Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Déficits publics et prélèvements obligatoires
M. Hervé Maurey . - Depuis quelques jours, la question d'une augmentation des prélèvements obligatoires fait débat au sein même de la majorité. On l'a encore vu ce matin à l'Assemblée nationale, nous le verrons très certainement ici.
M. Roland Courteau. - C'est sûr !
M. Hervé Maurey. - Certains proposent de supprimer ou de modifier le bouclier fiscal, d'autres de s'inspirer de ce que font les États-Unis, soit un prélèvement supplémentaire sur les très hauts revenus. (On suggère, sur les bancs socialistes, de faire les deux à la fois) Un amendement en ce sens a été voté par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Toutes ces propositions résultent de la dégradation des finances publiques due à la crise économique.
M. Jean-Marc Todeschini. - Pas seulement !
M. Hervé Maurey. - Le prochain collectif établit le déficit budgétaire à 104 milliards d'euros, le total des déficits publics atteignant 5,6 % du PIB -contre respectivement 52 milliards et 3,1 % en loi de finances initiale, il n'y a guère que six mois. Ces initiatives répondent aussi à un souci d'équité et de justice fiscale et sociale : il n'est pas anormal qu'en cette période difficile, on pense qu'un effort de solidarité puisse être demandé à ceux qui en ont les moyens.
Le Président de la République a déclaré qu'il n'a pas été élu pour augmenter les impôts. Il a raison au regard du poids des prélèvements obligatoires dans notre pays ; j'avais moi-même émis des réserves lorsqu'une nouvelle taxe a été créée pour financer le RSA. Mais des circonstances exceptionnelles pourraient justifier des mesures exceptionnelles, pourvu qu'elles soient provisoires.
Dès lors que le Gouvernement n'envisage ni augmentation d'impôts, ni réduction des déductions fiscales, comment compte-t-il maîtriser les déficits et, a fortiori, les réduire ? La réduction des déficits et de la dette n'était-elle pas aussi un engagement de campagne du Président de la République ? (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit)
M. Jean-Marc Todeschini. - Il l'a oublié !
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique . - Je vous prie d'excuser M. Woerth, retenu à l'Assemblée nationale par l'examen du collectif.
Le niveau des déficits traduit la gravité de la situation. Nous sommes en réalité confrontés à un déficit dû à la crise et à un déficit structurel. Nous devons nous assurer que le premier est temporaire et poursuivre les réformes pour réduire le second. Face à une crise de l'ampleur de celle que nous connaissons, nous ne pouvons mettre en péril la soutenabilité à moyen terme de nos finances publiques. C'est dire que nous ne pouvons nous tromper de solution. La hausse des impôts n'en est pas une ; quand on commence à augmenter ceux des plus aisés, le temps n'est pas loin où l'on augmentera ceux des autres. (Rires et exclamations à gauche) Je me réjouis de donner à la gauche l'occasion de parader... En cette période difficile, la justice et l'efficacité sont mieux servies par une baisse des prélèvements pesant sur les plus modestes que par une sanction pour les plus riches.
Nous avons eu un débat sur le bouclier fiscal il y a dix-huit mois ; le placer à 50 % est juste. Est-il interdit de réussir en France ? Silence à gauche ! (On s'amuse à droite) La clé, c'est d'agir sur les dépenses. Nous avons mis en place un plan de relance rapide, temporaire et ciblé sur l'investissement, qui est réversible et ne dégrade pas l'actif net de la France. Parallèlement, les dépenses courantes sont maîtrisées -qui augmentent deux fois moins vite que par le passé-, les réformes structurelles se poursuivent, les niches fiscales et sociales sont mieux contrôlées.
Un effort de relance ciblé, temporaire, qui prépare l'avenir, et une maîtrise sans précédent des dépenses courantes : nous sortirons de la crise plus forts que lorsque nous y sommes entrés. (Applaudissements à droite)
Bouclier fiscal (I)
M. François Marc . - Ma question porte sur le bouclier fiscal. (« Ah ! » à droite) La crise financière, économique et sociale est là ; le peuple gronde aujourd'hui. Je vous prie d'excuser l'absence de nombre de mes collègues qui sont en ce moment aux côtés des manifestants. (Exclamations à droite)
La désinformation est sans effet : les Français savent faire la part de ce dont le Gouvernement est comptable et de ce qu'il ne maîtrise pas.
M. Roland Courteau. - C'est vrai !
M. François Marc. - La majorité de nos compatriotes connaissent chaque jour davantage de difficultés d'emploi, de pouvoir d'achat, de logement, d'éducation, de santé. Dans le même temps, ils voient des entreprises, certes pas toutes, verser de gros dividendes tout en licenciant et des dirigeants toucher des rémunérations indécentes. Ils voient aussi ce gouvernement persister à protéger les plus aisés en allégeant le poids de la contribution dont ils sont redevables envers la communauté nationale.
Alors que le déficit va battre tous les records, que les caisses sont vides, dixit le Premier ministre, ce gouvernement trouve de quoi envoyer 834 chèques de 368 000 euros en moyenne à des contribuables très aisés !
M. Claude Domeizel. - Scandaleux !
M. François Marc. - Ce scandale illustre la déraison de votre politique fiscale : les impôts des plus modestes servent à faire des chèques aux plus riches ! (Applaudissements à gauche)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - On se croirait chez Eugène Sue...
M. François Marc. - Il faut mettre fin à ce dévoiement de la République.
Si tant de voix s'élèvent aujourd'hui contre le bouclier fiscal, ce n'est pas uniquement pour une question de morale républicaine ; c'est aussi parce que pour lutter efficacement contre la crise, il faut s'appuyer sur une vraie solidarité.
M. le président. - Votre question.
M. François Marc. - Les gouvernements britannique et américain l'ont bien compris, en annonçant des hausses d'impôts pour les plus aisés.
Le bouclier fiscal est injuste et antirépublicain. Quand allez-vous le supprimer ? (Applaudissements à gauche)
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique . - (Applaudissements et encouragements sur les bancs UMP). Trois questions sur le sujet... je risque de me répéter !
Un bouclier à 50 %, c'est tout simplement juste. (On se gausse à gauche) C'est même une règle constitutionnelle chez plusieurs de nos voisins. Il s'agit d'éviter qu'on travaille plus d'un jour sur deux pour l'État ! La majorité a veillé, grâce au plafonnement des niches, à ce qu'un contribuable ne puisse plus s'exonérer de l'impôt en cumulant les avantages fiscaux. Avec 458 millions, le bouclier fiscal ne représente que 6 % du total lié à la loi Tepa, qui contient d'abord des mesures pour le plus grand nombre, à commencer par l'exonération des heures supplémentaires. (Exclamations à gauche).
M. Jean-Pierre Bel. - Ce n'est pas la question !
M. André Santini, secrétaire d'État. - Est-il illégitime de gagner de l'argent en France ? Non, bien sûr ! Serions-nous pervertis au point de dénigrer ceux qui réussissent ? (Protestations à gauche) Allez-vous montrer du doigt les chefs d'entreprise de votre circonscription qui investissent, y créent des richesses et de l'emploi ? (Protestations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ils délocalisent !
M. André Santini, secrétaire d'État. - Plafonner la pression fiscale, c'est limiter les départs du territoire français. C'est une mesure de productivité. Assez de démagogie. Nous avons réparé deux offenses à la justice fiscale : que l'on puisse payer plus de 50 % -voire 100 % ou plus- de son revenu en impôt, et que la multiplication et le déplafonnement des niches permette à certains de s'exonérer complètement d'impôt.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En effet, il y en a beaucoup.
M. André Santini, secrétaire d'État. - Cette vérité doit être rappelée. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Vera . - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. (Exclamations à gauche)
M. Jean-Marc Todeschini. - Il n'est pas là !
M. Bernard Vera. - Je tiens tout d'abord à saluer le puissant mouvement social qui réunit aujourd'hui des millions de manifestants, soutenu par 80 % de l'opinion. Nombre des membres de notre groupe sont dans les cortèges. Ce mouvement traduit l'inquiétude et la colère de la France qui travaille et qui crée les richesses, et appelle d'autres réponses que les mesurettes annoncées.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Bernard Vera. - Après les succès des mouvements revendicatifs outre-mer, on attend d'autres solutions à la crise que les licenciements, le chômage partiel et le blocage des salaires et pensions. Cette aspiration à la justice sociale rend indécents le bouclier fiscal et les rémunérations exorbitantes des grands patrons ! Le bouclier fiscal est un cadeau éhonté à quelques privilégiés, au moment où la grande majorité du peuple doit se serrer la ceinture.
Le ministère des finances a beau prétendre que les deux tiers des 14 000 bénéficiaires sont de condition modeste, mais 834 ménages fortunés ont obtenu plus de 368 000 euros de remboursement en 2008, soit 300 années de Smic par contribuable ! Le bouclier fiscal coûte 458 millions : c'est plus que les crédits de la rénovation urbaine, ou que les aides versées par le ministère de la jeunesse et des sports ! Affirmer que le bouclier fiscal a favorisé le retour des émigrés fiscaux est un pur affichage.
M. le président. - Votre question.
M. Bernard Vera. - Notre proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal viendra en discussion le 26 mars prochain, mais la majorité semble décidée à empêcher son adoption.
M. Alain Gournac. - Eh oui !
M. Bernard Vera. - Le Gouvernement va-t-il enfin entendre le peuple et supprimer cette disposition inique ? Appuierez-vous notre proposition ? (Applaudissements à gauche)
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique . - (Applaudissements sur les bancs UMP où ses amis encouragent André). Santini ter... Je risque de représenter le Gouvernement lors de l'examen de votre proposition de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Affutez vos arguments !
M. André Santini, secrétaire d'État. - Il n'est pas juste de stigmatiser les bénéficiaires du bouclier fiscal, qui avaient payé plus de 1,1 milliard d'impôts ! (Exclamations à gauche) Je vois que vous n'êtes pas sensibles à ce genre de détresse, mais ils versaient souvent plus de 80 %, voire 100 % de leurs revenus aux impôts !
L'impôt est une affaire de citoyenneté, non de confiscation. Est-il juste de payer plus de 50 % de ses revenus en impôts, de travailler plus d'un jour sur deux pour l'État ? Une telle situation n'existe nulle part ailleurs !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Si !
M. André Santini, secrétaire d'État. - En France, la coexistence d'un impôt sur le revenu et d'un impôt sur le patrimoine élevés impose de plafonner la pression fiscale. La véritable injustice, c'était que certains contribuables s'exonèrent de l'impôt grâce aux niches fiscales : c'est pourquoi nous les avons plafonnées.
On n'est pas un voleur lorsque l'on réussit ! Vos mesures feraient partir les riches de France.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ils partent déjà !
M. André Santini, secrétaire d'État. - A une époque de grande mobilité du capital et de compétition entre pays européens, surtaxer aboutit à détaxer.
D'ailleurs le bouclier fiscal a un impact positif de ce point de vue : en 2007, les départs du territoire ont baissé de 15 % et les retours ont augmenté de 10 %. Ce coup de frein aux départs, c'est la première fois depuis 2000 qu'on l'observe et ce n'est pas un hasard si c'est la première année de mise en oeuvre du bouclier fiscal ! (Applaudissements à droite)
Aides agricoles aux zones intermédiaires
M. Henri de Raincourt . - (Applaudissements à droite) - M. le ministre de l'agriculture nous a présenté il y a peu les modalités de mise en oeuvre du bilan de santé de la PAC, au terme d'une longue concertation. Près de 1,4 milliard d'aides directes reçues par les agriculteurs seront réorientées en 2010 pour consolider l'économie et l'emploi dans les territoires, soutenir l'élevage à l'herbe, prévoir un développement durable et instaurer la gestion des risques.
La profession sait qu'il est indispensable d'adapter la PAC dans la perspective de 2013. Mais les prélèvements de solidarité sur les grandes cultures risquent de créer des difficultés aux zones dites intermédiaires où des exploitations de taille moyenne obtiennent des rendements moyens sur des sols relativement médiocres. La suppression de soutiens indispensables à la survie de nombre de ces exploitations pourrait leur faire perdre jusqu'à 80 euros à l'hectare.
Comment faire évoluer le système pour qu'il prenne en compte la diversité de nos régions et assure à nos céréaliers, quelle que soit leur région, la juste rétribution de leur travail ? Pourrait-on appliquer progressivement, sur la période 2010-2013, les mesures décidées ? Enfin, pourrait-on accompagner financièrement les exploitations de type « spécialisé » ou « polyculture-élevage », ayant des surfaces consacrées aux productions végétales et qui s'engagent à développer la biodiversité ou à réduire notre dépendance énergétique grâce à leurs choix culturaux ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement . - Michel Barnier s'excuse de ne pouvoir vous répondre personnellement. Il est retenu à Bruxelles par les négociations de la PAC. Le Gouvernement est sensible aux inquiétudes que vous relayez. Malheureusement, la réorientation du 1,4 milliard ne peut pas être appliquée avec progressivité -c'est un accord européen- et elle interviendra sur les aides payées en décembre 2010.
Le ministre de l'agriculture, conscient des spécificités des zones intermédiaires, a soumis aux groupes de travail la situation des territoires qui ont des niveaux de soutien et de revenus plus faibles que les autres. Diverses voies sont à l'étude : réattribution prioritaire d'une partie des aides aux grandes cultures, accompagnement de la réorientation des productions, engagement sur un développement durable. Des décisions seront annoncées début avril.
La réorientation des aides est nécessaire pour préserver notre politique agricole commune dans les discussions qui vont s'ouvrir sur les perspectives financières dès le début de 2010. La pire des stratégies pour nos agriculteurs aurait été le statu quo. Soyez assuré que le Gouvernement prend en considération la situation particulière des zones intermédiaires dont vous êtes le très convaincant porte-parole. (Applaudissements à droite)
Relance par la consommation
Mme Françoise Laborde . - Alors que les effets du plan de relance se font toujours attendre en particulier pour ceux, de plus en plus nombreux dont le pouvoir d'achat diminue, vous vous refusez toujours à agir sur la consommation et privilégiez uniquement l'investissement. Je vous invite, à lire le récent rapport du Sénat, rédigé par notre collègue Angels, qui démontre qu'une relance directe par la consommation serait rapidement efficace. Alors que les entreprises licencient, ajoutant la crise sociale à la crise industrielle, pourquoi persistez-vous dans la mauvaise direction ? Avec mes collègues radicaux de gauche et la majorité du groupe RDSE, je partage les inquiétudes des Français qui s'expriment avec force aujourd'hui, dans tout le pays contre votre politique et en particulier contre vos orientations en matière d'emploi et de pouvoir d'achat pour les plus modestes. Cette politique enfonce chaque jour un peu plus Ies Français dans la précarité, la pauvreté et l'incertitude.
La Révision générale des politiques publiques est synonyme de réduction drastique des emplois, y compris en zone rurale et dans les quartiers sensibles, dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche, tous domaines où notre pays régresse. Dans le secteur privé, déjà 400 000 chômeurs supplémentaires sont annoncés pour 2009. Les indicateurs sont au rouge et les réponses du Gouvernement sont insuffisantes quand elles ne sont pas inadaptées,
Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que Gouvernement ne prenne la mesure de la crise qui frappe les Français ? Quand allez-vous cesser de gérer la crise et, enfin, intervenir avec détermination ? Quand allez-vous préférer le bouclier social à l'injuste et si indécent bouclier fiscal ? (Applaudissements sur les bancs socialistes) Quand allez-vous agir sur le seul véritable levier de relance qui soit : la consommation ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - Nous ne partageons pas votre analyse et nous avons l'Histoire avec nous. Rappelez-vous l'échec historique de la relance par la consommation lancée par François Mitterrand ! (Vives protestations sur les bancs socialistes couvrant la voix du ministre) Cela montre l'inanité d'une telle relance. C'est pourquoi nous avons préféré une relance par l'investissement et choisi la réactivité d'un plan parmi les plus énergiques de tous ceux en vigueur chez nos partenaires. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes)
Je vous rappelle que la crise n'est pas française. Vous avez bien tort de stigmatiser le Gouvernement alors que vos amis socialistes espagnols ont enregistré, pour le seul mois de janvier, 350 000 chômeurs supplémentaires, (On juge, à gauche, l'argument hors de propos) alors que vos amis travaillistes anglais traversent la crise la plus profonde de leur histoire. Nous avons été parmi les plus réactifs de l'Union européenne. (Nouvelles exclamations à gauche) Les moyens consacrés à la politique de l'emploi ont augmenté de près de 25 % depuis le début de la crise ; les allocations de chômage partiel sont passées de 60 % à 75 % du salaire brut ; les salariés privés d'emploi bénéficient d'une meilleure indemnisation.
Nous soutenons l'emploi grâce à un dispositif en faveur des très petites entreprises, (Exclamations à gauche) qui rencontre un immense succès et a déjà permis l'embauche de 3 000 jeunes. Voilà la réalité. (Applaudissements à droite)
Obligations des entreprises recevant des fonds publics
M. Roland Courteau . - Des centaines de milliers d'emplois sont menacés dans l'agro-alimentaire, la chimie, l'automobile, la distribution ; dans des entreprises comme Continental, Total, Sony Pontonx, Mamor... Mes collègues Carrère et Vantomme ne me démentiront pas. Certaines entreprises qui ont reçu des fonds publics se sont même délocalisées. L'exemple de Total, qui, avec 14 milliards de profits, ose annoncer 500 suppressions d'emploi est peut-être le plus frappant. Continental a trompé ses salariés en leur demandant des sacrifices au profit de nouveaux investissements : ils sont aujourd'hui au chômage. Tout cela avec pour seul objectif le profit, afin de servir leurs dividendes aux gros actionnaires et leurs revenus pharamineux aux dirigeants, et tant pis si les salariés sont sacrifiés !
Quelle est, face à cela, la réponse du Gouvernement ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Aucune !
M. Roland Courteau. - Il nous annonce qu'il sera exigeant et vigilant ? La belle affaire ! M. Sarkozy prédit l'avènement d'un nouveau type de capitalisme, affirmant qu'il n'admettra pas que les entreprises profitent de la crise pour se restructurer et supprimer des emplois. En réalité, rien ne se passe : la France a perdu 107 000 emplois, au dernier trimestre 2008 et l'assurance chômage annonce 400 000 destructions d'emplois en 2009. Le Gouvernement refuse de reconnaître ses erreurs. Il refuse de revenir sur le bouclier fiscal.
M. Alain Gournac. - C'est reparti !
M. Roland Courteau. - Que ne présente-t-il un projet qui permettrait au comité d'entreprise de se prononcer sur l'utilité économique d'un plan social et d'en évaluer les dégâts sociaux ? Mais il s'en garde bien !
Vous n'exigez même pas que des entreprises qui bénéficient des exonérations de cotisations sociales signent des accords salariaux ou de maintien de l'emploi. Cela, l'Europe ne l'interdit pas ! Quand réagirez-vous enfin contre ces pratiques scandaleuses d'entreprises qui bénéficient de fonds publics et engrangent des profits colossaux ? (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - Je ne contredirai pas le début de vos propos sur l'augmentation sensible des problèmes sociaux et du chômage lié aux licenciements économiques.
M. Jean-Louis Carrère. - Vous auriez du mal !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Mais vous oubliez de rappeler qu'il s'agit là d'une conséquence directe de la crise mondiale...
M. Jean-Marc Todeschini. - Faux !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - ... qui se traduit ailleurs par une explosion souvent bien plus spectaculaire du chômage, comme en Espagne. (On juge, à gauche, l'argument oiseux)
Vous dites que nous avons peu fait ? Ce qui distingue la France de ses voisins, ce sont bien les obligations fortes des entreprises en matière de plans sociaux. Ainsi, les entreprises de plus de 1 000 salariés qui licencient sont-elles soumises à des obligations de financement pour la revitalisation des territoires, tandis que celles de moins de 1 000 salariés doivent proposer des conventions de reclassement personnalisé.
Nous ne nous contentons pas de veiller à la bonne application de ces dispositions, nous faisons tout pour éviter les suppressions d'emploi (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) C'est nous, et non pas vous, qui avons amélioré l'indemnisation du chômage partiel, en la portant à 75 %. Nous avons étendu à de nouveaux bassins le contrat de transition professionnelle. Vous avez beau tenter de nous imputer les effets d'une crise de dimension mondiale, les mesures que nous prenons valent mieux que vos incantations. (Applaudissements à droite)
Soutien à l'apprentissage.
M. Serge Dassault . - Le nombre de jeunes sans emploi en France est malheureusement beaucoup plus élevé qu'ailleurs. Pourquoi ? (On daube sur les bancs socialistes)
Parce que notre système de formation scolaire est devenu inadapté aux motivations de certains de nos jeunes qui souhaiteraient une formation plus professionnelle que théorique.
M. Daniel Raoul. - En avant la musique !
M. Serge Dassault. - Le collège unique est un échec puisque chaque année 140 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune formation professionnelle. Ils deviennent des chômeurs quand ce n'est pas des délinquants. (Protestations à gauche)
La solution passe par l'apprentissage, plutôt que par le bachot, qui ne mène le plus souvent à aucun emploi. Notre ministre de l'éducation nationale devrait y réfléchir.
Pour développer l'apprentissage, il faut davantage d'entreprises d'accueil, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Car si les entreprises de plus de 250 salariés sont obligées de prendre des apprentis, il n'est rien prévu pour les plus petites. Aussi je vous propose d'abaisser ce seuil à 50 salariés.
Je voudrais aussi voir supprimées les modifications récentes au code du travail, qui obligent le chef d'entreprise à demander l'avis du médecin du travail pour poster des apprentis de moins de 18 ans sur machines tournantes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ben voyons !
M. Serge Dassault. - Du coup, la plupart des chefs de petites et moyennes entreprises renoncent à prendre des apprentis de moins de 18 ans, qui sont ainsi bloqués dans leur formation.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse . - Nous connaissons tous votre engagement en faveur des jeunes, en particulier au plan local. Je partage votre volonté de soutenir le développement de l'alternance, que ce soit sous la forme de l'apprentissage ou des contrats de professionnalisation. Car je sais que cela fonctionne. L'apprentissage est plébiscité par les employeurs et les jeunes, qui savent que huit apprentis sur dix trouvent un emploi. La crise a ralenti le mouvement. Il faut donc aider à le réamorcer.
Le fort développement de l'apprentissage de ces dernières années a été favorisé par les mesures prises depuis 2005, à l'initiative de Gérard Larcher, alors ministre du travail et de Jean-Louis Borloo. (Applaudissements sur les bancs UMP) Crédit d'impôt de 1 600 euros, revalorisation du statut d'apprenti, campagnes de promotion de l'apprentissage, création d'un fonds national de modernisation de l'apprentissage, quota de jeunes en alternance de 3 % dans les entreprises de plus de 250 salariés, à défaut de quoi une majoration de 0,1 % de la taxe d'apprentissage est applicable. Ces initiatives avaient été approuvées même par l'opposition.
Il nous faut poursuivre dans cette voie et consolider les fondations qui ont permis en peu de temps de passer à 480 000 apprentis. C'est l'un des enjeux des travaux de la commission de concertation sur l'autonomie des jeunes.
Faut-il être plus exigeant pour les entreprises de moins de 250 salariés ? L'idée est à creuser mais il faudrait prendre en compte la réalité des efforts de formation accomplis par l'entreprise avant de la surtaxer ; aujourd'hui, c'est tout ou rien. Il faudrait aussi considérer la durée réelle de présence des jeunes en apprentissage durant l'année.
Peut-on affaiblir les normes de sécurité pour l'utilisation des machines dangereuses par les jeunes mineurs en alternance ? Il n'en est pas question ! Le taux d'accidents du travail a diminué, on en va pas le faire repartir à la hausse. (Applaudissements à droite)
Pôle emploi
Mme Patricia Schillinger . - Un an et demi après la création de « Pôle emploi » issu de la fusion de l'ANPE et des Assedic, on en voit l'inefficacité. Il est même inopérant, injoignable au téléphone -avec un numéro surtaxé !- et le nombre de dossiers en retard atteint les 68 000. Le Gouvernement reste de marbre alors que le nombre de demandeurs d'emplois vient de s'accroître de 250 000 en quatre mois et que tout laisse à penser que la barre des 10 % devrait être franchie avant la fin de l'année. Outre que le taux de chômage des jeunes ne cesse de s'élever, sont aussi touchés désormais les salariés qualifiés de 40 et 50 ans.
Les 45 000 agents de « Pôle emploi » sont déjà en surcharge de travail. Ils ne sont qu'un conseiller pour 120 chômeurs alors que l'objectif était d'un pour 60. L'inscription, l'indemnisation, l'accompagnement des chômeurs exigent une augmentation de cet effectif.
Les mesures prises par le Gouvernement sont inefficaces. Dans un contexte aussi difficile, il faut un service de l'emploi moderne. Quelles mesures d'urgence comptez-vous prendre ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - La mise en oeuvre de « Pôle emploi » n'a commencé que le 1er janvier ! Ce levier supplémentaire offre désormais aux demandeurs d'emploi un seul interlocuteur, pour le placement et pour l'indemnisation, un seul système d'aides, qu'ils soient ou non indemnisés, un accompagnement renforcé grâce à la mutualisation des moyens. (Exclamations à gauche) Pour les entreprises, c'est aussi du plus. L'ensemble des simplifications apportées aux demandeurs d'emploi sera mis en place d'ici septembre, avec 100 % de guichets uniques à l'été ; la généralisation de l'entretien unique et des référents uniques à la rentrée.
Nous ne nions pas les difficultés. Une telle nouveauté ne peut se faire aussi facilement, dans un contexte rendu plus difficile par l'augmentation importante du nombre de demandeurs d'emploi du fait de la crise. Le Gouvernement a conscience des tensions fortes que cela entraîne et de la surcharge de travail que cela représente pour les 45 000 agents de « Pôle emploi », dont je salue la mobilisation exemplaire.
M. Bernard Frimat. - Ils sont injoignables !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Afin de faire face à l'augmentation du nombre de dossiers, « Pôle emploi » a recruté des CDD et mobilisé ses agents y compris le samedi. Résultat, le nombre de dossiers en attente, qui avait fortement augmenté à la fin 2008, est retombé à 58 000, ce qui est le niveau normal. Il n'y a pas de retard pour le versement de l'indemnisation chômage.
Le Gouvernement étudie la demande d'un renfort des effectifs de « Pôle emploi », permettant de garantir aux demandeurs d'emploi un accompagnement adapté.
Le 39.49, numéro d'appel unique, a reçu plus d'un million d'appels, ce qui a entraîné des difficultés. Nous y avons apporté les réponses techniques appropriées et le taux d'aboutement dépasse désormais les 70 %, avec certes d'importantes disparités régionales.
Notre objectif doit être de tout faire pour apporter à ceux qui perdent leur emploi le meilleur des services. La fusion de l'ANPE et des Assedic, cela fait vingt ans qu'on en parlait, elle est désormais une réalité. Il y a d'un côté le ministère de la parole, de l'autre le ministère de l'action ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Daniel Raoul. - Cela fait maintenant sept ans que vous nous le répétez !
Fonctionnaires de La Poste
M. Pierre Hérisson . - Vous pardonnerez mon audace : avant de poser ma question, je voudrais remettre le badge de la candidature olympique d'Annecy à M. Laporte, secrétaire d'État au sport. (L'orateur joint le geste à la parole)
M. Jean-Marc Todeschini. - Moi, j'ai un badge « Sauvons la recherche ! »
M. Pierre Hérisson. - La loi du 2 février 2007 a ouvert aux fonctionnaires de La Poste la possibilité d'être intégrés dans les cadres de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière. Elle a toutefois limité dans le temps ce dispositif spécial de mobilité entre les fonctions publiques en fixant comme date butoir le 31 décembre 2009. Cette date a été retenue par référence à celle fixée par la loi du 31 décembre 2003 qui ouvrait la même possibilité pour les fonctionnaires de France Télécom.
Les agents ne peuvent demander leur intégration qu'après un an, dont quatre mois de mise à disposition pour un stage probatoire et huit mois de détachement. Or, la faculté ouverte prendra fin au 31 décembre 2009 et les fonctionnaires qui souhaiteraient aujourd'hui en bénéficier ne le peuvent plus depuis le 31 décembre dernier. Que dois-je répondre à mon postier haut-savoyard ? Le dispositif demeure-t-il opérationnel en 2009 ? Envisagez-vous de le proroger ?
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique . - Merci de ne pas m'interroger sur le bouclier fiscal, je pense que la leçon a porté et que chacun sait tout à présent... (On crie à la provocation sur les bancs socialistes)
En février 2007, la loi de modernisation de la fonction publique a ouvert aux fonctionnaires de La Poste la même faculté que celle qui avait été accordée aux agents de France Télécom. La difficulté que vous évoquez est réelle et je vous confirme que le Gouvernement souhaite que l'entrée dans le dispositif dérogatoire soit possible jusqu'au 31 décembre 2012, par parallélisme avec la durée retenue pour France Télécom. M. Woerth et moi-même avons écrit au président de La Poste, M. Bailly, le 27 octobre dernier pour formaliser cet engagement. Nous l'avons confirmé au président de la commission administrative de reclassement, précisant que le Gouvernement présentera courant 2009 les dispositions législatives de prorogation. Ainsi la commission pourra continuer à instruire les dossiers ; et votre postier haut-savoyard ne sera pas pénalisé, grâce à ce véhicule législatif particulier. (Sourires ; applaudissements à droite)
M. Philippe Adnot . - Ma question porte sur la concrétisation des garanties données par le Gouvernement aux Instituts supérieurs de technologie (IUT). Lorsque nous avons réfléchi à la révision du mode de calcul des dotations, nous avons souhaité une plus grande équité et une meilleure efficacité dans l'utilisation des moyens. Notre rapport, remis en juin dernier au nom de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, préconisait une enveloppe financière globale allouée par l'université à ses IUT, pour qu'ils puissent mettre en oeuvre leurs projets. Où en est-on aujourd'hui ? Je pense au pourcentage reposant sur la performance et l'insertion professionnelle des étudiants ; et au coût plus élevé des formations en IUT. Pouvez-vous conforter les directeurs de ces instituts qui jouent un rôle majeur dans notre système d'enseignement et plus particulièrement dans la professionnalisation des formations ?
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Les IUT sont l'un des piliers de l'enseignement supérieur et l'une des filières de réussite. Ils dispensent une formation de qualité et participent à la dynamique des territoires. Leurs résultats sont impressionnants quant à l'insertion professionnelle. Les universités autonomes doivent donc tenir compte de leurs spécificités. J'ai souhaité que les présidents d'université et les directeurs d'IUT signent une charte, à laquelle je conférerai une valeur réglementaire. Elle sera adressée demain aux intéressés. Les IUT doivent conserver les moyens, financiers et humains, de s'épanouir. Il y aura un contrat d'objectifs et de moyens entre les présidents d'universités et les directeurs d'IUT ; il sera transmis en juin à mon ministère. Tous les présidents se sont engagés à maintenir a minima les moyens actuels de chaque IUT en 2009 et 2010. L'État y a ajouté 5 millions d'euros pour améliorer l'accueil des bacheliers et faire mieux fonctionner l'ascenseur social, crédits qui seront reconduits en 2009. Et dans le plan de relance, 10 millions d'euros seront affectés à l'équipement des IUT. Enfin, les instituts seront associés à la réflexion sur le modèle d'allocation des moyens que vous avez mentionné. Les IUT comptent pour vous : sachez qu'ils comptent pour nous. (Applaudissements sur les bancs UMP).
La séance, suspendue à 15 h 55, reprend à 16 h 5.