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Table des matières
Discours de M. le Président du Sénat
Demande de mission d'information
SÉANCE
du mardi 14 octobre 2008
4e séance de la session ordinaire 2008-2009
présidence de M. Gérard Larcher
La séance est ouverte à 16 h 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Discours de M. le Président du Sénat
M. le président. - Les moments que traversent le monde, l'Europe et la France sont difficiles. Ils sont lourds de déséquilibres financiers, économiques et sociaux, lourds d'interrogations. Dans les temps troublés, je ne connais qu'une seule réponse : l'action. L'action est aujourd'hui nécessaire pour permettre à notre pays et à l'Europe d'affronter la bourrasque financière née aux États-Unis. Elle est également nécessaire, pour augmenter la contribution du Sénat à la résolution des problèmes concrets et urgents de notre pays. Elle est enfin nécessaire, pour orienter le Sénat vers un nouveau cap, pour affirmer la primauté du politique et renouveler l'image de notre Assemblée.
Pour agir avec efficacité et discernement, il faut des convictions simples et fortes. Deux grands principes animeront mon action, et je sais que beaucoup d'entre vous les partagent. Je crois en la primauté du politique, qui doit animer tout effort collectif. Je crois aussi en la nécessité de mieux écouter les Français et de mieux communiquer avec eux, pour être mieux à leur service et être plus justement perçus par eux.
En ces temps troublés, il nous faut plus que jamais faire de la politique. Faire de la politique, c'est écouter les Français et se tenir à leurs côtés ; c'est faire en sorte, alors que l'inquiétude se répand dans la Nation et que les golden boys cessent enfin d'être une référence, que les Français se tournent vers leurs élus. (Murmures ironiques à gauche, applaudissements à droite et sur la plupart des bancs au centre)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rien n'est moins sûr !
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est révolutionnaire !
M. Jean-Louis Carrère. - C'est à croire que vous relisez Marx !
M. le président. - Relisez Larcher !
Faire de la politique, c'est respecter l'opposition. Il faudra recourir plus fréquemment à des binômes associant majorité et opposition pour la présidence et le rapport des commissions d'enquête et des missions d'information. (On se montre dubitatif à gauche) Faire de la politique, c'est rendre aux groupes politiques toute leur place. Je suggère que soit institué pour chaque groupe un porte-parole, qui interviendrait en séance publique immédiatement après les orateurs des commissions. Faire de la politique, c'est faire appel à tous les talents, solliciter le regard neuf de nos nouveaux collègues, sur des thèmes et des procédures que les plus anciens d'entre nous voient à présent d'un oeil d'expert.
Voix à droite. - Très bien !
M. le président. - Il faut créer des binômes associant les anciens et les nouveaux sénateurs pour les rapports législatifs.
Faire de la politique, c'est aussi croire aux vertus de la collégialité. Pour travailler efficacement, il faut travailler ensemble. L'oeuvre que nous devons accomplir est vaste et sollicite tous les talents et toutes les opinions ; seul, le Président du Sénat n'y suffira pas. (On ironise à gauche) Sans renier les convictions qui sont les miennes et que je partage avec ceux qui m'ont élu, je serai le Président des trois cent quarante-trois sénateurs. Il ne s'agit pas d'un unanimisme fictif, mais d'une garantie fondée sur les valeurs républicaines qui sont les miennes. Je crois aux droits de la majorité, mais aussi aux droits de ceux qui ne soutiennent pas toujours la majorité, ou qui s'y opposent.
Animé par ces convictions, je vous propose une série d'actions, qui se rapportent à deux thèmes : la politique et l'image.
La politique que nous devons mener ensemble consiste d'abord à faire face aux défis auxquels le monde et notre pays se trouvent aujourd'hui confrontés. Afin de faire participer le Parlement à l'élaboration des solutions à la crise, et d'affirmer la nécessité d'une cohésion nationale et européenne, j'ai proposé la mise en place d'une commission mixte associant l'Assemblée nationale et le Sénat, chargée de réfléchir à l'avenir du système financier ainsi qu'aux nouvelles régulations qui s'imposent.
Voix à droite - Très bien !
M. le président. - Cette commission, qui reflétera l'équilibre politique de nos deux Assemblées, devrait bientôt commencer ses travaux : le Président de l'Assemblée nationale en a retenu le principe.
La réforme de l'État et celle de notre organisation territoriale sont des obligations ardentes pour notre Assemblée. S'il est une institution dans la République qui possède sur le sujet des territoires la légitimité constitutionnelle et l'expérience, c'est bien le Sénat ! C'est pourquoi j'ai proposé, lors de la première Conférence des Présidents de cette mandature, de mettre en place une mission sur l'organisation des collectivités territoriales. Le Sénat pourra ainsi faire valoir ses analyses, ses idées et ses propositions.
Mais aujourd'hui, la question la plus pressante est celle du financement du recours à l'emprunt par les collectivités territoriales. Le Sénat doit être à leurs côtés. Sachons, à cette occasion, nous rapprocher encore des élus de nos territoires, en organisant sur le terrain certains de nos travaux. Soyons les inspirateurs des politiques de cohésion territoriale, en métropole comme dans l'outre-mer. Car l'outre-mer pour notre Assemblée ne doit pas seulement être le drapeau tricolore qui flotte sur tous les océans du globe, mais aussi le symbole du rayonnement et de la cohésion de la Nation.
Il nous faudra aussi continuer d'agir pour que notre Assemblée soit encore plus ouverte sur le monde, grâce à nos compatriotes de l'étranger. (M. Christian Cointat marque son approbation) Ils sont aux avant-postes de la francophonie et du combat pour notre développement extérieur ! (Applaudissements au centre et à droite) Affirmons encore davantage notre rôle au sein de l'Union européenne, dont cette crise souligne l'importance. Continuons à promouvoir le bicamérisme. Je tiens à saluer ici les actions de mes prédécesseurs, qui ont commencé à mettre en oeuvre ce vaste et ambitieux programme.
Nous devrons également appliquer la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui a offert de grandes opportunités au Parlement, et en particulier au Sénat. C'est dans cette perspective que j'ai fait part, à la Conférence des Présidents, de mon intention de constituer, dès les prochains jours, une équipe représentative de tous les groupes politiques de notre Assemblée, qui intégrera les présidents de tous les groupes et de toutes les commissions. Sa feuille de route sera dense, son calendrier serré. Je m'engage à présider ce groupe de travail, et j'aimerais y être assisté par deux rapporteurs, l'un issu de la majorité, l'autre de l'opposition. Qu'en sera-t-il du nombre et du périmètre de nos commissions permanentes ? Le changement du nombre de commissions devra sans doute s'accompagner d'un élagage parmi certaines structures qui n'ont pas trouvé leur voie, qui éparpillent nos moyens et sollicitent notre temps. Nos commissions doivent être au coeur de notre travail législatif et de contrôle ! Il nous faudra redéfinir la coordination du travail entre la séance publique et les commissions, dont la réforme constitutionnelle a accru le rôle. Il faudra veiller particulièrement aux conditions d'accès et d'intervention des ministres dans l'élaboration du texte qui sera désormais débattu en séance publique. Il faudra rendre plus vivante notre procédure de questionnement. Nos débats en séance publique devront être plus concis, plus directs et plus concrets. (Applaudissements à droite et sur de nombreux bancs au centre)
Ensemble, nous rendrons nos travaux plus lisibles. Je souhaite également que nous prenions pleinement en compte les budgets sociaux de la Nation. Nous devrons utiliser les nouvelles possibilités offertes par l'article 48 révisé de la Constitution, en renforçant le rôle de la Conférence des Présidents.
Je souhaite encore accentuer la collaboration entre nos instances collectives de décision interne : bureau, Conférence des Présidents, conseil de questure, commissions, commission de vérification des comptes, laquelle agira en toute indépendance. Sachons être réactifs : le métier de parlementaire, c'est aussi la gestion de la nouveauté et de l'inattendu !
La seconde bataille que je compte gagner avec vous, c'est celle de l'image. Nous réussirons en valorisant quelques idées simples : la communication, notre légitimité, la transparence et notre élan collectif.
Nous devrons recentrer notre communication sur l'essentiel : la politique, les Français, les territoires. Avec les médias, sachons retrouver la proximité ; nos relations doivent être fondées sur la vérité, mais dans les deux sens : la vérité réciproque !
M. Michel Charasse. - Très bien !
M. le président. - Avec les Français, sachons être interactifs ! Osons la communication directe. Internet doit devenir un de nos moyens de communication privilégiés. Je ne cèderai pas aux effets de mode : la communication sans fond n'est qu'un coûteux artifice. (« Très bien ! » à droite). Or, ce fond, nous le possédons : c'est le rôle constitutionnel du Sénat. Le fond, c'est notre travail quotidien au Palais du Luxembourg, dans nos départements, dans nos territoires et à l'étranger ; iI nous faut le faire mieux connaître et mieux le valoriser !
Je suis frappé chaque jour davantage par l'incroyable distorsion entre la qualité du travail du Sénat, et l'image qui est encore celle de notre Assemblée dans une partie de l'opinion ! (Applaudissements à droite et au centre) Notre légitimité, c'est l'accomplissement du rôle que nous confère la Constitution. Notre légitimité n'est pas d'être une photographie du corps citoyen : elle est d'enrichir la représentation directe des citoyens grâce à une représentation des territoires et de leurs élus. Notre légitimité, c'est d'éviter que les mouvements de l'opinion ne soient forgés dans le temps au gré d'élections présidentielle et législatives concomitantes. Notre légitimité, c'est la singularité de notre rapport au temps. Notre légitimité, c'est l'auto-réforme. Notre légitimité, c'est la vérité !
La transparence ? Je m'y suis engagé devant vous le 1er octobre. Avec vous et avec nos instances collégiales de décision, notre conseil de questure, notre bureau et notre commission des comptes, nous satisferons cette exigence. Ensemble, nous parlerons de la réalité de nos travaux en commission, dans les délégations, dans les missions d'information, dans les groupes d'études. Ensemble, nous rappellerons dans quelles conditions notre budget est analysé, vérifié et certifié. Ensemble, nous défendrons les principes de la séparation des pouvoirs et de l'autonomie des assemblées, ces principes qui fondent la démocratie parlementaire ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Michel Charasse. - Parfait !
M. le président. - Ensemble, nous parlerons aussi de l'incertitude du statut du parlementaire, inhérente à l'élection. Avec vous, j'aborderai la difficulté du retour à l'emploi, que peuvent connaître certains de nos collègues.
Dans ces temps qui exigent des efforts de nos compatriotes et de l'État, j'ai demandé que notre budget demeure, en 2009, au niveau qui est le sien cette année.
Une voix à droite. - Très bien !
M. le président. - Nous devrons optimiser nos dépenses, en ayant examiné l'adéquation de nos moyens à nos missions. Je vous confirme que l'an prochain, nos comptes feront l'objet d'un audit extérieur.
Une voix à droite. - Très bien !
M. le président. - Pour réussir ce renouveau, je fais appel à chacune et à chacun d'entre vous : sans votre participation, rien ne sera possible ! J'appelle aussi à la mobilisation de nos différents cadres de fonctionnaires. Beaucoup sont des personnels d'élite. Cet appel s'étend à l'ensemble de nos collaborateurs, qu'ils agissent à nos côtés ou auprès de nos groupes politiques. C'est avec eux que nous devons conquérir la reconnaissance que méritent nos travaux. Tous, demain, nous devrons avoir encore plus de fierté, pour nous d'être élus et pour eux de travailler au Sénat, au service de notre pays, la France.
Je n'annonce pas l'austérité. Je souligne simplement le devoir, pour chacun, de pouvoir justifier, pour mériter. Je m'y engage : la politique que je vous annonce, je la construirai avec détermination. Cette détermination sera d'autant plus forte, que je sais cette politique être celle que vous attendez. Je ne veux plus que, dans trois ans, on puisse encore se poser la question « A quoi sert le Sénat ? ».
Voici le temps de la politique, le temps du renouveau et du courage : avec vous, je suis fier d'être sénateur, au service des Français, au service de la République ! Une fierté non pour nous-mêmes, mais pour la démocratie vivante ! (Mmes et MM. les sénateurs de droite et du centre se lèvent et applaudissent longuement)
La séance, suspendue à 16 h 25, reprend à 16 h 55.
Conférence des Présidents
M. le président. - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour de la séance du
Mercredi 15 octobre 2008 :
Ordre du jour prioritaire :
A 15 heures :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour le financement de l'économie (A.N., n° 1156) ;
La Conférence des Présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la Séance, avant 11 heures.
Le soir :
2°) Désignation des trente-six membres de la mission commune d'analyse et de réflexion sur l'organisation des collectivités territoriales et l'évolution de la décentralisation ;
(Le délai limite pour le dépôt des candidatures par les groupes et la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe est fixé à 17 heures) ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (Urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008).
La Conférence des Présidents se réunira demain à 19 heures pour examiner la suite de l'ordre du jour.
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Renvoi pour avis
M. le président. - J'informe le Sénat que le projet de loi (n° 7, 2008-2009) généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques de l'insertion, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Demande de mission d'information
M. le président. - J'informe le Sénat que M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, m'a saisi d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information portant sur la situation politique internationale au Moyen-Orient.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du Règlement.
Logement (Urgence)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen, après déclaration d'urgence, du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
Rappel au règlement
Mme Odette Terrade. - Une fois encore, parce que le Gouvernement se rend compte que les mesures d'urgence dont il a décidé doivent être soumises au Parlement, le débat sur ce texte va être morcelé, au risque de perdre sa cohérence. Tout se passe comme si la crise économique et financière rejetait dans l'ombre une discussion à laquelle elle a pourtant partie. N'oublions pas que l'une des mesures les plus importantes pour le logement, la garantie de l'État sur la mise sur le marché de 30 000 logements, ne figure pas expressément dans ce texte.
Nous sommes appelés à nous mobiliser pour le logement et contre l'exclusion sociale. Mais voici que, par le biais de l'article 40, les parlementaires que nous sommes sont privés de discussions attendues sur les aides personnelles au logement, la mise en oeuvre du droit au logement pour tous ou la nécessité de programmer la construction de logements sociaux. L'irrecevabilité financière sert une fois de plus d'argument pour restreindre le droit d'expression des parlementaires. Le médiateur de la République ne plaide-t-il pas de longue date pour que soit enfin résolu le problème du versement de l'aide personnalisée au logement et aboli le délai de carence ? Et est-il légitime d'opposer l'irrecevabilité au projet de création d'un syndicat mixte du logement, destiné à oeuvrer sur l'ensemble des départements de l'Ile-de-France, alors même que l'on nous rebat les oreilles sur la pertinence de la régionalisation pour résoudre les problèmes du logement dans la région capitale ? Espérons que cette solution trouvera d'autres voies que législative, car elle préfigurerait utilement la mise en place d'un véritable service public du logement. Nous regrettons, alors que l'urgence est patente, tous ces atermoiements.
M. le président. - Le texte ajouté lors de la Conférence des Présidents l'a été d'un commun accord. Son inscription à l'ordre du jour n'a fait l'objet d'aucune opposition. Le Président de la République et le Premier ministre se sont réunis, hier, avec les présidents des deux assemblées et ceux de l'ensemble des groupes. L'urgence nous porte au-delà d'un simple ordre du jour prioritaire : elle est d'intérêt national et européen.
J'ai bien entendu vos observations, mais je ne doute pas que le débat qui va s'ouvrir, nourri de nombreux amendements, nous permettra d'avoir une vision globale de la politique du logement que le Gouvernement entend nous proposer.
M. Daniel Raoul. - Politique, c'est beaucoup dire...
M. le président. - Le Conseil économique, social et environnemental a demandé, conformément aux dispositions de l'article 69 de la Constitution, que M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie, puisse exposer devant le Sénat l'avis du Conseil sur l'article 12 de ce texte.
MM. les huissiers font entrer M. Henri Feltz, qui prend place au banc des commissions.
Discussion générale
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. - (Applaudissements à droite et au banc des commissions) Ce texte se veut opérationnel : il vise à faciliter l'accès au logement des classes moyennes et modestes et à lutter contre le mal logement. Je l'ai élaboré dans un esprit de réforme, sans a priori, sans tabou, avec la seule volonté de trouver des solutions qui répondent à la diversité des situations et des exigences qui marquent notre territoire.
A tout moment, j'ai gardé à l'esprit qu'au-delà des enjeux que le logement représente pour l'économie de notre pays et la cohésion de notre société, la légitimité de mon action résidait d'abord dans l'attention apportée à l'homme, à chacun pris individuellement, avec ses besoins, ses aspirations, ses souffrances.
Je me réjouis que votre Haute assemblée se soit saisie de ce projet dès le début de sa session. Car il y a plus que jamais urgence. La crise du logement s'inscrit désormais dans une crise de confiance sans précédent qui ébranle l'économie mondiale et, déjà, en France, le secteur de l'immobilier.
Elle appelle une mobilisation des forces vives de ce pays, au-delà des clivages, pour faire du logement une priorité effective dans chacune de nos communes. C'est une question de solidarité nationale.
Le logement est un besoin fondamental. Ne pas y répondre collectivement, c'est compromettre la dignité humaine, favoriser l'exclusion, remettre en cause les fondements même de notre pacte social. Nous n'avons pas assez construit pendant toute une décennie. Ce n'est qu'au cours de ces dernières années que la construction a fortement augmenté, passant de 308 000 logements en 2002 à 435 000 l'an dernier, record historique jamais égalé depuis trente ans. Ce résultat a été obtenu grâce à la remarquable mobilisation des organismes de logement social. (M. Roland Courteau approuve) De même, grâce aux aides nouvelles de l'État, davantage de particuliers ont investi dans un logement soit pour l'occuper, soit pour le mettre en location.
Toutefois, nous subissons depuis le mois de juin un ralentissement sérieux qui nous laisse à penser que nous terminerons l'année aux alentours de 360 000 mises en chantier, c'est-à-dire au même niveau qu'en 2004 et donc encore bien au-dessus des chiffres atteints depuis vingt-cinq ans. Mais quelles sont les causes de cette chute brutale, de 70 000 logements, sur une année ? La crise nouvelle est d'origine financière. Nous avons commencé à la percevoir au milieu du deuxième trimestre. Si nous ne faisions rien, les conséquences en seraient graves sur la construction : moins de réponses pour nos concitoyens, moins d'activité et d'emploi dans le secteur du bâtiment, mais aussi moins de recettes fiscales. N'oublions pas qu'un défaut de production de 10 000 logements, c'est 20 000 chômeurs de plus et 370 millions d'euros de recettes fiscales en moins.
La contraction du crédit, la hausse des taux d'intérêt, la diminution d'une offre déjà insuffisante rendent de plus en plus difficile aux particuliers l'accès au logement et à la propriété. Sans parler des restrictions de prêts constatées du côté des professionnels.
J'ai donc voulu agir avec pragmatisme, pour atteindre le maximum d'efficacité. Le domaine du logement est technique : pour éviter les effets pervers, il ne faut y toucher qu'avec doigté. Mais si un certain nombre de choses peuvent être réglées par voie réglementaire, c'est à la loi de lever certains verrous.
Ce projet a été présenté au dernier conseil des ministres de juillet 2008, avant la tourmente financière. Le Président de la République, le 8 octobre dernier, a confirmé ses orientations, tout en en augmentant les moyens : les annonces faites, hier, à la sortie du conseil des ministres exceptionnel doivent permettre le déblocage des prêts indispensables à la relance.
J'ai voulu aussi aller au devant des préoccupations des Français. Je me suis rendue en province pour rencontrer propriétaires, locataires, agences immobilières, partenaires du 1 %, bailleurs sociaux, banques... Je remercie les élus de tous bords qui ont accepté de participer à cette démarche innovante. Ces rencontres m'ont permis de mesurer que ce texte, que je n'ai pas hésité à enrichir, par voie d'amendements, de réponses aux problèmes qui m'ont été exposés, répond à leurs préoccupations. Je compte sur vos propositions.
M. Roland Courteau. - Nous en aurons !
Mme Christine Boutin, ministre. - Je salue le remarquable travail accompli par vos commissions et leurs rapporteurs. Je retiens tout particulièrement, monsieur Braye, votre volonté d'associer encore plus étroitement l'ensemble des acteurs majeurs de la politique du logement, notamment en confortant la place des collectivités locales dans les politiques de l'habitat, afin de répondre au mieux à la nécessité de construire plus. Je salue, madame Bout, votre souci permanent de prévenir une application trop générale des dispositions prévues, au risque de porter préjudice aux plus fragiles de nos concitoyens. Nous partageons cet objectif. J'ai bien noté, monsieur Dallier, votre volonté d'accompagner les ambitions de ce texte en y apportant, le cas échéant, des solutions simples et concrètes.
Ces trois approches, complémentaires, sont fidèles à la méthode et à l'état d'esprit qui ont prévalu tout au long de l'élaboration de ce texte.
Le plan d'action que je propose vise à soutenir la construction, permettre aux classes moyennes d'accéder au logement, et lutter contre le mal-logement.
Afin de soutenir la construction, il faut s'appuyer sur les organismes d'HLM et le 1 % logement, dans un cadre pluriannuel. Les bailleurs sociaux ont plus que doublé leur production en quelques années. Le projet de loi leur offre des outils supplémentaires. Les conventions d'utilité sociale qui devront être signées avec chaque bailleur d'ici fin 2010 permettront ainsi de définir des objectifs partagés avec l'État et les collectivités territoriales.
Une péréquation financière entre les organismes permettra d'aider ceux qui manquent de ressources. Je vous proposerai d'amender le texte sur ce point pour limiter l'effet rétroactif de la mesure.
La vente en état futur d'achèvement de programmes de logements à des bailleurs sociaux est facilitée. Cette procédure, que je suis prête à assouplir encore, contribue à la mise en oeuvre du plan d'achat de 30 000 logements annoncé par le Président de la République.
Quant au 1 % logement, il est temps de rénover sa gouvernance, de limiter ses coûts de gestion et de réorienter ses ressources vers les priorités de la politique du logement.
M. Thierry Repentin. - Hold up !
Mme Christine Boutin, ministre. - Les discussions avec les partenaires sociaux ont abouti à un texte commun ; j'y reviendrai lors de la discussion sur l'article 3. L'objectif de produire plus de logements économiquement accessibles aux ménages se traduit par une prise en compte des propositions du protocole national professionnel récemment signé par les partenaires sociaux.
Pour construire plus, il faut aussi soutenir la demande des particuliers. Le texte étend le pass foncier au logement collectif, ce qui doit permettre de réaliser quelque 30 000 logements, notamment en zone urbaine.
Pour conserver la confiance des investisseurs privés, nous maintenons les dispositifs Robien et Borloo mais en les recentrant sur les zones sous tension.
Pour construire plus, il faut aider les maires à favoriser la construction. J'ai souhaité inclure dans le décompte des logements sociaux, au titre de l'article 55 de la loi SRU, les logements construits dans le cadre du pass foncier et du prêt social location-accession (PSLA).
M. Daniel Raoul. - Quelle erreur !
Mme Christine Boutin, ministre. - Je sais que cette disposition fait débat. Pourtant, selon une étude du Credoc, 88 % des Français y sont favorables ! Les logements destinés à l'accession populaire à la propriété ont les mêmes caractéristiques que les logements locatifs sociaux : mêmes aides publiques avec la TVA à 5,5 %, mêmes plafonds de ressources, même délai pour les comptabiliser. (On le conteste à gauche)
M. Christian Cambon. - Très bien !
Mme Christine Boutin, ministre. - C'est un outil supplémentaire pour encourager la construction et les parcours résidentiels diversifiés. Je souhaite que nous ayons un débat serein, digne de notre démocratie, sur ce sujet.
M. Roland Courteau. - On en reparlera !
Mme Christine Boutin, ministre. - Dans le souci de respecter les espaces naturels, nous favorisons l'agrandissement de bâtiments à usage d'habitation en permettant le dépassement des normes d'urbanisme jusqu'à 20 % pendant deux ans.
Enfin, le caractère opérationnel des programmes locaux de l'habitat est renforcé.
Pour que les classes moyennes comme les ménages à revenus modestes accèdent à un logement de qualité, il faut tout d'abord redonner sa vocation première au parc HLM. Aux termes de l'article L. 441 du code de la construction, « l'attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en oeuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées. » Elle doit « favoriser l'égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ». Tout est dit !
Le projet de loi abaisse les plafonds de ressources de 10 % afin d'annuler la forte progression constatée ces dernières années, en raison d'un effet mécanique lié au passage aux 35 heures : 60 % de la population aura accès à un logement HLM, contre 70 % actuellement. Les personnes modestes ou défavorisées y accèderont plus facilement, sans que cela remette en cause la mixité sociale.
Le texte vise aussi à accroître le faible taux de mobilité dans le parc HLM, qui est aujourd'hui de 9 % sur le plan national et de 7,4 % en Ile-de-France, en libérant les logements sous-occupés ou en incitant les ménages très aisés à quitter le parc social.
M. Roland Courteau. - 2 % !
Mme Christine Boutin, ministre. - Chacun doit pouvoir accéder à un logement abordable, même en dehors du parc HLM. Après l'indexation des loyers sur les prix à la consommation et la réduction du dépôt de garantie de deux à un mois de loyer, le projet de loi interdit le cumul d'une caution et d'une assurance pour impayés. Un dispositif de garantie mutualisée des risques locatifs géré par les partenaires sociaux devrait être effectif d'ici la fin de l'année.
Près de la moitié des Français souhaitent devenir propriétaires. Il faut donc plus d'accession populaire à la propriété. Le pass foncier doit y contribuer.
Troisième objectif, la lutte contre le mal-logement, indissociable du droit opposable au logement, s'impose à nous tous. Le texte facilite l'accès des populations en difficulté à des solutions d'hébergement ou de logement en mobilisant à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l'État. La notion d'hébergement d'urgence est remplacée par celle d'hébergement ; la procédure de prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n'atteignent pas leur objectif en la matière est précisée. L'objectif est d'une place d'hébergement pour 2 000 habitants.
En Ile-de-France, un bénéficiaire du Dalo pourra se voir attribuer un logement dans un autre département que celui dans lequel la commission de médiation aura rendu un avis favorable. Cette solidarité interdépartementale est indispensable dans une région qui concentre les deux tiers des demandeurs.
Les bailleurs sociaux pourront prendre en gestion des logements dans le parc privé afin de les sous-louer à des ménages hébergés dans des hôtels ou des centres d'hébergement, solution moins onéreuse et surtout plus humaine.
Pour mieux lutter contre l'habitat indigne, plaie de notre société, il faut d'abord mieux l'identifier juridiquement. La définition donnée par ce texte permettra de réduire les abus de procédure des marchands de sommeil. Mais il faut aller plus loin. Un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés participera à la lutte contre l'habitat indigne, à la remise sur le marché des logements vacants, à la transformation des logements sociaux de fait en logements sociaux de droit.
Une politique du logement est nécessairement complexe. Elle a des dimensions humaine, économique, financière, technique ; ses outils doivent s'adapter à des situations très diverses. Elle est une chaîne de solidarité entre les citoyens.
Ce texte complète plusieurs lois importantes qui ont profondément modifié le paysage du logement au cours des dernières années, en particulier la loi relative au droit opposable au logement, dont j'étais rapporteur à l'Assemblée nationale. Sans esbroufe, il a pour objectif de réformer ce qui doit l'être, d'ouvrir de nouvelles possibilités. C'est sur le terrain et au quotidien que se fait la politique du logement. Ce texte est pragmatique, adapté aux attentes des professionnels et des Français. Il est plus que jamais nécessaire de renforcer notre cohésion nationale, notre solidarité sociale, cette générosité personnelle qui permettra à chacun de disposer d'un logement de qualité où il se sente bien. (Applaudissements à droite et au centre)
présidence de M. Roger Romani,vice-président
M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l'article 12 du projet de loi. - Au nom du président du Conseil économique, social et environnemental, M. Jacques Dermagne, je vous remercie d'avoir invité notre assemblée à vous rendre compte de son avis, adopté le 9 juillet par 177 voix et 5 abstentions, sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Ce programme, qui constituait l'article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, est devenu le chapitre Il du texte que vous examinez.
Tout d'abord, deux observations : notre Conseil a été satisfait de voir traitée dans ce texte une problématique qui n'était pas nouvelle pour lui, celle des quartiers anciens dégradés sur laquelle il avait présenté diverses propositions en janvier 2008. Il a cependant regretté de n'avoir été saisi que des dispositions de la loi à caractère programmatique, et pas de la totalité de celle-ci, ce qui lui aurait permis d'examiner la cohérence du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés avec ce projet de loi.
Notre avis a donc porté sur le chapitre II qui n'a pas subi, depuis, de modification sur le fond. Le Conseil s'est réjoui de voir lancer un programme ambitieux dédié spécifiquement aux quartiers anciens, comme il en avait formé le voeu. Quelle que soit leur singularité, ces espaces sont souvent situés en centre-ville, et ils occupent dans nos cités, pour des raisons historiques, un espace symbolique qui rend leur rénovation particulièrement sensible et complexe à mettre en oeuvre. La requalification de ces quartiers constitue un véritable enjeu qui mérite des actions prioritaires.
Le Conseil formulait deux remarques générales. En premier lieu, s'il a bien été relevé que la future loi consacre à ce programme des financements importants, il a également été souligné l'absence de précisions sur les modalités de financement, sur l'origine des fonds ou les circuits administratifs et financiers. Heureusement, elles ont, depuis lors, été apportées. En second lieu, le Conseil aurait souhaité que la définition de quartier ancien dégradé soit plus précise, afin que les critères socioéconomiques, socioculturels et socioprofessionnels soient mieux pris en compte.
Je ne reprendrai que quatre des grands points développés dans l'avis du Conseil. Le premier concerne le pilotage du programme. La politique de la ville est un tout et la requalification des quartiers anciens en fait partie. Le projet de loi n'est pas parfaitement clair sur ce point. Il laisse subsister en outre un certain nombre de doutes ou d'imprécisions sur les rôles respectifs de l'Anru et de l'Anah, même si le guichet unique qu'est l'Anru devrait bénéficier très largement aux quartiers éligibles au nouveau programme.
La réussite de la requalification des quartiers anciens dépendra d'ailleurs des synergies qui s'établiront entre les acteurs, d'une meilleure articulation entre les différents échelons et les différents niveaux de responsabilité, bref, d'une gouvernance plus efficace et plus resserrée.
Le deuxième point concerne la cohérence des objectifs et des moyens financiers. Seul l'exposé des motifs fournit une évaluation à 2,5 milliards, dont il est dit sans autre précision qu'ils seront pris en charge par l'Agence nationale de l'habitat et la participation des employeurs à l'effort de construction. Le Conseil a demandé que les modalités et les montants de cette participation soient arrêtés par la négociation et après accord entre l'État et les partenaires sociaux. A l'occasion de l'examen de ce texte il a réitéré son refus de toute captation brutale des fonds du 1 % logement.
M. Roland Courteau. - Ah !
M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental. - La participation négociée du 1 % au financement du programme ne saurait intervenir qu'en complément des fonds de l'État, et non pour compenser son désengagement.
M. Daniel Raoul. - Parfait !
M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental. - En outre, la mise en oeuvre d'un tel programme ne pourra se faire qu'en partenariat avec les collectivités territoriales et leurs groupements qui, comme le précise le texte, porteront localement les projets. Le Conseil a souhaité que le taux de financement des opérations que conduiront ces dernières soit modulé en fonction de leur situation financière et fiscale, afin de ne pas exclure du dispositif les plus fragiles.
Le troisième point concerne la mixité sociale. De longue date, le Conseil économique, social et environnemental défend la mixité sociale et la mixité des fonctions dans la ville. Il a souligné les défis auxquels sera confronté ce programme : il faudra notamment éviter la gentrification et ne pas chasser les populations en place. L'engagement des collectivités sera donc essentiel. Trop souvent les quartiers requalifiés sont investis par des populations plus aisées que celles qui occupaient les lieux auparavant, créant ainsi un phénomène de gentrification. La mixité, bien sûr, ne se décrète pas, mais il faut mobiliser tous les outils disponibles, en particulier ceux qui permettent de lutter contre les effets d'aubaine grâce, notamment, à une politique fiscale adaptée. L'importance des mesures anti-spéculatives a aussi été soulignée par le Conseil car elles permettent de peser sur le prix du foncier et de jouer sur les loyers.
La mixité doit être sociale mais aussi intergénérationnelle et elle doit accorder toute sa place aux handicaps. La requalification et le développement des équipements de proximité, notamment culturels, sont donc essentiels.
La mise aux normes techniques nouvelles est nécessaire et elle doit bénéficier à tous. Le Conseil s'est donc prononcé en faveur d'une rénovation thermique des bâtiments anciens ambitieuse, en conformité avec les objectifs en discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif au Grenelle de l'environnement.
Le dernier point concerne la redynamisation économique, commerciale mais aussi sociétale des quartiers concernés. Le Conseil s'est félicité de la mobilisation des moyens du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) et de l'Établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), tout en relevant que, faute d'information sur les financements, il ne pouvait pas se prononcer sur l'adéquation des objectifs aux moyens.
Enfin, le Conseil a regretté que la mixité des fonctions et la requalification sociétale ne rentrent pas dans le champ couvert par les dispositions du projet de loi, bien qu'elles soient indispensables à la réussite du programme. Nul doute que des moyens importants devront être consacrés à la réalisation des équipements de proximité à caractère social, associatif, sportif ou culturel permettant d'améliorer la qualité de vie des habitants.
Pour conclure, le Conseil a souscrit aux dispositions soumises à son examen. Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés est assurément ambitieux. La question du niveau des moyens qui lui seront affectés et de leur origine reste posée et conditionne, pour partie, sa réussite. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. - L'examen de ce projet de loi intervient dans un contexte pour le moins délicat. Bien qu'élaboré dans une période où les risques de contagion de la crise américaine au continent européen semblaient limités, ce texte apporte des éléments de réponse à la crise du logement et contribue à inverser une tendance récessive, qui touche notamment la construction.
Cet objectif est d'autant plus essentiel que la crise économique et financière connaît, depuis la mi-septembre, des développements et des rebondissements quasi quotidiens, aggravant les difficultés rencontrées par bon nombre de ménages pour se loger.
La crise du crédit rend en effet plus malaisées les opérations d'accession à la propriété, à plus forte raison pour les ménages modestes. La crise économique vient, quant à elle, heurter une dynamique de construction qui connaissait un élan incontestable depuis 2005, l'année 2007 s'étant caractérisée par un chiffre record de mise en chantier de 435 000 logements neufs. Ce niveau ne sera pas atteint cette année, les professionnels du secteur tablant sur environ 380 000 logements.
Au-delà de ces éléments conjoncturels, ce texte s'inscrit dans une certaine continuité par rapport aux années précédentes puisque de 2003 à 2007, pas moins de six textes ont été consacrés en totalité ou en partie à la politique du logement.
Votre commission des affaires économiques s'était particulièrement attachée à la préparation et au suivi du projet de loi portant engagement national pour le logement (ENL), dont la discussion avait été précédée d'un rapport d'information adopté à l'unanimité de ses membres. Ce document avait servi de base de travail mais également de source d'inspiration à bon nombre de dispositifs introduits dans ce texte, qui comptait 11 articles à l'origine et qui, à la faveur des enrichissements parlementaires successifs, en dénombrait en définitive 112.
Le projet de loi instituant le droit au logement opposable (Dalo), qui a suivi de quelques mois seulement l'adoption définitive de la loi ENL, avait en revanche appelé de ma part un certain nombre de réserves. Le secteur du logement ne saurait en effet faire l'objet de politiques successives de stop and go, au risque de fragiliser ses fondamentaux et de favoriser des opérations ne présentant aucun caractère durable.
Un peu plus de deux années après sa promulgation, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement commence à porter ses premiers fruits, même si certains de ses dispositifs n'ont été mis en oeuvre que très récemment. Ainsi en est-il par exemple des modifications de l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 de solidarité et de renouvellement urbains, puisque le système de commissions départementales et de commission nationale, mis en place à l'initiative de votre commission, n'est opérationnel que depuis peu, la commission nationale ne s'étant à ce jour pas encore réunie.
Ces réflexions ne rendent pas pour autant illégitime ce nouveau projet de loi qui favorisera l'émergence d'une offre nouvelle.
Il permet en outre de corriger, d'aménager et de poursuivre les réformes de ces dernières années. Il s'inscrit dans le droit fil de la révision générale des politiques publiques dans la mesure où il traduit en droit des mesures annoncées lors du conseil de modernisation du 4 avril 2008.
Le contexte budgétaire de 2009 étant particulièrement contraint, le texte offre très peu de marges de manoeuvre financières.
M. Daniel Raoul. - C'est une litote !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Cette contrainte a conduit le Gouvernement à entamer des négociations avec les partenaires sociaux, parallèlement à la réforme de la gouvernance du 1 % logement afin de mobiliser les fonds de celui-ci pour financer des actions relevant auparavant des moyens budgétaires. La commission a d'ailleurs vivement déploré que le Parlement ait été totalement exclu de ces négociations.
M. Roland Courteau. - C'est vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Soucieuse elle aussi de l'équilibre des finances publiques, elle s'est astreinte à la même ligne de conduite que le Gouvernement et n'a pas proposé, sinon de manière marginale, de mesures ayant un coût pour l'État ou les collectivités territoriales. Elle a cependant réfléchi aux actions susceptibles d'augmenter une offre de logements qui continue à faire cruellement défaut.
Je souhaite présenter d'abord notre position sur l'article 17, qui intègre dans le calcul des 20 % de l'article 55 la loi SRU deux catégories de logements en accession sociale à la propriété. Je dis tout de suite que la commission est très favorable à l'accession sociale à la propriété et adoptera toute mesure qui ira en ce sens. Mais elle ne souhaite pas relancer inutilement un débat auquel le législateur a déjà consacré des dizaines d'heures.
M. Jean-Pierre Caffet. - Très bien !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Après la loi ENL, le dispositif est équilibré ; laissons-lui le temps de s'appliquer.
M. Roland Courteau. - N'y revenons pas !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Nous n'opposons pas logement locatif social et accession sociale à la propriété ; mais ils ne sont pas destinés aux mêmes ménages. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La commission proposera ainsi de supprimer l'article 17 qui à ses yeux ne favorisera en rien l'accession sociale à la propriété. (Mêmes mouvements)
S'agissant du 1 % logement, nous avons pris acte du résultat des négociations entre l'État et les partenaires sociaux. Nous proposerons simplement de ne pas afficher le fait que la participation des employeurs à l'effort de construction finance la politique de la ville et de prévoir que le droit de veto des commissaires du Gouvernement au sein du conseil d'administration de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) s'exercera conjointement.
La commission s'est en outre attachée à conforter la place des collectivités territoriales dans la conduite des politiques de l'habitat, à clarifier les dispositions relatives aux organismes HLM, et à améliorer et compléter celles concernant les copropriétés et la mobilité des locataires dans le parc social. S'agissant du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), la commission a souhaité étendre à tout le territoire la faculté offerte aux collectivités concernées par le programme de créer des fonds locaux de réhabilitation de l'habitat privé.
Elle proposera de maintenir les avantages fiscaux accordés aux investissements locatifs réalisés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et de prolonger d'une année le bénéfice du taux réduit de TVA pour les opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans le secteur individuel au moyen d'un pass foncier. Pass foncier individuel et pass foncier collectif seront ainsi harmonisés.
La commission suggère d'autre part d'encadrer par l'intermédiaire des documents d'orientation et d'urbanisme la construction des logements bénéficiant du « Robien » ou du « Borloo », afin de limiter leur implantation dans des bassins d'habitat où ils ne correspondent pas à la demande locale.
M. Thierry Repentin. - Très bien !
M. Dominique Braye, rapporteur. - La commission a souhaité enfin modifier les modalités d'évaluation, par les juges de l'expropriation, des fonds de commerce des hôtels meublés, afin de rendre beaucoup moins profitable l'activité des marchands de sommeil ; et enrichir le volet foncier d'un texte presque muet sur ce point -ce qui a beaucoup étonné, la mobilisation du foncier étant le premier maillon de la chaîne de réalisation de logements.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Thierry Repentin. - Quel ton critique !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Le foncier utilisable pour la construction de logements est aujourd'hui insuffisant, certains avançant le chiffre de 70 000 hectares pour le logement contre 215 000 utilisés chaque année pour l'activité économique.
M. Charles Revet. - C'est important !
M. Dominique Braye, rapporteur. - La commission, qui a mené des auditions sur le sujet, proposera de donner davantage d'outils aux maires ou de rendre plus opérationnels ceux qu'ils ont à leur disposition.
La commission souscrit aux buts poursuivis par le texte et invite le Sénat à l'adopter, sous réserve des cent-dix-neuf amendements (« Ah ! » à gauche) qu'elle présentera. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - J'insisterai sur les aspects sociaux de ce texte, la mobilité dans le parc locatif social, la promotion de l'accession sociale à la propriété, et la mise en place d'un programme de rénovation des anciens quartiers dégradés. Nous en avons ajouté un quatrième, pour y avoir beaucoup travaillé, l'hébergement d'urgence. Je veux d'abord vous dire, madame le ministre, que nous n'avons malheureusement pas eu toutes les réponses à nos questions. Je sais que le Gouvernement avait ces jours-ci d'autres sujets urgents à traiter, mais l'échange d'informations entre lui et le Parlement est la condition d'un débat démocratique de qualité.
L'introduction d'une certaine mobilité dans les HLM est le premier objectif social du texte. Si plus d'un 1 200 000 personnes sont encore aujourd'hui en attente d'un logement social, c'est en partie parce qu'une fois le logement attribué, les ménages ont tendance à y rester, quelle que soit l'évolution de la famille et celle de ses ressources.
M. Christian Cambon. - C'est vrai !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales - On arrive ainsi à des situations anormales, parfois injustes : un couple ou une personne seule peut continuer d'habiter dans un appartement de cinq pièces après le départ du dernier enfant, alors qu'aucun grand logement social n'est disponible et que des familles attendent. De même, des personnes peuvent avoir eu accès à une HLM à une époque où elles gagnaient modestement leur vie et continuer d'y demeurer vingt ans plus tard alors que leurs revenus ont doublé ou triplé. Le texte entend mettre fin à de telles situations. Sous réserve d'une aide du bailleur et seulement si on leur propose un autre domicile, les ménages qui habitent dans des logements sociaux sous-occupés devront désormais les quitter. De même, et sous les mêmes réserves, dès lors qu'un logement accessible aux personnes handicapées ne sera plus occupé effectivement par une personne handicapée, les locataires devront déménager. Les locataires dont les ressources dépassent de deux fois le plafond de ressources seront également concernés. Ces mesures courageuses dessinent une politique sociale dont l'objectif est simple : attribuer les logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin. Alors que la demande est toujours plus pressante et que le poids des dépenses de logement dans le budget des ménages français ne cesse de s'alourdir, les logements sociaux doivent être avant tout destinés aux classes populaires. Il est invraisemblable que nous ayons oublié ces évidences. Intimidés par les habitudes et les tabous, nous avons accepté des situations injustes et parfois intolérables. Je vous remercie, madame le ministre, de vouloir en finir avec cette époque.
Certains prétendent que le texte menace la mixité sociale. Un seul chiffre suffira à les démentir : après l'entrée en vigueur du projet de loi, 60 % des ménages resteront éligibles à un logement social standard. Qui peut prétendre que les classes moyennes seront refoulées des HLM ?
J'en viens à la promotion de l'accession sociale à la propriété, c'est-à-dire à l'article 17. Je rappelle que depuis 2000, la définition du logement social au sens de la loi SRU a beaucoup évolué. On y a inclus, en 2005, les lits des foyers réservés aux personnes handicapées mentales, puis les logements loués ou vendus aux harkis ; et en 2006, les logements HLM vendus à leurs locataires. L'intégration proposée par le texte des logements acquis grâce à un dispositif d'accession sociale est à nos yeux tout aussi légitime.
M. Charles Revet. - Logique !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Je vous en laisse juge : les logements de l'accession populaire à la propriété visent le même public que les HLM.
M. Charles Revet. - Tout à fait !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Pourquoi considérer que les mêmes personnes sont riches quand elles sont propriétaires et pauvres quand elles sont locataires ?
M. Christian Cambon et Mme Christiane Hummel - Très bien !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Ce préjugé porte préjudice aux ménages les plus modestes, ce sont eux qui ont le plus besoin d'épargner et de se constituer un capital pour affronter les accidents de la vie. (M. Gérard Le Cam s'exclame)
La commission des affaires sociales vous propose donc de maintenir cette disposition profondément juste socialement.
Mme Christine Boutin, ministre. - Merci !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Ensuite, le programme de requalification des quartiers anciens dégradés, qui consiste à réhabiliter le parc privé et à favoriser l'implantation de commerces, répond aux attentes du Sénat. Toutefois, se pose la question du maintien de la population qui réside dans ces quartiers après leur réhabilitation. La commission proposera un amendement afin d'éviter l'éviction des plus pauvres des quartiers rénovés. En outre, pour financer ce plan, évalué à 9 milliards, il est prévu que l'État verse 2,5 milliards pris sur le « 1% logement » et que les collectivités -souvent les plus pauvres- participent à hauteur de 2,5 milliards. Les 4 milliards restants devraient être financés par des prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Le contexte économique et financier nous incite toutefois à la prudence. Pouvez-vous, madame le ministre, nous apporter quelques éclaircissements supplémentaires ?
M. Daniel Raoul. - Ah !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Dernier sujet, qu'effleure le projet de loi mais sur lequel la commission s'est particulièrement penchée, la régulation de l'hébergement d'urgence. Notre ancien collègue, M. Seillier, et le fondateur du Samu social, M. Emmanuelli ont attiré notre attention sur la transformation des places d'hébergement d'urgence en places de stabilisation à la suite du mouvement des tentes du Canal Saint-Martin. Cette décision était et reste légitime. Toutefois, il en résulte que plus une seule place n'est libre à Paris, à partir de 22 heures, alors que l'hiver n'a même pas commencé.
Mme Christine Boutin, ministre. - Eh oui !
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Les femmes victimes de violences conjugales ne peuvent plus être accueillies.
M. Roland Courteau. - C'est vrai ! Et pas seulement à Paris.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Cette situation potentiellement dramatique appelle une réflexion sur la spécificité de l'hébergement d'urgence. En attendant, la commission propose un dispositif afin que les places existantes soient utilisées le mieux possible. Actuellement, on refuse des personnes alors que des places sont libres dans d'autres établissements. Nous n'avons pas le droit d'attendre le grand froid et son lot de nouvelles tragiques pour agir. La commission vous proposera donc un dispositif qui confie à une autorité le soin de réguler les places disponibles.
Sous réserve des amendements qu'elle vous soumettra, la commission des affaires sociales vous propose d'adopter ce texte courageux ! (Applaudissements sur les bancs UMP et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - La commission des finances s'est saisie pour avis des articles de ce texte ayant une portée fiscale ou budgétaire directe ou ayant trait à des dispositifs qui ont fait l'objet d'un récent contrôle budgétaire, soit la réforme du 1 % logement à l'article 3, les dispositions relatives au programme de requalification des quartiers anciens dégradés et à l'Anru aux articles 7, 8 et 14, les dépenses fiscales des articles 15 et 16 et l'application du droit au logement opposable aux articles 23 et 24.
Ce texte vient en discussion alors que le secteur du logement est confronté depuis plusieurs mois à un ralentissement plus brutal qu'on ne l'avait imaginé l'an passé. Les effets de ce retournement de conjoncture, après plusieurs années de hausse de l'activité, se font déjà sentir : diminution des mises en chantier, difficultés financières des entreprises, baisse des ventes. Mais, comme le dit le proverbe, on peut considérer qu'à toute chose, malheur est bon, puisque les prix de l'immobilier -enfin !- diminuent, sauf dans les zones les plus tendues. La forte activité de ces dernières années, favorable au secteur de la construction, avait eu pour corollaire un emballement du prix des logements, ce qui avait placé beaucoup de nos concitoyens dans l'impossibilité d'accéder à un logement compatible avec la composition de leur famille et leurs revenus.
Même si nous pouvons nous réjouir du ralentissement de la hausse des prix -preuve que, à la bourse comme dans l'immobilier, les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel-, cette inversion de tendance ne doit pas porter un coup trop dur à la construction de logements dont notre pays a éminemment besoin, tant dans le secteur privé -durement touché par la crise financière avec le resserrement du crédit et l'augmentation des taux d'intérêts- que dans le secteur social.
Madame la ministre, le contexte budgétaire tendu a conduit le Gouvernement à présenter un projet de loi de finances et un projet de programmation des finances publiques marqués par une limitation stricte des dépenses publiques. La commission s'en réjouit pour certaines missions, mais regrette l'importante débudgétisation que subit la mission « ville et logement ».
M. Jean-Pierre Caffet. - Nous aussi !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Le projet de loi de finances 2009 anticipe en effet sur un éventuel accord, en cours de négociation, relatif au 1 % logement et sur l'adoption en l'état du texte qui nous est soumis aujourd'hui. Ainsi, le projet de loi de finances affiche une débudgétisation totale de la part de l'Etat dans le financement de I'Anru et presque totale concernant l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'Anah. C'est remettre en question ce qui avait fait l'objet d'une des lois les plus emblématiques adoptées par le Parlement ces dernières années et les conventions signées lors du lancement du programme national de rénovation urbaine qui prévoyaient que, pour chaque euro mis par l'État pour financer l'Anru, le 1 % logement en ferait autant.
M. Jean-Pierre Caffet et M. Daniel Raoul. - Exact !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - L'État demande aujourd'hui au 1 % logement de compenser auprès de l'Anru ce que le budget de l'État n'apportera plus et de financer l'Anah et le programme de requalification des quartiers anciens dégradés. Cette décision n'est pas un bon signal envoyé à tous ceux qui se sont engagés dans ces projets souvent très lourds afin de remettre dans la République des quartiers partis à la dérive depuis parfois des dizaines d'années.
M. Jean-Pierre Caffet et M. Daniel Raoul. - Très bien !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Ce n'est pas non plus un bon signal envoyé au Parlement que de le priver de la possibilité de voter les crédits de l'Anru -le programme 202 « rénovation urbaine » et les sommes destinées à la réhabilitation du bâti ancien par l'Anah disparaissant- alors que la dernière réforme constitutionnelle vise à renforcer ses pouvoirs.
Cela dit, ne pourrions-nous pas faire contre mauvaise fortune bon coeur ? (Marques d'amusement à gauche) Car, après tout, l'important est que l'Anru et l'Anah disposent des ressources nécessaires pour faire face aux objectifs que nous leur avons fixés. L'Anru disposera-t-elle des moyens financiers lui permettant d'honorer les conventions tripartites « État-Anru-collectivités locales » d'un montant total de 36 milliards ?
Mme Christine Boutin, ministre. - La réponse est : oui !
M. Jean-Pierre Caffet. - Pas en l'état !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Je ne suis pas en mesure d'apporter de réponse claire à cette question. Pour quelle durée seront fixés les emplois des ressources du 1 % logement ?
Mme Christine Boutin, ministre. - Trois ans !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - L'État envisage-t-il, dans trois ans, de rebudgétiser ce qu'il débudgétise aujourd'hui ?
M. Jean-Pierre Caffet. - C'est peu probable...
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - En d'autres termes, envisagez-vous de demander au 1 % logement de se substituer à l'État jusqu'en 2020, terme du PNRU ? En l'état, le plan de financement de l'Anru n'est pas soutenable au-delà de trois ans. A preuve, si l'on compare le plan de trésorerie de l'Anru, actualisé fin 2007, et les apports du 1 % logement prévus en dessous de 800 millions d'euros pour le PNRU en 2009, 2010 et 2011, on constate que la trésorerie de l'Anru sera épuisée fin 2010, ce qui obligera l'agence à allonger les délais de paiement que les élus trouvent déjà trop longs, et négative fin 2011. Il faut donc agir. Nous ne pouvons pas nous contenter d'un « on verra dans deux ou trois ans ». Ce serait pour le moins paradoxal au moment où l'on nous présente pour la première fois un budget avec une visibilité de trois ans. C'est à cette seule condition que la débudgétisation qui est un expédient budgétaire -appelons un chat un chat- inspiré par Bercy, peut être acceptée par le Parlement.
Les partenaires sociaux, reconnaissant le bien-fondé des critiques passées, ont accepté le principe d'une nouvelle gouvernance du 1 %. Cependant, sur le plan financier, ils acceptent que l'ensemble des catégories d'emploi et des enveloppes par catégorie soient fixées uniquement parce qu'on les menace d'une budgétisation de la ressource ce que, paradoxe absolu, Bercy refuse pour ne pas alourdir les prélèvements obligatoires.
Malgré tout, puisqu'un accord semble être sur le point d'être conclu, il est possible d'envisager ce que Bercy refusait jusqu'à présent, c'est-à-dire la signature d'une convention pour trois ans qui pourrait rassurer le Parlement et les partenaires sociaux sur le financement de l'Anru et de l'Anah en instaurant clairement une clause de revoyure. Au-delà de trois ans le système proposé ne tient plus la route, parce que les apports à l'Anru devront chaque année dépasser 1 milliard d'euros pour soutenir les besoins de paiements. Avec moins de 800 millions d'euros, le compte n'y sera pas. Si nous redéployons les 900 millions d'euros de prêts accordés à des particuliers pour des travaux grâce au 1 % logement, pour augmenter les subventions à l'Anru et à l'Anah, le moment viendra très vite où les 4 milliards d'euros fournis annuellement par le 1 % se réduiront à 1,5 milliard, c'est-à-dire au strict montant de la collecte, puisqu'il n'y aura plus de retour sur prêts. Alors le système que vous mettez en place aujourd'hui implosera.
Madame la ministre, les chiffres sont têtus. Afin de rassurer les différents acteurs et la représentation nationale, il faut que vous éclaircissiez ce point et que vous acceptiez l'un des deux amendements proposés par la commission des finances.
Nous comprenons la situation budgétaire de la France et la nécessité de faire les efforts indispensables pour y remédier. Trente années de déficit budgétaire nous ont conduits là où nous sommes aujourd'hui, sans marges de manoeuvre au moment où la crise internationale pèse sur notre budget. Mais le logement et la rénovation urbaine doivent rester une priorité nationale. Je sais, madame la ministre, que telle est votre conviction ; aidez-nous donc à trouver le moyen de rassurer tous les acteurs.
A l'article 7, vous proposez de lancer un programme de requalification des quartiers anciens dégradés. Il concernerait un nombre limité de quartiers, entre 100 et 150, situés dans un maximum de 100 communes ou EPCI. Il est prévu d'affecter au financement de ce programme 2,5 milliards d'euros provenant des recettes du 1 %, et de mettre également à contribution le Fisac et les collectivités locales. (M. Daniel Raoul ironise) Vous nous l'avez dit, madame la ministre, ce programme n'est pas un Anru 2 : il est bien plus limité en volume. Mais il faudra veiller à ce que son lancement n'ait pas de répercussions négatives, notamment dans le financement du PNRU.
Mme Christine Boutin, ministre. - Il n'en aura pas.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - La commission des finances vous proposera des amendements en ce sens.
L'article 15 a pour objet de recentrer les aides fiscales dites « Robien » sur les zones où le marché immobilier est le plus tendu, et de supprimer la déduction spécifique aux investissements dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). Ces mesures nous semblent largement justifiées par les excès mis en évidence par les médias, dans les zones où des vendeurs de produits de défiscalisation ont entraîné des particuliers mal informés dans des opérations vouées à l'échec, parce qu'elles ne correspondaient pas aux besoins du marché local.
Mme Christine Boutin, ministre. - En effet, c'est scandaleux.
M. Thierry Repentin. - Il faut bien le reconnaître.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Cet article entraînera une diminution des dépenses fiscales, dont on doit se féliciter : le coût du dispositif « Robien ZRR » est estimé à 20 millions d'euros en 2009. L'appréciation de l'effet du recentrage géographique des dispositifs Robien et Borloo est plus délicate. Ces dispositifs, qui bénéficiaient en 2007 à 145 000 ménages, ont un coût fiscal estimé à 350 millions d'euros pour 2009, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros au titre du « Borloo neuf ». Selon les informations fournies par le ministère du logement, le coût fiscal des 25 000 logements réalisés en zone C se monte à 390 millions d'euros par génération, cette dépense fiscale étant étalée en pratique sur 9 à 15 ans.
L'article 16 propose d'appliquer le taux réduit de TVA à 5,5 % aux acquisitions de logements collectifs bénéficiant du dispositif pass foncier. La complexité du montage juridique du pass foncier avait conduit le Parlement, en 2007, à réserver les incitations fiscales qui lui étaient liées aux acquisitions de maisons individuelles, et à les limiter dans le temps. Le Gouvernement propose aujourd'hui un schéma juridique simplifié qui, selon vos estimations, devrait permettre de financer 30 000 logements. La commission des finances s'est montrée favorable à ce dispositif qui permettra aux familles les plus modestes d'accéder à la propriété, mais elle proposera un amendement visant à éviter les effets d'aubaine pour les promoteurs qui pourraient être tentés, au sein d'un même programme, de vendre des logements à des prix différents hors taxes, selon que l'acheteur bénéficie ou non de la TVA à taux réduit. Certains professionnels et certains responsables politiques auraient souhaité, face à la crise de l'immobilier, que le taux réduit de TVA puisse être appliqué à d'autres catégories d'acquisition. Le Gouvernement a considéré que le moment n'était pas opportun, et la commission des finances n'a pas souhaité proposer d'amendement en ce sens.
Je passerai rapidement sur les articles 23 et 24, consacrés respectivement à l'hébergement et au droit au logement opposable, le Dalo. J'indiquerai seulement que nous sommes très satisfaits de la régionalisation de la gestion du Dalo en Ile-de-France, réclamée depuis longtemps par les associations et par le comité de suivi. (Mme la ministre acquiesce, ainsi que plusieurs sénateurs sur divers bancs) Nous proposerons des mesures complémentaires, pour aller plus loin dans la régionalisation.
Mme Christine Boutin, ministre. - Le Gouvernement y est favorable.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Pour ce qui est de l'hébergement, je pense qu'il est grand temps d'envisager les choses à l'échelle Grand Paris, et non plus des départements. (Protestations à gauche)
Mme Odette Terrade. - Que dites-vous des Hauts-de-Seine ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Je souhaite que le débat qui s'engage soit fructueux et constructif. La commission des finances vous appellera à voter ce texte, sous réserve du vote des modifications que j'ai indiquées.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Après avoir recueilli l'accord des différents groupes politiques, votre commission demande, pour la lisibilité de nos travaux, qu'il soit procédé à la disjonction de l'examen d'un certain nombre d'amendements de suppression ou de rédaction globale d'articles, qui entraînent la mise en discussion commune d'un grand nombre d'amendements. Nous demandons donc que soient examinés séparément, sur l'article premier, les amendements n°s160 et 236 de suppression, et l'amendement n°512 de rédaction globale ; et sur l'article 3, les amendements n°s173 et 311 de suppression, l'amendement n°174 de rédaction globale, et l'amendement n°181 qui propose la suppression des 6° à 16° du I de cet article.
Il en est ainsi décidé.
Mme Christine Boutin, ministre. - Je souhaite répondre dès à présent aux interrogations des rapporteurs. Monsieur Feltz, vous nous avez indiqué que le Conseil économique et social regrettait le manque de précisions du projet de loi sur le financement des mesures envisagées. Mais le Conseil a été saisi en juin, à un moment où nous ne disposions pas de toutes les données financières nécessaires. Les choses ont été précisées depuis, puisque l'affectation des recettes du 1 % a été modifiée.
En ce qui concerne les critères de définition des quartiers anciens dégradés, le texte peut en effet être amélioré.
Vous avez regretté que les rôles respectifs de l'Anru et de l'Anah ne soient pas précisés. Mais nous souhaitons favoriser la synergie de ces deux instances, qui travailleront ensemble dans les quartiers difficiles.
S'agissant de la participation des collectivités locales, le projet peut certainement être amélioré, grâce notamment aux propositions du rapporteur au fond.
Je tiens à rassurer M. Feltz : il n'est pas question que les quartiers rénovés connaissent un processus de gentrification : les personnes qui habitent actuellement ces quartiers ont vocation à y revenir, une fois la rénovation achevée. Ils pourront alors jouir d'un logement décent, dans un quartier où il fera bon vivre.
M. Braye a dénoncé le fait que le Parlement n'ait pas été associé à la négociation sur le 1 %. Mais ces négociations relevaient de la responsabilité de l'État. Le Parlement est pleinement désormais impliqué, puisque le Gouvernement lui soumet aujourd'hui le résultat de ces négociations.
En ce qui concerne l'article 55 de la loi SRU, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion de l'article 17 du projet de loi. Je ferai simplement remarquer la chose suivante : vous déclarez que le logement social et l'aide à l'accession à la propriété ne touchent pas les mêmes catégories de population, mais les plafonds de ressources sont les mêmes.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Il s'agit de plafonds !
Mme Christine Boutin, ministre. - En ce qui concerne la mobilisation du foncier, votre commission a présenté des propositions intéressantes, et nous verrons dans quelle mesure nous pouvons les reprendre à notre compte.
Madame Bout, je vous remercie des propos que vous avez tenus sur la mobilité dans le parc social et l'accession sociale à la propriété. Cela prouve que, sur l'article 17, les avis sont partagés, et qu'il faut aborder ce problème avec intelligence, ouverture et sens des responsabilités.
Pour ce qui est de la rénovation des quartiers dégradés, je répète que la population actuelle ne sera pas évincée. Nous nous engageons à construire 30 000 nouveaux logements sociaux, ce qui permettra d'éviter cet effet pervers.
Le financement du projet est assuré : 10 milliards d'euros lui seront consacrés, dont 2,5 milliards provenant du 1 %, et le reste des contributions des collectivités locales, des opérateurs, des bailleurs sociaux et de l'Anru.
En évoquant la question de l'hébergement d'urgence, vous avez soulevé, madame, un problème fondamental. Je crois, moi aussi, qu'il est nécessaire de mieux coordonner les dispositifs existants, notamment en Ile-de-France. Nous examinerons favorablement les amendements en ce sens.
M. Dallier a abordé, avec son talent habituel, les questions financières. Il a regretté la débudgétisation d'une partie des dépenses afférant au logement. Mais je vous rappelle, mesdames et messieurs les sénateurs, que nous sommes dans une situation de contrainte budgétaire. Nous avons tous pour objectif de réduire le déficit de l'État -si l'on met à part les dépenses nécessitées par la crise financière actuelle. L'ensemble des ministères est mis à contribution, et le ministère du logement n'y fait pas exception. D'autres ministères ont eu recours à la débudgétisation d'une partie de leurs dépenses, mais les médias s'y intéressent moins. Nous avons donc choisi de réaffecter les ressources tirées du 1 % en fonction des priorités du Gouvernement. Les négociations qui ont abouti à cette solution ont été longues, puisqu'elles ont duré du mois de juin jusqu'à jeudi dernier ; elles ont été menées dans un esprit de responsabilité et de transparence, et la solution retenue a été mûrement réfléchie. Elle devrait être conforme au gagnant-gagnant.
Les moyens de l'Anru progressent, avec la contribution du 1 % logement. Les crédits de la mission diminuent, mais il faut compter également les moyens extrabudgétaires ! (Exclamations à gauche)
M. Thierry Repentin. - Les crédits du 1 % servent déjà au logement !
Mme Christine Boutin, ministre. - Au total, les moyens augmentent de 200 millions !
M. Thierry Repentin. - Non, puisque ces crédits allaient déjà au logement !
Mme Christine Boutin, ministre. - Les 150 millions de l'Anru sont donc garantis pour les trois ans à venir.
Monsieur Dallier, vous vous inquiétez pour la suite, mais l'accord avec le 1 % logement sera formalisé le 23 octobre, ce que ce texte anticipe. Et si des moyens sont nécessaires au-delà de ces trois années, l'État prendra les mesures nécessaires ! Je ne suis pas de celles et de ceux qui engagent la parole de l'État à la légère : l'État tiendra sa parole, tout comme il garantira effectivement les crédits qu'il engage pour les banques !
Je ne sais pas ce qui peut faire penser à certains que les crédits de l'Anru pourraient servir la rénovation des quartiers anciens dégradés : les lignes budgétaires sont distinctes ! Le plan national de rénovation des quartiers anciens dégradés ne prélèvera rien à l'Anru, dont les moyens sont garantis !
M. Thierry Repentin. - Grâce au 1% logement ! Que faites-vous de votre « euro pour euro » ?
Mme Christine Boutin, ministre. - Mais quand la décision a été prise, la conjoncture était tout autre ! (Vives exclamations à gauche) Il y a une crise financière, et vous n'en tiendriez pas compte ? Ne faut-il pas s'adapter ? (Mêmes mouvements)
Quant à l'amélioration proposée par la commission des finances pour le pass foncier, j'y suis favorable ! (Applaudissements à droite)
M. Yvon Collin. - Quand la cohésion sociale cède du terrain à l'individualisme, et que la cellule familiale se rétrécit toujours davantage, le logement représente le dernier havre de sécurité qui assure l'épanouissement de chacun. Encore faudrait-il que chacun ait un logement, ce qui est loin d'être le cas : nos concitoyens ne sont pas logés à la même enseigne ! L'accès au logement est devenu discriminatoire et profondément injuste. De nombreux dispositifs encouragent la spéculation foncière et immobilière, donc le renchérissement des loyers. Dans le logement social, la situation reste figée, malgré la mobilisation régulière des pouvoirs publics pour plus de justice et de transparence. Les foyers à ressources modestes doivent attendre des années pour bénéficier d'un logement social décent. La crise du logement dure depuis bien trop longtemps ! Cette année, plus de trois millions de personnes sont mal ou pas logées et six autres millions sont dans une situation fragile : la France, pays des droits de l'homme, manque à ses devoirs ! Oui, le logement est un droit, mais il n'est pas effectif ! Qu'est devenu le « droit opposable » au logement, que nous avons inscrit dans la loi l'an dernier ? Il n'est encore qu'un horizon pour les Français qui n'ont pas les moyens de payer des loyers devenus trop chers ! Que reste-t-il de la loi portant engagement national pour le logement ? L'État paraît bien incapable de tenir sa parole...
Alors que la situation de nos concitoyens risque fort de se dégrader à la suite de la crise financière, la question du logement va devenir plus aiguë. Allons-nous devoir laisser une nouvelle fois les associations corriger les échecs des politiques nationales ? Sans le travail formidable de la Fondation Emmaüs, d'ATD-Quart monde, du Secours populaire, la situation serait encore plus critique.
Il est temps d'exiger de l'État une obligation de résultats. Le Gouvernement a fixé comme objectif de construire 500 000 logements par an : nous n'y sommes pas ! Alors que le budget pour 2008 a prévu 142 000 logements, 100 000 seulement ont été programmés.
Vous appelez de nouveau à la mobilisation pour le logement et contre l'exclusion. Le RDSE se félicite de vos quatre priorités : la construction de logements, nécessaire pour répondre à la crise de l'offre ; l'accession populaire à la propriété, qui constitue un grand progrès social ; l'ouverture de l'accès au parc de logements HLM, pour une meilleure mobilité résidentielle ; la lutte contre l'habitat indigne dans les quartiers anciens dégradés, qui est une bonne chose à condition que l'amélioration des logements n'en chasse pas les plus démunis.
Notre accord sur les objectifs fait malheureusement place à une déception sur le chapitre des moyens ! Les crédits de la mission ville et logement diminueront de 6,9 % l'an prochain, le repli devrait se poursuivre les deux années suivantes. Le 1er octobre, le Président de la République a annoncé des mesures pour soutenir la conjoncture, certaines concernent directement le logement. Comment l'État tiendra-t-il ses engagements, en particulier l'extension du pass foncier ? Il ne suffit pas de dire qu'on utilisera le surplus du Livret A...
Ce texte n'est pas à la hauteur de la crise du logement. La remise en cause de l'article 55 de la loi SRU pose un problème aux radicaux de gauche !
M. Roland Courteau. - Aux socialistes aussi !
M. Yvon Collin. - L'intégration des logements en accession sociale à la propriété, dans le décompte des 20 % de logements sociaux, affaiblira la mobilisation des communes. Aujourd'hui, 330 communes ne respectent pas leurs objectifs, il faut rendre l'article 55 plus contraignant ! Pourquoi ne pas conditionner le permis de construire à la réalisation d'un seuil de logements sociaux dans tous les nouveaux programmes ? Pour les communes riches, l'amende n'est pas dissuasive. N'ayons pas peur de faire violence à ceux qui s'exonèrent trop facilement de leurs obligations !
Je ne suis pas défavorable aux mesures renforçant la rotation des logements. Cependant, comment priver de leur toit les ménages les plus modestes, pour qui le logement est bien le dernier espace de repli, quand bien même il serait sous-occupé ?
Enfin, la réduction à un an du délai d'expulsion est un signe positif en direction des propriétaires, en particulier des petits propriétaires qui tirent des loyers une source importante de leurs revenus. Cependant, c'est au juge de fixer les délais d'expulsion et la défaillance du locataire doit mobiliser davantage les outils de prévention.
Les débats sur le logement nous sont familiers, la sortie de crise n'est pas pour demain, et les mesures proposées aujourd'hui ne régleront pas plus qu'hier les difficultés de nos compatriotes. Les radicaux de gauche attendaient des efforts en faveur d'une offre locative de qualité et abondante. Ce texte n'en prend pas le chemin, nous ne le voterons pas ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du centre)
M. Thierry Repentin. - En entendant les réquisitoires des procureurs Dallier et Braye, je me suis demandé si je n'allais pas me faire votre avocat, madame la ministre mais votre réponse m'a convaincu qu'il n'en serait rien. Ne nous avez-vous pas menti, il y a un an à Lyon, en déclarant que vous n'attacheriez pas votre nom à une nouvelle loi, tant il y en avait déjà, et en nombre suffisant pour conduire une véritable politique du logement ? Or, voici une sixième loi sur le logement, en cinq ans ! Son titre même ne manque pas de nous étonner : elle affiche « une mobilisation pour le logement », sans ajouter aucun moyen ! Vous prévoyez même de réduire les crédits de la mission ville et logement, tout en reconnaissant que la crise perdure. La loi invoque la mobilisation de tous pour le logement, mais l'État est le premier à se désengager, tout en réclamant toujours plus des collectivités locales, des organismes HLM et des partenaires sociaux.
La crédibilité de l'État diminue chaque fois qu'il se désengage de sa seule source de légitimité : la garantie des besoins vitaux des citoyens, au premier rang desquels la nourriture et le logement. Nous avons du mal à saisir où se situe la mobilisation de l'État dans votre projet de loi et dans le budget qui doit le concrétiser dans les années à venir. Vous persistez à déclarer que le budget Ville et Logement 2009 n'est pas en régression, alors que les crédits de paiement diminueront de 6,9 %, que cette baisse se poursuivra les années suivantes, et que la ligne des aides à la pierre va être grignotée de 30 % l'année prochaine ! Ces arbitrages budgétaires sont inquiétants à l'heure où le plan de cohésion sociale et le programme national de rénovation urbaine nécessitent un effort particulier. Vous faites feu de tout bois parce que vous ne savez pas vous attaquer à la véritable cause du problème : le manque d'investissement dans du parc locatif accessible à tous. Tant que vous continuerez à croire dans les vertus du marché immobilier censé s'autoréguler, vous contribuerez à ne le rendre accessible qu'aux 30 % des Français les plus aisés.
Vous ne pouvez continuer à justifier la crise du logement par la crise financière mondiale et le manque d'empressement des banquiers à émettre des prêts. Cette crise immobilière est bien plus ancienne que celle des subprimes. Certes, elle restreint les prêts à l'accession, mais elle n'explique pas, à elle seule, le fait que les logements sont aujourd'hui 140 % plus chers qu'il y a seulement cinq ans. De même, ce n'est certainement pas en reprenant une proposition que le Conseil d'analyse économique préconisait il y a encore une semaine -celle de « développer en France le crédit hypothécaire » (Rires à gauche)- que vous aiderez les ménages qui ont du mal à accéder à la propriété. Car, alors que la tempête qui dévaste les places financières est née du marché des subprimes, vous ne pouvez pas leur proposer d'avoir recours à ces crédits risqués, accordés sans retenue par les banques américaines.
Mme Christine Boutin, ministre. - Je ne l'ai pas proposé !
M. Thierry Repentin. - Votre projet comporte plusieurs articles bien inspirés comme celui qui renforce l'efficacité des PLH et leur compatibilité avec les PLU. Nous vous proposerons d'ailleurs de renforcer les outils d'urbanisme permettant une planification plus efficace. Il semblerait aussi que vous preniez enfin conscience des effets dramatiques du renforcement depuis 2002 de la défiscalisation de l'investissement privé, défiscalisation qui a fait grimper en flèche les prix fonciers et les loyers. Dans cet hémicycle nous les avons à chaque fois dénoncés, et chaque fois vous, comme vos prédécesseurs, avez rejeté nos arguments. Tout cela pour qu'aujourd'hui vous nous proposiez un timide « recentrage » du dispositif Robien sur les zones les plus tendues ; nous espérons que vous irez plus loin que cette première démarche sans céder aux pressions. Malheureusement, il semble que rien dans ce que vous nous proposez ne diminue le coût du logement pour nos concitoyens.
Pour remédier au désengagement de l'État, vous sonnez le glas du 1 % et lui administrez vous-même l'extrême-onction, oserais-je dire l'extrême ponction. (Sourires) Le budget Logement de l'État s'effondre, mais vous tenez à maintenir vos effets d'annonce. Conclusion : vous ponctionnez les efforts de nos partenaires. En prélevant 850 millions d'euros chaque année pendant trois ans, vous menacez la pérennité de ce 1 %. En affectant une part de cette somme à l'Anah, ce projet détourne la fonction de la collecte du 1 % puisqu'il investit dans du conventionnement social à court terme, l'habitat privé subventionné par l'Anah étant appelé tôt ou tard à rattraper les prix du marché. En affectant une autre part de cette somme à l'Anru, vous rompez l'engagement de l'État d'apporter 1 euro à chaque euro investi par ses partenaires du 1 %.
Tous ces arbitrages budgétaires ont été décidés au début de l'été, avant la crise financière, et non il y a trois semaines. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Ce texte stigmatise le monde HLM -premier logeur de France avec ses quatre millions de logements abritant plus de dix millions de nos concitoyens- et ses locataires, dont le droit au maintien dans les lieux est remis en cause. Sur fond d'une campagne médiatique orchestrée dénonçant cet été le « bas de laine » dérisoire du monde HLM, ce texte discrédite ses organismes et fragilise la population qui y loge. Vous ne pouvez pas vous contenter de montrer du doigt les « mauvais élèves » pour dissimuler l'absence d'effort budgétaire qui est de l'unique responsabilité du Gouvernement. Quant à la mesure qui porte atteinte au droit des locataires au maintien dans les lieux en cas de ressources supérieures à deux fois les plafonds, elle est superfétatoire et dangereuse. Elle va concerner 9 000 logements et n'est pas de nature à résoudre le problème des 1 200 000 personnes sur liste d'attente, et encore moins des 3 millions de mal logés.
Mme Christine Boutin, ministre. - D'accord, mais c'est déjà ça !
M. Thierry Repentin. - De plus, vous proposez cette mesure alors même que le paiement d'un surloyer sera obligatoire à partir du 1er janvier prochain pour tous les ménages qui dépassent de 20 % le plafond de ressources prévu par la loi, contre 60 % aujourd'hui. Cette mesure est dangereuse aussi : il ne faudrait pas que ce texte fasse du logement social un logement destiné seulement aux plus pauvres, au risque de favoriser la ghettoïsation et d'ignorer les vertus de la mixité sociale. Et ce, alors que déjà trop de Français et de décideurs apparentent injustement le logement social au « cas social ». C'est un terrible contresens : la lutte contre l'exclusion n'implique pas de réserver des types et des zones de logement spécifiquement aux plus fragiles d'entre nous. Et surtout, elle ouvre une brèche, qui, une fois ouverte, ne pourra que se creuser davantage, dans le principe du droit au maintien dans les lieux, ce qui pourrait rapidement concerner des catégories plus modestes.
En ce qui concerne les logements sous-occupés, nombre de particuliers et d'associations de locataires nous ont fait part de leur désarroi depuis juillet. Tous nous disent que la conception du ménage type sur laquelle se base votre proposition n'est absolument pas adaptée à la réalité quotidienne des foyers. Le logement, ce n'est pas qu'une affaire de chiffres, c'est aussi une histoire familiale, la construction d'une vie et, souvent la garantie d'une petite retraite dans la tranquillité. Il y a une différence entre « pouvoir » et « devoir » changer de logement. Vous faites souvent allusion à ceux qui désirent changer pour un logement plus petit. Pourquoi ne pas introduire cette nuance législative dans votre texte ? Vous pourriez laisser une certaine latitude aux organismes pour qu'ils fassent du « gré à gré ». Au lieu d'accuser injustement ceux que vous dénoncez comme les fraudeurs et les profiteurs du parc locatif...
Mme Christine Boutin, ministre. - Je n'ai jamais dit ça !
M. Thierry Repentin. - ...vous devriez vous inquiéter du fait que votre texte ne comporte aucune mesure qui garantisse aux habitants des futurs quartiers de centre-ville qu'ils ne seront pas chassés de chez eux une fois leur logement rénové. Il ne comporte aucune mesure pour lutter sévèrement contre les vrais profiteurs de la précarité et de l'exclusion des plus fragiles : les marchands de sommeil !
Mais l'article le plus inacceptable de votre projet de loi, c'est celui qui sabre le principe de solidarité territoriale en tentant une nouvelle fois de mettre à mort l'article 55 de la loi SRU. Madame la ministre, vous étiez députée quand cet article a été voté et vous avez joint votre signature à celles qui ont saisi le Conseil constitutionnel contre cette loi, mais vous êtes aujourd'hui ministre et vous pouvez oublier vos positions de jadis au nom de la solidarité nationale. En incluant dans le logement social l'accession à la propriété, vous trahissez l'esprit de la loi et compromettez irrémédiablement son efficacité. Vous savez pertinemment que la catégorie des ménages qui peuvent prétendre à l'accession à la propriété, même aidée, ne correspond pas à celle de la majorité des locataires du parc social qui, eux, ne peuvent prétendre à l'acquisition d'un logement. Certes, il est indispensable d'aider davantage l'accession et d'accompagner les parcours résidentiels pour ceux qui le souhaitent, mais cela ne doit pas empêcher le développement du parc locatif qui est l'objectif de l'article 55. Là aussi, une fois la brèche ouverte, il sera impossible de maintenir cet objectif dans les communes peu volontaires. Cela ne fera qu'entamer, une fois de plus, les moyens de mettre en oeuvre une véritable mixité dans nos quartiers. Je ne vais pas vous rappeler les termes qu'a employés l'abbé Pierre à l'Assemblée nationale...
M. Dominique Braye, rapporteur. - Pas de cinéma ! Laissez l'abbé Pierre reposer en paix ! C'est indigne.
M. Thierry Repentin. - ....le 24 janvier 2006 pour s'opposer à l'amendement Ollier, amendement qui fut finalement rejeté ici même au Sénat le 5 avril suivant, avec l'appui, d'ailleurs, de sénateurs UMP. Il avait affirmé que, dans la défense de cet article 55, se jouait « l'honneur de la France ». Vous n'allez pas être la ministre qui va le remettre en cause en tentant encore une fois de mettre à mort ce pilier de notre patrimoine législatif républicain.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Et vous, vous n'êtes pas l'honneur du Parlement !
M. Thierry Repentin. - Vous avez fait état d'un sondage. Mais trois enquêtes récentes donnent des résultats convergents selon lesquels plus de 70 % des maires sont opposés à ce qu'on remette en cause l'article 55. (Applaudissements à gauche) Alors, soutenez notre amendement créant un droit de préemption au profit du préfet en cas de constat de carence.
C'est un projet de loi « pansement », inadapté à l'ampleur de la crise. Vous ne pourrez pas continuer à grignoter et à détricoter petit à petit la politique publique du logement en proposant des ressources provisoires sous prétexte que le déficit public ne peut plus supporter d'être alourdi. Une politique à court terme ne saurait faire face à l'ampleur de la crise actuelle. Nous pouvons proposer mieux que de nous battre avec une épée de bois contre une crise de si grande ampleur, que de proposer de l'hébergement provisoire en guise d'un véritable « chez soi », ou encore des bungalows comme réponse aux sans logis.
Mme Christine Boutin, ministre. - Vous préférez qu'ils soient dehors ?
M. Thierry Repentin. - En diminuant les moyens du secteur HLM, en vous emparant du 1 % et des fonds propres des organismes, vous ne parviendrez qu'à deux choses : délaisser et décourager les politiques volontaristes en faveur du logement abordable sur des territoires solidaires ; soutenir les prix trop élevés du marché immobilier, dont la première victime est le pouvoir d'achat des ménages qui consacrent déjà au minimum un quart de leur pouvoir d'achat au logement.
Vous appelez à la mobilisation des acteurs du logement. Vous allez être entendue : c'est la mobilisation des acteurs du logement social et des parlementaires, notamment ceux de la gauche de cet hémicycle, qui sera au rendez-vous. Nous serons là pour donner des réponses à la crise à laquelle nous sommes confrontés, et que votre loi molle ignore à cet instant du débat.
Selon le nouveau président du Sénat, « faire de la politique, c'est respecter l'opposition ». C'est aussi reconnaître qu'on n'a pas toujours raison parce qu'on est majoritaire. Si, avec ce premier texte, vous saisissiez l'occasion de respecter l'opposition et de réhabiliter le travail de cet hémicycle, ce serait une victoire pour le Parlement et une victoire pour le logement. (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Dubois. - Le nombre de lois relatives au logement examinées depuis quelque dix ans montre, s'il en était besoin, combien cette question cruciale est loin d'être résolue : pénurie de l'offre, crise du foncier, inadéquation aux publics, manque de financements, hausse des prix... autant de facteurs qui alimentent une crise désormais installée.
Vos prédécesseurs, madame la ministre, ont tantôt saisi le problème dans son ensemble, tantôt ils l'ont abordé sous un angle précis. Mais il demeure. Et nous voici au seuil d'un nouveau débat sur un texte qui se donne pour objectif de mobiliser l'ensemble des acteurs et de lutter contre l'exclusion.
La situation est d'autant plus préoccupante que le contexte actuel est loin d'être favorable. Le tumulte de la crise financière vient s'ajouter au repli de 9,5 % des mises en chantier, passées sous la barre symbolique de 400 000 logements pour un objectif de 500 000, dont 100 000 logements sociaux au lieu des 120 000 prévus dans le budget 2008.
Mme Christine Boutin, ministre. - Ce n'est pas de ma faute. J'ai l'argent...
M. Daniel Dubois. - Toute nouvelle norme doit être guidée par une logique de respect des grands équilibre -entre l'offre et la demande, entre les types de logements, entre le locatif et l'accession à la propriété, entre opérateurs publics et privés, entre les financements, recherche de l'équilibre social, enfin. C'est la condition de la réussite.
Je ne nie pas les efforts entrepris, mais je crains qu'ils ne restent parcellaires, quand seule une approche globale permettra d'atteindre l'objectif.
A cet objectif, ainsi qu'aux mesures proposées, notre groupe souscrit : accroître l'offre, favoriser l'accession sociale à la propriété, améliorer l'accès au parc HLM, lutter contre l'habitat indigne. Mais nous nous inquiétons de l'article 17, qui entend modifier la loi SRU, des inflexions apportées au 1 % logement, ainsi que du dispositif retenu pour parvenir à une meilleure rotation dans le parc HLM.
L'article 55 de la loi SRU, et je salue M. Braye qui a su le rappeler, a subi déjà de nombreuses involutions. On n'atteindra l'objectif de mixité sociale que par une répartition équilibrée du logement social. Modifier l'article 55 serait compromettre l'efficacité de la loi SRU, qui fixe, faut-il le rappeler, un objectif de 20 % de logement locatifs sociaux. Je ne suis pas opposé aux actions visant à favoriser l'accession à la propriété, mais évitons de mélanger les genres ! Elles ne sauraient se substituer à la construction de logements locatifs tant que des centaines de milliers de demandes restent en attente. C'est pourquoi nous suivrons l'avis du rapporteur sur cet article.
Vous proposez une modification de l'organisation, du fonctionnement et de la gouvernance du 1 %, que vous entendez recentrer sur ses missions tout en renforçant la présence de l'État. Il est vrai que la Cour des comptes a mis en lumière des améliorations possibles. Mais cela ne nous autorise pas à porter atteinte aux missions d'un dispositif dont l'origine est patronale, la gestion paritaire, et dont les ressources proviennent d'une contribution volontaire en faveur des salariés, et, au-delà, mais par voie contractuelle, de l'effort de solidarité nationale. Depuis 1997, cette politique conventionnelle a permis d'élargir le champ des interventions. Ainsi, le 1 % accompagne les salariés tout au long de leurs parcours résidentiel. Quatre milliards ont été dégagés, compte tenu du retour sur emprunt. Or, nous le voyons bien, les mesures proposées cassent cet équilibre. Mais il y a pire. Je m'interroge, madame la ministre, sur la réelle intention du Gouvernement. Ne s'agit-il pas de récupérer une partie des ressources du 1 % pour faire face au désengagement budgétaire de l'État ? Si tel est le cas, l'État ne créerait pas une ressource supplémentaire, mais amputerait l'enveloppe totale, consacrée aux politiques du logement, d'une ressource non négligeable : 1,5 milliard. Ne peut-on parler de détournement de fonds pourtant réservés aux salariés les plus modestes ?
Mme Christine Boutin, ministre. - C'est pourquoi nous sommes arrivés à un accord.
M. Daniel Dubois. - Cette solution ne peut être que provisoire, car il y a, à terme, un vrai risque de voir certaines interventions disparaître, comme les prêts pass-travaux ou les prêts classiques à l'accession.
En outre, les partenaires sociaux ne doivent pas être totalement déconnectés du processus de décision, et notamment dans la détermination des catégories d'emplois des ressources issues de la participation des employeurs.
Nous proposerons donc des amendements pour atténuer l'effet des mesures proposées : il y va de la pérennité du 1 %, réellement menacée, ainsi que l'ont souligné les rapporteurs.
J'en viens aux dispositions, à l'article 20, visant à encourager la sortie du parc social de certaines catégories de ménages. Notre groupe n'est pas hostile à la fluidité mais appliquer la règle du double plafond à tous les quartiers, quelles que soient les caractéristiques du marché, présente un vrai danger pour la mixité. Comment articuler cela avec la logique de l'Anru, qui organise, sur les zones urbaines sensibles, une mixité par le haut ? Sans parler des risques de paupérisation des organismes HLM : veut-on faire des entreprises ghettos pour des quartiers ghettos ? Nous proposerons donc un amendement visant à exclure du dispositif les locataires des ZUS.
Un sujet, enfin, me tient à coeur. C'est celui des contraintes que posent les fouilles archéologiques et qui font obstacle, dans de nombreux cas, à la construction de logements sociaux. (M. Charles Revet approuve) Je suis président d'une communauté de communes qui mène une politique active en faveur du logement social locatif. Un programme de 18 logements y est bloqué parce qu'un programme de fouilles approfondies a été décidé, alors qu'il n'y a ni archéologue disponible, ni fonds d'État. Ce cas n'est pas isolé. Je pourrais citer l'Opac d'Amiens, où la même difficulté se pose pour 100 logements.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Nous donnerons un avis favorable à votre amendement.
M. Daniel Dubois. - J'insiste sur la nécessité de territorialiser les objectifs, qui doivent être planifiés en conséquence. Cela suppose que certaines conventions d'utilité sociale soient adaptées à la spécificité du parc HLM, tout en prenant en compte les besoins des territoires. Des efforts considérables restent à accomplir, notamment en ce qui concerne la production de logements très sociaux. La baisse du budget est à cet égard un facteur inquiétant, d'autant que le contexte économique est peu favorable au secteur. Je regrette sincèrement que l'État ne fournisse pas plus d'effort en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
Mme Odette Terrade. - La crise financière que nous traversons est grave et profonde. Les prémices d'une crise immobilière de grande ampleur se font sentir. La cause ? Les abus condamnables du capitalisme financier, défendu par les gouvernements de droite. Face à ce marasme économique et financier, le Gouvernement et le Président de la République cherchent en priorité à défendre les intérêts des banques, des assurances, des gros investisseurs, des grandes entreprises du bâtiment, des bailleurs privés et des promoteurs immobiliers. Les dirigeants politiques témoignent de leur incapacité à faire face aux dysfonctionnements d'un système qu'ils ont encouragé. Ainsi, les déclarations se multiplient, souvent vagues, comme l'achat de 30 000 logements issus de programmes arrêtés, sur quoi nous aimerions avoir des précisions. Plus grave, le maintien des loyers et des valeurs immobilières foncières à leur valeur actuelle, alors qu'ils n'ont jamais été aussi élevés et deviennent inaccessibles à une grande part de la population entretient la crise. Mobilisation de l'État, dites-vous ? Ce texte signe au contraire un désengagement historique. Où est votre parole ? En 2007, le Parlement français inscrivait dans la loi le droit opposable au logement. Le Premier ministre montrait tout l'intérêt qu'il portait à la question en confiant même à Etienne Pinte une mission parlementaire sur l'hébergement d'urgence et l'accès au logement des personnes sans abri et mal logées.
Mme Christine Boutin, ministre. - Sur ma proposition.
Mme Odette Terrade. - Les propositions de ce rapport sont ignorées. Le gouvernement Fillon soutient une politique qui va à l'encontre de l'esprit même de ce rapport !
Le Gouvernement reste sourd aux appels de détresse des populations, des associations, des élus. Vous connaissez pourtant les chiffres de la misère : 7 millions de travailleurs pauvres, 3,5 millions de mal logés, 1,5 million en attente de logements sociaux, 100 000 sans abris, 900 000 sans domicile personnel, 600 000 logements indignes.
Imaginez-vous, madame la ministre, la souffrance de tous ceux qui sont en attente d'un toit, toutes ces vies brisées ?
Mme Christine Boutin, ministre. - Bien sûr que je l'imagine !
Mme Odette Terrade. - Certainement pas, sans quoi vous n'accepteriez pas une diminution sans précédent de 7 % du budget du logement ! (Mme la ministre proteste) Il faudrait au moins 2 % du PIB pour répondre à la demande ! Depuis 2000, les aides à la pierre ont baissé de 30 %, les aides aux plus démunis ont stagné, tandis que les prélèvements fiscaux et parafiscaux se sont envolés. Depuis 2002, l'État prélève plus sur le logement qu'il ne redistribue : 7,6 milliards de plus entre 2001 et 2005, selon le rapport du député Le Bouillonnec. Une somme qui aurait permis de financer 380 000 logements sociaux supplémentaires ou d'augmenter de 20 % les aides au logement !
Comment pouvez-vous supprimer les crédits de la prime à l'amélioration des logements locatifs sociaux et nous faire croire que l'on va rénover le parc social ? Le droit au logement opposable reste purement déclaratif.
L'article 17 du projet de loi dénature l'article 55 de la loi SRU en intégrant dans les 20 % les logements pass foncier et PSLA. Dans son dernier rapport, le comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable note que l'État « ne doit pas tolérer que certaines collectivités ne respectent pas leurs propres obligations ». Or vous décidez d'assouplir les règles, alors que la moitié des communes ne respectent pas leurs obligations ! Cette attitude laxiste et antirépublicaine est confirmée par la disparition initialement prévue du droit de préemption urbaine.
Cette déresponsabilisation s'accompagne paradoxalement d'un renforcement de l'autoritarisme étatique. L'article 3 met en coupe réglée les fonds du 1 % logement. La ponction annoncée cet été d'un milliard d'euros, soit un quart des ressources annuelles du 1 %, est intolérable. Sous couvert d'assainir la gouvernance du 1 %, le projet de loi renforce le contrôle étatique, au risque de mettre en péril un système qui fonctionne. Au moment où le budget de l'État diminue, les dépenses en faveur des salariés sont passées de 600 millions en 2001 à 1,8 milliard en 2007.
Le chapitre premier dénature profondément l'intervention des bailleurs sociaux. Le conventionnement global obligatoire avec la convention d'utilité sociale crée des lieux d'habitation en fonction des revenus des ménages. On instaure un logement à plusieurs vitesses, qui va à l'encontre de l'objectif de mixité sociale ! Le texte tente de banaliser le logement social et de marchandiser le parc social, au mépris du bien-être des populations. La vente forcée des logements sociaux se traduira par la dégradation des copropriétés, les faillites personnelles...
L'article 2 taxe les organismes HLM les plus aisés pour alimenter la Caisse de garantie du logement social locatif. L'État se désengage du financement de la construction neuve en renvoyant dos à dos les organismes, les riches et les pauvres...
Le projet de loi encourage les partenariats public-privé en matière de construction. L'article 15 revient en partie sur des dispositifs contreproductifs. C'est heureux : chaque logement « Robien » coûte 33 000 euros à l'État, contre 20 000 euros pour la construction d'un logement social !
M. Daniel Raoul. - Et oui !
Mme Odette Terrade. - Votre projet de loi prend acte de l'échec de ces programmes. Il ne faudrait pas que l'État paie deux fois en rachetant aujourd'hui ces logements... Se contenter de recentrer le dispositif est une aberration.
Le chapitre IV relatif à la mobilité oppose les locataires entre eux et tente de culpabiliser une frange infime des locataires sociaux : on durcit les conditions de maintien dans les lieux et on augmente le surloyer en cas de dépassement du plafond de ressources. Ce n'est pas une réponse à la pénurie de logements ! Nous condamnons cette remise en cause de la mixité sociale qui relègue les familles modestes dans les cités et chasse les classes moyennes, contraintes de s'endetter pour se loger ailleurs. Les locataires pourraient être contraints d'accepter des logements inadaptés, encore plus chers.
Alors que le rapport Pinte, le comité de suivi du Dalo et de nombreuses associations plaident pour une politique de prévention des expulsions, le projet de loi raccourcit les délais d'expulsions, sans se soucier du relogement !
Mme Christine Boutin, ministre. - C'est vous qui le dites !
Mme Odette Terrade. - Les autres dispositions du texte sont tout aussi néfastes... Nous y reviendrons. L'État doit jouer pleinement son rôle, sans discrimination ni opportunisme. Or ce projet de loi réduit artificiellement le nombre de personnes pouvant prétendre au logement social sans proposer de solutions à celles qui en sont exclues. Décidément, l'État a renoncé à sa mission sociale !
Mme Christine Boutin, ministre. - Entendre ça, c'est un coup de poignard !
Mme Odette Terrade. - Pire, ce projet de loi va aggraver la situation. Les sénateurs du groupe CRC s'y opposent vigoureusement. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Jarlier. - Je serai plus positif... Depuis cinq ans, la politique du logement constitue une priorité nationale. Cinq lois successives en témoignent. Fallait-il encore légiférer sur le logement ? Aujourd'hui, malgré un effort historique de construction -435 000 logements en 2007, en augmentation de 40 % depuis 2000- les blocages persistent. Dans un contexte de crise de l'immobilier, il faut trouver de nouveaux outils opérationnels pour répondre au besoin vital de logements. Ce projet de loi est indispensable et arrive à point nommé pour construire davantage de logements sociaux, favoriser l'accession sociale à la propriété, faciliter l'accès au parc de logement HLM, lutter contre l'habitat indigne.
Le recours à la vente en état futur pour les bailleurs sociaux devrait permettre de débloquer de nombreuses opérations et de mettre rapidement sur le marché de nouveaux logements sociaux. Mais il faudra, dans les cas où la mise en concurrence ne sera pas imposée, s'assurer d'une offre qualitative à coût maîtrisé, car les collectivités ne pourront être les variables d'ajustement... Par ailleurs, l'avis du maire paraît justifié pour assurer une parfaite cohérence avec les programmes en cours sur la commune. Enfin, ce dispositif encouragera les partenariats public-privé au service du logement social et favorisera la mixité sociale, notamment dans les quartiers résidentiels.
La portée opérationnelle des programmes locaux de l'habitat est renforcée. Plus encadrée et plus étendue, cette planification sera plus efficace. On pourra tenir compte dans chaque commune des transports, des équipements et des services, pour fixer des objectifs réalistes en matière d'habitat. La politique du logement sera mieux intégrée dans l'urbanisme de la ville comme dans l'urbanisme intercommunal. De même, renforcer le rôle du préfet dans l'élaboration du PLH, c'est garantir une prise en compte des besoins réels de la population en matière de logement et donc une meilleure mixité sociale. Identifier cet objectif dans le PLH serait le moyen de concilier les impératifs règlementaires en matière de logement social avec une vision territoriale élargie, mieux adaptée à la réalité des territoires.
L'article 17 modifie l'article 55 de la loi SRU. Le Sénat, qui en a longuement débattu, a toujours considéré que cet article ne saurait être modifié tant que toutes les communes concernées ne le respecteraient pas. Il est vrai que le public accédant social à la propriété peut être considéré comme le même que celui qui est éligible au logement social. Pourtant, s'il faut encourager l'accession sociale à la propriété, la situation au regard de l'emploi de ces familles est différente. La priorité reste donc bien d'offrir un logement aux personnes qui ne peuvent envisager de se fixer dans l'immédiat sur un territoire et qui peinent à trouver un logement locatif adapté à leur besoin. C'est pourquoi je pense, comme notre rapporteur de la commission des affaires économiques, qu'il est prématuré de modifier le champ de cet article 55.
Mme Christine Boutin, ministre. - Prématuré ? C'est donc un problème de maturité !
M. Pierre Jarlier. - Je serais plutôt favorable à la prise en compte dans les programmes locaux de l'habitat, d'objectifs affichés en matière d'accession sociale dont le préfet pourrait être le garant, tout comme pour le logement locatif social. C'est une piste de réflexion qui mérite d'être approfondie pour sortir à l'avenir du carcan un peu réducteur de ce fameux article 55.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Quand l'article 55 sera appliqué, on pourra songer à le modifier !
M. Pierre Jarlier. - Dans les circonstances actuelles, il faudrait donner aux préfets de nouvelles prérogatives pour qu'il soit appliqué dans toutes les communes, notamment en leur donnant un droit de préemption.
J'en viens au programme national de requalification des quartiers dégradés qui est une initiative intéressante, à la hauteur de la situation difficile que l'on rencontre dans de nombreux quartiers anciens. En effet, au fil du temps, les centres-villes ont connu des mutations sociales et économiques profondes qui ont dégradé l'habitat : délocalisation progressive du commerce de proximité et des services, attrait des familles pour les secteurs périurbains. C'est bien la cohésion sociale de ces quartiers qui est aujourd'hui en jeu. Ce programme permettra, à partir d'un diagnostic social et urbain, d'engager un projet global de requalification des quartiers dans un objectif de mixité sociale et de développement durable. Il s'appuiera sur les dispositifs mis en oeuvre par l'Agence nationale de l'habitat, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Dans ce cadre nouveau, il faudra prendre en compte la diversité des territoires dans les critères de sélection des programmes car les réponses à apporter varient beaucoup d'un territoire à l'autre.
La mobilisation de tous les acteurs locaux constitue un gage de réussite de cette reconquête dans les quartiers anciens. Les fonds locaux de l'habitat seront déterminants car les financements d'État constitueront des leviers indispensables à l'engagement des différentes collectivités. En outre, le conventionnement de chaque programme favorisera l'adaptation des règles à la diversité du terrain. Enfin, ces fonds permettront une gestion des programmes au plan local. Comme notre rapporteur, je pense que l'ouverture de ces fonds locaux de l'habitat aux Opah sur tout le territoire permettra de rénover ces quartiers dégradés.
J'en viens à l'amélioration de la constructibilité en tissu urbain constitué. Le dépassement du coefficient d'occupation du sol ou la dérogation aux règles de hauteur des constructions peut empêcher l'étalement urbain et faciliter l'agrandissement ou l'aménagement de nouveaux logements. Mais cette mesure ne peut résulter d'une disposition d'ordre général car la qualité architecturale et paysagère d'une ville, comme sa forme urbaine, relèvent de règles spécifiques d'urbanisme. C'est pourquoi il serait préférable de laisser à chaque conseil municipal le pouvoir de déterminer lui-même les périmètres sur lesquels ces dérogations seraient autorisées.
Mme Christine Boutin, ministre. - Je suis d'accord.
M. Pierre Jarlier. - Enfin, si le recentrage des dispositifs d'aides à l'investissement locatif sur les zones tendues est parfaitement justifié, il n'en est pas de même pour les zones de revitalisation rurale dans lesquelles le soutien aux investissements locatifs doit être poursuivi : leur attractivité est conditionnée par une offre locative qui permet d'accueillir de nouvelles populations et les investisseurs ne s'y bousculent pas. Le maintien de la déduction fiscale instituée par la loi de développement des territoires ruraux permettra de développer l'offre locative, notamment en milieu ancien.
Ce texte va contribuer à répondre à la crise du logement, car il est pragmatique et opérationnel et il offre des outils concrets pour accélérer les mises en chantier.
Mme Christine Boutin, ministre. - Merci !
M. Pierre Jarlier. - C'est ce que souhaitaient toutes les familles en attente d'un logement. C'est donc bien volontiers que je soutiendrai, aux côtés du groupe UMP, votre projet de loi. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
La séance est suspendue à 19 h 35.
présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président
La séance reprend à 21 h 45.
M. Serge Lagauche. - Ce projet de loi n'est un texte ni de mobilisation pour le logement, ni de lutte contre les exclusions. Il est un outil de captation financière pour permettre à l'État de mieux se désengager des politiques du logement. Le texte porte bien plus la marque de Bercy que celle du ministère du logement ! On regretterait presque le temps où la majorité se bornait à ne pas asseoir ses mesures sur des moyens financiers conséquents. La logique gouvernementale à l'oeuvre est diablement cohérente : on est passé des économies et des dégraissages à un détournement en règle des trésoreries encore disponibles. La théorie du bas de laine des organismes HLM a été savamment créée, le 1 % logement discrédité ; et ce afin de préparer la ponction. Les organismes HLM seraient à la tête d'une cagnotte de 11 milliards d'euros : mais 4,7 milliards représentent les dépôts de garantie des locataires et les provisions indispensables pour travaux d'entretien, remboursements d'emprunts, impôts fonciers -le montant ainsi en réserve n'atteint du reste que 1 500 euros par logement. J'ajoute que des investissements très importants sont à venir, au titre du plan de rénovation urbaine.
Quant au 1 % logement, il est purement et simplement détourné pour compenser la réduction drastique du budget de la politique de la ville et du logement. Les crédits de la mission diminueront de 7 %. Le budget du logement représentait 1,33 % du PIB en 2001, mais seulement 1,1 % à présent. L'accord intervenu la semaine dernière avec les partenaires sociaux, s'il réduit quelque peu la ponction opérée et prévoit des contreparties, ne change rien sur le fond. C'est que le Gouvernement lorgnait depuis un moment de ce côté ! A une budgétisation proposée par le rapport Attali, il préfère le siphonage... et la mise sous tutelle des organismes collecteurs. Désormais l'emploi des fonds ne sera plus défini conventionnellement mais par décret. Les partenaires sociaux sont dessaisis de leurs prérogatives et cantonnés à un rôle purement consultatif ; le Parlement n'a aucun droit de regard. Le pouvoir de l'État est renforcé au sein du conseil d'administration de l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (Anpeec) dont les partenaires sociaux sont maintenant exclus. Le Gouvernement casse les outils de l'économie sociale du logement, alors même que le 1 % logement est géré paritairement par les syndicats de salariés et les organisations d'employeurs, conscients du fort lien entre accès au logement et développement de l'emploi. En Ile-de-France, où la situation du logement est si tendue, le 1 % logement est essentiel au bon fonctionnement de la chaîne du logement et à la bonne fin de nombreuses opérations de construction. Ainsi, dans le Val-de-Marne, les subventions du 1 % logement ont contribué au financement de 23 opérations PLUS et PLAI, soit 670 logements, pour un montant de 9,4 millions d'euros. En outre, désormais, le calcul de la DSU ne prendra plus en compte le nombre de logements sociaux. C'est un coup supplémentaire porté aux maires bâtisseurs !
Le 1 % logement, ce sont aussi les aides individuelles pour le financement des cautions et des travaux. Elles risquent d'être remises en cause. C'est pourquoi nous nous attacherons à reformuler les catégories d'emplois du 1 % logement, à instaurer une vérification par le Parlement de l'utilisation des fonds, à recentrer les missions de l'Anpeec sur le contrôle et à préserver le rôle des partenaires sociaux. Voilà la priorité nationale, dans une période de précarisation des revenus des ménages, de surendettement et de crise économique.
En Ile-de-France, nous devons faire face à plus de 374 000 demandes de logement social, alors que la moitié du parc social se situe dans 8 % des communes, la plus grande concentration étant en petite couronne. La répartition doit être rééquilibrée et le nombre de logements sociaux accru. C'est le but de l'article 55 de la loi SRU. Le bilan triennal montre que sur les 730 communes concernées par un programme de rattrapage, 330 n'ont pas atteint leurs objectifs -dont 56 qui ont un taux de réalisation nul ou négatif. Au lieu d'élargir à l'accession sociale à la propriété la définition des logements entrant dans le décompte des 20 %, il faut renforcer le système, en instaurant un pouvoir de substitution du préfet dans les communes en constat de carence. Votre disposition est scandaleuse. Elle constitue une véritable provocation. A vous entendre, la pénurie de logement social serait due à des « profiteurs », trop bien payés pour loger dans le parc HLM, ou occupant des logements trop grands. Mais en Ile-de-France, seuls 4 % des ménages logés par les organismes HLM sont assujettis au supplément de loyer de solidarité. Nous refusons la spécialisation du parc social et sa vocation à loger le plus grand nombre est essentielle en termes de mixité sociale et territoriale. L'enjeu n'est pas de renvoyer des bénéficiaires vers le privé, souvent inaccessible, mais bien de développer le parc dans un effort porté par tous. La juxtaposition de politiques hétérogènes, en Ile-de-France, constitue un frein au nécessaire rééquilibrage territorial. Or la spécificité de la région francilienne est totalement ignorée de votre projet de loi. (Mme la ministre le nie) Le Gouvernement n'a aucune volonté politique de traiter cette spécificité. Votre projet de loi, à rebours des évolutions récentes, est inefficace et même dangereux. La politique du logement réclame des choix radicalement différents ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Ce projet de loi intervient dans une conjoncture particulière. Sur le plan international, la crise financière est un héritage de la crise immobilière américaine. Sur le plan national, les crédits de la mission Ville et Logement sont en baisse de près de 7 % ; le budget de l'État pour l'Anah et l'Anru s'effondre, de 375 à 6 millions et de 200 à 6 millions également. Certes, pendant trois ans, 850 millions d'euros seront répartis entre l'Anru, l'Anah et le plan de rénovation des quartiers. Mais je ne suis pas certain que les baisses de crédits budgétaires seront totalement comblées dans les années à venir...
Ceci est d'autant plus préoccupant que les besoins sont toujours aussi forts. Le nombre des mises en chantier a reculé de 9,5 % au cours des douze derniers mois, passant sous la barre symbolique des 400 000 logements. Pour répondre à la demande de logements non satisfaite, l'objectif du Gouvernement était pourtant de 500 000 nouveaux logements par an... S'agissant des logements sociaux, vous avez annoncé, madame la ministre, que vous espériez arriver à la barre des 100 000 logements, au lieu des 142 000 prévus dans le budget 2008.
Le décalage entre l'offre et la demande est également qualitatif. Le nombre de logements PLS ou PLI est supérieur à la demande alors que les logements financés grâce aux PLAI et PLUS sont en sous-production. J'avais déposé un amendement à ce sujet mais à ma grande surprise il a été refusé par la commission des finances alors qu'il n'impliquait pas de dépense supplémentaire. Ne parlons pas du dispositif Robien : il a eu pour effet pervers de stimuler la production de logements qui ne répondent pas aux besoins locaux et ne trouvent pas acquéreur.
Dans ce contexte préoccupant, le Président de la République a annoncé des mesures exceptionnelles en accompagnement de votre projet de loi. La mesure la plus commentée concerne le rachat à des prix décotés, par des organismes HLM ou par d'autres promoteurs, de 30 000 logements privés dont les travaux n'auraient pas été lancés faute de certitude sur les ventes.
L'État va donc subventionner à hauteur de 1,5 milliard d'euros ; mais comment financera-t-il ?
Le groupe UC approuve les objectifs que vous assignez à votre texte : construire davantage de logements, favoriser l'accession sociale à la propriété, ouvrir l'accès au parc HLM à plus de personnes et lutter contre l'habitat indigne. Comment se traduiront-ils toutefois dans les faits ? Le programme de rénovation des quartiers dégradés va dans le bon sens, comme le recentrage des amortissements Robien et Borloo ou l'extension de l'intermédiation locative ; certaines de ces dispositions figuraient d'ailleurs dans le rapport pour avis que j'avais eu l'honneur de présenter lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008. Mais d'autres mesures nous conviennent moins ou ne nous conviennent pas du tout. M. Dubois ayant évoqué la question du 1 % logement, je m'en tiendrai à l'article 17. Son objectif affiché est de favoriser l'accession sociale à la propriété -il est d'ailleurs le seul à traiter de ce sujet. L'accession sociale à la propriété est l'aboutissement d'un parcours résidentiel réussi ; le groupe UC a toujours soutenu l'aide à la personne ou la vente de logements HLM. Mais, comme je vous l'avais dit l'an dernier, on ne peut améliorer les conditions de logement sans remettre l'ensemble du parc en mouvement, sans créer une chaîne souple et fluide. Nous avons besoin d'accession sociale à la propriété comme de locatif social.
Mme Christine Boutin, ministre. - J'en suis d'accord.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Or l'article 17 va appauvrir le parc locatif. Vous nous dites que ce sont les mêmes personnes qui sont concernées ; mais elles ne le sont pas par les mêmes produits. Un jeune qui entre dans la vie active et cherche un logement social ne pourra acquérir un pass foncier ; et un jeune couple attendra l'épreuve du temps avant d'accéder à la propriété.
C'est dire que le seuil de 20 % n'est pas trop élevé. La communauté urbaine d'Arras, que je préside, s'est fixé un objectif de 25 % à l'horizon 2013, que les communes rurales contribueront largement à atteindre. Comment loger tous nos concitoyens sans logements sociaux, les Rmistes, les femmes seules vivant de l'API ou les personnes âgées qui peuplent nos permanences ?
M. Roland Courteau. - C'est vrai !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Avec l'article 17, vous allez casser la logique de l'article 55. La loi de 2000 permet à la France de rattraper son retard. Beaucoup de communes ont joué le jeu, il serait anormal que d'autres se désolidarisent et persistent à ne pas respecter leurs obligations. N'ouvrons pas de brèche, sauf à accepter que demain l'article 55 soit vidé de sa substance. L'objectif de la loi SRU est de renforcer l'offre de logement social et de favoriser une meilleure répartition géographique. Vous êtes une femme de principes, madame la ministre : celui de l'article 55 ne mérite pas qu'on y revienne. (On approuve sur les bancs socialistes) Avait-on vraiment besoin de remettre la question sur la table alors que le Parlement en a déjà très largement débattu, au risque qu'elle masque celles des dispositions du texte qui améliorent notre législation ?
Je salue le travail des rapporteurs, même si Mme Bout aura compris que je ne partage pas son sentiment sur l'article 17. Le groupe UC réserve sa position dans l'attente du sort qui sera réservé à son amendement de suppression de cet article. (Applaudissements au centre ; M. Dominique Braye, rapporteur, applaudit aussi)
Mme Gélita Hoarau. - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC) La Réunion compte 800 000 habitants et en comptera probablement un million en 2020. Il faudra construire d'ici là 180 000 logements par an, dont un tiers dans le secteur social. Les retards accumulés sont considérables et pour la dernière période, seuls les deux tiers des six mille logements prévus ont été réalisés. Lorsque je vous ai interrogée en commission, madame la ministre, le 8 octobre, vous m'avez répondu que votre texte ne concernait pas l'outre-mer et vous m'avez renvoyée à la loi de programme.
Mais voilà. Le volet social de la loi du 18 janvier 2005 prévoyait la construction de 500 000 logements supplémentaires par an en métropole sur la période 2005-2009 -il n'était pas question de l'outre-mer. Par une sorte de rattrapage, la loi du 5 mars 2007, après avoir rappelé cet objectif, a prévu la construction de 37 500 logements locatifs sociaux outre-mer sur la période 2007-2009. Mais curieusement le financement des 500 000 était prévu, mais pas celui des 37 500.
Nous nous retrouvons aujourd'hui dans la même situation. Il est probable par exemple que le rachat par l'État de 30 000 logements ne concernera pas l'outre-mer. Nous sommes toujours les oubliés des grands textes, on nous renvoie toujours à des mesures propres, au budget du secrétariat à l'outre-mer, à la loi de programme...
A partir de 2009, deux modes de financement sont envisagés pour le logement social outre-mer, la ligne budgétaire unique (LBU) et le recours à la défiscalisation -en espérant que celle-ci sera orientée vers le logement social. On nous a annoncé 258 millions pour la LBU -qui atteignait 270 millions en 2005, montant déjà insuffisant- qui financeront les logements supplémentaires au titre de la loi de cohésion sociale. C'est dire que s'appliqueront chez nous en 2009 des dispositions en vigueur en métropole depuis 2005... Mieux vaut tard que jamais. Quant au devenir de la défiscalisation, l'inquiétude est grande outre-mer, au point qu'on a vu pour la première fois des patrons manifester devant notre préfecture. Aurons-nous au total les moyens de faire face aux demandes de logements, notamment sociaux, dont le nombre ne cesse d'augmenter -30 000 sont aujourd'hui insatisfaites ?
Nous déplorons que votre texte ne fasse même pas allusion à nos problèmes. Mais nous ne demandons pas que toutes ses dispositions nous soient étendues. A La Réunion, trois communes de tendances diverses assument seules les deux tiers des constructions de logements sociaux. Le seuil de 20 % doit être maintenu, pour amener les autres à se montrer solidaires. A l'inverse, nous aurions aimé que les conventions avec les bailleurs sociaux ou le programme de rénovation des quartiers dégradés nous fussent étendus -chez nous, la LBU ne peut financer des réhabilitations.
Nous sommes constamment seuls face à nos problèmes. Cette critique ne vous est pas adressée personnellement, madame la ministre...
M. Guy Fischer. - Quand même !
Mme Gélita Hoarau. - ...mais les solutions qu'on nous propose, y compris pour le logement, ne répondent pas aux exigences du moment. (Applaudissements à gauche)
M. Christian Cambon. - Rappelons, pour commencer, quelques chiffres qui témoignent de la crise du logement. En Ile-de-France, 370 000 demandes de logement social ont été déposées, 48 000 pour le seul Val-de-Marne, département dont je suis l'élu. Et encore, ces quelques données traduisent mal les difficultés qu'éprouvent les familles dont les demandes aboutissent au compte-goutte. C'est dire si ce texte était attendu, tant par les demandeurs que par les maires.
Il s'agit de construire « une politique du logement adapté au XXIe siècle », avez-vous déclaré madame la ministre. Avoir un logement n'est pas seulement une obligation que la République s'impose, c'est une absolue nécessité pour surmonter les aléas de la vie. Sur ce sujet, la majorité n'est pas restée inactive. A preuve, l'adoption de la loi portant engagement national pour le logement et de la loi sur le droit opposable au logement et l'effort historique de construction de logements neufs -435 000 en 2007, cela n'était pas arrivé depuis 25 ans. Cependant, subsistent encore des blocages que ce texte s'emploie à lever pour remédier à la crise actuelle. Celle-ci touche particulièrement certains territoires où se conjugue la pénurie de logements avec la difficulté à se loger à un prix abordable, notamment l'Ile-de-France. Le logement est la principale préoccupation des Français, j'y consacre 80 % des audiences que je tiens en tant que maire. Je me réjouis donc de ce texte qui veut prendre en compte les difficultés des classes modestes et classes moyennes à se loger. Faire du logement un chantier prioritaire, construire davantage de logements, favoriser l'accession sociale à la propriété, étendre l'accès au parc HLM, lutter contre l'habitat insalubre sont des objectifs que nous partageons.
Les commissions, fortes de l'expérience d'élus locaux -je pense notamment aux maires- de nombreux sénateurs, ont enrichi le texte, j'en remercie les rapporteurs. Pour ma part, j'insisterai sur la nécessité d'augmenter les disponibilités foncières pour atteindre l'objectif ambitieux de construire 500 000 logements par an, dont 120 000 logements sociaux, en mobilisant tous les acteurs au moyen des dispositions prévues à l'article premier. A cet égard, l'équation francilienne sera sans doute la plus difficile à résoudre : de nombreuses communes ne disposent pas du foncier nécessaire alors que certains terrains appartenant à l'État, ou à des sociétés publiques, sont inutilisés. Dans mon département, c'est le cas à Villeneuve-Saint-Georges, Charenton où RFF possède des dizaines d'hectares, ou encore Chennevières qui compte 70 hectares neutralisés en vue de la construction d'une autoroute qui ne sera jamais construite. Le projet de loi pourrait être plus directif sur ce point. Madame la ministre, ne pourrait-on pas mettre en oeuvre des mécanismes incitant l'État ou RFF à libérer le foncier disponible pour construire des logements ?
Ensuite, je souscris à l'objectif de ce texte de favoriser la mobilité au sein du parc social en encourageant la libération des logements sous-occupés et en développant l'accession sociale à la propriété. Les personnes qui en ont le plus besoin doivent accéder aux logements occupés par des familles dont la composition ou les revenus ne justifient plus qu'elles en disposent. Le taux de rotation au sein du parc social est aujourd'hui de 9 % au niveau national, 7 % en Ile-de-France et 5 % à Paris. 800 000 logements seraient sous-occupés alors que plus de 48 000 demandes dans le Val-de-Marne ne sont pas satisfaites. La question est sujette à débat. Toutefois, de nouvelles mesures doivent être prises. Le droit au maintien dans le parc social doit être respecté, mais il doit être lié au niveau de ressources des occupants. L'application de surloyers n'est pas suffisante. Dans ma commune, je constate, comme tant d'autres maires, que de nombreux logements spacieux sont habités par des couples de retraités qui les occupent, qui plus est, seulement quelques mois par an. Or de nombreuses familles attendent...
Mme Christine Boutin, ministre. - Eh oui !
M. Thierry Repentin. - Caricature !
M. Christian Cambon. - Ma commune compte 26 % de logements sociaux, et la dernière fois que j'ai attribué un appartement familial, c'était il y a trois ans ! La suppression du droit au maintien dans le parc social à l'article 20, pour des raisons de revenu, illustre bien la volonté du Gouvernement de fluidifier la chaîne du logement. Bien entendu, madame la ministre, il ne s'agit pas d'imposer de manière aveugle ou brutale cette règle, notamment pour les personnes âgées de plus de 70 ans, les personnes handicapées ou à mobilité réduite ainsi que ceux qui en ont la charge
Par ailleurs, le mécanisme prévu à l'article 24 du texte tendant à rendre interdépartementale la gestion d'une réponse positive à une demande d'attribution va dans le bon sens : elle permettra à davantage de personnes d'accéder au logement social.
Mme Christine Boutin, ministre. - Tout à fait !
M. Christian Cambon. - Cependant, ce ne doit pas être à sens unique. Pour ma part, je n'ai jamais rencontré de demandeurs du Val-de-Marne qui aient obtenu satisfaction à Paris...
Mme Odette Terrade. - Et les Hauts-de-Seine, alors ?
M. Christian Cambon. - L'effort de la capitale reste trop modeste... (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Daniel Raoul. - C'est scandaleux !
M. Christian Cambon. - Je sais que cela vous gêne qu'on parle de la situation du logement à Paris, mais nous sommes là pour ça !
M. Roland Courteau. - Parlez-nous de Tiberi !
M. Christian Cambon. - Nos communes ne peuvent pas accueillir tous ceux qui se voient rejetés hors du périphérique d'autant que cela emporte des dépenses supplémentaires en termes d'investissements - accueil des enfants en crèche, garderie, école, etc. L'État doit donc soutenir les maires, en apportant sa garantie, pour qu'ils accompagnent la loi.
Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Très bien !
M. Christian Cambon. - Enfin, la lutte contre les marchands de sommeil, ces responsables d'hôtels indignes où des châlits et des réchauds sont posés à même le sol dans des chambres insalubres et qui facturent leurs nuitées à des prix exorbitants aux organismes sociaux, me tient particulièrement à coeur. C'est un scandale ! Avec la définition de l'habitat indigne à l'article 25 de ce texte et le programme de requalification des quartiers anciens dégradés aux articles 7 et 8, la loi portant engagement national pour le logement pourra pleinement être mise en oeuvre.
Avant de conclure, un mot de l'application de la loi SRU, bien que ce ne soit pas tout à fait l'objet de ce débat. (Exclamations goguenardes sur les bancs socialistes) Sans remettre en question le principe de 20 % de logements sociaux, il ne faudrait pas décourager les maires de bonne volonté qui veulent respecter la loi, mais ne le peuvent pas toujours (Mêmes mouvements)
Je pense à la commune de Périgny-sur-Yerres, 2 200 habitants, qui se heurte depuis des années à toutes sortes de recours dès qu'un programme de construction ou de simple réhabilitation est entrepris et doit payer des pénalités alors que le maire, qui a la volonté d'atteindre les objectifs fixés par la loi, en est empêché par le manque de foncier. Le Perreux, Saint-Mandé et Vincennes sont confrontés à ce même problème. Quant à la ville de Saint-Maur, souvent montrée du doigt, elle a maintenant un nouveau maire, nous y avons pourvu. Et il compte y construire...
Mme Odette Terrade. - Un office HLM !
M. Christian Cambon. - Oui, mais aussi des logements sociaux ! Les pénalités, pour justifiées qu'elles soient dans certaines villes...
M. Thierry Repentin. - Ce ne sont pas des pénalités mais des contributions de solidarité !
M. Christian Cambon. - ...ne le sont plus lorsqu'un cas de force majeure fait obstacle à la volonté des maires. Nous demandons donc un peu plus de compréhension de la part des préfets... (Mme Christine Boutin sourit) Les dispositions de l'article 10 visant à faciliter le renouvellement des tissus urbains constitués, par un dépassement de 20 % de la surface habitable par rapport aux normes fixées dans le PLU ou le POS, pourront résoudre certaines situations. (M. Daniel Raoul marque son agacement) Chacun a le droit de s'exprimer ; si je ne défends pas ces maires, qui le fera ?
En conclusion, ce texte est un bon projet de loi.
Mme Christine Boutin, ministre. - Merci !
M. Christian Cambon. - Il lève les obstacles qui s'opposent à ce que nos concitoyens, quels que soient leurs revenus, puissent être logés décemment.
Nous partageons tous les valeurs d'humanité et de solidarité envers les plus fragiles. Nous sommes prêts à accompagner les réformes courageuses que la société exige et que le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, conduisez résolument. (Applaudissements à droite)
Mme Christine Boutin, ministre. - Merci !
Mme Odette Herviaux. - (Applaudissements à gauche) Comme plusieurs orateurs l'ont déjà fait remarquer, l'actualité économique et sociale internationale donne à ce projet de loi une importance cruciale. Notre responsabilité est grande, et nous devons faire preuve de solidarité envers nos contemporains comme envers les générations futures, envers tous les Français mais surtout envers ceux qui connaissent les conditions de vie les plus difficiles.
Les enjeux des politiques de l'habitat et du logement sont multiples, mais un constat s'impose : l'offre est inadaptée à la demande, au plan quantitatif comme au plan qualitatif. Il faut changer de méthode pour faire face à la diversité des besoins. Une forme de régulation est nécessaire -le mot est à la mode- pour limiter les mouvements spéculatifs dont les effets désastreux handicapent particulièrement les ménages les plus modestes.
En abordant le problème du logement, qui est un problème à la fois économique, social et environnemental, nous devons tout d'abord réaffirmer la place centrale de l'humain. Avant de raisonner en termes de quantité de logements produits, de profils statistiques des personnes concernées par les dispositifs d'habitat aidé, il faut remettre au coeur de nos discussions la question des parcours résidentiels individualisés. Permettre à chacun, quel que soit son profil, d'accéder à un logement durable, telle doit être notre ambition commune. Nous devons pour cela favoriser et accélérer la constitution d'une offre diversifiée, qui seule permettra une véritable mixité sociale et générationnelle au sein des quartiers.
Notre priorité doit être d'agir en amont pour limiter les dynamiques spéculatives à l'origine des fractures urbaines et des ségrégations sociales qui menacent la cohésion nationale. Le recentrage des dispositifs d'aide à l'investissement locatif privé prévu par l'article 15 du projet de loi est très insuffisant. Même parmi les communes situées dans les zones concernées par le recentrage, ces dispositifs fiscaux ont parfois complètement déséquilibré le marché locatif. La réforme proposée, en ne touchant ni aux plafonds de loyers, ni aux contreparties sociales demandées aux investisseurs, et en laissant au Gouvernement la possibilité d'élargir par décret les zones recentrées, ne permettra pas d'assainir la situation d'un secteur qui a contribué à tirer les prix vers le haut, fragilisant ainsi les plus modestes. Nos propositions s'inspireront du rapport du Gouvernement au Parlement de février 2007, que vous ne pouvez pas avoir oublié : votre administration y plaidait pour une décentralisation réelle et des contreparties sociales accrues.
Si nous voulons assurer à chacun un logement durable, nous devons veiller à ne pas confondre logement et hébergement, sous peine de transformer des outils de régulation en outils de gestion de la précarité.
Mme Christine Boutin, ministre. - Absolument.
Mme Odette Herviaux. - Une certaine conception du droit au logement opposable a pu entretenir cette confusion, mais nous veillerons à ce que celle-ci soit levée. Dans l'accompagnement des ménages les plus vulnérables, il faut faire un effort de prévention et de concertation. Nous nous opposons à la réduction des délais d'expulsion prévue par l'article 19 ; nous souhaitons que soit précisée, à l'article 25, la définition de l'habitat indigne.
M. Daniel Raoul. - Elle date de 1999 !
Mme Odette Herviaux. - Ces orientations sont conformes aux conclusions du rapport de la mission d'information sur les politiques communes de lutte contre l'exclusion et la pauvreté présenté en juin dernier, et dont la majorité a approuvé les conclusions.
Pour permettre la réalisation de véritables parcours résidentiels différenciés, nous souhaitons donner toute leur place aux associations qui, sur le terrain, permettent de proposer une offre adaptée aux besoins. (Marques d'approbation à gauche) L'offre locative sociale ne peut être la seule réponse aux problèmes divers de nos concitoyens. L'ambition du Gouvernement sur ce point est très faible, voire inexistante, alors même que l'un des chapitres du projet de loi concerne la mobilisation des acteurs. (Applaudissements à gauche)
Parce que nous sommes attachés à la mixité sociale, nous rejetons fermement l'article 17, qui modifie l'article L. 302-5 du code de la construction. Cette modification est inadmissible : les plafonds de ressources pour bénéficier des dispositifs d'aide à l'accession dite sociale à la propriété sont bien plus élevés que les plafonds de ressources des ménages qui peuvent prétendre à un logement social. Mais il existe un problème plus fondamental. Le slogan « Tous propriétaires » du Président de la République est certes sympathique : tous les Français aimeraient être propriétaires !
Mme Christine Boutin, ministre. - Pas tous, mais 70 % d'entre eux.
Mme Odette Herviaux. - Mais il s'agit d'une fausse bonne idée. Les ménages le savent bien, surtout les plus jeunes, qui se sont souvent endettés pour vingt-cinq ans et se trouvent déstabilisés par la crise actuelle. Ils ne peuvent parfois obtenir de prêts relais, et se trouvent obligés de vendre les maisons qu'ils étaient en train de construire ou d'acheter.
M. Roland Courteau. - Exact !
Mme Odette Herviaux. - La propriété freine parfois la mobilité professionnelle et la vitalité économique d'un pays ; elle peut aussi présenter des risques pour l'économie toute entière. Ai-je besoin de vous citer des exemples récents ? Dans mon département, la situation du secteur agro-alimentaire illustre mon propos, puisque l'endettement à vie des personnes concernées empêche d'envisager un reclassement. Il est essentiel de conserver un secteur locatif à des prix abordables, afin d'assurer le dynamisme et l'équilibre du marché du logement.
J'insisterai enfin sur le rôle essentiel qu'il faut confier aux collectivités locales dans la définition et la mise en oeuvre des dispositifs de régulation du marché immobilier, qui doivent permettre l'adéquation de l'offre et de la demande. Certaines mesures envisagées vont dans le bon sens, comme le renforcement du PLH et de la compatibilité avec les PLU des communes prévu à l'article 9, l'élargissement à l'article 11 du recours à la déclaration de projet, la création à l'article 12 du projet urbain partenarial -à condition qu'il soit correctement encadré. Mais de nombreux points noirs persistent. Les conditions d'application de l'article 23 rendent quasi inopérant le prélèvement sanctionnant les communes qui ne construiraient pas les places d'hébergement nécessaires ; il n'y aucune véritable mobilisation, notamment dans le cadre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, de ces fameux « maires bâtisseurs » auxquels, madame la ministre, vous teniez tant l'an passé.
Mme Christine Boutin, ministre. - Je tiens toujours à eux !
Mme Odette Herviaux. - Pourtant des voix se faisaient entendre, au sein même de la majorité, pour que les outils de régulation existants -notamment la loi SRU- soient réellement utilisés. Je crains que le texte du Gouvernement ne conduise à leur disparition. Nous redirons donc autant que nécessaire notre opposition à un objectif de limitation de l'offre locative sociale d'autant plus inacceptable que nous sommes en crise, notre opposition à ce texte sans ambition, dangereux, assorti d'un projet de budget en baisse. (Applaudissements à gauche)
M. Serge Dassault. - Madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter et vous remercier des excellentes propositions que vous faites, afin de construire suffisamment de logements sociaux pour répondre aux besoins de nos administrés : vous affichez l'objectif de 500 000 logements par an.
Je ne reviendrai pas sur ces propositions, auxquelles je suis entièrement favorable. Mais ce projet de loi est l'occasion pour moi de défendre certaines idées qui me sont chères. En ce qui concerne les logements sociaux, permettez-moi de rappeler que l'obligation faite aux communes de garantir les emprunts des bailleurs sociaux est très dangereuse, car elles n'ont pas les moyens de l'assumer. Aux termes de l'article L. 2252-5 du code général des collectivités territoriales, les communes n'y sont d'ailleurs nullement obligées, mais cette pratique est devenue peu à peu traditionnelle. En contrepartie, les communes obtiennent 20 % des logements construits. Mais une commune n'est pas une banque ; elle ne dispose ni de fonds propres, ni de réserves. Tout ce système est donc fictif. Je ne comprends pas qu'une banque aussi importante que la Caisse des dépôts et consignations accepte une garantie aussi fictive que celle d'une commune, dépourvue de capacités financières, et donc des moyens de la rembourser. On part du principe qu'un bailleur social ne peut faire faillite, mais rien n'est impossible : si cela arrivait, la commune se trouverait dans une situation catastrophique. En effet, il est précisé dans les documents que les maires doivent fournir aux bailleurs sociaux que la commune sera tenue de rembourser à la première demande tout emprunt non honoré par le bailleur. Voilà qui est totalement stupide ! C'est comme si je demandais à mon concierge de garantir l'emprunt que je souscris pour l'achat de mon appartement !
Au sujet de l'accès aux logements sociaux, vous souhaitez empêcher l'exclusion des personnes défavorisées : familles monoparentales, chômeurs, Rmistes... Un de mes amendements aura pour but de protéger les femmes vivant seules, sans emploi, abandonnées par leur compagnon ou leur mari, et qui élèvent leurs enfants dans des logements exigus. Puisqu'elles sont sans ressources, elles n'ont pas droit au logement social. Les bailleurs sociaux devraient au contraire avoir l'obligation de les loger.
M. Thierry Repentin. - Nous soutiendrons cet amendement !
M. Serge Dassault. - De même, et conformément au principe du droit opposable au logement, il faudrait que les Rmistes et les chômeurs puissent avoir accès à des logements d'urgence: La Sonacotra ou l'Adoma pourraient construire des hôtels sociaux d'urgence : cela vaudrait mieux que de payer des nuits d'hôtel.
En ce qui concerne la répartition des contingents, 50 % des logements sociaux sont attribués au titre du 1 % patronal, 30 % par les préfets et 20 % par les communes. Cela ne permet pas aux maires de contrôler l'attribution de leurs logements sociaux ; leurs propres administrés leur demandent des comptes, et ne comprennent pas qu'on leur refuse des logements alors que certaines habitations restent vides.
Le maire devrait pouvoir disposer d'un contingent représentant la moitié des logements, et le préfet du tiers, ce serait plus efficace. Car les dispositifs Robien, Borloo et Besson, destinés à encourager la construction, ont pour défaut d'empêcher le contrôle de l'attribution, et partant d'encourager l'attribution à des ménages extérieurs à la commune, au risque d'en perturber la cohésion sociale.
L'extension du taux réduit de TVA est une bonne chose, mais pourquoi limiter le périmètre à 500 mètres autour des quartiers Anru ? Je vous proposerai 600 mètres, cela faciliterait bien des opérations en réduisant les coupures factices.
Même chose pour la rénovation des quartiers anciens dégradés : pourquoi ce choix de 100 quartiers ? Quels sont les critères retenus ? Je suis d'autant plus intéressé par votre réponse que ma ville possède deux quartiers relevant de l'Anru, et un quartier ancien dégradé qui n'est pas aidé actuellement.
Mes propositions sont donc claires : supprimer la garantie communale d'emprunt pour les organismes HLM ; augmenter le contingent communal ; garantir un logement d'urgence pour les ménages les plus en difficulté ; élargir le périmètre d'application du taux réduit de TVA ; mieux définir les critères de l'habitat ancien dégradé. Quoi qu'il en soit, vous pouvez compter sur mon soutien ! (Applaudissements à droite)
M. Roland Ries. - Non, madame la ministre, le compte n'y est pas ! Votre texte est loin d'être à la hauteur du défi que vous constatiez comme rapporteur de la loi Dalo. Votre action, tout en suscitant un certain scepticisme dans les associations qui s'occupent des mal logés, avait été saluée pour son courage et sa générosité. Aujourd'hui, un grand quotidien national va jusqu'à titrer : « Les Fourberies de Boutin » (Sourires)
Mme Christine Boutin, ministre. - C'est drôle !
M. Roland Ries. - Certes, mais cela ne cache rien du gouffre entre les ambitions de la loi Dalo et la réalité de ce texte !
Certes, vous avez mené dans plusieurs villes de province, dont Strasbourg, une concertation, mais quel en est le fruit ? Certaines mesures vont dans le bon sens, par exemple la création du « projet urbain partenarial », ou encore la dérogation spécifique aux règlements d'urbanisme quand il s'agit de rendre un logement accessible aux personnes handicapées. D'autres mesures gagneraient à être clarifiées, par exemple le renforcement du caractère opérationnel des plans locaux d'habitat et de leur compatibilité avec les PLU. Vous voulez renforcer le pouvoir du préfet en matière de PLH : il pourra refuser la signature d'une convention de délégation des aides à la pierre, s'il juge que le PLH ne tient pas suffisamment compte des recommandations de l'État en matière de programmation de logement social, de même qu'il pourra dénoncer une convention qui n'aurait pas atteint ses objectifs. C'est une avancée, à condition que l'État veuille bien faire respecter l'obligation faite à certaines communes de se mettre en conformité avec les objectifs de la loi SRU. A Clermont-Ferrand, le préfet a estimé que le PLH prévoyait trop de logements sociaux : on voit par là qu'un tel outil peut se retourner contre les intérêts mêmes du logement social !
Plus généralement, madame la ministre, je ne partage pas la philosophie de votre texte, en particulier lorsqu'il s'agit de remettre en cause l'article 55 de la loi SRU. Vous proposez d'intégrer l'accession sociale à la propriété dans le calcul des 20 % de logements sociaux : c'est inacceptable, car vous dédouanez les communes qui ne respectent pas leurs obligations alors qu'elles sont déjà 45 % à ne pas les honorer, comme vous l'avez dit à Strasbourg ! Les associations de défense des mal logés sont vent debout contre votre proposition, ce n'est pas un hasard ! Je salue la position de notre commission des affaires économiques, qui propose de supprimer l'article 17. Dans son rapport, M. Braye va jusqu'à dire que cet article risquerait de détourner l'attention des élus locaux de la finalité même de l'article 55 de la loi SRU : la production d'un parc suffisant de logements sociaux. J'espère, madame la ministre, que vous saurez vous rendre à la raison !
Le compte n'y est donc pas financièrement, et ce texte n'améliorera pas la mixité urbaine, pas plus qu'il ne ralentira l'étalement urbain. Les difficultés de nos compatriotes ne seront pas levées : elles risquent même bien d'en être aggravées ! (Applaudissements à gauche)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je vous félicite, madame la ministre, de prendre à bras-le-corps ce problème si crucial du logement de nos compatriotes, qui vivent encore trop nombreux sans logement, ou mal logés, contraints à subir, dans certaines cités, une forme de ghettoïsation. L'accès au logement est la clé de toute intégration, de tout épanouissement. Nous regrettons tous que ce projet de loi n'aille pas assez loin, mais nous saluons les efforts du Gouvernement en la matière : 430 000 logements ont été construits en 2007, jamais nous avons fait mieux depuis vingt-cinq ans !
Je me contenterai d'évoquer la situation de nos compatriotes rapatriés, qui se trouvent trop souvent exclus de fait du logement lorsqu'ils doivent rentrer en catastrophe, en fuyant des situations dramatiques comme cela s'est passé récemment en Côte-d'Ivoire, au Tchad ou au Liban. Ils se trouvent parfois à la limite de l'indigence, loin des clichés du Français de l'étranger riche exilé fiscal vivant sans souci à l'ombre des cocotiers !
Lorsque l'économie de leur pays de résidence se détériore, ils en sont souvent les premières victimes, les plus gravement atteintes. Certes, une ligne budgétaire a été ouverte dès 1977, sous le gouvernement de Raymond Barre, pour l'assistance aux Français de l'étranger nécessiteux, mais ces crédits n'ont pas été réévalués depuis plusieurs années, alors que les demandes ne cessent de croître. La seule solution pour eux, qu'ils soient victimes des guerres ou des crises économiques, est le retour en France, et donc la recherche d'un logement à loyer modéré, après un passage par le Centre d'entraide aux Français rapatriés, qui fait un travail remarquable mais qui, en raison de la pauvreté de ses ressources, ne peut guère faire de miracles. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi créant un fonds de solidarité en faveur de nos compatriotes victimes d'événements géopolitiques.
Ces Français, à leur retour en France, sont une deuxième fois des victimes, mais cette fois-ci des victimes du droit français, des effets pervers des lois de décentralisation. N'ayant pas de rattachement territorial, ils sont exclus du bénéfice des mesures prises par les collectivités locales. Ils sont victimes d'absurdités bureaucratiques et réglementaires dont je ne vous citerai qu'un exemple et qui a sévi onze ans avant que vous n'y mettiez un terme, madame le ministre, après que plusieurs de mes collègues et moi-même vous ont alertée à ce sujet. Un décret de 1987 imposait que tout candidat à un logement HLM fournisse ses avis d'imposition des deux années précédant sa demande. Cette demande d'un justificatif de ressources est tout à fait légitime, mais comment, lorsqu'on fuit en catastrophe les évènements meurtriers du Liban, de Côte-d'Ivoire ou du Tchad, penser à se munir de ces documents ? A cause de ce décret, nos compatriotes rapatriés ne pouvaient avoir accès à un logement social, n'étaient même pas autorisés à déposer une demande. Pour qu'une telle situation ne se reproduise pas, j'aurais voulu proposer un amendement à votre texte, mais je n'ai pas voulu l'alourdir, ni courir le risque d'un rejet sur un sujet aussi sensible. Je ne vous demande pas une entorse au droit commun, je souhaite seulement que la situation de ces rapatriés soit véritablement prise en compte et que, par arrêté préfectoral, ceux d'entre eux qui sont dans le dénuement soient prioritaires pour l'attribution d'un logement. Il s'agit souvent de personnes âgées, de victimes de la guerre, d'handicapés, de femmes seules, sans ressources, souvent sans aucune famille ou relations en France. Un logement est indispensable à leur réinsertion professionnelle ou sociale.
Il s'agit de rétablir un équilibre en faveur de ces Français qui, comme les autres, ont droit à la solidarité nationale. Ce ne serait que justice et je vous remercie, madame la ministre, de ce que vous pourrez faire en ce sens. (Applaudissements à droite)
Mme Dominique Voynet. - Le logement, une grande cause nationale ? Le logement, un droit dont l'État est le garant ? Et pourtant... C'est toujours le premier poste du budget de la plupart des familles, qui se sont endettées lourdement, qui peinent à assumer des loyers, et des charges, devenus insupportables, et, de plus en plus souvent, craignent de ne pouvoir faire face. Y a-t-il jamais eu depuis cinquante ans autant de mal logés dans notre pays ? Y a-t-il jamais eu autant de personnes sans logement du tout ? La situation est grave. Et vous nous proposez une loi. Encore une loi ! Cinq textes votés en cinq ans n'ont pas changé la donne, et c'est d'un sixième que viendrait le salut ? Vous avez trop d'expérience, madame la ministre, pour ne pas savoir que ce qui fait une bonne loi, ce n'est pas l'emphase des discours prononcés à cette tribune, ni l'épaisseur du dossier de presse diffusé par les services de communication du ministère ! C'est la ténacité avec laquelle sont préparés, et promulgués en temps et en heure, les décrets d'application. C'est la combativité avec laquelle seront défendus les budgets sans lesquels la loi restera lettre morte. En un mot, c'est la cohérence et la continuité des efforts de l'État lui-même, surtout quand il demande à d'autres d'en faire aussi. A quoi bon mettre en place de nouveaux outils, quand l'efficacité des dispositifs concoctés dans les lois précédentes n'est pas évaluée ? A quoi bon débattre pendant des semaines d'un nouveau texte quand les lois précédentes ne sont ni appliquées, ni financées ? Et quand l'impulsion politique manque, qui seule permettrait de motiver tous les départements ministériels ?
Un seul exemple. L'objectif est connu de tous, largement débattu, unanimement partagé. Il s'agit de produire 500 000 logements nouveaux par an, dont 120 000 logements sociaux. En Ile-de-France, ce sont 60 000 logements qu'il faut construire annuellement au cours des 25 prochaines années, soit 8 800 logements neufs par an en Seine-Saint-Denis par exemple et 800 pour la seule ville de Montreuil. Comment y parvenir ? Dans les quartiers desservis par le métro, le foncier est rare et donc trop cher pour construire massivement des logements accessibles. Et là où le foncier est disponible, il n'y a pas de moyens de transports ! Alors, ce qu'on attend de l'État dans ce département, c'est aussi qu'il intervienne de façon cohérente, en faisant travailler ensemble la ministre du logement et le ministre des transports. Est-ce vraiment trop demander ?
M. Christian Cambon. - Et le président de la région ?
Mme Dominique Voynet. - Qu'y a-t-il dans votre projet pour changer la donne ? Une mainmise de l'État sur une partie des fonds du 1 %, appelée à financer l'Anah et l'Anru ? Une tentative un brin sournoise de revenir sur l'obligation faite aux communes de construire 20 % de logements sociaux ? Un durcissement des délais d'expulsion ? Qu'avez-vous dans la main ? Un budget en baisse de 6,9 % ? Ou le rachat de 30 000 logements invendus « en état futur d'achèvement » ? C'est difficile, même en étant très optimiste et très complaisant, d'y voir autre chose qu'une mesure conjoncturelle de soutien aux promoteurs déstabilisés par la crise du crédit. Le pourcentage de logements sociaux ne serait pas pris en compte pour la DSU, ce qui empêcherait de concentrer les moyens sur les villes, comme Cachan ou Clichy-sous-Bois, qui en ont le plus besoin.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Pour Clichy-sous-Bois, c'est faux !
Mme Dominique Voynet. - Construire du neuf, donc, et réhabiliter l'ancien, avec le souci de répondre, sans tarder, aux besoins d'aujourd'hui ; engager la décohabitation des familles entassées dans des logements exigus, accélérer la résorption de l'habitat insalubre, traquer les marchands de sommeil, loger dans des conditions décentes les résidents des foyers de travailleurs migrants. Avec le souci du long terme aussi, car les investissements d'aujourd'hui préparent les économies de demain. Là encore, on est loin du compte. Si des moyens importants sont mobilisés, via l'Anru, dans de coûteuses opérations de démolition-reconstruction, où sont les moyens qui permettraient d'engager les grands chantiers de réhabilitation des logements vite et mal construits dans les années d'après-guerre ? Isoler les logements, pour réduire les consommations d'énergie et donc les charges, améliorer le confort, réduire les tensions liées au bruit... Peut-on oublier ces exigences tant sociales qu'écologiques ?
Je n'ai que quelques minutes, madame la ministre, pour vous demander, comme le font, et le rapporteur du projet de loi, et la commission des affaires économiques, de cesser de cautionner les efforts de certains parlementaires, qui persistent, avec une obstination maladive, à remettre en cause l'article 55 de la loi SRU. Ils mènent un combat d'arrière-garde, incompris des Français.
Je n'ai que quelques minutes pour vous demander de prendre en compte l'une des excellentes propositions d'Etienne Pinte : que chaque nouveau programme de logements comporte 30 % de logements sociaux, et qu'un tiers au moins de ces nouveaux logements soient des logements très sociaux, des Plai.
S'il me reste quelques secondes, que ce soit pour vous demander de renoncer au dispositif prévu pour faciliter les expulsions locatives qui ne font pas le tri entre les personnes en difficulté -les plus nombreuses- et les mauvais payeurs. Et pour vous demander de réexaminer les mesures restreignant l'accès des publics les plus précaires au logement social. Le principe est séduisant, les effets pervers peuvent être dévastateurs. L'enfer est dans les détails... (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Hérisson. - Il n'est pas concevable de parler de logement et de lutte contre l'exclusion en occultant la question des gens du voyage. Le Premier ministre a bien voulu me confier une mission d'étude sur le sujet et j'ai rendu mon rapport en juin. J'ai constaté l'atténuation des crispations sur ce sujet, même s'il convient de travailler encore à une meilleure perception de cette composante de la population française.
Les pouvoirs publics demeurent attentifs à ce que les gens du voyage puissent continuer à vivre le voyage, partie intégrante de leur culture. Seul l'État peut être le garant d'une vision globale et dépassionnée. Son implication dans ce dossier doit être maintenue, voire renforcée. En outre, l'arrivée de nouvelles équipes municipales, intercommunales et départementales exige qu'une attention accrue soit portée à ces dossiers, car les élections peuvent entraîner la remise en cause de projets engagés par les équipes précédentes et, sur ce sujet difficile, mal compris par nos électeurs, qui n'y voient que motif à dépenses supplémentaires, l'inaction du début de mandat n'est que rarement rattrapée. En 2007 le taux de réalisation des places financées a connu une substantielle progression. Les préfets doivent mettre à profit cette dynamique pour rappeler leurs obligations aux collectivités.
La réalisation et la gestion des aires d'accueil aménagées constituent la seule réponse valable aux stationnements illicites. Avec la loi du 5 juillet 2000, les pouvoirs publics ont cherché une insertion plus aisée des gens du voyage dans la communauté nationale. Les collectivités locales, via les schémas départementaux, sont les acteurs de proximité de cette politique et leur engagement est déterminant. Souvent dotées des meilleures intentions mais souvent peu au fait de ces questions, elles doivent être aidées dans la mise en place et la gestion des aires aménagées.
Ces aires exigent une gestion de proximité ; en cas de régie, il faut recruter et former les personnels en contact avec les gens du voyage.
Le règlement intérieur doit garantir la satisfaction des besoins de stationnement des gens du voyage itinérants : l'aire ne doit pas être réservée à des gens qui se sédentarisent, au risque d'être considérée comme terrain familial, ce qui contraindrait à aménager une nouvelle aire d'accueil !
L'impossibilité d'accéder aux aires aménagées provoque des stationnements illicites. Pourtant, si les communes ont satisfait à leurs obligations, elles peuvent bénéficier des dispositions relatives aux stationnements illicites. L'équation est simple : du courage politique et du bon sens.
L'ancrage territorial croissant d'une partie des gens du voyage appelle des solutions différentes des aires d'accueil : les politiques d'habitat social sont la condition de viabilité des aires aménagées. Cet habitat adapté prend différentes formes : les terrains familiaux locatifs, qui permettent de fixer un groupe familial sans renoncer aux voyages ; l'habitat mixte, qui associe une construction en dur à la présence de caravanes ; les maisons ultra-sociales (MUS), bénéficiant de financements Plai et ouvrant droit à l'APL ; le logement social en immeuble collectif pour les familles sédentarisées depuis un certain temps.
Des actions doivent être envisagées dans le cadre des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées et des plans locaux d'habitat. Il faut soutenir davantage ces actions, qui mobilisent la solidarité départementale.
Une fois le problème du stationnement réglé, les autres difficultés auxquelles sont confrontés les gens du voyage pourront être mieux prises en charge. La stigmatisation dont ceux-ci font l'objet aggrave encore les handicaps sociaux dont ils souffrent, même s'il appartient aux gens du voyage eux-mêmes d'offrir une image plus positive de leur groupe social...
La loi du 5 juillet 2000 n'a fait qu'organiser le droit des gens du voyage de circuler librement et de stationner dans des conditions conciliant l'ordre public et leur souhait légitime de disposer d'infrastructures publiques adaptées. Je vous proposerai donc de la compléter par des amendements. Le contexte de début de mandat et l'ouverture de la période de révision des schémas départementaux est favorable. Ne laissons pas la situation s'envenimer. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je déplore que le logement ne soit toujours pas appréhendé dans sa dimension sociale. Ce texte comporte peu d'avancées notables ; l'un des principaux postes de dépenses des ménages y est traité comme un bien de consommation ou d'investissement, et trop rarement comme un bien de première nécessité.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. - Vous prétendez combattre la crise du logement, alors que, malgré les incitations fiscales à la construction, 1 300 000 dossiers restent en attente de logement social ! Que croire des engagements du Gouvernement, quand le projet de loi de finances pour 2009 confirme la baisse du budget du logement ?
L'année 2006 a été l'une des meilleures pour le marché immobilier, mais la flambée des prix a obligé les accédants à la propriété à s'endetter sur une période plus longue. Le 1 % sert souvent à obtenir un prêt à taux préférentiel ou à aider les personnes qui peinent à rembourser leurs prêts. Vous rêvez de 70 % de propriétaires, mais, après le krach boursier, le spectre de la récession n'est pas un mirage. C'est la crise des subprimes qui a provoqué la débâcle financière et bancaire ! C'est pourquoi nous vous demandons de sanctuariser le 1 % patronal en supprimant l'article 3.
Votre mesure phare est la vente massive de logements du parc social. L'idée n'est pas nouvelle. Le Royaume-Uni s'y est essayé dans les années 80, avec pour résultat une diminution du parc social, une offre insuffisante, mais aussi un accès au locatif plus difficile pour les catégories populaires.
Le rôle de l'État est avant tout de réguler les marchés immobiliers et fonciers et nous aurions adhéré à un texte traitant de la diversification et du renouvellement de l'offre de logement social, et tenant compte du coût des loyers, car la crise est d'abord la pénurie de logements abordables.
La prévention des expulsions des locataires de bonne foi était un élément essentiel du plan de cohésion sociale. M. Borloo avait exposé qu'il coûterait moins cher à l'État de sécuriser le risque locatif que de mobiliser tribunaux et policiers pour expulser des gens qu'il faudrait ensuite reloger en hébergement d'urgence... Le Gouvernement aurait-il deux discours, selon le ministre ?
Alors que toutes les études démontrent que la faible mobilité découle de la faiblesse de l'offre, l'article 20 détermine arbitrairement la répartition des locataires : on décrète le non-droit au logement ! Sous prétexte de mobilité, l'article 21 paupérise encore l'occupation du parc HLM. Celui-ci a pourtant toujours accueilli aussi bien les ménages en difficulté que les catégories moyennes, souvent en transit : c'est cela, la diversité sociale ! Baisser les plafonds de ressources pour l'accès à un logement social ne fera qu'augmenter le nombre des ménages qui devront s'acquitter d'un surloyer sans pour autant favoriser la mobilité.
Le sociologue Georges Malignac écrivait en 1957 : « Le nombre de logements étant inférieur au nombre de familles, il faut bien que certaines soient exclues. (...) Nous trouvons, une fois de plus, une législation d'intention sociale qui, en fait, accable les faibles. » On jurerait qu'il parle de votre texte, madame la ministre ! Bien entendu, nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Jeannerot. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Ce projet de loi est mal venu ; il est aussi mal né, puisqu'il est arrivé avant le rapport commandé à M. Pinte par le Premier ministre...
Mme Christine Boutin, ministre. - Sur ma proposition !
M. Claude Jeannerot. - Celui-ci ayant annoncé qu'il était favorable à toutes les mesures préconisées dans le pré-rapport, nous nous attendions à un texte audacieux. Or c'est un texte opportuniste et fataliste que vous nous présentez et qui marque un retrait de la collectivité nationale. Adossé aux prétendues vertus autorégulatrices du marché, il aboutirait au détricotage de notre droit de la construction sociale et de nos systèmes de solidarité.
M. Guy Fischer. - Très bien !
M. Claude Jeannerot. - La captation envisagée du 1 % logement n'est pas acceptable. Savez-vous que l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil), que je préside, et qui assure une vraie mission de service public, est financée en grande partie par le 1 % ?
M. Alain Fauconnier. - Eh oui !
M. Claude Jeannerot. - Les associations départementales de l'Adil accordent chaque année près d'un million de consultations d'ordre juridique, financier et fiscal aux accédants à la propriété, locataires et propriétaires. Elles constituent un observatoire privilégié. Or, depuis des années, l'État se désengage de leur financement. Et j'apprends que les sommes destinées au financement des associations au titre du 1 % seraient supprimées !
Madame la ministre, rassurez-nous ! A toutes fins utiles, nous vous présenterons un amendement pour protéger le 1 %. Demain, nous nous battrons aussi pour préserver les fonds destinés à l'outre-mer.
Vous voulez accroître la mobilité dans le parc social afin de le réserver en priorité à ceux de nos concitoyens qui ont les ressources les plus faibles. On voit poindre derrière cette annonce les objectifs du Président de la République : la vente du parc HLM à ses habitants. C'est certainement un des objectifs que vous assignerez à vos conventions d'utilité sociale.
Mme Christine Boutin, ministre. - Pas du tout !
M. Claude Jeannerot. - L'idée de vendre les HLM n'est pas nouvelle : la loi Méhaignerie de 1986, celle sur l'habitat de 1994, celle portant engagement national pour le logement de 2006 et celle sur le droit au logement opposable de 2007 ont toutes abordé ce sujet. Ces textes ont eu un succès relatif, vous en conviendrez. Les socialistes ne sont pas opposés à cette idée de vente mais ils souhaitent que, pour un logement vendu, deux soient construits. Or vous savez qu'un tel ratio sera difficile à atteindre alors qu'on n'est même pas capable de faire du « un pour un » en matière de démolition.
En outre, les locataires qui souhaitent acquérir leur logement HLM sont relativement peu nombreux. Ce sont plutôt les locataires de maisons individuelles qui veulent l'acheter. Or, celles-ci ne représentent que 13 % du parc social. En 2007, sur les 10 000 logements sociaux mis en vente, seuls 5 000 ont trouvé preneurs. C'est pourquoi les socialistes ne peuvent imaginer faire de cette idée une priorité, l'alpha et l'oméga d'une politique publique du logement !
S'agissant du logement défiscalisé, vous nous proposez des pistes de réformes. Effectivement, pourquoi ne pas recentrer les dispositifs Robien et Borloo ? Mais dites-nous ce que contiendra précisément le décret sur les deux zones futures. Si elles comprennent plus de communes que les trois zones antérieures, ce recentrage n'aura aucun impact.
M. Thierry Repentin. - C'est astucieux.
M. Claude Jeannerot. - Une récente étude de l'Anil a démontré l'intérêt et les effets pervers du dispositif actuel. Mais nous voulons aller plus loin en vous proposant de réelles contreparties sociales, un droit de retrait pour les communes saturées en Robien, une faculté pour les élus de définir dans le PLH les zones d'accueil de ce type de construction. J'espère que vous examinerez ces propositions constructives avec attention.
J'en viens au parc locatif privé. Il faut inciter les propriétaires à mettre leurs logements en location à des prix, si possible, raisonnables. Mais sur ce point, votre texte est muet, ou plutôt, il ne prévoit que la réduction des délais d'expulsion des locataires de mauvaise foi. Dix ans après la réforme du dispositif, on ne peut que constater l'augmentation des assignations pour impayés de loyers, des jugements d'expulsion, des demandes de concours de la force publique et des expulsions effectives avec intervention de la force publique. Mais l'application de la loi est très différente selon les territoires et le dispositif connait des failles, notamment du fait d'un manque de coordination en amont de l'intervention judiciaire et de l'absence d'instrument de suivi et d'évaluation des actions conduites. C'est pourquoi il faut engager une réflexion sur les moyens nécessaires à une politique de prévention efficace. La prévention est la condition préalable à toute autre mesure.
Mme Christine Boutin, ministre. - Eh oui !
M. Claude Jeannerot. - Je vous invite, madame la ministre, à partager nos convictions. Comme nous, vous estimez que le logement ne peut être considéré comme une marchandise comme une autre. C'est pourquoi il faut accepter de nous écouter afin de faire évoluer votre projet de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Michèle André. - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) En ma qualité de membre de la commission des finances je me limiterai à l'examen des articles sur lesquels la commission a été saisie pour avis.
Ce projet de loi qui marque la démobilisation de l'État dans le financement des politiques publiques de logement...
Mme Odette Terrade. - Juste.
Mme Michèle André. - ... a été rédigé par Bercy...
M. Guy Fischer. - Exact !
Mme Michèle André. - ...dans un contexte de forte contrainte budgétaire : je crains, madame la ministre, que vous n'ayez eu que peu d'influence lors de son élaboration.
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
Mme Michèle André. - Or, ce texte est financé exclusivement par des débudgétisations, notamment par le hold up sur le 1 % logement.
M. Guy Fischer. - Un véritable diktat !
Mme Michèle André. - L'État a en effet arraché, dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, un accord avec les gestionnaires du 1 % prévoyant de ponctionner, en plus des 450 millions dédiés à l'Anru, 850 millions pour financer le plan national de rénovation des quartiers anciens dégradés. Enfin, l'Agence voit ses missions élargies, notamment pour le logement de transition et les foyers à vocation sociale, alors que son budget est réduit. Je dénonce donc, comme le rapporteur pour avis, M. Dallier, le désengagement total de l'État dans le financement de la rénovation urbaine, qui sera dorénavant exclusivement débudgétisé.
L'État préemptera donc 1,3 milliard des fonds du 1 % logement dont le budget annuel se monte à près de 4 milliards. C'est, en plus du prélèvement sur les moyens des organismes HLM prévu à l'article 2, une mainmise de l'État sur les prétendues cagnottes du secteur au détriment des partenaires habituels qui se verront privés de leur fonds de roulement.
La révision du mode de gouvernance de l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (Anpeec) ainsi que la mise sous tutelle de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) démontrent que l'État ne fait plus confiance au patronat et aux syndicats en ce domaine. Il faudrait que le Gouvernement laisse vivre le dialogue social.
Les mécanismes Robien et Borloo ont créé deux niches fiscales aux effets pervers car elles coûtent cher à l'État et faussent les mécanismes du marché au bénéfice des seuls promoteurs et au détriment des locataires, des propriétaires et de l'État. La montée en puissance des deux instruments coûte 1,3 milliard par an depuis 2004 au budget de l'État. Ce montant est déraisonnable d'autant qu'il a des effets pervers. Certes, de nombreux programmes immobiliers, dont l'implantation n'était pas toujours judicieuse, ont vu le jour grâce à ces mesures mais elles ont poussé les loyers à la hausse si bien que les ménages qui devaient en bénéficier en ont été exclus. Ainsi, à Clermont-Ferrand, 400 logements sont vides, ce qui pénalise à la fois les locataires qui ne peuvent en bénéficier et les propriétaires privés de ressources. Ce texte en prend acte puisqu'il vise à restreindre ces dispositifs aux seules zones de tensions du logement, suivant en cela les recommandations du rapport de l'Assemblée nationale. Je crains que les grands promoteurs, comme Bouygues ou Nexity, fassent pression sur la collectivité pour qu'elle prenne en charge les programmes qui aujourd'hui sont à l'arrêt, faute d'acheteurs. L'annonce de Nexity concernant les 180 000 emplois menacés dans le bâtiment avait-elle d'autres buts ?
L'association régionale « Auvergne » de l'Union sociale pour l'habitat rappelle que la situation de la construction de logements sociaux en Ile-de-France n'est pas représentative de la situation qui prévaut dans le reste du pays.
M. Charles Revet. - C'est tout à fait exact !
Mme Michèle André. - Cette association constate, comme d'autres, que le projet de loi, élaboré sur la base des besoins et des chiffres de la région parisienne, est trop éloigné des réalités de la France. Il ne tient pas compte, à leurs yeux, des contraintes qui vont s'imposer demain aux organismes HLM, notamment celles du Grenelle de l'environnement.
Le budget des ménages est largement préempté par le coût de leur logement. Les loyers n'ont jamais été aussi chers et ils représentent jusqu'à 50 % du budget des ménages aux revenus les plus faibles.
Comment l'État peut-il continuer à soutenir fiscalement des loyers qui peuvent aisément dépasser un Smic ? Votre texte ne répond malheureusement pas à cette question. Le budget dédié au logement à travers la mission « Ville et logement » verra son montant diminuer au cours des trois prochaines années de 10 %, soit 800 millions d'euros, signe que l'État et le Gouvernement renoncent à mener une politique ambitieuse en matière de logement.
Madame la ministre, quelle politique du logement et quels moyens financiers comptez-vous proposer à nos concitoyens qui souffrent le plus de la crise et qui ne trouveront aucune réponse satisfaisante dans votre texte ? (Applaudissements à gauche)
Mme Christine Boutin, ministre. - Je tiens tout d'abord à vous remercier pour la qualité du débat et les précisions de vos questions. Je vais tenter de répondre à chacun d'entre vous et, ensuite, nous affinerons les problématiques au cours de la discussion des articles. J'ai noté qu'à une exception près, vous étiez tous d'accord pour dire que ce projet de loi contenait des dispositions intéressantes. Il n'y a donc pas de rejet global de ce texte. Je vous invite donc tous à travailler ensemble dans les jours à venir afin de l'améliorer.
Sans vouloir polémiquer, je dirai qu'il est incontestable que les mises en chantier de logements, sociaux y compris, ont été très élevées depuis 2002. Aujourd'hui, du fait de la crise, nous nous préoccupons du nombre de logements proposés à nos concitoyens.
C'est que l'on a abandonné la construction depuis de nombreuses années. Mais le retard est imputable pour l'essentiel à la période d'avant 2002. Les chiffres sont explicites !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Incontestables ! (M. Guy Fischer s'exclame)
Mme Christine Boutin, ministre. - Je veux ainsi dire à M. Collin que la construction de logements a atteint en 2007 un niveau -435.000- inégalé depuis plus de vingt ans. Il en va de l'objectif des 500 000 comme des étoiles, qui nous attirent vers le haut mais ne sont pas toujours faciles à atteindre. Sur les 435 000 logements neufs, 108 000 sont des logements sociaux.
Le budget, avec la contribution du 1 %, est en hausse de 200 millions d'euros. On peut discuter de ce recours à une recette extrabudgétaire, mais vous êtes aussi des élus locaux et vous savez que des euros valent mieux qu'une ligne budgétaire.
M. Daniel Raoul. - Ces euros étaient déjà affectés au logement !
Mme Christine Boutin, ministre. - Durant la dernière période triennale, si 300 communes n'ont pas atteint leur objectif, 430 autres ont dépassé leur quota de construction de logements sociaux. En France, les recours sont fréquents contre les projets de construction sociale, notamment parce que la représentation que l'on s'en fait demeure celle des années cinquante : les barres honnies que l'on détruit aujourd'hui. Mais les logements que l'on construit maintenant en sont bien éloignés et j'invite les associations et tous ceux qui forment des recours à bien réfléchir...
M. Christian Cambon. - Très bien !
Mme Christine Boutin, ministre. - La mobilité conditionne l'accès des plus modestes au logement. Nous devrions tous être d'accord sur cette question !
M. Repentin a eu l'amabilité de dire que nous partagions le même objectif. Cela me semble déjà très positif. (Marques d'ironie à gauche) Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que nous sommes soumis à certaines contraintes budgétaires et que nous devons faire des choix. Et affecter des fonds du 1 % à des travaux sans plafond de ressources est inutile dès lors qu'une aide fiscale, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, va être mise en place. Mieux vaut réorienter les fonds vers ceux qui en ont le plus besoin. Nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais reconnaissez ma sensibilité sociale : car ma préoccupation est aussi sociale que la plus sociale qui s'est exprimée ici !
M. Guy Fischer. - Alors...
Mme Christine Boutin, ministre. - Est-il acceptable de laisser dormir de la trésorerie ? Je ne dis pas qu'elle est dans tous les organismes HLM abondante...
M. Guy Fischer. - De moins en moins !
Mme Christine Boutin, ministre. - ... ou inexploitée. Mais cela se produit et ce n'est pas conforme à la mission de service public des organismes.
M. Charles Revet. - C'est vrai.
Mme Christine Boutin, ministre. - Monsieur Repentin, un droit de préemption urbain est une idée intéressante. Peut-être les esprits sont-ils mûrs à présent... Monsieur Dubois, en matière de logement, il faut intervenir sur tous les rouages, car tout se tient. Le 1 %, soyez rassuré, financera comme avant des actions en faveur des salariés, mais je veux qu'elles soient ciblées sur les plus modestes. Évitons les détournements !
Je veux dire aussi que la mobilité ne remettra pas en cause l'objectif de mixité sociale car elle concernera 20 000 ménages, sur les quatre millions de locataires.
Je remercie Mme Terrade d'avoir fait allusion au rapport Pinte sur le mal logement, car c'est moi qui ai suggéré que M. Pinte soit responsable de la mission...
M. Guy Fischer. - Bon choix.
Mme Christine Boutin, ministre. - Il est député des Yvelines, je le connais depuis longtemps, nous avons fait le même chemin. Les moyens consacrés à l'hébergement sont supérieurs à 1 milliard d'euros, et ils augmentent de 10 % chaque année.
M. Guy Fischer. - Il faut croire que c'est insuffisant.
Mme Christine Boutin, ministre. - On ne saurait dire que le Gouvernement ne fait pas le nécessaire. Il a lancé le chantier prioritaire de la lutte contre le mal logement. Et le rapport Pinte nous a incités à ajouter 50 millions d'euros pour traiter les problématiques de cette année. La loi Dalo fonctionne, les commissions sont en place. On a enregistré 42 0000 demandes depuis août dernier.
M. Guy Fischer. - Nous verrons si elles aboutiront.
Mme Christine Boutin, ministre. - Nous sommes loin des 600 000 annoncées. Les deux tiers des demandes ont été déposées en Ile-de-France, cette région exige un traitement particulier -et une solidarité interdépartementale. Le Gouvernement dégage 200 millions d'euros pour la construction de logements neufs en 2009, il mobilise les organismes HLM grâce à des conventions et il accroît le rôle des préfets.
Monsieur Jarlier, les ventes en état futur d'achèvement donneront lieu à un cahier des charges ; nous regardons comment mettre en place les mesures annoncées par le Président de la République. Il n'y a pas de temps à perdre, tout le monde s'est mis autour de la table...
M. Guy Fischer. - Les promoteurs, surtout...
Mme Christine Boutin, ministre. - Les interventions dans les quartiers anciens dégradés seront fonction des spécificités de chaque territoire ; quel intérêt d'aller construire des logements locatifs dans des zones où il n'y a pas de tensions ? J'écouterai vos arguments.
Je veux rassurer aussi M. Lagauche, c'est le législateur qui définira a priori les grands emplois du 1 %, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Dans l'accord signé dans la nuit de jeudi à vendredi, les subventions aux HLM, sur ma demande, ont été augmentées de 33 %. Cela ne s'appelle-t-il pas un soutien aux HLM ? Monsieur Vanlerenberghe, il n'y a pas effondrement des budgets de l'Anah et de l'Anru, puisqu'elles sont financées par le 1 % ; les moyens de l'État et de ces deux agences augmentent en 2009. Le nombre des Plai a augmenté, 8 000 en 2006, 14 000 en 2007, et je peux en financer 20 000... J'attends les propositions !
M. Guy Fischer. - Ces logements sont toujours construits dans les mêmes endroits !
Mme Christine Boutin, ministre. - Non ! La question n'est pas là ! Je ne jette la pierre à personne, tant la mise en place d'un PLAI est complexe ; il faut l'habitat, mais aussi un accompagnement.
M. Christian Cambon. - C'est juste !
Mme Christine Boutin, ministre. - Rien d'étonnant dès lors que les crédits ne soient pas consommés ; ce sont les demandes des organismes qui manquent. Je souhaite en outre qu'on n'oublie pas de faire mention de la subvention de l'État lorsqu'un programme de logements sociaux est lancé avec son concours.
Je connais bien l'article 23 de la loi Dalo, madame Hoarau, pour l'avoir rapportée ; et je connais bien les besoins de l'outre-mer. Je peux vous rassurer : l'opération d'acquisition de 30 000 logements concerne aussi l'outre-mer. Une circulaire sera prochainement envoyée à tous préfets à ce sujet. Même si tous les crédits ne relèvent pas de mon ministère, je suis certaine que plusieurs dispositions du texte vous seront utiles.
Je vous remercie, monsieur Cambon, de l'exégèse très précise que vous avez faite du texte. (Applaudissements à droite) Vous avez eu raison de rappeler que la majorité a voté des lois importantes, la loi ENL, formidable boîte à outils, la loi Dalo qui place la France en tête des pays européens. Et on n'a jamais construit autant de logements qu'en 2007. Certains s'étonnent du nombre de lois consacrées au logement depuis dix ans ; mais le logement doit s'adapter et pour ce faire, dans notre État de droit, il faut passer par la loi. Un débat au Parlement sur un sujet aussi important pour nos concitoyens n'est jamais superflu. S'agissant de la cession des terrains publics, le Président de la République entend accélérer les choses -et cela ne relève pas de la loi. M. Woerth m'a encore récemment assuré que les terrains appartenant à l'État seraient libérés plus rapidement qu'auparavant.
Il faut en effet, madame Herviaux, développer une offre diversifiée, agir à tous les niveaux de la chaîne en commençant par les personnes les plus vulnérables. Je conviens que cette vision est un peu nouvelle. J'ai été très étonnée, en prenant mes fonctions, de constater qu'on parlait du logement, mais jamais de ceux qui n'en ont pas. Le logement, c'est une chaîne de solidarités. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite) J'ai décidé en outre d'encourager l'intermédiation locative, le développement des maisons relais. Des instructions seront envoyées aux préfets de région pour qu'au moins 20 % des logements sociaux construits soient très sociaux.
La garantie des emprunts des organismes HLM, monsieur Dassault, ne fait courir aucun risque aux communes, parce que la Caisse de garantie du logement locatif peut intervenir en cas de difficulté avec des moyens financiers importants. Nous faisons déjà beaucoup pour le logement d'urgence et le logement d'insertion ; il faut continuer.
Je vous remercie, monsieur Ries, de m'avoir reçu à Strasbourg en élu républicain.
M. Charles Revet. - Vous êtes aussi venue au Havre !
Mme Christine Boutin, ministre. - Je vous remercie aussi d'avoir noté les avancées du texte, même si je regrette qu'hormis l'article 17, vous n'ayez pas détaillé les dispositions qui à vos yeux allaient aggraver la situation. Vous m'avez un peu laissée sur ma faim.
Je connais bien les difficultés qu'éprouvent nos compatriotes expatriés pour trouver un logement, madame Garriaud-Maylam, lorsqu'ils sont contraints de rentrer en France par une crise ou une guerre. En l'absence d'un revenu de référence, ils ne peuvent souvent justifier leur éligibilité à un logement social. J'ai prévu, avec mon collègue des affaires étrangères, une procédure particulière pour y remédier.
Vous dites, madame Voynet, que les lois successives n'ont pas changé la donne. Avez-vous oublié que 308 000 logements ont été mis en chantier en 2002...
M. Thierry Repentin. - Grâce à la loi SRU !
Mme Christine Boutin, ministre. - ...mais 435 000 en 2007 ?
M. Jean-Paul Émorine. - Très juste !
Mme Christine Boutin, ministre. - Que 40 000 logements sociaux ont été financés en 2000, mais 108 000 en 2007 ? (Marques d'approbation à droite) Que le nombre de prêts à taux zéro est passé à 250 000 ? Comptez-vous pour rien la loi Dalo ? Contestez-vous l'acquisition de 30 000 logements, qui intéresse les organismes HLM ? L'action des gouvernements depuis 2002 a produit des résultats. (Mme la ministre brandit un graphique à l'appui de son propos)
Je vous remercie, monsieur Hérisson, d'avoir évoqué la situation des gens du voyage. Il faut poursuivre l'implantation des aires d'accueil. Je m'efforce en outre, dans le cadre de la présidence française de l'Union, de définir une position commune vis-à-vis des Roms. J'examinerai vos amendements avec intérêt.
Comment pouvez-vous dire, madame San Vicente, que le texte paupérise le parc HLM, alors que 60 % des ménages y auront accès ? Je veux que les Français aient un vrai choix, que les plus pauvres puissent se loger avec des loyers abordables pour eux -sans remettre en cause la mixité sociale.
Je vous rassure, monsieur Jeannerot, le remarquable réseau des Adil, auquel vous êtes comme moi très attaché, continuera à être financé par le 1 %. Il le mérite. Je rappelle que j'ai signé des conventions pour la vente des logements HLM et je ne crois pas que les locataires qui souhaitent acheter soient si peu nombreux ; encore faut-il qu'on leur propose quelque chose.
M. Charles Revet. - C'est juste !
Mme Christine Boutin, ministre. - Il y aura naturellement moins de communes où les Robien et les Borloo pourront être construits.
Quant aux expulsions : elles sont toujours un échec, une situation perdant-perdant, pour la famille comme pour le propriétaire.
M. Charles Revet. - Et pour la société !
Mme Christine Boutin, ministre. - Il y a maintenant la garantie du risque locatif. Et la loi Dalo a permis la création de commissions de coordination de la prévention des expulsions. Je suis néanmoins favorable à une coordination plus en amont -en m'étonnant que certains présidents de conseil général de votre famille politique se soient montrés si peu pressés de créer leurs commissions...
Est-il vraiment scandaleux, madame André, que le 1 % contribue au financement d'un grand programme de rénovation urbaine ? N'a-t-il pas contribué, au début des années 1950, à la reconstruction du pays ? Quant aux dispositifs fiscaux, ils n'auront pas d'effet inflationniste ; plus l'offre sera globale, moins il y aura de tension sur les loyers. (Protestations à gauche)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°224 présentée par Mme Terrade et les membres du groupe CRC tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (Urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008).
Mme Isabelle Pasquet. - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC) « Longtemps attendue par les associations et rendue nécessaire par la grave crise du logement que connaît notre pays depuis quinze ans, la loi Dalo est en passe de devenir une réalité, après la loi Quillot de 1982 qui avait fait du droit à l'habitation un droit fondamental et la loi Besson de 1990 qui avait consacré le droit au logement. »
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui vise à protéger le droit opposable au logement par une obligation de résultats, et non plus de moyens ». C'est ce que vous souhaitiez, madame la ministre, lorsque vous étiez, en tant que députée, rapporteur de la loi sur le droit opposable au logement. Malheureusement, un an et demi après, ce discours a été emporté dans les frimas automnaux de la crise financière. Vous aviez pourtant alors raison de rappeler que le droit opposable au logement, consacré dans la loi française, ne devait souffrir aucune contestation.
Mme Christine Boutin, ministre. - Très bien !
Mme Isabelle Pasquet. - La priorité en matière de logement, comme le rappelle la loi Besson de 1989 en son article premier, c'est de respecter la liberté de choix des locataires. Pour ce faire, les rapports entre bailleurs et locataires doivent être équilibrés, ce que dispose l'article 5 du même texte, et le droit au logement constituer « un devoir de solidarité pour l'ensemble de la Nation » aux termes de l'article premier de la loi du 31 mai 1989. Or tout se passe comme si, madame la ministre, ce texte mettait en place, au lieu du droit au logement construit par les lois précitées, un droit du logement, plus restrictif livrant aux aléas du marché immobilier en pleine déconfiture des couches de plus en plus larges de la population. Pour preuve, les conventions d'utilité sociale visant à accélérer la libération des logements et leur mise en vente au détriment des locataires, la profonde remise en question du droit au maintien dans les lieux et du droit de suite à l'article 20 et la confusion entretenue entre logement et hébergement.
Pourtant, les textes antérieurs, dont personne n'a jamais contesté la constitutionnalité, ont donné au droit au logement valeur constitutionnelle. Aux termes du Préambule de 1946, « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Qu'en sera-t-il avec ce texte qui instaure la précarité en introduisant un déséquilibre entre bailleurs et locataires ? La loi Besson, en son article premier, dispose que l'exercice du droit au logement « implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d'habitation grâce au maintien et au développement d'un secteur locatif et d'un secteur d'accession sociale à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales. » Par conséquent, l'on ne peut restreindre, comme vous le faites à l'article 17, la construction de logements sociaux.
De plus, comment accepter que vous fassiez des HLM le réceptacle de toutes les misères en contraignant les salariés, dont les ressources sont réputées plus élevées, à se replier sur le secteur privé ? Le droit opposable au logement n'a pas vocation à se diviser. Fraîchement élue dans cette assemblée, j'ai l'honneur d'y représenter les Bouches-du-Rhône. A Marseille, entre le Camas et les Chutes-Lavie, 58 % des foyers fiscaux, ayant des ressources annuelles inférieures à 12 000 euros, sont éligibles au prêt locatif aidé d'intégration. A ce jour, 1 533 habitants de mon département ont déposé un dossier Dalo, 418 de ces demandes ont reçu un avis favorable, mais 141 seulement ont été satisfaites.
Mme Christine Boutin, ministre. - Donc, le droit opposable au logement, c'est efficace !
Mme Isabelle Pasquet. - Par ailleurs, le marché immobilier dans ma région est tendu, notamment à Aix-en-Provence où les loyers sont en forte hausse -11,10 euros le mètre carré en 2007-, malgré un ralentissement constaté partout ailleurs à cause de la crise. Qui peut payer de telles sommes dans une ville où le tiers des contribuables dispose de moins de 7 500 euros par an et où des millions d'étudiants cherchent à se loger ?
Pour conclure, au moins provisoirement, sur ce sujet (M. Jean-Paul Emorine s'impatiente), je rappelle que Marseille et Aix ne comptent toujours pas 20 % de logements sociaux...
M. Bruno Gilles. - Et à Allauch ?
Mme Isabelle Pasquet. - ...et connaissent une crise du logement à cause de la pression foncière et immobilière et du gaspillage des surfaces disponibles au profit d'opérations défiscalisées. Donc, ce n'est pas de votre loi dont les Français ont besoin parce qu'elle aggraverait la crise du logement.
Mme Christine Boutin, ministre. - Ah bon ?
Mme Isabelle Pasquet. - En outre, le droit au logement doit se conjuguer avec l'autonomie des collectivités territoriales. Or l'article premier comporte des mesures coercitives. Pourquoi cette procédure obligatoire, qui engage les élus locaux au prétexte que les collectivités locales sont parfois délégataires du droit à la pierre sans leur permettre de signer les conventions d'utilité sociale ? (Marques d'impatience à droite)
Mme Colette Giudicelli. - Ce n'est pas une motion, c'est un nouveau discours !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Ce n'est pas le projet de loi qui est irrecevable, mais ce discours !
Mme Isabelle Pasquet. - On contrevient ici au principe de libre administration des collectivités territoriales d'autant que l'efficacité des conventions serait mesurée au moyen d'indicateurs fixés au niveau national par décret qui font doublon avec ceux énumérés à l'article 445 du code la construction. (Agitation à droite et au centre)
Atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, mise en question de la gestion des bailleurs sociaux, voilà quelques motifs d'opposer l'exception d'irrecevabilité à ce texte.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Défendre une motion, une nouvelle forme de bizutage ?
Mme Isabelle Pasquet. - Pour toutes ces raisons, le groupe CRC vous invite à voter cette motion et demande un scrutin public (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Dominique Braye, rapporteur. - La commission est défavorable...
M. Jean Bizet. - Quelle surprise !
M. Dominique Braye, rapporteur. - ...car, ce qui est irrecevable, c'est la motion, et non le projet de loi ! Nos collègues communistes feraient bien de rappeler à leurs nouveaux membres que l'objectif de cette motion consiste à démontrer que des dispositions sont inconstitutionnelles.
Contrairement à ce qu'affirmait hier un grand journal du soir, la commission n'a nullement l'intention, madame la ministre, de dépecer votre projet de loi.
Mme Christine Boutin, ministre. - Merci !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Nous avons seulement à coeur de l'améliorer et de l'enrichir. (Applaudissements à droite et sur le banc des commissions) Je le déclare solennellement : la majorité de la commission soutient la plus grande partie des dispositions du projet de loi, qui visent à stimuler les différents segments de l'offre de logement. Mais il est normal que le Parlement joue son rôle de législateur, et je sais que vous-même, madame la ministre, y contribuiez lorsque vous étiez députée.
Mme Christine Boutin, ministre. - Absolument.
M. Dominique Braye, rapporteur. - Cette démarche est d'ailleurs conforme aux ambitions de la dernière révision constitutionnelle, puisque ce seront désormais les textes issus des travaux des commissions qui seront débattus en séance. Il est normal que nous ayons des désaccords ponctuels : c'est un signe de bonne santé dans une famille politique.
Mme Christiane Hummel. - Bravo !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Quant à la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, nous y sommes défavorables.
Mme Christine Boutin, ministre. - Je suis sensible aux arguments avancés par M. le rapporteur, et j'apprécie la précision des propositions de la commission. En ce qui concerne la motion présentée par Mme Pasquet, j'y suis défavorable pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
Mme Annie David. - C'est évidemment sans surprise que nous vous entendons prétendre qu'aucune des dispositions du projet de loi n'est inconstitutionnelle. Nous aurions donc eu le mauvais goût de déposer cette motion à seule fin de parler un peu plus longtemps, au-delà du temps réduit dont nous disposions dans la discussion générale.
M. Charles Revet. - Exactement !
Mme Annie David. - Pourtant, le texte dont nous débattons tourne le dos à la notion de droit au logement, que nous avons fait entrer dans le champ des droits constitutionnels, ou du moins à portée constitutionnelle, au fil des textes débattus au cours des vingt-six dernières années. Le projet y substitue la notion de droit du logement, où l'occupation prime sur l'occupant.
Le texte remet également en cause l'égalité des termes du contrat entre bailleurs et locataires. Il facilite les expulsions, réduit les garanties contenues dans le droit au maintien dans les lieux et le droit de suite, et précarise fortement la situation de nombreux locataires, pas seulement des plus fortunés. Les locataires les plus âgés devront presque systématiquement quitter leur logement social, pour peu qu'il soit trop grand ; aucune banque ne leur accordera de prêts pour se reloger. Laisser faire, c'est bon quand il s'agit de spéculer sur la monnaie ; mais quand il s'agit de laisser les gens déménager selon leur gré, il n'y a plus de droits !
Quant aux expulsions locatives, comment peut-on assimiler l'offre d'un hébergement d'urgence à une proposition de relogement, y compris pour un locataire de bonne foi ? Rappelons qu'une grande partie des expulsions locatives découlent aujourd'hui d'un congé vente, et non d'un contentieux de recouvrement de quittances.
Voilà quelques raisons supplémentaires, outre celles déjà évoquées par ma collègue, pour motiver l'adoption de cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Mme Dominique Voynet. - Je souhaite protester contre le sort réservé tout à l'heure à Mme Pasquet par la majorité. Certains d'entre nous ont eu l'occasion de s'entraîner à l'éloquence dans les comices agricoles ou les amphithéâtres des grandes écoles ; mais c'est un art qui peut aussi s'apprendre au cours des premiers mois d'un mandat. On entend beaucoup de sénateurs se réjouir que notre Assemblée soit désormais plus jeune, plus métissée et féminisée. Si l'on souhaite réellement aller plus loin dans cette voie, il conviendrait d'éviter ce genre de bizutage. (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe CRC, la motion n°224 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°519, présentée par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2008-2009).
Mme Dominique Voynet. - Trois grandes raisons nous conduisent à vous proposer de décider, aux termes du Règlement, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération.
Premièrement, dans le contexte d'une crise internationale majeure, ce texte paraît singulièrement décalé. Comme le projet de loi de finances pour 2009, il a été élaboré avant l'été, et il devrait être réexaminé à la lumière des éléments nouveaux qui sont intervenus.
Deuxièmement, ce projet, présenté comme le signe d'une forte mobilisation pour le logement, se résume à une suite de déclarations d'intention, sans aucun engagement.
Troisièmement, les dispositions prévues sont inadaptées aux causes réelles de la crise du logement et de l'immobilier que nous traversons.
Madame la ministre, vous justifiez l'inflation législative récente par la construction de nombreux logements entre 2002 et 2007 : comme s'il ne fallait pas laisser les anciens textes porter leurs fruits avant d'en faire voter de nouveaux ! Comme s'il existait un lien arithmétique entre le nombre d'articles de lois et le nombre de logements construits !
Mme Christine Boutin, ministre. - Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !
Mme Dominique Voynet. - Comme si l'on ne pouvait pas tirer parti des dispositifs existants, voire introduire de nouveaux dispositifs sans rédiger un nouveau texte de loi !
Je note d'ailleurs que la commission des affaires économiques a entrepris de réécrire presque totalement le texte, en proposant pas moins de cent vingt amendements. M. Braye a pointé très sévèrement les lacunes de votre projet ; quant à M. Ballier et Mme Bout, ils ne se sont pas montrés plus tendres. (Protestations sur le banc des commissions)
Je voudrais relever certaines occasions manquées. Vous disposiez, madame la ministre, d'une base solide. Le rapport remis au Gouvernement par le député des Yvelines M. Etienne Pinte aurait pu avantageusement vous inspirer. Il affichait une véritable ambition en proposant de porter le seuil de la loi SRU à 30 % de logements sociaux, dont un tiers de logements très sociaux en Plai.
M. Pinte n'est pas communiste, socialiste ni écologiste, mais UMP ! Le Gouvernement ne l'entend pas, pas plus qu'il n'écoute les associations, qui font pourtant un travail exceptionnel et qui connaissent bien la situation.
En incluant l'accession sociale à la propriété dans le calcul des 20 %, vous rouvrez le débat idéologique sur l'article 55 de la loi SRU, alors que, de l'avis même de notre rapporteur, cette catégorie représente moins de 4 500 logements ! Est-ce là le pragmatisme dont vous vous réclamez ? Ne serait-il pas plus pragmatique de faire mieux respecter aux communes leurs obligations et de veiller à ce que les règles soient cohérentes, plutôt que de continuer à empiler les lois en compliquant le travail des acteurs locaux ? S'il fallait une loi, ne devrait-elle pas concerner d'abord les collectivités locales, singulièrement absentes de ce texte ?
La crise financière aura des effets certains sur l'économie, sur l'emploi, sur les conditions de vie de nos concitoyens ; notre devoir est de les protéger. La politique du logement a un rôle éminent à jouer quand les ménages consacrent déjà plus du quart de leurs revenus à se loger ! La récession ne fera qu'aggraver les choses, pourquoi persister avec ce texte décalé ? Le krach financier appelle des solutions de long terme, tournées vers la satisfaction des besoins sociaux prioritaires, en particulier les transports et le logement. Plus de 40 milliards sont mobilisés en quelques jours pour recapitaliser le secteur bancaire, il est donc possible de faire quelque chose !
Pour le logement, vous ponctionnez le 1 %, le Livret A, les organismes HLM, mais vous désengagez toujours plus l'État ! Près de 800 millions du 1 % seront affectés à l'Anru et à l'Anah, soit 250 millions de plus que la somme investie par l'État dans l'aide à la pierre. Comment les collectivités locales et les organismes HLM pourront-ils assumer leurs missions, avec de telles restrictions ? Le Président de la République nous dit qu'il faut se serrer la ceinture, et nous apprenons, au détour d'un rapport de l'Assemblée nationale, que les avantages du bouclier fiscal vont principalement aux ménages les plus aisés... Vous appelez à la mobilisation pour le logement, mais vous voulez diminuer encore l'obligation faite aux maires par l'article 55 de la loi SRU ! Et que nous réserve votre collectif budgétaire ? Que l'État rachètera bientôt leurs invendus aux promoteurs, quand bien même ces logements seraient inadaptés à la demande ?
M. Guy Fischer. - Scandaleux !
Mme Dominique Voynet. - Madame la ministre, vous nous disiez, il y a un an, qu'il n'y aurait pas de loi Boutin. Vous n'avez pas tenu parole : je ne vous en blâme pas ; mais ce qui est grave, c'est que votre loi n'est ni souple, ni opérationnelle !
Avant d'être élu, le Président de la République faisait l'apologie des prêts immobiliers hypothécaires, désormais bien connus sous le nom de « subprime » ; il y a renoncé depuis, c'est une bonne chose, mais sans remettre en cause cette idée que tout le monde devrait devenir propriétaire de son logement, ce qui n'est certainement pas la panacée !
Si vous recherchez une grande ambition, je vous en propose une : la rénovation énergétique de l'habitat. Il y a tout à faire ; M. Borloo et Mme Kosciusko-Morizet vous épauleront, et vous y trouverez de quoi satisfaire votre volonté de changement et votre souci de justice : les ménages modestes sont étranglés par les charges de maisons passoires.
Répondre à la crise du logement aurait pu justifier une loi de plus, mais là encore, votre texte ne dit rien, désespérément rien ! Il se borne à accentuer le désengagement de l'État et à faire régresser la mixité sociale de l'habitat : c'est pourquoi je vous propose de ne pas poursuivre son examen. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique Braye, rapporteur. - Je commencerai par un rappel au Règlement. Autant nous avons mis le plaidoyer pro domo de Mme Pasquet, sur le compte de son inexpérience dans cet hémicycle, autant nous ne pouvons croire que Mme Voynet ignore qu'une motion de procédure doit apporter des éléments matériels relatifs à la procédure, en se gardant de reprendre la discussion générale : vous dévoyez notre Règlement intérieur ! (Exclamations à gauche) Il y a là peut-être l'une des raisons qui éloignent de notre hémicycle certains de nos collègues exaspérés par ce type de logorrhée ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
Tous les arguments sont acceptables, mais il est odieux, en revanche, de déformer les propos exprimés dans cet hémicycle même ! C'est ce que vous faites, en affirmant que je me serais inscrit en faux contre ce texte. J'ai critiqué l'article 17, mais pour souligner aussitôt que ces critiques ne rendaient pas ce texte illégitime, parce qu'il améliorera l'offre de logement, parce qu'il poursuit des réformes antérieures et parce qu'il s'inscrit dans la RGPP. Vous êtes peut-être habituée à déformer les propos ailleurs, mais ce n'est pas l'usage ici !
Ce texte est connu depuis le mois de juillet, chacun a pu en prendre connaissance et travailler dans des conditions acceptables ; j'en veux pour preuve le nombre d'amendements déposés avant même la publication du rapport.
Sur le fond, je ne comprends pas pourquoi nous ne devrions pas parler du logement, étant donné la crise que nous subissons, directement liée à l'inaction de nos prédécesseurs entre 1997 et 2002 (Exclamations à gauche)
En 1999, 38 000 logements construits, et vous osez reprocher à la ministre de n'en faire que 80 000 ! (Protestations à gauche) Si nous sommes dans la situation actuelle, c'est à cause de ce que vous n'avez pas fait entre 1997 et 2002, malgré un taux de croissance inégalé depuis vingt ans. (Applaudissements à droite)
Voix sur les bancs socialistes. - C'est vous qui l'avez plombée, la croissance !
M. Dominique Braye. - Ce projet de loi apporte des dispositions bienvenues qui permettent de stimuler les acteurs et de créer les conditions propices au développement d'une offre supplémentaire de logement. Il est vrai que le contexte budgétaire est tendu -ce qui n'était pas le cas entre 1997 et 2002- et que nous devons faire attention à l'équilibre de nos finances publiques. Ce projet de loi est attentif à ce contexte macroéconomique et s'appuie sur de nombreuses mesures juridiques. Toutes ces raisons ont conduit votre commission des affaires économiques à émettre un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements à droite)
Mme Christine Boutin, ministre. - Vous laissez entendre que nous voudrions faire de la France un pays de propriétaires. Cela n'a jamais été la volonté du Président de la République ni la mienne : notre objectif, c'est 70 % de propriétaires, non 100 %. Par ailleurs, vous ne semblez pas avoir conscience du blocage dans la chaîne du logement. Nous allons libérer 9 000 logements dont les locataires ont des revenus doubles du plafond de ressources requis. Cela peut paraître mineur, mais un logement libéré, c'est une famille en attente logée, et pour moi, c'est très important.
Vous évoquez la rénovation énergétique. Mais tout ne peut être dans la loi et je m'étonne, connaissant votre expérience, que vous n'ayez pas eu connaissance du prêt à 1,9 %que j'ai obtenu pour la rénovation énergétique des HLM. Je m'en préoccupe donc, comme je m'en préoccupe pour les familles modestes. (Applaudissements à droite)
M. Guy Fischer. - Nous souscrivons évidemment aux arguments de notre collègue Voynet, tendant à opposer la question préalable.
La volonté de réduire les engagements budgétaires de l'État est manifeste : moins 7 % !
A l'article premier, les conventions d'utilité sociale visent à renforcer, par la vente de logements sociaux, l'autofinancement des organismes bailleurs sociaux : 100 millions d'autofinancement de plus, c'est toujours 100 millions de subventions Plis ou PLI à verser en moins et c'est l'objectif de cet article premier.
A l'article 2, le Gouvernement entend mutualiser de 60 à 100 millions d'euros par an, prélevés sur la trésorerie du mouvement HLM. Mais quels offices HLM ont des réserves de trésorerie ? J'ai siégé pendant trente ans dans celui du Rhône, présidé par Michel Mercier : il n'en a jamais eues !
M. Dominique Braye, rapporteur. - Parce qu'il construisait, celui-là !
M. Guy Fischer. - .A l'article 3, le racket des fonds du 1 % est spectaculaire. L'expérience de la seconde partie du 1 % logement, celle consacrée au financement des aides personnelles, est éclairante : depuis plusieurs années la progression naturelle de la cotisation due par les entreprises au titre de l'aide au logement compense l'insuffisance chronique de la dotation budgétaire. Et, en plus, vous diminuez régulièrement l'APL en jouant sur le barème. La budgétisation des fonds du 1 %, proposition du rapport Attali, nourrie par une campagne de presse opportune, ne va rien ajouter au financement du logement social. Il y a beaucoup à dire sur la gestion du 1 %logement, mais l'opacité que certains invoquent ne semble pas plus épaisse que celle qui présidera, demain, à la débudgétisation intégrale des crédits actuellement financés par l'impôt ! L'article 3, ce n'est pas un centime d'euro de plus pour le logement ! Et comment ne pas trouver étrange que les deniers publics qui semblent si difficiles à trouver dans le cadre de la mission Ville et Logement, véritable chapitre réservoir de la régulation budgétaire, soient soudain si disponibles quand il s'agit de sauver les promoteurs immobiliers aux prises avec leurs stocks d'invendus ! Comment accepter que les promoteurs sociaux soient chargés de sauver Nexity et tous ceux qui ont gaspillé des milliards ! (Applaudissements à gauche) A Lyon, je connais des quartiers entiers qui ont été construits et qui ne se vendent pas. Vous déplorez que le cursus résidentiel soit bloqué. Mais si les gens restent dans leur HLM, c'est que leur pouvoir d'achat diminue ! Pendant ce temps, les loyers explosent : ceux de l'Opac du Rhône augmentent deux fois par an, plus que l'inflation.
Sans hésiter, nous voterons cette motion. (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe socialiste, la motion n°519 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 15 octobre 2008 à 15 heures.
La séance est levée à 1 h 15.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du Mercredi 15 octobre 2008
Séance publique
À 15 HEURES,
1. Discussion du projet de loi (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de finances rectificative pour le financement de l'économie ;
Rapport (2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
LE SOIR
2. Désignation des trente-six membres de la mission commune d'analyse et de réflexion sur l'organisation des collectivités territoriales et l'évolution de la décentralisation ;
3. Suite de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ;
Rapport (n° 8, 2008-2009) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Avis (n° 10, 2008-2009) de Mme Brigitte Bout, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 11, 2008-2009) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
_____________________________
DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- Mme Brigitte Bout un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008).
- M. Philippe Dallier un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008).
- M. Philippe Richert une proposition de loi concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'État.
- M. Yves Détraigne une proposition de loi visant à laisser libres les heures de sorties des patients en arrêt de travail pour une affection cancéreuse.
- M. Yves Détraigne une proposition de loi visant à encadrer la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association.
- M. Yves Détraigne une proposition de loi visant à garantir le droit d'expression de tous les élus locaux.
- Mme Esther Sittler une proposition de loi relative à la déclaration domiciliaire.
- MM. Charles Pasqua, Jean-Paul Alduy, René Beaumont, Michel Bécot, Laurent Béteille, Paul Blanc, Auguste Cazalet, Éric Doligé, Philippe Dominati et Jean François-Poncet, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gournac, André Lardeux, Jacques Legendre, Gérard Longuet, Pierre Martin, Alain Milon et Rémy Pointereau, une proposition de loi visant à confier à des conseillers territoriaux l'administration des départements et des régions.
- M. Jean-Claude Carle une proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.
- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
- M. le Premier Ministre un projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers (urgence déclarée).