Rappel au Règlement
M. Didier Guillaume. - Mon intervention concerne les conditions de fonctionnement du Sénat et celui des commissions en particulier. Le 1er mars denier est entrée en vigueur une révision constitutionnelle dont on nous promettait monts et merveilles : on disait que le Parlement serait revalorisé, que nous aurions le temps de travailler convenablement en séance et en commission, d'élaborer des propositions de loi et d'en débattre grâce aux nouvelles semaines de contrôle et d'initiative parlementaire.
Force est de constater qu'il n'en est rien. Si l'hémicycle n'est pas toujours très rempli, ce n'est pas parce que certains d'entre nous seraient des « cumulards » ou préféreraient aller à la piscine ou au golf mais parce que nous sommes accaparés par les réunions de commissions et les auditions.
Prenons l'exemple du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». La commission des affaires sociales a travaillé nuit et jour la semaine dernière, et hier encore, nous ne nous sommes séparés qu'à une heure et demie du matin. La commission a même failli se réunir le 1er mai : c'est bien la preuve que les parlementaires travaillent ! Malgré cela, nous n'avons pas pu aller au fond des choses. Mme la ministre de la santé est présente régulièrement lors de ces réunions, comme le Règlement le lui permet, et dépose des amendements qui, parfois, modifient substantiellement le texte sans que nous ayons pu en prendre connaissance auparavant. Comment pourrions-nous, dans ces conditions, travailler sereinement en commission ou en séance ?
La dernière réunion de la commission aura lieu jeudi à 18 heures, alors que le délai limite de dépôt des amendements extérieurs est fixé à 17 heures : ce n'est pas ainsi que nous pourrons avoir un vrai débat ! Mme la ministre déposera sans doute de nouveaux amendements pour tenir compte des conclusions du rapport Marescaux, qui n'a pas encore été rendu public...
Nous appelons le Sénat à réagir. Le groupe socialiste demande au Gouvernement de renoncer, sur ce texte, à la procédure accélérée afin que nous ayons au moins le temps d'en débattre sereinement en séance. Surtout, il est indispensable que nous réfléchissions aux conditions du travail en commission. Nous ne pouvons pas être partout à la fois ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - La révision constitutionnelle est entrée en vigueur sans que nous ayons encore réformé notre Règlement : cela explique certaines des difficultés que vous mentionnez. Le groupe de travail chargé de cette question ayant récemment rendu son rapport, j'ai déposé, le 30 avril dernier, une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat, qui devrait être examinée au début du mois de juin.
Vous évoquiez le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Le nouveau Règlement, s'il est adopté, permettra d'organiser des débats préalables à l'examen des textes de loi afin que chacun puisse donner son avis le plus tôt possible et que le rapporteur puisse rendre compte de ses travaux avant même que la commission n'examine le texte. Dans le cas présent, un tel débat eût été fort utile !
Il faut convenir cependant que la nouvelle procédure est un succès : pas moins de 1 460 amendements ont été déposés au cours de la première phase d'examen, et les amendements extérieurs peuvent être déposés jusqu'à jeudi.
Il faut tirer les leçons de cette expérience. Le premier texte examiné conformément à la nouvelle rédaction de la Constitution fut le projet de loi pénitentiaire, qui avait été déposé sur le bureau du Sénat. Mais il s'agit cette fois d'un texte déjà examiné par l'Assemblée nationale, qui compte 102 articles au lieu de 35 initialement ; pour l'instant, il y a donc, en moyenne, une quinzaine d'amendements par article.
Il est néanmoins nécessaire que nous travaillions autrement. Il faut revoir les conditions d'installation des commissions et de ceux qui sont de facto les commissaires du Gouvernement. Cette question a déjà été abordée par la Conférence des Présidents ; j'ai réuni les présidents de commissions pour en discuter, et nous nous réunirons de nouveau demain.
Soyez certains que la Conférence des Présidents et le Bureau n'ont qu'un souhait, c'est que le Sénat puisse légiférer dans les meilleures conditions. Nous devrons profiter pleinement des délais qui nous sont impartis et nous saisir des textes aussi tôt que possible.
Il est d'ailleurs prévu que nous fassions le point sur la réforme du Règlement dans un délai d'un an après son adoption. Certaines des nouvelles dispositions fonctionneront sans doute moins bien que d'autres car nous nous aventurons en terrain inconnu.