Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. J'invite les orateurs à respecter leur temps de parole.
Traitements des fonctionnaires à Mayotte
M. Adrien Giraud . - L'article 2 de la loi du 30 juin 1950 prévoit l'indexation des salaires pour les personnels civils et militaires d'outre-mer. Or celle-ci a pris fin à Mayotte en vertu de l'article 9 du décret du 12 décembre 1978. Les fonctionnaires de Mayotte en réclament le rétablissement afin de réparer cette discrimination et compenser la cherté de la vie : en 2006, l'indice des prix était de 5,6 %, contre 1,7 en métropole ! Hélas, les fonctionnaires mahorais n'ont toujours pas été entendus. Le ministre de l'outre-mer a pourtant déclaré le 9 octobre dernier, aux Iles Marquises, que l'indexation des salaires était « juste et justifiée ».
D'autre part, les instituteurs réclament le versement de la dotation spéciale instituteurs (DSI), majorée de 25 %, prévue par l'ordonnance du 21 décembre 2007. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer . - Nous sommes attentifs au devenir des fonctionnaires de Mayotte, question qui relève de la départementalisation, engagée en avril par le conseil général, sur laquelle les Mahorais se prononceront par référendum début 2009. Mais nous n'avons pas attendu : depuis vingt-quatre mois, pas moins de trente décrets ont été publiés pour adapter le statut de la fonction publique et améliorer les conditions de vie et de salaire de nombre de fonctionnaires, qui rattrapent petit à petit ceux des autres départements d'outre-mer et de la métropole. Toutefois, comme à Mayotte, 40 % des emplois sont des emplois publics, ce rattrapage doit être progressif pour éviter un déséquilibre de la société et un effet négatif sur les prix. Le préfet se penche sur le différentiel de coût de la vie dans le cadre d'un observatoire des prix. Le tour de table prévu le 4 novembre apportera des réponses concrètes aux instituteurs, qui sont pour partie en grève : l'État et le conseil général apporteront des solutions qui vous satisferont. (Applaudissements à droite et au centre)
Situation économique de la France (I)
M. Yves Krattinger . - Ma question s'adresse au Premier ministre. L'industrie automobile subit un choc terrible : des usines ferment, le chômage partiel explose, les intérimaires et les CDD sont renvoyés à l'ANPE, les équipementiers et les sous-traitants sont touchés ; la sidérurgie va chômer également ; les commandes industrielles chutent ; l'immobilier est en déprime ; la construction stagne et le bâtiment va souffrir. La crise est très grave. Elle se propage à l'économie réelle via le financement insuffisant des entreprises et la diminution des crédits aux ménages et aux collectivités.
Les trois piliers de la croissance sont touchés, la consommation, les exportations et l'investissement. Le moral des ménages et des chefs d'entreprise est au plus bas depuis vingt ans. Les menaces d'un effondrement de l'économie ne sont pas écartées.
Face à cette situation, vous proposez la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements, qui n'aura pas d'effet à court terme mais sera financée d'ici deux ans sur le dos des collectivités territoriales. Vous revenez au traitement social du chômage, tant décrié hier par la majorité, en créant 100 000 contrats aidés dans les associations et les collectivités -tout en diminuant leurs dotations. Vous défiscalisez les heures supplémentaires, ce qui joue contre l'embauche. Et, avec le bouclier fiscal, vous continuez de protéger les plus riches, qui n'en ont pas besoin, alors que les plus modestes sont oubliés. Où est la cohérence de ces mesurettes disparates ? Vous semblez attendre que le soleil revienne...
Quand prendrez-vous les décisions indispensables ? Quand imposerez-vous aux banques de prêter ? A quand un plan de sauvetage de la filière automobile et du bâtiment ? Nos concitoyens ressentent la situation actuelle comme une injustice, leur colère croît. Vous devez proposer un plan de sauvetage à la hauteur de la situation ! (Applaudissements à gauche)
M. François Fillon, Premier ministre . - (Applaudissements à droite) Face à la grave crise qui touche l'Union européenne et le monde, nous avons agi avec énergie. Nous avons proposé, avec nos vingt-six partenaires, un plan destiné à mettre un coup d'arrêt à la crise financière, plan qui commence à produire des résultats. Nous avons assuré la continuité du fonctionnement du système financier, puis fait en sorte que les banques recommencent à prêter aux ménages et aux entreprises. J'ai moi-même installé dans l'Eure la première commission départementale chargée de s'assurer du fonctionnement normal de l'économie et qui, sous l'autorité du préfet et du TPG, devra vérifier que sont respectées les instructions données aux banques en contrepartie du soutien qui leur a été apporté.
Nous ne nous sommes pas arrêtés là. Nous avons mis sur pied, depuis plusieurs semaines, un plan d'aide à l'économie, d'abord par le ciblage de 22 milliards issus de la collecte des livrets réglementés vers les PME, en liaison avec Oséo. Nous avons mis en place un plan d'aide au secteur du logement en rachetant 30 000 logements en voie d'achèvement qui seront transformés en logements sociaux. Il y a quelques jours, le Président de la République a annoncé en outre la création d'un fonds stratégique qui pourra, si nécessaire, entrer au capital d'entreprises stratégiques en difficulté ou d'entreprises qui, du fait de la chute de leurs cours de bourse, pourraient être la proie de prédateurs au détriment de l'indépendance de notre économie. La suppression de la taxe professionnelle a également été décidée -vous êtes bien le seul à estimer qu'elle n'aura pas d'impact !
M. René-Pierre Signé. - Et la compensation ?
M. François Fillon, Premier ministre. - Cette suppression était réclamée de longue date par les milieux économiques. Nous sommes d'ailleurs le seul pays européen à avoir encore un impôt de cette sorte -dont nous partageons tous la responsabilité. Une réflexion est en outre engagée sur l'organisation des territoires, qui débouchera sur des simplifications et une réforme d'ensemble de la fiscalité locale.
Comme vous le voyez, nous avons mis en oeuvre un plan de grande ampleur. Nous agissons dans le même temps afin que l'Union européenne lance une politique de relance et de soutien à l'industrie ; nous avons saisi la Commission afin qu'elle propose un plan à cette fin. Les États-Unis ont débloqué 25 milliards de dollars au bénéfice de leur industrie automobile ; il serait inconcevable que l'Europe ne se dotât pas des mêmes outils.
Ces mesures sont cohérentes aux niveaux national comme européen. S'il faut en prendre d'autres pour contrer des effets de la crise qui ne se seraient pas encore manifestés, soyez assuré que le Gouvernement les prendra. (Applaudissements et « bravo » à droite)
Situation économique de la France (II)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC) Monsieur le Premier ministre, vous avez accordé sans contrepartie 370 milliards d'euros aux banquiers (exclamations à droite) qui sont pourtant les responsables de la déroute financière. Ils vous ont applaudi. Pendant ce temps, les salariés encaissent la récession, ceux de Renault, de PSA, de Natixis, d'Aventis ou de la Camif, ceux des sous-traitants ; des milliers de suppressions d'emplois sont annoncées. C'est un vrai désastre.
Nous, de notre côté, avec notre sensibilité, nous avons eu raison de dénoncer la financiarisation de l'économie et la politique du tout marché ! Vous avez enrichi les riches, sacrifié les salariés, l'emploi public, l'investissement ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite) Et vous continuez ! Pour les salariés, le Président de la République, applaudi par Mme Parisot, annonce l'extension des contrats précaires, donc la généralisation de la flexibilité et du travail du dimanche, plus 100 000 contrats aidés en 2009 -vous rétablissez en réalité ceux que vous aviez supprimés tout en diminuant le budget de l'emploi de 14 %. Vous ne faites qu'accompagner l'augmentation du nombre de chômeurs tout en continuant de stigmatiser et de sanctionner ces derniers.
Votre politique est un échec. Quelles mesures de soutien à l'emploi comptez-vous prendre ? Il faut soutenir le pouvoir d'achat par un coup de pouce au Smic, aux bas salaires et aux retraites (on fait mine d'approuver à droite) ; mettre fin aux suppressions d'emplois publics dans le budget 2009 (même mouvement) ; suspendre les licenciements économiques dans les entreprises qui ont fait des bénéfices et touché de l'argent public (même mouvement) ; contrôler les aides accordées aux banques et aux entreprises (même mouvement). Il faut revenir sur le bouclier fiscal, supprimer les niches fiscales et les exonérations de cotisations sociales (même mouvement). Voilà ce que nos concitoyens attendent ! (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services . - Je ne peux vous laisser caricaturer ainsi l'action du Gouvernement. (Applaudissements à droite)
A vous entendre, 320 milliards d'euros auraient été « donnés » aux banques. Mais vous savez parfaitement que pas un euro n'est sorti de la poche des Français ni du budget de l'État. (Exclamations à gauche) Nous n'avons pas « donné des milliards » aux banques : c'est un mensonge. (« Très bien ! » à droite) Ce sont des garanties, elles ne grèvent pas le budget.
Nous avons aussi agi en faveur du financement des PME. Le 2 octobre, le Président de la République a arbitré un plan de 22 milliards d'euros...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et les salariés pauvres ? Et les chômeurs ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Des mesures ont été prises pour l'emploi : accélération de la mise en place du pôle emploi fusionné...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cela crée-t-il des emplois ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - ...accroissement du nombre des emplois aidés, du nombre de contrats de transition professionnelle. Je crois, madame, que vous n'avez pas voté le RSA, ni son financement, qui représente 1,5 milliard d'euros pour les plus pauvres... (« Eh oui ! » à droite) Nous ne nous laisserons pas caricaturer ainsi. Vous discourez, nous agissons. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Plan pour l'emploi
Mme Catherine Procaccia . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Depuis dix-sept mois, le Gouvernement a ouvert un chantier ambitieux pour l'emploi ; il vise à replacer l'homme au coeur du processus. (Murmures ironiques à gauche) J'y ai contribué à l'occasion de la loi sur le nouveau service public de l'emploi. L'action entreprise se poursuit avec la réflexion sur la réforme de la formation professionnelle, laquelle doit être adaptée à ceux qui en ont le plus besoin. Au vu des événements récents, on ne peut que se féliciter que les réformes aient été déjà engagées : elles contrebalanceront les conséquences économiques et sociales de la crise financière mondiale.
La troisième étape du plan, annoncée mardi dernier par le Président de la République, concerne l'emploi. La mise en place effective du pôle emploi peut-elle être suffisamment rapide pour faire face à la crise ? Quand le pôle sera-t-il opérationnel ? Le plan reprend des mesures qui existaient déjà. Pouvez-vous préciser lesquelles, dans le plan, sont innovantes et originales ? (Marques d'ironie à gauche)
M. Serge Lagauche. - Effectivement, ce n'est pas clair !
Mme Catherine Procaccia. - Les assouplissements apportés à la réglementation des CDD doivent être rapidement précisés pour éviter que les salariés et tous ceux qui sont attachés au dialogue social ne s'inquiètent. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi . - Merci pour la franchise de votre question. Depuis plus de vingt ans, la politique de l'emploi a consisté en un traitement social du chômage : contrats aidés, formations voies de garage, filières servant surtout à faire maigrir les chiffres... Aujourd'hui, nous mettons en oeuvre une politique active d'accompagnement au retour à l'emploi. ANPE et Assedic ? Par manque de courage politique, on a laissé les deux perdurer. Nous créons à présent un outil unique, un service qui apportera un soutien personnalisé...
M. René-Pierre Signé. - Mais pas d'emplois !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Un service public inefficace ne saurait être la solution ! (« Bravo ! » à droite) Aux formations mal conçues et mal évaluées, nous entendons substituer des formations tournées concrètement vers l'emploi. Dans le passé -je songe à la sidérurgie en Lorraine-, on a regardé partir les emplois. Pour notre part, nous allons chercher les emplois de demain, services à la personne, développement durable. Face à une situation telle que celle de Sandouville, nous mettons en place des outils de transition car ce qui désespère une personne licenciée, ce n'est pas seulement de perdre son emploi, c'est de ne pas être aidée pour en trouver un autre. Notre dispositif apporte plus de flexibilité mais aussi plus de sécurité dans les périodes difficiles. A Vilvoorde, Lionel Jospin disait : « pour l'emploi, il n'y a rien à faire. » (Exclamations à gauche) Notre conviction, c'est qu'il y a beaucoup à faire, surtout en période de crise. (Applaudissements à droite, protestations à gauche)
Les cures thermales moins remboursées ?
M. Aymeri de Montesquiou . - Un amendement qui vient d'être adopté à l'Assemblée nationale vise à réduire le remboursement des cures thermales de 65 à 35 %. Dans les villes concernées, c'est l'émotion, l'incompréhension, la colère. Les thérapies thermales n'ont-elles pas d'utilité ? Des études de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale concluent qu'elles diminuent la consommation de médicaments...
M. René-Pierre Signé. - C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. - Il y a bien un service rendu. C'est pourquoi la Cnam et la MSA remboursent environ 500 euros une cure de trois semaines. Le secteur représente aussi 120 000 emplois, ne l'oublions pas. madame la ministre de la santé, soutenez-vous cet amendement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative . - Le Gouvernement n'a pas l'intention de soutenir cet amendement présenté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Et ce, pour trois raisons.
D'abord, ce serait un simple transfert vers les organismes complémentaires. Les 10 millions de journées de cure sont pris en charge à 95 % par l'assurance maladie, pour un montant de 195 millions d'euros.
Ensuite, les établissements thermaux ont lancé une évaluation du service médical rendu, comme la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 le leur demandait. Ce travail scientifique a fait l'objet de premières conclusions dans un Livre blanc. Et j'ai moi-même encouragé le conseil national des exploitants thermaux à poursuivre cette recherche.
Troisième raison, cela déstabiliserait une filière en pleine rénovation et dont la diversification, par exemple avec l'éducation thérapeutique à la nutrition, s'inscrit dans la ligne de notre politique de prévention.
Pour toutes ces raisons, je ne serai pas favorable à cet amendement. (Applaudissements à droite et au centre)
Politique de santé
M. Claude Domeizel . - Une fois n'est pas coutume, ma question s'inscrira dans le prolongement de votre réponse. Quelle qu'en soit l'origine, parlementaire ou gouvernementale, l'amendement sur le remboursement des cures thermales met en relief les inégalités qui se sont creusées depuis 2004. Les dépassements étant monnaie courante, le reste à charge pour les assurés a augmenté de 16 % pour l'accès aux généralistes et de 50 % pour les spécialistes. Les franchises se sont ajoutées aux forfaits instaurés tous azimuts depuis le forfait hospitalier...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. - Créé par la gauche !
M. Claude Domeizel. - La liste des actes et médicaments non remboursés s'allonge au détriment du porte-monnaie des malades comme des finances des mutuelles. Pourquoi cette remise en cause injustifiée du service médical rendu par les cures thermales ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je viens de répondre !
M. Claude Domeizel. - Cherche-t-on à réserver les soins aux privilégiés ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce n'est pas vrai...
M. Claude Domeizel. - Sans parler des dégâts économiques. L'économie d'une ville thermale comme Dax repose à 70 % sur le thermalisme...
M. le président. - Votre question ?
M. Claude Domeizel. - Malgré un système apparemment protecteur, la France du XXIe siècle connaît de profondes inégalités dans l'accès aux soins. Allez-vous revenir sur des mesures qui créent un système à deux vitesses ? (Applaudissements à gauche)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative . - Ce n'est pas parce qu'on répète une contrevérité qu'elle devient vraie ! (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ha ça !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - A 77 %, notre taux de prise en charge des dépenses de santé par l'assurance maladie est le plus élevé de l'OCDE.
M. René-Pierre Signé. - Pas avec les médicaments !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il faut rapprocher cela du fait que notre pays occupe le troisième rang mondial derrière les États-Unis et la Suisse pour les dépenses de santé.
M. René-Pierre Signé. - Globalement...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Si on y ajoute la prise en charge par les organismes complémentaires aidés par l'État, dont les crédits atteignent 7 milliards, nous avons un taux de prise en charge solidaire de 93 %.
Je ne dis pas qu'il n'y a rien à faire et, bien entendu, je m'y attache : le nombre de bénéficiaires de l'aide complémentaire santé a augmenté de 40 % depuis le début de l'année.
M. Dominique Leclerc. - Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Notre taux de prise en charge a progressé, passant de 85 % en 1995 à 92 %. Voyez la réalité des chiffres et du PLFSS : il n'y a déremboursement que sur recommandation de la Haute autorité de santé, quand le service médical rendu ne suffit pas ou qu'un autre produit est plus performant ! (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Aides aux établissements financiers
M. Jean-Pierre Fourcade . - La loi de finances rectificative pour le financement de l'économie permet à l'État de garantir les emprunts des banques à concurrence de 120 milliards et de leur fournir les fonds propres nécessaires jusqu'à 40 milliards. Vous avez, monsieur le Premier ministre, annoncé le démarrage effectif de la Société de refinancement de l'économie et de la Société de prises de participations de l'État. Les premières décisions sont intervenues pour Dexia et pour six grandes banques. Nous avons également entendu parler d'autres demandes de refinancement.
L'opinion publique est quelque peu désorientée par les chiffres annoncés et par les polémiques qui s'engagent sur les contrôles comme sur les contreparties. (On renchérit à gauche)
M. René-Pierre Signé. - Il n'y en a pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Certains entretiennent la confusion entre garanties, prêts et obligations. Pouvez-vous faire le point sur les engagements déjà pris envers les banques ou établissements financiers ainsi que sur ceux qui pourraient l'être bientôt, et pouvez-vous nous en décrire les conséquences pour l'endettement de l'État et le budget de la Nation ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. François Fillon, Premier ministre . - Tous les pays européens ont mis en place la même réponse pour empêcher l'effondrement du système financier. Elle comporte trois types de mesures. Il s'agit d'abord de participations au capital ou d'interventions dans la conduite d'établissements bancaires en difficulté.
C'est ce que nous avons fait pour Dexia de la même manière que les Britanniques se sont engagés dans cette voie pour soutenir une banque qui était sur le point de s'effondrer. Chaque fois qu'un établissement financier voudra être recapitalisé, l'État entrera à son capital et, donc, à son conseil d'administration, il contrôlera la politique et la gestion de l'établissement jusqu'à ce que celui-ci soit redressé. Par conséquent, les critiques selon lesquelles l'État entrerait au capital des banques sans prendre le contrôle comme les Britanniques sont nulles et non avenues et nous ne sommes intervenus dans ce cadre qu'auprès de Dexia.
Ensuite, nous améliorons les fonds propres d'établissements financiers par des prêts à long terme, soit des quasi-fonds propres, ce qui n'entraîne pas d'entrée de l'État au capital. En effet, compte tenu de la crise actuelle, des banques en bonne santé peinent à trouver les refinancements nécessaires pour prêter à l'économie. Nous avons donc prêté 10,5 milliards aux banques qui en ont fait la demande par l'intermédiaire de la société de recapitalisation. En contrepartie, les banques se sont engagées à augmenter l'encours des crédits pour l'année 2009 de l'ordre de 3 à 4 %...
M. René-Pierre Signé. - Ce sera à vérifier...
M. François Fillon, Premier ministre. - Si cette condition n'était pas respectée, la participation de l'État serait alors remise en cause. Les banques se sont engagées à publier chaque mois les chiffres de leurs engagements vis-à-vis de l'économie et à respecter certaines règles éthiques.
Enfin, la société de refinancement doit apporter des liquidités aux banques pour réamorcer les échanges interbancaires. Nous avons dégagé 320 milliards à cette fin. Il s'agit de prêts consentis au nom de l'État. Certains me donnent parfois le sentiment de ne pas faire la différence entre un prêt et une subvention... Pourtant, si l'on convertissait les subventions de ceux qui en touchent le plus en prêts remboursables à 4 %, il me semble qu'ils la comprendraient immédiatement... (Rires à droite) L'État empruntera donc à un taux inférieur à celui du marché et prêtera à un taux proche de celui du marché, pour se ménager une marge ; ce taux pourrait être de l'ordre de 4 à 5 %. Cela permettra de réalimenter rapidement les flux financiers entre les banques.
Voilà brièvement les dispositions que nous avons prises. Naturellement, l'État exercera un contrôle, ainsi que le Parlement et, plus particulièrement, vos commissions des finances. Pour finir, ce dispositif, j'y insiste, est celui qui a été adopté dans les plus grands pays. Je m'interroge sur la cohérence qu'il y a à critiquer ce dispositif alors que l'alternative, c'était l'effondrement du système financier, et donc la perte des dépôts des épargnants. Tous les grands pays de l'Union en ont fait de même, en particulier ceux gouvernés par des socialistes.
Mme Nicole Bricq. - Pas avec les mêmes garanties !
M. François Fillon, Premier ministre. - Alors, mesdames et messieurs les sénateurs de gauche, je vous demande un peu de cohérence...
M. Charles Gautier. - Un peu de modestie !
M. François Fillon, Premier ministre. - ...pour soutenir l'économie française et assurer la sécurité des petits déposants français ! (Applaudissements à droite)
M. René-Pierre Signé. - A condition que les prêts ne se transforment pas en subventions...
Soutien au secteur agricole
Mme Colette Mélot . - Monsieur le ministre de l'agriculture, la crise actuelle laissera des traces dans la mémoire collective. Comme vous l'indiquiez dans une tribune en début de semaine, elle constitue une vraie leçon pour l'avenir du continent européen en ce qu'elle a démontré notre vulnérabilité et la nécessité de la volonté politique pour protéger nos concitoyens, nos entreprises, notre économie.
Pourtant, la crise financière se propage déjà à l'économie réelle. Et l'économie réelle, c'est, bien entendu, notre agriculture. Cette crise risque de toucher durement les filières de l'élevage, du lait, de la volaille ou encore de la transformation des pâtes alimentaires. Vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre, le secteur agricole et agroalimentaire doit s'organiser pour relever ce nouveau défi. Se posent des questions d'organisation des filières, d'emploi, de modèle agricole, d'exportation et, enfin, d'aide à l'innovation. L'enjeu est important pour nos agriculteurs, stratégique pour notre économie. L'agriculture est toujours une chance pour la France grâce au savoir-faire et à la capacité d'adaptation de nos agriculteurs.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous accompagner ces filières ? Quel est votre plan d'action pour aider l'agriculture à faire face à ces mutations profondes ? (Applaudissements à droite)
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - Oui, l'agriculture est plus que jamais une chance pour la France. Qu'est-ce qui peut nous permettre de résister au désordre financier qui bouleverse aujourd'hui le monde ? Ce sont nos bases, c'est le secteur productif, c'est l'agriculture et les 12 000 entreprises du secteur agroalimentaire. Oui, nous allons accompagner ce secteur dans l'urgence et pour l'avenir. Parmi les mesures d'urgence, pour faire face à la fièvre catarrhale ovine qui touche tout le secteur de l'élevage et ajoute à sa désespérance, je me bats sur ce front avec l'Europe, avec l'ensemble des services et nous avons obtenu 100 millions supplémentaires pour la vaccination en 2009. Autre mesure d'urgence : les entreprises de l'agro-alimentaire auront leur part du plan de soutien au crédit des PME présenté par le Premier ministre. Dans l'urgence, je réunis une conférence sur les revenus le 12 novembre, où nous aborderons les problèmes de l'élevage, l'élevage ovin étant plus particulièrement touché. Nous y parlerons, entre autres, de mesures d'allégement de trésorerie.
Et puis, il y a l'avenir. Plus que jamais, nous avons besoin aujourd'hui d'outils de gouvernance -c'est une des leçons de la crise. Quand cette gouvernance existe, conservons-la. En matière d'agriculture, la PAC existe depuis quarante ans en Europe, nous pouvons l'améliorer. Je ne laisserai pas l'alimentation et l'agriculture à la seule loi du marché ! (Exclamations amusées à gauche) Je ne laisserai pas l'alimentation et l'agriculture à la seule loi du moins-disant sanitaire et écologique ! (Même mouvement) Nous avons besoin de régulation. L'adaptation de la PAC, de son budget, de ses orientations, nous y sommes à l'occasion du bilan de santé. Le Gouvernement espère conclure les négociations le 19 novembre sur cette PAC rénovée. Avec un budget important et stable jusqu'en 2013, nous aurons les outils pour une PAC plus préventive avec des outils de gestion de crise et d'assurance, une PAC plus équitable avec des aides mieux réparties et une PAC plus durable ! (Applaudissements à droite et au centre)
Gestion internationale de la crise financière
M. Laurent Béteille . - Ma question s'adresse à M. Kouchner. Le septième sommet du dialogue Europe-Asie a été le plus important depuis la création de ce partenariat en 1996 tant par le nombre de ses participants -43 États étaient représentés- que par son thème, la réforme du système financier mondial.
Au coeur de la tourmente financière, ce fut l'occasion bienvenue d'une rencontre intergouvernementale de premier plan, conduite sous la présidence de la Chine. En 1997, un dialogue économique et financier semblable avait déjà démontré la solidarité de l'Europe avec l'Asie.
Le volontarisme de la France face à cette crise financière a encore été souligné ; l'initiative française du sommet de Washington, le 15 novembre, a été approuvée sans réserve.
Les dirigeants d'Asie et d'Europe se sont engagés à réformer complètement les systèmes financiers et monétaires, après avoir constaté la nécessité de travailler ensemble. Ils ont également constaté que le protectionnisme n'offrait pas de solution, que les prérogatives du FMI devraient être confortées, avec un rôle accru des pays en développement.
Peut-on parler de consensus entre l'Europe et l'Asie ? Comment s'articule-t-il avec le prochain G20 ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Rassembler 43 pays, qui assurent 60 % du commerce mondial et sont habités par 60 % de la population mondiale, était déjà un succès.
J'ai observé une grande entente au sein de l'Europe, où l'on avait pu noter auparavant quelques nuances à propos des réactions nécessaires et quant à l'utilité du nouveau système de régulation.
La crise financière frappe aussi les pays d'Asie. La Chine a consenti un soutien de 600 milliards de dollars aux principales institutions financières et immobilières américaines, puis un second soutien de 400 milliards, soit 1 000 milliards de dollars au total.
M. René-Pierre Signé. - Que font les riches ?
M. Bernard Kouchner, ministre. - Ceci a été fait en pensant aux pauvres, qui sont nombreux en Chine.
Notre pays souhaite un système de régulation internationale, transparent et contrôlé.
Le G20 a été créé après les crises qui ont frappé l'Asie dans les années 90. Le Président de la République a rencontré ses membres. Tous se sont accordés pour constater l'évidence : la crise étant partie des États-Unis, nous devons nous y rencontrer le 15 novembre pour poser les premières pierres d'une nouvelle architecture. Dans un grand journal du soir, vous avez vu aujourd'hui que le FMI présentera un plan en ce sens.
J'observe enfin que la réunion entre l'Europe et les pays asiatiques illustre la bascule des intérêts mondiaux vers cet autre continent mais aussi la fin d'une autre domination. (Applaudissements à droite)
Orpaillage et insécurité en Guyane
M. Georges Patient . - Tout d'abord, je remercie mes camarades de groupe qui ont permis de poser cette question urgente.
La lutte contre l'insécurité est une priorité pour la Guyane, département où le taux de criminalité atteint un record : dans son dernier rapport, l'Observatoire national de la délinquance rappelle que les atteintes volontaires à l'intégrité physique y atteignent le taux de 14 pour 1 000 habitants, contre 1,3 en moyenne nationale !
Un seuil très alarmant a été franchi le 21 octobre, le maire de Saint-Élie et trois de ses collaborateurs étant publiquement agressés en plein bourg par des garimpeiros, orpailleurs clandestins brésiliens armés de pistolets. Comme il avait déjà fait l'objet de menaces, le maire avait alerté à plusieurs reprises les autorités compétentes sur la situation explosive d'une commune devenue zone de non-droit. Il est inconcevable qu'un maire soit dans l'incapacité d'exercer ses fonctions ! Au demeurant, cette commune n'est pas la seule à subir pareille insécurité : il en va de même dans toutes les autres communes à fort potentiel aurifère.
J'observe que la gendarmerie nationale est absente de Saint-Élie depuis 2004, que l'opération Harpie n'a plus cours et que la nouvelle carte militaire devrait se traduire par un désengagement outre-mer. Inévitablement, les actions ponctuelles comme Harpie et Anaconda n'ont qu'une efficacité limitée. Il faut donc élaborer une stratégie globale, durable et adaptée à la réalité locale, ce qui suppose une coopération étroite entre la France, le Brésil, le Guyana et le Surinam.
Qu'entend faire le Gouvernement pour assurer réellement la sécurité des Guyanais et la présence de l'État sur tout le territoire de leur département ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - L'agression commise contre le maire de Saint-Élie est inadmissible ! J'ai donné des instructions pour interpeller ses agresseurs, dont l'un a été identifié.
Au demeurant, une protection avait été proposée à cet élu, et je regrette qu'il ne l'ait pas acceptée. L'offre reste valable.
Les actes de délinquance commis en Guyane sont principalement liés à l'orpaillage et à la présence de personnes extérieures à ce département, qui mènent des opérations contraires à la santé publique, néfastes à l'économie guyanaise et qui sont dangereuses.
C'est pourquoi les moyens mis au service de la sécurité guyanaise ont sensiblement été accrus depuis 2002. L'opération Harpie obéit à la même motivation.
Cette opération Harpie a donné des résultats remarquables : plus de 26 millions d'euros ont en effet été saisis car il faut savoir que l'orpaillage est une activité très lucrative. En outre, 19 kilos d'or et 221 kilos de mercure, très dangereux pour l'environnement et la santé publique, ont été récupérés.
Pour la seule commune de Saint-Élie, la gendarmerie a triplé ses opérations de surveillance, ce qui a abouti à la mise en examen de douze personnes pour orpaillage illégal, blanchiment d'argent et aide au séjour d'étrangers en situation irrégulière : sept ont été écrouées et cinq sont sous contrôle judiciaire.
De nouvelles opérations auront lieu au moment le plus opportun, et ceci dans le souci d'une bonne gestion des deniers publics. Comme ces activités disposent d'appuis en dehors de nos frontières, nous avons pris l'attache des gouvernements du Brésil et du Surinam.
M. le président. - Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. - J'entends continuer à mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre ce fléau et protéger nos concitoyens de Guyane. (Applaudissements à droite et au centre)
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.