outre, un groupe de travail commun à l'Assemblée nationale et au Sénat sur la crise financière internationale a été créé, et notre commission des finances a conduit des dizaines d'auditions de suivi de la crise et du plan de soutien aux banques -auxquelles participent nos collègues de l'opposition.
La création d'une telle commission risquerait en outre de jeter le discrédit sur la profession de chef d'entreprise. Les abus, largement relayés par les médias, sont le fait d'une petite minorité et suscitent systématiquement une réaction politique de notre part. Vous êtes déjà intervenue sur cette question, madame la ministre, comme le Président de la République lui-même. Il ne faudrait pas pour autant stigmatiser les dirigeants d'entreprises, qui jouent un rôle essentiel dans la sauvegarde de l'économie et des emplois. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin exprime son étonnement)
Robert Hue, alors député, avait déposé une proposition de loi similaire, adoptée par la majorité parlementaire d'alors contre l'avis de notre assemblée. La loi du 4 janvier 2001 n'était qu'une loi de circonstance en réaction à l'« affaire Michelin ».
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Nous avions bien anticipé ce qui se passe aujourd'hui !
M. Alain Gournac. - Elle a donc été abrogée par le collectif budgétaire de 2002.
Mme Nicole Bricq. - Vous n'aviez pas traîné !
M. Alain Gournac. - Nous devons conserver le cap du réalisme et du pragmatisme. Comme la commission des finances, le groupe UMP votera contre chaque article de ce texte. La saisine prévue illustre bien le caractère inapproprié de ce dispositif : ainsi, il est irréaliste de l'ouvrir aux 36 000 maires !
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Pourquoi pas ?
M. Alain Gournac. - Sous la précédente loi, toutes les requêtes des parlementaires sont restées lettre morte.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - C'est faux ! Vous aviez bloqué cette loi.
M. Alain Gournac. - La commission ne pouvait faire face à des demandes trop nombreuses.
Plus généralement, le dispositif proposé est inapplicable, comme le démontre le rapport présenté par Albéric de Montgolfier, dont je salue la qualité et la pertinence de l'argumentation. Le groupe UMP ne votera pas cette proposition de loi.
M. Yvon Collin. - Cette initiative intervient dans le contexte d'une crise financière mondiale et d'une récession économique dont nul ne connaît la durée ni l'issue. Le Parlement a pu se prononcer sur des mesures proposées pour y faire face, soit de sa propre initiative, soit à la demande du Gouvernement, lors des débats relatifs au plan de relance et au projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Que constatons-nous dans nos départements ? La peur du lendemain, une défiance à l'encontre des banques et des établissements de crédit, un climat social très tendu dans les territoires concernés par des fermetures d'entreprises ou des plans sociaux de grande envergure. Curieusement, certaines entreprises, dont les bénéfices sont en constante augmentation, en profitent pour délocaliser leur activité, souvent au coeur même de l'Union européenne. Face à l'appétit toujours plus vorace de certains actionnaires, la crise a quelquefois bon dos !
L'idée de mieux contrôler l'utilisation des aides publiques mérite donc plus que jamais notre attention. Il s'agit de responsabiliser l'État dans son rôle d'ordonnateur, et les entreprises dans leurs engagements à maintenir leur activité sur le territoire national. A ce jour, 17 milliards d'euros ont été consacrés au renforcement des fonds propres et au renflouement des banques, des aides à la trésorerie ont été prévues. Le Gouvernement et le Parlement ont démontré une capacité d'intervention rapide pour éviter une faillite généralisée du système. Le contrôle tout à fait légitime est rendu encore plus nécessaire par le comportement de certains patrons, qui se font attribuer des primes de sortie et des stock-options quand leurs entreprises affichent des pertes colossales. Sur proposition de Jean Arthuis, un prochain décret doit d'ailleurs prévoir des conditions pour le versement de rémunérations variables ou différées, d'indemnités et d'avantages indexés sur la performance.
Dans un environnement tendu, les premières victimes de la crise doivent se sentir davantage impliquées dans le contrôle des aides publiques. Cette proposition de loi accorde-t-elle un droit supplémentaire à la collectivité ou alourdit-elle les procédures de contrôle existantes ? Passée l'émotion -au demeurant légitime-, il faut s'appuyer sur la raison et l'efficacité, sans être redondant avec les missions du Parlement et de la Cour des comptes. Mon groupe ne s'opposera pas à l'adoption de cette proposition de loi, que certains d'entre nous soutiendront. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Nicole Bricq. - Je vous prie d'excuser François Rebsamen, rappelé d'urgence à Dijon et je me réjouis de la présence de Mme Lagarde, qui prend ce débat au sérieux. Mon groupe soutient cette proposition de loi, qui se situe dans la continuité des positions que nous défendons depuis le vote de la loi du 4 janvier 2001 présentée par Robert Hue, alors député, sous le gouvernement Jospin. Vous vous êtes empressés de la supprimer lors du vote du collectif budgétaire pour 2002.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Elle ne fonctionnait pas !
Mme Nicole Bricq. - Vous comprendrez la portée symbolique de cette proposition.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Voilà...
Mme Nicole Bricq. - Nous faisons, dans l'opposition, notre travail politique !
La loi de modernisation sociale, également votée sous le gouvernement Jospin, exigeait des entreprises qui supprimaient des emplois ou les délocalisaient un très fort engagement pour la réindustrialisation des sites. Mais elle n'a pas plu à la nouvelle majorité qui, par idéologie et par esprit de revanche, en a supprimé la plus grande partie.
Le texte de 2001 avait été suscité par la suppression de 7 500 emplois en trois ans chez Michelin, dont les résultats nets avaient augmenté de 17 %. Le lendemain de ces annonces, le titre avait progressé de 11 % et, peu après, on apprenait que l'entreprise avait perçu 10 milliards d'aides pour l'emploi. Voilà la préfiguration de ce que nous vivons sur une échelle exponentielle.
Puisque certains battent les estrades des européennes en rappelant leurs engagements des présidentielles, je signale que le point 14 du pacte présidentiel de notre candidate consistait à demander aux entreprises l'engagement de ne pas licencier en cas de profits substantiels. Nous sommes dans la continuité et nous y restons lorsque nos collègues députés de la Moselle estiment qu'Arcelor-Mital doit rendre les aides publiques qu'il a perçues, ou que Martial Bourquin, sénateur du Doubs, déplore la grande opacité des aides à l'automobile, doute de la réalité des contreparties et souhaite une traçabilité des aides.
Nous avions posé la question des contreparties dès l'examen de la loi de finances rectificative portant plan d'aide d'urgence aux banques. Qu'en est-il de la part variable, des retraites dorées ? Il y a bien un comité de suivi mais le Parlement n'a-t-il pas son mot à dire ?
Le rapporteur invoque l'inefficacité du texte de 2001 mais peut-on raisonnablement parler d'inefficacité pour un texte promulgué le 4 janvier 2001 et supprimé dès 2002 ? C'est d'autant moins raisonnable qu'il y a eu entre temps une campagne électorale et un changement de gouvernement.
L'argument ne tenant pas, vous avancez qu'il y a déjà assez d'outils et vous citez la commission des finances, la Cour des comptes... Les chambres régionales ont déjà bien assez à faire avec les collectivités territoriales. Quant au contrôle de la commission dont je suis membre, nous savons bien que la proposition ne fait que le conforter, parce qu'il est limité dans son périmètre.
Nous voyons bien que nous avons eu raison de ne pas voter la révision constitutionnelle qui renforce l'inefficacité des dispositions actuelles. Le Gouvernement nous accable de textes en urgence pendant ses quinze jours (approbations à gauche) et les parlementaires assidus s'épuisent en débats pendant les quinze jours suivants au lieu d'exercer leur contrôle. La semaine dernière encore, nous avons, à l'occasion des débats sur la crise financière et sur les heures supplémentaires, dénoncé une procédure qui nous conduit à parler, parler, parler...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - pour ne rien dire...
Mme Nicole Bricq. - ...au lieu d'agir.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Le contrôle s'exerce aussi sur pièces et sur place !
Mme Nicole Bricq. - Le comité de suivi, que la ministre a invoqué, s'est réuni deux fois. Le président et le rapporteur général de la commission des finances qui y siègent, peuvent en rendre compte aux membres de la commission...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est ce que nous faisons !
Mme Nicole Bricq. - Mais il y a plus efficace. « Superfétatoire » a dit la ministre. Vous avez pourtant voté au second collectif 2009 cent millions, c'est une somme !, pour que les commissaires à la réindustrialisation puissent exercer leur mandat. Mais n'est-ce pas contradictoire avec les préfectures régionales ?
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Bon argument !
Mme Nicole Bricq. - Comment concilier cela avec la RGPP ? Aurait-elle dessaisi les préfectures régionales de leur compétence ?
M. de Montgolfier estime en termes très sévères que la proposition « participe d'une défiance idéologique à l'encontre de la vie des affaires ». Comment dire cela dans la crise actuelle ? Toute l'année dernière, les entreprises ont distribué bonus et parachutes dorés à leurs administrateurs : la défiance est-elle idéologique quand 77 % des lecteurs du Figaro estiment normal de contrôler les aides publiques ? Si la séparation entre droite et gauche passait là, nous ne serions pas dans l'opposition et cela se saurait !
Vous stigmatisez enfin la bureaucratie comme si lors de notre voyage d'étude aux États-Unis nous n'avions pas constaté que la bureaucratie existe partout, y compris dans le pays que l'on nous donnait en modèle.
Nous estimons au contraire que dans la crise actuelle, la proposition de loi du groupe CRC permet d'opérer un retour à la raison et qu'elle peut contribuer à rétablir la confiance et à instaurer une transparence qui fait défaut. Nous la voterons. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Au terme de ce débat, le Sénat va devoir se prononcer sur l'opportunité de la création de la commission d'évaluation et de contrôle des aides aux entreprises publiques. Le rapporteur, Mme la ministre ont, comme M. Gournac, exprimé le point de vue de la commission des finances.
La crise actuelle oblige à replacer l'État au coeur du dispositif pour rétablir la confiance et prévenir le risque systémique. C'est pourquoi il a débloqué des fonds publics considérables pour sauver le système bancaire. Nos concitoyens exigent que nous exercions notre vigilance et c'est bien ce que nous entendons faire. Mme la ministre a d'ailleurs mis en place un groupe de suivi auquel les deux présidents et les deux rapporteurs généraux des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale participent. Mme Bricq et M. Vera peuvent témoigner que M. Marini et moi-même avons à chaque fois rendu compte des propos tenus au sein de ce groupe.
En outre, l'article 24 de la Constitution que nous avons révisée indique clairement que le Parlement vote la loi, contrôle l'action du gouvernement et procède aux évaluations des politiques menées. Mme Bricq s'étonne qu'en cette période de rodage, la réforme puisse provoquer quelques déceptions. Nous ne sommes pas toujours nombreux en séance mais un contrôle ne s'improvise pas et ne peut se réduire à de simples questions orales. Il s'agit d'un engagement permanent, du début à la fin de l'année, et qui implique que nous procédions à des vérifications sur pièces et sur place. Cette mission est au moins aussi importante que celle qui consiste à légiférer. Quand la puissance publique constate qu'elle n'a plus prise sur la réalité, elle fait des lois qui ne modifient en rien la réalité ; légiférer est une nécessité, mais ne le faisons que d'une main tremblante.
Le contrôle, lui, nous permet d'aller au contact de la réalité. En revenant au Sénat, il est alors possible de faire partager à nos collègues nos expériences et nos convictions. Lorsqu'on ne procède pas à des contrôles sur place, on reste dans le registre des propos convenus et l'on parle pour ne rien dire, ce qui donne à nos concitoyens, confrontés aux dures réalités, une image dérisoire du Parlement.
Il nous revient donc de conduire notre propre réforme pour sortir des débats stériles et procéder, une semaine durant, à des contrôles qui apporteront une véritable valeur ajoutée à notre travail. N'en restons pas aux interpellations et aux incantations : allons voir sur le terrain ce qui se passe afin de mettre un terme aux dysfonctionnements de la sphère publique.
Nous ne devons donc pas nous dessaisir de nos prérogatives pour les confier à une commission nationale.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Les deux sont possibles !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Nous suffirons à la tâche !
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Dans la commission nationale, il y aurait des représentants des salariés !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Nous ne devons pas renoncer à nos responsabilités.
Quant à l'utilisation des aides publiques par les entreprises, la transparence est désormais assurée : le comité d'entreprise et les délégués du personnel ont connaissance des comptes.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Ce n'est pas ce que disent les salariés !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Au-delà de cette question, je rêve d'une société dans laquelle les entreprises ne bénéficieraient plus d'aides publiques. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)
Compte tenu des enjeux de la mondialisation, il nous faudra bien un jour débattre devant les Français de la structure de nos prélèvements obligatoires. On parle d'impôt sur les sociétés, mais soyons conscients que cet impôt est, en réalité, payé par le consommateur puisque le prix final du produit en tient compte. In fine, les impôts ne sont payés par personne d'autre que par les Français. Un jour, nous devrons donc modifier la structure des prélèvements obligatoires. En allégeant significativement les impôts payés par les entreprises, les prix diminueraient alors qu'en laissant l'impôt transiter par celles-ci, il peut être tentant pour elles d'aller produire ailleurs. Nous nous rendons complices d'un processus de désindustrialisation que vous déplorez par ailleurs.
Il nous faudra aussi surmonter notre schizophrénie : nous ne voulons pas travailler le dimanche mais nous voulons faire nos courses ce jour-là ; nous voulons payer nos produits le moins cher possible, tout en ayant des salaires convenables. Nous devrons faire vivre ce débat.
M. Alain Gournac. - J'y suis très favorable !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Très bonne idée !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Les incantations et les gesticulations n'y changeront rien !
M. Michel Billout. - Quelle belle démonstration !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Voilà donc votre idéal de société !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Les Français attendent ce dialogue et ce n'est pas en créant une commission supplémentaire que nous répondrons à leur attente. Il revient au Parlement de faire la loi et de consentir l'impôt. C'est pourquoi la commission des finances, tout en respectant les auteurs du texte qui lui est soumis, demandera au Sénat de le rejeter. (Applaudissements au centre et à droite)
La discussion générale est close
Discussion des articles
Article premier
Il est créé une Commission nationale d'évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, chargée de mesurer les impacts économiques et sociaux et de vérifier l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises et aux établissements financiers par l'État et les collectivités locales ou leurs établissements publics, afin d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi, la formation professionnelle et les équilibres territoriaux.
La Commission nationale est également compétente pour évaluer et contrôler l'utilisation des fonds structurels européens.
M. Bernard Vera. - Il est indispensable de renforcer le contrôle de l'argent public. M. le rapporteur et M. le président de la commission estiment que le Parlement est là pour ça, que la Cour des comptes joue bien son rôle et que la Lolf dote les députés et les sénateurs de moyens d'investigation supplémentaires. Mais alors, pourquoi ne jamais s'être interrogé de façon sérieuse sur les allègements de cotisations sociales, autrement que lors de débats convenus à l'occasion du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
Mme la ministre a estimé que la progression des dépenses d'allègement de cotisations sociales était due, pour l'essentiel, aux 35 heures. Mais c'est oublier qu'une des premières décisions de M. Fillon, lorsqu'il fut nommé ministre du travail, fut de supprimer les incitations à la réduction du temps de travail pour leur substituer un allègement général des cotisations sociales sur les bas salaires. C'est cette politique que nous payons aujourd'hui et qui voit se généraliser la pratique des bas salaires pour tous, sans tenir compte de la qualification des salariés ni du contenu de leur travail. Dans de nombreux bassins d'emploi, le Smic est le lot commun des salariés. Les administrateurs de PPR peuvent se distribuer sans retenue des stock-options : une grande majorité de salariés du groupe est rémunérée au Smic ou se trouve contraint de travailler à temps partiel.
En créant cette commission nationale, nous enverrions un message clair aux dirigeants d'entreprise : l'argent public est celui de tous les Français et il est légitime qu'ils sachent comment il est utilisé. C'est tout le sens de cet article. (Applaudissements à gauche)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - La commission n'est pas favorable à cet article : conformément à l'article 24 de la Constitution, il revient au Parlement de contrôler l'utilisation de l'argent public.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - A nous d'inventer dans le cadre de la semaine réservée au contrôle du gouvernement les voies et moyens que nous entendons mettre en oeuvre pour y procéder le plus efficacement possible.
Mme Christine Lagarde, ministre. - La majorité a voté une loi en faveur du revenu du travail qui prévoit la mise en oeuvre du principe de conditionnalité : les allègements de charges sont maintenus sous réserve qu'ait lieu une discussion annuelle sur les salaires au sein de l'entreprise. Un bilan sera effectué à la fin de l'année pour s'assurer que les entreprises ont bien procédé à ce dialogue. Pour celles qui ne se seraient pas pliées à cet exercice, une pénalité de 10 % des allègements de charges sera appliquée.
A la demande du groupe CRC-SPG, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté l'article premier.
Article 2
La Commission nationale est composée :
- de députés et sénateurs désignés par leur assemblée respective ;
- de représentants de l'État ;
- de représentants des organisations syndicales représentatives de salariés ;
- de représentants des organisations professionnelles représentatives d'employeurs ;
- de personnalités qualifiées, à raison de leur compétence en matière économique et sociale. Une représentation du milieu associatif est prévue à ce titre.
M. Robert Hue, auteur de la proposition de loi. - J'ai été scandalisé de lire sous la plume du rapporteur qu'il est « pour le moins circonspect sur la composition envisagée ». Celle-ci risquerait de rendre la commission nationale « bavarde », voire de la « paralyser ». Quel mépris à l'égard du dialogue social ! Ceux que l'on ne veut pas entendre, chacun l'aura compris, ce sont les salariés. Vous ne voulez pas de transparence et vous relayez la volonté de dissimuler qui caractérise le patronat. Les salariés ne sont capables que de bavardages ? Voilà qui est édifiant. M. Gournac redoute que les 36 000 maires puissent saisir la commission : j'ai été maire pendant 32 ans et je trouve inacceptable de balayer ainsi le contrôle que peuvent exercer les élus du peuple.
Mme la ministre se réfère au secteur automobile. En contrepartie des aides, le pacte automobile proscrit les plans sociaux. Or hier j'ai été alerté par des salariés de PTPM, filiale du groupe Trèves, lui-même sous-traitant de PSA et qui a reçu des aides du Fonds de modernisation de l'équipement automobile. Or des licenciements et des délocalisations sont prévus -700 emplois sont menacés, notamment dans la Marne. Les salariés mobilisés ont fait la démonstration qu'une autre gestion était possible. Mais la section CGT n'a d'autre moyen de se faire entendre que de suggérer aux citoyens de porter plainte, en tant que contribuables, puisque des aides publiques ont été versées. Les salariés n'ont aujourd'hui aucun autre recours ! D'où l'utilité des commissions régionales. En tout cas, madame la ministre, je vous demande de regarder de très près le dossier PSA.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Je suis un élu territorial et je puis vous affirmer que le contrôle des fonds publics ne pose pas de réelles difficultés. Lorsqu'une aide est versée, une convention est signée avec le bénéficiaire. Mais si les contreparties prévues ne sont pas respectées, que faire ? Demander le remboursement, sachant que l'entreprise traverse sans doute des difficultés ?
Mme Nicole Bricq. - Il existe une jurisprudence.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Les modalités du contrôle sont bien définies, mais que faire lorsqu'une entreprise menace de s'installer sur le territoire d'une autre commune, qui propose de meilleures conditions ?
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - C'est le chef d'entreprise qui discute ainsi avec les élus. Mais les entreprises comptent aussi des salariés.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - On nous appelle à l'action, pas aux incantations ! Nous ne pouvons nous satisfaire de créer une commission nationale et des commissions régionales, ni estimer que nous avons ainsi oeuvré efficacement à la protection des fonds publics. Sinon, pourquoi demander aux Français d'élire des députés et des sénateurs ? La question clé est celle de la compétitivité. Nous devons nous interroger sur l'efficacité de nos règles...
M. Alain Gournac. - Oui !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Et nous interroger sur les dividendes faramineux versés aux actionnaires !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Tout comme vous, je ressens comme une immense injustice ces sur-rémunérations et ces bonus qui accréditent le sentiment d'une gloutonnerie, d'une cupidité insatiables, d'un délitement de l'éthique.
M. Robert Hue. - Attention à ne pas alimenter la suspicion !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Mais le meilleur régulateur -en cela je rejoins M. Hue, voilà une première convergence- c'est la transparence. Vous proposez des dispositions nationales, quand l'économie est internationale. Vous proposez une législation tout au plus susceptible de vous donner bonne conscience et fierté du travail bien fait ; mais la matière s'échappera et les entreprises partiront ailleurs ! Tout cela doit vous inciter à militer pour l'Europe, cadre plus approprié pour édicter les règles. (Mme Eliane Assassi s'exclame)
Mme Nicole Bricq. - Des collectivités qui avaient accordé des aides à des entreprises qui n'ont pas respecté leurs engagements ont esté en justice. Si la jurisprudence s'appuyait sur une loi, elle serait plus ferme.
M. Alain Gournac. - Qu'il n'y ait pas de méprise : n'allez pas penser que je ne rends pas justice au rôle du maire, stabilisateur de la société. Mais ne le mettons pas dans une situation où il serait conduit à renvoyer les demandes à une commission, si bien que c'est à lui qu'on imputera l'absence de résultat.
Je rejoins le président de la commission : nous voulons la transparence, mais à travers les parlementaires, qui jouent un rôle capital dans le contrôle.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Ce n'est pas incompatible.
M. Hugues Portelli. - Cette discussion est surréaliste. Nous venons de voter la suppression de la commission : le débat est donc clos techniquement.
M. le président. - Il faut bien faire voter les articles.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Cet article 2 nous donne une raison supplémentaire de supprimer la commission, puisque la composition que vous prévoyez pose problème. Quel sera le nombre des représentants ? Quelle sera leur légitimité ? J'ajoute qu'il existe déjà un contrôle juridictionnel. C'est pourquoi la commission n'a pas voté cet article 2.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - A défaut d'aboutir au vote d'un texte, faisons que ce moment soit un moment d'échange. Le Parlement n'est pas un lieu où chacun vient avec ses arguments, sans prendre le temps d'écouter l'autre. Il faudra bien, pour sortir de la crise, parvenir à un minimum de consensus. C'est à quoi est parvenu le groupe paritaire composé de douze sénateurs et douze députés de toutes tendances, qui a posé un diagnostic partagé et émis des propositions consensuelles.
La crise internationale nous appelle à sortir de nos tranchées, faute de quoi, nous ne serons pas en mesure d'apporter de réponses aux douloureuses questions qui nous sont posées.
Sur les municipalités, tout tient aux conventions : il y a moyen d'en faire respecter les termes. Mais voyez comme les communes, les départements, les régions, sont aujourd'hui en concurrence. Elles sont prêtes à toutes les surenchères pour attirer les entreprises. On ne peut pas d'ailleurs continuer d'actionner l'impôt, activateur de toutes les délocalisations, donc des pertes d'emplois.
Faites vivre le débat, vous en avez les moyens, avec les syndicats : quelles réponses apporter aux enjeux de la mondialisation ?
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - Il faudrait déjà que le dialogue social s'établisse.
M. Alain Gournac. - On aura du mal !
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
Outre sa mission générale de contrôle, la Commission nationale peut être consultée lors de l'institution de tout nouveau dispositif national d'aides publiques aux entreprises et aux banques et établissements financiers.
La Commission nationale peut se saisir elle-même ou être saisie par l'une des instances habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d'un conseil général ou d'un conseil régional.
Chaque préfet de région lui transmet chaque année un rapport sur la mise en oeuvre et l'utilisation de l'ensemble des aides aux entreprises.
La Commission nationale peut obtenir de tout ordonnateur d'une aide publique toutes précisions utiles à une parfaite transparence dans l'attribution et l'usage des aides définies à l'article 1er.
À la demande d'un parlementaire, d'un maire, d'un président d'un conseil général ou d'un conseil régional, ou de sa propre initiative, elle peut, en outre, interroger les représentants de l'État dans les régions ou les départements afin d'obtenir les informations permettant de mesurer l'ensemble des aides reçues par une entreprise déterminée. La commission communique ces informations à l'auteur de la saisine.
La Commission nationale établit un rapport annuel qui contient ses remarques et avis sur les politiques poursuivies. Elle peut formuler toute proposition quant aux critères d'allocation des aides publiques aux entreprises et aux établissements financiers.
Ce rapport est transmis au Parlement et rendu public.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
un comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel
par les mots :
un comité central d'entreprise, un comité de groupe
Mme Nicole Bricq. - Nous avons entendu le rapporteur en commission : nous proposons donc de faire en sorte que le comité central d'entreprise ou le comité de groupe soit représenté. Preuve que l'on peut se comprendre et faire un geste. Nous en attendons un, en contrepartie, du rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - La proposition est en effet un peu plus raisonnable ainsi. Mais le problème de fond demeure : la saisine est trop large. N'oubliez pas que notre pays compte deux millions et demi d'entreprises. Comment la commission pourrait-elle fonctionner dans ces conditions ? C'est irréaliste. Défavorable.
M. Robert Hue, auteur de la proposition. - C'est pourtant un principe élémentaire de la démocratie.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis défavorable.
M. Bernard Vera. - Que 36 000 maires et deux millions et demi d'entreprises puissent saisir la commission rendrait, à vous en croire, son fonctionnement impossible ? Je puis pourtant vous citer d'autres instances dont la saisine est très large. Le médiateur de la République, avec ses délégués départementaux, peut être saisi par tout citoyen, en propre ou par l'intermédiaire de ses élus. La Haute autorité de lutte contre les discriminations peut être saisie par toute personne qui s'estime victime d'une discrimination. Ne sommes-nous pas dans la même logique, qui veut que notre société soit assez démocratique pour se saisir de toute question qui la concerne ?
Nos collègues socialistes, que nous remercions de leur intérêt pour ce texte, ont déposé deux amendements, afin de confier les données les plus significatives à la commission nationale, et celles de portée plus locale aux commissions régionales. Preuve que le dialogue a bien eu lieu. Nous acceptons l'équilibre ainsi proposé.
Ce que la majorité refuse, pour des raisons idéologiques de fond, c'est de donner aux salariés des droits nouveaux dans leur entreprise. Les fonds publics ne sont-ils pourtant pas, comme l'a rappelé le Président de la République, le produit des impôts acquittés par tous les Français ? Mais votre conception du contrôle est duelle. Implacable quand il s'agit des dépenses publiques ou sociales, laxiste, voire complice, quand il s'agit des aides publiques. (M. Jean Arthuis, président de la commission, proteste)
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
Article 4
Il est créé, dans chaque région, une Commission régionale des aides publiques chargée d'évaluer et de contrôler l'utilisation des aides définies à l'article 1erdans la région.
La commission régionale est ainsi composée :
- de parlementaires de la Région ;
- de représentants de l'État dans la Région ;
- de représentants des collectivités territoriales ;
- des représentants des organisations syndicales représentatives de salariés ;
- des représentants des organisations professionnelles représentatives d'employeurs ;
- de personnalités qualifiées, à raison de leur compétence en matière économique et sociale. Une représentation du milieu associatif est prévue à ce titre.
La commission régionale émet un avis sur le rapport prévu au troisième alinéa de l'article 3. Elle peut, en outre, formuler toute proposition tendant à améliorer l'efficacité des politiques poursuivies.
Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le représentant de l'État dans la région.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La commission régionale peut se saisir elle-même ou être saisie par l'une des instances habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d'un conseil général ou du conseil régional.
Mme Nicole Bricq. - Les comités d'entreprise, qui participent de la démocratie, doivent voir leurs droits étendus. Ils ne sont trop souvent impliqués qu'en fin de course, au moment des opérations de restructuration. Ils doivent pouvoir se manifester en amont, comme cela se pratique par exemple aux Pays-Bas. Nous répondons aussi à M. Gournac, qui rappelait le rôle irremplaçable des parlementaires : ils pourront saisir la commission, comme le pourront les maires et les présidents de conseils généraux ou régionaux.
Nous sommes bien là au coeur de l'expression démocratique des élus et des représentants des salariés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Défavorable. J'en profite pour faire observer à M. Vera que le médiateur de la République n'est saisi qu'en dernier recours. Ici, la commission peut être saisie sans aucun filtre. C'est bien différent.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Entre la gestion prévisionnelle des compétences, le livre IV, le livre V, l'obligation annuelle d'information sur l'évolution de l'activité de l'entreprise, reconnaissez que le code du travail borde déjà bien les choses. Et l'on ne peut pas dire que les représentants du personnel ne sont pas impliqués.
Mme Nicole Bricq. - Ils le sont trop tard.
Mme Christine Lagarde, ministre. - M. Hue a évoqué PSA. Nous sommes vigilants sur les engagements pris. Vous oubliez de mentionner la relocalisation de la Clio à Flins et la fabrication d'un nouveau moteur sur le site de Sandouville, de nature à développer l'emploi sur ces deux sites. Vous avez évoqué la sous-traitance des sièges, avec l'entreprise Trève. Qu'auriez-vous dit si le Fonds d'intervention stratégique n'était pas intervenu ? Cela ne veut pas dire que la vie de l'entreprise s'arrête.
J'ajoute qu'il existe dans cette entreprise des institutions représentatives du personnel et des organisations syndicales qui sont consultées.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
L'article 4 n'est pas adopté, non plus que les articles 5, 6, 7, et 8 ; de ce fait la proposition de loi n'est pas adoptée.
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Roland Bernard, qui fut sénateur du Rhône de 1986 à 1995.
Prochaine séance, mardi 12 mai 2009 à 9 h 30.
La séance est levée à 18 h 45.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 12 mai 2009
Séance publique
À 9 HEURES 30
1. Questions orales.
À 16 HEURES ET LE SOIR
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008-2009).
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 380, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 381, 2008-2009).