Opérations spatiales (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux opérations spatiales.
Discussion générale
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - L'année 2008 est pour nous riche en évènements : le vol du Français Léopold Eyharts sur la station spatiale internationale ; le lancement au mois de mars de l'ATV Jules Verne, puis l'amarrage automatique de ce « cargo de l'espace » ; la mise en orbite du satellite « Giove B », nouvelle étape du projet Galileo. Le 15 juin prochain sera lancé le satellite « Jason 2 », fruit de la collaboration entre le Centre national d'études spatiales (Cnes) et la Nasa, pour améliorer la connaissance du système océanique et permettre des prévisions climatiques à long terme. Bref, l'espace est moins un outil de puissance entre États rivaux que le lieu d'innovations considérables.
Ce n'est pas un rêve de grandeur ni une ambition démesurée qui fonde notre politique spatiale, mais la volonté d'améliorer concrètement la vie quotidienne de nos concitoyens. Du téléphone aux soins à distance, de l'internet à la météo, à chaque minute, nous avons besoin d'un outil né des industries spatiales. Que d'innovations ainsi engendrées ! Combien nos vies seraient transformées si les satellites cessaient de fonctionner ! Au-delà de ses enjeux techniques et stratégiques, la politique spatiale a une forte dimension économique et sociale.
Le développement extraordinaire de ces activités nous impose de définir un cadre juridique neuf. Le professionnalisme des opérateurs européens pourrait nous faire oublier les risques. Mais les objets dans l'espace extra-atmosphérique, comme les opérateurs qui en ont la charge, se sont multipliés. Les opérations spatiales ne sont plus exclusivement sous le contrôle de l'État ; des opérateurs privés sont apparus.
Il convient de s'assurer de la capacité de tous les opérateurs à mener à bien leurs entreprises. Les demandeurs devront désormais fournir des garanties techniques, financières et morales : l'activité ne souffre ni amateurisme, ni négligence, ni improvisation.
Nous clarifions aussi le régime de responsabilité, l'État n'ayant pas à supporter les risques relevant d'opérations conduites par des opérateurs privés. Ni ces derniers à supporter la charge, potentiellement très lourde, de dommages éventuels. Le projet de loi visait donc un point d'équilibre parce qu'un environnement sûr est indispensable pour le développement économique.
Je salue la qualité du travail des parlementaires, l'Assemblée nationale s'étant inscrite dans la droite ligne des travaux du Sénat. Avec la distinction entre phase de lancement et phase de maîtrise de l'objet spatial et le partage des responsabilités qu'elle induit, les opérateurs de satellites pourront demeurer leur propre assureur lorsque leurs satellites sont en position stationnaire, c'est-à-dire ne présentent pas de risques majeurs pour leur environnement. Le texte reste mesuré quant aux nouvelles obligations des opérateurs : l'État se bornera à s'assurer de strictes conditions de sécurité, l'expertise du Cnes préservant l'autonomie nécessaire des opérateurs.
La réglementation technique à laquelle ceux-ci devront se conformer sera élaborée dans le dialogue et la concertation. Ce texte équilibré concilie respect des obligations internationales, garantie des intérêts de l'État, sécurité et clarté juridiques. La France continuera ainsi à tenir son rang, le premier en Europe, dans le domaine spatial. Votre commission a, à l'unanimité, voté l'adoption conforme du texte transmis par l'Assemblée nationale. Si vous confirmez cette position, la loi s'appliquera très rapidement. Monsieur le rapporteur, vous avez pris connaissance des avant-projets de décrets ; je m'engage à poursuivre ce travail de concertation.
L'adoption rapide est d'autant plus souhaitable que la France va bientôt assurer la présidence de l'Union européenne dont l'un des enjeux sera la consolidation de la politique spatiale. Les 21 et 22 juillet prochain, je réunirai nos partenaires européens à Kourou pour faire progresser l'Europe spatiale ! La France a toujours construit sa politique spatiale dans un cadre élargi. Depuis 1973, le programme Ariane nous a prouvé combien une coopération enthousiaste et efficace en matière spatiale était susceptible de placer la France au premier rang, de promouvoir la paix et le progrès de l'humanité auxquels l'Europe est attachée.
En février dernier, le Président de la République a souligné l'importance qu'il y avait à créer de véritables infrastructures européennes. Le projet de loi pose les fondations juridiques pour que la France puisse accueillir ces infrastructures. Il contribue à entretenir l'espoir chez les nombreuses générations qui ont assisté, émerveillées, aux étapes successives de la conquête spatiale, chez tous ceux qui croient en l'avenir et en la science, qui ont foi dans la France et dans l'Europe. (Applaudissements à droite)
M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques. - En commençant mon propos, j'ai une pensée pour notre collègue député Christian Cabal avec lequel j'ai rendu, il y a un an, un rapport dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Christian Cabal nous a quittés le 25 mars dernier, lui qui, à titre professionnel puis en tant que parlementaire, se passionnait depuis tant d'années pour l'espace et n'avait cessé d'appeler l'attention sur l'importance stratégique des activités spatiales. Il nous manquera beaucoup.
M. Daniel Raoul. - Très bien !
M. Henri Revol, rapporteur. - Le projet de loi qui nous revient en deuxième lecture, après avoir été examiné par le Sénat le 16 janvier dernier et par l'Assemblée nationale le 9 avril, ne concerne pas les utilisations spatiales mais seulement les opérations spatiales, c'est-à-dire le lancement d'objets spatiaux, le contrôle de ceux-ci une fois dans l'espace extra-atmosphérique et, le cas échéant, le retour sur terre.
Les opérations spatiales conduites à partir de notre sol ne sont aujourd'hui soumises à aucun encadrement national, alors même que tout accident pourrait avoir des conséquences financières très lourdes pour le Trésor public. Notre pays serait alors considéré comme « État de lancement », c'est-à-dire comme État responsable, ainsi que le stipule le traité du 27 janvier 1967 qu'a complété une convention internationale de 1972. Aussi le projet de loi met-il en place un système d'autorisation pour toutes les opérations spatiales susceptibles d'engager la responsabilité de l'État.
En outre nous voulons améliorer la compétitivité économique du « site France » qui figure aux tout premiers rangs mondiaux des activités de la filière spatiale grâce à des opérateurs compétents, conscients de leurs responsabilités et des risques de leurs activités.
Le système d'autorisation ne désavantage pas nos entreprises car la plupart des autres pays, à commencer par les États-Unis, en ont mis en place. La détention d'une autorisation permet aussi à l'opérateur de bénéficier de la garantie de l'État français pour les dommages au cas où les victimes se retourneraient non contre l'État mais contre l'entreprise. Cette garantie qui joue au-delà de 60 millions d'euros est tout à fait soutenable par les opérateurs.
L'essentiel des amendements que nous avons adoptés en janvier dernier procédait de ce souci de préserver la compétitivité de nos opérateurs et du site de Kourou. Afin d'introduire plus de souplesse dans le dispositif, nous avions permis que les licences d'opérateur vaillent autorisation de procéder à des opérations et nous avions prévu une consultation des opérateurs avant que ne leur soient imposées des prescriptions administratives pouvant aller jusqu'à la destruction d'un objet spatial.
Avec le rapporteur à l'Assemblée nationale, Pierre Lasbordes, nous avons réalisé un tour de table approfondi de l'ensemble des acteurs concernés et des intérêts en présence. L'insuffisance de concertation était en effet le « péché originel » de ce projet de loi quelque peu technocratique inspiré par un rapport du Conseil d'État fort pertinent mais trop en amont des applications pratiques.
Je sais également gré à Pierre Lasbordes de m'avoir consulté sur chacun des projets d'amendements avant leur présentation en commission à l'Assemblée, ce qui a permis des échanges fructueux qui ont tenu compte de l'avancement des projets de décrets d'application en cours de rédaction, lesquels conditionnaient la portée de la loi en déterminant les contrôles ou les conditions d'obtention des autorisations et des licences.
L'Assemblée nationale a apporté quatre modifications de fond.
Elle a défini les différentes phases d'une opération en précisant que la phase de lancement prenait fin en principe lors de la séparation du lanceur et de l'objet destiné à être lancé. La phase de maîtrise d'un objet spatial, qui lui succède, se termine soit à la fin de la désorbitation de l'objet, soit en cas de perte de contrôle de l'objet, soit à l'occasion de son retour sur terre ou de sa désintégration complète dans l'atmosphère. Ces précisions déterminent la responsabilité des différents acteurs. Il est de surcroît prévu que ces définitions puissent être adaptées par l'administration lors de la délivrance de l'autorisation afin de tenir compte de la spécificité de certaines opérations.
Poursuivant l'oeuvre de simplification du Sénat, s'agissant de l'obligation d'assurance ou de garantie financière, l'Assemblée a permis qu'en dehors des phases de lancement ou de manoeuvre de l'objet spatial, l'opérateur puisse être son propre assureur.
La troisième modification concerne la durée pendant laquelle l'opérateur est responsable des dommages du fait de l'opération. La responsabilité se trouve «?? canalisée » sur lui non seulement pendant l'opération mais aussi pour un fait dommageable survenu longtemps après l'opération, un mauvais lancement ou une mauvaise mise en orbite pouvant en effet causer des dommages après leur survenance. Cette modification est justifiée dès lors que les opérateurs ne sont plus tenus de payer en permanence une prime d'assurance.
La dernière modification devrait satisfaire nos collègues socialistes qui s'étaient émus du positionnement du Cnes par rapport au ministère. Afin de lever toute ambiguïté quant aux pouvoirs de police du Cnes à Kourou, l'Assemblée a remplacé la formule « le président du Cnes peut recevoir délégation du ministre chargé de l'espace » par les mots « le président du Cnes peut, par délégation de l'autorité administrative » prendre les mesures de sécurité. Votre commission est favorable à cette précision, d'autant plus que le président du Cnes pourra prendre toutes les mesures, y compris en cas d'urgence ou si un danger survenait lors d'un changement de ministre, pendant la période intermédiaire où l'autorisation précédente ne serait plus valable.
Dans le même esprit, l'Assemblée a précisé que les pouvoirs de contrôle technique du président du Cnes ne sont pas exercés « à la demande du ministre » mais « par délégation de celui-ci ». La formule ménage l'existence du ministre comme autorité d'appel tout en confortant le Cnes, illustration de l'excellence spatiale française.
Au terme de ces travaux, une fois l'enrichissement législatif nécessaire apporté, l'attention doit désormais se concentrer sur la finalisation des décrets. Madame la ministre, vous vous êtes ici-même engagée à ce que la préparation des décrets d'application soit entreprise parallèlement à la navette législative : où en sommes-nous ?
Je regrette que la garantie bénéficie à tous les opérateurs français ou étrangers qui font envoyer un satellite depuis Kourou alors que, lors de lancement menés depuis l'étranger, les opérateurs français sont bien sûrs les seuls à être soumis à un système d'autorisation français.
M. Daniel Raoul. - C'est vrai !
M. Henri Revol, rapporteur. - Cette asymétrie n'a pu être corrigée, les nouvelles règles d'irrecevabilité financière empêchant une telle modification législative sans l'accord du Gouvernement.
Malgré ce regret, l'adoption et la promulgation rapides de ce texte sont indispensables. Elles nous permettront d'être prêts fin 2008 pour accompagner l'accueil historique des fusées de conception russe Soyouz et des lanceurs italiens Vega. Le bon déroulement des opérations exige en effet que soient clairement définies les responsabilités et prérogatives de chacun des acteurs.
Estimant que le travail législatif est parvenu à un équilibre tout à fait satisfaisant, votre commission des affaires économiques vous propose d'adopter le projet de loi relatif aux opérations spatiales sans modification. (Applaudissements à droite)
M. Daniel Raoul. - Le projet de loi que nous examinons vise à combler le vide juridique actuel dans le domaine spatial mis en évidence par le Conseil d'État dans son rapport de 2006 intitulé Pour une politique juridique des activités spatiales.
Ce projet de loi est essentiel, et la majorité de ses dispositions fait l'objet d'un consensus. Bien que quelques améliorations aient été apportées lors de la première lecture à l'Assemblée nationale sur certains points sensibles, des zones d'ombre subsistent.
Les évolutions des vingt dernières années imposent la mise en place d'un régime juridique national en phase avec les conventions internationales. Du fait des bouleversements technologiques, entraînant un développement des communications, dans un contexte de libéralisation économique, l'exploitation commerciale de l'espace se développe. L'apparition de nombreux opérateurs privés rend nécessaire un cadre juridique clair et contraignant, établissant des contraintes de sécurité et de sûreté -allant jusqu'à la destruction de l'objet satellisé- et permettant d'identifier les responsabilités en cas d'accidents.
Dans cette optique, ce texte satisfait globalement le groupe socialiste. Certaines réserves subsistent, mais je suis persuadé que le rapporteur et la ministre les lèveront. Le Sénat a, en première lecture, assoupli le régime des autorisations prévu par l'article 4 afin que l'autorité administrative puisse délivrer des licences attestant non seulement des garanties morales, financières et professionnelles, mais aussi de la conformité des systèmes et des procédures avec la réglementation technique. Parallèlement à cette nouvelle forme de certification technique, il a prévu que soient attribuées des licences valant autorisation. Nous n'étions guère favorables à ce type d'assouplissement et préférions le projet de loi initial, fidèle aux préconisations du Conseil d'État. Le régime d'autorisation s'en trouve banalisé.
Je ne suis pas défavorable à la simplification des procédures administratives, mais je demeure perplexe sur le fait que ces licences puissent « valoir autorisation pour certaines opérations ». Les opérations de lancement, de changement d'orbite ou certaines manipulations d'objets, qui peuvent comporter des risques importants, ne doivent-elles pas systématiquement faire l'objet d'une autorisation spécifique ? Une telle banalisation du régime d'autorisations suppose de faire confiance à des opérateurs « bien connus » auxquels on accorderait ainsi une forme d'autorisation permanente. Or, pourquoi ce secteur demeurerait-il ad vitam aeternam à l'abri des OPA et des changements de main entre opérateurs moins bien connus ?
Le rapporteur à l'Assemblée nationale, Pierre Lasbordes, explique dans son rapport que les opérateurs s'inquiètent des « risques de rigidité ou de retard que les dispositions introduites en matière d'autorisation pouvaient introduire dans la pratique actuelle, dans un domaine concurrentiel où l'appréciation des délais est fondamentale ». Ce n'est pas pour me rassurer. Les opérateurs demanderont toujours plus de simplification, de suppression des réglementations qu'ils considèrent comme autant d'entraves. Devons-nous être si libéraux dans un domaine où la sécurité est en jeu ? Dans le contexte actuel de déréglementation, le Conseil d'Etat estime que l'État doit « s'assurer la capacité de contrôler les opérations spatiales, alors même qu'elles ont vocation, de plus en plus, à être exercées par des acteurs privés ».
De surcroît, cher rapporteur, vous comptez sur les décrets d'application pour rendre clairs et prévisibles pour les opérateurs ces cas où les licences vaudront effectivement autorisation. Et vous écrivez : « Il pourrait aussi être opportun de s'approcher le plus possible d'un dispositif simple dans lequel les licences vaudraient autorisation dans la quasi-totalité des cas ». Ce qui apparaît dans le projet de loi comme une procédure limitée serait alors généralisé. Pour cette raison, j'aimerais disposer de précisions quant au contenu des décrets. Que faut-il entendre par « certaines opérations » pour lesquelles la licence vaudrait autorisation ? Si des garanties me sont données, je pourrai retirer mon amendement.
L'idée que l'on accorderait ce type de régime préférentiel à des « opérateurs connus », selon le rapporteur, ou à des « opérateurs qui auraient pignon sur rue », selon la ministre, et qui pour cette raison seraient hors de soupçon ne va pas de soi. Lorsqu'ils étaient en majorité publics, le contrôle de l'Etat s'exerçait « naturellement ». La privatisation de la plupart des acteurs, l'arrivée de nouveaux opérateurs privés exigent de fixer des normes strictes en matière de sécurité, voire de sûreté. Le rapport d'études consacré à l'évolution du droit de l'espace en France, réalisé en 2003 sous l'égide du ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies, soulignait que « les systèmes privés et commerciaux [...] doivent faire l'objet d'une autorisation préalable délivrée par les pouvoirs publics afin notamment de garantir le respect : des engagements et responsabilités internationaux de la France ; des textes relatifs à la défense et à la sécurité nationale [...] ; -des droits fondamentaux du citoyen ». Toute économie civilisée est fondée sur le respect de normes, sur l'acceptation de contraintes pesant sur les acteurs privés. Évitons dans un domaine aussi stratégique que l'espace une libéralisation débridée. Le risque, au final, est que toutes les licences accordées valent autorisation. Monsieur le rapporteur, j'espère que vous allez me rassurer : je demande une explication de texte.
Les risques encourus sont d'autant plus réels que de nouveaux assouplissements ont été introduits par le rapporteur à l'Assemblée nationale, au prétexte de donner « une véritable compétitivité juridique à nos entreprises spatiales ». Que faut-il entendre par là ? La loi, qui défend l'intérêt général contre une concurrence acharnée et déloyale, n'est pas forcément l'ennemie de la compétitivité de nos entreprises. Nos opérateurs spatiaux sont compétitifs : vous venez de rappeler, madame le ministre, leurs succès. Les contraintes administratives ne sont donc pas à ce point pénalisantes. Et le risque de délocalisation dans ce secteur n'est pas avéré.
Les contraintes administratives ne sont pas toujours synonymes de perte de compétitivité. Le rapporteur à l'Assemblée nationale a introduit une modification à l'article 13, qui reporte sur l'État la responsabilité de certains dommages causés par l'opérateur. Cette responsabilité pourrait donc être engagée en cas de dommages créés du fait du défaut d'un opérateur à se soumettre à ses obligations ? N'est-ce pas là inciter à une forme de laxisme ? Madame le ministre, vous étiez vous-même défavorable à cette disposition.
Il s'agit de déterminer quel degré de souplesse on doit accorder aux opérateurs privés alors qu'il en émerge de plus en plus et que l'État se désengage du capital des acteurs historiques. Cette perte d'influence et de contrôle ne doit-elle pas se traduire par un renforcement du cadre législatif en faveur de l'intérêt général ? Malgré ces quelques interrogations de fond, je me félicite des avancées obtenues à l'Assemblée nationale, grâce en particulier à notre collègue députée Chantal Berthelot dont l'un des amendements, prévoyant que le président du Cnes détienne ses pouvoirs en matière de sécurité en vertu d'une délégation de plein droit et non optionnelle, a été adopté en commission. Nous avions déposé un sous-amendement avec le même objet lors de la première lecture, mais c'était en janvier, les esprits devaient être plus gelés... (Sourires) Les députés ont été plus sages que les sénateurs, une fois n'est pas coutume !
Pour conclure, il est nécessaire, non seulement de préserver le rôle du Cnes, mais également de lui donner les moyens nécessaires à son développement. A Kourou, le 11 février dernier, le Président de la République déclarait : « Il est essentiel, je dirais même vital, pour la France de conserver quoi qu'il arrive et en toutes circonstances un accès autonome à l'espace. Il en va de notre indépendance stratégique. » Comment cela serait-il possible sans renforcer le Cnes, dont la dette à l'égard de l'Agence spatiale européenne reste préoccupante ?
Il est urgent de régler ce problème. Les enjeux du moment appellent une réponse française et européenne. J'espère que la présidence de l'Union permettra à la France de réaffirmer son rôle de pionnier de la politique spatiale.
Dans l'attente de précisions du rapporteur et de la ministre, je réserve un vote qui sera sans doute positif.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Je veux d'abord remercier votre rapporteur du travail riche et approfondi qu'il a accompli en concertation avec son homologue de l'Assemblée nationale pour aboutir à un texte équilibré apportant les garanties nécessaires et la sécurité juridique. Je souhaite également m'associer à l'hommage rendu à Christian Cabal, trop tôt disparu, qui alliait connaissance et passion.
Vous regrettez l'absence de concertation qui a présidé à l'élaboration du projet. Je n'aurai pas l'inélégance de rappeler qu'il a été déposé avant que je prenne mes fonctions car, dès qu'il a été inscrit à l'ordre du jour, j'ai engagé la concertation et notre collaboration a été fructueuse.
Vous savez combien je suis attentive à ce que la loi s'applique dans les meilleurs délais. C'est pourquoi j'avais demandé à mes services de travailler aux avant-projets de décret -vous en avez été destinataire. Dès que ce texte aura été adopté, cet après-midi, je l'espère, nous nous attacherons à les finaliser et vous serez associés à ce travail, qui porte sur les autorisations, le pouvoir de police du Cnes et la surveillance des exploitants ainsi que sur les demandes d'opération spatiale.
Vous avez regretté que la garantie de l'État bénéficie à tous les opérateurs dont les satellites partent de Kourou mais pas aux opérateurs français intervenant à l'étranger alors qu'ils sont soumis à la même autorisation : cette asymétrie trouve son fondement dans l'article 6 du traité du 27 janvier 1967. De surcroît, il n'y a pas de raison de garantir des opérations qui contribuent à la prospérité d'un pays tiers. Enfin, comme ceux-ci offrent des garanties similaires, notre compétitivité n'en souffre pas : une telle disposition serait de peu d'effet.
M. Raoul s'est inquiété de ce que la licence puisse valoir autorisation pour certaines opérations. Il n'y aura pas de blanc-seing pour les opérations particulièrement dangereuses mais, pour le maintien en orbite, la licence peut valoir autorisation à des opérateurs bien connus et au professionnalisme éprouvé, l'autorité administrative conservant toujours la capacité de retirer la licence.
Vous insistez sur le respect à la vie privée et je partage votre point de vue. Vous serez informés de l'avancement du projet de décret d'utilisation des images et je serai heureuse d'entendre vos remarques.
S'agissant de la compétitivité juridique, dont a parlé M. Lasbordes, il s'agissait de trouver un cadre juridique évitant des contraintes inutiles et des tracasseries administratives. Le texte issu de la discussion parlementaire est équilibré.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Les articles premier et 2 sont adoptés.
Article 4
Les autorisations de lancement, de maîtrise et de transfert de la maîtrise d'un objet spatial lancé et de retour sur Terre sont délivrées après vérification, par l'autorité administrative, des garanties morales, financières et professionnelles du demandeur et, le cas échéant, de ses actionnaires, et de la conformité des systèmes et procédures qu'il entend mettre en oeuvre avec la réglementation technique édictée, notamment dans l'intérêt de la sécurité des personnes et des biens et de la protection de la santé publique et de l'environnement.
Les autorisations ne peuvent être accordées lorsque les opérations en vue desquelles elles sont sollicitées sont, eu égard notamment aux systèmes dont la mise en oeuvre est envisagée, de nature à compromettre les intérêts de la défense nationale ou le respect par la France de ses engagements internationaux.
Des licences attestant, pour une durée déterminée, qu'un opérateur spatial justifie des garanties morales, financières et professionnelles peuvent être délivrées par l'autorité administrative compétente en matière d'autorisations. Ces licences peuvent également attester la conformité des systèmes et procédures mentionnés au premier alinéa avec la réglementation technique édictée. Elles peuvent enfin valoir autorisation pour certaines opérations.
Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. Il précise notamment :
1° Les renseignements et documents à fournir à l'appui des demandes d'autorisation et la procédure de délivrance de ces autorisations ;
2° L'autorité administrative compétente pour délivrer les autorisations et pour édicter la réglementation technique mentionnée au premier alinéa ;
3° Les conditions dans lesquelles peuvent être délivrées les licences mentionnées au troisième alinéa ainsi que les modalités selon lesquelles le bénéficiaire d'une licence informe l'autorité administrative des opérations spatiales auxquelles il procède ;
4° Les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut dispenser le demandeur de tout ou partie du contrôle de conformité prévu au premier alinéa, lorsqu'une autorisation est sollicitée en vue d'une opération devant être conduite à partir du territoire d'un État étranger ou de moyens et d'installations placés sous la juridiction d'un État étranger et que les engagements nationaux ou internationaux, la législation et la pratique de cet État comportent des garanties suffisantes en matière de sécurité des personnes et des biens, de protection de la santé publique et de l'environnement, et de responsabilité.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer la dernière phrase du troisième alinéa de cet article.
M. Daniel Raoul. - J'ai défendu cet amendement dans la discussion générale. Ayant entendu la ministre nous expliquer que la licence ne vaudrait pas autorisation systématique pour le lancement mais pour le maintien en orbite, je vais le retirer. Je saisis l'occasion de revenir sur le 3e de l'article premier. Ne croyez-vous pas qu'il est superflu de préciser qu'il s'applique à « l'espace extra-atmosphérique y compris la lune » ? Cette rédaction me laisse pantois.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Vous avez raison de souligner l'étrangeté de cette rédaction, mais elle reprend des textes internationaux.
L'amendement n°1 est retiré.
L'article 4 est adopté.
Les articles 6, 7, 11, 13, 14, 21, 22, 24, 28 et 30 sont adoptés
Interventions sur l'ensemble
M. Jacques Gautier. - Les votes montrent que nous en étions tous conscients : il était temps pour la France de se doter de sa propre législation en matière spatiale, conforme à son rôle mondial et à son premier rang européen. Outil de développement économique et facteur d'autonomie de décision et d'action, l'espace constitue un objectif stratégique.
L'explosion des télécommunications et la télévision par satellite comme le formidable succès d'Ariane ont fait considérablement augmenter la demande, tandis que l'ouverture de la base de lancement guyanaise à d'autres opérateurs rend encore plus nécessaire la définition d'un cadre adapté à l'ensemble des situations. L'espace s'impose à tous et les citoyens en sont convaincus : cette loi spatiale est essentielle.
Je salue le travail du rapporteur dont la grande compétence a contribué à l'élaboration d'un texte équilibré et qui reçoit le soutient du groupe UMP. Je donne également acte à la ministre de son engagement et de la concertation qu'elle a menée. (Applaudissements à droite)
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Prochaine séance, mardi 27 mai 2008 à 16 heures.
La séance est levée à 16 heures.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 27 mai 2008
Séance publique
À 16 HEURES ET LE SOIR,
Discussion du projet de loi (n° 288, 2006-2007) relatif à la responsabilité environnementale (urgence déclarée).
Rapport (n° 348, 2007-2008) de M. Jean Bizet, fait au nom de la commission des affaires économiques.