SÉANCE

du jeudi 29 mai 2008

86e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Christian Poncelet

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Prix des carburants

M. Yves Krattinger .  - Le prix des carburants bat des records : le fioul a augmenté de 50 % en un an, le diesel de 30 %, l'essence de 20 %. Pour le gaz, le Gouvernement a décidé de deux hausses, de 10 % en tout. L'énergie devient un produit de luxe ! Résultat, le pouvoir d'achat et le moral des ménages descendent aux enfers ! (Exclamations à droite) Certains de nos concitoyens achètent désormais le fioul par bidon de cinq litres !

Un retraité agricole sacrifie deux mois et demi de sa pension mensuelle de 700 euros pour remplir sa cuve de 1 000 litres ! Pendant ce temps, les compagnies pétrolières amplifient leurs profits : le bénéfice net de Total au premier trimestre 2008, en hausse de 9 %, dépasse les 3 milliards, et les rémunérations des patrons du CAC 40 ont augmenté de 58 % en 2007 !

Le Président de la République a annoncé une réévaluation de 50 euros de la prime à la cuve, financée par les surplus aléatoires de TVA sur les produits pétroliers (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame), au lieu de taxer les superprofits des compagnies pétrolières, les stock-options exorbitantes et la spéculation financière. Résultat, c'est l'État, dont le déficit vient d'être revu à la hausse de 10 milliards par la Cour des Comptes, qui va devoir mettre la main à la poche ! Autrement dit les Français !

Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour les millions de Français qui utilisent leur voiture pour aller travailler ? Vous avez refusé le « chèque transport », qui mettrait à la charge des entreprises une partie significative des frais de déplacement entre domicile et lieu de travail.

M. le président.  - La question !

M. Yves Krattinger.  - Madame la ministre, se chauffer et se déplacer sont des droits fondamentaux. Il ne suffit pas d'inviter nos concitoyens à faire du vélo ! (Exclamations à droite, où l'on s'impatiente) Le désespoir risque de gagner d'autres secteurs, marins pêcheurs, routiers, agriculteurs, taxis.... Madame la ministre, il y a urgence ! Qu'allez-vous faire ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bonne question !

M. le président.  - Vous avez dépassé votre temps de parole de 52 secondes !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je vais vous indiquer ce que fait le Gouvernement pour le pouvoir d'achat des ménages, et en particulier concernant le prix du carburant...

M. Robert Hue.  - Ça ne va pas prendre longtemps ! (Rires à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre.  - ...ainsi que sur la façon dont les Français peuvent utiliser leur pouvoir d'achat.

Le prix du baril a augmenté de 30 % depuis le 1er janvier. Première réponse, de court terme : le Président de la République a proposé de consacrer les 160 millions de plus-values de TVA -seule taxe assise sur la valeur et non sur le volume- aux ménages les plus touchés par la hausse des prix. Deuxième réponse, de long terme, et je parle ici sous le contrôle de Jean-Louis Borloo et de Nathalie Kosciusko-Morizet : nous voulons orienter l'argent de la recherche vers les énergies de demain. Nos efforts dans les années 70 ont fait de la France le leader mondial pour l'énergie nucléaire...

M. René-Pierre Signé.  - C'est nul !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous devons aujourd'hui faire de même en matière d'énergies renouvelables. C'est la responsabilité de ceux qui sont aux commandes. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame)

S'agissant du pouvoir d'achat, nous privilégions deux axes : d'abord, permettre aux Français de travailler plus... (Exclamations à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Pour gagner moins !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Aujourd'hui, six entreprises sur dix utilisent le mécanisme des heures supplémentaires, et 80 % des entreprises de plus de cinq cents salariés.

M. David Assouline.  - Total fait 10 milliards de bénéfices !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Deuxième axe, le projet de loi de modernisation de l'économie, qui vous sera bientôt présenté... (Exclamations à gauche)

M. Charles Gautier.  - Ça !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Attendez donc de voir le texte ! (Applaudissements à droite) Il s'agit de favoriser la concurrence pour faire baisser les prix. J'espère que nous serons tous au rendez-vous pour voter une mesure favorable aux Français ! (Applaudissements nourris à droite)

Permanence des soins

M. Philippe Arnaud .  - Le 14 mai, de nombreux malades accompagnés de leurs proches ont manifesté à Angoulême pour « la défense d'une cancérologie ouverte, pluraliste et de qualité ». Ils exprimaient ainsi leur désarroi après le dépôt de bilan de deux cancérologues libéraux d'une clinique. En effet, la convention qui liait ces médecins à l'hôpital public pour l'utilisation du matériel de radiologie a pris fin le 29 février sans être renouvelée, pour des raisons purement locales. Cette rupture de soins, brutale et sans préavis, touchait tout de même trois cents patients de Charente ! Certes, et heureusement, grâce au sens des responsabilités des acteurs locaux du secteur hospitalier comme du secteur privé, un « groupement de coopération sanitaire » est actuellement en cours de constitution. Cet exemple est significatif car il peut survenir n'importe où en France.

Madame la ministre de la santé, pouvez-vous m'assurer que l'État, au travers de vos services, et l'assurance maladie favoriseront la mise en place de ce groupement de coopération sanitaire et ne seront pas source de complications et de retards, comme c'est parfois le cas ? De quels moyens disposez-vous pour répondre à ce genre de situation et assurer la permanence des soins si, par exemple, les acteurs locaux, publics et privés, ne s'entendent pas ? Enfin, on ne peut exclure le cas où, même dans un groupement de coopération sanitaire, il y ait carence d'un praticien spécialisé : là encore, de quels moyens disposez-vous pour pourvoir à son remplacement, ne serait-ce que temporaire ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative .  - En effet, du fait de la fermeture d'un site privé à Angoulême, des tensions -c'est un euphémisme- sont apparues entre la clinique Sainte-Marie et le centre hospitalier de la ville. Immédiatement, j'ai demandé à la directrice de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de réunir les partenaires privés et publics pour les enjoindre de créer un groupement de coopération sanitaire, en particulier pour la chimiothérapie et la radiothérapie. J'ai également demandé, pour les quatre-vingt malades traités par chimiothérapie, l'élaboration d'un protocole transitoire si bien que tous ont été pris en charge par le centre hospitalier et qu'ils n'ont souffert d'aucune rupture.

Le groupement de coopération est en cours d'élaboration, grâce au concours de tous les praticiens, publics et privés, et, surtout, grâce à l'action admirable de la directrice de l'ARH. Le protocole transitoire est également en cours d'élaboration. Je salue cette coopération qui préfigure le processus que je proposerai dans le projet de loi « Santé, patients et territoires », que je vous présenterai à l'automne. Cet exemple prouve que, pour assurer la continuité des soins, il est toujours possible qu'un établissement public mette à disposition d'une structure privée des médecins et du personnel et c'est l'Agence régionale de l'hospitalisation qui est garante de la permanence des soins. (Applaudissements à droite et au centre)

Publicité sur la télévision publique

M. Jack Ralite .  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Ma question s'adresse au Premier ministre.

Le 8 janvier, le Président de la République annonce, avec une feinte désinvolture, la suppression de la publicité sur la télévision publique. Sans concertation. Aucune !

Le 16 février, il crée une commission pour réfléchir au « nouveau modèle de télévision publique », présidée par Jean-François Copé, et la compose de personnalités qu'il choisit pour leur compétence.

Le 21 mai, la commission présente des hypothèses de financement alternatif, notamment une augmentation très modeste de la redevance.

Le 27 mai, le Président de la République réplique : « Je vous le dis : c'est non ! ».

L'arrogance présidentielle (indignation à droite), en plein arbitraire, déprécie, méprise et désavoue la commission désormais devenue « incompétente ». En ces temps de révision constitutionnelle, le Président décide sans jamais débattre, engage et démissionne à son gré, pose des questions et ordonne la réponse. C'est la démocratie au plafond bas. Comme le héros de Molière, « j'enrage ».

Ce mauvais coup est à plus longue portée. La commission préconisait des taxes sur les fournisseurs d'accès interne et les opérateurs télécoms. Mais l'Europe a prévenu de son opposition à pareille solution. Les chaînes privées récupéreront la manne publicitaire. Le service public de la télévision, déstabilisé le 8 janvier, n'a plus de visibilité sur ses ressources. Il est à un moment brèche de son histoire : on nous annonçait son renouvellement, c'est son déclin qui est programmé, le privé se tricotant un bel avenir soutenu par l'Élysée. L'esprit des affaires l'emporte sur les affaires de l'esprit. (Exclamations à droite) C'est le règne de la loterie du marché. A cela, moi aussi « je vous le dis, c'est non ! ». J'exerce la fonction du refus à l'étage voulu. C'est l'heure exacte de la conscience.

Monsieur le Premier ministre, voilà cinquante ans que la télévision publique fait visage jusque dans le plus petit village et dans le plus modeste logement. Elle est comme une maison commune, détentrice d'une grande part de la mémoire et de l'imaginaire de notre pays.

M. le président.  - La question !

M. Jack Ralite.  - Une telle richesse, pour ne pas avoir de « retard d'avenir », doit se mettre en état d'alerte et, autour d'elle, y mettre la société française. C'est ce que font nombre d'associations en se réunissant le 2 juin et le personnel de la télévision qui sera en grève le 18 juin. Une fois la commission Copé démissionnée par son auteur, la « globale-manipulation » du Président de la République a éclaté. (« La question ! » à droite)

Monsieur le Premier ministre, je vous demande de revenir sur la suppression de la publicité et d'organiser d'urgence un débat parlementaire.

Et à la droite si discourtoise et si bruyante, je signale que tous les membres de la commission, y compris ceux de droite, sont, comme moi, « enragés » ! (Applaudissements vifs et prolongés à gauche)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication .  - Le Président de la République n'a pas annoncé cette réforme avec désinvolture mais avec conviction et avec une vraie ambition culturelle, celle d'une télévision d'encore plus grande qualité, qui ne serait plus soumise à la dictature de l'audimat, laquelle repousse les meilleurs programmes en fin de soirée. La commission Copé, composée en partie de parlementaires, travaille, elle procède à de multiples auditions et a déjà fait des propositions de suppression partielle de la publicité et une nouvelle organisation de France télévisions.

En outre, l'approche dite « global media » est très importante, puisqu'il y va de la présence française sur Internet avec, notamment, la possibilité de podcaster des émissions.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Parlez français !

Mme Christine Albanel, ministre.  - La commission a proposé plusieurs pistes de financement, qui ont toutes en commun de compenser les pertes publicitaires, puisque les 450 millions d'euros seront là en tout état de cause, dans le respect du contrat d'objectifs et de moyens.

La hausse de la redevance est souhaitée par les opérateurs, non par les Français.

M. Dominique Braye.  - Bravo !

Mme Christine Albanel, ministre.  - Ainsi, le Président de la République tient ses engagements. Je souhaite que la commission poursuive son travail au service d'une excellente ambition collective. (Applaudissements à droite ; à gauche, on évoque « Dallas »)

Sort des chrétiens d'Irak

M. Bernard Seillier .  - La guerre civile qui fait rage en Irak touche cruellement et quotidiennement un peuple tout entier. Depuis l'invasion américaine, les chrétiens d'Irak, accusés d'avoir la même religion que les soldats d'occupation, subissent une forme d'épuration religieuse. Les plus aisés partent vers l'Europe ou les États-Unis ; les plus déshérités survivent dans des conditions scandaleuses après avoir fui vers des pays voisins ; ceux qui restent sur place subissent un véritable martyre, avec des enlèvements et parfois des mariages forcés à des musulmans. La récente mort en captivité de l'archevêque de Mossoul montre qu'il n'y a pas de limite à l'horreur.

Je sais que la situation vous inquiète, monsieur le ministre. Un éventuel transfert massif de ces chrétiens vers l'Occident serait une mauvaise solution, qui donnerait raison aux islamistes. Leur regroupement dans une province autonome du Nord irakien enfermerait cette communauté dans un ghetto, sans la mettre à l'abri des violences.

Que compte faire la France, qui prendra prochainement la présidence de l'Union européenne, pour trouver une solution pour cette situation intenable ?

Le Président de la République a fait de la diversité religieuse un préalable à la fin des conflits qui ensanglantent le monde arabo-musulman. Ne serait-il envisageable d'organiser une conférence pour cette communauté, présente en Irak depuis l'origine de la chrétienté et garante de son ouverture sur le monde ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Vous avez raison d'attirer l'attention sur le sort cruel fait aux chaldéens et à l'ensemble des chrétiens d'Irak. Toutes les communautés de ce pays sont visées, particulièrement celle des chrétiens, qui étaient environ 1 300 000 en 1980, mais seulement 400 000 aujourd'hui. Les exactions sont fréquentes et les fuites à l'étranger sont quotidiennes.

Les chrétiens ont fui d'abord vers les pays voisins, notamment la Syrie et la Jordanie, qui ont fait de très grands efforts pour les accueillir et où ils ont été pris en charge par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Pour avoir rencontré, il y a quelques mois, Sa Béatitude le patriarche chaldéen d'Irak, je sais que le Nord du pays abrite nombre de chrétiens. Un religieux de haut rang y a récemment été enlevé, torturé et tué. La France a donc l'intention d'y ouvrir bientôt un consulat dans cette région car, avec M. Hortefeux, nous avons décidé d'accueillir ces réfugiés, dont 400 sont déjà arrivés. D'autres suivront. Tous devraient vivre en Irak, mais c'est malheureusement impossible dans la situation actuelle. Nous allons donc augmenter, comme la Suède, notre capacité d'accueil, qui était trop faible.

L'Irak n'est pas le seul pays en cause : au Moyen-Orient, la persécution des chrétiens est -hélas !- devenue tristement habituelle. (Applaudissements à droite et au centre)

Prix des carburants

M. Henri de Richemont .  - (Applaudissements à droite) L'augmentation du prix des carburants a provoqué la grève des marins pêcheurs, mais 500 entreprises de transport routier ont disparu depuis le 1er janvier. Pour elles, le prix du gazole représente 30 % du chiffre d'affaires, contre 25 % il y a six mois, alors qu'elles ne peuvent répercuter les augmentations de prix.

Affecter l'augmentation de la TVA pétrolière à un fonds spécial devant aider les secteurs les plus touchés, c'est fort bien, mais tous les Français sont touchés par la hausse du prix des carburants.

La France prendra prochainement la présidence de l'Union européenne. Entend-elle oeuvrer à plafonner le taux de TVA au niveau communautaire, afin d'éviter que tous nos compatriotes -les professionnels de la route et les simples usagers- ne voient leur pouvoir d'achat trop amputé par l'augmentation des prix des carburants ? (Applaudissements à droite)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi   - Il est vrai que le prix du fioul s'est accru de 80 % en douze mois, avec une hausse de 30 % depuis le 1er janvier.

Plusieurs actions sont en cours. Les ministres sont à la manoeuvre et nous sommes ouverts à toutes les propositions.

Le premier axe de réponse concerne l'Opep, qui n'a pas beaucoup investi dans la production, la recherche et le raffinage. J'ai saisi les membres du « G7 finances » pour que les pays consommateurs coordonnent leurs positions face à l'Opep. Le même courrier a été envoyé aux membres du G20, non pour constituer une entente, mais pour améliorer la concertation.

Le deuxième axe d'action concerne le chauffage. J'associe Mme Boutin à la reconduction de la prime à la cuve créée l'hiver dernier. Elle atteindra 200 euros cet hiver pour aider les ménages les plus défavorisés.

En outre, il existe deux tarifs de gaz et d'électricité, afin que les ménages les plus démunis aient accès à une énergie moins chère.

S'agissant des transports, M. Bussereau...

M. Robert Hue.  - C'est le palmarès de Cannes !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - ... présentera un amendement au projet de loi de modernisation de l'économie, pour que les entreprises qui supportent une facture de fuel de plus en plus lourde puissent répercuter sur leurs clients entreprises le coût de ces hausses : des sanctions pénales sont prévues pour les co-contractants qui refuseraient cette répercussion. Voilà de meilleures pistes que la TIPP flottante : on l'agite à tout propos mais elle est inefficace et illisible. (Applaudissements à droite)

Livre blanc sur la défense

M. Didier Boulaud . - Le Livre blanc sur la défense qui vient d'être rendu public inquiète les Français et tout particulièrement les milieux militaires. Cette idéologie d'alignement sur les Etats-Unis de George Bush contredit un consensus de plus de cinquante ans dans notre pays, tous présidents de la République confondus. Présence en Afghanistan, base militaire à Abu Dhabi,... : pourquoi ne pas attendre plutôt la fin de la calamiteuse présidence Bush afin de connaître la nouvelle ligne américaine ? Je déplore aussi l'habillage qui masque une baisse des crédits et une révision de la carte militaire se traduisant par une suppression de mainte implantation. On nous sert une fois de plus le fameux « Les caisses sont vides » pour réduire le format des armées et privilégier une sécurité au rabais. Comment la ministre de la défense Mme Alliot-Marie a-t-elle pu avoir l'audace, pendant cinq ans, d'annoncer que tout allait bien, madame la marquise, et ce avec la bénédiction de sa majorité -la même qu'aujourd'hui ? Pourquoi les crédits ouverts en 2006 et 2007 sont-ils si difficiles à trouver aujourd'hui ? Pourquoi ce tsunami budgétaire ? Comment des installations hier indispensables ont-elles pu devenir en si peu de temps superflues ? En réalité, il s'agit maintenant de solder l'ère Chirac-Alliot-Marie-Sarkozy.

Le Parlement se prononcera-t-il, par un vote, sur ce Livre blanc qui engage l'avenir de notre défense, de notre économie, de nos emplois ? En outre, les fermetures de sites vont saigner à blanc nombre de nos territoires : allez-vous en décider seul, monsieur le ministre, dans le secret de votre cabinet, ou les élus locaux seront-ils consultés ? (« Cinq minutes ! » et « La question ! » à droite)

M. le président.  - Terminez, monsieur Boulaud !

M. Didier Boulaud.  - Y aura-t-il concertation ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense .  - Que de questions ! Monsieur Boulaud, vous étiez membre de la commission du Livre blanc et avez participé à ses travaux. (Rires à droite)

M. Dominique Braye.  - Démasqué !

M. Didier Boulaud.  - J'ai démissionné.

M. Hervé Morin, ministre.  - Il y a quelques semaines seulement. (On s'esclaffe à droite) Les menaces sur la sécurité du pays ont évolué...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En une année ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Un des risques importants est la vulnérabilité informatique. Or on ne répond pas aux cyberattaques avec des blindés et de l'artillerie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mais l'an dernier, si ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Les risques essentiels de déstabilisation se situent entre la Mauritanie et le golfe d'Aden. Nous avons donc besoin de moyens d'action et de réactivité dans cette zone. En revanche, les risques d'une invasion de notre territoire sont moindres. Il nous faut mettre l'effort sur la reconnaissance et l'observation ; et adapter notre outil de défense.

M. Dominique Braye.  - Les temps changent.

M. René-Pierre Signé.  - En un an ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous l'avons bien vu lors de la guerre de Golfe, où notre réponse n'a pas été adaptée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Qui a eu lieu l'an dernier comme chacun sait.

M. le président.  - Monsieur le ministre, concluez.

M. Hervé Morin, ministre.  - Il y aura un débat au Parlement après l'adoption par le conseil des ministres du Livre blanc.

MM. Didier Boulaud et Charles Gautier.  - Suivi d'un vote ?

M. Hervé Morin, ministre.  - S'agissant de la carte militaire, je rencontre les élus de tous les départements concernés, afin d'étudier les conséquences et les compensations possibles aux fermetures. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René-Pierre Signé.  - Il n'a pas répondu !

Cinquième risque

M. Marc Laménie .  - D'ici 2015, la France comptera entre 1,3 et 2 millions de plus de 85 ans ; vers 2025, avec l'arrivée au grand âge des générations du baby-boom, la question se posera de manière encore plus aiguë.

Or dès aujourd'hui, nos aînés sont confrontés à de lourdes difficultés. En milieu rural, ils sont trop isolés pour pouvoir rester chez eux mais ne trouvent pas de place pour eux dans les maisons de retraite... où le reste à charge, très élevé, met à mal le budget de leur famille.

Le Président de la République souhaite une meilleure prise en compte des capacités contributives des personnes, en particulier de leur patrimoine. Madame la ministre, vous avez reçu hier, avec M. Xavier Bertrand, les membres du conseil de la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie, puis vous avez été auditionnée par la mission d'information commune de notre Haute assemblée sur la création du cinquième risque, dépendance ou perte d'autonomie.

Quels sont les axes que le Gouvernement entend proposer pour la mise en oeuvre de ce cinquième risque de la protection sociale ? (Applaudissements à droite)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité .  - Vous avez raison de souligner les difficultés des familles confrontées à la perte d'autonomie. Il faut traiter cet enjeu et le Président de la République a décidé la création d'un cinquième risque de sécurité sociale...

M. René-Pierre Signé.  - Payé par les départements !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.  - Nous l'avons présenté hier devant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et les membres de la mission sénatoriale d'information. Chacun doit avoir la liberté de choix entre rester à son domicile ou entrer en établissement, ce qui suppose un droit universel à compensation, quel que soit l'âge de la personne. Pour accueillir ceux qui ne veulent ou ne peuvent plus rester à domicile, il faut créer des places en établissement.

Cependant le reste à charge est insoutenable et 80 % des personnes concernées n'arrivent pas à le couvrir. Nous souhaitons une solution solidaire, juste et équilibrée. La solidarité nationale en formera un socle élevé, que pourra compléter la prévoyance individuelle ou collective.

Le patrimoine fait partie du débat : ne serait-il pas équitable que ceux qui en ont un important participent au financement ? Là aussi, la liberté de choix sera respectée grâce à une contribution volontaire.

Une concertation va s'engager avec les associations, les conseils généraux, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et les parlementaires. Un texte de loi sera ainsi élaboré avant la fin de l'année après un vaste travail partagé pour les familles confrontées au problème de la dépendance. Nous aurons alors relevé le défi pour les générations futures et dans l'intérêt général. (Applaudissements à droite et au centre)

Salariés sans papiers

Mme Alima Boumediene-Thiery .  - Dans le cadre de votre politique de coopération et d'accords bilatéraux de gestion des flux migratoires, vous organisez une immigration économique au détriment de l'immigration familiale. Vous accordez des visas à des étrangers bardés de diplômes et fermez la porte aux autres. Vous vous défendez de pratiquer le pillage des cerveaux mais de quoi s'agit-il d'autre ? Vous tenez un discours volontariste sur une immigration élitiste tout en refusant de reconnaître les droits des étrangers.

La carence de main-d'oeuvre dans le bâtiment et la restauration explique la présence de sans-papiers. Plutôt que d'aller trier les hommes dans les pays pauvres suivant des méthodes coloniales, pourquoi ne pas reconnaître leurs droits ? Ces milliers d'étrangers se lèvent tôt, mais ils restent invisibles ; ils contribuent au développement économique, mais ils sont corvéables à merci.

Le 15 avril, le courageux mouvement des sans-papiers a fait sortir de l'ombre ces salariés et ces femmes employées dans les services à la personne, tout en montrant que leur activité répond à un besoin social -l'opinion publique le reconnaît.

Vous vous êtes engagé à un examen de leur situation au cas par cas, ce qui laisse un pouvoir discrétionnaire aux préfets : sur un millier de dossiers déposés, on compte soixante-dix régularisations effectives. Le 19 mai, le ministère a estimé que ses consignes n'avaient pas été comprises. Cependant les règles sont claires : il faut disposer d'un contrat de travail, de trois bulletins de salaire et d'un engagement de l'employeur. Or ce processus simplifié est loin d'être appliqué dans toutes les préfectures. Allez-vous, monsieur le ministre, mettre un terme à tous les abus, donner des instructions claires aux préfets et leur demander de ne plus piéger les étrangers qu'on arrête après qu'ils ont déposé le dossier indiquant leur adresse ? (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire .  - Vous avez évoqué deux sujets. Je vous remercie de me donner l'occasion de souligner qu'en l'espace de moins d'un an, nous avons signé cinq accords de gestion concertée des flux migratoires, et cela continuera dans les mois qui viennent. Cela signifie -ce que vos avez omis de dire- que, du Sénégal au Congo ou au Bénin et du Gabon à la Tunisie, la nouvelle politique française de l'immigration est comprise et appréciée par les pays qui constituent des terres d'émigration. Deux immigrés en Europe sur trois viennent en effet d'Afrique.

Vous avez ensuite abordé un sujet sensible, celui des travailleurs sans papiers. Nous sommes un État de droit et les règles doivent s'appliquer. Une personne en situation irrégulière a vocation à être reconduite à la frontière, sauf cas particulier humanitaire, social ou, oui, économique. Le contraire serait injuste pour les étrangers en situation régulière qui ont le droit de bénéficier d'un effort d'intégration.

Les critères ont été définis par la loi de novembre dont l'article 40 démontre justement la capacité d'anticipation du Gouvernement. Ils sont plus précis que vous ne l'avez dit : il doit s'agir de métiers sous tension et de zones spécifiques, le Pas-de-Calais n'est pas le Cantal. Il faut présenter un contrat de travail et que l'employeur s'engage à acquitter les taxes -certains semblent avoir espéré profiter d'un effet d'aubaine.

Vos informations ne sont pas à jour : sur un millier de dossiers déposés, 250 ont été acceptés. Le Premier ministre avait annoncé que cela se limiterait à quelques centaines, par souci de justice à l'égard des immigrés réguliers.

Alors que nous demandons à tous nos concitoyens de respecter les lois, il serait surprenant qu'elles ne s'appliquent pas à ceux qui, venus sans autorisation ni titre de séjour, ont trouvé un travail avec des papiers falsifiés, obtenus par de véritables filières : il n'y a pas, il n'y aura pas de prime à l'illégalité ! (Vifs applaudissements à droite et au centre)

Liaison TGV Montpellier-Perpignan

M. Raymond Couderc .  - Monsieur le ministre d'État, vous présentiez, le 30 avril, le projet de loi d'orientation visant à mettre en oeuvre les conclusions du Grenelle de l'environnement, annonçant notamment la création de 2 000 kilomètres de lignes TGV supplémentaires d'ici 2020 et confirmant celle reliant Montpellier à Perpignan. Je vous remercie d'avoir conféré un caractère prioritaire à cette ligne, alors que sa réalisation a longtemps été repoussée.

La ligne TGV Montpellier-Perpignan renforcera l'intégration européenne, car elle était le chaînon manquant de la liaison Séville-Amsterdam, et elle dynamisera l'Union méditerranéenne, qui ne saurait se passer d'un réseau de transport performant.

Monsieur le ministre d'État, comptez-vous inscrire ce projet à l'ordre du jour d'un prochain Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires ? Ensuite, comment allez-vous améliorer la densité et la qualité de la desserte des villes moyennes situées entre Montpellier et Perpignan, en particulier Béziers, pour éviter une dégradation des dessertes comparable à celle observée pour certaines villes situées entre Paris et Strasbourg lors de la mise en service du TGV Est ?

Enfin, suite au débat public organisé en 2007 et relatif aux transports sur l'arc languedocien, comment comptez-vous accélérer la mise en place de cette ligne, prévue pour 2020 seulement ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire .  - La ligne TGV entre Montpellier et Perpignan est un élément d'un vaste plan d'ensemble, qui inclut également les voies fluviales, routières, et encore les lignes régionales. La France, vous le rappelez, est un pays de transit, l'enjeu est la mobilité des Européens : nous l'avons constaté en perçant le tunnel de Figueras. Quant aux dessertes locales, nous les renforçons avec des gares nouvelles sur l'arc languedocien, je me rendrai prochainement sur le site. L'accord entre toutes les parties accélèrera le processus, pour une réalisation complète, je l'espère, dès 2015. (Applaudissements à droite et au centre)

Prévention de l'alcoolisme chez les jeunes

M. Gérard Cornu .  - (Applaudissements à droite) Madame la ministre de la santé, la presse et des études de santé rapportent que si l'alcoolisme chez les adultes régresse dans notre pays, ce phénomène frappe beaucoup plus tôt et beaucoup plus fort les préadolescents. Un nouveau type de consommation d'alcool se répand, appelé par les jeunes « Biture express » et qui est extrêmement inquiétant.

Dès 12 ans, des jeunes se réunissent en petits groupes dans des endroits isolés et ingurgitent d'énormes quantités d'alcool en un temps record, pour atteindre un état d'ivresse extrême. Certains sont admis aux urgences en état de quasi-coma éthylique. Les ravages de ce type d'alcoolisation diffèrent de ce que l'on appelle l'alcoolisation dépendance, mais cette consommation par ces enfants annonce probablement une dépendance future.

Nous, élus nationaux et élus locaux, parents et éducateurs, nous nous alertons de ce nouveau fait de société : notre devoir est de lutter contre l'alcoolisation des plus jeunes, de trouver des formes de prévention qui soient à la hauteur, pour contrer un phénomène aussi grave.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que ces très jeunes adolescents, dont l'organisme est encore en pleine croissance, prennent conscience des ravages immédiats de ce type de consommation ? (Applaudissements à droite, au centre et sur certains bancs à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative .  - L'alcoolisme recule effectivement, y compris chez les moins de 25 ans, mais ce reflux s'accompagne du phénomène nouveau et très préoccupant, appelé en Grande-Bretagne le binch drinking. Il est très étendu : 57 % des jeunes de 17 ans auraient déjà bu une fois au moins de cette façon, et 10 % au moins douze fois dans les douze derniers mois.

Avec M. Borloo, nous avons pris un ensemble de mesures pour renforcer la prévention, comme la pose d'éthylomètres dans les lieux sensibles que sont, par exemple, les boîtes de nuit. Nous voulons renforcer l'interdiction de la vente d'alcool aux mineurs : elle est interdite dans les débits de boissons mais tolérée cependant dès 16 ans pour les boissons de catégories 1 et 2 et autorisée dans les lieux de vente à emporter ; nous voulons que toute vente d'alcool soit interdite aux mineurs. Nous voulons également interdire le système des « open bar », consistant en un paiement forfaitaire d'un alcool dont la consommation se trouve, de ce fait, illimitée. Nous voulons encadrer la vente d'alcool dans les vitrines réfrigérées et l'interdire dans les stations-services.

Toutes ces mesures d'interdiction doivent évidemment être accompagnées de campagnes d'information et de prévention. Nous allons ouvrir les consultations de prévention des conduites addictives aux jeunes concernés par la consommation d'alcool et je lancerai en septembre une grande campagne pour les sensibiliser aux dangers du binch drinking. (Applaudissements au centre et à droite)

Prochaine séance, mardi 3 juin 2008, à 10 heures.

La séance est levée à 16 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 3 juin 2008

Séance publique

À 10 HEURES,

Questions orales.

À 16 heures et le soir

Discussion du projet de loi (n° 314, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.

Rapport (n° 347, 2007-2008) de M. Jacques Gautier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Discussion du projet de loi (n° 308, 2006-2007) portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale.

Rapport (n° 326, 2007-2008) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

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DÉPÔT

La Présidence a reçu de M. Pierre Martin un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de MM. Jean-François Humbert, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Christian Demuynck, Alain Dufaut, Jean-Paul Émin, Bernard Fournier, Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Philippe Richert et Jacques Valade, visant à encadrer la profession d'agent sportif et modifiant le code du sport (n° 310, 2007-2008).