Contrôle comptable du RMI
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion.
Discussion générale
M. Michel Mercier, auteur de la proposition de loi. - L'objectif de la proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer est bien modeste : la loi de décembre 2003 ayant confié aux départements le soin de gérer le RMI, il est nécessaire qu'ils disposent d'un minimum de renseignements pour accomplir leur tâche correctement. Par respect pour les bénéficiaires du RMI, il faut que les départements connaissent leur situation exacte afin d'engager le dialogue.
Cette proposition de loi prévoit donc simplement que les organismes payeurs du RMI -les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de la Mutualité sociale agricole- devront transmettre aux départements la liste des allocations versées chaque mois. Tout ceci n'a rien d'extraordinaire. Je n'imagine pas que le montant total demandé aux conseils généraux soit différent du total des allocations versées à chaque bénéficiaire du RMI. S'il en était autrement, cela démontrerait que l'on ne sait pas ce que l'on paye... Or je suis persuadé que les CAF font bien leur travail.
Les départements doivent donc recevoir la liste les allocations versées chaque mois pour savoir quels sont les bénéficiaires du RMI. Ainsi, les référents, qui sont obligatoires, auront quelque chose de concret à faire.
Dans le département que j'ai encore l'honneur d'administrer, nous avons vu en un an le nombre d'allocataires passer de 29 000 à 22 000, soit une baisse de 24 %, mais le montant versé par les organismes payeurs n'a diminué que de 4 %. Certes, le Rhône finance à hauteur de 10 millions l'ancêtre du RSA, à savoir l'intéressement. Sur ce point, j'espère, monsieur le Haut-commissaire, que vous nous verserez le même montant pour mener à bien le RSA. Si nous ne faisons pas moitié-moitié, cela ne marchera pas.
Et puis, il y a aussi les indus. Rien que dans mon département, ils représentent chaque mois 400 000 euros, ce qui pose un réel problème, car cela revient à nier toutes les règles de la comptabilité publique. Ainsi, chaque année, nous déboursons 5 millions d'indus, soit 1,5 point d'impôt.
Cette proposition de loi n'a pas d'autre but que d'y voir un peu plus clair : ceux qui ont droit au RMI doivent le percevoir, d'autant que 400 euros par mois, ce n'est pas le Pérou ! Mais il ne faut le verser que lorsqu'il est dû. Mon département verse, à lui seul, 10 millions par mois : il est en droit de savoir qui en bénéficie et il n'est pas supportable de rester dans le brouillard. Les organismes payeurs doivent savoir à qui ils versent cet argent ; s'ils ne le savent pas, ce serait grave !
Un autre article, qui peut poser problème, a trait au croisement des fichiers. En effet, pendant plusieurs mois, les CAF n'ont pas pu avoir accès aux fichiers des Assedic, ce qui a provoqué une vaste pagaille. Des personnes n'ont pas perçu le RMI alors qu'elles y avaient droit et qu'elles en avaient besoin. De plus, personne n'a prévenu les présidents des conseils généraux que le système informatique était un peu en panne. Un mail aurait suffi ! En revanche, les factures continuaient d'arriver...
Ma proposition de loi est très simple et elle est bien normale : ces dix millions représentent, pour un département comme le nôtre, trois point d'impôt, ce qui justifie un peu de rigueur. Notre rapporteur saura, j'en suis sûr, convaincre le Sénat et le Haut commissaire qu'il ne faut pas craindre la clarté dans le domaine social. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Auguste Cazalet, rapporteur de la commission des finances. - La proposition de loi déposée par M. Mercier le 15 février dernier s'inscrit dans le prolongement des deux rapports qu'il a présentés, le premier, en mai 2005, intitulé « Le RMI d'un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité », et le second, en février 2007, intitulé « Financement du RMI : sortir de l'impasse par une plus grande responsabilité sur les dépenses ». La gestion du RMI a en effet été transférée aux départements par la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du RMI et création du revenu minimum d'activité (RMA). Toutes les attributions qu'ils partageaient auparavant avec le préfet incombent depuis lors aux seuls présidents de conseils généraux, la charge financière des allocations ayant été transférée aux départements en contrepartie d'une fraction de la TIPP.
Au 31 décembre dernier, on décomptait 1,16 million d'allocataires. Malgré une diminution de 8,3 % du nombre des bénéficiaires, le coût du dispositif demeure très élevé pour les conseils généraux : 6 milliards en 2007, ce qui donne la mesure de l'enjeu budgétaire. L'objet de la proposition apparaît donc totalement légitime : permettre aux départements d'exercer pleinement leur rôle en leur donnant les moyens d'un contrôle réel sur ces dépenses et en précisant leurs relations avec les caisses d'allocations familiales. Celles-ci jouent en effet un rôle essentiel : elles tiennent le fichier des allocataires et versent les allocations.
La qualité des relations qu'ils entretiennent avec elles est déterminante pour la capacité des conseils généraux à piloter la dépense. Ces relations sont aujourd'hui organisées par une série de dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles. D'après les auditions que j'ai menées, ces relations, quoiqu'assez complexes, apparaissent plutôt bonnes. Cependant, l'inspection générale des affaires sociales a récemment relevé qu'il n'était pas possible en l'état de répondre complètement aux besoins de pilotage exprimés par les départements.
Le recoupement des fichiers des CAF et d'autres administrations publiques est bien prévu, mais non leur transmission aux présidents de conseils généraux. La Caisse nationale d'allocations familiales m'a toutefois précisé que ces derniers n'ont pas, jusqu'à présent, été particulièrement demandeurs. Elle m'a également fourni la liste des nombreuses informations transmises mais, selon d'autres sources, elles sont insuffisantes pour permettre un contrôle effectif de la réalité de la dépense et sont difficilement exploitables par les services des conseils généraux.
M. Roland du Luart. - Exact !
M. Auguste Cazalet, rapporteur. - Il est aujourd'hui difficile de porter un jugement global sur les dispositions législatives nécessaires pour améliorer les relations entre organismes payeurs et conseils généraux. La seule étude de la réglementation en vigueur ne suffit pas dans la mesure où elles dépendent largement d'éléments pratiques qui nécessitent des investigations sur le terrain, que je n'ai pu mener en raison des délais très brefs qui m'ont été impartis comme des élections cantonales.
J'estime ne pas être en mesure à ce stade de formuler un avis définitif sur la proposition de loi. En tant que rapporteur spécial de la mission « Solidarité insertion et égalité des chances », j'entends mener une mission de contrôle sur pièces et sur place afin d'apprécier la qualité des informations transmises et les procédures d'échange. Nous pourrons alors trouver les solutions les plus adaptées pour remédier aux difficultés rencontrées par certains départements. La commission des finances ne souhaite donc pas déposer aujourd'hui de conclusions définitives mais la discussion très riche intervenue hier en son sein a montré toute l'attention que les présidents de conseils généraux portent à cette proposition de loi : il est nécessaire d'approfondir la question en se rendant sur le terrain. (Applaudissements à droite)
M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. - M. Mercier indiquait que l'objet de sa proposition était bien modeste. Permettez-moi d'être d'un avis contraire et de souligner qu'elle a la grande ambition de faire prendre conscience de la nécessité de revoir un dispositif qui a rendu bien des services depuis vingt ans mais qui suscite désormais des interrogations. Notre devoir commun est de le réformer profondément. Comme le diable gît dans les détails, il nous faut regarder les choses précisément afin de repérer les changements à opérer.
Il faut aller sur le terrain, a dit votre rapporteur. Vendredi dernier, comme vous m'y aviez invité, je suis allé dans vos services après avoir visité la CAF du Rhône, ; je m'étais également rendu à la CAF de Paris et dans celles de Poitou-Charentes.
Les problèmes sont réels et votre projet ambitieux poursuit deux objectifs. Chaque président de conseil général partage le premier, puisqu'il s'agit de maîtriser les dépenses publiques : les allocations vont-elles bien à ceux qui en ont besoin ?
Le second est de voir en quoi les textes en vigueur sont responsables des difficultés, des excès et des dysfonctionnements que vous dénoncez.
Certains indus sont consubstantiels au système et ne relèvent en rien de la fraude. Le législateur a souhaité que le RMI réponde aux situations d'urgence : une personne sans ressources peut ainsi bénéficier très rapidement de moyens de subsistance, sa situation étant régularisée ultérieurement. Ce mécanisme génère par la force des choses une partie des indus, mais il est capital que les instruments sociaux soient réactifs, tout en étant ajustés au plus près des situations.
De même, lorsqu'un allocataire reprend une activité professionnelle, ses ressources sont recalculées en tenant compte de ce nouveau revenu : il peut donc se voir réclamer les sommes perçues au titre des deux mois précédant sa reprise d'activité, sans s'être rendu coupable de la moindre fraude ! C'est une situation délétère, qui conduit fréquemment des gens à renoncer à un contrat de travail. Il faut mettre fin à ce système pervers.
M. Mercier s'étonne que la baisse du nombre de bénéficiaires du RMI -supérieure dans le Rhône à la moyenne nationale- ne s'accompagne pas d'une baisse équivalente des dépenses. En effet, les personnes qui reprennent un travail grâce à l'intéressement ne sont plus comptabilisées comme bénéficiaires du RMI mais continuent de justifier de prestations à la charge des conseils généraux. Ce temps de latence explique que les courbes divergent. Mieux vaut que les dépenses diminuent moins vite et que davantage de personnes tirent l'essentiel de leurs revenus du travail ! L'objectif est de porter de 15 à 30 % le nombre d'allocataires qui reprennent le travail dans l'année. Le taux moyen du RMI versé par ménage a également tendance à augmenter, pour des raisons démographiques et sociales.
La différence entre les acomptes demandés par les CAF et la réalité des dépenses s'explique pour l'essentiel ; le débat doit plutôt porter sur la question de la transparence. Notre système doit être mieux ajusté aux situations individuelles et favoriser le retour à l'emploi, afin que les revenus du travail constituent le socle des ressources. Il y a aujourd'hui 1,1 million d'allocataires du RMI : nous devons impérativement ramener ce chiffre à celui de 1988, c'est-à-dire le diviser par deux ou trois. C'est la moindre des ambitions.
J'ai suivi le parcours d'un allocataire, d'un agent de la CAF, d'un agent du conseil général, d'un agent de l'ANPE : on peut faire plus rapide et plus efficace. Un allocataire doit attendre deux à trois mois, voir six à huit institutions différentes avant d'entendre parler de ses droits et de ses devoirs : c'est intolérable ! Il faut impérativement réduire ces délais.
De même, il faut faciliter le rapprochement des données, mettre fin au problème des guichets dispersés et des états informatiques incompatibles. Le croisement des fichiers avec ceux des Assedic a ainsi déjà permis de repérer un certain nombre d'indus. Le rapprochement entre les CAF et les conseils généraux dans le cadre de la décentralisation doit permettre d'améliorer l'échange d'informations et les contacts. Quand on réunit dans la même pièce les représentants du conseil général, de la CAF, de la CPAM, de l'ANPE, des Assedic, on fait passer le taux de contrats d'insertion signés de 50 à 100 %, le nombre de personnes dont les droits sont ouverts de 75 à 100 %, les délais de trois mois à quelques jours... et les agents du service public sont épanouis !
Au-delà de l'incitation financière constituée par le revenu de solidarité active (RSA), il faut accélérer la simplification des procédures et des échanges. Nous attendons l'apport des conseils généraux, des CAF et des acteurs de terrain pour apporter une réponse humaine, concrète et précise aux problèmes.
M. Mercier a dit qu'il ne fallait pas craindre la clarté. Était-ce une allusion au système d'information de la CAF, dénommé Cristal ? (Sourires) Les agents du conseil général ont accès au système d'information des CAF, et peuvent connaître les montants versés à un individu. Sous l'amicale pression du président Mercier, les CAF du Rhône ont ainsi produit plus d'états qu'auparavant -preuve que vos demandes étaient justifiées. (Sourires)
S'agissant des plans de contrôle, le conseil général et la CAF doivent se mettre d'accord sur les priorités et signer une convention d'échange de données.
Faut-il légiférer pour réguler l'échange d'informations ? Je ne le crois pas, car la définition légale de conventions-types obligerait les conseils généraux et les CAF à passer beaucoup de temps à se régler sur ces conventions, quand bien même leurs relations seraient satisfaisantes, ce qui est souvent le cas. Ensuite, une loi serait peu opératoire neuf mois avant les changements très importants prévus avec le RSA, dans le sens de la fusion des minima sociaux, de la simplification de gestion et de la connexion au monde du travail.
Aussi la barque de notre travail administratif est-elle déjà suffisamment chargée, pour exaucer votre voeu de plus de transparence et de clarté : j'entends votre appel, mais je vous propose de nous rejoindre dans la préparation de la grande réforme à venir. Vous savez que nous sommes à votre entière disposition, pour que les conseils généraux, pivots des politiques d'insertion, s'assurent que chaque euro dépensé aille bien à l'insertion des populations en difficulté, en facilitant le travail plutôt que la seule assistance ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Moreigne. - Du RMI créé il y a vingt ans par M. Rocard et que perçoivent aujourd'hui un million deux cent mille de nos compatriotes, M. Mercier nous propose de redéfinir la gestion, sous l'angle des relations entre les conseils généraux, les CAF et la MSA. Le contrôle des départements sur les dépenses doit certes être renforcé, puisqu'elles se sont considérablement accrues avec la décentralisation de la gestion du RMI, mais ce texte n'améliore en rien la gouvernance même du dispositif, ce que les départements attendent légitimement.
M. Mercier note que les départements ne peuvent connaître la réalité de la dépense mise à leur charge, ni procéder au contrôle que tout payeur public doit exercer avant de mettre en liquidation une dette. Il propose à l'article premier, d'obliger les organismes payeurs à fournir aux départements tous documents justificatifs du versement du RMI et de rendre obligatoire les conventions entre conseils généraux et organismes payeurs. L'article 2 impose un délai de six mois à la signature de telles conventions, tout en en précisant le contenu.
La gestion des indus pèse sur les relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs. Selon la CNAF, les indus auraient représenté 336 millions en 2005, soit 5 % des allocations versées, les trois-quarts étant le fait des allocataires, la responsabilité de la CAF étant engagée dans un cas sur dix seulement ; actuellement, les départements ne peuvent récupérer les indus en dessous de 77 euros.
M. Mercier nous propose de renforcer les relations entre la CAF, la MSA et les conseils généraux. Toutefois, les indus ne sont pas toujours le fait des allocataires ; la diversité des procédures informatiques est une source d'erreurs, entravant le recoupement d'informations entre gestionnaires. Sans, bien sûr, procéder à une chasse aux sorcières, il faut cependant améliorer la gestion du RMI pour renforcer la solidarité au profit de ceux qui en ont le plus besoin.
L'article 3 dispose que les départements ont mensuellement connaissance du croisement des fichiers des organismes payeurs avec ceux des Assedic et des services fiscaux. Est-ce la bonne solution ? L'an passé, l'Igas a estimé, par exemple, qu'une information mensuelle était jugée insuffisante par les départements.
Cette proposition de loi n'envisage pas la gouvernance du RMI, ni son financement, alors que la réforme des minima sociaux prévue à l'automne, impose de reconsidérer la gestion et le financement de l'action sociale dans son ensemble.
Initialement financé et géré par l'État, le RMI a été transféré aux conseils généraux par la loi du 18 décembre 2003, dans le cadre de l'acte II de la décentralisation. C'est ici que les choses se gâtent, car les conditions sont très désavantageuses pour les départements.
En effet, la loi du 2003 dispose : « les charges résultant pour les départements des transferts et création de compétences réalisées par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit de l'impôt perçu par l'État. » Et la loi de finances pour 2004 d'attribuer aux conseils généraux une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Ainsi, le montant définitif de la compensation, approuvé le 9 novembre 2005 par la Commission consultative d'évaluation, est légèrement supérieur à 4,8 milliards d'euros. Or, la dégradation de la situation économique ayant fortement augmenté le nombre d'allocataires, l'explosion des dépenses a imposé aux conseils généraux des contributions croissantes, le pic dépassant 6 milliards d'euros en 2006. Confronté à la contestation des départements, le gouvernement de l'époque a dû assumer ses responsabilités en abondant le Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion à hauteur de 500 millions d'euros en 2006, 2007 et 2008. Bien qu'appréciable, ce geste demeure très insuffisant. En outre, nous ignorons comment le RMI sera financé en 2009.
À ce jour, l'Association des départements de France évalue à plus de 2,5 milliards le déficit cumulé pesant sur les conseils généraux. (M. le Haut-commissaire marque son désaccord avec ce chiffrage.)
Le département que j'ai l'honneur de représenter subit un déficit atteignant 1,5 million d'euros, soit quatre points de fiscalité départementale. Je suis sûr des chiffres !
Le financement du RMI n'est toujours pas assuré. Cette question reste donc ouverte, même si elle doit dorénavant être appréciée à l'aune de la réforme prévue pour l'automne prochain. Nous devrons alors examiner la gouvernance de l'action sociale. Comme le souligne le président de l'Association des départements de France, il faut « une mise à plat complète et préalable des relations financières entre l'État et les conseils généraux ». Nous resterons donc vigilants quant aux réformes à venir.
Le groupe socialiste ne s'oppose pas à la proposition de loi déposée par M. Mercier, ni aux conclusions du rapporteur, tout en rappelant que les philosophes exhortent à s'assurer de la réalité des choses avant d'en parler. Si j'ai bien compris, le rapporteur entend s'y attacher, par des contrôles sur pièces et sur place. La Creuse lui réservera le meilleur accueil.
Monsieur Mercier, les meilleurs avocats sont ceux qui gagnent les grands procès ! (Applaudissements à gauche)
M. Charles Guené. - Cette proposition de loi est intéressante à plus d'un titre : elle illustre les défis auxquels sont confrontés les conseils généraux dans la gestion de leurs dépenses obligatoires ; elle met en évidence les disparités induites par la taille des départements, mais aussi par les pratiques locales des services de l'État et de la sécurité sociale.
Le nombre des allocataires du RMI a diminué de 8,3 % en 2007, ce dont le groupe UMP se réjouit. Toutefois, le coût de ce dispositif reste très élevé, puisqu'il a dépassé 6 milliards d'euros en 2007.
Les départements sont donc fondés à demander des comptes sur cette charge importante qui leur incombe. Ils ont le droit d'exiger une bonne gestion et un bon contrôle de prestations parfois versées de manière indue. Notre commission des finances évalue à 300 millions d'euros le coût des abus, payés par les départements.
L'enjeu financier conduit ainsi à celui de la transparence.
M. Mercier estime que les départements ne connaissent pas la réalité de la dépense subie au titre du RMI. Cela met en cause les relations avec les organismes qui versent des prestations, notamment les caisses d'allocations familiales. Plusieurs rapports, dont celui publié en novembre 2007 par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), soulignent que l'on peut améliorer la transmission des informations, l'interopérabilité des systèmes et la gestion des versements indus.
La transparence doit prévaloir, car il est normal, légitime et indispensable que les départements connaissent les bénéficiaires des prestations, leur objet et leur montant afin que le payeur public puisse contrôler la réalité des dépenses engagées et la bonne affectation.
Nous devons mettre fin aux dysfonctionnements comptables, sources de décalages de trésorerie, et combattre avec fermeté la fraude et les abus dont bénéficient parfois les propriétaires de manoirs ou de logements fastueux. C'est une question de transparence, de bonne gestion et de justice sociale.
À cette fin, la proposition de loi tend à rendre obligatoire la fourniture de documents justificatifs par les organismes payeurs et la signature de conventions avec les départements pour déterminer les obligations de chaque partie. En outre, le résultat du croisement des fichiers des caisses d'allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole avec ceux des services fiscaux serait porté à la connaissance des départements. Ces propositions vont dans le bon sens. On peut toutefois s'interroger sur leur opportunité, au vu des disparités locales.
Notre rapporteur souligne en effet qu'il ne peut porter de jugement global sur les dispositions législatives pouvant améliorer les relations entre les organismes payeurs et les conseils généraux. Les informations recueillies par les sénateurs du groupe UMP confortent cette analyse : dans certains départements, les conseils généraux s'estiment bien informés ; dans d'autres, le manque de coordination induit des pertes financières et des décalages de trésorerie dont M. le Haut-commissaire a bien voulu admettre la réalité. Un point de convergence existe néanmoins : la nécessité de connaître le résultat du recoupement des fichiers des caisses d'allocations familiales et de ceux d'autres administrations publiques. Il ne s'agit pas d'instruire à charge contre des procédures qui recouvrent des situations complexes et douloureuses, mais de recueillir les informations nécessaires à la conduite d'une politique. M. Fréville m'a ainsi rappelé que les chiffres du RMI sont utilisés pour de nombreuses dotations. Les statistiques doivent donc être incontestables.
La communication de ce résultat est inscrite dans la loi, mais seulement à destination du président du conseil général et du président de la commission locale d'insertion. Surtout, elle n'est pas obligatoire et semble mise en oeuvre de façon disparate.
D'une manière générale, la situation sur le terrain dépend des relations entre les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales : les conventions signées sont extrêmement variables ; les informations transmises par les caisses sont parfois insuffisantes ou inexploitables. Les difficultés de coordination et de gouvernance paraissent assez générales, mais la variété des situations rend difficile une solution législative.
Le groupe UMP salue le travail du rapporteur, M. Cazalet. Il approuve sa volonté d'une expertise supplémentaire avant de présenter ses conclusions. En effet, le Sénat doit légiférer dans de bonnes conditions sur un sujet important pour les finances locales, la transparence et la gouvernance, mais aussi source d'enseignements pour la généralisation du revenu de solidarité active (RSA). (Applaudissement à droite et au centre)
M. Gérard Le Cam. - Je vous prie de bien vouloir excuser M. Foucaud, retenu au dernier moment.
« Accélérer les réformes » : c'est ainsi que certains, au plus haut niveau gouvernemental, ont interprété le résultat des élections municipales et cantonales. Nous sommes donc surpris que l'un des premiers textes à examiner soit une proposition de loi présentée par un membre éminent de la majorité sénatoriale, mais au contenu pratiquement réglementaire : on nous demande la validation législative d'un objet juridique relevant d'un décret ministériel, voire d'un simple arrêté. Dois-je rappeler que la convention liant les départements et les organismes, mentionnée dans la loi de décembre 2003, a fait l'objet de deux décrets de mars 2004 ? Le texte d'aujourd'hui empiète donc bien sur le domaine réglementaire.
Mais là n'est pas l'essentiel. Derrière le contrôle comptable du RMI, il y a cette obsession des fraudes massives aux minima sociaux, qu'il conviendrait de pourchasser sans relâche ! Un bilan présenté à tel conseil général indiquait : « Nous recevons mensuellement un volume d'indus transférés par les organismes payeurs d'environ 300 000 euros. (...) Le taux de recouvrement est extrêmement faible, 8 % seulement. » Étaient aussi évoqués les recours gracieux sollicités par les allocataires : « Chaque mois, nous recevons entre 100 et 150 demandes de recours gracieux. En 2006, nous avons refusé 845 recours. Nous examinons néanmoins les propositions de la Banque de France en matière de plan de surendettement et nous sommes prêts à accorder des moratoires. » Le même rapport comptabilisait 1 126 recours gracieux en instance et un taux de poursuites pénales de 42 %, 90 plaintes déposées sur quelques mois par le président du conseil général au nom du département. (M. Mercier sourit) Le montant moyen d'un indu frauduleux est d'environ 15 000 euros. Ce conseil général verse chaque année plus de 130 millions d'euros d'allocations. On mesure l'importance de la fraude, décrite dans ce rapport que vous avez entendu avant nous, monsieur le président Mercier... (Même mouvement) Ce rapport vous a été présenté par l'un des membres éminents de votre majorité départementale, M. Albéric de Lavernée, conseiller général de Perrache. On mesure bien ce que vous recherchez avec cette proposition : pourchasser, traquer une prétendue fraude aux allocations quand le scandale réside dans l'augmentation exponentielle de la précarité et de la pauvreté. Dans le département du Rhône, 27 000 bénéficiaires du RMI ; mais aussi 370 000 foyers non imposables à l'impôt sur le revenu dont les deux tiers perçoivent par an moins de 7 500 euros ! Voilà ce que vivent plus de 30 % des foyers fiscaux à Vaulx-en-Velin, Vénissieux, comme dans le premier arrondissement de Lyon -et près du quart des contribuables du deuxième arrondissement, où est élu M. de Lavernée, près du tiers des contribuables de Thizy, une ville que vous connaissez, monsieur Mercier...
Soyez rassuré : le chargé de mission « lutte contre la fraude » de la CNAF estime la fraude à 35 millions d'euros par an sur 60 milliards de prestations servies, soit 0,05 % environ... Agissez contre la précarité au lieu de laisser entendre que les allocataires de minima sociaux seraient tous des fraudeurs en puissance. Considérez le nombre des non imposables à l'impôt sur le revenu et prenez conscience que bien des personnes qui auraient droit à une allocation ne demandent rien ! Ce n'est pas en entretenant ce climat de suspicion autour des allocataires de revenus sociaux que vous réglerez le douloureux problème de la compensation intégrale des charges transférées aux départements. (M. Moreigne approuve) Rendez plutôt à l'État ce qui relève de sa pleine et entière responsabilité au titre de la politique sociale. Monsieur Mercier, vos intentions sont en tout cas partagées par le Gouvernement : on exige désormais des allocataires qu'ils prennent part à une activité, même fragmentaire et limitée. J'indique que le groupe CRC votera contre cette proposition de loi.
M. Martin Hirsch, Haut-commissaire - Lorsque nous aborderons la réforme des minima sociaux, nous ne fuirons pas la question des relations financières entre l'État et les départements. Nous avons entamé l'expérimentation du RSA avec à peu près la moitié d'entre eux, dans un climat de grande confiance ; nous partageons les coûts du RSA à 50-50, mais laisserons aux départements 100 % des économies prévues.
Sur toutes les questions de principe, le débat aura lieu avec les exécutifs locaux comme les parlementaires. Je conviens qu'il y deux aspects bien distincts : la bonne gestion des deniers publics ; la lutte contre la pauvreté, centrée non sur le contrôle mais sur le soutien aux familles et l'accès à un emploi qui ne soit pas une régression par rapport à une allocation. Il nous faudra traiter de tout cela très bientôt ! (Applaudissements au centre et à droite)
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°1 présentée par M. Arthuis au nom de la commission des finances.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Merci à M. Mercier d'avoir posé comme exigence la transparence. Ici ou là, dans les conseils généraux, on se demande si les montants versés aux caisses sont pleinement justifiés ; et l'on souhaite y voir clair. C'est un principe : la société peut demander à toute administration des comptes sur sa gestion.
M. Cazalet a étudié avec diligence la proposition mais dans le contexte délicat des élections cantonales, il n'a pu aller au bout de ses explications. Des investigations complémentaires s'imposent, nous les mènerons à bien grâce à nos prérogatives de contrôle sur place et sur pièces.
Je propose donc au Sénat, au nom de la commission des finances, d'adopter une motion de renvoi en commission. Nul doute que M. Cazalet se rendra dans le département du Rhône ! Nous pourrons alors demander à nouveau l'inscription à l'ordre du jour réservé de cette proposition pour le 13 mai, si nous sommes prêts. Innovons dans notre manière de légiférer, évitons toute précipitation dans un domaine qui ne doit être touché que d'une main tremblante et sans précipitation, prenons le temps de l'étude et de la réflexion. Et nous verrons si le rapporteur conclut à la nécessité de légiférer.
M. Roland du Luart. - Je remercie notre collègue M. Mercier ainsi que le Haut Commissaire dont les propos illustrent notre état d'esprit : je ne partage pas, en effet, l'analyse de M. Le Cam, car nous sommes comptables de l'argent public. Le père du RMI, Jean-Claude Boulard, est sarthois, je tiens à le préciser !
Je veux signaler dans mon département un curieux phénomène : depuis que la proposition de loi est inscrite à la Haute assemblée, la CAF de la Sarthe a annoncé qu'elle trouverait une solution au problème et que fin juin, nous disposerions des informations que nous demandons depuis de longs mois. (On se réjouit sur plusieurs bancs à droite) Merci, monsieur Mercier !
Nous ne faisons pas de procès à qui que ce soit, nous voulons seulement mieux organiser le retour à l'emploi, afin qu'il ne soit pas un recul.
La Sarthe compte 7 500 Rmistes, 8 % de moins en un an. Le coût est de 38 millions d'euros, les indus, de 1 million. Nous avons mis en place une plate-forme d'accueil qui renseigne en amont les demandeurs potentiels et évite des démarches inutiles et des remboursements ultérieurs.
La motion est adoptée.