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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence)
Hommage à une délégation étrangère
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence - Suite)
Discussion générale commune (Suite)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
Relance économique et collectivités locales
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Mode d'élection de l'Assemblée territoriale de Corse
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
Appui de l'État aux projets des collectivités territoriales
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
Réforme de l'audiovisuel public
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Profanation du cimetière de Notre-Dame-de-Lorette
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Plan de relance et lutte contre la pauvreté
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Crise économique et aide au développement
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence - Suite)
Article 25 de la Constitution (Loi organique - Urgence)
Élection des députés (Urgence)
Décision du Conseil constitutionnel
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence - Suite)
Election des députés (Urgence - Suite)
Discussion des articles (Suite)
SÉANCE
du jeudi 11 décembre 2008
41e séance de la session ordinaire 2008-2009
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Pierre Godefroy.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre lui a demandé de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
Les commissions des finances et des lois ont fait connaître leurs candidats.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et du projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Discussion générale commune
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Une démocratie plus représentative, plus transparente, plus efficace : tels sont les objectifs fixés par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 à la rénovation de nos institutions. Les deux textes aujourd'hui soumis à votre examen répondent à cette volonté.
Depuis la refonte des circonscriptions de 1986, fondée sur le recensement général de 1982, les évolutions démographiques ont été considérables. Le Conseil constitutionnel a dénoncé à plusieurs reprises les écarts avec les recensements de 1990 et 1999, qui n'ont pas donné lieu à un ajustement. Un rééquilibrage s'imposait.
L'article 25 de la Constitution prévoit également, conformément à l'engagement de campagne du Président de la République, la représentation à l'Assemblée nationale, comme cela est déjà le cas au Sénat, de nos compatriotes, au nombre de 1 400 000, qui défendent à l'étranger les intérêts de notre pays.
Deuxième objectif, la transparence. Aucun soupçon ne doit peser sur les conditions de mise en oeuvre des obligations constitutionnelles, et c'est pourquoi l'article 25 prévoit la création d'une commission indépendante chargée de rendre son avis avant tout redécoupage ou redistribution des sièges.
Pour plus d'efficacité, enfin, la Constitution prévoit que les parlementaires nommés au Gouvernement retrouvent leur siège au terme de leur mission. Le peu de participation aux élections partielles, où l'on est souvent contraint, parce que le minimum n'est pas atteint, d'organiser un deuxième tour, ne renforce pas l'image de notre démocratie. Nos compatriotes croient souvent eux-mêmes que ce retour est de droit.
La loi organique qui vous est présentée met donc en oeuvre les dispositions constitutionnelles relatives au nombre de députés, que l'article 24 de la Constitution fixe à 577, et au remplacement temporaire des membres du Gouvernement. Son article premier met le code électoral, qui prévoit 579 députés, en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles. Il abroge les dispositions qui fixent le nombre de députés élus dans les collectivités et départements d'outre-mer, qu'il reviendra à la loi ordinaire de préciser, en même temps que le nombre de députés représentant les Français établis hors de France.
L'article 23 de la Constitution, qui rappelle la règle de l'incompatibilité entre la fonction de membre du Gouvernement et l'exercice de tout mandat parlementaire, prévoit que les parlementaires nommés au Gouvernement sont remplacés par leur suppléant. Le projet de loi organique prévoit que ce remplacement temporaire prend fin au terme d'un délai d'un mois après la cessation des fonctions ministérielles.
Enfin, deux dispositions de la loi organique concernent la commission indépendante prévue à l'article 25. L'une précise les modalités de désignation de son président par le Président de la République, conformément à l'article 13 de la Constitution. Cette désignation est subordonnée à l'aval des deux commissions permanentes compétentes du Parlement. La seconde prévoit l'incompatibilité entre l'exercice des fonctions de membre de la commission et l'exercice d'un mandat parlementaire.
Le projet de loi ordinaire fixe, quant à lui, la composition de la commission. Son article premier dispose que, si les trois magistrats sont élus par leurs pairs, les trois personnalités qualifiées qui la composent également sont nommées, dans un souci d'équilibre, par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, les commissions des lois des deux assemblées étant obligatoirement consultées. La loi fixe la durée de leur mandat à six ans, renouvelable par tiers tous les trois ans, afin d'assurer la continuité des décisions. Elle fixe également les règles de fonctionnement et les obligations qui incombent à ses membres, notamment leur devoir de confidentialité et prévoit que la commission disposera de deux mois pour rendre un avis sur le texte qui lui aura été soumis, ce qui doit éviter tout retard.
L'article 3 contient les dispositions relatives à la révision de la délimitation des circonscriptions électorales. La méthode employée en 1986, acceptée par tous, puisque elle n'a jamais été remise en cause en dépit de quatre alternances, a été reprise : délimitation des circonscriptions par voie d'ordonnance ; respect des limites cantonales, sauf pour les cantons peuplés de plus de 40 000 habitants ou dont le territoire est enclavé ou discontinu ; méthode dite de la tranche, qui donne droit à un siège pour 125 000 habitants ; règle du maintien de deux sièges au moins par département. Les projets d'ordonnance devront être soumis à la commission indépendante et le projet de loi de ratification présenté dans les trois mois.
Enfin, le dernier article du projet de loi ordinaire traite, par simple parallélisme des formes, du remplacement temporaire des membres du Parlement européen nommés au Gouvernement.
Votre débat contribuera, je n'en doute pas, à élaborer un texte qui réponde aux exigences de la démocratie en même temps qu'il permettra aux deux assemblées de voir leur activité mieux reconnue par nos concitoyens. (Applaudissements à droite)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Ces deux textes mettent en oeuvre les nouvelles dispositions de l'article 25 de la Constitution. Adoptés par l'Assemblée nationale en novembre dernier, ils concernent la révision de la carte des circonscriptions législatives et le remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres.
Ils ont fait l'objet de débats approfondis à l'Assemblée nationale, particulièrement concernée par les dispositions relatives à l'élection de ses membres : sept amendements au projet de loi organique ont été adoptés par les députés, quinze sur le projet de loi ordinaire. Des améliorations rédactionnelles et des compléments utiles ont été apportés et trois amendements ont modifié sur le fond le projet de loi ordinaire.
La question du remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement a été longuement débattue, particulièrement dans votre assemblée. Les articles 2, 3 et 4 du projet de loi organique réécrivent les articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral ; le premier est relatif aux députés, les deux autres vous concernent plus spécialement.
Un sénateur devenant ministre sera remplacé, provisoirement, par son suppléant s'il a été élu au scrutin majoritaire, ou par le suivant de liste s'il a été élu au scrutin proportionnel. Il retrouvera automatiquement son siège au plus tard un mois après la cessation de ses fonctions gouvernementales : s'il a été élu au scrutin majoritaire, il n'aura donc pas à solliciter la démission de son suppléant en provoquant une élection sénatoriale partielle. L'ancien sénateur pourra toutefois renoncer à reprendre son mandat pendant ce délai d'un mois, auquel cas son remplacement deviendra définitif jusqu'au prochain renouvellement partiel de la série à laquelle il appartenait. Dans cette hypothèse, nous nous retrouvons dans une situation voisine de celle que nous connaissons depuis 1958. Il n'y aucune différence par rapport au droit actuel, où l'occupation du siège par le suppléant jusqu'à la fin du mandat restant à courir n'a jamais donné lieu à contestation, car elle évite une élection partielle qui ne suscite jamais une forte participation électorale. Nous avons choisi cette solution parce qu'il ne peut être exclu qu'un ministre refuse de retrouver le siège de député ou de sénateur qu'il occupait auparavant : le cas peut se produire s'il quitte le Gouvernement pour occuper une autre fonction incompatible avec l'appartenance à l'une des assemblées, par exemple celle de membre du Conseil constitutionnel ou de la Commission européenne.
Au cas où plusieurs remplacements successifs, ayant des causes différentes, seraient intervenus sur une même liste sénatoriale, c'est le dernier arrivé qui devra céder son siège : le candidat de la liste du titulaire initial du mandat qui est devenu sénateur le plus récemment en remplaçant, soit le sénateur devenu ministre, soit un autre sénateur dont le siège était vacant, devra donc céder ce siège au parlementaire ayant cessé ses fonctions gouvernementales. La nouvelle rédaction de l'article L.O. 320 du code électoral proposée sur ce point par le Gouvernement a été récrite par l'Assemblée nationale, afin de la rendre plus complète et plus lisible. Votre rapporteur n'est pas étranger à cette réécriture, et je crois savoir qu'il en est même l'auteur. Quoi de plus normal d'ailleurs, et conforme à la tradition républicaine, que l'assemblée dont les membres sont concernés au premier chef par une disposition prenne une part décisive à sa rédaction et que l'autre assemblée s'abstienne de la remettre en cause ? La nouvelle rédaction précise utilement que le sénateur « remplaçant temporaire » qui a dû céder son siège reprend la première position de la liste, en tête des candidats non élus de celle-ci : ainsi, il n'y a plus aucune ambiguïté sur le sort réservé à la personne ayant remplacé temporairement un sénateur, élu au scrutin de liste, devenu ministre, lorsque ce dernier reprend son mandat.
Conformément à la réforme constitutionnelle, le nouveau système est applicable aux membres actuels du Gouvernement : l'alinéa III de l'article 45 de la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier énonce en effet qu'il s'applique aux députés et sénateurs ayant accepté des fonctions gouvernementales antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue à l'article 25 -celle dont il est question aujourd'hui- « si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n'est pas encore expiré ». Il n'y a là aucune rétroactivité, (M. Bernard Frimat en doute) mais une simple application aux situations en cours à la date à laquelle vous vous prononcez.
Enfin, le projet de loi ordinaire contient une disposition technique semblable pour les députés européens qui deviennent membres du Gouvernement, dont la rédaction est calquée sur celle applicable à ceux d'entre vous qui sont élus au scrutin proportionnel. Comme M. Gélard le signale dans son excellent rapport, l'article 24 de la loi du 7 juillet 1977, qui régit l'élection de nos députés au Parlement européen, permet déjà à un représentant ayant accepté une fonction de membre du Gouvernement ou du Conseil constitutionnel, ou la prolongation au-delà de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement, de reprendre son ancien mandat lorsque ces fonctions ou missions ont cessé et que son remplaçant est décédé ou a démissionné ; il dispose pour ce faire d'un délai d'un mois. Ce retour au Parlement européen, qui restera applicable dans les cas autres que l'entrée au Gouvernement, est donc seulement étendu, dans cette dernière hypothèse, pour s'appliquer de droit, sans se limiter aux cas de démission ou de décès du remplaçant. Le nouveau système n'entrera toutefois en vigueur qu'après le renouvellement du Parlement européen de juin prochain, parce qu'une simple loi ne peut prévoir son application aux situations en cours.
Les autres dispositions des deux textes portent essentiellement sur l'élection des députés. L'article premier du projet de loi organique fixe, dans l'article L.O. 119 du code électoral, le nombre total des députés : il correspond au plafond retenu maintenant dans la Constitution, soit 577, qui est aussi le nombre des membres de l'Assemblée nationale depuis 1985. Les dispositions organiques du code électoral fixant le nombre des députés élus respectivement dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer sont en conséquence abrogées : c'est l'objet de l'article 7 du projet de loi organique. Il appartiendra dorénavant à la loi ordinaire d'en arrêter le nombre. Une distorsion est certes ainsi introduite avec la fixation des effectifs de votre assemblée, laquelle résulte de l'addition de plusieurs dispositions fixant, dans le code électoral, les nombres respectifs de sénateurs élus dans les départements et dans chacune des collectivités d'outre-mer et, dans une loi organique spécifique, le nombre de ceux d'entre vous qui représentent les Français de l'étranger. Mais les deux situations sont conformes à la Constitution, dont l'article 25 renvoie à la loi organique le soin de fixer le nombre des membres de chaque assemblée : ce peut être un nombre global, ou une somme de « contingents ». Une harmonisation pourrait toutefois intervenir à l'occasion de la recodification en cours du code électoral ; s'agissant de dispositions organiques relatives au Sénat, elle ne se fera qu'avec votre accord.
Les autres dispositions du projet de loi ordinaire constituent la première étape de l'ajustement de la carte des circonscriptions législatives, exigé, j'y insiste, depuis près de dix ans par le Conseil constitutionnel, compte tenu des écarts importants apparus dans leur population respective. La délimitation actuelle, arrêtée en 1986, sur la base d'un recensement effectué en 1982 -la population française était alors de 55 millions alors que nous sommes aujourd'hui 64 millions- aurait dû être révisée en 1999, à la suite des deux recensements de 1990 et de 1999 ; elle ne l'a pas été et nous ne pouvons plus, aujourd'hui, reporter cette réforme. Comme le souligne M. Patrice Gélard dans son rapport, qui cite plusieurs exemples éloquents, il y a là une véritable « urgence démocratique », les écarts de population existant entre les circonscriptions rendant la représentativité de leurs députés respectifs très inégalitaire.
Afin d'adopter cette réforme indispensable le plus rapidement possible, le Gouvernement propose de recourir à la procédure des ordonnances : c'est la méthode utilisée en 1958 puis, au stade initial, en 1986. C'est aussi celle qui paraît la plus adaptée au sujet : on imagine mal les députés discuter eux-mêmes, dans le détail, de la répartition des sièges et de la délimitation des circonscriptions, ni déposer des amendements au résultat desquels ils seraient directement intéressés. Toutefois, ce recours aux ordonnances ne supprime en aucune façon l'intervention du Parlement. En amont, parce que le projet de loi énonce, dans l'exposé des motifs ou dans l'article d'habilitation lui-même, les critères qui présideront à l'ajustement de la carte des circonscriptions législatives, critères dont les députés ont longuement débattu.
En aval, parce que les deux assemblées pourront, lors de la ratification, contrôler l'application des critères par le Gouvernement. Le choix de ces derniers sera soumis à un contrôle rigoureux, sans précédent, de la part du Conseil d'État, s'il est saisi, et par le Conseil constitutionnel, si la loi lui est soumise. Il ne s'agit pas, conformément aux instructions qui m'ont été données par le Président de la République et le Premier ministre, d'élaborer une nouvelle carte électorale, mais de procéder aux stricts ajustements nécessaires : modification de la répartition des sièges, fixation du nombre de députés représentant les Français de l'étranger, création de nouvelles circonscriptions et ajustement des circonscriptions existantes, toutes opérations qui seront soumises à une commission indépendante avant leur examen par le Conseil d'État.
La création de cette commission pérenne, en application de l'article 25 de la Constitution, est une grande nouveauté par rapport à la réforme de 1986. Elle sera consultée sur les projets et propositions de loi « délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ». Elle ne pourra se saisir elle-même ni ne sera saisie d'éventuels redécoupages des cantons, qui relèvent de décrets.
Le rôle de la commission est consultatif : elle ne choisira pas les règles de répartition, ni ne procédera au découpage, mais donnera un avis sur les solutions proposées. Aucune modification de la répartition des parlementaires ou des limites des circonscriptions législatives ne pourra intervenir à l'avenir sans son avis, un avis qui sera public, et que les auteurs des textes pourront suivre ou ne pas suivre.
La composition et les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission qui figurent à l'article premier du projet de loi ordinaire assurent son indépendance. Celle-ci est assurée d'abord par la qualité des membres qui la composeront : trois représentants des plus hautes juridictions, le Conseil d'État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, élus par leurs pairs, et trois personnalités désignées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat. Reprenant la nouvelle procédure de l'article 13 de la Constitution, les nouveaux articles L. 567-1 et L.O. 567-9 du code électoral prévoient que ces dernières désignations seront précédées de la consultation des commissions des lois des deux assemblées : les deux commissions pour le membre désigné par le Président de la République, qui sera président de la commission, comme l'a demandé le Conseil d'État ; et la commission de l'assemblée concernée pour chacun des deux autres membres. Les deux commissions pourront récuser les propositions des autorités de désignation à la majorité des trois cinquièmes, ce qui signifie que l'opposition parlementaire sera associée aux choix effectués ; c'est un signe fort de transparence, selon les mots de votre rapporteur. En d'autres termes, 29 d'entre vous pourront opposer leur veto à la nomination du membre désigné par le président de votre assemblée, comme pourront le faire 44 députés pour celui désigné par le président de l'Assemblée nationale et 72 députés ou sénateurs pour le président de la commission. Il est probable qu'une personnalité fortement contestée par l'opposition parlementaire ne sera pas nommée, quand bien même les trois cinquièmes de votes négatifs ne seraient pas atteints.
L'indépendance de la commission est renforcée par l'incompatibilité existant entre la fonction de membre de la commission et tout mandat électif, l'affirmation de la liberté totale de ses membres et les modalités de son renouvellement. La présence de parlementaires issus des groupes des assemblées, celle de représentants des partis ou d'élus locaux aurait été contraire au principe d'indépendance. (M. Bernard Frimat rit) Dans l'exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité et seront astreints au devoir de réserve. La commission pourra désigner des rapporteurs, faire appel aux services compétents de l'État, procéder à des consultations, et gérer librement les crédits qui lui sont affectés. Ses membres seront nommés pour six ans non renouvelables, la commission étant renouvelée par moitié tous les trois ans.
Conformément à la nouvelle rédaction de l'article 24 de la Constitution, il faut parallèlement créer des sièges de députés pour représenter les Français de l'étranger. Cette question intéresse évidemment ceux qui, dans cette Assemblée, les représentent déjà.
M. Christian Cointat. - Et qui sont bien présents !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Nous ne disposons pas pour ce faire d'un recensement exhaustif de nos compatriotes installés à l'étranger, mais nous connaissons le nombre de ceux qui sont immatriculés dans nos consulats, soit 1 400 000. Ce chiffre devra être comparé à la population recensée en métropole et outre-mer, de façon à répartir aussi équitablement que possible les 577 sièges de députés ; il devra en outre être corrigé à la baisse pour ne pas comptabiliser deux fois les personnes qui, par attachement, restent inscrites dans une commune française pour les élections présidentielles et législatives. La formule retenue dans le texte constitutionnel -« les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale »- autorise une certaine latitude.
Comme je l'ai dit devant la commission des lois, nous devrions aboutir à huit ou neuf députés. Leur élection se fera au scrutin majoritaire. Le Gouvernement, qui n'est pas favorable à la représentation proportionnelle, a en effet souhaité que nos compatriotes de l'étranger puissent identifier leur député à l'intérieur d'une circonscription délimitée à l'avance. Il sollicite du Parlement une habilitation à procéder par ordonnance aux adaptations nécessaires à la spécificité de cette élection, concernant notamment les modalités de la campagne électorale et les règles de son financement, la période séparant les deux tours de scrutin et les modalités de vote par voie électronique ou correspondance.
MM. Robert del Picchia et M. Christian Cointat. - Très bien !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - J'en viens aux règles que le Gouvernement devra respecter dans l'élaboration des ordonnances. Les critères qui présideront aux opérations sont précisés dans le texte du projet de loi d'habilitation ou dans son exposé des motifs ; ce sont les mêmes que ceux retenus pour le découpage de 1986, que le Conseil constitutionnel avait alors validés. La règle assurant à tout département un minimum de deux députés est une constante de notre République depuis l'apparition du scrutin majoritaire. Introduite au début de la Troisième République, elle a été conservée lors du passage au scrutin proportionnel en 1985 avec l'approbation de tous les groupes politiques : elle devrait jouer en faveur de deux départements, la Lozère et, de justesse, la Creuse, contre quatre en 1986.
La règle du minimum d'un député par collectivité d'outre-mer figurait dans le projet initial et le Gouvernement y reste favorable. Elle n'a cependant pas été adoptée par l'Assemblée nationale, soucieuse de ne pas amplifier trop sensiblement les écarts de population.
Cette règle n'a pas la même ancienneté que celle relative aux départements : elle résulte plus de la tradition républicaine que d'une véritable obligation constitutionnelle. Si les députés ont voté un amendement la supprimant des obligations qui s'imposeront au Gouvernement dans l'élaboration des ordonnances, c'est parce qu'ils ne veulent pas, dans leur grande majorité, d'une représentation par un député de chacune des deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, qui comptent respectivement 8 255 et 35 263 habitants. Ils avaient déjà exprimé clairement et à deux reprises cette position lors de l'examen en 2007 de la loi statutaire sur l'outre-mer puis, lors de la révision constitutionnelle, en plafonnant les effectifs de leur assemblée à 577 et non pas à 579 députés...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Absolument !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...comme ils auraient dû le faire s'ils avaient voulu conserver ces deux sièges créés, mais non pourvus. C'est la solution que vous avez retenue ici en fixant un plafond de 348 sénateurs, qui inclut les deux sièges créés pour ces deux collectivités, et aujourd'hui pourvus.
Le Gouvernement a pris acte de la position de l'Assemblée. Il devra, dans sa future ordonnance, fixer la représentation de chaque collectivité d'outre-mer à la lumière de ces positions et de celle que prendra, le cas échéant, le Conseil constitutionnel...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Eh oui !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...en tenant compte de la population, de l'ancienneté mais aussi des spécificités géographiques de chacune d'elles. Sa décision sera, comme toutes les dispositions des futures ordonnances, soumise pour avis à la commission indépendante que la Constitution nous impose aujourd'hui de mettre en place.
Le seul choix qui semble exclu à ce stade est celui du maintien de l'actuelle quatrième circonscription de la Guadeloupe, réunissant huit cantons de la Guadeloupe et les deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, parce qu'elle ne respecte pas les limites départementales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Ce serait manifestement inconstitutionnel !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - La troisième règle que le Gouvernement a proposé de maintenir est celle qui attribue automatiquement à chaque département un siège supplémentaire par tranche de population. Adoptée en 1885, époque où la tranche était de 75 000 habitants, elle a été conservée en 1958, avec une tranche portée à 93 000 habitants, comme lors du passage au mode de scrutin proportionnel en 1985, lorsque M. Fabius était Premier ministre et M. Joxe ministre de l'intérieur, où la tranche a été fixée à 108 000 habitants.
Cette règle dite « de la tranche » régit également le mode de répartition de vos sièges entre les départements. Elle devrait, au vu des chiffres provisoires dont nous disposons, donner un député pour 125 000 habitants supplémentaires et toucher seulement 40 départements sur 101 : 25 perdront un ou plusieurs sièges et 15 en gagneront un ou deux. Une répartition proportionnelle aurait eu un impact sur près de 80 départements, ce que le Gouvernement ne souhaitait pas.
Quatrième règle conservée, celle de l'écart maximal de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale de la population de chaque circonscription d'un département, règle validée par le Conseil constitutionnel en 1986. Elle nous obligera à réviser la délimitation de certaines circonscriptions dans une dizaine des départements dont le nombre de sièges ne variera pas : c'est ce que j'appelle le remodelage, à distinguer du redécoupage proprement dit.
La dernière règle conservée concerne la délimitation des circonscriptions, qui devront être constituées d'un territoire continu et respecter les limites cantonales : un amendement des députés précise qu'il peut être fait abstraction de ces limites, notamment pour des cantons de plus de 40 000 habitants -il en existe 130 en France- et pour réunir des communes de moins de 5 000 habitants.
De même, les nouvelles circonscriptions des députés représentant les Français de l'étranger, qui devraient être équitablement réparties entre l'Europe et le reste du monde, respecteront les limites des circonscriptions existant aujourd'hui pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger.
Enfin, et c'est le troisième amendement de fond adopté par les députés, pourrait notamment figurer, parmi les motifs d'intérêt général autorisant des adaptations au seul critère démographique, « l'évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Comme l'ont précisé à la fois l'auteur de cet amendement adopté à l'unanimité, le député socialiste René Dosière, le rapporteur et le président de la commission des lois, il convient de prendre en considération la situation démographique tout à fait particulière de Mayotte et, dans une moindre mesure, de la Guyane.
Mayotte connaît en effet une très forte expansion démographique : 23 364 habitants au recensement de 1958, 67 205 en 1985, 131 320 en 1997 et 186 452 habitants au 31 décembre 2007, soit 50 % de plus en dix ans ! Cette croissance est très largement due à la présence d'une importante population comorienne en situation illégale. Alors que les étrangers, même en situation irrégulière, ne sont pas exclus du recensement dans les autres parties du territoire national, avons-nous suffisamment d'éléments fiables pour le faire à Mayotte ? Non.
Il appartiendra au Gouvernement, au vu de ce que dira, le cas échéant, le Conseil constitutionnel sur cette question délicate, de décider s'il doit ou non maintenir la représentation de cette collectivité d'outre-mer en forte croissance de population. Là encore, la commission indépendante émettra un avis sur sa décision.
Telles sont donc les principales dispositions du paquet électoral que vous propose aujourd'hui le Gouvernement.
J'ai lu avec la plus grande attention les conclusions de votre commission des lois, qui vous propose d'adopter ces deux textes sans les modifier : elle a ainsi fait siennes les recommandations de votre rapporteur qui s'est référé à « une tradition républicaine bien établie », qui invite le Sénat à ne pas remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral, et « à la nécessité d'adopter rapidement les textes examinés pour permettre le lancement effectif des opérations de redécoupage ». Ce dossier est en effet loin d'être bouclé, compte tenu de sa complexité. Le Gouvernement souhaite donc être habilité dès que possible à engager ces différentes opérations qui seront effectuées dans la plus grande transparence : le Premier ministre s'y est engagé lorsqu'il a reçu, le 16 septembre, les responsables des groupes et des formations politiques du Parlement, et j'y veillerai attentivement.
Plus vite vous vous serez prononcés, plus vite nous pourrons mettre fin aux anomalies dénoncées à plusieurs reprises, et à juste titre, par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements à droite)
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois. - (Applaudissements à droite) Aujourd'hui, nous examinons la première loi organique sur les sept prévues par la révision constitutionnelle du 23 juillet. Il en est de même pour la loi ordinaire qui est la première d'une longue série. Au cours de l'année à venir, nous devrons effectivement nous pencher sur des textes réformant la procédure parlementaire, le Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil constitutionnel, les nominations aux emplois les plus élevés par le Conseil des ministres ou par le Président de la République.
Contrairement aux usages qui veulent que l'on examine d'abord une loi organique avant de se pencher sur une loi ordinaire, je traiterai en même temps de ces deux lois car elles sont totalement imbriquées. Je reviendrai sur les problèmes qui ont été soulevés en commission et par les représentants des groupes politiques de notre assemblée. Je souhaite en outre attirer l'attention de M. le ministre sur un certain nombre de points.
Dans son article premier, la loi organique fixe le nombre des députés à 577 alors que la Constitution avait fait de ce chiffre un maximum. Par compromis, le Sénat avait également fixé un plafond, bien que nous n'ayons pas été très chauds pour cette formule...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - ...qui limite toute liberté de manoeuvre, notamment pour le Gouvernement et la commission indépendante, car il n'y aura plus de variable d'ajustement à l'Assemblée, ce qui sera extrêmement difficile. Je regrette que l'on ait fixé dans la Constitution ce plafond, mais nous avons comme règle au Sénat de ne pas nous occuper de l'Assemblée nationale.
Les articles 2, 3 et 4 portent sur le retour des ministres, anciens parlementaires, dans leur assemblée d'origine. C'est une nouveauté par rapport à la Constitution de 1958 et à la volonté du général de Gaulle qui voulait, à l'époque, séparer nettement les fonctions ministérielles des fonctions parlementaires. On connaît les difficultés que cela a entraînées : d'excellents politiques se retrouvaient sans mandat ou obtenaient la démission de leur suppléant, ce qui conduisait à une élection partielle. Ce n'était pas non plus satisfaisant. Ces nouvelles dispositions nous posent pourtant un petit problème...
M. Bernard Frimat. - Vous avez mis du temps à vous en apercevoir !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - ...car il va y avoir deux sortes de suppléants : ceux qui sont actuellement parlementaires et ceux qui ne le sont pas encore. En ce qui concerne les premiers qui remplacent un ministre risquant de redevenir parlementaire, ils ont été nommés députés ou sénateurs jusqu'à la fin du mandat.
Nous n'avons pas encore de suppléants de la deuxième catégorie, car il n'y pas encore eu de remaniement ministériel. Mais quid des premiers, ceux qui remplacent actuellement un ou une ministre ? Ils ont été nommés jusqu'à la fin du mandat. Nous avons ici un cas de responsabilité du fait de la loi : il appartiendra à chacune des deux assemblées de résoudre le problème matériel lié au renvoi de ces suppléants. Mais, pour l'avenir, les candidats à un poste de suppléant se feront sans doute plus rares demain, puisqu'ils seront contraints d'abandonner tel ou tel mandat local sans assurance de le retrouver par la suite.
M. Jean-Pierre Michel. - Eh oui !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Ce sera une difficulté à résoudre. J'ai tenu une petite CMP avec mon homologue de l'Assemblée nationale afin de rendre, au moins, le texte de l'article 4 plus compréhensible.
L'article 5 prévoit que la personnalité choisie par le Président de la République pour siéger à la commission indépendante devra se présenter devant la commission compétente de chaque assemblée parlementaire. Qui pourra être nommé ? Pas un parlementaire, mais peut-être un journaliste, le responsable d'un institut comme l'Ifop ou la Sofres, un universitaire, un professeur de l'IEP... Quant aux représentants du Conseil d'État, de la Cour des comptes, de la Cour de cassation, ils seront choisis par les assemblées générales de ces instances.
L'article 6 porte sur les incompatibilités et l'article 7 renvoie à la loi ordinaire pour la répartition des députés.
Même si je recommande un vote conforme, je conserve des interrogations sur les modalités de la répartition : dans le cas des sénateurs, c'est une loi organique qui les fixe, pour les députés, une loi simple. Pourquoi ces deux régimes distincts ? Peut-être pour souligner que nous formons vraiment la « Haute assemblée » ? (Sourires)
J'en viens au cas des ministres qui redeviennent parlementaires. Il faudra régler le cas des suppléants au sein de chaque assemblée. Mais M. Frimat a soulevé un autre problème, important...
M. Bernard Frimat. - Je ne l'ai pas encore soulevé puisque je n'ai pas encore parlé.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Je le soulève en amont.
M. Bernard Frimat. - Quel hommage !
M. Pierre Fauchon. - Précurseur !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Il s'agit du parallélisme des formes. Si un parlementaire démissionne, son suppléant ne prend pas sa place, une élection partielle doit être organisée. Un ministre, lui, récupère son siège sans élection partielle. Mais, monsieur Frimat, il n'y a rien de commun entre une démission et la réintégration dans des fonctions antérieures. Il n'y a pas de comparaison possible. Ce qui a été prévu dans la loi organique est parfaitement compatible avec les dispositions constitutionnelles...
M. Bernard Frimat. - Allons donc ! Vous ne croyez pas vous-même à votre argumentation !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - J'y crois parfaitement.
M. Bernard Frimat. - Vous avez des doutes.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Sur ce point, pas du tout ! (On rit sur les bancs socialistes) La loi ordinaire crée une nouvelle autorité administrative indépendante.
M. Richard Yung. - Encore une...
M. Patrice Gélard, rapporteur. - On en crée au moins deux par an. Il faudra bien un jour mettre un terme à cette pratique... La commission indépendante qui va donner son avis sur les nominations comprendra six membres. La présidence ira au candidat proposé par le Président de la République -qui se sera présenté devant les commissions des deux assemblées. La majorité des trois cinquièmes est prévue pour éliminer un candidat. Mais une candidature refusée à la majorité simple n'aurait aucune chance de prospérer : l'intéressé se retirerait de lui-même ou ne serait pas nommé.
M. Christian Cointat. - Absolument !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Chacun peut donc être rassuré. Les personnalités nommées seront pleinement indépendantes et l'opposition jouera tout son rôle dans chacune des commissions.
M. Bernard Frimat. - Changez plutôt le texte !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - La loi ordinaire prévoit une habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance pour le découpage de circonscriptions : c'est la tradition ; la seule exception intervint lorsque le Président Mitterrand refusa de signer l'ordonnance, obligeant le Gouvernement à revenir devant le Parlement.
L'article 2 fixe le nombre des députés à 577. Un problème compliqué se posera alors au Gouvernement, qui devra répartir les sièges entre trois catégories. La première regroupe les représentants des départements. Deux députés par département, c'est la règle républicaine, mais certains départements seront surreprésentés par rapport à d'autres. Les autres catégories concernent les représentants de l'outre-mer et ceux des Français hors de France.
Les règles posées par le Conseil constitutionnel sont reprises à l'article 2. Soit dit en passant, la rédaction de l'Assemblée nationale concernant les dérogations au territoire contigu n'est pas bonne.
M. Bernard Frimat. - Déposez un amendement !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Il n'en est pas question, car le Sénat ne se mêle pas de ce qui regarde l'Assemblée nationale, c'est un principe constant.
MM. Richard Yung et François Fortassin. - Pas d'accord !
M. Jean-Pierre Michel. - Ridicule
M. Patrice Gélard, rapporteur. - J'ai encore de petites interrogations sur la représentation des nouveaux territoires, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. La balle est dans le camp du Gouvernement : combien de représentants son ordonnance prévoira-t-elle ? Le problème se posera aussi pour les Français de l'étranger, pour lequel s'appliquera le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
Les suppléants ou « suivants de liste » aux élections européennes représentent des cas rares, car jamais ou presque, un député européen n'est pressenti pour devenir ministre ; mais le parallélisme des formes s'impose.
Les difficultés du Gouvernement tiennent à la complexité du processus. Le Conseil constitutionnel exercera son contrôle sur la loi ordinaire à la demande de 60 parlementaires et la loi organique lui sera transmise automatiquement. Il ne manquera pas de vérifier si les conditions qu'il pose sur le découpage des circonscriptions ont bien été reprises dans le texte.
Ensuite, après que la commission indépendante aura donné son avis, ce sera au tour du Conseil d'État, lequel se prononcera également sur le contenu juridique du texte et, tant que l'ordonnance n'aura pas été ratifiée, indirectement sur sa constitutionnalité puisqu'il est, dans ce cas, juge en excès de pouvoir. Enfin, la ratification expresse de l'ordonnance par le Parlement annonce de beaux débats au Sénat comme à l'Assemblée nationale et, partant, une nouvelle possibilité de saisine du Conseil constitutionnel. Il faudra donc s'assurer du respect du principe d'un représentant par collectivité territoriale, que nous appliquons naturellement au Sénat, contrairement à l'Assemblée nationale où le principe démographique l'emporte. Car ce principe sera examiné à la loupe par les deux juridictions suprêmes lesquelles devront également se pencher sur la question de Mayotte soulevée par le ministre. Soulignons que si l'outre-mer connaît une croissance démographique rapide, les mêmes règles doivent être observées partout sur le territoire, sans quoi le choix du législateur pourra être remis en question. Le même raisonnement prévaudra pour les Français de l'étranger. Bref, laissons au Gouvernement la rude tâche de mener à bien ce véritable parcours du combattant plutôt que de chercher à fixer dans la loi organique le nombre des députés dans chaque circonscription des Français de l'étranger, de l'outre-mer ou de la métropole.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Tout ça pour ça !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Bref, la commission souhaite que nous votions la loi organique et la loi ordinaire conformes par respect du principe, que j'ai maintes fois rappelé, selon lequel le Sénat n'intervient pas sur le mode de désignation des députés ! (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Pierre Fauchon applaudit également)
M. René Garrec. - Un principe de droit coutumier !
M. Bernard Frimat. - Rappel au Règlement. Je m'interroge sur l'organisation de nos travaux : pourquoi le Sénat discuterait-il la loi ordinaire avant la loi organique alors que l'Assemblée nationale a examiné ces deux textes, dont M. Gélard a dit tout le bien qu'il pensait, (sourires à gauche) dans l'ordre contraire ? Certes, les deux textes sont imbriqués, mais pourquoi ce choix ? Ce point pourrait-il être précisé afin que nous puissions nous organiser au mieux ?
M. le président. - Cet ordre de discussion a été voulu par le Gouvernement, puis validé par la Conférence des Présidents.
M. Jean-Pierre Michel. - Donc, c'est le choix du Gouvernement !
M. René Garrec. - Rien d'étonnant à cela ! C'est le Gouvernement qui détermine l'ordre du jour prioritaire...
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement souhaite que l'on examine la loi ordinaire avant la loi organique.
M. Jean-Pierre Michel. - Nous voilà bien avancés !
M. René Garrec. - La raison en est simple : c'est un problème de hiérarchie des textes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Discutons les textes dans l'ordre souhaité par le Gouvernement, mais peut-être faudra-t-il voter la loi organique en premier lieu.
M. René Garrec. - Reprenons : le vote de la loi ordinaire est la condition préalable à celui de la loi organique. D'où la chronologie choisie par le Gouvernement.
M. le président. - Suspendons la séance quelques instants pour accorder nos violons.
La séance, suspendue à 10 h 50, reprend à 11 heures.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - La Constitution est très claire concernant le vote final : l'adoption de la loi ordinaire doit précéder celle de la loi organique. Quant à la discussion, qu'elle se déroule selon l'ordre traditionnel.
M. le président. - La question est donc réglée, je remercie M. Frimat de l'avoir soulevée.
M. François Fortassin. - Rappel au Règlement. Si l'on nous demande de voter conformes ces deux textes au nom de la courtoisie sénatoriale, quelle est l'utilité de ce débat ? (Applaudissements à gauche)
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Le Parlement vote la loi...
M. François Fortassin. - Nous faisons comme les sociétés savantes qui se réunissent pour le plaisir de se réunir. Savoir d'entrée de jeu que nous ne pourrons rien modifier à ce projet de loi, c'est une anomalie étonnante ! (Applaudissements à gauche)
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous avons combattu cette révision constitutionnelle taillée sur mesure pour le nouveau Président de la République. Le Gouvernement nous avait alors rétorqué qu'au contraire cette réforme allait renforcer les pouvoirs du Parlement. De nombreux parlementaires, au-delà des sensibilités politiques, s'y opposèrent. Malgré tout, grâce à quelques marchandages, la réforme fut votée mais de peu, de si peu.
On pouvait attendre que le Gouvernement veuille réaffirmer la légitimité de cette réforme constitutionnelle en donnant la priorité à ses mesures phares. Au lieu de quoi, les deux premières lois qu'il nous présente ne sont qu'une basse manoeuvre au service du Gouvernement, débattues dans la discrétion et la hâte afin d'être en vigueur lors du remaniement ministériel qui s'annonce pour les prochaines semaines. Seule, en effet, l'hypothèse d'un remaniement dès janvier justifie le dépôt en urgence de cette loi organique qui profiterait aux 26 ministres, dont le Premier, qui retrouveraient leur siège sans repasser par le suffrage universel comme ils devaient le faire depuis 1958.
Cette construction juridique ne s'appliquera pas seulement aux députés et sénateurs qui deviendront ministres après le vote de la loi organique, comme le proposait le comité Balladur ; elle bénéficiera d'une application avec effet rétroactif, procédure considérée comme anticonstitutionnelle, sauf exceptions de la plus haute importance. Ce doit être le cas...
Quid des suppléants ? Seront-ils considérés comme des sous-élus ? Ils sont arrivés sous le régime d'une règle les concernant, mais cette règle sera changée en cours de législature. Ils n'auront alors pas leur mot à dire si le ministre sortant désire retrouver son siège. Comment et au nom de quel principe constitutionnel légitimer cette disposition ?
En réalité, le Gouvernement se sert de la loi pour régler ses affaires personnelles au sein de sa propre famille politique : le Président veut éviter la fronde au sein de son parti et de sa majorité parlementaire. Le député UMP Jacques Myard déclare pourtant que ce retour quasi automatique des ministres au Parlement revient à « mettre les députés dans la main du Président de la République ». Selon Jean-Pierre Grand, autre député UMP, cette réforme est « la porte ouverte à l'instabilité gouvernementale en période de difficultés ». Il ajoute que « Ce sera fatalement ressenti par l'opinion publique comme la mise en place par notre Assemblée d'un "parachute politique doré" ».
Le fait est que, grâce à cette loi, les ministres seront, eux, prémunis du chômage qui menace des centaines de milliers de travailleurs. Au lieu de garantir le parcours professionnel des élus et d'utiliser la loi pour régler vos démêlés familiaux, il serait temps de créer ce statut de l'élu que nous appelons de nos voeux depuis tant d'années et pour lequel nous avons déjà fait tant de propositions. Les salariés élus ne sont pas tous des professionnels de la politique et ils ne retrouvent pas leur emploi à l'issue de leur mandat.
J'en viens au projet de loi ordinaire qui fixe les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission chargée de donner un avis sur les projets de textes délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. La création d'une telle commission paraît nécessaire à première vue, dans la mesure où elle permettrait d'étudier le redécoupage d'une manière plus juste, plus objective. La refonte de la carte électorale a trop souvent signifié manoeuvre politicienne. Ce fut le cas pour le dernier redécoupage des circonscriptions, mené en 1986 par notre collègue Pasqua.
Toutefois, l'actualité légitime notre inquiétude. Nous aurions aimé avoir une discussion sur la personne en charge de la préparation de ce travail de découpage. Au lieu de quoi, le Président de la République a choisi Alain Marleix, chargé du secrétariat national aux élections de l'UMP depuis 2004, qui avait déjà officié au redécoupage électoral de 1986.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - C'est fini !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - L'hypocrisie de la manoeuvre en dit tant sur l'opacité du redécoupage à venir qu'il n'est pas la peine d'en rajouter.
Nous ne sommes pas davantage rassurés par la commission de contrôle, dont le pouvoir sera purement symbolique car le Gouvernement ne sera pas obligé de suivre ce qui ne sera qu'un avis. De toute manière, sa composition dit tout sur sa neutralité : elle est censée être composée de trois hauts magistrats et trois personnalités nommées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, c'est-à-dire uniquement par la majorité. Où sont les droits de l'opposition que le Président de la République prétendait renforcer en modifiant la Constitution ? Lorsque nous avions évoqué ce problème lors de la révision constitutionnelle, Mme la garde des sceaux avait tenu à nous rassurer en nous précisant que cette commission « sera composée d'experts. Ce seront des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral ». La promesse n'est pas tenue, hormis pour M. Marleix, expert électoral -de l'UMP.
Le projet précise même que la personne nommée par le Président de la République présidera cette commission. Comme le futur président de France Télévisions ! Le Président s'arroge ainsi un contrôle accru des institutions et une concentration des pouvoirs proprement scandaleuse.
Pour accomplir cette manoeuvre, vous demandez au Parlement de donner entière liberté au Gouvernement via les ordonnances. Il est impensable que le Parlement soit ainsi privé de tout pouvoir de contrôle. Un découpage électoral n'est jamais innocent, encore moins lorsque le Parlement n'est pas consulté. M. Marleix a justifié le recours aux ordonnances par le précédent de 1986. C'est faux : François Mitterrand avait refusé de signer ces ordonnances, qui avaient dû être transformées en projet de loi.
Il semble, enfin, que la prochaine réforme des collectivités territoriales pourrait supprimer le département ou modifier le mode de scrutin pour les élections régionales. Nous discutons donc du redécoupage des circonscriptions sans rien savoir ni de la future articulation entre les départements et la région ni de l'évolution des modes de scrutin.
Bref, nous ne pouvons cautionner des textes pareils. Lors de la réforme constitutionnelle, vous prétendiez en prouver l'intérêt démocratique et respectueux de la pluralité politique, nous voyons mal de quelle façon vous pourrez le faire maintenant. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Troendle. - Ces deux textes visent à rendre notre démocratie plus représentative, plus transparente, plus efficace.
M. Bernard Frimat. - C'est mal parti !
Mme Catherine Troendle. - Plus représentative, avec le rééquilibrage démographique des circonscriptions réclamé depuis des années par le Conseil constitutionnel. La délimitation actuelle a été arrêtée en 1986, sur la base du recensement de 1982. Depuis lors, malgré les recensements de 1990 et de 1999, les circonscriptions n'ont pas été ajustées. Il était grand temps pour nous, législateur, d'autoriser le Gouvernement à le faire. Comme M. Gélard, ces deux projets de loi répondent à une urgence démocratique.
Une fois encore, c'est grâce à l'action du Président de la République qu'un exercice aussi difficile va être réalisé.
M. Robert del Picchia. - Très bien !
Mme Catherine Troendle. - Celui-ci est rendu encore plus nécessaire par la création de postes de députés représentant les Français établis hors de France.
Deuxième objectif : la transparence. C'est la raison de la création d'une commission indépendante chargée de donner un avis public sur tout projet de délimitation des circonscriptions législatives ou de modification de la répartition des sièges de sénateurs. Consacrée dans le code électoral, l'indépendance de cette commission est confortée par les dispositions amenées à en régir la composition et le fonctionnement. Elle sera, en effet, composée de trois magistrats issus de chacune de nos juridictions suprêmes qui seront désignés par leurs pairs et de trois personnalités nommées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, après avis des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.
A cet égard, je m'associe au rapporteur pour souligner que chaque commission parlementaire se prononcera séparément, ainsi que les sénateurs l'avaient souhaité lors de la révision constitutionnelle. Les désignations seront précédées par l'audition des candidats et l'avis public des commissions parlementaires. L'opposition interviendra donc dans la procédure.
M. Bernard Frimat. - C'est une plaisanterie !
Mme Catherine Troendle. - Je souligne également que ni la Constitution, ni le projet de loi ordinaire ne confèrent un pouvoir normatif à la commission indépendante : il appartient au législateur de fixer dès aujourd'hui les règles de forme et de fond régissant le remodelage des circonscriptions. Rien ne justifierait un procès d'intention à la méthode gouvernementale. Le groupe UMP approuve les garanties d'impartialité, de transparence et d'indépendance offertes à cette commission.
Le troisième objectif poursuivi est l'efficacité, justifiant la mesure applicable aux parlementaires nommés au Gouvernement.
En effet, la loi organique organise leur remplacement temporaire.
Ce dispositif n'a été accepté par le Sénat qu'au terme d'un long débat, marqué par des réserves sur son opportunité. Les modalités d'application étaient parfaitement cohérentes pour les parlementaires élus au scrutin majoritaire, mais nous estimions peu claire la rédaction initiale des dispositions organisant le remplacement temporaire des parlementaires élus au scrutin proportionnel, car elle ne précisait pas ce que deviendrait le suivant de liste, devenu provisoirement parlementaire, une fois que l'ancien ministre reprenait l'exercice de son mandat. La correction introduite par l'Assemblée nationale nous satisfait, puisque l'ancien parlementaire temporaire revient en tête des suivants de liste non élus.
Enfin, à l'instar du rapporteur, le groupe UMP souhaite ne pas oublier les quatre collègues qui nous ont rejoints en remplacement de quatre sénateurs devenus ministres depuis 2007. Certains ont dû renoncer à un mandat local en raison des règles de non-cumul.
Avant de conclure, je souhaite aborder le recours aux ordonnances pour délimiter les circonscriptions législatives.
Cette procédure permettra d'appliquer rapidement cette réforme technique et minutieuse. Au demeurant, nous sommes en terrain défriché, puisqu'une loi d'habilitation adoptée en cette matière avait été validée le 2 juillet 1986 par le Conseil constitutionnel. Enfin, la procédure est acceptable, puisque le projet d'ordonnance sera soumis pour avis à la commission indépendante et au Conseil d'État, avant le dépôt d'un projet de loi de ratification. Le recours aux ordonnances ne prive donc pas le Parlement d'un contrôle en amont et en aval.
M. Bernard Frimat. - Mais si !
Mme Catherine Troendle. - Le législateur aura le dernier mot, en ratifiant ou non les ordonnances.
Le groupe UMP votera les deux projets de loi fixant des règles claires, transparentes et cohérentes. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Frimat. - Le Sénat examine les deux premiers projets de loi consécutifs à la réforme constitutionnelle.
Quel paradoxe et quel symbole de nous proposer le vote conforme de deux textes appliquant une réforme censée renforcer les droits du Parlement ! Mais il est vrai que, depuis l'ouverture de la session, la pratique gouvernementale est à l'opposé du discours qui accompagnait la révision constitutionnelle : l'essentiel n'est pas d'organiser un débat parlementaire fructueux améliorant la loi, mais d'aller vite en fonctionnant aussi souvent que possible comme chambre d'enregistrement de l'agitation législative présidentielle. Aujourd'hui, nous atteignons la caricature en cumulant la déclaration d'urgence et le vote conforme pour dessaisir le Parlement !
Nous allons pourtant faire notre travail de législateur, exposer notre point de vue au cours de la discussion générale, défendre nos amendements et expliquer notre vote. Que la majorité de la commission ait choisi le vote conforme ne peut nous réduire au silence, ni escamoter l'examen de ces textes qui détermineront le niveau de démocratie au sein de la République.
Faute de pouvoir vous convaincre -ou plutôt de vous faire changer votre vote quand vous partagez notre analyse- nos propos seront principalement destinés au Conseil constitutionnel, qui, nécessairement saisi de la loi organique, le sera par nos soins de la loi ordinaire.
J'aborderai successivement trois points : le parachute parlementaire des ministres en exercice ; la commission prévue à l'article 25 de la Constitution ; l'élection des députés.
Prenant à contre-pied une pratique constante depuis l'origine de la Ve République, la révision constitutionnelle a institué un droit de retour automatique des ministres dans l'assemblée parlementaire où ils siégeaient à la date de leur nomination. Nous avons combattu cette proposition et persistons à estimer que cette mesure de confort a pour seul but de permettre au Président de la République de nommer et de congédier à sa guise le ministre, et d'éviter à tout prix les élections partielles.
L'application immédiate de ces dispositions aux ministres en exercice a rencontré initialement l'hostilité de notre commission des lois. En effet, de nombreux sénateurs n'estimaient pas convenable que les ministres en fonction bénéficient de ce privilège, celui-ci devant être réservé aux parlementaires devenus ministres après l'adoption de la loi organique.
Pourtant, cette solution n'a pas été retenue. En conséquence, certains de nos collègues seront bientôt victimes d'une injustice légale, alors même que les règles de non-cumul leur avaient fait abandonner des mandats locaux qu'ils ne retrouveront pas. Quel mépris pour des élus de la République d'estimer ces conséquences négligeables par rapport à l'effet d'aubaine dont bénéficieront les ministres actuels ! Peu importe pour le Président de la République : le projet de loi organique doit être adopté pour effectuer dans les meilleures conditions le remaniement annoncé depuis si longtemps.
Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement a ajouté le droit pour un ancien ministre de ne pas revenir au Parlement, maintenant ainsi le suppléant dans ses fonctions parlementaires. Cette hypothèse peu vraisemblable pourrait satisfaire les collègues qui échapperaient ainsi à la guillotine, mais sa constitutionnalité est incertaine. Antérieurement, les choses étaient simples : un député devenu ministre perdait sa qualité de parlementaire ; depuis la révision constitutionnelle, le caractère temporaire du remplacement fait qu'il conserve cette qualité. Par suite, un ancien ministre retrouve son état de parlementaire à l'issue du délai de convenance d'un mois et ne peut y mettre un terme que par une démission, inévitablement suivie d'une élection partielle. La solution proposée par le Gouvernement introduit donc une différence inacceptable entre parlementaires, le ministre n'ayant jamais cessé de l'être.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Si !
M. Bernard Frimat. - Vu la conjoncture, je vous laisse le soin d'apprécier si le parachute parlementaire est doré ou non.
J'en viens à l'institution que l'article 25 de la Constitution a établie sous le nom « commission indépendante ». Au moins dans son intitulé, elle sera donc indépendante.
Son rôle étant défini par la Constitution, sa composition, son organisation et son fonctionnement relèvent de la loi ordinaire. Les débats constitutionnels ont montré que l'indépendance de la commission chargée d'émettre un avis sur les circonscriptions et la répartition des sièges était essentielle pour la démocratie. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Le projet de loi ordinaire propose d'y faire siéger trois magistrats élus appartenant au Conseil d'État, à la Cour de cassation et à la Cour des comptes, outre trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Sachant que son président est nommé par le Chef de l'État, en quoi cette composition garantit-elle l'indépendance de la commission ?
Nous constatons tous que le Président de la République est engagé dans le combat politique. On ne lui fait pas injure en le considérant comme chef du principal parti de la majorité, ce qu'il revendique. Comment voir une garantie dans la nomination du président de la « commission indépendante » par le chef de file de l'UMP ?
Faut-il admettre -ce serait une novation- que dès lors qu'une personnalité qualifiée est nommée par le Président de la République, elle devient de jure indépendante ? Quelles que soient les qualités des intéressés, comment une commission dont le président est nommé par le Président de la République et les membres par le même et sa majorité politique pourrait-elle être indépendante ? La présence de magistrats n'est pas une garantie suffisante et le Gouvernement serait bien inspiré de revenir sur sa composition, afin d'en lever le caractère partisan. Nous proposerons ainsi, pour que soit respectée la séparation des pouvoirs, car le pluralisme aussi est inscrit dans la Constitution, que le président de cette commission soit élu par ses membres et que les présidents des deux assemblées nomment chacun deux personnalités qualifiées, dont une sur proposition conjointe des groupes de l'opposition, qui ont aussi la capacité de s'élever au-dessus des choix partisans.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Dans l'état de division du parti socialiste, on peut se poser quelques questions.
M. Bernard Frimat. - La majorité simple alors suffirait, quand le vote négatif des trois cinquième n'offre qu'une garantie toute formelle.
Plus fondamentalement encore, la répartition des sièges des députés et la détermination des circonscriptions doivent être au-dessus de tout soupçon. La « démocratie irréprochable » qu'appelle de ses voeux le Président de la République commence par des élections nationales conformes à la volonté des citoyens, soit au principe constitutionnel qui veut que chaque voix ait un poids identique. C'est bien la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a exigé une révision de la carte électorale.
Tout le monde reconnaît que le découpage électoral est un art difficile, qui échappe malaisément à la critique. On évoque à son sujet le recours aux talents artisanaux les plus délicats, parmi lesquels celui du rémouleur, appelé à aiguiser l'instrument, celui du charcutier, pour le geste habile, mais tout à la fois brutal et sanglant, de sa découpe, parfois même du chirurgien, pour les opérations les plus sophistiquées. (Murmures admiratifs)
Du découpage de 1986, effectué sous l'autorité de M. Pasqua, et dans lequel vous avez joué, monsieur le ministre, un rôle actif, il est de bon ton de s'émerveiller qu'il n'ait pas interdit l'alternance. C'est bien le minimum ! Faut-il voir dans ce curieux mode de légitimation le rêve inavoué, car inavouable, d'un découpage idéal mettant une fois pour toute la majorité actuelle à l'abri des choix démocratiques ?
Signalons quand même que si alternance il y eut, son peu d'amplitude est révélateur : sur 577 circonscriptions, 247, soit 43 %, ne l'ont jamais connue. Et quand celles qui ont toujours élu un député de gauche ne représentent que 10 % du total, ce n'est pas moins d'un tiers qui ont toujours élu un député de droite. On mesure mieux la différence des contraintes qui pèsent sur la droite et la gauche dans la conquête de la majorité de l'Assemblée nationale. Quand la gauche, pour assurer sa victoire, doit l'emporter dans plus de 40 % des circonscriptions flottantes, il suffit à la droite d'en conquérir moins de 20 %.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Que n'avez-vous modifié les choses en dix ans !
M. Bernard Frimat. - Je ne nie certes pas les réalités sociologiques et la géographie contrastée des différents quartiers de nos agglomérations. Il sera, de fait, toujours plus facile à Olivier Besancenot d'être facteur à Neuilly-sur-Seine que d'en devenir le député. Mais l'argument ne suffit pas. Il n'est pas admissible, dans une « démocratie irréprochable », que les élections législatives ressemblent à une course hippique à handicap, où certains portent leurs lingots de plomb.
Qui plus est, vous nous demandez d'autoriser le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance. Nous ne pouvons vous suivre.
L'histoire récente nous est un enseignement. Pour valider le découpage actuellement en vigueur, le Président François Mitterrand, estimant que le Parlement ne pouvait être dessaisi d'un sujet aussi délicat, avait refusé de signer les ordonnances préparées par le Gouvernement de Jacques Chirac, qui avait dû se résoudre à la voie parlementaire. Ce qui fut fait. Ce qui a été possible hier doit l'être aujourd'hui.
Quant au champ couvert par la loi d'habilitation, vous innovez, en laissant au Gouvernement le soin de déterminer la répartition des députés entre départements, collectivités d'outre-mer et circonscriptions des Français résidant hors de France. Voilà qui est parfaitement contraire à la tradition républicaine, qui veut que l'Assemblée Nationale détermine elle-même les modalités de l'élection des députés. Il me semble que le législateur ne saurait, sans méconnaître sa compétence, se dessaisir d'une prérogative que lui reconnaît l'article 34 de la Constitution.
Où est l'urgence enfin, puisque les prochaines élections n'auront lieu qu'en mars 2012, sauf dissolution de l'Assemblée nationale ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Peut-on écarter l'hypothèse ?
M. Bernard Frimat. - Les résultats définitifs du recensement seront bientôt connus. Pourquoi ne pas les attendre, et permettre ainsi à la commission indépendante de jouer un rôle dès le début du processus, en recueillant son avis sur le contenu de la loi d'habilitation, ainsi que le voulait l'esprit de la révision constitutionnelle ? Vous avez préféré, en demandant une habilitation plus large que jamais, vous donner les mains libres pour concocter dans la plus grande tranquillité un découpage que l'on ne pourra que suspecter de partialité.
D'autant que l'on peut craindre que le Gouvernement ne s'arroge le droit, en choisissant l'ordre dans lequel il déterminera le nombre des députés des Français de l'étranger, de l'outre-mer et de métropole de faire de ces derniers le simple solde de calculs antérieurs, au détriment des départements les plus peuplés. Où est alors le respect de l'égalité du suffrage ?
Nous nous opposerons donc, monsieur le ministre, à vos deux projets de loi qui ne sont pas conformes à l'idée que nous nous faisons d'une république démocratiquement exemplaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Pierre Fauchon. - Je m'en tiendrai, de mon banc, à quelques observations.
M. Jean-Pierre Sueur. - Quelle modestie !
M. Pierre Fauchon. - Il faut en faire preuve - à titre exceptionnel. Mais vous ne pouvez être soupçonné à cet égard ! Les textes qui nous sont soumis n'appellent pas, comme voudraient nous le faire croire nos collègues de gauche, de grandes controverses. Le groupe de l'Union centriste approuve les conclusions de la commission des lois. Il est bien naturel, monsieur Fortassin, que nous ne nous mêlions pas des règles normatives qui régissent l'organisation de l'Assemblée nationale, même si nous nous en préoccupons. Ceci sous réserve, évidemment, de réciprocité. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, approuve)
La commission que nous institutionnalisons présente des garanties, n'en déplaise à ceux qui hochent dubitativement la tête. Nous entrons là dans un processus à l'américaine qui constitue une véritable avancée démocratique. Que l'on puisse comparaître devant une commission libre de ses questions et de ses votes élimine d'emblée les risques de népotisme et de clientélisme. C'est là une avancée considérable, que je salue, de même que je souscris à la procédure des ordonnances, adaptée à une question si complexe. Procédure d'autant moins critiquable que nous avons prévu une validation expresse.
Je suis en revanche un peu embarrassé par la récupération de leur siège par les ministres. (M. Jean-Pierre Sueur manifeste son intérêt) Les défauts des élections partielles ont beaucoup été invoqués, comme, de l'autre bord, la banalisation de la fonction ministérielle, qui serait par là désacralisée. Mais dans la mesure où nous nous orientons vers un régime présidentiel, et si nous allons au bout de cette logique, ainsi que l'avait souhaité M. Balladur, je ne vois pas d'objection à une telle mesure.
La seule chose fâcheuse, c'est la rétroactivité. Une rétroactivité partielle, certes, mais dommageable pour les actuels remplaçants qui ont pu prendre des dispositions, professionnelles par exemple, sans avoir prévu cette innovation. Nous l'avons votée et c'est regrettable. C'est aux ministres actuels de veiller, en conscience, à corriger les effets malheureux de cette rétroactivité.
Reste que ces textes sont essentiellement techniques et que le groupe de l'Union centriste approuvera les conclusions de la commission des lois. (Applaudissements à droite)
Hommage à une délégation étrangère
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de députés du Paraguay, conduite par Mme Ramona Mendoza, présidente de la commission des affaires extérieures à la chambre des députés, en visite en France à l'occasion de sa participation à la célébration du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui s'est déroulée à l'Unesco. En tant que président du groupe sénatorial d'amitié France-Amérique du Sud et au nom du Sénat, je vous souhaite chaleureusement la bienvenue au sein de notre Haute assemblée. Je forme des voeux, madame la présidente, pour que votre visite renforce davantage encore nos relations interparlementaires et fortifie, s'il en est besoin, les liens qui unissent nos deux pays. (Applaudissements)
Je salue également la présence dans nos tribunes de notre ancienne collègue, Mme Paulette Brisepierre. (Applaudissements)
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence - Suite)
Discussion générale commune (Suite)
M. Michel Magras. - « L'outre-mer constitue une chance et un atout pour la France ». Cette phrase qui revient régulièrement dans les propos de tous ceux qui connaissent réellement l'outre-mer s'applique parfaitement à Saint-Barthélemy. Tous les étrangers qui viennent sur notre île et les métropolitains aussi, sont unanimes à le reconnaître : Saint-Barthélemy est l'une des plus belles vitrines de la République Française.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est le mot...
M. Michel Magras. - Si je vous dis cela, c'est tout simplement parce qu'un éminent parlementaire s'adressant à moi récemment, m'a froidement affirmé que les deux collectivités de Saint-Barth et Saint-Martin sont une honte pour la France. Douche froide pour un élu des Tropiques... Je ne pourrai jamais oublier une telle phrase. Je n'en dis pas davantage... Je préfère penser que les autres parlementaires et la grande majorité des Français ne sont pas de cet avis. Je préfère rappeler celui du Président Sarkozy qui, dans une lettre adressée aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon en février 2007 écrivait : « La distance, pas plus que la dimension des territoires ou l'importance des populations ne sauraient constituer des critères de discriminations au sein de notre République ».
Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale et son président ont clairement indiqué au Gouvernement, que l'objectif de leur amendement n°7 était de faire en sorte que Saint-Barthélemy et Saint-Martin n'aient pas de député et, qu'au mieux, ils comprendraient si le Gouvernement choisissait de donner un député pour les deux îles. En adoptant un tel amendement, les députés ont pris une décision incohérente et injuste. Un tel choix relève soit de l'ignorance totale de nos réalités, soit de la mauvaise foi du législateur. L'image qui me vient à l'esprit est celle d'un enfant auxquels les parents, après lui avoir donné naissance, décideraient d'enlever un bras, sous prétexte que les autres membres de la famille ont besoin de ce bras.
Que notre collectivité soit petite ou grande, comme tout être humain qui se veut autonome, elle a besoin de ses deux bras. Nous ne pouvons pas, à chaque fois que l'occasion nous en est donnée, vanter les mérites du bicamérisme et priver une collectivité de sa représentation à l'Assemblée nationale. Comment concilier le principe fondamental selon lequel tout département est représenté par au moins deux députés et le fait qu'une collectivité de la République, qui de surcroit a un statut particulier, n'ait pas un seul député ?
Saint-Barthélemy, en devenant collectivité d'outre-mer, assume seule les compétences d'une commune, d'un département, d'une région et une partie des compétences de l'État. Toutes ces compétences sont définies dans des lois votées par le Parlement et dans des règlements, décrets et autres ordonnances du Gouvernement. Pour la seule année 2008, ce sont plus d'une centaine de textes sur lesquels notre collectivité a été officiellement consultée par le Gouvernement. Et on voudrait nous faire croire qu'un député pour Saint-Barth n'aurait pas sa place à l'Assemblée où ces lois sont votées ?
On nous dit que « les députés ne sont pas là pour représenter les collectivités... ils sont d'abord là pour représenter la population ».
M. Jean-Pierre Sueur. - Non ! La Nation !
M. Michel Magras. - Mais les lois que votent les assemblées ainsi que les règlements, les décrets, les ordonnances, c'est bien à la population qu'ils s'appliquent !
On nous dit que nous pourrions être représentés par un député de la Guadeloupe ou par un député de Saint-Martin. Les communes ont toutes le même statut dans la République, il est donc normal qu'un même député puisse représenter plusieurs communes lorsqu'il s'agit de voter des textes de lois. Mais notre île n'est plus une commune, elle est une collectivité qui a un statut unique et différent de toutes les autres collectivités françaises.
Avec nos voisins de Saint-Martin, nous n'avons pas la même histoire, pas la même population, pas la même culture. Nous n'avons pas fait les mêmes choix de développement économique : par exemple, nous sommes opposés à la défiscalisation et nos voisins y sont très favorables. Nous n'avons pas les mêmes conditions de développement : Saint-Martin est directement relié au monde entier par des plates-formes portuaires et aéroportuaires internationales et nous sommes victimes de la double insularité. Nous n'avons pas le même statut : les compétences choisies ne sont pas les mêmes et la manière de les assumer est différente. Nous n'avons pas les mêmes options européennes : nous souhaitons devenir Pays et territoire d'outre-mer tandis que Saint-Martin voudrait rester Région ultrapériphérique. Je pourrais multiplier les exemples de nos différences y compris législatives.
Alors comment expliquer qu'aujourd'hui, on voudrait nous priver de député et nous mettre sous la tutelle de Saint-Martin ? Une telle décision reviendrait à condamner notre île à l'échec, alors qu'elle se veut un modèle pour l'outre-mer et pour la France. Aujourd'hui, le statut de Saint-Barthélemy dans la République est tel que, seul, un électeur résident de l'île et parfaitement conscient de ses réalités, de ses choix politiques et de son modèle de développement peut sérieusement les expliquer et les défendre. J'ajoute que sans cette représentation, mon action personnelle au Sénat perd plus de 50 % de son efficacité...
Dans l'outre-mer français, notre collectivité et sa population sont singulières à bien des égards et c'est à ce titre que nous demandons à être représentés à l'Assemblée par un député issu de son corps électoral. C'est aussi valable pour chacune des autres îles. Nous pensons y avoir droit et sommes convaincus que cette représentation est indispensable à la réussite du projet de société mis en place avec le Gouvernement et avec le Parlement. Le revirement de situation d'aujourd'hui est incohérent et inexplicable.
Nous n'avons jamais cherché à prendre le siège de quelqu'un d'autre à l'Assemblée, nous avons demandé d'en rajouter un. Nous ne cherchons pas davantage à offrir un poste à un copain. A Saint-Barthélemy nous, les élus, ne sommes pas considérés comme des professionnels de la politique, nous consacrons une partie de notre vie au service de notre collectivité et d'autres prennent ensuite le relais. En nous battant pour ce siège, nous voulons simplement donner à Saint-Barthélemy les moyens de réussir son projet d'avenir.
Ce n'est pas faire injure à l'Assemblée nationale que de vous demander, mes chers collègues, d'adopter ici le principe selon lequel toute collectivité de la République sera représentée par au moins un député, un principe voulu par le Gouvernement et conforme aux objectifs du Président de la République. Je ne comprendrais pas que vous puissiez vous opposer à cette demande.
Aujourd'hui, je ne sais plus à qui me confier. J'ai expliqué et j'ai le sentiment de n'avoir été ni écouté, ni entendu. Les enjeux politiques de ce découpage électoral sont trop importants pour qu'une petite collectivité de 8 450 Français, vienne perturber les calculs nationaux. Du côté du Gouvernement, si je me fie aux déclarations publiques des différents ministres, je ne devrais pas avoir à douter. Le secrétaire d'État à l'outre-mer n'a cessé de confirmer dans la presse que les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin auraient chacune un député : « Le Gouvernement ne change pas sa position, la Constitution est claire, il y aura un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barthélemy car tout simplement c'est constitutionnel ». Il l'a encore confirmé la semaine dernière.
Mme Alliot-Marie, auditionnée par la commission des lois de l'Assemblée nationale et répondant à une question du député Didier Quentin, que je remercie publiquement pour la fidélité de son engagement, déclarait ceci : « La loi organique du 21 février 2007 a créé un siège de député pour chacune de ces collectivité J'écoute toujours votre commission avec respect et attention mais je suis très attachée à ce que l'État tienne ses engagements et je note que le traitement de Saint-Pierre-et-Miquelon ne donne pas lieu à contestation ». La presse a également publié une déclaration du Premier ministre aux députés UMP : « Saint-Barthélemy et Saint-Martin auront chacun un député : la Constitution ne permet pas autre chose ».
A travers vous, monsieur le ministre, c'est donc à l'ensemble du Gouvernement que je demande de tenir sa parole. Ce projet de loi doit être voté conforme et je ne voudrais pas mettre en difficulté les sénateurs.
M. Richard Yung. - Vous êtes coincé !
M. Michel Magras. - J'ai néanmoins déposé un amendement garantissant le siège de député de Saint-Barthélemy. Seul un engagement ferme du Gouvernement pourrait m'inciter à le retirer. (Applaudissements à droite)
M. le président. - La parole est à M. Yung.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous allons entendre un autre son de cloche...
M. Christian Cointat. - Tous les Français doivent être traités de la même manière !
M. Jean-Pierre Sueur. - Et tous les sénateurs ont le droit de s'exprimer !
M. Richard Yung. - Je centrerai mon propos sur la représentation à l'Assemblée nationale des Français établis hors de France. N'est-il pas normal et juste que le Sénat en débatte ? Je ne veux pas me retrouver coincé comme M. Magras. Nous connaissons bien le sujet, il serait paradoxal qu'on ne tînt pas compte de notre expérience. Nombre de nos collègues représentant les Français de l'étranger sont d'ailleurs présents ce matin.
Les articles 2 et 3 du texte relatif à la commission de l'article 25 sont la deuxième étape de mise en oeuvre du principe énoncé à l'article 24. L'élection de députés représentant les Français de l'étranger n'est ni un gadget, ni une lubie ; elle ne répond pas plus aux intérêts de je ne sais quel lobby. C'est une question de principe, il s'agit de parfaire notre démocratie ; les Français établis hors de France sont aussi nombreux que les habitants du dix-huitième département français... Nous n'étions jusque là que des demi-citoyens, dotés d'une demi-représentation parlementaire. Nous militons tous, opposition comme majorité, pour parfaire notre citoyenneté.
Le Gouvernement n'a pas entendu les craintes que nous avions exprimées lors de l'examen du texte constitutionnel, craintes sur le nombre de députés, sur le mode de scrutin, sur le découpage des circonscriptions ; il n'a pas plus entendu celles de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le texte nous propose d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ces questions. Il eût mieux valu créer d'abord la commission, afin que celle-ci pût donner son avis sur la demande d'habilitation. Vous justifiez votre calendrier en évoquant l'absence de données statistiques fiables ; mais nous pouvions bien attendre un peu, les prochaines élections ne sont qu'en 2012, ou au moins limiter l'habilitation.
Le paragraphe I de l'article 2 est en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement, M. Karoutchi déclarant que le Gouvernement « envisageait de créer une douzaine de sièges de député » et « qu'il appartenait au législateur organique d'en fixer précisément le nombre ». Ce même paragraphe est aussi contraire à l'article 25 de la Constitution, qui dispose que la loi organique fixe le nombre des membres de chaque assemblée ; pour nous, cette disposition vaut aussi pour le nombre de députés représentant les Français de l'étranger. On peut d'ailleurs lire dans l'excellent rapport de M. Gélard, page 17, que le nombre de ces députés doit être fixé par la loi organique, la répartition des sièges relevant de la loi ordinaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est le droit en vigueur.
M. Richard Yung. - La demande d'habilitation n'est en outre pas très claire, qui ne précise pas le mode de calcul de la base démographique permettant de déterminer le nombre de députés. Nous ne pouvons autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le fondement de simples déclarations de principes.
Il est vrai qu'on ne connaît pas précisément le nombre de nos compatriotes établis hors de France, sans doute plus de deux millions. Ils devraient en bonne logique être représentés par autant de députés que Paris. Le comité Balladur était d'ailleurs parvenu au chiffre de vingt députés, en en tirant la conclusion qu'il n'était pas opportun que les Français de l'étranger fussent représentés à l'Assemblée nationale... Pour parvenir aux huit ou neuf sièges qu'il évoque, le Gouvernement minore le nombre de Français de l'étranger inscrits au registre national du nombre de personnes restant inscrites en France pour les élections législatives, au motif que si elles le sont, c'est qu'elles votent toujours en France. Ce n'est qu'un artifice. Si elles restent inscrites en France, c'est d'abord parce qu'elles ne peuvent pour l'instant faire autrement pour élire un député !
M. Jean-Pierre Sueur. - Bien sûr !
M. Richard Yung. - C'est aussi parce que beaucoup ont conservé un intérêt pour la vie locale et veulent participer aux élections municipales. A l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez évoqué les mineurs et les personnes privées de droits civiques. J'ose espérer que ces dernières ne sont pas si nombreuses...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La proportion est la même qu'en métropole...
M. Richard Yung. - Précisément ; on n'évoque pas le même argument pour la métropole. Il semble que l'on fasse deux poids et deux mesures.
Vous dites aussi que le code électoral offre de nombreuses possibilités d'inscriptions sur les listes de communes françaises, et qu'en s'y inscrivant, les Français de l'étranger ne manifestent pas la volonté d'un établissement durable hors de France. Mais c'est parce qu'ils n'ont à ce jour pas d'autre possibilité...
J'en viens au mode de scrutin. Vous avez choisi le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, argumentant que les députés qui seraient élus selon un autre mode de scrutin seraient dévalorisés par rapport à leurs collègues de métropole ou d'outre-mer. Mais au Sénat, la moitié d'entre nous qui sont élus à la proportionnelle n'ont jamais eu le sentiment de peser moins que leurs collègues. Quant à l'argument de la proximité, il est pour le moins relatif pour celui qui représentera, de Johannesburg à Alger, les 45 pays d'Afrique, ou celui dont la circonscription ira de Tokyo aux îles Tuvalu. Je rappelle que le comité Balladur, dans sa sagesse, avait suggéré de retenir un scrutin de liste appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde.
M. Jean-Pierre Sueur. - Vive Balladur !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Il était contre la création de députés !
M. Richard Yung. - Je sais votre hostilité à la proportionnelle. Mais avez-vous songé aux difficultés d'organisation d'un scrutin majoritaire à deux tours ? L'Assemblée des Français de l'étranger a attiré votre attention sur le sujet. Imaginez la situation au soir du premier tour dans la circonscription d'Afrique. Le candidat est à Bangui.
Le dimanche soir, il doit prendre diverses décisions et les communiquer ensuite à ses électeurs. Ce sera très difficile, même s'il dispose de quinze jours. En dehors de la question du découpage, il y a donc un problème matériel grave qui pourrait se transformer en bombe à retardement, car les contentieux risquent de se multiplier.
Les critères retenus pour le découpage sont recevables, même si nous sommes réticents sur la clause d'exception qui ne permettra pas de régler tous les problèmes. Nous espérons que ce découpage n'aura pas pour conséquence de faire élire huit députés de droite sur neuf...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Ce sont les électeurs qui décident !
M. Richard Yung. - ...mais si vous mettez Israël avec les pays du Maghreb ou avec ceux du Moyen-Orient, la circonscription peut basculer. Il en est de même pour l'Allemagne en fonction des critères qui seront retenus. Vous comprendrez donc nos craintes, à moins que la commission indépendante ne fasse correctement sont travail, ce dont je doute. C'est pourquoi il serait préférable de retenir notre proposition : deux circonscriptions -une pour l'Europe et une autre pour le reste du monde- avec un mode de scrutin à la proportionnelle. En l'état, nous ne pourrons voter ces projets de loi (Applaudissements à gauche)
M. Christophe-André Frassa. - (« Ah ! » à droite) La représentation politique de nos compatriotes de l'étranger est une préoccupation constante de la République française depuis 1789 avec les dix-sept députés « d'outre-mer » siégeant aux états généraux. Nos expatriés constituent une composante à part entière de la Nation et ce principe a trouvé sa traduction en 1946 avec la création des conseillers de la République représentant les Français de l'extérieur, futurs sénateurs représentant les Français établis hors de France, et, en 1948, avec le Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui deviendra, en 2004, l'Assemblée des Français de l'étranger. La révision constitutionnelle du 21 juillet est venue compléter ce dispositif en prévoyant l'élection, à compter de 2012, de députés des Français de l'étranger.
Je me réjouis donc de la concrétisation de la promesse faite par le Président de la République, qui répond à l'attente de nos compatriotes de l'étranger. Même si nos usages républicains veulent que les sénateurs ne se mêlent pas du régime électoral ou du mode de fonctionnement interne de l'Assemblée, et vice versa, ce texte intéresse pourtant au plus haut point le représentant des Français établis hors de France que je suis.
En ce qui concerne le nombre de sièges, je serais heureux que vous m'expliquiez, monsieur le ministre, pourquoi vous souhaitez retrancher du nombre des Français de l'étranger, qui se monte au 1er juillet 2008 à 1 403 580, ceux d'entre eux qui sont inscrits dans des communes en France pour les législatives, alors que ce sont aujourd'hui les seuls qui ont clairement décidé de participer à toute la vie politique de la Nation. Ne serait-il pas plus judicieux de retrancher de ce nombre les seuls Français de l'étranger qui exercent en France leur droit de vote pour la présidentielle ?
Je ne souhaite pas non plus me livrer à un énième calcul, dont le résultat situerait plutôt à douze qu'à huit le nombre de sièges de députés qu'il faudrait créer, mais nous sommes nombreux à considérer que le nombre minimum en dessous duquel le découpage deviendrait impossible est de neuf sièges. Outre les quatre sièges pour l'Europe, il serait ainsi possible d'en créer deux pour l'Amérique, deux pour l'Afrique et le Moyen-Orient et un, enfin, pour l'Asie et l'Océanie. Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre ?
Le projet de loi prévoit que les députés représentant les Français de l'étranger seront élus, comme tous les autres, au scrutin uninominal majoritaire. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous preniez trois engagements : les deux tours devront être espacés au minimum de deux semaines.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Tout à fait !
M. Christophe-André Frassa. - Ensuite, il faudra informer les électeurs par le biais de TV5, France 24 et RFI, tant dans le domaine civique que de la propagande électorale à proprement parler. Nos compatriotes seraient ainsi réellement impliqués dans une campagne électorale qui se déroulera dans des circonscriptions de 50 à 200 fois plus étendues que la France ! Enfin, je souhaiterais que vous élargissiez le mode de scrutin au vote par correspondance par la voie postale ou électronique. Rapprocher l'urne de l'électeur n'est pas un vain mot pour nous, Français de l'étranger. Le vote par internet fonctionne déjà pour les élections à l'AFE. Il est possible de l'étendre aux législatives.
A l'avenir, il faudra aussi revoir les règles de financement des campagnes électorales, puisqu'aujourd'hui, seul le nombre des électeurs de la circonscription est retenu comme base de calcul. Des critères objectifs devront être élaborés tenant compte de la taille, des distances et des coûts de déplacement et d'acheminement des documents. Pouvez-vous nous donner quelques indications sur ce point, monsieur le ministre ?
Enfin, quels critères prévaudront pour les futurs chefs-lieux de circonscriptions ? Ceux-ci seront lourds de significations et de conséquences politiques. Ainsi, pour le député d'Afrique subsaharienne, quelle capitale africaine sera désignée et sur quels critères, autres que le seul nombre de Français y résidant ?
Au nom de nombreux collègues et des élus de l'AFE, je dois vous dire que nous restons un peu sur notre faim. Nous comptons beaucoup sur vous pour nous rassurer et garantir aux Français de l'étranger qu'ils auront des députés en mesure d'exercer leur mandat. Quoi qu'il en soit, je voterai bien évidemment ces deux textes. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Leleux. - L'article 2 du projet de loi prévoit qu'un député nommé membre du Gouvernement est remplacé par son suppléant durant la durée de ses fonctions ministérielles et qu'il pourra automatiquement retrouver son siège lorsqu'il quittera le Gouvernement. Le titulaire conservera donc sa légitimité électorale pendant toute la durée de sa fonction ministérielle avant de retrouver son siège.
Or, dans de nombreux cas, le suppléant est également maire et conseiller général. Le jour où il sera appelé à devenir parlementaire, ce ne sera qu'à titre provisoire. Il y a donc un double risque : que les suppléants refusent d'occuper la fonction de député titulaire pour ne pas perdre une de leurs fonctions locales importantes et que le candidat aux élections ait plus de mal à trouver un suppléant bien implanté dans la circonscription puisque ce dernier ne voudra pas prendre le risque de démissionner d'un de ses mandats locaux.
Il faudrait donc prévoir une dérogation à la règle du cumul puisque le mandat pourrait être qualifié de temporaire, à moins que l'on n'instaure pour les suppléants la même disposition de retour automatique dans l'assemblée d'origine que celle qui protège les députés titulaires. Il est en effet difficile qu'un suppléant titulaire perde un mandat pour un remplacement à la durée aléatoire. Une telle incertitude risque de dissuader l'intéressé.
Pouvez-vous nous donner des éclaircissements sur ce point, monsieur le ministre ? (Applaudissements à droite)
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. - Concernant le redécoupage des circonscriptions, le projet de loi prévoit que les opérations doivent être conduites sur des bases essentiellement démographiques, qu'un minimum de deux sièges par département et d'un siège par collectivité d'outre-mer doit être accordé, que la délimitation des circonscriptions doit respecter les limites administratives et qu'aucune circonscription ne doit avoir un écart démographique supérieur à 20 % par rapport à la population moyenne des circonscriptions.
La création d'une deuxième circonscription à Mayotte, prévue par le Gouvernement, a été refusée par l'Assemblée nationale, sur intervention de M. René Dosière. Il est pourtant de tradition que chaque département soit représenté par au moins deux députés. En 2002, le Sénat a tenu compte uniquement des critères démographiques...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Tout à fait !
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. - ...et a créé à Mayotte un deuxième siège de sénateur.
Il serait tout de même paradoxal que la représentation par les députés demeure inférieure à celle assurée par les sénateurs. Les arguments avancés pour fermer la porte à une deuxième circonscription à Mayotte sont fallacieux et contraires à la Constitution. Cette dernière retient comme critère non pas le nombre d'électeurs ou d'étrangers en situation irrégulière, mais le chiffre de la population. S'il faut déroger au critère démographique, alors ce doit être partout en métropole comme en outre-mer. Je rejoins le président Hyest, qui a émis des réserves sur une application différenciée de l'amendement Dosière.
En outre, si l'on ne tient pas compte de la jeunesse de la population et des difficultés d'inscription sur les listes électorales en raison du retard dans la révision de l'état-civil, on peut tout faire dire au texte, même des contre-vérités en ce qui concerne Mayotte. L'argumentation de M. Dosière ne tient pas la route au regard de notre belle Constitution. M. Bernard Frimat a eu raison de souligner lors de l'examen en commission l'impertinence de cet amendement. Les débats de la Haute Assemblée seront pris en compte par le Conseil constitutionnel lorsqu'il se prononcera ; c'est pourquoi je vous demande de réparer l'injustice et d'ouvrir la possibilité d'une deuxième circonscription législative à Mayotte. Je comprends les difficultés du redécoupage, le nombre de députés étant fixé dans le marbre. Mais, au nom de la population de Mayotte, je vous le dis : nous ne saurions servir de variable d'ajustement. Sous ces réserves, je voterai le projet de loi. (Applaudissements à droite)
M. Michel Guerry. - Réjouissons-nous, car ce projet de loi tend à renforcer la représentation de nos concitoyens établis hors de France. Aujourd'hui, 63,8 millions de Français vivent à l'intérieur de nos frontières ; ils sont représentés par 577 députés et 331 sénateurs. Les 2,5 millions de Français établis hors de France ne sont représentés que par douze sénateurs. Merci au Gouvernement d'ouvrir ce débat afin que nos compatriotes soient représentés dans l'ensemble du Parlement ! C'est le respect du bicaméralisme républicain, pierre angulaire de notre système politique.
Les sénateurs représentant les Français établis hors de France n'étaient que six avant la loi organique du 17 juin 1983. Le chiffre actuel de douze est raisonnable. Nous représentons correctement la totalité de cette population expatriée. Pourquoi ne pas tout simplement transposer à l'Assemblée nationale la proportion existant au Sénat ? Un équilibre entre les deux chambres serait ainsi respecté.
Le projet fixe le nombre de nouveaux députés en fonction du nombre de nos compatriotes inscrits sur les listes électorales consulaires. Mais l'immatriculation sur ces listes n'est pas obligatoire, et l'incitation pour aller s'y inscrire insuffisante, en dépit des campagnes de communication du ministère des affaires étrangères, du travail de l'Assemblée des Français de l'étranger, de la présence sur le terrain des conseillers élus et du travail parlementaire accompli par les douze sénateurs. En retenant, monsieur le ministre, votre base de calcul, les 1,4 million de Français immatriculés à l'étranger devraient élire onze à douze députés. Votre proposez de corriger ce chiffre à la baisse, huit ou neuf élus, pour tenir compte des personnes restées inscrites en France. J'y suis opposé, parce que 2,5 millions de Français vivent à l'étranger, et que leur nombre va croissant.
L'absence d'une représentation à l'Assemblée nationale contribue au manque d'intérêt de nos compatriotes expatriés pour les élections législatives. Ceux qui restent inscrits en France n'avaient pas jusqu'à présent le choix de voter de l'étranger. Cela ne traduit nullement, monsieur le ministre, contrairement à ce que vous avez estimé devant l'Assemblée nationale, une « absence de manifestation d'une volonté d'établissement durable en France »
Je salue l'intention du Gouvernement d'attribuer automatiquement un siège supplémentaire par tranche de 125 000 habitants supplémentaires. On parviendrait, pour les Français de l'étranger, à vingt députés. Nous n'en demandons pas tant.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Vous devriez !
M. Michel Guerry. - Le 19 novembre dernier, monsieur le ministre, vous avez bien employé le terme de population et avez annoncé « l'attribution automatique d'un siège supplémentaire par tranche de population ». Vous avez précisé que vous reteniez bien la « population » et non pas les électeurs inscrits « parce que chaque député représente la Nation ». En irait-il autrement pour la population française à l'extérieur ? J'ajoute que le nombre de ceux qui demeurent inscrits en France diminuera et le nombre de ceux qui voteront depuis l'étranger augmentera : corrigera-t-on en conséquence la répartition des sièges ? Mettons fin à une certaine hypocrisie et regardons la réalité en face.
Un mot enfin des modalités de vote. Je reste très réservé sur le vote électronique, sujet à des fraudes, ce qui ne saurait être satisfaisant pour des élections aussi importantes et symboliques. (Applaudissements à droite)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Mme Mathon-Poinat estime que la création de la commission de contrôle est une « basse manoeuvre ». Mais auparavant, il n'y avait rien ! En 1986, une commission circonstancielle avait vu le jour et vécu trois mois ; la nouvelle est pérennisée puisque inscrite dans la Constitution ! Elle contrôlera le découpage électoral et les opérations électorales. Cette commission ne serait pas indépendante ? La désignation de trois des six membres se fera en assemblée générale au sein du Conseil d'État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation. Pour les trois autres membres, il y a le veto parlementaire. L'avancée démocratique est évidente ; et toutes les garanties sont là.
En conseil des ministres hier a été adopté un deuxième projet de loi d'application de la réforme constitutionnelle. Il y en aura d'autres d'ici l'entrée en vigueur en mars prochain.
Manque de transparence dans le découpage des circonscriptions, dites-vous. Outre le grand débat dans chaque chambre du Parlement, il y a eu les réunions que j'ai tenues : j'ai reçu l'ensemble des députés de la majorité comme de l'opposition qui le demandaient, j'ai eu des contacts avec la secrétaire générale de votre parti et le président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, pour leur expliquer que je reprenais la méthodologie recommandée par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel. Le Premier ministre a en outre reçu à Matignon tous les groupes parlementaires des deux assemblées ainsi que les chefs des formations politiques.
Toutes les garanties ont donc été données et, madame Mathon-Poinat, s'agissant de votre groupe, j'ai eu un contact personnel avec Mme Buffet tandis que Mme Borvo Cohen-Seat a été invitée à Matignon, même si elle n'a pu s'y rendre.
Madame Troendle, il était effectivement urgent de procéder au redécoupage territorial des circonscriptions, tâche difficile à laquelle le Président de la République s'est attelé et qui avait été longtemps repoussée. Bien que le Conseil constitutionnel ait rappelé à maintes reprises sa nécessité...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Très juste !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...rien n'avait été entrepris après les recensements généraux de 1990 et de 1999. Résultat : la carte des circonscriptions restait celle de 1986, dessinée d'après le recensement général de 1982, et la loi était bafouée sur tout le territoire, notamment la Constitution et son article 3. Concernant le cas des suppléants auquel vous avez fait allusion, le Gouvernement sera attentif à toutes les suggestions venant des assemblées, notamment celles, fort intéressantes, de M. Leleux.
Monsieur Frimat, nous ne ménageons pas un « parachute parlementaire » pour les ministres ; ceux-ci, avant d'être nommés au Gouvernement, avaient été élus au suffrage universel direct, leur légitimité est donc entière. Vous vous préoccupez des conditions matérielles des parlementaires, ce qui part d'un bon sentiment...
M. Bernard Frimat. - Je n'ai que des bons sentiments ! (Sourires à gauche)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Mais, en démocratie, les mandats sont, par nature, aléatoires...
M. Bernard Frimat. - C'est la règle du jeu !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...et les cas douloureux, qui peuvent résulter d'une cessation de mandat ou d'une dissolution comme en 1981, ont toujours été gérés par les assemblées parlementaires. J'ai noté avec satisfaction que vous ne vous opposiez pas au redécoupage. De fait, nous avons retenu la méthodologie, validée par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, qui impactera le moins les départements : 40 départements sur 100 seront touchés par le redécoupage, dix par le remodelage à l'intérieur des départements.
Monsieur Fauchon, il y a un seul point sur lequel je ne peux être d'accord dans votre remarquable intervention : on ne peut parler de rétroactivité. Le Conseil d'État confirmera que les textes que nous examinons sont le résultat de la dernière réforme constitutionnelle.
Monsieur Magras, le Gouvernement, favorable à l'inscription du principe d'un député par collectivité territoriale outre-mer, a dû y renoncer devant l'opposition des députés qu'ils ont fait connaître par deux fois en 2007 puis en 2008 en plafonnant les effectifs de l'Assemblée nationale à 577 lors de la dernière révision constitutionnelle. Mais, rassurez-vous, le débat est loin d'être clos...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Il sera réglé par ordonnance !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...sans compter que le projet de loi ordinaire sera sans doute déféré au Conseil constitutionnel et que le projet d'ordonnance sera présenté à la commission indépendante.
Monsieur Yung, l'élection des députés des Français de l'étranger au scrutin majoritaire à deux tours est un choix politique sur lequel nous ne reviendrons pas : il y va de la stabilité des institutions de la Ve République. La proportionnelle peut être un poison dont nous constatons les ravages chez nos pays voisins et dans certaines formations politiques... Toutefois, il sera tenu compte de la particularité de ces élections avec l'instauration d'un délai entre les deux tours et l'adaptation des conditions de financement de la campagne électorale, après concertation avec les instances des Français de l'étranger.
Monsieur Frassa, la création de députés représentant les Français de l'étranger répond effectivement à une préoccupation ancienne qui aurait pu être satisfaite par François Mitterrand et Lionel Jospin puisqu'elle figurait dans leur programme électoral de 1981 et 1997 comme dans celui de Mme Royal...
M. Robert del Picchia. - Tout à fait !
M. Bernard Frimat. - Monsieur le ministre, vous avez de saines lectures !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Compte tenu des chiffres de l'Insee, je peux vous confirmer que le nombre minimal de députés des Français de l'étranger sera au moins de neuf, dont quatre en Europe. Par ailleurs, un délai de deux semaines entre les deux tours semble satisfaisant.
M. Robert del Picchia. - C'est un minimum !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - L'ordonnance fixera les modalités ; j'ai un a priori favorable sur l'espacement de deux semaines.
M. Robert del Picchia. - Au moins !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Au plus !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je sais que certains s'opposent au vote électronique ; il est pourtant pratiqué pour d'autres Européens de l'étranger.
M. Bernard Frimat. - Et pour les prud'homales !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - M. Leleux soutient le remplacement des ministres ; ce n'était pas si fréquent ce matin... Il y a effectivement un problème lié au cumul des mandats. On pourrait imaginer un système semblable de remplacement temporaire pour les conseillers généraux et régionaux. Il est vrai que cela paraît compliqué... Ce sera étudié dans le cadre de la réforme en cours des règles d'interdiction de cumul des mandats. Le Gouvernement sera ouvert à toutes vos propositions.
Le deuxième siège de Mayotte, monsieur Ibrahim Ramadani ? Si l'amendement que vous évoquez est validé par le Conseil constitutionnel, il s'appliquera à Mayotte comme ailleurs. Je demanderai au Premier ministre une mission pour étudier sur place les différents aspects du recensement à Mayotte.
Malgré la possibilité qu'ils ont de voter dans les consulats, un nombre non négligeable de Français de l'étranger viennent voter en France, monsieur Guerry. Si nos compatriotes devaient être beaucoup plus nombreux à s'installer à l'étranger, il appartiendrait au législateur d'en tirer les conséquences pour leur représentation. Ce serait fait en liaison avec vous. (Applaudissements à droite et au centre)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que les commissions des finances et des lois ont proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame : MM. Charles Guené et Jean-Claude Frécon, respectivement membres titulaire et suppléant du Comité des finances locales ; M. Daniel Reiner, membre du Comité des prix de revient des fabrications d'armement ; MM. Jean-Claude Frécon et Christian Gaudin, membres de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ; M. Michel Charasse, membre du conseil d'administration de l'Établissement public de réalisation de défaisance ; M. Yann Gaillard, membre du conseil d'administration du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ; Mme Nicole Bricq, membre du Conseil de l'immobilier de l'État et de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations ; M. Jean-Pierre Fourcade, membre du conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ; M. Bertrand Auban, membre titulaire du Conseil d'orientation des retraites et membre suppléant du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites ; M. François Marc et Mme Virginie Klès, membres du Conseil national de l'aménagement et du développement durable du territoire ; M. Jean-Jacques Jégou, membre du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ; Mme Anne-Marie Escoffier, membre suppléant de la Commission supérieure de codification ; M. Simon Sutour, membre du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; M. Jean-René Lecerf et Mme Alima Boumediene-Thiery, respectivement membres titulaire et suppléant du Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire ; Mme Éliane Assassi, membre suppléant de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.
La séance est suspendue à 13 h 5.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Relance économique et collectivités locales
M. Alain Milon . - (Applaudissements à droite) Ma question s'adresse à M. Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance.
La crise est là, et les Français en souffrent. Mais ils peuvent constater qu'au plus haut niveau de l'État, des réponses sont apportées pour y faire face. La maîtrise du temps et des moyens montre que le cap est tenu dans une période difficile de notre histoire économique, et cette réalité est perçue au-delà de nos frontières. Le plan annoncé le 4 décembre dernier, qui prévoit 26 milliards d'euros de dépenses, fait suite aux réformes engagées depuis plus d'un an et aux initiatives prises cet automne pour lutter contre la crise financière. La Commission européenne vient de donner son feu vert au plan de relance français, considérant que les moyens mis en oeuvre étaient « adéquats, nécessaires et proportionnés ».
Ce plan de relance ambitieux soutient la comparaison avec ceux des pays voisins. On pourrait d'ailleurs souhaiter une solution européenne à la crise. Le plan français comporte des mesures en faveur de l'emploi, du pouvoir d'achat des plus modestes, du logement, des entreprises -notamment du secteur automobile- mais aussi de l'écologie. Priorité est donnée à l'investissement.
Or les collectivités locales sont les premiers investisseurs nationaux, et contribuent grandement au développement économique. Elles ont de nombreux projets en réserve pour améliorer les conditions de vie de la population. Comment le plan de relance les aidera-t-il à les mettre en oeuvre ? Contribuera-t-il au dynamisme économique des territoires grâce au financement d'équipements structurants, et dans quel délai ? (Applaudissements à droite)
M. Alain Gournac. - Très bonne question !
M. le président. - La parole est à M. Devedjian, à qui nous adressons nos meilleurs voeux de réussite dans cette fonction difficile, mais essentielle. (Applaudissements et acclamations à droite)
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance . - Merci de votre confiance.
Les collectivités locales joueront en effet un rôle essentiel dans la mise en oeuvre d'un plan de relance essentiellement tourné vers l'investissement. Elles sont responsables de 70 % des investissements publics ; or nous avons pour objectif que 75 % des crédits prévus soient engagés dès 2009 : voilà pour le délai.
Nous comptons sur un effet multiplicateur d'un coefficient au moins égal à trois : le plan de relance doit donc produire des richesses supérieures aux sommes investies et avoir un effet contracyclique.
Les collectivités locales seront au coeur de ce mouvement. Nous les aiderons à mettre en oeuvre des projets parvenus à maturité, mais qui n'auraient pas pu voir le jour en 2009 faute de crédits suffisants. Par ailleurs nous solliciterons le Fonds de compensation de la TVA, et les projets nouveaux bénéficieront d'un remboursement anticipé de cette taxe.
En outre, les collectivités verront leur travail facilité par des simplifications administratives. La réforme du code des marchés publics et le rehaussement du seuil au-delà duquel une procédure d'appel d'offres est obligatoire faciliteront la passation des marchés ; ce seuil sera aligné sur la norme européenne. Le code de l'urbanisme sera également modifié pour permettre une prorogation des permis de construire. Les communes qui le souhaitent pourront augmenter de 20 % le coefficient de densité prévu par le plan local d'urbanisme ou le programme des zones d'aménagement concerté.
Je serai moi-même très présent auprès des collectivités, et je me rendrai dans tous les départements. Le Premier ministre réunira mardi prochain la Conférence nationale des exécutifs...
M. le président. - Il faut conclure.
M. Patrick Devedjian, ministre. - ...afin de réfléchir aux moyens d'aider efficacement les collectivités dans leur lutte contre la crise. (Applaudissements à droite)
Mode d'élection de l'Assemblée territoriale de Corse
M. Nicolas Alfonsi . - Ma question, madame la ministre de l'intérieur, n'est peut-être pas d'une actualité brûlante, mais elle doit utilement être posée dès aujourd'hui, car dans quelques semaines il sera trop tard.
Les prochaines élections régionales devraient avoir lieu en mars 2010. Je sais de source officielle qu'il n'est pas prévu de modifier le mode de scrutin d'ici là. (Exclamations sur les bancs UMP) Il serait possible de modifier spécifiquement le mode de scrutin propre à la Corse, mais la déontologie républicaine interdit toute réforme dans l'année qui précède l'élection.
Il vous reste dix semaines utiles pour nous informer de vos intentions. Le mode de scrutin surréaliste qui nous a été imposé, et qui a été maintenu par tous les gouvernements, de droite ou de gauche, ne prévoit aucun seuil de fusion : des listes qui ont obtenu des scores homéopathiques se livrent donc à des manoeuvres obscures pour négocier leur présence au second tour. II fallait permettre il y a vingt ou trente ans à des sensibilités ultra-minoritaires de s'exprimer démocratiquement. Cet argument n'a plus lieu d'être aujourd'hui, mais le maintien d'un dispositif aussi pervers interdit de dégager des majorités homogènes. L'absence de majorité réelle depuis six ans conduit à rechercher en permanence le consensus et le dialogue, autant de mots creux qui ne font pas une politique ! (M. Jean-Pierre Michel et M. Jean-Pierre Chevènement applaudissent)
Le Premier ministre, dont je ne mettrai pas en cause la sincérité, a appelé de ses voeux une opposition forte pour donner une vitalité démocratique à nos institutions.
M. le président. - Votre question.
M. Nicolas Alfonsi. - Je souhaiterais que vous partagiez la même sollicitude vis-à-vis de la Corse. Il vous reste deux mois pour agir : ou vous reprenez ma proposition de loi, adoptée par le Sénat, ou vous déposez votre propre projet, ou vous ferez semblant. J'attends votre réponse.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - (Applaudissements et « Bravo » sur les bancs UMP) Je connais votre proposition de loi, qui a pour légitime objectif d'assurer une majorité stable à l'Assemblée de Corse tout en permettant la représentation des oppositions. Comme pour tout texte relatif à nos institutions, la loi de 2002 prévoit toutefois que l'Assemblée de Corse rende au préalable son avis. Or cet avis n'a pas encore été rendu. (M. Nicolas Alfonsi s'exclame)
Par ailleurs, il serait utile d'attendre les conclusions de la commission Balladur qui travaille notamment sur le rapport entre départements et régions. La Corse s'inscrit tout naturellement dans ce cadre.
Si nous devons mener la sixième réforme électorale en 25 ans concernant la Corse, elle devra être issue du plus large consensus, comme je l'ai rappelé en Corse en juin dernier. Je ne suis pas sûre que nous en soyons à ce stade... (Applaudissements à droite, M. Jean-Pierre Chevènement s'exclame)
Appui de l'État aux projets des collectivités territoriales
M. Claude Biwer . - Les collectivités territoriales sont les principaux moteurs de l'investissement en France : ils ne doivent pas se gripper ! Parmi les freins à l'investissement des collectivités, il y a la frilosité des banques, mais aussi le code des marchés publics, pourtant réformé et, paraît-il, simplifié... Les lenteurs administratives peuvent retarder de plusieurs mois les mises en chantier, qu'il s'agisse de l'archéologie préventive, des architectes des Bâtiments de France, ou de la propension de chaque fonctionnaire des administrations décentralisées à montrer qu'il détient une parcelle de pouvoir en prolongeant inutilement les délais d'instruction, entre visites de terrain et demandes de documents complémentaires...
Impossible d'obtenir un financement sans présenter un dossier, et de faire aboutir un dossier sans financements. Or, tandis que les délais d'instruction s'allongent, les intérêts des emprunts contractés par la collectivité commencent à courir, et les premiers remboursements interviennent parfois avant la fin des travaux, quand ce n'est pas avant le début ! Entre la conception d'un projet et sa réalisation effective, il peut s'écouler jusqu'à deux ans...
Que comptez-vous faire pour redonner aux élus locaux les possibilités d'investir et de contribuer au dynamisme économique de la France ? Pourriez-vous, par exemple, instaurer des dates butoir ? Pourrions-nous déclarer l'urgence dans les délibérations des conseils municipaux ou des communautés de communes quand il s'agit d'investissements importants ? Cet assouplissement contribuerait au plan de relance. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Les collectivités sont le premier investisseur du pays : nous avons besoin d'elles si nous voulons relancer l'activité et l'investissement. Toutefois, je sais d'expérience que les collectivités se heurtent à des lourdeurs ou difficultés.
Il faut tout d'abord alléger les contraintes règlementaires qui ralentissent les projets. En France, nous appliquons plus strictement les règlements européens que ce qu'exigent les textes ! Les choses vont changer, notamment en ce qui concerne le code des marchés publics. (Applaudissements à droite) Le seuil à partir duquel s'applique obligatoirement la procédure d'appel d'offres pour les marchés de travaux, qui est aujourd'hui de 206 000 euros, sera porté au niveau européen, soit 5,150 millions.
Le Gouvernement déposera très prochainement un projet de loi et un projet de décret pour simplifier la procédure des marchés publics négociés.
Il faut faciliter l'investissement des collectivités locales, notamment sur le plan financier. L'État accélérera le remboursement de la TVA, qui n'intervient actuellement qu'au bout de deux ans, pour les nouveaux investissements des collectivités en 2009. Cela représente jusqu'à 2,5 milliards, et intéresse les grandes collectivités comme les petites.
Enfin, les grands chantiers publics où l'État et les collectivités territoriales sont partenaires seront accélérés, notamment en matière d'infrastructures routières, fluviales ou ferroviaires.
Nous sommes conscients des contraintes qui pèsent sur les collectivités. Leur dynamisme ne doit pas être entravé ! (Applaudissements à droite et au centre)
Réforme de l'audiovisuel public
M. David Assouline . - M. le Premier ministre, comme ça, vous vous attaquez à la liberté...
Voix à droite. - Comme ça !
M. David Assouline. - ...et voulez mettre la télévision publique à la botte du Président de la République. Comme ça, vous allez torpiller l'équilibre économique de la télévision publique et consacrer une gigantesque régression démocratique en replaçant sous la tutelle directe de l'État France Télévisions, dont le président sera nommé et révoqué selon le bon vouloir de Nicolas Sarkozy ! Cela n'existe dans aucun pays démocratique. Quel déshonneur pour la France qui jadis montrait l'exemple en matière de liberté. (Exclamations à droite)
Qui peut croire que le Président de la République veut libérer les Français de la dictature de la publicité, alors qu'il accorde une overdose de publicité à ses amis de la télévision privée, avec la deuxième coupure ou l'augmentation de la durée de diffusion, et qu'il leur offre les 450 millions venus du secteur public ? Et en plus, vous voulez qu'on se taise ?
M. Alain Gournac. - Aucune chance !
M. David Assouline. - Après avoir amusé la galerie pendant des mois avec la commission Copé sans beaucoup tenir compte de ses travaux, vous présentez en urgence, toujours en urgence, un projet de loi et quand l'Assemblée nationale décide de vraiment débattre et l'opposition de s'opposer, vous dites que vous agirez par décret, avant même la discussion au Sénat.
Et vous voulez qu'on se taise ? Ici, où sont nombreux, sur tous les bancs, des républicains et des démocrates capables de réagir comme au moment des tests ADN, ici, où nous avons fièrement, contre l'avis du Gouvernement, fait introduire dans la Constitution les principes de liberté, d'indépendance et de pluralisme des médias !
Méditez ces propos tenus en 1848 par Victor Hugo à propos de la liberté d'information (exclamations à droite) au milieu des mêmes quolibets : « Ne souffrez pas les empiètements du pouvoir, ne laissez pas se faire autour de vous cette espèce de calme faux qui n'est pas le calme, que vous prenez pour l'ordre et qui n'est pas l'ordre... Le silence autour des Assemblées, c'est bientôt le silence dans les Assemblées ».
M. le président. - Votre question.
M. David Assouline. - Irez-vous jusqu'au bout de votre dangereuse réforme et agirez-vous dans les heures qui viennent par décret, au mépris des principes de la Constitution ? Si oui, sachez qu'on ne se taira pas, ni ici, ni dehors ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je n'ai pas reconnu la réforme que je défends à l'Assemblée nationale et qui se heurte à un blocage absolu, revendiqué, théorisé, blocage que dénoncent des personnalités comme Marin Karmitz...
Voix socialiste. - Vendu !
Mme Christine Albanel, ministre. - ...ou Jacques Peskine, président du syndicat national des producteurs, parce qu'il met en danger la télévision publique.
Cette réforme claire et ambitieuse consiste à proposer de nouveaux horaires, avec plusieurs parties de soirée, une programmation encore plus service public, avec plus de fictions, plus de films, plus d'adaptations de grandes oeuvres, plus de courts métrages, plus d'Europe, plus d'information, nationale et régionale... (Approbations sur les bancs UMP) C'est un grand projet culturel...
M. David Assouline. - Pas financé !
Mme Christine Albanel, ministre. - ...qui touchera toute la France, et pas seulement des Parisiens, une réforme financée, avec 450 millions en loi de finances. Il faut la mettre en oeuvre, tout le monde y est prêt. Je serai donc présente le jour et la nuit à l'Assemblée nationale pour porter le débat. La réforme doit s'appliquer le 5 janvier, d'où l'idée d'un décret, puisque l'aménagement de la publicité relève du domaine réglementaire : toutes les dispositions publicitaires sont issues du décret du 27 mars 1992. L'enjeu en vaut la peine : les Français, les téléspectateurs apprécieront cette réforme ambitieuse. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
Crise et pouvoir d'achat
Mme Odette Terrade . - (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG) Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. Jeunes, travailleurs ou retraités, nos concitoyens sont touchés de plein fouet par la crise. C'est l'échec de votre politique, vous qui avez défendu par vos politiques dévastatrices un capitalisme mondialisé. Licenciements et chômages techniques se multiplient, emportant des pans entiers de notre économie, comme en témoigne le terrible exemple du secteur automobile. Le Gouvernement ne sanctionne pas ces délinquants sociaux qui laissent des milliers de travailleurs sur le carreau pour mieux rémunérer les actionnaires.
Face à cette situation économiquement désastreuse et socialement insoutenable, le Président de la République annonce pompeusement un plan de relance, assorti d'un ministre d'affichage. En fait de relance, on s'occupe de la trésorerie des entreprises en incitant les ménages à s'endetter : 26 milliards aux unes, mais rien pour l'emploi et le pouvoir d'achat des autres. Ce plan n'est pas à la hauteur des besoins. Encore une fois, vous accordez aux employeurs des exonérations sans contrepartie, mais en guise de rattrapage du pouvoir d'achat, les salariés devront payer plus s'ils veulent maintenir leur protection sociale. Pas de revalorisation des salaires et des minima sociaux, à peine un rattrapage des retraites, des aides au logement en berne, des franchises médicales, un prix du gaz exorbitant et une prime de Noël insuffisante... La majorité sénatoriale n'est pas en reste quand elle vote la fiscalisation des indemnités journalières et la suppression de la demi-part des parents isolés. (Approbations à gauche) Vous avez même osé envisager la suppression de l'ISF et la déductibilité des pertes de bourse. Curieuse conception d'une relance au profit des seuls privilégiés...
M. le président. - Votre question.
Mme Odette Terrade. - La France et son peuple attendent une véritable politique de relance en faveur du pouvoir d'achat et de la consommation ; quand allez-vous enfin prendre des mesures en ce sens ? (Applaudissements à gauche)
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance - . Décidément, les leçons de l'histoire ne servent à rien ! Le communisme s'est affaissé, pas le capitalisme. (Exclamations sur les bancs CRC-SPG) Il subit une crise comme il en a traversé de multiples depuis le XIIIe siècle. En rendre responsable le Gouvernement et le Président de la République montre que vous n'avez rien compris. Le plan de relance annoncé par le Président de la République est absolument comparable à ceux qui ont été lancés par la plupart des grands pays...
M. Guy Fischer. - Et qui ont échoué !
M. Patrick Devedjian, ministre. - Vous dites que la consommation est oubliée, mais lorsqu'on lance un plan d'investissement, c'est pour accroître la production, donc le travail et les salaires, et donc, in fine, la consommation.
Ensuite, ce plan a une dimension sociale que vous voulez ignorer. Ainsi 800 millions seront versés dès le premier trimestre 2009 en anticipation du RSA, soit 200 euros par personne pour les quatre millions de bénéficiaires du RMI, 500 millions seront consacrés aux contrats de transition professionnelle et 160 à la rénovation des centres d'hébergement, sans parler des mesures en faveur du logement, par exemple des 200 millions consacrés aux contrats Anru.
Ce plan est équilibré, coordonné avec ceux de l'ensemble des démocraties, à l'exception de la Grande-Bretagne -parce que la Grande-Bretagne n'a plus d'industrie, alors que nous, nous en avons encore une... (Applaudissements à droite ; protestations à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur. - M. Devedjian n'a pas changé...
Profanation du cimetière de Notre-Dame-de-Lorette
Mme Françoise Henneron . - (Applaudissements à droite) Les tombes du carré musulman du cimetière militaire de Notre-Dame-de-Lorette dans la commune d'Ablain-Saint-Nazaire, dans mon département du Pas-de-Calais, ont à nouveau été profanées dans la nuit de dimanche à lundi. Plus de 500 sépultures musulmanes et une dizaine de stèles juives ont été souillées. La date n'a pas été choisie au hasard puisque les profanateurs ont agi le jour de l'Aïd el Kebir, fête la plus importante du calendrier musulman, ce qui aggrave l'horreur de cet acte.
Ces faits odieux sont unanimement condamnés et il n'y a pas de mots assez forts pour dénoncer ces actes ignobles qui font appel aux plus bas instincts humains, le racisme et la haine. Je n'en dirais pas plus, ce serait faire trop de cas de leurs auteurs. A ma connaissance, l'enquête qui a été immédiatement diligentée n'a pas encore permis de procéder à des interpellations.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, s'est rendu sur place dès lundi après-midi.
Voix sur les bancs socialistes. - Alors, on est sauvés !
Mme Françoise Henneron. - En vingt mois, la nécropole a été profanée à trois reprises : en avril 2007, 52 tombes ont été souillées, puis 148 en avril 2008, avant la profanation toute récente de dimanche. Un plan d'action avait d'ailleurs été lancé au mois d'avril lors de la précédente profanation.
Alors que l'on encourage le devoir de mémoire auprès de nos plus jeunes afin qu'ils n'oublient jamais le sacrifice de leurs aînés, on ne peut être que révolté de voir de tels agissements se reproduire quelques semaines après le 90e anniversaire du 11 novembre 1918. C'est un outrage inconcevable commis par une poignée de voyous qui ne représentent heureusement qu'une minorité. L'image du département du Pas-de-Calais est à nouveau salie parce qu'associée à de tels faits, qui doivent cesser.
Madame la ministre de l'intérieur, quel est l'état d'avancement de l'enquête, quelles mesures ont été prises pour la sécurisation du site afin que l'on ne revoie plus jamais de tels agissements à Notre-Dame-de-Lorette, et que comptez-vous faire pour traiter le phénomène au plan national ? (Applaudissements à droite)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Les profanations de tombes, quelle que soit la religion visée, sont intolérables. C'est une atteinte insupportable à la mémoire des morts, à leurs familles et, en l'occurrence, à des soldats qui ont combattu pour notre liberté et pour la France. Ce n'en est que plus scandaleux.
C'est la troisième fois que ce cimetière est profané. Mais je vous rassure : l'image du Pas-de-Calais n'en est pas pour autant atteinte, parce que les errements de quelques individus ne peuvent être généralisés. D'autant que dans ce département, la condamnation est unanime.
J'ai immédiatement envoyé sur place les équipes de la police scientifique et technique pour opérer des prélèvements, lesquels sont examinés en laboratoire. Parallèlement des interrogatoires sont en cours, une information judiciaire est ouverte et les auditions continuent sous la responsabilité d'un juge.
La surveillance de cette nécropole était assurée depuis la profanation précédente, mais elle est difficile à réaliser sur une surface de dix-sept hectares. Nous l'avons donc renforcée et avons pris des mesures supplémentaires : pose de barrières sur les voies d'accès, renforcement des portails, installation de caméras thermiques, la dernière profanation ayant été facilitée par un épais brouillard. Une consultation sera lancée pour la première tranche d'installation de ces caméras, de façon que les travaux commencent en avril prochain.
Tout sera mis en oeuvre pour protéger cette nécropole et, surtout, pour identifier, déférer devant la justice et sanctionner sévèrement les délinquants. (Applaudissements à droite et au centre)
Plan de relance
M. Pierre-Yves Collombat . - Monsieur le ministre de la crise, il y a huit jours le Président de la République nous livrait le contenu de son plan de relance. La Marseillaise finale sonnait très bien mais je ne suis pas sûr d'avoir compris ce qui la précédait.
Diagnostic de Nicolas Sarkozy : « La crise que nous traversons n'est pas une crise passagère... une simple crise conjoncturelle » mais une crise « structurelle » qui « va transformer pour longtemps l'économie, la société, la politique ». A cet infarctus économique sévère, il répond pourtant, par les tisanes d'ordinaire administrées aux refroidissements passagers de la croissance.
Les investissements ? Pas un euro de plus ! « Il ne s'agit pas de dépenser plus dans la durée mais de dépenser plus vite ce qui aurait dû être étalé sur de nombreuses années. Ce qui signifie que les dépenses ne pèseront pas sur le déficit après 2010 et que nous n'abandonnons pas l'objectif d'assainir le plus vite possible nos finances publiques ».
Fort bien, mais très franchement, croyez-vous que les collectivités qui boucleront difficilement leur budget 2009 dans l'incertitude totale de leur avenir financier vont multiplier leurs investissements parce qu'elles pourront percevoir par avance ce qui leur est dû ? Payer ce que doit l'État, c'est une curieuse relance ! Maigrelette relance de 4 milliards par an, puisqu'il faudra bien quatre ans pour mobiliser la totalité des crédits des grands projets en cours.
La consommation ? En théorie 4 milliards, ce qui fait seulement un milliard par an sur quatre ans. En réalité 800 millions d'augmentation du pouvoir d'achat des ménages, et pas au nom de la relance, mais de la solidarité.
M. le président. - Posez votre question !
M. Pierre-Yves Collombat. - Une solidarité de misère d'ailleurs, qui attristerait même George Bush. C'est pourtant le revenu des ménages la clef de la relance. Pourquoi en effet, les entreprises investiraient-elles si elles savent que, faute de pouvoir d'achat, leur production ne trouvera pas acquéreur ?
A quoi bon refinancer le crédit si les ménages restent insolvables ? Où sont les mesures structurelles pour répondre à la crise structurelle diagnostiquée par le Président de la République ? Comme vous ne manquerez pas de les prendre, quand leurs effets se traduiront-ils sur la courbe descendante de la croissance et la courbe ascendante du chômage ? (Applaudissements à gauche)
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance . - La crise mondiale est si profonde que nous devrions tous ensemble, quelles que soient nos opinions, travailler à aider la France à la surmonter. (Applaudissements à droite) Nous avons mieux à faire que nous quereller. (Exclamations sur les bancs socialistes) Quand le Gouvernement prend des mesures pour aider les collectivités territoriales, il le fait indépendamment de la couleur de leurs exécutifs.
Le plan de relance comporte 26 milliards d'euros de dépenses...
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce sont des avances !
M. Patrick Devedjian, ministre. - ...dont 75 % doivent être dépensés en 2009 pour avoir un effet contracyclique. Seront recherchés en priorité les projets ayant un effet multiplicateur de trois, pour un financement de 100 millions en deux ans.
M. Pierre-Yves Collombat. - Où sont les mesures structurelles ?
M. Patrick Devedjian, ministre. - Ce plan est coordonné avec ceux des autres pays européens, ce qui en renforcera l'impact.
Les investissements, ce sont 4 milliards dégagés par l'État pour des investissements stratégiques, autant par les entreprises nationales et 2,5 milliards au titre du FCTVA.
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce n'est pas structurel !
M. Patrick Devedjian, ministre. - Mais si ! Ces sommes faciliteront le démarrage en 2009 de projets qui n'auraient pas vu le jour faute de financements. Des mesures de simplification administrative en feront sortir d'autres plus rapidement. Tout cela aura des effets structurels, essayez de le comprendre et d'apporter votre concours, c'est l'intérêt du pays ! (Applaudissements à droite)
Plan de relance et lutte contre la pauvreté
M. Bernard Fournier . - Aujourd'hui, en France, des gens souffrent de la faim et du froid, d'autres s'inquiètent pour leur avenir. A Compiègne, chez notre collègue M. Marini, puis à Douai, le Président de la République a annoncé un plan de relance et des mesures à destination des plus démunis et des salariés modestes. Beaucoup a déjà été fait en direction de nos compatriotes les plus fragiles, notamment des retraités et des bénéficiaires de l'aide au logement. Le Président de la République a tenu dans ses interventions à consacrer un temps particulier à la lutte contre la pauvreté et la précarité, et souhaité que des mesures soient prises pour améliorer le sort des salariés modestes. C'est une question de pure justice.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler les mesures qui aideront nos concitoyens modestes à traverser la grave crise que nous connaissons ? (Applaudissements à droite)
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance . - Au grand nombre de questions posées aujourd'hui sur le sujet, je mesure la conscience qu'a le Sénat, sur tous ses bancs, de la gravité de la situation et de son souhait de voir la solidarité nationale s'exercer.
La crise aura des répercussions sociales importantes. Le plan de relance a donc deux dimensions, l'investissement et le social, la première ayant évidemment des effets positifs sur la seconde. Les travaux d'infrastructures créeront des emplois qui procureront des salaires et ainsi favoriseront la consommation. Le plan comporte aussi des volets logement, emploi et solidarité, dont, pour ce dernier, la prime de 200 euros versée aux allocataires du RSA.
La question de l'emploi est centrale ; les embauches dans les très petites entreprises seront exonérées de charges sociales en 2009, et 500 millions seront affectés notamment aux contrats aidés, dont les contrats de transition professionnelle. Un effort de 3 milliards est en outre consenti pour le logement : un programme de 100 000 logements, 160 millions pour les centres d'hébergement et 200 millions pour les contrats Anru. (Applaudissements à droite)
Crise économique et aide au développement
Mme Christiane Kammermann . - Alors que les pays en développement ne sont en rien responsables de la crise que connaissent les économies occidentales, ils risquent, particulièrement l'Afrique, d'en payer les conséquences ; la Banque mondiale et le FMI ont d'ailleurs formulé des mises en garde à ce sujet. Je pense à la raréfaction du crédit, au ralentissement des investissements directs étrangers ou à la baisse des cours des matières premières. Si la croissance en Afrique devrait se situer l'an prochain entre 4 et 5 %, elle connaîtra une baisse de deux points par rapport à 2008. Or chaque point perdu fait reculer dramatiquement la lutte contre la pauvreté ; c'est une catastrophe pour les pays du Sud.
A court terme, ils auront besoin, eux aussi, de plans de relance. Mais contrairement à nous, ils ont peu de marges budgétaires. Si les pays du Sud doivent assumer leur part de responsabilité dans le développement, à commencer par la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion de leurs fonds publics, les pays développés ne peuvent se dérober aux leurs en matière d'aide publique au développement.
Nous devons donc soutenir une croissance durable, réduire la pauvreté et réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. Les pays donateurs, notamment la France, changeront-ils d'attitude sous prétexte que la priorité doit être donnée au sauvetage de leur économie ? Quelles mesures la France compte-t-elle prendre pour aider les pays du Sud et, en particulier, l'Afrique ? (Applaudissements à droite)
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie . - L'Afrique est effectivement inquiète car elle a peur que la crise ne la mette encore plus en difficulté.
La France a agi à trois niveaux, grâce à l'action et au rayonnement du Président de la République et du Gouvernement. Au niveau mondial, la réunion du G20 à Washington s'est penchée, pour la première fois, sur la question de l'aide au développement. Comme cela est écrit à l'article 14, les pays développés vont rééquilibrer les relations entre le Nord et le Sud.
L'Europe unanime a décidé d'aider l'agriculture vivrière dans les années à venir. A l'initiative de la France, un milliard supplémentaire financera tous les projets publics et privés, notamment en Afrique subsaharienne, afin de relancer durablement cette agriculture.
Au niveau national, le Gouvernement a beaucoup travaillé avec les commissions sénatoriales des affaires étrangères et des finances afin que l'aide publique de la France progresse. La mission « Aide publique » augmentera l'année prochaine de 2,46 %, soit un total de plus de 3 milliards de crédits de paiement.
Pour soutenir le développement économique, nous allons mettre en place deux fonds, dotés chacun de 250 millions, pour financer les créations d'entreprises en Afrique, notamment celles portées par les jeunes Africains diplômés qui manquent de moyens. Enfin, nous encourageons tous les financements innovants : la taxe sur les billets d'avion contribue ainsi efficacement à la lutte contre le sida.
La France a été au centre de toutes ces actions : le rééquilibrage entre le Nord et le Sud est de l'intérêt de l'Afrique, mais aussi du nôtre. Je vous propose aussi de venir en aide à ces pays, pour la raison, mais aussi avec le coeur, ce qui sera plus enthousiasmant. (Applaudissements à droite et au centre)
Enfance en danger
Mme Claire-Lise Campion . - A l'occasion de l'examen de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », j'ai interrogé le Gouvernement sur la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance en danger. Il nous a annoncé la publication d'un décret relatif à la création des observatoires départementaux de la protection de l'enfance, suivi d'un autre concernant la formation des intervenants.
Mais le Gouvernement est resté silencieux sur le financement de cette réforme ! Or, l'article 17 de la loi prévoit la création d'un Fonds national de financement de la protection de l'enfance : ni le décret de création de ce dispositif, ni les fonds permettant de l'abonder n'ont été mis en place. Or, le montant des seules mesures nouvelles était évalué à 150 millions. Aujourd'hui, le soutien apporté par l'État à la protection de l'enfance en danger reste marginal, puisqu'il ne se monte qu'à 6 millions. Certes, la prévention et la lutte contre la maltraitance des enfants relèvent essentiellement des départements, qui assument l'essentiel de la dépense. Mais le fonds doit compenser toutes les nouvelles mesures mises à leur charge. Il ne suffit donc pas de légiférer : encore faut-il publier les décrets et débloquer les fonds ! Sinon, la loi ne s'applique pas, ce qui concourt à discréditer l'action publique aux yeux de nos concitoyens.
Nous en venons à nous demander si le Gouvernement souhaite vraiment avancer. Ainsi, un projet de décret a été soumis au comité des finances locales qui a rendu un avis le 8 février : cela fait maintenant dix mois ! Pourquoi tant de retard ?
De plus 30 millions de la Caisse nationale des allocations familiales devaient être affectés au Fonds de protection de l'enfance en danger en 2007.
M. le président. - Votre question !
Mme Claire-Lise Campion. - Comme le Gouvernement n'a pas publié le décret, ces 30 millions ont servi à d'autres actions en 2008. (Exclamations à droite)
M. Alain Gournac. - La question !
Mme Claire-Lise Campion. - Perte de temps, perte d'argent. Derrière ces chiffres et ces textes, il y a des enfants en danger, des enfants en souffrance ! L'État n'a pas été au rendez-vous en 2007 ni en 2008. Il ne le sera pas non plus l'année prochaine. Le sera-t-il en 2010 ? (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité . - Je vous rappelle que la loi du 5 mars 2007 a été adoptée à l'unanimité. Nous avons su tous nous retrouver sur la question de la protection de l'enfance.
Sur tous les bancs, vous souhaitez savoir comment ce texte va être appliqué. Il y a effectivement encore deux décrets qui n'ont pas été publiés : ils font l'objet d'arbitrages interministériels (exclamations sur les bancs socialistes) et ils concernent le Fonds de protection de l'enfance et la médecine scolaire.
Deux autres décrets sont en cours de publication : celui relatif à la transmission de données entre les cellules, les observatoires et l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned), et celui relatif à la formation de tous les professionnels qui travaillent avec des enfants.
M. Bernard Frimat. - Cela a été dit !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce dernier décret a fait l'objet de travaux conjoints entre six ministères.
Avant de les publier, nous vérifions si les décrets d'application correspondent bien aux réalités du terrain. (Nouvelles exclamations à gauche) A chaque fois, il y a eu un travail de concertation important entre les services de l'État, les conseils généraux, mais aussi les associations. Mme Morano vous a confirmé que le Gouvernement était fermement décidé à appliquer ces textes.
Même si deux décrets restent à publier, la loi du 5 mars 2007 est globalement d'application immédiate.
L'État, quant à lui, tient ses engagements : il finance les réseaux d'aide et d'appui à la parentalité et le GIP Enfance en danger, qui traite les appels du numéro 119. Le ministère de l'éducation nationale est, lui aussi, totalement mobilisé sur le sujet. (On en doute à gauche)
Je puis vous assurer que cette loi sera appliquée, car il y a certainement peu de choses aussi importantes que la protection de nos enfants. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Nous en avons terminé avec la séance de questions d'actualité. Mais avant de suspendre je donne la parole à M. Arthuis, président de la commission des finances, qui la demande pour un fait personnel.
M. Jean Arthuis. - Je souhaite en effet réagir aux propos tenus par Mme Terrade.
M. Henri de Raincourt. - Ignobles...
M. Jean Arthuis. - Notre collègue affirme que lundi après-midi, lors de l'examen des articles non rattachés à la seconde partie de la loi de finances, j'ai voulu « supprimer l'ISF ». Elle omet de mentionner que notre première préoccupation était de mettre un terme au bouclier fiscal, injuste dans son application ; et que nous voulions supprimer l'ISF tout en créant, en contrepartie, une cinquième tranche de l'impôt sur le revenu, pour compenser la perte de recettes. (M. Dominique Braye approuve) Il s'agit bien d'une trilogie, dont chaque élément est indissociable des deux autres. (Applaudissements à droite et exclamations à gauche)
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 20.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
Rappel au Règlement
Mme Odette Terrade. - Rappel au Règlement fondé sur l'article 36-3. De mémoire de sénatrice, jamais un président de séance n'avait accordé la parole à un orateur à l'issue des questions d'actualité pour qu'il réponde à un propos tenu par l'auteur d'une question, lui-même privé de droit de réponse. Notre groupe n'a pas failli en faisant référence à la volonté de M. Arthuis de supprimer l'ISF. A preuve, l'amendement n°II-309 à la loi de finances, déposé par M. Arthuis au nom du groupe UC, prévoyait l'abrogation de l'impôt de solidarité sur la fortune en 2010 et, partant, la suppression du bouclier fiscal.
M. Jean-Jacques Hyest. - Eh oui !
Mme Odette Terrade. - Le procès-verbal de séance en atteste également.
M. Guy Fischer. - Nous nous en sommes tenus aux faits !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Dans ce cas, pourquoi omettre la troisième partie de l'amendement visant à créer une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu pour les plus hauts revenus supérieurs ?
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence - Suite)
Mme la présidente. - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et du projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
La discussion générale commune a été close.
Article 25 de la Constitution (Loi organique - Urgence)
Mme la présidente. - Conformément aux indications de M. le ministre, nous examinons d'abord le projet de loi organique, dont le vote sera réservé afin que le vote sur l'ensemble du projet de loi ordinaire intervienne en premier.
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°12, présentée par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant application de l'article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009).
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Alors que le Sénat entreprend de réformer son Règlement pour valoriser les droits de l'opposition, il devrait voter conforme un projet de loi organique, dont le texte a été verrouillé à l'Assemblée nationale, pour que le Président de la République puisse procéder rapidement à un remaniement ministériel.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Mais non, il s'agit de donner une traduction législative à la révision constitutionnelle !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Révision constitutionnelle qui, loin de revaloriser le Parlement, réduit le Sénat à jouer le rôle de chambre d'enregistrement (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le conteste) Nous aurions aimé débattre plutôt que d'être sommés de voter une loi circonstancielle visant à organiser le retour automatique au Parlement des ministres en fonction... Puis-je rappeler que le Sénat a adopté cette disposition à l'article 46 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 quand sa commission des lois, ralliée à notre position, s'opposait à son caractère rétroactif ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est exact !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le Gouvernement a fait pression sur la majorité pour assurer aux parlementaires un parachute doré...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Parachute peut-être, mais certainement pas doré ! (M. Pierre Fauchon le confirme)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les suppléants ont accepté de renoncer à des mandats locaux ou de démissionner de leur poste pour remplacer les députés entrés au Gouvernement en 2007 parce qu'ils avaient la certitude de siéger jusqu'au prochain renouvellement ; ils ont engagé des salariés pour remplir leur tâche. Va-t-on leur dire que le droit a changé pour l'avenir comme pour le passé ? Appelons un chat un chat : il ne s'agit pas d'une loi d'application immédiate, mais d'une loi rétroactive. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le conteste)
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Ce n'est pas une loi, c'est la Constitution !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - On revient sur les droits acquis par les suppléants...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - En la matière, il n'y a pas de droits acquis !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - ...lorsqu'ils ont accepté la mission qui leur était confiée.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La question a été tranchée par le Conseil constitutionnel !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Bref, vous entretenez à dessein la confusion entre application immédiate et rétroactivité pour masquer une injustice ; stratégie que Mme le garde des sceaux avait utilisée pour faire accepter le caractère rétroactif de la rétention de sûreté qui a été sanctionné par le Conseil constitutionnel.
Revenons-en au texte. Avec l'institution d'un parachute pour les seuls besoins des ministres, vous allez contre l'intérêt général : vous privez les électeurs de leur vote en supprimant les élections partielles au profit d'un simple jeu de chaises musicales ; vous fragilisez la solidarité gouvernementale en assurant aux ministres une confortable sortie de secours ; vous empêchez les suppléants devenus parlementaires d'exercer sereinement un mandat suspendu au bon vouloir du ministre, si ce n'est celui du Président de la République.
Il s'agit d'un cumul masqué de fonctions exécutive et parlementaire, en violation du principe de séparation des pouvoirs.
Le deuxième motif d'irrecevabilité tient au sort réservé aux parlementaires remplaçants, dont M. Fauchon s'est ému tout à l'heure. Le parlementaire sortant ne disposera ni d'un délai raisonnable pour retrouver un emploi, ni d'une indemnité compensatoire, ni de moyens d'action, ni d'une porte de sortie pour ses salariés. Un délai d'un mois ne suffit pas. Quel parlementaire acceptera dans ces conditions de remplir sérieusement sa mission ?
Lors de nos échanges en commission, j'ai cru comprendre que des propositions seraient faites pour limiter les effets d'une telle précarité. Mais c'est insuffisant. Les conséquences de cette loi organique n'ont pas été correctement évaluées. Pourquoi ne pas avoir déposé une proposition de résolution offrant au parlementaire intérimaire un parachute ?
Je finirai par un dernier motif d'irrecevabilité. Cette loi organique n'envisage pas le cas très simple où un parlementaire remplaçant accepterait lui aussi un poste au Gouvernement. Que se passera-t-il par exemple si M. Lefebvre, suppléant de M. Santini, entre au Gouvernement ? Une élection partielle sera-t-elle organisée ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Bien sûr !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Dans ce cas, si M. Santini décide après l'élection de retrouver son siège, pourra-t-il prétendre que son remplacement est anticonstitutionnel, dans la mesure où son mandat n'est pas arrivé à son terme normal ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est la raison pour laquelle M. Lefebvre ne sera pas ministre.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cette question n'est pas absurde : il y a là un vide juridique. Il ne sert à rien de graver dans le marbre un principe, si toutes ses conséquences n'ont pas été évaluées.
Voilà pourquoi, chers collègues, nous vous proposons d'adopter cette motion. (Applaudissements à gauche)
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Je reconnais dans cet exposé l'ingéniosité habituelle de Mme Boumediene-Thiery. La commission des lois n'a pas pu examiner cette motion déposée tardivement ; je vous donnerai donc mon avis personnel, en tenant compte des débats qui s'y sont tenus.
Une exception d'irrecevabilité est justifiée si des dispositions d'une loi sont contraires à la Constitution ou aux principes de valeur constitutionnelle. Or cette loi organique ne fait qu'appliquer l'article 25 de la Constitution, tel qu'il résulte de la dernière révision. On peut le regretter, mais c'est ainsi. Lors de la première lecture du projet de loi constitutionnelle, nous avions suivi vos suggestions, madame (Mme Alima Boumediene-Thiery le confirme), mais nous n'avons pas eu gain de cause sur ce point en commission mixte paritaire.
Les parlementaires et leurs suppléants sauront à quoi s'en tenir. Il faudra sans doute réfléchir au sort de nos collègues remplaçants : M. Leleux a fait des propositions intéressantes à ce sujet. Mais cela relève des décisions de la Conférence des Présidents et des questeurs, non de la loi ; c'est, pour ainsi dire, un problème de droit du travail. Vous avez d'ailleurs posé une excellente question au sujet des assistants parlementaires, qui peuvent être licenciés à tout moment : il faudra se pencher sur ce problème, qui pourrait susciter des mécontentements.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il en suscitera sûrement !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Voilà pourquoi je suis défavorable à cette motion.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je suis du même avis que M. le rapporteur.
M. Bernard Frimat. - Cette motion soulève des problèmes intéressants. Comme je l'ai dit ce matin, nous connaissons le nom de l'assassin et le déroulement du film ; nous parlons donc pour le Conseil constitutionnel, qui ne manquera pas d'être attentif à nos débats.
Sur certains points, la révision constitutionnelle a tranché. Mais plusieurs problèmes demeurent, touchant à la rétroactivité et à la différence de statut entre ministres et parlementaires. Avec cette loi, on pourra être élu parlementaire, puis devenir ministre tout en gardant le droit de retrouver son siège au Parlement, à moins que son suppléant ne soit lui-même devenu ministre et qu'un nouveau titulaire du siège n'ait été élu... Tout cela sent l'impréparation. La finalité de ce projet de loi organique, c'est d'assurer un confort maximal aux ministres en place, et de créer un fantastique effet d'aubaine.
Quant au sort de nos collègues chassés, démis d'office, il est un peu facile de le laisser entre les mains des questeurs. Vous connaissez, monsieur Gélard, la maxime de Loysel : « Qui fait l'enfant le doit nourrir ». Dans le cas qui nous occupe, nous savons qui est le père : c'est le Gouvernement. (Sourires) C'est donc à lui de prendre en charge l'avenir des suppléants démis de leurs fonctions.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je ne peux laisser dire des contre-vérités. C'est la loi constitutionnelle adoptée en juillet dernier qui précise elle-même, en son article 46, que « les dispositions de l'article 25 de la Constitution relatives au caractère temporaire du remplacement des députés et sénateurs acceptant des fonctions gouvernementales, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s'appliquent aux députés et sénateurs ayant accepté de telles fonctions antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n'est pas encore expiré ». Il n'y a là nulle rétroactivité, mais seulement l'application aux situations en cours à la date d'entrée en vigueur du texte. Il n'a pas même été besoin d'ajouter un article au projet de loi organique pour le préciser : cette disposition se suffit à elle-même.
Les auteurs de la motion prétendent que ce texte n'apporte pas suffisamment de garanties aux suppléants. Mais il ne s'agit pas là d'une disposition anticonstitutionnelle, qui justifierait une exception d'irrecevabilité ! Il revient au Bureau de chaque assemblée de prendre les mesures nécessaires ; elles ont déjà pris des dispositions similaires pour les parlementaires dont le mandat n'est pas renouvelé.
Permettez-moi d'ailleurs de dire que je trouve étrange, à l'heure où nos concitoyens souffrent de la crise, que l'on parle de parlementaires comme de victimes. Quelle différence entre les suppléants contraints de quitter leurs fonctions et les députés qui n'ont pas été réélus suite à une dissolution de l'Assemblée nationale, par exemple en 1981 ?
M. Jean-Pierre Michel. - Et en 1997 !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - En 1997 vous n'y étiez pour rien, en 1981 si.
M. Jean-Pierre Michel. - En 1997 j'en ai fait les frais !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Les points essentiels de ce projet de loi organique ont déjà été tranchés lors de la révision constitutionnelle. Il n'y a pas lieu d'y revenir.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Le principe de non-rétroactivité ne joue pas en droit constitutionnel : la Constitution fixe la règle du jeu, et quand celle-ci change, tout le monde doit s'y adapter.
M. Frimat a voulu un débat : eh bien, celui-ci a lieu ! Nous avons débattu avec précision des problèmes touchant à la dernière révision constitutionnelle, mais aussi à l'existence de représentants des Français établis à l'étranger ou en outre-mer. Le Conseil constitutionnel, et éventuellement le Conseil d'État, pourront se fonder sur nos travaux préparatoires.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je voterai la motion présentée par Mme Boumediene-Thiery. Comme je l'ai dit ce matin, ce texte pose deux grands problèmes : la rétroactivité, et le statut de l'élu.
Depuis très longtemps, nous sommes nombreux, y compris à droite, à vouloir un véritable statut de l'élu. Il faudra y penser pour l'année qui vient !
M. François Fortassin. - Le problème n'est pas de savoir si cette loi est irrecevable ou non : elle est profondément viciée et incohérente !
De 1880 à 2000, mon département s'est régulièrement dépeuplé. Depuis 2000, il a gagné 10 000 habitants.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - On en tient compte !
M. François Fortassin. - En 1986, avec la proportionnelle, nous sommes passés de deux à trois députés. Quand la droite est revenue au pouvoir, elle a rétabli le scrutin majoritaire mais le département a conservé les trois sièges. Comment expliquer aujourd'hui que nous en perdons un, alors que la population a augmenté ? Pourtant, 1986 n'est pas si loin !
Vous allez fabriquer des parlementaires de seconde zone :...
M. Jean-Pierre Fourcade. - Disons au rabais !
M. François Fortassin. - ...élus comme suppléants, ils ne sauront pas s'ils siègeront un mois ou un an !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - C'est la Constitution !
M. François Fortassin. - Quel sera l'état d'esprit de ces travailleurs intérimaires ?
M. Jean-Pierre Michel. - En CDD !
M. François Fortassin. - En tout état de cause, ce débat est obsolète, puisqu'on nous a déjà annoncé que le Sénat voterait conforme.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Nous n'avons pas dit ça !
M. François Fortassin. - Ce serait par courtoisie républicaine... Soit, mais c'est considérer que la Haute assemblée ne sert à rien ! C'est inacceptable.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - C'est ça qui est inacceptable !
M. François Fortassin. - Je ne participerai pas à cette mascarade. Les réponses du ministre ont été pour le moins embarrassées...
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Pas du tout ! Elles étaient très complètes !
M. François Fortassin. - Notre rapporteur est même obligé de voler à son secours !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Le ministre n'a pas besoin de moi !
M. François Fortassin. - Alors n'intervenez pas !
Ce débat qui intéresse les Français est tronqué. On nous parle d'une commission indépendante -mais dès lors que c'est le Président de la République qui en nomme le président, cette indépendance est bien relative...
M. Jean-Pierre Godefroy. - C'est le moins qu'on puisse dire !
M. François Fortassin. - Bref, elle sera sous tutelle ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je remercie M. Fortassin de poursuivre la discussion générale, mais nous examinons en ce moment une motion d'irrecevabilité. Nous ne faisons qu'appliquer les nouvelles dispositions constitutionnelles.
Certains avaient formulé des objections de principe.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Y compris à l'UMP ! (Sourires)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Pas seulement !
Il est normal que les députés ou sénateurs qui deviennent ministres aient un « remplaçant éventuel » -c'est le terme correct. Lors du débat constitutionnel, le Sénat s'était interrogé sur l'opportunité d'appliquer cette disposition aux ministres actuellement en poste, sachant que leurs suppléants n'y étaient pas préparés. Le constituant a tranché. Votre raisonnement est subtil et ingénieux, mais il ne tient pas ! Nous viendrons tout à l'heure à la loi ordinaire. L'intervention de M. Fortassin était pleine de bon sens, comme toujours, mais...
M. Robert del Picchia. - Hors sujet !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - ...la discussion générale est close !
En application de l'article 59 du Règlement, la motion n°12 est mise aux voix par scrutin public
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 138 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°13, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant application de l'article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009).
M. Guy Fischer. - Cette motion porte à la fois sur la loi organique et la loi ordinaire. La révision constitutionnelle, que vous avez fait voter à l'arrachée, à une voix près, était présentée comme un grand progrès dans la revalorisation du rôle du Parlement. Or l'urgence a été déclarée sur les deux textes que nous examinons aujourd'hui, et des dispositions ayant trait au fonctionnement du Parlement sont renvoyées à des ordonnances ! Belle revalorisation du Parlement !
En outre, un projet de loi organique portant sur les pouvoirs, les droits du Parlement et les nouveaux modes de travail entre le Gouvernement et le Parlement a été présenté hier en conseil des ministres, alors que les groupes de travail de l'Assemblée nationale et du Sénat n'ont pas achevé leur réflexion. Le président Larcher a annoncé que ces travaux seraient terminés le 14 janvier. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le conteste) L'Élysée n'a pas jugé utile d'attendre cette échéance...
Ce projet prévoit très concrètement de limiter le droit d'amendement : bel exemple de revalorisation des droits du Parlement !
Bien de circonstance, le projet de loi organique garantit aux parlementaires nommés ministres de retrouver leur siège lorsqu'ils quittent le Gouvernement. Cela au nom de l'efficacité, affirme le Gouvernement. Les ministres sont aujourd'hui remplacés par leurs suppléants et doivent, pour retrouver leur siège, se présenter devant les électeurs : cette mesure de respect envers les citoyens leur permet d'exprimer un jugement sur l'action de leurs parlementaires devenus ministres : votre défiance à l'égard des électeurs est inopportune.
Lors d'un scrutin législatif les électeurs votent aujourd'hui en toute connaissance de cause pour un député et pour son suppléant et, si le premier démissionne ou devient ministre, le second devient parlementaire. Au-delà de ce principe démocratique, la réforme consacre l'existence autour du Président de la République non pas d'un Gouvernement, mais d'un super-cabinet dont il pourra disposer à sa guise, soit au Gouvernement, dont il est le chef, soit au Parlement, dont il est le chef, soit à l'UMP, dont il est le chef...
M. Pierre Fauchon. - Et c'est très bien !
M. Guy Fischer. - Les ministres renversés par une motion de censure retrouveront-ils leur siège ? La motion de censure cesserait d'être une sanction et les électeurs n'auraient plus le pouvoir de sanctionner l'action du Gouvernement, qui est pourtant l'une des bases de la démocratie. Votre réforme aboutit à un cumul entre fonction gouvernementale et mandat parlementaire, en totale contradiction avec l'article 23 de la Constitution.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - L'ancien article 23 !
M. Guy Fischer. - Le suppléant, par définition éphémère, sera le représentant direct du parlementaire devenu ministre et devant retourner au Parlement dès qu'il cessera de l'être... et qui restera donc parlementaire pendant qu'il est au Gouvernement. Si le projet de loi organique présente l'avantage de l'efficacité, c'est uniquement en assurant l'hégémonie du Président de la République, qui aura à portée de main des collaborateurs irresponsables devant le Parlement.
Le petit chassé-croisé auquel nous assistons aujourd'hui entre Gouvernement et UMP nous conforte dans cette critique et dans la conviction que l'exercice démocratique, quoique difficile, reste indispensable. Enfin, il n'est pas acceptable que la réforme s'applique au Gouvernement actuel car les suppléants des ministres sont devenus des parlementaires à part entière.
Le projet de loi ordinaire met en place une commission chargée de rendre un avis public sur les projets de délimitation des circonscriptions. Elle servira en réalité de caution à un redécoupage qui, quel que soit son avis, sera réalisé sur mesure. Ce redécoupage interviendra au moment où se mettra en place la réforme des collectivités locales. Est-ce pour avoir des collectivités taillées sur mesure ? Il est en tout cas cavalier de prévoir cette commission à l'article premier et, dès l'article 2, d'autoriser des ordonnances délimitant les circonscriptions. C'est votre précipitation qui vous a conduits à prévoir que la commission serait aussi saisie des projets d'ordonnance : les arbitrages sont déjà rendus et tout cela est bien hypocrite !
Le 12 septembre, vous expliquiez dans Libération qu'une dizaine de circonscriptions devraient disparaître, dont deux à Paris, deux dans le Nord-Pas-de-Calais, une dans l'Allier, en Corrèze, en Seine-Maritime et dans le Tarn - Mme Mathon-Poinat s'en est expliquée.
Le groupe CRC-SPG est historiquement hostile au recours à l'article 38, qui dessaisit le Parlement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Pas du tout !
M. Guy Fischer. - Il traduit un profond mépris envers l'institution parlementaire. Il revient à signer un chèque en blanc et préfère une décision solitaire au débat démocratique. Qui plus est, votre commission, qui ne rendra qu'un avis consultatif, ne sera ni indépendante ni pluraliste.
La banalisation du recours aux ordonnances est dangereuse. Le Gouvernement est aujourd'hui maître de l'ordre du jour et il dispose de la majorité dans les deux Assemblées : aucune urgence ne justifie les ordonnances, les prochaines législatives ne devant, sauf dissolution, pas intervenir avant 2012. Certes, un redécoupage est nécessaire, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a rappelé à trois reprises. Nous le souhaitons, mais sur des bases démocratiques et par un débat parlementaire.
Nous nous étions prononcés contre l'inscription ad vitam aeternam du nombre de 577 députés dans la Constitution. Cela interdit toute souplesse. Il faudra en défalquer les représentants des Français de l'étranger, qui seraient sept à neuf selon le Gouvernement. Celui-ci a indiqué que tout département aurait au moins deux députés et qu'il y aurait ensuite un siège par tranche de 125 000 habitants, contre 108 000 aujourd'hui -mais des circonscriptions ultramarines resteraient bien en deçà.
Que le Gouvernement n'a-t-il pas accueilli notre proposition de proportionnelle au lieu de ce scrutin majoritaire qui favorise la bipolarisation ! Il ne serait pas allé à l'encontre de l'aspiration populaire d'un rapprochement entre électeurs et élus. Raison de plus de voter la question préalable. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Fauchon. - Contre, et archi-contre ! L'évolution vers un système présidentiel va dans le sens d'une clarification de la démocratie, d'une séparation des pouvoirs telle que la voulait Montesquieu, et de l'efficacité. Pourquoi sacraliser les ministres ? Réfléchissez au sens du mot. Comme je ne veux pas vous donner de leçon, je me suis reporté au dictionnaire : « celui qui est chargé d'une fonction, d'un office, celui qu'on utilise pour l'accomplissement de quelque chose ». Et cette citation qui va vous étonner : « voilà quelle est dans l'État la raison du gouvernement, confondu mal à propos avec le souverain, dont il n'est que le ministre ». Jean-Jacques Rousseau, vous connaissez ?
M. Guy Fischer. - Non !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - La commission n'a pu examiner la motion mais mon avis personnel résulte de ses travaux. Je salue la cohérence du groupe CRC-SPG, qui s'oppose aux modalités d'application comme il s'était opposé à la révision constitutionnelle. Cependant ces lois sont nécessaires et on ne peut pas attendre indéfiniment. J'observe que ce n'est pas la loi d'habilitation mais l'ordonnance qui établira une délimitation des circonscriptions sur laquelle, la commission que crée la loi ordinaire rendra un avis public -c'est une avancée, une première, selon l'expression de M. Fauchon.
Le mode de désignation de ces personnalités qualifiées donnera au Parlement l'occasion de s'exprimer, voire de les repousser. C'est une avancée.
En outre, le redécoupage est un travail si complexe qu'il ne peut être adopté que par ordonnance, comme il l'a été dans le passé. Il n'y a pas dessaisissement du Parlement puisque c'est lui qui vote la loi d'habilitation. Et ces ordonnances seront soumises à sa ratification expresse, et non plus tacite. Nous aurons donc un débat de ratification de l'ordonnance, suivi d'un vote qui pourra faire l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel.
Monsieur Fischer, ce n'est pas à une voix, mais à deux voix de majorité que la modification constitutionnelle de juillet dernier a été adoptée. Autre rectification : après la démission d'un député, il y a une élection partielle.
Enfin, nous sommes là pour appliquer l'article 25 de la Constitution ; l'article 23 n'est donc plus opérant...
Pour toutes ces raisons, et à titre personnel mais dans le respect des décisions précédentes de la commission des lois, je donne un avis défavorable à cette motion.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Cette motion s'appuie sur la prétendue absence de garantie de l'indépendance de la commission. Nous en avons longuement débattu : c'est au contraire une « avancée démocratique » selon les termes mêmes de plusieurs députés de gauche...
Le recours aux ordonnances n'est pas interdit ; le Conseil constitutionnel l'a souvent affirmé, notamment en 1986 à l'occasion de la précédente loi d'habilitation.
Après le rappel à l'ordre -il n'y a pas d'autres mots- du Conseil constitutionnel, il est nécessaire de réviser sans tarder la carte électorale en fonction des évolutions démographiques. Nous ne pouvons plus attendre. Si votre motion était adoptée, que répondrez-vous au Conseil constitutionnel qui a demandé de revoir cette carte aussitôt après les législatives de 2007, il y a dix-huit mois déjà ? Que répondrez-vous aux citoyens qui exercent de plus en plus de recours à cause des disparités démographiques et du non-respect de l'article 3 de la Constitution ? Le Conseil constitutionnel a parlé de « carence » : nous ne pouvons plus attendre encore, près de dix ans après le dernier recensement. Je demande au Sénat de rejeter cette motion.
M. Robert del Picchia. - A M. Fauchon je précise qu'un ministre peut être un parlementaire en mission de plus de six mois.
M. Bernard Frimat. - C'est une offre de services ?
M. Richard Yung. - Je suis d'accord avec beaucoup des arguments de M Fischer.
Le calendrier ? Franchement, les résultats du dernier recensement sont connus, ils seront rendus publics dans un mois : nous avions le temps, d'ici les prochaines législatives, dans quatre ans, de travailler tranquillement à ce redécoupage.
Le recours à l'ordonnance ? On nous dit que maintenant, c'est merveilleux, que c'est le Parlement qui l'autorisera puis qu'il la ratifiera de façon expresse. Or le débat d'habilitation prendra deux à trois heures et la ratification sera expédiée en un quart d'heure.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Pas forcément !
M. Richard Yung. - La commission ? Nous voulions une commission qui reflète toutes les composantes de la société civile, pas une commission composée de magistrats. Je n'ai rien contre ceux du Conseil constitutionnel ni ceux de la Cour de cassation mais ils n'ont pas de compétence particulière en matière de découpage. Nous voulions une commission comprenant des géographes, des urbanistes, des historiens. C'est elle qui nous aurait fait des propositions -comme cela se passe au Parlement britannique, tous les dix ans- au vu desquelles nous nous serions prononcés.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion.
La motion n°13 est mise aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion des articles
Article premier
I. - À la fin de l'intitulé du livre Ier du code électoral, les mots : « des départements » sont supprimés.
II. - L'article L.O. 119 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 119. - Le nombre des députés est de cinq cent soixante-dix-sept. »
M. Bernard Frimat. - L'article premier ne me choque pas, mais la conséquence de son adoption est l'abrogation de toute une série d'articles du code électoral qui précisaient le nombre de députés des collectivités d'outre-mer, ces dispositions relevant désormais de la loi ordinaire. Ce qui introduit une distorsion avec les règles applicables au Sénat, puisque tant le nombre maximum de sénateurs que la répartition de ceux-ci entre les départements et les collectivités d'outre-mer sont déterminés par la loi organique. Le Gouvernement a-t-il l'intention de prendre une initiative -pourquoi d'ailleurs ne l'a-t-il pas encore prise ? Pour mettre fin à cette distorsion ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - J'ai évoqué cette question ce matin lors de la discussion générale. L'article premier de la loi organique fixe le nombre des députés à 577, tandis que l'article 7 abroge les dispositions organiques fixant le nombre de députés outre-mer et les renvoie à une loi ordinaire. S'agissant du Sénat, le nombre de 348 sénateurs résulte de l'addition de plusieurs dispositions fixant le nombre respectif de sénateurs dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer et, dans une loi organique spécifique, celui des sénateurs représentant les Français de l'étranger.
Les deux systèmes sont conformes à la Constitution, dont l'article 25 renvoie à une loi organique le soin de fixer le nombre de membres des deux assemblées, ce nombre pouvant être global ou résulter de la somme de contingents. Une harmonisation pourrait intervenir à l'occasion de la recodification du code électoral actuellement en cours. Les dispositions organiques relatives au Sénat ne peuvent être décidées sans son accord.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Les députés ont accepté de déclasser certaines dispositions organiques, contraints qu'ils étaient par l'existence de deux députés de trop. Le problème est là, sur lequel nous les avions alertés. Nous, nous n'avons pas de problème et nous n'avons pas à modifier notre système au motif que l'Assemblée nationale l'a fait. Les dispositions organiques relatives au Sénat ne peuvent être adoptées qu'avec son accord ; je vous le dis, monsieur le ministre, une simple codification ne fera pas l'affaire...
M. Bernard Frimat. - Nous voterons l'article premier ; mais si j'ai bien compris M. Hyest, si d'aventure une nouvelle collectivité d'outre-mer était créée, nous nous trouverions devant la même difficulté.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Mais non !
M. Bernard Frimat. - M. le ministre ne m'a pas vraiment répondu. Peut-être le Conseil constitutionnel dira-t-il, s'il est saisi, dans quelle mesure il est normal que subsiste une telle distorsion entre les deux assemblées. Le président Hyest a en tout cas fait la démonstration que la fixation d'un nombre maximum pour les membres d'une assemblée était une erreur ; sur ce point au moins nous nous rejoignons par la pensée.
L'article premier est adopté.
Article additionnel
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L.O. 479, L.O. 500, L.O. 506 et L.O. 527 du code électoral sont abrogés.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - La loi organique du 21 février 2007 a créé un siège de député et un siège de sénateur à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, collectivités comptant respectivement 8 450 et 29 112 habitants. Est-ce bien pertinent au regard de la nature du corps électoral qui les élit ? Comme le nombre de 577 députés est désormais inscrit dans le marbre de la Constitution, il faut récupérer un siège de député lorsqu'on en crée un nouveau.
Le 20 novembre dernier, l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, a adopté un amendement supprimant l'obligation de représentation de chaque collectivité d'outre-mer par un député au minimum. Les députés ont ainsi refusé l'élection d'un député à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, contre l'avis du Gouvernement. M. Jégo, secrétaire d'État à l'outre-mer, a aussitôt indiqué dans un communiqué qu' « il y aurait un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barth. ». Notre amendement pourrait clore définitivement le débat.
Le cas des sénateurs de ces deux collectivités est lui aussi symptomatique. Celui de Saint-Barthélemy sera élu par un collège électoral composé du député et des dix-neuf membres du conseil territorial, soit vingt personnes : il lui suffira de onze voix pour être élu... Celui de Saint-Martin le sera par un collège composé du député et des 23 membres du conseil territorial : il lui faut obtenir treize voix... Les deux collectivités ne peuvent être considérées comme les autres. D'où notre amendement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - La commission avait estimé que la version initiale de l'amendement était satisfaite par l'article 7 du projet de loi organique. La version rectifiée abroge en supplément les articles prévoyant la représentation au Sénat de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin : nous y sommes totalement défavorables. Il est en effet impossible qu'une collectivité territoriale ne soit pas représentée ici, ce serait contraire à l'article 24 de la Constitution. (Marques d'approbation à droite)
La loi organique du 21 février 2007 a prévu, à l'initiative de l'Assemblée nationale, la création de deux sièges de député, l'un à Saint-Barthélemy et l'autre à Saint-Martin...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Exact !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - ...cette création étant reportée au prochain renouvellement. Mais les députés sont revenus sur cette disposition en supprimant dans la loi ordinaire l'obligation d'élire un député dans chaque collectivité d'outre-mer. La répartition des sièges se fera sur des bases essentiellement démographiques, des amodiations à ce principe pouvant être décidées pour des motifs d'intérêt général : le législateur a toujours veillé à ce que des députés représentent les collectivités éloignées de la métropole. On imagine mal les habitants de Wallis élire le député de Nouvelle-Calédonie ; et je ne parle pas de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Gouvernement devra trancher dans ses ordonnances.
M. Marleix a dit refuser que ces deux collectivités continuent à élire le député de la quatrième circonscription de Guadeloupe, mode d'élection qui paraît contraire à la Constitution. Il a réaffirmé ce matin son attachement à l'élection d'un député au moins dans chaque collectivité d'outre-mer.
M. Yves Jégo a dit la semaine dernière devant notre commission que « le Gouvernement considère qu'une collectivité d'outre-mer doit être représentée au Sénat et à l'Assemblée nationale. Saint-Martin et Saint-Barthélemy doivent donc chacune avoir un sénateur -c'est fait- et un député. (M. Michel Magras applaudit) Il n'y a aucune raison qu'une collectivité soit représentée par une autre. Personne n'imaginerait une telle possibilité en métropole. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait l'accepter pour l'outre-mer. Le fait pour une collectivité d'être très petite et très éloignée de la métropole ne lui donne pas moins de droits. Au contraire, elle doit lui en donner plus au titre de la représentation. Nous vous accompagnerons sur ce sujet ».
La rédaction du projet de loi ordinaire n'empêchera pas le Gouvernement de prévoir ces deux sièges dans les projets d'ordonnances. S'il ne le fait pas, l'ordonnance risque d'ailleurs fort d'être déclarée inconstitutionnelle. (Applaudissements à droite)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Avis défavorable pour les mêmes raisons.
M. Bernard Frimat. - J'ai participé à l'examen de la loi sur l'outre-mer créant ces collectivités et nous y étions alors opposés. Je souhaite que le Gouvernement définisse sa position et arrête de se cacher derrière son petit doigt. M. Jégo a assuré que Saint-Martin et Saint-Barthélemy auraient chacun un député, mais l'Assemblée nationale a voté, à l'unanimité, contre. Le Gouvernement pourrait déposer un amendement, mais il ne le fera pas pour avoir un vote conforme. M. Magras en revanche va déposer un amendement mais le rapporteur appellera à voter contre... De qui se moque-t-on ? Assez de pantalonnades. Nous ne participerons pas à ce vote.
L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.
Article 2
I. - L'article L.O. 176 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 176. - Les députés dont le siège devient vacant pour cause de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet.
« Les députés qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet. Toutefois, dans le cas où ils renoncent à reprendre l'exercice de leur mandat avant l'expiration de ce délai, leur remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau de l'Assemblée nationale. »
II. - À l'article L.O. 135 du même code, la référence : « L.O. 176-1 » est remplacée par la référence : « L.O. 176 ».
III. - Au premier alinéa de l'article L.O. 178 du même code, les mots : « L.O. 176-1 ou lorsque les dispositions des articles L.O. 176 et L.O. 176-1 » sont remplacés par les mots : « L.O. 176 ou lorsque les dispositions de cet article ».
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Avec cet article, vous estimez que les élections législatives partielles, en raison du faible taux de participation, sont quasiment inutiles et incompréhensibles pour les électeurs. Pourtant, la confrontation avec les électeurs n'est jamais vaine : elle fait vivre la démocratie.
Quand un député accepte de participer à un Gouvernement, il choisit de ne pas exercer le mandat que lui ont confié ses électeurs et s'il veut retrouver son siège, il doit prendre le risque de retourner devant les urnes. Permettre aux députés de garder un pied à l'Assemblée nationale tout en étant au Gouvernement est contraire à l'interdiction du cumul des fonctions gouvernementales et d'un mandat parlementaire prévu par l'article 23 de la Constitution.
La question de la responsabilité des ministres devant le Parlement est également posée : le régime voulu par le Président de la République et mis en musique par la révision constitutionnelle ravale les ministres au rang de simples collaborateurs.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer les deux dernières phrases du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L.O. 176 du code électoral.
M. Bernard Frimat. - Durant les débats sur la révision constitutionnelle, il n'a jamais été question d'offrir aux ministres la possibilité de renoncer à revenir dans leurs assemblées d'origine. Ce n'était pas dans l'esprit de la révision. Vous avez mis cinquante ans à vous apercevoir qu'il était préférable d'éviter les élections partielles : chacun chemine à sa vitesse... La Constitution prévoit que le ministre conserve son siège qui est momentanément occupé par quelqu'un de serviable. Mais rien ne dit qu'au moment où il quitte ses fonctions gouvernementales, il peut décider de laisser la place à son suppléant. On quitte là le droit constitutionnel pour entrer dans les petits arrangements entre amis.
On nous a cité l'exemple du Conseil constitutionnel. Mais les choses doivent être simples : si un ministre en devient membre, il ne reprend pas son mandat et une partielle est organisée. Ou alors prévoyez cette nouvelle hypothèse dans la Constitution ! Vous ne vous êtes pas gênés pour la surcharger !
Bref, si le ministre veut retrouver son poste de député, il revient. S'il veut se consacrer à d'autres activités, il doit démissionner. En fait, vous cherchez par tous les moyens à éviter les élections partielles. Il ne faudrait pas vous pousser beaucoup d'ailleurs pour que vous déclariez qu'elles ne sont pas démocratiques. Pourtant, quand on consulte le peuple, on fait vivre la démocratie.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - L'amendement n°9 est contraire à la Constitution.
En ce qui concerne l'amendement de M. Frimat, nous sommes dans une logique différente et je vous renvoie à l'article 25 de la Constitution : la loi organique « fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu'au renouvellement général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d'acceptation par eux de fonctions gouvernementales ». Nous sommes donc en présence de deux éléments différents : il y a le cas de remplacement en cas de décès ou de démission, que nous connaissons déjà, et une nouvelle catégorie qui concerne le retour dans leur assemblée d'origine des anciens ministres. La situation n'est donc pas celle décrite par M. Frimat, d'où mon avis défavorable.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. Bernard Frimat. - Je ne suis pas d'accord avec les arguments développés par notre rapporteur. Le Conseil constitutionnel devra dire s'il est possible qu'une démission d'un député entraîne, dans un cas, une élection partielle et, dans l'autre, non.
Que se passerait-il, par exemple, si un suppléant décède pendant que son ministre est fonction ? Une élection partielle est organisée : certes, le ministre peut se représenter et le nouveau suppléant sera député. Mais si le ministre ne se représente pas, que se passe-t-il ? Des ministres pourraient revenir parce qu'ils auraient des suppléants en bonne santé et d'autres ne le pourraient pas parce que leurs suppléants seraient plus fragiles ? Je n'ose imaginer le cas du garçon dont je ne me rappelle plus le nom et qui est devenu député lorsque M. Santini a été nommé ministre. Si demain, ce député devenait ministre et que M. Santini ne revienne pas à l'Assemblée nationale, y aura-t-il une partielle ? Mais le ministre qu'il sera devenu ne pourra plus alors revenir au Palais Bourbon ! Le Conseil constitutionnel appréciera toute la limpidité de ces dispositions.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Article 3
L'article L.O. 319 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 319. - Les sénateurs élus au scrutin majoritaire dont le siège devient vacant pour cause de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet.
« Les sénateurs élus au scrutin majoritaire qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet. Toutefois, dans le cas où ils renoncent à reprendre l'exercice de leur mandat avant l'expiration de ce délai, leur remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement partiel correspondant à leur série. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau du Sénat. »
Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il est défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer les deux dernières phrases du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 319 du code électoral.
M. Bernard Frimat. - Amendement de cohérence ! La même argumentation vaut pour les sénateurs et les députés.
Nous essayons de faire vivre le débat parlementaire, avant qu'une loi organique ne nous en prive définitivement...
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 319 du code électoral par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sénateurs élus au scrutin majoritaire qui, dans les autres cas que ceux visés dans les précédents alinéas, se trouvent dans l'impossibilité de remplir les obligations de leur fonction, sont remplacés pour un délai maximum de six mois par leur suppléant. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Inspirons-nous de l'expérience hollandaise : une parlementaire en congé de maternité peut être remplacée par son suppléant, pour une durée déterminée. Nous proposons qu'en cas d'empêchement temporaire, maladie, maternité, mission de courte durée, le parlementaire puisse être remplacé. Il s'agit d'un régime d'intérim.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - J'ai déjà donné l'avis de la commission sur les amendements n°s10 et 5. Le n°2 illustre l'ingéniosité et la constance de notre collègue : elle l'avait en effet présenté lors de la révision constitutionnelle.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je suis cohérente !
M. Patrice Gélard. - Il faudrait prévoir une disposition identique pour les conseillers municipaux, généraux et régionaux, les députés européens.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Dans une prochaine loi ?
M. Patrice Gélard. - Le bouleversement serait tel que, dans l'immédiat, je préfère suggérer un retrait ou un rejet.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Défavorable.
L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que les n°s5 et 2.
L'article 3 est adopté.
Article 4
L'article L.O. 320 du code électoral est ainsi rédigé:
« Art. L.O. 320. - Le sénateur élu à la représentation proportionnelle dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l'acceptation de fonctions gouvernementales est remplacé par le candidat figurant sur la même liste immédiatement après le dernier candidat devenu sénateur conformément à l'ordre de cette liste.
« Le sénateur élu à la représentation proportionnelle qui accepte des fonctions gouvernementales est remplacé, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par le candidat figurant sur la même liste immédiatement après le dernier candidat devenu sénateur conformément à l'ordre de la liste. À l'expiration du délai d'un mois, le sénateur reprend l'exercice de son mandat. Le caractère temporaire du remplacement pour cause d'acceptation de fonctions gouvernementales s'applique au dernier candidat devenu sénateur conformément à l'ordre de la liste. Celui-ci est replacé en tête des candidats non élus de cette liste.
« Si le sénateur qui a accepté des fonctions gouvernementales renonce à reprendre l'exercice de son mandat avant l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa, son remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement partiel correspondant à sa série. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau du Sénat. »
Mme la présidente. - Amendement n°11, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
L'amendement n°11, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 320 du code électoral.
L'amendement n°6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 320 du code électoral par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sénateurs élus à la représentation proportionnelle qui, dans les autres cas que ceux visés dans les alinéas précédents, se trouvent empêchés de remplir les obligations de leur fonction sont remplacés pour un délai maximum de six mois par les candidats venus sur la même liste qu'eux immédiatement après le dernier candidat élu. »
L'amendement n°3, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté, ainsi que l'article 4 bis.
Article 5
Le livre VIII du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n° du relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, est complété par un article L.O. 567-9 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 567-9. - Est désignée selon la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution la personnalité mentionnée au 1° de l'article L. 567-1. Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente est celle chargée des lois électorales. »
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - C'est un amendement de cohérence avec des amendements que nous présenterons à l'article premier de la loi ordinaire. Donner au Président de la République le privilège de nommer le président de la commission indépendante n'est pas une bonne idée. Si nous supprimons cette disposition, nous n'aurons plus besoin du présent article, en particulier de la règle des trois cinquièmes.
Nous savons bien qu'il n'y a pas possibilité de modifier ce qui figure dans la Constitution. C'est pourquoi le rapporteur, condamné à donner des avis défavorables à répétition, n'aura pas cette fois à se forcer.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - La procédure de nomination est une avancée notable acquise lors de la révision constitutionnelle. Le Parlement s'exprimera sur le choix de la personnalité envisagée. Du reste, dans la pratique, un avis défavorable de l'une des deux commissions, ou un refus à la majorité simple, suffiront pour que la candidature soit retirée. L'opposition aura son rôle à jouer.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Défavorable pour une raison de forme : la procédure ne peut relever que de la loi organique. Et pour une raison de fond : la proposition est équilibrée et garantit à la commission un certain pluralisme. Lors de la révision constitutionnelle, des amendements visant à organiser la procédure de désignation ont été présentés : ils correspondaient exactement aux modalités retenues. Or ces amendements étaient signés par MM. Montebourg, Frimat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Peyronnet, Sueur...
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté, ainsi que l'article 6.
Article 7
I. - Les articles L.O. 176-1, L.O. 393-1, L.O. 455, L.O. 479, L.O. 506 et L.O. 533 du code électoral sont abrogés.
II. - À l'article L.O. 394-1 du même code, les mots : «, à l'exception de l'article L.O. 119, » sont supprimés.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Magras et Virapoullé, Mme Michaux-Chevry et MM. Detcheverry et Fleming.
Supprimer le I de cet article.
M. Michel Magras. - Sur la forme d'abord, l'article 6213.3 du code des collectivités locales impose de consulter le conseil territorial lorsque des dispositions particulières à la collectivité de Saint-Barthélemy sont modifiées, supprimées ou introduites. Nous n'avons pas été consultés sur la volonté du Gouvernement de toucher aux articles du code supprimés dans ce projet de loi organique.
Sur le fond, ensuite, Saint-Barthélemy est représenté au Parlement dans les conditions définies par les lois organiques. Mais l'article L.O. 479 étant supprimé par le présent article, seule la représentation au Sénat relève encore de la loi organique.
Double faute d'inattention de la part du Gouvernement ! L'Assemblée nationale aurait pu corriger ces oublis, elle ne l'a pas fait. Elle n'a pas été victime de la même inattention, pourtant, puisque l'un des premiers amendements de la commission des lois était identique au n°1 rectifié bis que je vous présente. Mais il a été retiré... Pourtant, de telles dispositions organiques doivent être maintenues dans la loi organique.
Certes, nous aurions pu nous estimer dédommagés par un autre principe posé par le Gouvernement dans le projet de loi ordinaire : toute collectivité doit être représentée par un député. Gagnons-nous d'une main ce que nous perdons de l'autre ? Non, car l'article du projet de loi simple a été supprimé par l'Assemblée nationale ! La double erreur subsiste et la compensation a disparu.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - J'ai clairement souligné, lors de l'examen de l'amendement n°8 rectifié du groupe CRC-SPG, que la commission était pour la création d'un député à Saint-Barthélemy et d'un député à Saint-Martin. En outre, je suis, à titre personnel, convaincu de l'inconstitutionnalité d'une disposition qui ne respecterait pas la représentation de chaque collectivité territoriale.
Monsieur Magras, je comprends donc votre argumentation -par parenthèse, votre collectivité sera bien consultée, mais au moment de l'ordonnance. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) En revanche, ce serait une mauvaise stratégie que de vous exposer à un vote négatif au Parlement, dont le Gouvernement pourrait se prévaloir. Si vous acceptiez de retirer cet amendement, la commission serait à vos côtés, à tous les stades de la procédure, pour défendre le principe d'un représentant par collectivité territoriale auquel le Sénat a toujours été attaché.
M. Michel Magras. - Pour prendre ma décision, il me plairait d'entendre l'avis du Gouvernement. (Sourires)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - A la fin de la discussion générale, j'ai longuement expliqué que le Gouvernement ne saurait être favorable à une telle proposition contraire à l'article 25 de la Constitution qui laisse au législateur le soin de fixer le nombre des membres de chaque assemblée, soit 577 à l'Assemblée nationale et 348 au Sénat. L'inscription de ce plafond à l'article premier du projet de loi organique induit l'abrogation des articles du code électoral concernant la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer, dont l'article LO 479 qui concerne Saint-Barthélemy, mais ne présage en rien de la répartition des sièges.
J'ajoute qu'il n'est pas possible de fixer le nombre des députés dans les seuls territoires ultramarins, le Conseil constitutionnel ayant observé à maintes reprises que la totalité de la carte électorale devait être réactualisée, notamment dans sa décision du 15 février 2007, et que le travail de répartition des sièges ne saurait être engagé avant que la commission indépendante, qui donnera son avis sur le nombre et la délimitation des circonscriptions, ne soit installée. (M. Bernard Frimat s'exclame) Donc retrait, sinon rejet.
Compte tenu de l'importance de la question, je demande un scrutin public.
M. Michel Magras. - Loin de moi la volonté de mettre en difficulté le Sénat... Je remercie le rapporteur de la rigueur de son raisonnement et de son engagement à me soutenir qui vaut, je le crois, pour tout le groupe UMP. Monsieur le ministre, je suis d'accord pour ne pas anticiper sur la suite, mais encore faudrait-il que nous ayons tous les éléments en main et, comme l'a observé M. Frimat, que le Gouvernement parle clairement. Néanmoins, ma cause ayant été entendue, je m'incline (applaudissements sur les bancs UMP) par respect de la tradition républicaine d'indépendance des deux assemblées. Puisse la population que je représente le comprendre !
M. Bernard Frimat. - Je reprends cet amendement...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La ficelle est grosse...
M. Bernard Frimat. - Ne nous privons pas d'un scrutin public qui sera l'occasion pour le groupe UMP de s'exprimer sans faux-fuyants !
Mme la présidente. - Ce sera l'amendement n°1 rectifié ter.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Contrairement à ce qu'a affirmé M. Frimat, le Sénat, dans sa majorité, a toujours soutenu la création de nouvelles collectivités d'outre-mer et, donc, de nouveaux députés et sénateurs. Le plafond de 577 n'empêche pas la création d'un député à Saint-Barthélemy et d'un député à Saint-Martin : le nombre d'habitants par député progresserait de 250, ce qui n'est pas significatif. Sénat et Assemblée nationale n'ont pas l'habitude de revenir sur leur vote. Au moment de la loi d'habilitation puis de la ratification de l'ordonnance, nous aurons tous les moyens de faire respecter la parole donnée, M. Gélard l'a rappelé, même si cela ne convient pas à M. Frimat !
M. Robert del Picchia. - Le groupe UMP comprend que M. Magras déplore la suppression du principe d'un député par collectivité territoriale par l'Assemblée nationale, mais il se réjouit que l'amendement ait été élégamment retiré par courtoisie républicaine. Nous voterons contre l'amendement Frimat !
M. Bernard Frimat. - C'est l'amendement Magras !
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 185 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 93 |
Pour l'adoption | 1 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°1 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
Mme la présidente. - Je rappelle au Sénat que le vote sur l'ensemble du projet de loi organique est réservé jusqu'après le vote de la loi ordinaire, selon le voeu du Gouvernement.
Élection des députés (Urgence)
Mme la présidente. - Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Discussion des articles
Article premier
I. - Le livre VIII du code électoral devient le livre IX et il est inséré dans ce code un livre VIII intitulé : « Commission prévue par l'article 25 de la Constitution », comprenant les articles L. 567-1 à L. 567-8 ainsi rédigés :
« Art. L. 567-1. - La commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution comprend :
« 1° Une personnalité qualifiée nommée par le Président de la République ;
« 2° Une personnalité qualifiée nommée par le Président de l'Assemblée nationale ;
« 3° Une personnalité qualifiée nommée par le Président du Sénat ;
« 4° Un membre du Conseil d'État, d'un grade au moins égal à celui de conseiller d'État, élu par l'assemblée générale du Conseil d'État ;
« 5° Un membre de la Cour de cassation, d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élu par l'assemblée générale de la Cour de cassation ;
« 6° Un membre de la Cour des comptes, d'un grade au moins égal à celui de conseiller-maître, élu par la chambre du conseil de la Cour des comptes.
« Les personnalités mentionnées aux 2° et 3° sont désignées par le président de chaque assemblée après avis de la commission permanente chargée des lois électorales de l'assemblée concernée. La désignation ne peut intervenir lorsque les votes négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.
« La commission est présidée par la personnalité qualifiée nommée par le Président de la République.
« Art. L. 567-2. - Les membres de la commission sont nommés pour une durée de six ans non renouvelable. Ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans.
« La commission peut suspendre le mandat d'un des membres ou y mettre fin si elle constate, à l'unanimité des autres membres, qu'il se trouve dans une situation d'incompatibilité, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué à ses obligations.
« En cas de décès, de démission ou de cessation du mandat d'un membre pour l'un des motifs précédents, il est pourvu à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à un an, le mandat est renouvelable.
« Art. L. 567-3. - Les fonctions de membre de la commission sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat électif régi par le présent code.
« Dans l'exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.
« Art. L. 567-4. - La commission peut désigner en qualité de rapporteur des fonctionnaires de l'État ou des magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, en activité ou retraités.
« Elle peut entendre ou consulter toute personne ayant une compétence utile à ses travaux.
« Elle fait appel, pour l'exercice de ses fonctions, aux services compétents de l'État.
« Art. L. 567-5. - Les membres de la commission s'abstiennent de révéler le contenu des débats, votes et documents de travail internes. Il en est de même de ses collaborateurs et des personnes invitées à prendre part à ses travaux.
« Les membres de la commission ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de la commission.
« Art. L. 567-6. - La commission ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents.
« Elle délibère à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Art. L. 567-7. - La commission est saisie par le Premier ministre des projets de loi ou d'ordonnance ayant l'objet mentionné au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution. Elle est saisie par le président de l'assemblée parlementaire dont elles émanent des propositions de loi ayant le même objet.
« La commission se prononce, dans un délai de deux mois après sa saisine, par un avis publié au Journal officiel. Faute pour la commission de s'être prononcée dans ce délai, l'avis est réputé émis.
« Art. L. 567-8. - Le président de la commission est ordonnateur de ses crédits. La commission n'est pas soumise à la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées. »
II. - Par dérogation à l'article L. 567-2 du code électoral, la première commission prévue à l'article 25 de la Constitution comprend trois membres, autres que son président, dont le mandat est de trois ans non renouvelable. Ils sont tirés au sort par la commission lors de l'installation de celle-ci.
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral.
M. Bernard Frimat. - Monsieur le ministre, vous dites attacher beaucoup de prix à la vérité. Eh bien, il n'est pas vrai que nous ayons déposé, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle, un amendement contraire à ce que nous demandons à présent. Notre amendement stipulait : « Cette commission indépendante est composée de magistrats et de personnalités qualifiées non parlementaires, dont la nomination est soumise à l'avis d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes et statuant à la majorité des trois cinquièmes. » J'ai le compte rendu analytique de cette séance sous les yeux.
Nous sommes favorables à la création d'une commission indépendante, mais nous ne voulons pas d'une pseudo-indépendance. Nous réclamons la suppression de l'alinéa qui prévoit la nomination par le Président de la République d'un membre de cette commission. Le Président de la République est un membre de l'exécutif, et n'a pas son mot à dire sur le mode d'élection des députés. Nous sommes attachés à la séparation des pouvoirs. En outre, nous souhaitons que le redécoupage des circonscriptions soit fait avec plus de rigueur que d'habileté. Or le Président de la République est aujourd'hui, non un arbitre, mais le chef d'un camp ! C'est pourquoi il ne lui revient pas de désigner un membre d'une commission qui doit être indépendante.
Nous avons salué la création d'une commission indépendante. Encore faut-il qu'elle le soit réellement ! Pour cela, les nominations en son sein doivent être consensuelles ; nous n'en prenons pas le chemin.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Cet amendement est cohérent avec la position du groupe socialiste sur le projet de loi organique. Mais nous avons déjà adopté l'article 5 de ce texte, qui prévoit cette nomination. L'amendement n'a donc pas lieu d'être : avis défavorable.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Pour éclaircir un point d'histoire, je vous lirai le texte d'un amendement à l'article 10 du projet de loi constitutionnelle, présenté par M. Montebourg et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche : « Cette commission indépendante est composée et fonctionne dans les mêmes conditions que celles fixées par l'article 13 de la Constitution. » On ne peut être plus clair !
Mon argumentation est la même que sur votre amendement au projet de loi organique : la rédaction actuelle est équilibrée et garantit le pluralisme au sein de la commission. Le Président de la République a un pouvoir de nomination dans beaucoup de hautes autorités juridictionnelles et administratives, sans que cela nuise à la séparation des pouvoirs ni à la neutralité de ces instances ! D'ailleurs une majorité qualifiée de parlementaires pourra s'opposer à la nomination dont nous parlons. Une fois installée, la commission ne pourra ni être renouvelée, ni recevoir d'instructions.
M. Bernard Frimat. - Je ne suis pas responsable des initiatives de M. Montebourg, même si j'ai beaucoup d'estime et d'amitié pour lui.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - L'amitié au parti socialiste, on sait ce que c'est !
M. Bernard Frimat. - M. le rapporteur s'en est sorti par une pirouette, et j'admire ses talents d'acrobate. Quant à l'argument avancé par M. le ministre, selon lequel une majorité des trois cinquièmes des parlementaires pourra s'opposer à cette nomination, permettez-moi de dire que c'est un faux nez ! A voir votre enthousiasme à voter conformes les textes présentés par le Gouvernement, qui peut croire qu'il sera possible de réunir une telle majorité ? Votre crainte révérencielle met le Président de la République à l'abri de toute opposition : dès lors qu'il ouvre la bouche, vous tombez bras en croix, genoux en terre et dites : « Dieu le veut ! ». Il n'y a plus qu'à tirer l'échelle !
Nous avons une certaine idée de l'indépendance. Si l'on vous écoutait, il faudrait demander à l'Académie de revoir son dictionnaire et de définir désormais l'indépendance comme la qualité de ce qui est nommé par le Président de la République ! Belle innovation lexicale !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - C'est un peu facile...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Jolie pirouette !
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :
« 2° Deux personnalités qualifiées nommées par le président de l'Assemblée nationale dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;
M. Bernard Frimat. - Nous déclinons le même principe : il faut que la nouvelle commission soit pleinement indépendante. Mais je plaide coupable : mes arguments devaient être bien médiocres puisqu'ils n'ont pas convaincu un public si bien disposé...
Depuis sa prise de fonctions, M. le président du Sénat a fait de la transparence et du pluralisme des articles de foi : voici une occasion de mettre les actes en conformité avec les paroles.
Nos amendements n°s3 et 4 tendent à donner aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat le pouvoir de nommer chacun deux membres de la nouvelle commission, l'un à son gré, l'autre sur proposition conjointe des groupes d'opposition. Certes il existe au Sénat des groupes minoritaires...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Eh oui !
M. Bernard Frimat. - ...mais nous pourrons définir sans difficulté les groupes d'opposition appelés à formuler cette proposition : nous avons tout de même une vague idée de qui appartient à la majorité ou à l'opposition sénatoriales !
M. Pierre Fauchon. - Vous êtes bien vague !
M. Bernard Frimat. - Nous aurons ainsi fait progresser le pluralisme, qui est un principe constitutionnel. Que l'on ne nous dise pas que ce seront des nominations partisanes, qui nuiront à l'indépendance de la commission ! Le pluralisme est la condition de l'indépendance ! D'ailleurs vous avez suffisamment d'intuition pour savoir que les groupes d'opposition auront en vue l'intérêt général.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :
« 3° Deux personnalités qualifiées nommées par le président du Sénat dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;
M. Bernard Frimat. - Il est défendu.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - M. Frimat a relevé le problème des groupes minoritaires -je n'insiste pas.
M. Bernard Frimat. - Cela ne pose aucun problème !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Le dispositif prévu par le texte est équilibré et conforme aux usages républicains pour beaucoup d'autorités administratives indépendantes. On ne peut pas accuser le Conseil constitutionnel, dont les membres sont nommés par le Président de la République et les présidents des deux assemblées, d'être partisans ! (On le conteste à gauche) Les membres d'une autorité administrative indépendante ne sont soumis à personne et sont totalement libres de leurs décisions, à tel point que l'on peut parfois s'étonner de certaines manifestations d'indépendance !
L'opposition parlementaire pourra s'exprimer dans le choix des personnalités nommées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il suffit que court dans les couloirs un début de rumeur laissant penser qu'une candidature ne sera pas acceptée, un peu à l'américaine, pour que celle-ci soit retirée ! La commission des lois fera son travail, comme elle l'a fait pour le contrôleur général des prisons. Je fais confiance au dispositif figurant dans la loi : avis défavorable aux deux amendements.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Défavorable. L'idée peut paraître intéressante...
M. Bernard Frimat. - Elle l'est !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...mais il est impossible de prévoir la présence au sein d'une telle commission de personnalités représentant des groupes ou des partis politiques.
M. Bernard Frimat. - Ce n'est pas l'objet de mon amendement !
M. Pierre Fauchon. - J'ai déjà dit tout le mérite que je trouve au mode de nomination avec comparution devant les commissions parlementaires. J'aurais pu être tenté de suivre M. Frimat, car je suis pour que l'on donne des gages concrets de pluralisme, mais dans ce cas, il faut faire confiance aux hommes, d'autant que l'on n'accèdera à la fonction qu'après la comparution devant la commission ! Le système proposé par M. Frimat risquerait de favoriser une bipolarisation, un membre se considérant chargé des intérêts de la majorité, l'autre, de ceux de l'opposition ! Mieux vaut en rester à ce que propose le texte.
M. Richard Yung. - Nous aussi, nous faisons confiance aux hommes, et les exemples positifs sont nombreux. Mais si l'on veut que la commission soit hors du champ du combat politique...
M. Patrice Gélard, rapporteur. - C'est le cas !
M. Richard Yung. - ...il ne fallait pas prévoir la nomination de ses membres par trois autorités éminemment politiques ! Il fallait choisir des représentants de la société civile, des universitaires, etc. Les majorités changent : notre proposition est autant une garantie de pluralisme pour nous aujourd'hui que pour vous demain ! C'est un progrès dans l'expression de la démocratie ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Les groupes d'opposition sont bien des groupes politiques. Or, selon l'avis constant du Conseil d'État, la notion d'indépendance est incompatible avec l'appartenance à un groupe ou à un parti politique, car il ne peut y avoir de mandat impératif.
M. Bernard Frimat. - Je trouve votre argumentation extraordinaire ! Nous sommes d'accord que la personnalité qualifiée ne peut avoir de mandat électif. Mais vous déniez à l'opposition toute vision de l'intérêt général : sa proposition serait forcément partisane ! Il ne s'agit pourtant que d'une proposition, la nomination étant le fait du président de l'Assemblée ! Ne peut-on choisir des gens pour leur indépendance d'esprit ? Point n'est besoin d'aller chercher des missi dominici ou des rémouleurs chirurgiens : nous avons besoin de gens qui aient une véritable hauteur de vue, au-delà de toute appartenance politique.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - C'est la position du Conseil d'État, pas du Gouvernement !
M. Bernard Frimat. - Phénomène extraordinaire, les personnes proposées par trois autorités UMP seraient parfaitement indépendantes, celles proposées conjointement par l'opposition, l'incarnation de l'horreur partisane !
J'ai beaucoup d'amitié pour M. Fauchon, mais nous ne sommes pas dans une démarche partisane. Un système monocolore étouffe la démocratie : il faut une fenêtre de respiration ! Quel spectacle allons-nous donner ! A aucun moment nous n'avons mis en cause les magistrats. Pour nous conformer aux préoccupations exprimées lors du débat constitutionnel, nous voulons une commission qui ne soit composée que de femmes de César, puisqu'on ne soupçonne pas la femme de César...
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je constate que vous êtes pour l'ouverture !
M. Bernard Frimat. - Je n'ai pas voté la révision constitutionnelle ! Je ne m'appelle pas Jack Lang !
L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°4
Mme la présidente. - Amendement n°21, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Après le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3° bis Une personnalité qualifiée nommée par chaque groupe parlementaire ;
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Lors des débats sur la révision constitutionnelle, la garde des sceaux nous avait affirmé que cette commission serait composée d'experts : démographes, statisticiens, juristes, géographes. Voici que l'on nous annonce trois magistrats et trois personnalités nommées, dont le président de la commission, nommé par le Président de la République. Que je sache, ce dernier est UMP...
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Ça peut changer !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Tout comme le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ! Peut-on encore parler d'une commission indépendante et neutre ? Au lieu du tout UMP, le respect du pluralisme voudrait que chaque groupe parlementaire nomme une personnalité.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Cet amendement aggrave le caractère politique de cette commission. De quels groupes parlementaires s'agit-il ? Ils ne sont pas des mêmes au Sénat et à l'Assemblée !
En outre, qui nous dit que les trois magistrats et les trois personnalités choisies ne seront pas des experts ? Sinon, leur nomination sera réfutée par la commission compétente ! Avis défavorable.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Bernard Frimat. - Nous nous abstiendrons sur cet amendement, non faute de partager la volonté d'indépendance qu'il exprime, mais parce qu'il aboutirait à une pondération entre sensibilités politiques et à une prise en compte des intérêts particuliers au sujet desquels le secrétaire d'État aurait passé, dit-on et cela m'inquiète, beaucoup de temps à rassurer. La perspective que nous avions proposée témoignait d'une autre ouverture d'esprit. Nous ne nous attendions pas à ce qu'elle soit partagée et nous n'avons pas été déçus.
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral.
M. Bernard Frimat. - Le Gouvernement procède à un décalque de l'article 13 et reprend le faux-nez du vote négatif aux trois cinquièmes sur les nominations du Président de la République. Nous avons toujours dit que cela ne marcherait pas On m'a expliqué les implications d'un vote négatif et M. Gélard a même évoqué les rumeurs dont on sait comment elles courent dans le Sénat. Attaché à la défense des libertés comme je le suis, je ne voudrais pas que se reproduisent des affaires comme celle à laquelle il faisait allusion. Je vais retirer mon amendement car il était cohérent avec une double nomination. La commission aurait pu s'exprimer par un vote simple, mais c'eût été renoncer au rêve du vote conforme.
L'amendement n°5 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°22, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :
La désignation ne peut intervenir que si les votes positifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le vote négatif des trois cinquièmes est la seule garantie du pluralisme de la commission, et elle est bien faible. Certes, les parlementaires pourront exprimer leur désaccord mais que de freins à cette expression ! La commission ne reflète pas le pluralisme, il faudra réunir les trois cinquièmes : le Président pourra nommer qui bon lui semble. Notre amendement instillerait un peu de démocratie en associant a minima l'opposition.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Avis défavorable, par cohérence avec le dispositif prévu, qui a été calqué sur l'article 13. L'amendement reviendrait à instituer un droit de veto.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Je rappelle que cet article constitue une avancée : en 1985, c'est dans la plus totale opacité que le président de la République de l'époque avait augmenté de plusieurs dizaines les nominations à sa discrétion. La réforme constitutionnelle du 23 juillet marque donc une grande avancée démocratique. La commission se met en place : le tiers de ses membres représenteront les plus hautes juridictions et il y aura des personnalités qualifiées. Vingt-neuf sénateurs pourront exercer leur droit de veto, et 44 députés, sur les nominations du président de leur Assemblée, ainsi que 72 députés et sénateurs sur les nominations du Président de la République. Les personnalités qualifiées seront soumises à leur appréciation et il sera difficile de maintenir des nominations qui recevraient un accueil défavorable. Enfin, la procédure que vous suggérez a été envisagée mais elle se heurte à une impossibilité juridique : elle ne peut être introduite que si elle est prévue dans la Constitution, ce qui n'est pas le cas.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :
« La commission élit son président en son sein.
M. Bernard Frimat. - Voici donc une commission pseudo-indépendante, (M. le président de la commission des lois s'étonne) dont toute l'indépendance réside dans le nom. Cerise sur le gâteau, son président sera nommé par le Président de la République ; qu'elle l'ait élu en son sein aurait fait peser sur elle un soupçon d'indépendance... Mais d'indépendance, il ne soufflera pas la plus légère brise et, au lieu du gage pas très coûteux que nous suggérions, le président recevra voix prépondérante. Après les nominations politiques par l'Elysée, le Palais Bourbon et le Luxembourg, la voix prépondérante de son président vient parfaire le verrouillage de la commission : circulez, il n'y a rien à voir ! Ce n'est pas notre conception de la transparence.
Mme la présidente. - Amendement n°23, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :
« La commission est présidée par un de ses membres élu en son sein.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le candidat à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, déclarait vouloir que toutes les nominations à des postes importants se fassent désormais sur des critères de compétence et non sur des critères politiques. Une fois élu, il décide de nommer le président de France Télévisions, renouant ainsi avec les pratiques de la vieille ORTF. Pour respecter ses promesses de candidat et par souci de l'indépendance de cette commission, nous proposons, nous aussi, que son président soit élu par ses membres.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - C'était en effet envisageable mais le Gouvernement a choisi une autre voie. Compte tenu de toutes les autres garanties d'indépendance de cette commission dont dispose le Parlement, la majorité de notre commission des lois a rejeté ces amendements.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je voulais faire plaisir à M. Frimat...
M. Bernard Frimat. - Le pire n'est pas exclu !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Nous avions en effet initialement prévu une élection du président au sein de cette commission et cela figurait dans le projet déposé au Conseil d'État. Mais celui-ci l'a refusée estimant que cela exposait à un risque d'affrontement interne, préjudiciable au bon fonctionnement ultérieur de la commission. Il a notamment évoqué le cas de l'ancienne CNCL (Commission nationale de la communication et des libertés), mise en place en 1986, dont les travaux avaient été perturbés par l'élection interne de son président. Avis défavorable.
M. Bernard Frimat. - Je ne peux rester indifférent aux intentions initiales du ministre et je lui en donne acte. Je lui en suis d'autant plus reconnaissant que nous avions souhaité que l'avis du Conseil d'État soit rendu public. Je le remercie donc de lever le voile. Mais j'imagine sans peine la signature du rapporteur qui s'est exprimé sur ce projet... Comme dit le proverbe, « quand on veut, on cherche un moyen, quand on ne veut pas, on cherche une excuse ».
M. Richard Yung. - Merci de nous avoir donné les raisons du Conseil d'État. Loin de nous l'intention de les discuter, mais elles traduisent tout de même une curieuse conception de l'indépendance de cette commission.
L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Remplacer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-2 du code électoral par deux phrases ainsi rédigées :
Ils sont réunis en deux collèges, l'un composé par les magistrats et l'autre par les personnes qualifiées, élus dans les conditions prévues à l'article L. 567-1 du code électoral. Les membres de cette commission sont renouvelés par collège tous les trois ans, sous réserve des dispositions du paragraphe II de l'article 1er.
M. Bernard Frimat. - Je le retire : il était cohérent avec nos autres amendements. Si, dans un moment de grande sagesse, vous les aviez adoptés, nous aurions eu une commission de sept membres, un nombre impair renouvelable par collège. Par respect pour les personnalités qualifiées, nous proposions de renouveler d'abord le collège des magistrats. Mais cette représentation par collège n'a plus grand sens. Nous cessons donc de tenter d'améliorer cette commission et de mettre de l'indépendance dans la dépendance.
L'amendement n°7 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Après le mot :
si
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-6 du code électoral :
la totalité de ses membres sont présents sauf cas de force majeure.
II. - Rédiger comme suit le second alinéa du même texte :
Elle délibère à la majorité absolue de ses membres.
M. Bernard Frimat. - Cette commission est tellement petite et elle se réunit si peu fréquemment qu'elle risque souvent d'arriver, comme les carabiniers, après la bataille. Il est donc important que, sauf cas de force majeure -de vraie force majeure, pas comme dans les réunions de commission du Sénat...-, tous ses membres soient présents et qu'elle délibère à la majorité absolue desdits membres, tant est grande la sensibilité du sujet. Mais il vous faut un vote conforme pour que Xavier Bertrand retrouve son siège à l'Assemblée nationale. On dira que, involontairement, je me fais un peu ici le sous-marin de Jean-François Copé. Chacun a ses querelles, nous avons eu les nôtres, maintenant vous avez les vôtres... (Sourires)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission - Elles n'atteignent pas les sommets des vôtres !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Avis défavorable à une contrainte excessive et irréaliste.
L'amendement n°8, repoussé par le Gouvernement, est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après la première phrase du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-7 du code électoral, insérer une phrase ainsi rédigée :
Cet avis relate les positions divergentes éventuellement émises au sein de la commission.
M. Bernard Frimat. - Cette commission à l'indépendance constitutionnellement proclamée, travaille sur une matière très délicate. Son avis rendu public sera enrichi s'il est éclairé par les problématiques soulevées en son sein. Nous ne réclamons pas un procès-verbal, mais il serait décent que la représentation nationale soit avertie des avis divergents et argumentés qui s'y sont fait jour. Sans rompre la confidentialité des débats, ce serait un progrès vers la transparence et la démocratie. Si d'aventure vous vous y opposiez, j'en conclurais que vous refusez la transparence.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Encore une fausse bonne solution ! C'est inutile. La tradition des opinions divergentes est anglo-saxonne ; elle est en vigueur à la Cour de justice de La Haye et à Strasbourg et a pour effet de rendre illisible toute décision de justice. Un exemple récent : dans le rapport Balladur sur la révision de la Constitution, les opinions divergentes -celle de Pierre Mazeau par exemple- n'avaient aucun rapport avec le sujet traité. Une telle commission ne peut parler que d'une seule voix, sauf à s'exposer à d'interminables contentieux. Avis défavorable.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Même avis. Cette commission est un organisme collégial auquel la Constitution confie le soin de rendre un avis public.
Il n'est pas dans notre tradition que les opinions divergentes s'expriment. Voyez comment les choses se passent au Conseil d'État ou au Conseil constitutionnel.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Voilà !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - L'avis rendu collectivement pourra cependant être circonstancié et argumenté, dans les proportions que souhaiteront les membres de la commission.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'amendement n°10 est retiré.
L'article premier est adopté.
La séance est suspendue à 19 h 30.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
La séance reprend à 21 h 35.
Décision du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel, par lettre en date de ce jour, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité de la Constitution à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Acte est donné de cette décision. Elle sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
Article 25 de la Constitution et élection des députés (Urgence - Suite)
Election des députés (Urgence - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Article 2
I. - L'article L.O. 176 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 176. - Les députés dont le siège devient vacant pour cause de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet.
« Les députés qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet. Toutefois, dans le cas où ils renoncent à reprendre l'exercice de leur mandat avant l'expiration de ce délai, leur remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau de l'Assemblée nationale. »
II. - À l'article L.O. 135 du même code, la référence : « L.O. 176-1 » est remplacée par la référence : « L.O. 176 ».
III. - Au premier alinéa de l'article L.O. 178 du même code, les mots : « L.O. 176-1 ou lorsque les dispositions des articles L.O. 176 et L.O. 176-1 » sont remplacés par les mots : « L.O. 176 ou lorsque les dispositions de cet article ».
M. Michel Magras. - Nous avons tous bien conscience que nos interventions feront foi pour le juge constitutionnel chargé de juger de la conformité de ce texte. Je rappelle donc que le Conseil constitutionnel considère que le principe de proportionnalité entre la représentation à l'Assemblée nationale et la réalité démographique peut souffrir, « dans une mesure limitée », certaines dérogations pour des motifs d'intérêt général. C'est ainsi qu'il a jugé que chaque département peut, quelle que soit sa population, élire deux représentants à l'Assemblée nationale, pour assurer « un lien étroit entre l'élu d'une circonscription et l'électeur », à condition que cette disposition dérogatoire n'entraîne pas une inégalité sensible de représentation au sein d'un département.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Eh oui !
M. Michel Magras. - Je note que Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne sont ni un département, ni d'ailleurs un archipel.
Le Conseil constitutionnel a déjà admis, outre-mer, la représentation par un siège de député à l'Assemblée nationale de collectivités d'outre-mer faiblement peuplées comme les îles Wallis-et-Futuna, qui comptent 15 000 habitants aujourd'hui, mais n'en comptaient que 8 000 lors de leur accession au statut de territoire d'outre-mer, l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, voire Mayotte.
Lors de son examen de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, le Conseil constitutionnel n'a pas sanctionné la création de deux nouveaux sièges de députés pour les deux nouvelles communautés de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin -ce qu'il aurait pu faire, en théorie, en se fondant sur la faible population de Saint-Barthélemy- il l'a simplement différée dans l'attente d'un remodelage général des circonscriptions législatives.
L'écart de représentation doit rester, aux yeux du juge constitutionnel, limité. Or, les trois sièges des petites communautés d'outre-mer concernées représenteraient 0,51 % du total des 577 sièges de députés.
A l'occasion de la réforme de la composition du Sénat, le Conseil constitutionnel a expressément admis le maintien, au profit de la Creuse et de Paris, d'inégalités démographiques à caractère exceptionnel et portant sur un nombre limité de sièges, jugeant que cette dérogation, pour regrettable qu'elle soit, ne concernant que quatre sièges sur 346, ne portait pas atteinte au principe d'égalité devant le suffrage. Or, la proportion de quatre sur 346, soit 1,15 %, est bien supérieure à celle de trois sur 577, soit 0,51 %.
J'ajoute que fusionner les circonscriptions de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin revient à accepter le principe de circonscriptions « interdépartementales ». Cela conduirait à admettre, en métropole, la création de circonscriptions englobant deux départements faiblement peuplés...
J'ai donc déposé à l'article 2 un amendement visant à rétablir dans la loi le principe qui veut que toute collectivité soit représentée au moins par un député. J'ai entendu, monsieur le rapporteur, votre message clair et précis ; j'ai apprécié, monsieur le président, la force de votre engagement ; j'ai compris, monsieur le ministre, qu'à ce stade du projet, il vous était difficile de m'apporter une réponse concrète, mais que vos propos témoignaient néanmoins d'un engagement du Gouvernement. Il se pourrait bien, dans ces conditions, que je vienne à retirer mon amendement. (Applaudissements à droite)
M. Robert del Picchia. - J'interviendrai sur les articles 2 et 3. Il ne m'appartient pas de contester ce qu'une autre chambre a décidé pour elle-même, et c'est pourquoi je n'ai pas déposé d'amendement à l'article 2. Je voterai l'un et l'autre de ces textes, mais non sans m'être exprimé comme élu des Français de l'étranger, ce que je suis depuis 1988. Car ces dispositions concernent tous les Français établis hors de France, qui ne sont, pour l'heure, défendus que par le Sénat. Je crois donc pouvoir ici apporter sinon mon expertise, du moins mon expérience. Les élus des Français de l'étranger ont apprécié l'engagement du Président de la République.
Cet engagement est apprécié, mais les Français établis hors de France se voient de nouveau victimes d'une discrimination. On ne veut pas tenir compte de l'intégralité de leur population. Je me fais l'écho de l'AFE : pendant des décennies, on a reproché aux Français de l'étranger d'être partis, et puis on les a incités à s'inscrire. Aujourd'hui, cet attachement à la France les pénalise puisqu'il les empêche d'être représentés à l'Assemblée nationale.
Il faut donc trouver une solution pour séparer les législatives des autres élections pour lesquelles ces Français sont inscrits en France, notamment les municipales et les cantonales.
L'AFE a souhaité obtenir douze députés, mais cela ne sera malheureusement pas le cas. Vous avez laissé entendre, monsieur le ministre, que neuf députés seraient sans doute une solution possible. Nous nous en contenterions car cela permettrait d'avoir quatre députés pour l'Europe, deux pour le continent américain, deux pour l'Afrique et un pour l'Asie. Il faudra bien sûr étudier de près le découpage et les sénateurs représentants les Français hors de France et les membres de l'AFE sont prêts à vous y aider, monsieur le ministre.
Le scrutin majoritaire à deux tours a été retenu. On a parlé d'un délai de quinze jours entre le premier et le deuxième tour. Trois semaines seraient préférables, car il faut déjà deux jours pour obtenir tous les résultats, du fait des décalages horaires et du temps nécessaire pour faire remonter les informations à Paris. Enfin, il est absolument nécessaire de prévoir une possibilité de vote par internet afin de limiter l'abstention. En outre, internet permettrait de mieux diffuser les programmes des candidats.
Nous savons que la politique, c'est l'art du possible. Nous savons que vous faites de votre mieux, monsieur le ministre, et c'est pourquoi nous voterons votre projet de loi. (Applaudissements à droite)
M. Christian Cointat. - Si j'ai voulu intervenir dans l'intimité pourpre de cet hémicycle, (murmures d'admiration à droite) c'est pour rendre un vibrant hommage à Nicolas Sarkozy. (Murmures d'approbation sur les mêmes bancs) Sans lui, nous n'aurions pas débattu ce soir de cette question !
M. Bernard Frimat. - Vous serez ministre quinze jours !
M. Christian Cointat. - Durant la campagne de la présidentielle, il a fait deux promesses aux Français établis hors de France : la gratuité de l'enseignement dans les lycées français et des sièges de députés. Ces deux promesses ont été tenues ! (M. Robert del Picchia applaudit)
En dépit des vicissitudes et des oppositions qu'il a rencontrées, y compris dans cet hémicycle, où certains ont essayé de remettre en cause il y a deux jours la gratuité de l'enseignement à l'étranger, ce qui a obligé le Gouvernement à demander une deuxième délibération, je suis heureux de constater que Nicolas Sarkozy a tenu bon.
Pour les députés représentant les Français hors de France, on nous avait annoncé l'égalité de traitement avec ceux élus en métropole. Nombreux ont été ceux qui ont cherché tous les artifices pour réduire cette représentation. Il est vrai que, lorsque le gâteau ne peut plus grandir, les parts deviennent moins larges pour ceux qui arrivent et, malheureusement, les députés métropolitains sont plus nombreux que ceux d'outre-mer et, demain, que ceux représentant les Français hors de France. Le sénateur de Mayotte en sait quelque chose ! Tout ce qui permet de réduire la part des autres augmente celle des métropolitains ! Cela me choque énormément, car cette approche ne respecte pas l'intérêt général et va à l'encontre de l'équité entre tous les Français.
Je veux aussi rendre hommage à notre ministre. (Marques d'approbation sur les bancs de la commission et à droite) J'ai toujours été fasciné par son intelligence et son habileté (ironie à gauche) : il a réussi, tout en nous sauvant la face, à réduire le nombre de députés auxquels nous pouvons prétendre. Avec 1 430 000 citoyens inscrits volontairement au registre, cela veut dire qu'ils sont bien plus nombreux. Or, notre ministre est arrivé, et je l'en félicite, même si je le regrette, à en réduire le nombre pour qu'ils aient moins de députés à les représenter. Si l'on arrive à en garder neuf, il faudra nous estimer heureux, car ce sera en définitive l'habileté de l'équilibre. Le paradoxe est que les Français de l'étranger qui sont inscrits dans des communes de métropole ou d'outre-mer veulent remplir leurs devoirs civiques. Or, ce sont ceux-là qui vont être pénalisés. Mon ami del Picchia et moi-même sommes tous deux inscrits dans une commune de France : nous ne serons donc pas comptabilisés comme Français de l'étranger et nous ne pourrons donc pas voter pour ces députés !
Respectons donc la volonté d'équité du Président de la République : avec neuf députés, vous nous avez sauvé la face, et nous pourrons continuer à travailler, mais vous savez bien que ce chiffre ne correspond pas à la réalité. Avec près de 1 500 000 personnes, nous sommes comparables à la population parisienne qui élit... 21 députés ! Nous devrions en avoir autant ! (M. Alain Marleix s'étonne)
Comme disait Vaclav Havel, l'espérance n'est pas au bout d'une prévision mais au coeur de la volonté et c'est pourquoi je suis très reconnaissant à Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements à droite)
Mme la présidente. - Amendement n°11, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - Je rends hommage au vibrant plaidoyer de M. Cointat : il est toujours émouvant de voir quelqu'un se porter au secours de ceux qui sont en difficulté ! (M. Christian Cointat rit) Mais la représentation parlementaire ne saurait être comparée avec un gâteau que l'on se partagerait.
M. Christian Cointat. - C'est malheureusement ce que je ressens !
M. Bernard Frimat. - Ce n'est pas bien sérieux ! Le principe, c'est un homme, une voix.
M. Christian Cointat. - Faites le calcul : 1 450 000 divisés par 125 000, cela fait douze sièges !
M. Bernard Frimat. - Dans le Nord, nous avons onze sénateurs pour 2 500 000 habitants. Mais je vais arrêter là ce dialogue sans intérêt.
La révision constitutionnelle prétendait développer les droits du Parlement. Même si ce n'est pas le cas, vous continuez à le prétendre. Et demain, quand vous réduirez le droit d'amendement, vous direz sans doute encore que c'est pour renforcer le Parlement.
Cet amendement supprime l'autorisation de recourir à la loi d'habilitation. J'en ai exposé les raisons lors de la discussion générale. D'abord, il est possible de présenter un projet de loi : le découpage actuel en est un bon exemple.
En deuxième lieu, il revient au Parlement de déterminer le nombre de députés et votre démarche me semble réductrice. Quand le marchandage sur le nombre de députés représentant les Français établis hors de France sera terminé, il restera un solde et on arrivera à des inégalités très fortes entre circonscriptions.
Il aurait été préférable de faire les choses dans l'ordre : d'abord, créer la Commission indépendante, si tant est qu'elle le soit, pour qu'elle puisse donner un avis sur les critères
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Mais non ! Sur les découpages !
M. Bernard Frimat. - Une fois la commission créée, elle aurait pu émettre des avis. La voie que vous suivez dessaisit le Parlement et le réduit à une chambre d'enregistrement.
C'est ce que vous faites de texte en texte ! Supprimons la loi d'habilitation, cela aura le mérite de la clarté, et faisons les choses dans l'ordre.
Mme la présidente. - Amendement identique de suppression n°24, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Chercher à justifier le recours aux ordonnances par le précédent de 1986 ne vaut pas : François Mitterrand avait refusé de signer et il avait fallu en passer par une loi. Le Parlement est seul légitime pour débattre publiquement du découpage des circonscriptions. Nous ne nous faisons pas trop d'illusions sur les conditions dans lesquelles il sera conduit. M. le secrétaire d'État est chargé de ce dossier au Gouvernement, il fut secrétaire national aux élections à l'UMP...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Cela n'a rien à voir.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il est juge et partie. Il a déjà évoqué les circonscriptions qui seraient concernées !
Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article.
M. Bernard Frimat. - C'est un amendement de repli, tendant à limiter l'habilitation au redécoupage. La répartition des sièges entre catégories ne saurait échapper au débat parlementaire.
Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le cinquième alinéa (4°) du I de cet article, après le mot :
les
insérer le mot :
deux
M. Richard Yung. - Nous encadrons l'habilitation : les députés représentant les Français établis hors de France doivent être élus dans le cadre de deux circonscriptions : « Europe » et « hors Europe ». L'exemple nous est donné par le Portugal. Cet amendement est en cohérence avec un autre tendant à établir le scrutin proportionnel.
Notre proposition a le mérite de la simplicité, chaque circonscription représentant à peu près la moitié des Français expatriés. Nous facilitons le travail du secrétaire d'État.
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°14, présenté par M. Yung et Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage.
Rédiger comme suit le huitième alinéa (4°) du II de cet article :
L'évaluation du nombre de Français établis hors de France est établie sans minoration du nombre de personnes inscrites au registre des Français établis hors de France.
M. Richard Yung. - Le mode de calcul -oralement précisé mais non écrit- du nombre de Français de l'étranger n'est pas satisfaisant. Prendre en considération le nombre d'électeurs inscrits, au lieu du nombre de Français, n'est pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Et l'Assemblée des Français de l'étranger a adopté plusieurs résolutions pour demander que s'applique la même méthode qu'en métropole, la répartition par tranches de population.
Mme la présidente. - Amendement n°15, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le V de cet article, après le mot :
Parlement
insérer le mot :
et fait l'objet d'un examen spécifique,
M. Bernard Frimat. - La « ratification expresse » signifie-t-elle que nous aurons un texte isolé à examiner ? Ou traiterons-nous de cette ordonnance dans le cadre d'un bloc d'ordonnances ? Il faut un débat spécifique, ouvert. J'attends une réponse précise sur la signification des termes « ratification expresse ».
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Avis bien entendu défavorable aux amendements n°s11 et 24. Il n'est pas besoin d'y revenir en détail.
M. Bernard Frimat. - Vos arguments sont faibles...
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Je les ai indiqués au moins quatre fois ! Et ils sont meilleurs.
M. Bernard Frimat. - Ils ne se sont pas améliorés en chemin !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Avis défavorable au n°12, le Sénat n'a pas à intervenir dans le mode de désignation des députés. Défavorable au n°13, parce que le scrutin proportionnel est contraire à la position de la commission et du Gouvernement.
Nous sommes d'accord sur le point de départ de l'amendement n°14. Néanmoins l'évaluation du nombre de Français de l'étranger doit être minorée pour tenir compte de ceux qui votent en France pour certaines élections. Mais là encore, nous n'avons pas à intervenir dans le mode de désignation des députés.
La ratification expresse sera bien sûr l'occasion d'un examen spécifique, même si l'ordonnance nous est présentée dans un train de textes : il ne dépend que de nous de nous arrêter plus longuement sur telle ou telle question, et je fais toute confiance pour cela à M. Frimat.
M. Bernard Frimat. - Donc, avis favorable ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Pas besoin de l'écrire !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Défavorable aux amendements n°s11 et 24 : jamais le recours aux ordonnances n'a été exclu et la loi d'habilitation de 1986 a été validée par le Conseil constitutionnel. Le Parlement n'est pas pour autant dessaisi : il débat en amont à l'occasion du projet de loi d'habilitation, en aval lors de l'examen du projet de loi de ratification -en l'occurrence, à la fin de l'année 2009. Les termes « ratification expresse » figurent à l'article 38 de la Constitution.
C'est le Conseil constitutionnel qui a demandé des ajustements dans la carte des circonscriptions : il a fait ses observations avant les dernières législatives et a précisé que les corrections devraient intervenir après cette échéance. La commission indépendante sera saisie sur toutes les questions de sa compétence, telles que la répartition entre catégories ; elle aura deux mois pour rendre son avis. Je rappelle qu'aucune commission n'a été saisie en 1985, lors du passage à la proportionnelle, des modalités de calcul des sièges ni de la répartition entre départements.
M. Bernard Frimat. - Pourquoi renoncer à s'améliorer ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Par souci de transparence, le sujet étant sensible, nous avons annoncé dans l'exposé des motifs les critères qui seraient retenus. Le Gouvernement n'avait aucune obligation de le faire, une loi d'habilitation ne devant comporter que l'objet et le délai. Telle était au demeurant la position du Conseil d'État.
Nous reprenons le tableau de répartition de 1985, celui retenu par le gouvernement de M. Fabius, M. Joxe étant ministre de l'intérieur, et les critères de 1986, validés par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État.
Avis défavorable à l'amendement n°12 : nous ne pouvons pas fixer le nombre des députés élus par les Français établis hors de France et inscrire le tableau de la répartition des sièges en métropole et outre-mer dans ce texte, car les chiffres du recensement de 2004, recensement dit « glissant », ne seront validés que par un décret en fin d'année. Nous ne sommes pas dans la situation de 1986 où la carte électorale avait été remodelée en fonction d'un recensement effectué quatre ans auparavant. Attendre, ce serait retarder encore cette réforme dont le Conseil constitutionnel a demandé maintes fois la mise en oeuvre et que des gouvernements de gauche, je le rappelle, auraient eu tout le temps de mener depuis douze ans.
Avis également défavorable pour l'amendement n°13. Sans compter qu'il est contradictoire de vouloir encadrer une habilitation que vous avez voulu supprimer dans l'amendement n°12, on ne peut délimiter les circonscriptions législatives des Français de l'étranger dans cette loi sans que le nombre de leurs députés, élus au scrutin majoritaire uninominal, n'ait été fixé et la commission indépendante, chargée d'y réfléchir, consultée. Toutefois, ces circonscriptions, le Gouvernement en a pris l'engagement, seront équitablement réparties entre l'Europe et le reste du monde.
Le Gouvernement est opposé à l'amendement n°14, contraire à l'article 3 de la Constitution, car, malgré leur caractère imprécis, les listes consulaires, seules données objectives dont nous disposons, peuvent servir de base de calcul pour fixer le nombre des députés des Français de l'étranger.
S'agissant de l'amendement n°15, l'exigence d'une ratification expresse des ordonnances par le Parlement, posée à l'article 38 de la Constitution, vous garantit que le Parlement débattra des ordonnances, après leur adoption en conseil des ministres.
L'amendement n°11, identique à l'amendement n°24, n'est pas adopté, non plus que les amendements nos12, 13, 14 et 15.
L'article 2 est adopté.
Article 3
I. - Au code électoral, il est rétabli un livre III ainsi rédigé :
« LIVRE III
« DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES RELATIVES À LA REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
« Art. L. 328. - Le chapitre II du titre II du livre Ier du présent code est applicable à l'élection des députés représentant les Français établis hors de France. »
II. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, les autres dispositions nécessaires à l'élection des députés représentant les Français établis hors de France.
Le projet de loi portant ratification des ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant celui de leur publication.
III. - L'article L. 125 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 125. - Les circonscriptions sont déterminées conformément aux tableaux n° 1 pour les départements, n° 1 bis pour la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et n° 1 ter pour les Français établis hors de France annexés au présent code. »
IV. - L'article L. 394 du même code est abrogé.
IV bis - À l'article L. 395 du même code, les mots : « du deuxième alinéa de l'article L. 125 et » sont supprimés.
V. - Les I, III, IV et IV bis du présent article, ainsi que les dispositions prises par ordonnance sur le fondement du II, prennent effet lors du premier renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant la publication de la présente loi.
M. Christian Cointat. - L'essentiel ayant été dit, je serai bref... Puisque, en dépit des souhaits de l'Assemblée des Français de l'étranger, le choix du scrutin majoritaire uninominal pour l'élection des députés des Français de l'étranger n'est pas négociable, je dois attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés pratiques que soulève cette décision : compte tenu de l'immensité des territoires, il faudra prendre des mesures spécifiques pour rapprocher les électeurs des bureaux de vote et faire connaître les candidats. On me rétorquera que les Français de l'étranger ont déjà l'expérience d'un tel type d'élection. Certes, mais c'était celle du Président de la République dont les médias, TV5, RFI et les journaux nationaux rendent compte. La démocratie, ce n'est pas si simple sur de telles distances. Rendez-vous compte : si la Polynésie française, que M. Frimat connaît comme moi, et qui élit deux députés, est éparpillée sur un territoire de la superficie de l'Europe, que dire de la circonscription Asie-Océanie qui élit un député ?
Bref, prenons des mesures spécifiques pour éviter l'absentéisme sans quoi certains se prévaudront du bas taux de participation pour répandre l'idée que donner des députés aux Français de l'étranger était une erreur. Donnons le droit de vote aux Français de l'étranger pour qu'ils votent bien !
M. Bernard Frimat. - Comment faut-il comprendre cette dernière phrase ?
M. Christian Cointat. - J'encourage simplement les Français à voter...
Mme la présidente. - Amendement n°16, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°17, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 328 du code électoral, après le mot :
code
insérer les mots :
à l'exception de l'article L. 123
M. Richard Yung. - En tant que représentant des Français de l'étranger, il est de mon devoir de continuer à défendre le scrutin à la proportionnelle, même si je sais le combat perdu d'avance, alors qu'il permettrait de réduire le taux d'absentéisme.
M. Cointat a rappelé les difficultés de l'organisation d'une élection au scrutin majoritaire compte tenu des superficies de nos circonscriptions. Je crains que votre décision, qui pourrait être source de contentieux, ne jette un trouble sur la validité des résultats du scrutin et je déplore ce blocage idéologique...
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Vous, vous êtes bloqués sur la proportionnelle ! (Sourires)
Mme la présidente. - Amendement n°18, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le paragraphe II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Il autorise le vote par correspondance sous pli fermé et le vote par voie électronique. Il introduit des dérogations aux articles L. 55, L. 56 et L. 173 du code électoral.
M. Richard Yung. - Pour réduire les distances qui séparent les Français de l'étranger de leurs bureaux de vote et, partant, pour lutter contre l'absentéisme, il faut développer le vote électronique et le vote par correspondance, que l'on a expérimentés lors de l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger -les résultats sur le taux de participation n'étaient pas satisfaisants mais, en la matière, il faut laisser du temps. Prenons exemple sur le modèle démocratique que nous offre la Suisse qui offre à ses électeurs la possibilité de vote par anticipation, par procuration, par correspondance et par voie électronique.
L'amendement n°19 est retiré.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°16 pour des raisons déjà évoquées de même qu'à l'amendement n°17, car le Sénat a choisi de ne pas remettre en question le choix de l'Assemblée nationale. S'agissant de l'amendement n°18, les dispositions sur les modalités de vote ne relèvent pas de la loi... Puis-je rappeler que le vote par correspondance a été supprimé par M. Joxe, alors ministre de l'intérieur...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - A juste titre !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - ...parce qu'il avait donné lieu à de nombreuses fraudes dans plusieurs départements ?
L'ordonnance précisera les modalités du vote. L'Assemblée des Français de l'étranger sera d'ailleurs associée aux discussions préparatoires, comme s'y est engagé M. le ministre. Retrait ou rejet.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Il est dommage que M. Yung ait retiré l'amendement n°19, auquel je n'étais pas hostile...
En ce qui concerne l'amendement n°17, le Gouvernement est défavorable par principe au mode de scrutin proportionnel. Ce n'est pas un blocage idéologique. Le scrutin majoritaire est une caractéristique essentielle de la Ve République, et assure depuis des années la stabilité politique de notre pays : l'histoire récente pourrait l'illustrer a contrario, y compris pour certains partis politiques... L'adoption d'un mode de scrutin proportionnel pour l'élection des députés des Français de l'étranger aurait pour effet de singulariser ceux-ci parmi leurs collègues. Certes, les sénateurs sont élus selon deux modes de scrutin différents.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Encore la proportionnelle a-t-elle été réduite !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Mais les députés ont été hostiles à la proportionnelle. Les Français de l'étranger doivent avoir un député bien identifié, auquel ils puissent s'adresser. C'est le choix du pragmatisme et de l'efficacité.
Avis également défavorable à l'amendement n°18. L'ordonnance apportera toutes les adaptations nécessaires ; ce serait anticiper sur celle-ci que de légiférer dès à présent. Je me suis engagé à élaborer ce texte en concertation avec les tous les sénateurs représentant les Français établis à l'étranger et avec l'Association des Français de l'étranger : une réunion aura lieu dès le 19 décembre prochain. Nous aborderons les problèmes du financement des campagnes électorales, du délai entre les deux tours, du mode de scrutin et des campagnes audiovisuelles. Après la réunion du 19 décembre, je vous propose de mettre en place un groupe de travail sur les ordonnances dès le mois de janvier. Cette réforme sera menée en concertation avec tous les partis, dans un esprit de consensus républicain. (Applaudissements à droite)
M. Robert del Picchia. - Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je soutiens l'amendement n°18 présenté par M. Yung : les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre ne m'ont pas rassurée. Je sais que le vote par correspondance suscite de nombreuses réticences, qu'il y a eu des fraudes par le passé, et qu'il a été aboli en 1977. Mais les Français de l'étranger forment une circonscription très particulière, songez aux distances. Il faut tout mettre en oeuvre pour éviter l'abstention : de nouveaux bureaux de vote doivent être ouverts, et il faut autoriser aussi le vote par correspondance et le vote électronique.
L'information des électeurs est indispensable pour qu'ils participent en nombre. En 2005, lors de l'examen du projet de loi sur le vote des Français établis hors de France, j'avais proposé un amendement visant à obliger les organismes de l'audiovisuel public à mener des campagnes d'information civique à destination de ces électeurs. Je l'avais retiré, le Gouvernement s'engageant à mener une réflexion en ce sens. Mais rien n'a été fait. Je le répète, il s'agit d'une mesure indispensable : il y va de la légitimité des futurs députés !
Je ne sais pas si M. Yung maintiendra son amendement (M. Richard Yung le confirme) Toujours est-il que je souhaite que M. le ministre réitère son engagement de modifier les modalités de vote, en dépit des réticences de l'administration. Le vote par correspondance existe dans presque tous les pays européens ! Les Français ne sont pas plus fraudeurs que les autres ! Nous avons déjà expérimenté ce type de vote pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger, et j'ai déposé une proposition de loi, signée par une majorité de mes collègues, visant à l'étendre à toutes les élections. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)
M. Patrice Gélard, rapporteur. - M. le ministre a pris l'engagement d'associer les représentants des Français de l'étranger à la suite du processus.
Par ailleurs je répète qu'il n'est pas conforme à la tradition républicaine que le Sénat modifie les dispositions adoptées par les députés au sujet de leur mode d'élection.
M. Bernard Frimat. - Que faisons-nous ici ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Vous avez justement soulevé, madame, le problème de l'information, qui touche aussi les électeurs vivant en France. En ce qui concerne les Français de l'étranger, cette question sera abordée dans le cadre des discussions menées par M. le ministre. L'amendement de M. Yung n'a plus de raison d'être.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°17.
M. Christian Cointat. - Compte tenu des engagements de M. le ministre, j'invite nos collègues socialistes à retirer leur amendement. Il serait dommage que nous soyons obligés de voter contre une disposition à laquelle nous sommes favorables !
M. Jean-Pierre Godefroy. - La solution est simple : votez pour !
M. Bernard Frimat. - M. Cointat lance un appel au retrait comme une bouteille à la mer. Mais le mandat impératif n'existe pas : les parlementaires sont libres de leur vote.
Quand nous sommes pour un amendement, nous votons pour ; quand nous sommes contre, nous votons contre. Et vous nous dites que notre amendement est bon et vous allez voter contre.
M. Pierre Fauchon. - Vous êtes vous-mêmes spécialistes de ce genre d'exercice !
M. Robert del Picchia. - Je n'ai pas honte de dire que je voterai contre l'amendement : les Français de l'étranger comprendront très bien pourquoi.
M. Jean-Pierre Godefroy. - C'est parce que vous êtes pour !
M. Robert del Picchia. - M. le ministre s'est engagé, et cela nous suffit.
M. Richard Yung. - J'ai du mal à saisir l'enjeu de ce débat. Il n'y a aucune opposition entre notre amendement, bien modeste, et les engagements de M. le ministre ! (Marques d'impatience au banc des commissions) Les Français de l'étranger comprendront très bien notre position.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je soutiens entièrement l'esprit de l'amendement. Je tenais à insister sur l'importance de l'information et du vote par correspondance : ce sont des sujets sur lesquels je travaille depuis des années.
Je fais totalement confiance au ministre : s'il a pris un engagement, il le tiendra. Je suggèrerais donc à notre collègue de retirer son amendement après que le ministre aura réitéré son engagement.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Vous êtes crédule !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - J'avais cité le nom de Mme Garriaud-Maylam avant qu'elle prenne la parole ! Je renouvelle bien volontiers mon engagement d'une étroite concertation avec les sénateurs représentant les Français de l'étranger, l'Assemblée des Français de l'étranger et les organisations représentatives pour aborder sans tabou toutes les questions spécifiques aux Français de l'étranger.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Article 4
L'article 24 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le représentant dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit est remplacé par le candidat figurant sur la même liste immédiatement après le dernier candidat devenu représentant conformément à l'ordre de cette liste. » ;
2° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« En cas de décès ou de démission d'un représentant l'ayant remplacé, tout représentant ayant accepté les fonctions ou la prolongation de missions mentionnées aux articles L.O. 176 et L.O. 319 du code électoral et autres que des fonctions gouvernementales peut, lorsque ces fonctions ou missions ont cessé, reprendre l'exercice de son mandat. Il dispose pour user de cette faculté d'un délai d'un mois.
« En cas d'acceptation par un représentant de fonctions gouvernementales, son remplacement est effectué, conformément au premier alinéa, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions. À l'expiration du délai d'un mois, le représentant reprend l'exercice de son mandat. Le caractère temporaire du remplacement pour cause d'acceptation de fonctions gouvernementales s'applique au dernier candidat devenu représentant conformément à l'ordre de la liste. Celui-ci est replacé en tête des candidats non élus de cette liste.
« Si le représentant qui a accepté des fonctions gouvernementales renonce à reprendre l'exercice de son mandat avant l'expiration du délai mentionné au cinquième alinéa, son remplacement devient définitif jusqu'à la date mentionnée au quatrième alinéa. L'intéressé adresse sa renonciation au ministre de l'intérieur. »
Mme la présidente. - Amendement n°25, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il est défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°20, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le dernier alinéa de cet article
M. Bernard Frimat. - Cet amendement revient sur le débat que nous avons eu à propos des membres du Parlement européen et dont vous voulez maintenant prévoir le retour alors qu'il n'en avait pas été question lors de la révision constitutionnelle. Je ne reviens pas sur ce qu'a dit M. Gélard ce matin sinon pour rappeler que notre amendement est tout aussi pertinent.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Avis défavorable par cohérence avec notre position sur les articles 2 à 4 de la loi organique.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°25 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°20.
L'article 4 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Nicolas Alfonsi. - La majorité du groupe RDSE avait voté la réforme constitutionnelle et la minorité, à laquelle je m'étais associé, avait voté contre. Finalement, des deux textes d'aujourd'hui, c'est la loi ordinaire la plus importante. J'aurais pu rejoindre les arguments de M. Frimat sur la composition de la commission, la nomination par le Président de la République ou l'habilitation pour les ordonnances, mais il faut rester mesuré. La commission marque un progrès et c'est pourquoi, avec la majorité de mon groupe, je voterai la loi ordinaire, contrairement à la loi organique. Il fut un temps où l'on dénigrait le Conseil constitutionnel en raison de sa désignation mais aujourd'hui, c'est lui qui invite à créer une commission pour modifier la carte électorale et l'on peut penser que celle-ci vivra sa vie, créera sa propre déontologie.
Quant à la loi organique, la majorité de mon groupe la votera et je voterai contre. Attaché au parlementarisme ou au parlementarisme rationalisé, je désapprouve une loi toute de convenance et une présidentialisation rampante. Du temps du général de Gaulle, quand on devenait ministre, c'était pour servir l'État et se serait-on préoccupé de ce qui se passait après qu'on ne l'aurait plus été par ce fait même.
M. Pierre Fauchon. - Nous sommes en présence d'un progrès, et quel progrès ! La commission est une innovation d'une grande portée politique. Rappelons-nous d'où nous venons et dans quelle opacité travaillaient les officines -M. Pasqua n'est pas là... On y parlait d'instruments de chirurgie mais il devait aussi y avoir des anesthésistes. (Sourires) Nous introduisons de la transparence et celle-ci, en démocratie, est d'une extrême efficacité : la presse pourra jouer son rôle. Alors je me tourne vers nos collègues socialistes qui auraient préféré introduire telle ou telle nuance, parce qu'il faut parler : pouvez-vous voter contre un tel progrès ? Non, car ce qui est étonnant avec cette réforme constitutionnelle, c'est qu'on l'accueille avec scepticisme, et qu'elle révèlera progressivement ses bienfaits, de sorte que dans dix ans, quand on mesurera qu'on a changé la République, nous pourrons dire avec fierté que c'est à nous qu'on le doit ! (On applaudit au centre et à droite)
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Eh non, monsieur Fauchon, ce n'est pas un progrès car ce qui se confirme, c'est que nous entrons bel et bien dans un régime présidentiel et cela, mon groupe le refuse.
M. Pierre Fauchon. - Les régimes communistes n'étaient-ils pas présidentiels ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je n'ai jamais soutenu un régime tel que ceux-la !
M. Bernard Frimat. - Elle n'était pas née quand Staline est mort !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Est-ce que je vous dis, monsieur Fauchon, que les centristes sont tièdes ? Et bien je l'ai dit !
M. Pierre Fauchon. - Cela dégage une certaine chaleur !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le retour des membres du Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat fragilisera le Parlement et renforce le pouvoir hégémonique du Président de la République. On dévalorise le mandat parlementaire et les citoyens n'auront même pas leur mot à dire sur l'action qu'auront menée les ministres. La commission ? Quelle grande garantie d'indépendance ! Les ordonnances ? Elles sont anti-démocratiques ! Le découpage ? L'opacité demeurera et la commission n'y changera rien. En déclarant l'urgence vous avez achevé de cadenasser la procédure et lorsqu'un frémissement était perceptible dans le débat, le groupe UMP se retirait sur la pointe des pieds. On constate déjà des dérapages par rapport à ce qui avait été dit lors de la révision et demain, la situation sera encore pire. Le groupe CRC-SPG votera contre les deux textes.
M. Richard Yung. - Nous éprouvons une déception car si nous avons fait en quelques heures le tour des principales questions, le débat était dès le départ vidé d'une partie de son sens par la nécessité d'un vote conforme. Pourquoi ce calendrier parlementaire alors que nous aurions pu prendre le temps d'un débat serein ?
Le débat a eu le mérite de permettre aux uns et aux autres de faire un peu de pédagogie. J'espère que le ministre nous aura entendus et nous nous serons surtout adressés au Conseil constitutionnel. Nous avons buté sur le rocher des 577 : pourquoi ce chiffre d'où viennent nos difficultés ? Nous avons buté sur le rocher du mode de scrutin, sur votre a priori idéologique contre la proportionnelle. Nous avons buté sur le rocher de l'ordonnance. J'espère que, comme l'a dit Pierre Fauchon, dans quelques années, on s'apercevra que vous avez fait oeuvre utile...
M. Christian Cointat. - A force de buter sur des rochers, on est obligé de se hisser à des hauteurs où l'on respire mieux. Ces deux textes permettront d'ajuster les circonscriptions aux évolutions démographiques et de répondre à l'urgence, comme le réclame le Conseil constitutionnel. Le groupe UMP félicite le Gouvernement d'avoir lancé ce difficile exercice qui relève presque de la quadrature du cercle. Le groupe le soutient avec confiance car il apporte les garanties de l'indépendance de la commission. Le Gouvernement est habilité à légiférer par des ordonnances que le Parlement sera libre de ratifier ou non. Le retour au Parlement du ministre qui cesse ses fonctions est une mesure de bon sens compte tenu des pratiques instaurées depuis plusieurs années et qui sont bien différentes de celles qui prévalaient au temps du général de Gaulle. Le groupe UMP votera ces deux projets de loi, clairs, transparents et cohérents. Je remercie enfin le ministre pour sa compréhension, son esprit d'ouverture et sa disponibilité qui laissent présager que les ordonnances correspondront bien à nos attentes et que nous les ratifierons avec enthousiasme. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Frimat. - Je ne remercierai pas le ministre pour son esprit d'ouverture : il a refusé tous nos amendements ! Pierre Fauchon a parlé de progrès mais il n'a présenté aucun amendement, c'est donc qu'il se reconnaissait d'avance dans ce texte !
Nous savions que l'ordre de voter conforme était tombé d'en haut... Monsieur Cointat, je suis prêt à parier que le groupe UMP ratifiera les ordonnances ; quel que soit leur contenu, vous les ratifierez... Nous, nous les étudierons et, s'il s'avère que nous avons fait au ministre un procès d'intention, nous le reconnaîtrons. Nous sommes contre les ordonnances et nous doutons de l'indépendance de la commission : à elle de nous prouver demain que nous nourrissions des préventions à son égard mais elle ne naît pas sous les meilleurs auspices. Le retour des ministres au Parlement est tranché mais le Conseil constitutionnel tranchera à propos des cas que nous avons évoqués. Nous avons vu vos contorsions pour refuser des choses dont vous proclamiez naguère la nécessité et, par nos amendements, nous avons voulu vous mettre à l'aise...
Les premiers travaux pratiques de la révision constitutionnelle ont échoué. La loi organique, deuxième séance de travaux pratiques, s'annonce pleine de dangers. Tout cela est mal parti. Nous voterons contre ces textes, sans enthousiasme car il est toujours triste de voir reculer la démocratie.
A la demande du groupe UMP, le projet de loi ordinaire est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 196 |
Contre | 141 |
Le Sénat a adopté.
En application de l'article 59 du Règlement, l'ensemble du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 192 |
Contre | 143 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite et au banc de la commission)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je remercie la présidence et tous les intervenants, spécialement le président et le rapporteur de la commission des lois. Ce débat fut un enrichissement pour le Gouvernement, qui prendra en considération certains des arguments qui ont été échangés. La création de sièges de députés représentant les Français de l'étranger est une nouveauté institutionnelle importante, il était normal que les sénateurs les représentant déjà participent activement aux discussions. Je les en remercie et confirme mon engagement de mener une concertation pour la rédaction des ordonnances, s'agissant notamment de l'organisation matérielle du scrutin. J'aurai aussi une pensée particulière pour les représentants des collectivités d'outre-mer, dont les interventions ont retenu l'attention du Gouvernement. Merci à tous. Nous avons eu un de ces débats républicains dont le Sénat est coutumier. (Applaudissements à droite et au banc de la commission)
Prochaine séance mardi 16 décembre 2008, à 10 heures.
La séance est levée à 23 h 20.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 16 décembre 2008
Séance publique
A 10 HEURES
1. Questions orales.
A 16 HEURES
2. Discussion des projets de loi :
- (n°464, 2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;
- (n°465, 2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;
- (n°68, 2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant ;
- (n°69, 2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne.
Rapport (n°129, 2008-2009) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3. Discussion du projet de loi (n°37, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Tadjikistan, d'autre part.
Rapport (n°126, 2008-2009) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4. Discussion du projet de loi (n°122, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces.
Rapport (n°128, 2008-2009) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
5. Discussion des projets de loi (n°89, 2008-2009) autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais et (n°90, 2008-2009) autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais.
Rapport (n°127, 2008-2009) de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
6. Discussion du projet de loi (n°35, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou.
Rapport (n°124, 2008-2009) de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
7. Discussion du projet de loi (n°36, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe.
Rapport (n°125, 2008-2009) de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
A 17 HEURES ET LE SOIR
8. Discussion du projet de loi (n°499, 2007-2008) portant diverses dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée).
Rapport (n°66, 2008-2009) de M. Jean Faure, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n°67, 2008-2009) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
A PARTIR DE 18 HEURES :
Désignation des vingt-cinq membres de l'Observatoire de la décentralisation.
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DÉPÔTS
La Présidence a reçu :
- de MM. Jean-Léonce Dupont, Jean-Paul Amoudry, Michel Bécot, Jacques Blanc, Paul Blanc, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Christian Demuynck, Jean-Pierre Fourcade, Antoine Lefèvre, Jean-Pierre Leleux et Jean-Pierre Vial une proposition de loi relative aux sociétés publiques locales.
- de M. Jean-Claude Etienne, Premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l'apport de la recherche à l'évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches, un rapport établi par M. Marcel-Pierre Cléach, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.