Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-sept questions orales.

La question orale n° 217 de M. Philippe Richert est retirée de l'ordre du jour de la présente séance, à la demande de son auteur.

Accompagnement des patients par les firmes pharmaceutiques

M. Jean Boyer, en remplacement de Mme Anne-Marie Payet.  - La question de Mme Payet porte sur les programmes dits d'accompagnement des patients par les firmes pharmaceutiques. Les conclusions d'un récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) rejoignent celles du collectif Europe et Médicament qui, depuis plusieurs mois, dénonce les dangers de l'intervention de ces firmes auprès des patients. Mme Payet s'inquiète donc de la déclaration de Mme la ministre de la santé devant les députés, le 5 février, selon laquelle « la mise en place de tels programmes à destination des patients et financés par l'industrie pharmaceutique pourrait permettre une meilleure prise en charge des patients, à condition de préserver leur droits ». Elle s'interroge sur l'efficacité réelle des mesures d'encadrement qui pourraient être instaurées et voudrait connaître la position de la ministre sur ce dossier.

Les motivations commerciales des firmes pharmaceutiques sont trop évidentes pour qu'on leur laisse la latitude d'approcher les patients sous prétexte « d'aide à l'observance ». L'interdiction de tout contact, direct ou indirect, entre firmes et patients doit être absolument maintenue et ces programmes d'aide à l'observance ou d'accompagnement devraient être formellement interdits, y compris sous leur forme actuelle. L'Igas estime en effet qu'ils constituent une forme déguisée de publicité directe auprès du public pour des médicaments de prescription et qu'ils sont essentiellement motivés par des considérations économiques. En outre, ils portent très souvent sur des médicaments insuffisamment évalués alors qu'il en existe de mieux tolérés, de moins coûteux et de plus pratiques.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine du médicament, examiné au Parlement à partir de janvier 2007, a habilité le Gouvernement à prendre une ordonnance portant sur l'encadrement des programmes d'aide à l'observance des traitements médicamenteux. Cependant, les débats au Parlement et les consultations auxquelles les services du ministère ont procédé ont montré que le sujet n'était pas encore mûr. Le Gouvernement de l'époque a donc accepté la suppression de cette partie du projet de loi. Il s'est également engagé à saisir l'inspection générale des affaires sociales afin d'être éclairé sur le dossier. En outre, lors de la discussion au Sénat, le 24 janvier 2007, M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a pris l'initiative d'entamer une réflexion globale sur le sujet, en rencontrant l'ensemble des acteurs et en expertisant leurs points de vue, afin d'aboutir au dépôt d'une proposition de loi.

Le rapport de l'Igas souligne que l'éducation thérapeutique des patients nécessite l'intervention du médecin ou de l'équipe soignante de proximité, que cette éducation est essentielle mais qu'en pratique, elle demeure parfois insuffisante.

La loi santé publique de 2004 impose aux pouvoirs publics d'assurer l'information et l'éducation à la santé ; l'État a une mission d'organisation du système de santé. Selon le rapport de l'Igas, l'information doit être essentiellement dispensée par la Haute autorité mais, dans certains cas très exceptionnels, des programmes financés par l'industrie pharmaceutique sont susceptibles d'assurer une meilleure prise en charge des patients. Il doit s'agir uniquement de l'apprentissage, pour des médicaments d'utilisation complexe, des modes d'administration, des gestes techniques... Et cela, bien sûr, sous le contrôle du médecin.

Un encadrement juridique clarifiera les rôles des différents intervenants et évitera toute ambiguïté entre information, accompagnement et action promotionnelle. En dehors d'une aide ponctuelle et encadrée, nous en sommes bien d'accord, tous les contacts entre les patients et l'industrie pharmaceutique doivent demeurer prohibés.

M. Jean Boyer.  - Je constate que ce délicat problème est pris en compte et que les décisions ne se feront pas sans concertation. Je vous en remercie.

M. René-Pierre Signé.  - Il est urgent d'attendre...

Jeunes footballeurs africains

M. Yannick Bodin.  - Les jeunes footballeurs originaires du continent africain qui sortent de nos centres de formation font souvent l'objet d'une exploitation économique, voire d'un «esclavagisme moderne », pour reprendre les termes utilisés par Raymond Domenech récemment à Ivry-sur-Seine. Les clubs européens comptent de nombreux joueurs africains et leur recrutement a longtemps échappé à tout contrôle rigoureux. Cependant, l'apprentissage de la profession de footballeur répond à des règles strictes en France, celles énoncées dans le code du travail comme celles posées par la Fédération française de football et la Ligue. Je songe à l'interdiction de transfert international des sportifs mineurs, l'interdiction de toute rétribution des agents de mineurs.

De plus, la Convention internationale des droits de l'enfant condamne l'exploitation économique de ceux-ci. La déclaration de Bamako, en 2000, outre l'interdiction de transactions commerciales concernant des joueurs mineurs, exige une préformation dans le pays d'origine jusqu'à 16 ans, la prise en compte de la spécificité sportive dans la délivrance des visas ainsi qu'un respect par les clubs d'accueil de leurs responsabilités juridiques.

Lorsque les joueurs deviennent majeurs, il est du devoir de la République de régulariser leur situation, en leur délivrant, au minimum, un titre de séjour mention « sportif » : ils ont souvent des difficultés à obtenir leur régularisation, quand les clubs ne profitent pas tout simplement de leur précarité administrative ! Ils sont rarement rémunérés au même niveau que leurs collègues et, lorsqu'ils ne signent pas de contrat, ils ne bénéficient pas d'une autre formation. Les joueurs dont les contrats arrivent à échéance ne doivent pas devenir des clandestins, abandonnés de tous, expulsés du jour au lendemain !

Qu'envisagez-vous pour faire respecter les réglementations nationales et la déclaration de Bamako par les clubs, et pour proposer des formations dans les métiers du sport aux joueurs sans contrat à l'issue de l'apprentissage ? Ainsi les jeunes joueurs pourront rentrer la tête haute dans leur pays. C'est une question de dignité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - La France s'est dotée d'une législation protectrice pour les jeunes sportifs. La loi du 28 décembre 1999 a soumis les centres de formation des clubs professionnels à un régime d'agrément destiné à garantir aux jeunes un enseignement scolaire, une formation sportive et un suivi médical de qualité, ainsi que des conditions correctes d'hébergement. Le cahier des charges est établi en concertation entre le ministère et chaque fédération ; il précise également l'effectif maximal des jeunes, la nature des installations sportives, la qualification des personnels d'encadrement... La loi Sport impose aussi une convention entre le jeune sportif et le centre de formation. Une inspection par les directions régionales de la jeunesse et des sports a lieu chaque année.

Dans le football, 32 clubs professionnels ont un centre de formation, accueillant au total 1 768 jeunes joueurs, dont 118 de nationalité étrangère -65 d'entre eux étant nés en France. Tous bénéficient d'une protection identique et le dispositif existant respecte les prescriptions de Bamako. Les jeunes étrangers, à l'issue de leur formation, sont confrontés comme les jeunes Français aux problèmes de recrutement par un club ou de reconversion, sachant que 75 joueurs environ seront retenus chaque saison.

Il peut malheureusement arriver qu'un sportif étranger soit employé par un club de façon irrégulière -plutôt au niveau amateur, rarement au niveau professionnel. De telles situations ne devraient naturellement pas se produire. Au plan européen, la France soutient l'idée du Livre blanc d'une formation s'inscrivant dans la perspective d'une double carrière et dispensée par des centres de formation de qualité, afin de préserver les intérêts moraux, éducatifs et professionnels des jeunes. Nous appuyons fermement l'initiative de la Commission européenne, qui a entamé une réflexion sur la formation des jeunes sportifs. A l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, nous ferons des propositions destinées à protéger l'épanouissement des sportifs.

M. Yannick Bodin.  - Fort bien, mais je vous parle, moi, des bavures ! De ces jeunes que l'on est allé chercher sur le continent africain et que l'on jette dans la clandestinité à l'issue d'une prétendue formation ! Il faut vous mettre en rapport avec votre collègue ministre de l'immigration...

M. Roland Courteau.  - Oui !

M. Yannick Bodin.  - ...afin que l'on n'ait pas comme seule idée en tête, lorsqu'ils sont mis à la porte des clubs, de les expulser de France ! Notre pays a des responsabilités à leur égard, il doit les traiter correctement lorsqu'ils demandent à être régularisés. Il doit leur assurer une formation solide afin qu'ils puissent rentrer chez eux dans la dignité. La loi, nous la connaissons comme vous, mais il faut lutter contre ces mauvaises manières faites à ceux que nous sommes allés chercher, à qui nous avons fait miroiter l'espoir d'une belle carrière et qui deviennent finalement des clandestins.

MM. René-Pierre Signé et Roland Courteau.  - Très bien !

Loi Évin et publicité sur Internet

M. Roland Courteau.  - La loi Évin encadre strictement la publicité pour les boissons alcoolisées. Celle-ci n'est autorisée que sur des supports limitativement énumérés à l'article L.3323-2 du code de la santé publique. Or cette énumération, établie en 1991, ne prenait pas en compte Internet ni les réseaux numériques.

La publicité sur les réseaux numériques et sur Internet a été autorisée sur le fondement de l'interprétation donnée par le Conseil d'État du champ d'application de l'article L.3323-2. Pourtant, cette position équilibrée vient d'être remise en question par deux décisions de justice.

La cour d'appel de Paris a en effet confirmé le 23 février 2008 l'ordonnance de référé rendue le 8 janvier par le tribunal de grande instance : s'en tenant à une interprétation littérale du code de la santé publique, les juges ont estimé qu'Internet ne figurant pas sur la liste limitative des supports autorisés, la publicité n'y était pas admise. Une telle interprétation reviendrait à imposer la fermeture de tous les sites français évoquant un cépage, une appellation, un terroir. Nos producteurs seraient ainsi défavorisés par rapport aux producteurs des pays tiers dont les sites, accessibles en ligne, ne subiraient pas ces contraintes.

C'est pourquoi, le 8 février, j'ai déposé avec mes collègues une proposition de loi procédant à la clarification juridique à laquelle invitaient d'ailleurs les juges et autorisant la publicité sur Internet dans les conditions et selon les règles prévues par le code de la santé publique. Notre texte sera-t-il inscrit à l'ordre du jour ou bien le Gouvernement entend-il prendre d'autres initiatives ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - Internet ne figure pas sur la liste des supports autorisés par la loi Évin. Le tribunal de grande instance et la cour d'appel ont en outre souligné que le site concerné était clairement destiné à la publicité pour Heineken et offrait surtout des jeux et des animations. De telles pratiques, contraires à la loi, sont inacceptables. Les producteurs avaient choisi de considérer que la publicité sur Internet était licite en se fondant sur un avis du bureau de vérification de la publicité, sans portée législative ni juridictionnelle.

Depuis l'arrêt de la cour d'appel, certains s'inquiètent de ce que toute personne faisant de la promotion sur Internet pourrait théoriquement être condamnée. « Théoriquement », car l'arrêt ne concerne pas les sites de vente en ligne et il n'est pas établi qu'une action en justice pourrait prospérer. Il faut en effet être habilité pour ester et l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, qui est à l'origine du recours, est une association responsable : il est peu probable qu'elle attaque le site d'un vigneron indépendant ou d'une région viticole. Dans l'affaire Heineken, le tribunal a fait observer que cette société dispose déjà d'un site de vente en ligne : on peut distinguer entre vente en ligne et publicité.

Cette interprétation n'est toutefois pas juridiquement certaine et la ministre peut comprendre les inquiétudes qui se sont exprimées chez les vignerons. Certains demandent la modernisation de la loi Évin, d'autres une libéralisation de la publicité sur Internet. Je les mets en garde car cette libéralisation profiterait d'abord aux grands groupes industriels plutôt qu'à la filière viticole. De plus, les jeunes, si vulnérables à la publicité, seraient exposés à des spams et autres pop-up alors que toute la littérature scientifique montre l'impact de la publicité sur les comportements d'alcoolisation. Il y a un large consensus pour protéger les jeunes et Mme Bachelot-Narquin va engager une réflexion avec les acteurs concernés.

M. Roland Courteau.  - Si j'ai bien compris, votre réponse est non. Nous sommes éblouis, mais non éclairés. Notre proposition de loi précisait bien qu'il fallait respecter les autres dispositions du code de la santé, notamment sur les indications autorisées, comme cela se fait dans la presse écrite, sur les affiches ou à la radio. Serait-il plus dangereux de consulter Internet que la radio ? Les Français pourront dans le même temps consulter des sites espagnols, australiens ou chiliens. Je cherche la cohérence. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais comprenne qui pourra...

Permanence des soins

M. Jean-Pierre Bel.  - La permanence des soins assure une présence médicale en dehors des heures d'ouverture des cabinets médicaux, la nuit, le week-end et les jours fériés. Le décret du 26 décembre 2006 l'étendait même aux samedis après-midi et aux jours compris entre un week-end et un jour férié -formidable ! Cependant, l'avenant 27 à la convention médicale du 12 janvier 2005 préconise de ramener le nombre de secteurs de garde de 2 500 à 2 000, ce qui pénalise lourdement les départements ruraux, à Gaillac, monsieur le secrétaire d'État, comme en Ariège, où le nombre de secteurs doit passer de dix-neuf à sept. Les médecins ne pourront plus couvrir des secteurs aussi étendus et, surtout en zone de montagne, la qualité du service en pâtira.

Pour rationaliser le système de garde, on nous propose d'économiser 300 000 euros sur les 750 000 euros des astreintes en remplaçant les déplacements des médecins de garde par le transport des patients à leur cabinet, soit par des ambulanciers, pas toujours disponibles, soit par les pompiers, à la charge du Sdis. Le coût serait ainsi assuré pour moitié par la caisse primaire d'assurance maladie et pour moitié par le département. On ne peut reprocher aux collectivités territoriales d'être trop dépensières et leur demander sans cesse de remédier aux carences de l'État pour assurer cette mission de service public qu'est la permanence des soins.

Quelles dispositions prendrez-vous pour que les collectivités, qui contribuent déjà à l'installation des médecins en milieu rural, ne soient pas sollicitées pour assurer efficacement la permanence des soins en milieu rural ? (M. Signé approuve l'orateur)

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - Mme Bachelot-Narquin a tenu à ce que le décret du 26 décembre 2006 se traduise rapidement dans le domaine conventionnel. Il est important que les médecins libéraux qui s'investissent dans cette mission de service public puissent assurer au mieux la permanence des soins en optimisant leur temps et dans le respect de leurs aspirations. Or il arrive souvent qu'un médecin soit mobilisé une nuit entière pour une activité nulle.

La réponse doit être proportionnelle aux besoins. Alors qu'un objectif de 1 500 secteurs avait été retenu en 2005, nous avons fixé la barre à 2 000 secteurs et les seuils ont été revalorisés de 40 % pour les secteurs de montagne. Une mission d'appui pilotée par l'Igas accompagne individuellement les départements : vingt-sept d'entre eux y ont déjà fait appel. De l'avis de tous, là où la permanence des soins a été modernisée, la qualité de la réponse a progressé grâce à ces systèmes gagnant-gagnant.

L'Ariège a bénéficié des facilités offertes aux régions de montagne et la mission d'appui examinera sa situation en juin prochain. Des solutions seront trouvées.

Une bonne collaboration entre tous les acteurs est un atout : c'est l'objectif des agences régionales de santé, dont la création fera l'objet d'un projet de loi à l'automne. Il ne s'agit pas ici de considérations comptables, mais bien d'une nouvelle étape dans l'amélioration de l'organisation de la permanence des soins ambulatoires.

M. René-Pierre Signé.  - Il faudrait déjà récupérer la TVA pour la construction des maisons médicales !

M. Jean-Pierre Bel.  - Mme Massat, députée de l'Ariège, vous avait déjà interrogé sur ce sujet : j'espérais qu'entre-temps il y aurait eu une prise de conscience... Cette question, comme celle de la désertification médicale, suscite une très grande inquiétude sur le terrain. L'État se désengage d'une mission essentielle. Ce constat est d'ailleurs partagé par des membres de la majorité actuelle...

M. Louis de Broissia.  - Et de demain ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Bel.  - La santé publique est un droit. Ne vous en déplaise, des événements graves se produisent parfois la nuit ou le week-end ! Nous ne pouvons pas laisser nos concitoyens victimes de cette discrimination.

M. Louis de Broissia.  - C'est vrai.

M. René-Pierre Signé.  - Bravo.

Réforme des fermages

M. René-Pierre Signé.  - Les exploitants agricoles craignent une modification du calcul des loyers des terres affermées. Les loyers des baux ruraux évoluent actuellement en fonction du revenu de l'activité agricole. Or les bailleurs souhaiteraient que les fermages soient désormais calculés en fonction de l'évolution du prix du foncier.

Les terres et les bâtiments loués sont destinés à une activité professionnelle ; il est donc logique que le revenu agricole reste la référence pour l'indexation des fermages. Peut-on éviter cette modification et s'en tenir à la référence à l'activité agricole ?

M. Roland Courteau.  - Bonne question.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Édicté pour l'essentiel après-guerre, le statut du fermage a fortement contribué au développement de notre agriculture et reste très utilisé. Il faut néanmoins le faire évoluer, de façon raisonnable et pragmatique, car le secteur agricole change.

L'évaluation actuelle du prix des fermages, qui résulte de la loi du 2 janvier 1995, repose sur l'évolution des revenus bruts d'entreprise agricole à l'hectare. Après une légère progression durant les cinq premières années, l'évolution s'est inversée depuis 2000, accentuant une baisse de rémunération pour les propriétaires bailleurs.

Le Gouvernement a donc ouvert le débat. Pourrait être retenu un indice national des fermages composé du revenu net d'entreprise agricole national à l'hectare et de l'évolution annuelle du coût de la vie. L'indexation resterait ainsi liée en partie à l'activité agricole. La concertation n'est pas terminée : nous consultons tout le monde, afin de trouver la meilleure solution.

M. René-Pierre Signé.  - Il y aura donc bien une évolution du statut de fermage. Les loyers doivent pourtant évoluer en fonction de l'activité agricole, pas en fonction du prix du foncier ! Les loyers des logements n'évoluent pas au rythme du mètre carré. Votre réponse va alimenter l'inquiétude des fermiers...

Gelée noire

M. Simon Sutour.  - Dans la nuit du 23 au 24 mars, le phénomène dit de la gelée noire, caractérisé par une faible différence thermique entre le niveau du sol et le sommet des arbres, a touché la quasi-totalité des parcelles agricoles du Gard. Espèce la plus précoce, l'abricotier est le plus atteint, mais les autres arbres fruitiers devront également être surveillés. Les conséquences économiques sont d'ores et déjà considérables : seules 7 000 des 35 000 tonnes d'abricots attendues seront récoltées.

Dans son Livre blanc, la FDSEA du Gard demande que le Comité national d'assurance agricole soit réuni au plus vite et que les critères d'éligibilité soient revus ; que les taux d'indemnisation soient portés de 35 à 45 % ; qu'une véritable assurance récolte soit mise en place, avec une prise en charge des cotisations à hauteur de 45 %, comme en Espagne. A terme, il faut créer une véritable assurance revenu. Le solde calamité agricole 2007 doit également être versé immédiatement.

A l'heure de la présidence française de l'Union européenne, il faut insister pour que les États harmonisent leurs règles sociales et environnementales : la solidarité doit fonctionner de la même façon partout. Quelles sont les intentions du Gouvernement envers les agriculteurs gardois ? Que répondez-vous à la FDSEA ?

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - A la suite du gel survenu dans la nuit du 23 au 24 mars, qui a touché très durement le Gard, mais aussi sept autres départements, je me suis rendu sur place afin de constater les dégâts subis et de témoigner de la solidarité du Gouvernement et des collectivités locales aux professionnels de la filière arboricole.

Des cellules de crise ont immédiatement été mises en place dans ces départements afin d'estimer les pertes, d'analyser les mesures de réparation envisageables et d'étudier au cas par cas les situations les plus fragiles, y compris dans les entreprises d'aval. Les premiers résultats confirment l'intensité des dommages, notamment sur les abricotiers.

La commission nationale des calamités agricoles se réunira le 10 juin prochain. Nous pourrons alors décider des mesures d'urgence et verser les réparations dès le début de l'été. S'agissant du dispositif des calamités agricoles, les taux d'indemnisation seront majorés de dix points pour les exploitants les plus durement frappés. En outre, l'ensemble des dossiers calamités 2007 sont en train d'être soldés : les derniers crédits attendus dans le Gard ont été reçus hier.

Il est essentiel de mieux prendre en compte les aléas économiques, sanitaires ou climatiques auxquels l'agriculture est particulièrement soumise. Nous devons utiliser le bilan de santé de la PAC et les outils que la Commission européenne va annoncer aujourd'hui pour, avec les professionnels, doter notre pays d'un système de gestion de crise, reposant sur un dispositif d'assurance public-privé, financé par une part des crédits de la PAC. Je suis déterminé à mener cette réforme à bien.

A la demande du Président de la République, nous avons, avec Mme Lagarde, posé les bases d'un dispositif de gestion des risques renouvelé, qui pourrait reposer sur l'amélioration de la déduction pour aléa, et sur le développement de l'assurance récolte.

Je vous tiendrai informé des mesures que nous prendrons, en particulier dans le cadre de la nouvelle PAC.

M. Simon Sutour.  - Merci monsieur le ministre, nous sommes très sensibles à ce que vous nous répondiez vous-même. Les crédits calamité agricole pour 2007 sont arrivés dans le Gard hier matin : je m'en réjouis. Le taux est majoré de 10 % pour les agriculteurs en difficulté, c'est une bonne chose. Je me félicite également que vous réunissiez, le 10 juin, le comité national des calamités agricoles. La solidarité agricole doit jouer pour les sept départements touchés par la gelée noire, mais en particulier pour le Gard, d'autant que nous subissons d'autres crises graves, par exemple dans la viticulture.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Simon Sutour.  - Dans mon département, des milliers d'exploitants ont obtenu un moratoire sur le versement de leurs cotisations sociales, c'est dire l'importance de la crise !

Je prends bonne note, enfin, de vos intentions pour la PAC, à l'occasion de la présidence française de l'Union. Je crois qu'il nous faut valoriser la notion d'agriculture méditerranéenne, avec des mesures de soutien spécifiques, seule voie pour que nos régions méridionales aient un avenir agricole, au même titre que d'autres pays méditerranéens.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Lutte contre les campagnols terrestres

M. Gérard Bailly.  - Depuis une trentaine d'années, les ravages du campagnol terrestre vont croissant dans les zones herbagères d'altitude, dans le Jura, mais aussi dans toute la Franche-Comté, en Limousin, en Auvergne, en Midi-Pyrénées et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. La recrudescence des campagnols est liée à la spécialisation rapide des terres en monoculture herbagère, ce qui s'est accompagné d'une simplification des écosystèmes. La pullulation de ces rongeurs a des répercussions économiques importantes sur les exploitations : baisse des rendements et conservation altérée des fourrages, mauvaise qualité de la composition fourragère et régénération coûteuse des prairies, laquelle n'est pas toujours possible quand le terrain est très pentu ou caillouteux.

L'État et les collectivités locales mènent campagne, font des recherches, y compris avec nos voisins suisses, mais le rongeur prospère : monsieur le ministre, où en est-on ? Quel bilan faites-vous de la lutte contre les campagnols terrestres et comment comptez-vous la renforcer ? Existe-t-il d'autre méthode que la chimique, qui a des conséquences sur l'eau et la faune ? Faut-il des actions européennes ? Les éleveurs sont inquiets, d'autant qu'ils n'ont souvent pas d'autre solution que la culture herbagère, celle-là même qui fait la fortune de notre indésirable rongeur ! C'est tout le secteur de la montagne qui est pénalisé !

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Plus la surface herbagère augmente, plus les campagnols se développent et nous devons, pour inverser la tendance, adopter une stratégie durable. Toutes les zones de montagne et de moyenne montagne sont touchées, en France, dans l'Union et en Suisse.

En Franche-Comté, l'État et les collectivités locales ont mobilisé 3 millions d'euros pour un programme pilote entre 2002 et 2006, qui a démontré que la prévention est la meilleure des voies car la lutte chimique, si elle permet d'enrayer temporairement le développement des campagnols, n'interrompt pas leur cycle de reproduction, alors qu'elle n'est pas sans dangers pour les autres espèces animales, en particulier le milan royal. Le programme a identifié les méthodes les plus appropriées de la lutte contre les campagnols : elles allient la lutte chimique aux techniques préventives que sont la pose de pièges et la présence de rapaces, ainsi que des aménagements paysagers. Les services de l'État et les organisations professionnelles agricoles sont d'accord sur la méthode, le réseau des chambres d'agriculture se mobilise pour une gestion collective de ce fléau. La lutte raisonnée que nous mettons en place sera une référence à l'échelle européenne ; nous avons, par exemple, aidé nos voisins espagnols dans leur programme pluriannuel mis en place l'an passé.

La lutte contre un tel fléau requiert une action d'envergure européenne, où la prévention prime sur la réparation, où les réponses soient définies et appliquées à l'échelle de notre continent. La mutualisation est possible, elle vaudra beaucoup mieux que des réponses seulement nationales.

M. Gérard Bailly.  - Merci pour votre réponse ! Cependant, depuis trente ans, les plans de lutte se suivent et les campagnols prospèrent : les éleveurs ont de quoi s'inquiéter ! Les moyens mobilisés suffisent-ils ? Ne peut-on pas envisager de stériliser ces rongeurs ? Les rapaces sont moins nombreux qu'avant, de même que les renards, qu'on a beaucoup détruits et qui nous manquent désormais dans la lutte contre les campagnols. La lutte chimique est donc indispensable à la régulation, il faut la poursuivre, tout en veillant à ce qu'elle ne détruise pas d'autres espèces !

Association des parlements nationaux à l'évaluation d'Eurojust

M. Hubert Haenel.  - Je me félicite de la présence de M. Jouyet. Les parlements nationaux ont obtenu, de haute lutte -je peux en témoigner, ayant été membre de la Convention- une place dans le dispositif des institutions européennes : aménagée par le traité constitutionnel, puis par le traité de Lisbonne, elle ne se réduit pas au simple contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité. Les parlements nationaux ont désormais voix au chapitre dans trois domaines régaliens que sont la justice, la défense et la sécurité : ils contrôlent en effet la politique européenne de sécurité et de défense, ainsi qu'Europol et Eurojust.

Pourquoi y associer les parlements nationaux ? Tout simplement parce que les temps ont changé et que les citoyens l'ont souhaité, comme l'a montré le malheureux référendum sur la Constitution : notre légitimité vaut celle du Parlement européen et de la Commission européenne, les institutions démocratiques nationales et européennes se complètent. M. Delors a qualifié l'Union européenne de « fédération d'État nations », où les États et les nations ne sont pas effacés mais trouvent leur place dans une Union européenne en mouvement.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous, lors de la présidence française, donner corps à la disposition prévue par le traité de Lisbonne, qui prévoit d'associer les parlements nationaux à l'évaluation d'Eurojust ? J'ai déjà posé la question pour Europol il y a quinze jours, la réponse qui m'a été donnée était pour le moins indigente.

On m'a dit qu'il y avait urgence à attendre la ratification, que subsistaient des obstacles que je qualifierai de pseudo-juridiques, bref de la langue de bois. Et pas un mot pour saluer les avancées démocratiques du traité de Lisbonne.

Il est enfin assez curieux que les gouvernements travaillent déjà, et heureusement, sur la mise en place des institutions prévues par le traité ; que le Parlement européen se soit emparé de celui-ci, à juste titre, pour en exploiter toutes les dispositions ; et que les parlements nationaux soient empêchés de le faire parce que les gouvernements et la Commission ne le souhaiteraient pas. (M. de Broissia approuve)

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Je souhaite un bon anniversaire au président Haenel (sourires) que je remercie de sa question. Son propos porte sur un domaine très concret qui est aussi un enjeu politique majeur, l'association des parlements nationaux aux politiques européennes. C'est une vraie conquête démocratique du traité de Lisbonne, qui symbolise la fédération d'États nations qu'il a évoquée.

Le traité a défini un mécanisme de contrôle de la politique d'Europol et permis l'évaluation des activités d'Eurojust par le Parlement européen, auxquels les parlements nationaux sont associés. Dans le cadre de la préparation du nouveau programme quinquennal sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice, qui commencera sous présidence française et s'achèvera sous présidence suédoise, je prends l'engagement au nom du Gouvernement de saisir la Commission pour examiner avec elle les mesures qui peuvent être prises pour mettre en oeuvre les dispositions du traité relatives à l'évaluation d'Eurojust. Les réflexions du Sénat et des autres parlements nationaux seront, dans cette perspective, aussi indispensables que précieuses. Les parlements français, néerlandais et danois, à l'origine de cette disposition, doivent poursuivre leur démarche, et les travaux au sein de la Cosac s'accélérer, afin de renforcer sans attendre la coordination entre les parlements nationaux, qui doivent être prêts lors de la ratification que nous espérons tous pour la fin de l'année.

M. Hubert Haenel.  - Nous attendions de tels propos, dont je vous remercie. La balle est en effet aussi dans notre camp, nous devons faire des propositions concrètes à la troïka. Je sais que vous tiendrez l'engagement que vous venez de prendre.

Aménagement de la RN 102 entre le Puy-en-Velay et Brioude

M. Jean Boyer.  - Le tronçon de la RN 102 entre Le Puy-en-Velay et Brioude est emprunté chaque jour en période de pointe par 15 000 véhicules ; la circulation y a augmenté en onze ans de 27 % et on y a dénombré sur la même période 422 accidents, dont 68 mortels. L'aménagement de cet itinéraire est donc prioritaire. Or ses perspectives et son calendrier, 2025, paraissent déraisonnables aux élus -s'agit-il d'ailleurs de la date de début des travaux ou de celle de leur achèvement ? Le tronçon considéré relie deux axes importants, l'A 75 et la RN 88, laquelle rejoint la vallée du Rhône.

J'ai conscience des difficultés financières que connaît notre pays et je suis solidaire de la majorité nationale ; je suis néanmoins convaincu qu'il est possible de réaliser rapidement quelques créneaux de dépassement sur cet itinéraire, là où la topographie est favorable -je n'évoquerai pas les déviations de Fix-Saint-Geneys, de Saint-Georges d'Aurac ou de La Chomette. De tels aménagements localisés satisferaient, en attendant mieux, les usagers de la voie.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Le principe d'aménagement de la RN 102 a été retenu par le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003. Entre l'A 75 et Brioude, les études préalables à la déclaration d'utilité publique des travaux d'aménagement à deux fois deux voies de la RN 102 entre la déviation de Largelier et l'échangeur de Lempdes sur l'A 75, ainsi que le classement en route express de la RN 102 entre l'A 75 et Brioude sud sont en cours ; l'enquête publique devrait se dérouler à l'automne 2008.

Entre Brioude et Le Puy-en-Velay, les caractéristiques de la section militent pour un aménagement de sécurité et de confort et la réalisation d'éventuelles déviations. Les études actuellement en cours seront présentées à la concertation locale fin 2008.

Répondant la semaine dernière à une question de Mme Goulet, j'ai indiqué comment nous entendions traiter les dossiers routiers dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Les investissements dans ce domaine n'ont pas été arrêtés, mais limités aux secteurs où se posent des problèmes de sécurité, de fluidité du trafic et d'aménagement du territoire. Le tronçon Le Puy-Brioude répond manifestement à ces critères.

La nouvelle politique d'investissement routier sera déclinée dans les programmes de développement et de modernisation des itinéraires (PDMI). Le diagnostic de l'itinéraire réalisé en 2004 a permis de définir un programme pluriannuel d'aménagements de sécurité. Entre 2005 et 2007, l'État y a consacré 2 millions d'euros ; le carrefour de Coubladour avec la RD 906 et la RD 27 a été aménagé en giratoire pour un montant de 800 000 euros, avec la participation de la région Auvergne et du département de la Haute-Loire. En 2008, un financement complémentaire de 150 000 euros est prévu. Lorsque le programme d'investissements pour 2009 sera établi, nous verrons la somme qui peut être consacrée au tronçon Le Puy-Brioude ; je vous en tiendrai personnellement informé.

M. Jean Boyer.  - Je vous remercie de votre réponse, et je sais que vous avez la volonté de trouver des solutions. Il y a certes le vouloir et le pouvoir, mais dans dix ans, il sera trop tard. C'est l'avenir du Massif central et son désenclavement qui sont en cause.

Financement de l'assainissement

M. Louis de Broissia.  - Ma question s'adresse à Mme Kosciusko-Morizet, mais je sais que le Gouvernement parle d'une seule voix -et je connais la compétence de M. Bussereau.

Nous avons adopté en 2006, après de longs et fructueux débats, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, à laquelle notre collègue Sido a su donner un éclat particulier. Notre vigilance s'était spécialement exercée sur les dispositions financières affectant les collectivités territoriales. L'objectif majeur de cette loi est d'assurer d'ici 2015 un bon état écologique de l'eau dans notre pays -je rappelle que le mandat des conseils municipaux nouvellement élus, et celui des syndicats des eaux qui en découlent, courent jusqu'en 2014.

Dans cette perspective, les communes doivent réaliser des travaux importants de mise aux normes, pour le financement desquels le Sénat avait prévu la création de fonds départementaux particuliers -mais l'Assemblée nationale, puis la CMP ne l'ont pas suivi. Les experts estiment le financement nécessaire sur six ans à 14 ou 15  milliards d'euros. Le conseil général que j'avais encore l'honneur de présider l'an dernier avait prévu des prêts bonifiés pour aider les communes.

Le problème de financement reste entier pour les plus petites d'entre elles. Le rapport de février 2008 de M. Flajolet, député, faisant le bilan de la loi, estime le financement disponible au travers des Agences de l'eau à 11 milliards ; il en manque donc de 3 à 4. Comment les 36 568 communes de France pourront-elles faire face ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Mme Kosciusko-Morizet est à Orléans, en compagnie du Président de la République qui va faire un discours sur le Grenelle.

M. le Président.  - Et sur Jeanne d'Arc !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - La directive de 1991 portant sur les eaux résiduaires urbaines, transposée en droit français par les décrets du 3 juin 1994, du 6 mai 2006 et par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006, fixe en effet des objectifs ambitieux de dépollution pour toutes les collectivités. Les investissements nécessaires étant lourds, les collectivités ont besoin d'aides sous forme d'avances ou de subventions. L'État, via ses établissements publics que sont les agences de l'eau, apporte des aides substantielles, en complément de celles souvent apportées par les conseils généraux et parfois les conseils régionaux. Les agences de l'eau font face à une très forte demande qui s'ajoute à celle qui concerne l'accompagnement des travaux de restauration des cours d'eau demandée par la directive cadre de décembre 2000.

Leur engagement au côté des communes rurales n'est pas remis en question puisque leurs neuvièmes programmes d'interventions (2007-2012) prévoient globalement une augmentation des aides qui leur sont dédiées. En 2007, les six agences de l'eau ont consacré 409 millions d'aides aux communes rurales, dont 119 au titre du programme spécifique de solidarité. Cet accroissement des aides est le résultat de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, qui inscrit la solidarité rurale au sein des priorités des neuvièmes programmes. Les communes rurales peuvent donc bénéficier d'aides spécifiques au titre de cette solidarité, en substitution de l'ancien fonds national pour le développement de l'adduction d'eau. Les agences de l'eau apporteront dans ce cadre un milliard sur la durée du neuvième programme, montant réparti par bassin en fonction de leur population rurale. Les petites communes peuvent donc bénéficier de cette solidarité urbain-rural depuis 2008 sur le bassin Seine-Normandie et 2007 sur le reste de la métropole. Sa programmation fait l'objet d'une concertation annuelle entre l'agence de l'eau et le conseil général et prend la forme d'une contractualisation lorsque celui-ci participe au financement de l'eau et de l'assainissement.

Mon expérience de président d'un département m'a amené à bien connaître le problème que vous évoquez et je demanderai à la secrétaire d'État chargée de l'écologie s'il n'est pas possible d'augmenter les financements.

M. Louis de Broissia.  - L'attente est très forte. Nous avons des obligations européennes à respecter et les financements sont problématiques. On peut penser à la formule des emprunts bonifiés avec l'association des départements et celle des maires.

Il ne faudrait pas que le Grenelle finisse par être ressenti comme inéquitable dans les petites communes où il y aura beaucoup de tuyaux pour peu de bénéficiaires. On ne peut se passer de l'eau -et c'est l'élu d'une région viticole qui vous le dit !

Taser

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Dans un rapport sur le Portugal du 23 novembre 2007, le comité de l'ONU contre la torture exprime sa préoccupation quant à l'acquisition récente par cet État d'armes électriques Taser X 26. Le comité s'inquiète du fait que l'usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et qu'il peut même causer la mort. La dangerosité de cette arme de quatrième catégorie est ainsi confirmée. Pourtant, Mme Alliot-Marie a fait savoir la semaine dernière qu'elle envisageait de modifier le décret du 24 mars 2000 pour inscrire le Taser dans la liste des armes dont peuvent être dotés les 17 000 policiers municipaux.

Une telle décision irait à l'encontre même de la déclaration du précédent ministre de l'intérieur -et actuel Président de la République- contre la banalisation de l'emploi de cette arme. Des préfets comme celui de Seine-et-Marne ont attiré l'attention sur certains risques liés à l'utilisation de cette arme par les policiers municipaux. Je note aussi que la Commission nationale de déontologie de la sécurité a d'ores et déjà relevé deux cas manifestes d'usage disproportionné du Taser X 26 par des fonctionnaires de police et des gendarmes pourtant particulièrement formés pour les opérations de maintien de l'ordre.

Selon la réponse officielle de la France au Comité européen de prévention de la torture, 83 % des usages du Taser par la gendarmerie nationale ne relevaient ni de la légitime défense ni de l'état de nécessité prioritairement envisagés dans les procédures internes. Cet état de fait ne laisse pas d'inquiéter sur ce qui adviendra si 17 000 policiers municipaux ont à leur disposition cette arme.

Voilà pourquoi je souhaite qu'un moratoire sur l'utilisation du Taser soit prononcé ou, pour le moins, qu'il y ait une limitation du port de ces armes aux unités d'élite de la police et de la gendarmerie. A l'instar de mes collègues de l'Association nationale des élus communistes et républicains, je considère que son usage ne devrait en aucun cas être étendu aux policiers municipaux.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État, à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Je note avec plaisir la référence positive que vous faites au Président de la République ! (Sourires)

Dans les unités les plus exposées, 1 955 policiers et 1 500 gendarmes sont équipés de pistolets à impulsions électriques. Si cette dotation a vocation à être augmentée, il n'est nullement question d'en banaliser l'emploi. Dès maintenant, la dotation et l'usage d'un Taser X 26 s'inscrivent dans un cadre juridique particulièrement rigoureux. Les pistolets à impulsions électriques utilisés sont tous équipés de systèmes de contrôle perfectionnés qui enregistrent les paramètres de chaque tir ainsi que d'un dispositif d'enregistrement audio et vidéo qui se déclenche à chaque utilisation de l'arme. Le modèle X 26, dont sont dotées les unités françaises, est nettement moins puissant que le M 26 utilisé par certaines polices, comme la canadienne.

Les utilisateurs de cette arme sont spécifiquement formés et individuellement habilités. Assortie de ces garanties, l'utilisation du Taser X 26 constitue une réponse appropriée à certains comportements violents, permettant d'adapter la riposte des forces de l'ordre de manière proportionnée à la situation rencontrée en neutralisant une personne menaçante ou dangereuse pour elle-même ou pour autrui. L'utilisation de cette arme non létale minimise les risques de blessures tant pour les personnes interpellées que pour les agents des forces de l'ordre.

Le rapport 2006 de la commission nationale de déontologie de la sécurité comporte effectivement deux avis relatifs à des dossiers concernant l'utilisation d'un tel pistolet par les forces de la police nationale. Dans les deux cas, les faits se sont produits en 2005, avant la parution de l'instruction d'emploi qui définit désormais les règles, les modalités et les précautions d'emploi. S'agissant de son utilisation par les policiers municipaux, le ministre de l'intérieur a créé, en octobre 2007, un groupe de travail associant des représentants de l'État, des maires et des syndicats des policiers municipaux. Ce groupe de travail a conclu que cette utilisation est conditionnée par une formation complète, en rappelant que l'utilisation du Taser X 26 doit faire l'objet d'un agrément préalable par le préfet et le procureur.

Un décret sera prochainement présenté au Conseil d'État avec l'objectif de le publier à l'été prochain. Cette évolution réglementaire donnera un cadre juridique aux nouvelles demandes de nombreuses collectivités territoriales en matière de dotation de leur police municipale en armes non létales en rappelant que les textes en vigueur leur permettent déjà de disposer d'armes à feu.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Irrémédiablement, on va étendre l'utilisation du Taser X 26...

En 2006, un malade mental a fait l'objet de sept tirs, qui ont causé un arrêt cardiaque. Bien sûr, on l'a ranimé à temps, mais les massages cardiaques ne réussissent pas toujours. Il est clair qu'il est fait de cette arme un usage disproportionné, qui va à l'encontre des conventions internationales, et même de nos lois sur l'usage proportionné des armes de contrainte. Le comité de l'ONU contre la torture souhaite que l'on renonce à ce type d'arme. Vous répondez qu'il faut en encadrer l'usage, encore heureux !, mais c'est pour augmenter le nombre de ceux qui seront habilités à l'utiliser.

Projet de suppression de la profession d'avoué

Mme Catherine Tasca.  - Je souhaitais interroger Mme la garde des sceaux sur les suites qu'elle entend donner à la « décision 213 » de la commission Attali qui, préconisant la suppression pure et simple des avoués près les cours d'appel, a fait l'effet d'une bombe dans les milieux judiciaires. Au-delà du caractère abrupt de cette proposition, si contraire à la volonté de concertation tant de fois proclamée par le Président de la République, sa mise en oeuvre porterait un triple préjudice au fonctionnement de la justice.

Préjudice juridique, tout d'abord. Profession inscrite dans une longue histoire, les avoués ont développé un savoir-faire nécessaire au bon fonctionnement et à la fluidité des procédures judiciaires. Ils sont le garant d'une ambition de service public de notre justice et d'un accès égal pour tous, notamment grâce au barème. Si elle devait disparaître, qui serait en charge de remplir ces missions, et à quel prix, dans tous les sens du terme ?

Préjudice humain et social, ensuite, puisque ce projet revient à condamner la majorité des professionnels concernés au chômage : 2 600 emplois sont menacés. Pour la seule cour de Versailles, 15 études sont visées, soit 31 avoués et 155 de leurs collaborateurs. Il est urgent de mettre un terme à leur incertitude.

Préjudice économique, enfin. La force de travail des 235 études présentes sur notre territoire serait anéantie. Dans mon département, les Yvelines, leur chiffre d'affaires a été, en 2006, supérieur à 20 millions, pour une masse salariale de plus de 3,2 millions. L'activité est donc loin d'être moribonde. La disparition de la profession aurait un coût pour l'État, puisque les intéressés ne cotiseraient plus, consommeraient moins et devraient être indemnisés, pour un montant évalué à 8 milliards.

Une concertation avec les professionnels va-t-elle enfin être engagée ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités locales.  - Je vous prie de bien vouloir excuser Mme la garde des sceaux, retenue par des obligations contractées de longue date.

Le rapport pour la libération de la croissance française, remis au Président de la République le 23 janvier dernier, propose en effet la fusion de la profession d'avoué près les cours d'appel avec celle d'avocat. On peut se demander si la présence d'un avoué, obligatoire en matière civile en cas d'appel alors que l'avocat continue de suivre le dossier, est légitime, et si ce monopole doit perdurer.

Aucune décision n'a toutefois été arrêtée. Le Gouvernement, dans la perspective des suites à donner au rapport Attali, s'est donné jusqu'à octobre pour mener une concertation approfondie avec la profession. Il convient en effet d'évaluer l'ensemble des conséquences, pour les cours d'appel, de la disparition d'une profession reconnue et appréciée et, pour celle-ci, de la fusion projetée. L'analyse doit également être menée au vu des exigences de la directive « services » du 12 décembre 2006, qui limite les possibilités de maintien de professions dites « fermées » et exige de solides justifications.

Les représentants de la profession seront bien entendu associés à la réflexion. La garde des sceaux rencontrera le président de la chambre nationale des avoués près les cours d'appel dans les jours qui viennent. Aucune réforme ne sera engagée sans que l'ensemble des conséquences aient été appréciées. Croyez bien que le Gouvernement prendra en compte la situation de tous ceux qui travaillent au sein des études d'avoués, avec un dévouement et une compétence indéniables.

Mme Catherine Tasca.  - J'apprécie la prudence de la réponse. Pour l'ensemble des professionnels qui travaillent dans ces études, l'annonce d'une concertation, si longtemps attendue, est une bonne nouvelle.

Au plan de la méthode, lancer de telles annonces sans les faire suivre d'aucune proposition constructive est désastreux. D'autant que dans le cas présent, on pouvait s'étonner de la présence, dans un rapport sur les moyens de soutenir la croissance, d'une proposition qui suspend une épée de Damoclès sur un nombre non négligeable de PME contribuant précisément au soutien de la croissance. Mon département, les Yvelines, très contrasté au plan social et économique, où ces études constituent un élément important de l'activité économique, ne voit pas cette menace avec indifférence.

Au coeur de l'incompréhension entre les citoyens et le Gouvernement gît le manque de confiance dont souffre notre économie. Agiter des menaces sans indiquer aucune marche à suivre aggrave cette perte de confiance, sans servir la croissance. Pour toutes les professions de justice, il est un seul objectif : améliorer l'accessibilité de la justice pour tous. Or, l'annonce de la disparition d'un rouage important de la procédure, qui, de surcroît, a cette conséquence de faire passer du barème auquel la profession est soumise aux honoraires libres de celle d'avocat, l'affaiblit.

Quant à l'hypothèse de la fusion, permettez-moi d'émettre des doutes : il n'est pas certain que les avocats soient en mesure d'absorber ni ce surcroît de travail, ni l'ensemble des professionnels qui travaillent dans les études d'avoués. J'insiste donc pour qu'une vraie concertation soit menée au plus tôt.

Situation des conjoints survivants

M. Georges Mouly.  - La France compte 4 millions de veuves et de veufs et 500 000 orphelins de moins de 20 ans. Leur situation demeure préoccupante et l'annonce récente d'une augmentation du taux de la pension de réversion, progressivement portée de 54 à 60 %, satisfait une revendication ancienne et légitime : au-delà de la douleur et du choc provoqués par la perte d'un être cher, se pose souvent, pour le conjoint survivant, le problème d'une brutale réduction de ses ressources, pouvant conduire à la précarisation voire à l'exclusion.

Le calendrier annoncé, en revanche, est source de frustration puisque la progression sera de 2 % par an de 2009 à 2011. C'est dire que l'impact sur le niveau de revenus des intéressés sera faible au regard de l'augmentation du coût de la vie. Il est vrai que l'on se trouve ici confronté à la difficile conciliation d'une revendication légitime et d'un contexte budgétaire contraint. Autre revendication de la fédération représentative : porter ce taux à 70 ou 75 %, faisant ainsi correspondre la progression à la courbe « historique » constatée par les experts depuis 1946.

Au-delà du taux de réversion, il faut aussi prendre en considération le plafond de ressources qui est, pension comprise, de 1 462,13 euros. Alors que l'on peut légitimement considérer que la pension de réversion est un droit acquis sur les cotisations versées par celle ou celui qui a partagé votre vie, ce plafond ne pourrait-il être relevé ?

Autre source d'inquiétude : compte tenu de la suppression du régime d'assurance veuvage, et donc du remplacement de la cotisation veuvage par une cotisation vieillesse, le montant réel d'une pension de réversion d'une veuve précoce dont le mari n'aura que faiblement cotisé pourrait se révéler excessivement bas. N'y aurait-il pas lieu de profiter du rendez-vous sur les retraites pour y réfléchir ?

J'en viens enfin à un autre problème rencontré par nos concitoyens les plus modestes : l'allocation de soutien familial au bénéfice des orphelins, fixée à 84,60 euros par mois depuis le 1er janvier 2008. Bien que la pension de réversion soit majorée pour enfant à charge, la prise en charge des enfants reste difficile pour le conjoint survivant. C'est pourquoi, les responsables de la fédération des associations de conjoints survivants, la Favec, dont je me fais le porte-parole, militent pour une augmentation de cette allocation. Quelle suite peut être donnée à cette demande ?

Si les veufs ne constituent pas la partie la plus revendicative de la population française, ce n'est une raison pour ignorer ni leur fragilité ni les risques d'exclusion qui guettent certains d'entre eux. Les droits des conjoints survivants ne constituent-ils pas une composante du dispositif général de la solidarité nationale ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Je vous prie d'excuser l'absence de Xavier Bertrand.

La revalorisation des pensions de réversion est un engagement pris par le Président de la République lors de sa campagne électorale et qui sera tenu. Dans le document sur le rendez-vous des retraites de 2008 diffusé le 28 avril dernier par le Gouvernement, il est indiqué que le taux des pensions attribuées à partir du 1er janvier 2009 sera de 56 %, contre 54 % aujourd'hui, puis de 58 % à partir du 1er janvier 2010 et de 60 % à partir du 1er janvier 2011.

Le déplafonnement que vous souhaitez, c'est-à-dire la suppression de la condition de ressources à laquelle est subordonné le bénéfice de la pension de réversion, représenterait un coût pour le seul régime général évalué en 2004 à plus de 2 milliards d'euros. Au demeurant, cette condition de ressources est déjà relativement souple puisque certains revenus ne sont pas pris en compte, notamment les pensions de réversion servies par les régimes de retraite complémentaire ou les revenus des biens mobiliers ou immobiliers acquis par suite du décès du conjoint. Ces revenus peuvent se cumuler avec la pension de réversion, même si cela entraîne un dépassement du plafond de ressources annuel de 17 555 euros. D'autres revenus ne sont que partiellement pris en compte : les revenus professionnels sont retenus pour 70 % de leur montant dès lors que le conjoint survivant est âgé d'au moins 55 ans, cela pour encourager la poursuite ou la reprise d'un travail à un âge où le taux d'activité est peu élevé. Enfin, grâce à la réforme des retraites de 2003, le conjoint survivant peut désormais, dans la limite du plafond de 17 555 euros, cumuler intégralement sa pension de réversion et ses pensions de retraite : ce n'était pas obligatoirement le cas avant le 1er juillet 2004, ce qui pénalisait les conjoints survivants qui avaient travaillé.

La majoration de 88,72 euros par mois, attribuée au conjoint survivant pour chaque enfant dont il a la charge, est aujourd'hui prise en charge par la Cnav. Il convient de porter une attention particulière à la situation des veuves ayant de jeunes enfants à charge. C'est la réflexion qu'a lancée le Gouvernement dans le document remis aux partenaires sociaux dans le cadre du rendez-vous de 2008. En outre, des dispositions relatives aux familles monoparentales existent déjà dans la réglementation des prestations familiales. Ainsi, les personnes isolées ayant à charge un ou plusieurs enfants peuvent bénéficier de l'allocation de parent isolé jusqu'aux 3 ans de l'enfant et de l'allocation de soutien familial jusqu'à ses 20 ans. Par ailleurs, les plafonds de ressources applicables à certaines prestations familiales -prime à la naissance ou à l'adoption, allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant, complément familial- sont majorés d'environ 40 % en cas d'isolement. De même, l'allocation de présence parentale, versée en cas de maladie ou d'accident grave de l'enfant, est majorée pour les personnes isolées.

M. Georges Mouly.  - J'avais noté les engagements pris par le Président de la République. Ils sont tenus. On peut toujours juger que c'est insuffisant... Merci pour les précisions apportées, je les ferai parvenir aux intéressés.

Situation financière des personnes handicapées

M. Gérard Delfau.  - Je veux appeler l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur la situation financière difficile de nombreuses personnes handicapées, en raison du faible montant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du refus qui leur est opposé de bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU). Ces personnes en difficulté ont droit à la solidarité nationale et l'ensemble des associations spécialisées s'inquiètent, voire s'impatientent, estimant que les engagements du Président de la République ne sont pas ou sont incomplètement tenus. Il est du devoir des parlementaires de s'en faire l'écho.

Quand sera revalorisée l'allocation aux adultes handicapés et de combien ? Le Gouvernement envisage-t-il de faire accéder l'ensemble des personnes handicapées au régime de la CMU ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Le Gouvernement est conscient de la nécessité de permettre aux handicapés de mener une vie autonome, notamment par un niveau de ressources décent. La loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances a amélioré leur situation : désormais, l'AAH est revalorisée chaque 1er janvier. En 2008, elle était de 628,10 euros par mois mais, pour ceux qui ne peuvent travailler ou qui ont des charges de logement, elle peut s'élever jusqu'à 80 % du Smic, soit 858 euros. Le Gouvernement a décidé d'augmenter cette allocation de 5 % en 2008 et de 25 % avant la fin du quinquennat.

La CMU permet l'accès à l'assurance maladie à toute personne résidant en France depuis plus de trois mois et n'y ayant pas droit à un autre titre, celui d'une activité professionnelle par exemple. Or, le bénéfice de l'AAH ouvre droit à l'affiliation gratuite à l'assurance maladie.

Quand à la CMU complémentaire (Cmuc), elle est attribuée sous condition de ressources, avec un plafond de 606 euros pour une personne seule. Le montant de l'AAH est donc supérieur à ce plafond. Cependant, l'assurance maladie peut accorder aux bénéficiaires de cette allocation le droit à la Cmuc en cas d'hospitalisation supérieure à soixante jours.

En outre, le Gouvernement met tout en oeuvre pour mieux informer les handicapés de l'aide à laquelle ils ont droit pour s'affilier à une assurance complémentaire santé. Cette aide, instituée par la loi sur l'assurance-maladie d'août 2004, bénéficie à ceux dont les ressources en 2008 sont inférieures à 727 euros par mois. Elle se monte à 100 euros pour les moins de 25 ans, à 200 pour les 25/60 ans et à 400 pour les plus de 60 ans, ce qui permet de couvrir 50 % du coût d'une assurance maladie complémentaire. Un courrier sera adressé ce mois-ci à tous les bénéficiaires de l'AAH pour les informer de cette possibilité.

M. Gérard Delfau.  - Je vous remercie, ainsi que Xavier Bertrand, de la précision de cette réponse, même si, pour une part, elle me laisse dans l'incertitude et l'insatisfaction. La loi de juillet 2005 a reprécisé les conditions d'obtention de l'AAH et son montant. Actuellement de 628,10 euros mensuels, il est significatif mais insuffisant aux dires de l'ensemble des associations du secteur qui demandent qu'il soit porté au niveau du Smic. On est loin du compte. J'avais noté l'engagement du Président de la République de le revaloriser au total de 25 % ; ce n'est ni négligeable ni suffisant. Je souhaite savoir quand la revalorisation de 2008 sera effective et quel est le calendrier prévu pour les autres 20 %.

Je note avec satisfaction l'effort envisagé pour informer les handicapés de leur possibilité de bénéficier d'une assurance santé complémentaire. Pour le reste, je pense qu'il faut accroître l'effort de solidarité en faveur de ceux qui connaissent les plus grandes difficultés.

Qualification professionnelle des coiffeurs

M. le président.  - Je salue la présence de M. Xavier Darcos.

M. Francis Grignon.  - Je suis d'autant plus sensible à la présence du ministre de l'éducation nationale que ma question ne concerne qu'indirectement son domaine de compétence. J'ai travaillé à ses côtés sur des problèmes qu'il a le courage de prendre aujourd'hui à bras-le-corps. Ma question concerne les coiffeurs. Cette profession est composée de 63 000 entreprises, dont 5 300 nouvelles. Elles forment 24 000 apprentis. En Alsace, le nombre de salons de coiffure a progressé de 10 % depuis quatre ans.

Le rapport Attali suggère de supprimer la qualification professionnelle préalable à l'installation qui ne constitue pourtant pas, les chiffres cités le montrent, un frein à la croissance de cette l'activité ! Le diplôme est revendiqué par les coiffeurs comme gage de formation, de qualité, de sérieux et de pérennité.

La nécessaire transmission de plus de 20 000 entreprises de coiffure dans les dix prochaines années est un autre défi. Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour apaiser les inquiétudes et faciliter la transmission ?

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Votre question relève plutôt des compétences de mon collègue Novelli mais j'ai plaisir à vous répondre, vous avec qui j'ai beaucoup travaillé.... Je ne suis pas persuadé qu'un assouplissement de la qualification soit utile dans la coiffure. L'offre de services existe, elle est suffisante : alors pourquoi réformer ? Il en va différemment, bien sûr, dans d'autres activités. C'est pourquoi le ministère de l'économie a lancé une réflexion approfondie sur ce sujet avec les diverses professions, afin de parvenir à un diagnostic partagé.

Quant à la transmission des entreprises, elle fera, dans le projet de loi de modernisation de l'économie, l'objet de mesures précises : diminution de 5 à 3 % des droits de mutation pour les SARL, encouragement à la transmission au sein de la famille ou en faveur d'un salarié, exonération d'impôt pour les fonds de commerce d'une valeur inférieure à 300 000 euros, intérêts d'emprunt ouvrant réduction d'impôt pour l'acquisition de 25 et non plus 50 % du capital. Bref, l'acquéreur économisera de 5 000 à 10 000 euros selon sa situation familiale.

M. Francis Grignon.  - Les mesures du projet de loi de modernisation de l'économie seront utiles aux PME et TPE ; pour le reste, votre réponse est rassurante pour les coiffeurs.

Menaces sur le lycée Georges Colomb de Lure

M. Jean-Pierre Michel.  - Le lycée Georges Colomb, à Lure, en Haute-Saône, dans l'académie de Besançon, ne cesse de perdre des enseignants : 23 % des postes ont été supprimés ces cinq dernières années alors que l'effectif des élèves est constant et augmentera à la rentrée prochaine. Le rectorat de Besançon vient de décider de supprimer la section BEP tertiaire et n'autorise pas ce lycée à créer une nouvelle section professionnelle, au prétexte que le lycée privé de la ville offre déjà une telle formation.

Les élèves du lycée Georges Colomb ne seront plus sur un pied d'égalité avec les lycéens d'autres établissements. La rentrée 2008 s'annonce catastrophique ; la communauté éducative et les élèves sont donc très mobilisés.

Monsieur le ministre, qu'envisagez-vous pour permettre à ce lycée de délivrer un enseignement de qualité à tous les élèves ?

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Il est indispensable de rationaliser l'offre au sein de chaque bassin et, dans certains cas, de spécialiser les établissements. C'est le cas dans le bassin de Lure. Pas moins de trois lycées offrent un BEP de comptabilité et un BEP de secrétariat. Et l'analyse montre que la plupart des trente élèves des deux BEP, au lycée Colomb, reviennent finalement vers les filières techniques. Le choix a donc été fait de valoriser celles-ci dans cet établissement. Quant au lycée Lumière de Luxeuil, dans le même bassin de formation, il ouvrira deux baccalauréats professionnels, représentant soixante places.

Vous avez évoqué les effectifs. Depuis 2003, le lycée Colomb a perdu près de quatre-vingt élèves. La dotation horaire globale a donc été ajustée à la baisse ; elle le sera à la hausse si les effectifs augmentent à la rentrée 2008. Je m'y engage.

J'y insiste, il faut éviter la dispersion, nuisible à tous. Cohérence, logique, continuité !

M. Jean-Pierre Michel.  - J'apprécie votre présence, monsieur le ministre, mais pas le contenu de votre réponse ! Je comprends que l'offre doive être rationalisée, mais il me gêne que cela se fasse au détriment du lycée public et au bénéfice de l'établissement privé.

Vente de logements HLM aux locataires

M. José Balarello.  - Lors d'une émission de télévision, le 27 avril dernier, des locataires formulaient le voeu de devenir propriétaires de leurs logements. Un directeur de l'équipement faisait ensuite connaître son opposition à cette vente, au motif que les organismes d'HLM ne devaient pas réduire leur patrimoine locatif, dans un département marqué par des problèmes fonciers.

Il y a là une erreur d'appréciation. La France compte aujourd'hui seulement 57 % de propriétaires occupants, contre 83 % en Espagne, 78 % en Irlande, 69 % en Italie. La vente des logements sociaux à leurs locataires est une idée du général de Gaulle, traduite dans une loi de 1965 modifiée par la loi Méhaignerie de1986, dont je fus ici le rapporteur.

Le Président de la République souhaite que 40 000 logements HLM soient vendus annuellement afin de combler le retard pris sur nos voisins européens. Or, en 2007, il y a eu seulement 6 000 ventes. Je compte sur votre volonté, madame la ministre, et sur l'accord signé entre l'État et le mouvement HLM en décembre 2007 pour parvenir à l'objectif de 40 000 dès 2009. Hélas, les résistances sont vives, parmi des fonctionnaires de l'État qui connaissent mal le problème du logement mais aussi au sein d'organismes d'HLM qui apprécient leur importance au nombre de leurs logements. Ce n'était pas mon cas lorsque je présidais un important office : c'est une question de volonté.

Quelles mesures allez-vous prendre pour atteindre l'objectif fixé et rattraper le retard accumulé ?

Lorsque les habitants sont propriétaires, les grands ensembles connaissent moins de problèmes.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.  - Je vous remercie infiniment pour cette question très pertinente. Je suis heureuse de pouvoir me situer dans la continuité de ce que le général de Gaulle avait souhaité. Votre question est fondamentale car elle touche à un enjeu de société qui n'a jamais été aussi fort. Elle s'appuie aussi sur votre expérience d'élu et sur votre engagement pour le logement social.

Le Gouvernement souhaite développer la vente de logements par les bailleurs sociaux car c'est un formidable levier pour que la France compte 70 % de propriétaires. Suite aux négociations que j'ai engagées dès après le congrès HLM de septembre 2007 et conformément au discours prononcé à Vandoeuvre-les-Nancy par le Président de la République en décembre, l'ensemble du mouvement HLM s'est mobilisé et les accords signés le 28 décembre et le 20 février avec l'Union pour l'habitat et les sociétés d'économie mixte définissent le cadre de la vente de 40 000 logements l'an par la première et de 3 000 par les secondes, soit 1 % du parc locatif social.

La vente de logements HLM constitue un formidable levier pour dynamiser la gestion du parc, en favorisant les parcours résidentiels et en dégageant des fonds propres pour construire de nouveaux logements. Il faut veiller à ce qu'elle s'inscrive dans la stratégie patrimoniale de l'organisme comme dans la politique locale de l'habitat : l'initiative des ventes revient aux organismes qui doivent s'adapter à la demande locale. Le cas qui a fait la une des journaux télévisés est clair : tout dépend de la volonté des organismes.

Les cessions doivent également s'accompagner d'une reconstitution de l'offre au niveau de l'agglomération : nous ne diminuons pas le parc social. Aucune vente ne sera possible dans les communes où un constat de carence a été dressé en application de l'article 55 de la loi SRU et il faudra en construire deux pour un vendu dans les autres communes n'atteignant pas le seuil légal.

Le 18 février dernier, le Président de la République a mis l'accent sur la saine gestion des copropriétés et le projet de loi de mobilisation pour le logement que j'espère bientôt pouvoir vous soumettre en traitera.

Les services déconcentrés de l'État ont un rôle essentiel à jouer et l'exemple que vous avez cité est minoritaire. Les ventes de logements sociaux figureront dans les priorités adressées aux préfets et aux services déconcentrés. L'union pour l'habitat et l'association des sociétés d'économie mixte assureront l'animation d'une politique dont un premier bilan sera tiré le 1er juillet. Des bailleurs s'engagent déjà avec volontarisme.

Le projet de loi pour le logement que je prépare obligera les organismes bailleurs à passer des conventions d'utilité sociale dans lesquelles figureront les ventes de logements HLM. Il ne s'agit pas là d'une activité annexe. Je souhaite l'engagement de tous pour que la propriété ne reste pas un luxe réservé aux plus fortunés.

M. José Balarello.  - Je vous remercie d'avoir donné à notre Assemblée cette réponse exhaustive. Je sais les difficultés auxquelles vous êtes confrontée, certains organismes refusant les ventes pour des raisons idéologiques -il faut appeler un chat un chat et dire leur refus de la propriété. Intervenez, madame, auprès des préfets. On invoque souvent les problèmes fonciers mais on peut les surmonter avec de la volonté.

La séance est suspendue à midi quarante.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 16 h 5.