SÉANCE
du jeudi 17 janvier 2008
53e séance de la session ordinaire 2007-2008
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Grenelle de l'insertion
M. le président. - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le Grenelle de l'insertion.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. - Les politiques de l'insertion ont besoin de nouvelles perspectives ; le Grenelle de l'insertion rassemblera l'ensemble des acteurs pour leur donner des bases nouvelles. Il nous a semblé opportun d'en débattre en amont avec vous et non pas demander au Parlement de ratifier les propositions élaborées dans d'autres enceintes. Les discussions sur l'insertion sont souvent trop techniques ; nous en aborderons aujourd'hui les grandes lignes, les principes et les enjeux.
Nous nous trouvons à la fin d'un cycle d'une vingtaine d'années au cours duquel a été forgée, par touches successives, une politique d'insertion qui a donné certains résultats positifs. Avant 1988 et la création du revenu minimum d'insertion (RMI), les personnes ne disposant d'aucunes ressources dépendaient de la charité. Le revenu minimum caractérise désormais l'Europe sociale. Avant 2000 et la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), on pouvait, si l'on n'avait pas d'assurance maladie, se voir refuser l'accès aux soins. Des millions de personnes ont bénéficié d'emplois aidés, des centaines de milliers sont passées par des entreprises ou des structures d'insertion. Certains parcours formidables justifieraient à eux seuls l'invention de l'insertion.
Pourtant, nous sommes obligés de constater un échec collectif. Les résultats ne sont pas à la hauteur de la richesse économique et de l'ambition sociale de notre pays. Tant de personnes sont exclues du monde du travail, ne dépassent pas le revenu minimum, disposent de ressources provenant principalement de la solidarité ou sont renvoyées à la case départ après avoir remis un pied à l'étrier. Tant de personnes sont confrontées à l'isolement, à des problèmes de santé, de logement, au surendettement...
Ce n'est pas faire injure à un passé récent que de dire qu'il faut bâtir autre chose. Quand tant de personnes perdent de l'argent en reprenant du travail, quand on vous propose de rembourser une partie de son salaire pour bénéficier à nouveau de la couverture maladie universelle, quand on donne satisfaction dans une entreprise d'insertion mais que la loi limite ce contrat à deux ans et que l'on se retrouve au chômage à 58 ans, quand vous voulez travailler à plein temps mais que, dans le cadre des politiques d'insertion, vous ne pouvez travailler plus de 26 heures et gagner plus de 750 euros, quand un pays compte parmi ses adultes pauvres autant de personnes exclues du travail que travaillant, il faut changer de système.
M. Jean Desessard. - Voilà !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Ces mesures ont été prises avec de louables intentions mais, mises à bout, elles produisent un système de relégation. Il faut les repenser, rebâtir une nouvelle politique. Aucun des acteurs pris isolément n'est en lui-même coupable. La responsabilité -ou plus exactement l'irresponsabilité- est collective. Pour changer un système malade, il faut faire un diagnostic. Je vous en suggère un. Le responsable, c'est le comportement de « centrifugeuse » d'un moteur qui s'est mis, depuis des décennies, à renvoyer à la périphérie, d'abord insidieusement puis avec violence, certains de ses membres. Plus le moteur tournait, plus le nombre de personnes rejetées contre des parois glissantes a augmenté : pas assez performantes parce que trop jeunes, trop vieilles, pas assez, trop ou mal qualifiées, toujours disqualifiées parce que discriminées.
Selon une enquête de 2005, les annonces d'emploi en France comportent dans 20 % des cas un critère d'âge, contre 1 % en Grande-Bretagne, dans 73 % un critère de formation, contre 27 % en Grande-Bretagne, dans 9 % une demande de photographie, contre 0 % dans cet autre pays européen !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Optons pour le CV anonyme.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Le moteur de notre société a cru gagner en efficacité parce qu'il s'allégeait, mais il s'est privé de carburant. Pour que l'éviction ne soit pas trop douloureuse, on l'a compensée au lieu de la combattre et de provoquer l'intégration. Nos politiques de lutte contre la pauvreté sont trop déconnectées du travail, de l'éducation et de la formation, de l'économie et des aspirations des personnes, condamnées à l'assistanat.
Enfin, il a manqué, dans notre pays, un compartiment intermédiaire entre un secteur hyper compétitif et celui de la solidarité, un secteur où l'on développe des emplois, peut-être à plus faible productivité mais infiniment plus rentable que le prix du chômage et de l'exclusion. L'exclusion génère un lourd tribut, payé d'abord par les personnes exclues et désormais par l'ensemble de la société. Nous avons cru à une phase transitoire, avec un chômage attribué à des chocs externes, tout en conservant notre modèle social et une qualité de l'emploi. Nous avons eu à la fois le chômage et la pauvreté au travail, l'exclusion et la précarité. Nous y avons répondu par des systèmes de plus en plus sophistiqués, complexes et coûteux, de moins en moins efficaces.
Nos politiques d'insertion sont à bout de souffle, mais l'énergie n'est pas morte. Nous l'avons vu il y a un mois lors du lancement du Grenelle à Grenoble. Nous le voyons dans les départements qui, depuis que des responsabilités leur sont conférées, cherchent à inventer de nouvelles politiques, dans les réseaux associatifs, qui ont imaginé des solutions originales, et dans le dynamisme de l'insertion qui se trouvait déjà à la pointe du développement durable quand le concept n'intéressait personne.
Dans ce contexte, nous avons des raisons d'être optimistes. Tout d'abord, le sondage réalisé avec la Sofres montre que les allocataires du RMI souhaitent travailler, sont demandeurs de formation, de mobilité, d'accompagnement. En témoigne l'implication forte des Rmistes dans les groupes de travail constitués dans les départements qui expérimentent le revenu de solidarité active (RSA). Ensuite, si les acteurs de l'insertion réussissent, avec de faibles moyens, à redonner leur dignité aux personnes.les plus fragiles, pourquoi la société n'y arriverait-elle pas ? Enfin, un impératif semble mieux compris, notamment dans les entreprises qui ont besoin de main-d'oeuvre. Les politiques d'insertion représentent une opportunité. Elles ne doivent pas se référer au passé mais se projeter dans l'avenir. Il y a des secteurs en tension, des offres d'emplois non satisfaites. Si l'on convertit celles-ci en équivalent temps plein, on trouvera à peine de quoi satisfaire 10 % des besoins, mais si on se projette dans les dix prochaines années, les proportions changent. Des millions d'emplois seront à pourvoir. Si nous poursuivons les politiques actuelles, nous connaîtrons simultanément des pénuries considérables de main-d'oeuvre et des taux de chômage massifs dans certaines catégories de la population. Si nous révolutionnons les politiques d'insertion, nous pouvons faire reculer la pauvreté en créant de la richesse.
Nous souhaitons que les partenaires réunis dans les collèges du Grenelle puissent débattre tout en étant éclairés par la représentation nationale sur les principes d'action et les propositions de réforme. Il faut commencer par simplifier de façon drastique les dispositifs des minima sociaux, des aides de retour à l'emploi, des contrats aidés. On a chaque fois rajouté un dispositif au précédent, on a fonctionné sur des logiques de cloisonnement, sans responsable identifié, avec une logique de défiance qui se traduit par des critères d'une précision presque diabolique. La complexité est source d'exclusion. Vous avez un problème ? La solution ne s'applique pas à vous parce que vous ne bénéficiez pas de l'allocation de parent isolé, n'êtes pas au RMI, êtes trop vieux, trop jeune, pas encore assez éloigné de l'emploi, pas suffisamment surendetté ! Avec le RSA, une prestation unique se substituera à plusieurs minima sociaux et plusieurs aides. Le contrat unique d'insertion simplifiera l'enchevêtrement des contrats. Le bouclier sanitaire, s'il est accepté, allégera le système des copaiements et des prises en charge par l'assurance maladie. Une meilleure convection entre le nouveau service public de l'emploi et l'insertion professionnelle permettra de supprimer les critères d'accès en fonction des statuts. Simplifier impose de donner de la souplesse à ceux qui ont la responsabilité directe des publics en insertion pour qu'ils puissent dire oui ou non avant tout en fonction des besoins de la personne. Une bonne législation pose les principes de la solidarité et laisse leur traduction aux acteurs de terrain. C'est la première question : peut-on mettre en place des prestations moins normées réglementairement, en améliorant l'équité et sans laisser filer les dépenses ?
Ensuite, grâce au RSA, il faut assurer des revenus du travail supérieurs à ceux de la solidarité afin de supprimer les effets de seuil pour les allocataires de minima sociaux qui reprennent du travail, de lutter contre la pauvreté au travail et de redonner au système de la lisibilité. Il est expérimenté dans des départements volontaires. A terme, il se substituera à de nombreux dispositifs en garantissant que toute augmentation des revenus du travail se traduise par un accroissement des ressources du ménage. Pour être juste, il doit être complet et donner, à travail égal et à composition familiale équivalente, les mêmes revenus à tous, que l'on bénéficie des minima sociaux ou que l'on soit un travailleur aux revenus modestes.
On peut s'interroger sur la question du périmètre. Faut-il laisser certaines allocations sous les mêmes règles ? Faut-il inclure l'allocation spécifique de solidarité ? Toutes les indications que vous pourrez donner en ce sens seront utiles aux partenaires sociaux, à l'heure où ils discutent de l'évolution de l'assurance chômage. Ne doit-on pas soumettre l'allocation adulte handicapé aux mêmes règles, sachant que leurs attributaires, même en cas de retour à l'activité, ont toujours besoin de bénéficier de la solidarité ?
Mais si le RSA supprime les effets de seuil, le problème demeure de la santé et de l'accès à la CMU. D'où l'idée d'un bouclier sanitaire. Dès lors que le reste à charge est fonction du revenu, il n'y a plus d'effort qui pèse sur ceux qui sont juste au-dessus du seuil d'exonération de la participation de l'assuré.
Quid, enfin, du mode de calcul des aides au logement ? Il faudra être suffisamment incitatif pour éviter la neutralisation des aides connexes.
Troisième piste : promouvoir une conception plus large, plus souple et plus réaliste de la notion d'employabilité. On considère aujourd'hui que certaines personnes sont « éloignées de l'emploi », alors que c'est l'emploi qui s'est éloigné d'elles. À côté des personnes pour lesquelles l'emploi est directement accessible, il y a celles qui ont besoin d'une formation, d'une qualification nouvelle, celles aussi qui ont besoin d'être durablement soutenues, et pour lesquelles l'emploi doit prendre la forme d'une activité adaptée. Aucune de doit se voir refuser la dignité par le travail : ce sont les exigences du travail qui doivent s'adapter à leurs difficultés. Avancer, comme le font certains, la notion de handicap social, au motif qu'il vaut mieux prendre acte, à la manière de la Cotorep, d'une incapacité à travailler plutôt que de s'acharner à une insertion impossible, me paraît, même avec les meilleures intentions du monde, dangereux. Car travailler dans un chantier d'insertion, ce n'est être ni inemployé, ni inemployable.
M. Nicolas About, président de la commission. - Très bien !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Je pense à une association, qui m'est chère, et qui fait travailler dans le secteur de la récupération des milliers de personnes que la société avait déclarées inemployables !
Quatrième piste : passer d'un système de contrats aidés à une logique de contrats aidants, fondée sur la notion de parcours. Car depuis vingt ans, si les sigles ont changé, la logique est restée la même. Il ne s'agit pas de jeter aux orties les contrats aidés, qui demeurent indispensables, mais de prendre acte de leurs insuffisances pour les faire évoluer : lien trop relâché avec un parcours d'insertion débouchant sur un emploi pérenne, limite temporelle ne correspondant pas aux besoins, durée du travail contingentée, indice qualifiant trop faible du contenu en formation, effets d'aubaine mal maîtrisés, complexité administrative...
Un contrat unique d'insertion, plus souple, bénéficiant d'un soutien public qui ne prenne pas systématiquement la forme d'une subvention abaissant artificiellement le coût du travail mais permette de financer un accompagnement sous forme de tutorat, de formation, modulé en fonction des besoins des employeurs et les salariés ne constituerait-il pas une amélioration ? De même, la réorientation vers des contrats qualifiants, reposant sur le principe de l'alternance, grâce à une montée en charge des contrats de professionnalisation et d'apprentissage. Ne serait-il pas bon, enfin, de supprimer tout couperet administratif pour adapter les contrats aux besoins des personnes ?
Ces principes doivent permettre d'adapter notre politique aux différents secteurs d'activité, où les défis à relever ne sont pas les mêmes. Pour le privé, il s'agit de limiter les effets d'aubaine en finançant l'accompagnement plutôt que d'alléger les charges ; pour le public, il s'agit de conduire vers une qualification réelle et la possibilité d'une pérennisation : quand une personne a donné satisfaction, elle ne devrait pas être renvoyée vers le RMI ou le chômage !
Cinquième piste, qui doit avoir valeur de principe : l'universalité effective de l'accès au service public de l'emploi, de l'insertion et de la formation. Alors que se met en place un grand service public de l'emploi et dans la perspective d'une unification des minima sociaux, nous ne pouvons accepter que ce soient les moins qualifiés qui bénéficient le moins du service public de l'emploi. Une trop faible partie des fonds de la formation professionnelle va vers les publics qui en ont le plus besoin. La branche propreté, dont l'organisme paritaire collecteur agréé s'est engagé à consacrer 10 % de son budget aux actions de lutte contre l'illettrisme devrait servir d'exemple pour une politique active d'insertion des publics prioritaires. (M. Desessard approuve)
Sixième piste : donner priorité à la mobilité et à la garde d'enfants. L'enjeu est bien de mieux organiser les aides financières autour du RSA : l'État et les collectivités locales devraient joindre leurs efforts pour apporter des réponses satisfaisantes à ces freins à l'emploi et à l'insertion.
Septième piste : engager les pouvoirs publics dans une logique de responsabilité, en laissant une large place à l'initiative locale. Un département, qui m'est cher, a ainsi mis en place une plate-forme unique pour les droits et devoirs de ceux qui commencent à percevoir un revenu minimum. Les résultats sont spectaculaires : on touche 95 %, contre 20 % auparavant, de la population couverte par un contrat d'insertion, dans un délai ramené de trois mois à trois jours ; quand 80 % seulement accédaient à la CMU, 100 % sont immédiatement couverts ; au lieu d'un pourcentage dérisoire, enfin, 100 % sont contactés par le service public de l'emploi. Est-ce ce département qui est exceptionnel, ou ne sont-ce pas plutôt les autres qui restent hors de ce qui devrait constituer la norme ? A-t-il fallu pour cela modifier la Constitution ou dépenser des milliards ?
La situation de l'emploi n'est pas la même dans tous les bassins. Ici, c'est le travail saisonnier qui prime ; là, les services à la personne. Faut-il que l'État impose un barème et des règles juridiques identiques sur l'ensemble du territoire ? Ne doit-il pas plutôt se faire garant des principes, en laissant aux collectivités locales les marges de manoeuvre pour les mettre en oeuvre ? Et comment assurer une cohérence avec des collectivités spécialisées par public ou par fonction ? Dans un cas, on provoque un cloisonnement selon l'âge ou le revenu ; dans l'autre, on disjoint des leviers complémentaires : comment mener une politique d'insertion sans maîtrise de la formation professionnelle ? Pourquoi ne pas laisser aux collectivités, l'État s'engageant auprès d'elles, le soin de définir leur « pacte territorial d'insertion » ? Si, sur un territoire, c'est au CCAS que se font les premières démarches d'insertion, pourquoi imposer qu'elles aient lieu dans une maison départementale ou dans une caisse d'allocation familiale ? Si, dans un département, l'accompagnement professionnel est confié à la même équipe que celle qui assure l'accompagnement social, pourquoi le contraindre à passer par un autre opérateur ? Aucun demandeur d'emploi ne devrait plus s'entendre dire qu'il ne peut avoir accès à une formation parce que cela dépend d'un autre acteur. Aucune entreprise ne devrait s'entendre dire qu'on ne peut lui fournir de main-d'oeuvre qualifié dans un délai compatible avec ses besoins au seul motif que les politiques d'insertion, de formation et de qualification souffrent d'un manque de coordination.
Huitième piste : clarifier la notion, centrale, de droits et de devoirs, qui ne doit rester ni virtuelle, ni rigide. La confiance fera beaucoup. Comment parler de droits et de devoirs quand le retour à l'emploi ne procure pas de revenus supplémentaires ? Le RSA devrait permettre d'entamer la clarification. Premier principe : tout travail doit s'exercer dans le cadre d'un véritable emploi. Pas de travailleurs au rabais. La contrepartie demandée à la solidarité doit se transformer en salaire pour éviter tout effet de relégation et toute concurrence malsaine entre salariés et allocataires.
M. Jean Desessard. - Absolument.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Second principe, celui du parcours d'insertion. On ne peut être exigeant que si l'on s'engage dans la durée. Pourquoi ne pas proposer un contrat dans la durée, avec une régularité garantie des revenus, en contrepartie d'un engagement d'accepter emplois et formations proposées pendant la durée du contrat ?
Question symétrique : cette logique ne doit-elle pas s'appliquer aussi aux employeurs ? Mais imposer une contrainte, comme on l'a fait pour les travailleurs handicapés, peut être contreproductif. Il faut tout d'abord pouvoir satisfaire les entreprises et les branches qui ont des besoins et sont prêtes à faire des efforts. La balle est dans notre camp.
Il faut être capable de mesurer l'effort d'insertion des entreprises : ce n'est pas facile mais pourquoi ne pas prendre en compte les conditions d'embauche, de formation, les partenariats avec les entreprises d'insertion. L'État peut développer la clause d'insertion dans les marchés publics ; de même, une grande entreprise de communication, si elle ne pratique pas directement l'insertion, peut la favoriser pour sa cantine. On peut multiplier les dispositifs du type de la contribution textile que vous aviez votée à l'unanimité. Quelques centimes additionnels aux péages autoroutiers pourraient aller à l'insertion et on pourrait développer l'éco-contribution sociale car mieux vaut payer pour l'insertion que pour un revenu de remplacement.
Dernière piste, passer de la petite à la grande échelle. Notre pays ne manque ni d'idées ni de dispositifs mais pourquoi tant d'initiatives ont-elles du mal à se développer voir à survivre ? Elles sont souvent coûteuses, d'où la nécessité de prévoir une expérimentation et de financer l'évaluation.
Voilà quelques pistes pour une politique d'insertion tournée vers une gestion prévisionnelle des emplois : l'insertion prépare l'avenir. Il faut simplifier des dispositifs : nous avons le record de leur nombre et aussi celui du nombre de personnes qui y restent scotchées. Évitant une politique des petites cases pour des personnes incasables, nous devons faire du sur-mesure et davantage adosser la politique de solidarité active sur les territoires et la responsabilité des acteurs locaux. C'est dire combien nous attendons de ce débat. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - (Applaudissements à droite) J'ai trouvé votre exposé extrêmement dense, monsieur le Haut-commissaire, mais je regrette que vous ayez dû le dire à un rythme trop rapide : je souhaite que chacun le lise et le médite à tête reposée.
Le cadre très exceptionnel de ce débat me donne l'opportunité de choisir mon sujet : mes collègues ne seront pas surpris que j'évoque les personnes handicapées, dont l'insertion ne se pose pas tout à fait dans les mêmes termes que pour les autres. Notre commission reste mobilisée pour que le handicap ne reste pas l'unique motif de refus d'un emploi. Même si l'on est passé de 2 % en 1987 à 4,4 %, le fameux seuil de 6 % de handicapés n'est atteint ni dans la fonction publique ni dans les entreprises privées ; 23 000 entreprises n'ont encore jamais employé un handicapé et le taux de chômage des personnes handicapées, 17 %, est le double de celui du reste de la population.
Cette situation résulte d'une collusion de facteurs. Un facteur psychologique, d'abord : la réticence des employeurs tient plus à l'ignorance qu'à un rejet. Un facteur financier, ensuite : la mise en accessibilité a un coût. Des facteurs structurels, aussi : le système de solidarité incite trop peu à la reprise d'activité. Mais le véritable obstacle tient au faible niveau de qualification des personnes handicapées, qui éprouvent des difficultés d'accès à la formation professionnelle. Les employeurs à la recherche de personnes qualifiées sont parfois conduits à organiser des formations pour aller vers les 6 %.
La loi du 11 février 2005 a permis des avancées mais certains de ses aspects sont moins convaincants. Malgré une réelle prise de conscience, beaucoup reste à faire et favoriser le premier pas de l'employeur et supprimer tout a priori du directeur des ressources humaines suppose de multiplier les actions d'information et de sensibilisation.
La loi Handicap a malheureusement, au nom de la dignité, assimilé un emploi de personne handicapée à un emploi normal ; on a ainsi écarté de l'emploi les personnes les plus lourdement handicapées. Ce n'est pas la seule anomalie : la loi de finances rectificative pour 2007, qui a exonéré le ministère de l'éducation nationale de sa contribution au fonds de la fonction publique, a été mal vécue. L'État ne devrait-il pas se montrer exemplaire ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce serait la moindre des choses.
M. Nicolas About, président de la commission. - Pour inciter les personnes handicapées à travailler quand elles le peuvent, la loi autorise un cumul de l'AAH et d'un salaire. Ce progrès ne pourrait-il pas bénéficier aux handicapés qui ont été contraints de créer une entreprise ? Vous étudiez la possibilité d'étendre le revenu de solidarité active aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé. Une approche globale doit en effet distinguer la compensation du handicap du revenu dont le niveau favoriserait plus la reprise d'activité.
Rendre effectif l'accès des handicapés aux formations de droit commun suppose de dégager des places supplémentaires dans les plans régionaux de formation, d'améliorer l'accueil, de moduler les formations aux besoins des handicapés et de mieux préparer les formateurs et les travailleurs sociaux. Certaines régions ont signé des conventions handicompétences : il faut multiplier ces initiatives afin que les personnes handicapées puissent trouver une formation après un bilan de ce qu'elles veulent et peuvent faire.
Cela n'exclut pas de multiplier les places en secteur protégé, non plus que d'en expérimenter hors les murs, qui conservent aux personnes handicapées un encadrement sécurisant. (« Très bien ! « à droite)
L'Agefiph et le fonds fonction publique financent des incitations à l'embauche et des aménagements. Les 230 000 interventions de l'Agefiph ont contribué à une augmentation de 4 % du nombre de handicapés employés en 2006, 111 000 personnes étant prises en charge par Cap emploi. En revanche, les interventions du fonds de la fonction publique restent embryonnaires et sa trésorerie dormante atteint 150 millions d'euros. Notre commission, qui s'en était inquiétée, espère que son nouveau président prendra la mesure de sa mission.
La mise en accessibilité des bâtiments, de la voirie et des transports constitue une absolue nécessité. Elle reste indissociable de l'insertion. L'échéance de 2015 apparaît bien trop lointaine alors que l'importance des investissements à réaliser justifie que les communes se préoccupent sans attendre de mettre en place la commission chargée d'établir un diagnostic.
Les entreprises et administrations sont elles aussi concernées au premier chef.
L'Agefiph et le Fonds « fonction publique » pourraient utilement contribuer au financement de ces opérations.
Je crois beaucoup à la méthode des petits pas, à la vertu de l'exemple pour sensibiliser les entreprises, surtout les plus petites d'entre elles, susceptibles d'accueillir nos concitoyens handicapés. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs socialistes)
M. Paul Blanc, pour la commission des affaires sociales. - La France n'a pas à rougir des efforts qu'elle déploie pour l'insertion des plus démunis, de la loi créant le RMI en 1988 à celle en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, en passant par le grand texte de 1998 de lutte contre les exclusions -sans parler des dispositions spécifiques aux personnes handicapées. Notre système de solidarité n'a cependant pas eu les résultats escomptés. Trop complexe, peu compréhensible, y compris pour les travailleurs sociaux, il produit des incohérences et des iniquités entre bénéficiaires des minima sociaux, et entre ces derniers et les salariés modestes. Il reste trop peu incitatif à la reprise d'activité. C'est dire l'efficacité limitée de nos politiques d'insertion, qui maintiennent leurs bénéficiaires dans un régime d'assistance dont ils veulent sortir sans prendre le risque de voir leur revenu diminuer.
Le futur système doit être davantage incitatif à la reprise d'activité ; nous devons passer de l'assistance à une politique d'inclusion sociale active. Je crois à la vertu du travail et de l'effort, à la récompense du mérite. L'homme trouve sa dignité dans le travail et la contribution qu'il apporte ainsi qu'à la société où il vit. La majorité des bénéficiaires de minima sociaux veulent travailler -cela suppose un accompagnement et un suivi sérieux. C'est là la grande faille du RMI. Il est indispensable de contrôler l'existence du contrat d'insertion et de sanctionner ceux qui le refuseraient ou n'en respecteraient pas le contenu. Il importe dans le même temps de professionnaliser les métiers de l'insertion, afin que les travailleurs sociaux soient en mesure de réaliser de véritables bilans professionnels, de proposer des projets d'insertion valables, d'en assurer le suivi jusqu?à leur terme. Mieux formés, ils doivent se voir fixer des objectifs de résultat.
Deuxième principe fondamental : le futur système doit garantir l'équité entre les bénéficiaires de minima sociaux et entre ces derniers et les salariés modestes. Comme l'a souligné le rapport de notre commission de 2007, qu'il s'agisse des statuts, du montant des allocations, des plafonds de ressources ou des critères d'attribution des aides, les disparités sont grandes. La fusion des minima sociaux garantirait simplification et équité -mais une simple harmonisation des conditions d'accès aux droits connexes et de leur versement aboutirait au même résultat ... La généralisation du RSA et son versement aux travailleurs les plus pauvres réduiraient les disparités, tout en incitant au retour à l'emploi. Il s'agit avant tout de garantir la perception d'un revenu supérieur à celui versé dans les périodes d'inactivité. Nos réserves portent sur le coût d'une telle mesure. Une remise à plat complète du système, y compris des droits connexes et des charges liées à la reprise d'activité, nous semble indispensable.
Troisième principe : la sécurisation des parcours d'insertion professionnelle. Il importe d'éviter toute rupture brutale des droits dans des trajectoires qui alternent périodes d'activité et d'inactivité. Le RSA, qui va être expérimenté dans quarante départements, répond en partie à cette exigence. Mais sa généralisation suscite bien des questions. Intégrera-t-il tous les minima sociaux, ou seulement l'ASS, l'API et le RMI ? L'AAH est-elle concernée ? Comment s'articulera-t-il avec chaque minimum social ? Quel sera son montant ? Celui-ci sera-t-il fixé uniformément par l'État ou librement par les départements ? La commission des affaires sociales souhaite que ses modalités de calcul soient les mêmes sur tout le territoire et que les droits connexes soient obligatoirement pris en compte. Il faut simplifier, limiter les disparités de revenu tout en abaissant le coût global du système.
Autre question centrale : le partage des responsabilités. Selon les recommandations de M. Lambert, les départements -mais existeront-ils encore demain ?- pourraient demeurer chefs de file des politiques d'insertion ; leur mobilisation en faveur des bénéficiaires du RMI justifierait qu'ils reçoivent de l'État une juste compensation de leurs efforts financiers. Les plus innovants d'entre eux mériteraient même d'être récompensés -à l'image de ce qui se fait dans le cadre du fonds de mobilisation départemental d'insertion- et leurs bonnes pratiques mieux diffusées.
S'agissant de la formation professionnelle, l'action des régions en direction des bénéficiaires de minima sociaux est encore insuffisante ; elle doit être mieux coordonnée avec celle des départements, le système plus ouvert à des personnes qui, il est vrai, ne sont pas toutes inscrites à l'ANPE. A quand un Grenelle de la formation professionnelle ?
Je souhaite que la future réforme des politiques d'insertion permette de redéfinir les droits et les devoirs de tous, bénéficiaires de la solidarité nationale, entreprises, travailleurs sociaux, État et collectivités locales. J'y vois le préalable à une politique d'inclusion sociale active, assortie d'une véritable exigence de résultats. Je crois aussi à l'émulation créée entre les départements par la décentralisation et aux vertus de l'expérimentation : c'est ainsi que nous parviendrons à rénover nos politiques publiques et à les rendre plus efficaces. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Seillier, pour la commission des affaires sociales. - Je doute d'être plus pertinent que M. le Haut-commissaire, dont je partage les analyses. La référence aux accords de Grenelle de 1968 me laisse toutefois quelque liberté, qui implique la remise à plat de toute la problématique de l'insertion et la révision du régime des droits et des devoirs de tous les acteurs.
Cette problématique peut d'abord être posée en référence à la logique de développement de notre société. Si nous admettons que la dominante de celle-ci est la performance d'un système technologique concurrentiel, la politique d'insertion devra permettre à chacun d'accéder à un haut niveau de compétence scientifique et technique. C'est donc la qualité du système éducatif et de formation professionnelle ainsi que les moyens mis à sa disposition qui devront être considérés comme prioritaires. Le rapport de la mission sénatoriale de 2007 a montré que nous en étions loin ; mais nous connaissons la voie à suivre.
Dans la mesure où l'acquisition d'un haut niveau de qualification professionnelle requiert un effort prolongé tout au long de la vie, il existe un lien étroit entre la satisfaction de cette exigence personnelle et la stabilité mentale, la force de caractère et la volonté de l'individu. C'est la formation morale, le contexte culturel qui se trouvent interpelés : les vertus de l'effort sont-elles au centre de notre éducation et de notre existence ? Je laisse chacun répondre à cette question. Mais la fréquentation des publics en difficulté d'insertion rend dubitatif ; trop de jeunes ne sont à l'évidence pas armés pour affronter la compétition propre aux économies de la connaissance, sans parler de leur hygiène de vie. Dès lors, la responsabilité de l'échec de l'insertion ne saurait être imputable aux victimes, mais à ceux qui décident de la formation des jeunes et la dispensent.
Autrement dit, c'est sur nous que repose cette responsabilité. Justifier l'échec par l'inacceptable concept d'handicapé social serait trop facile quand on n'a rien fait.
On peut également se demander, comme vous l'avez fait, si l'exclusion n'est pas inhérente à nos sociétés libérales, capitalistes et compétitives, leur sous-produit systémique en quelque sorte, et ne résulterait pas de l'absence, jusqu'à ce jour, d'une régulation qui ne détruise pas le système de base producteur de richesses. Le mal est donc identifié, mais on n'en maîtrise pas le remède. En attendant, mettons en oeuvre toute la panoplie de l'ingénierie de l'insertion, progressivement déployée depuis plus de trente ans.
Par parenthèse, il est indispensable que cette ingénierie de l'insertion soit connue de tous, et plus spécialement des ministres...
M. Nicolas About, président de la commission. - Ah !
M. Bernard Seillier, pour la commission - ...afin d'éviter que l'on considère la lutte contre l'exclusion comme un secteur d'ajustement conjoncturel alors qu'il s'agit d'un phénomène structurel. Cette remarque ne concerne pas le haut-commissaire...
Cette ingénierie comporte des structures qui vont du lieu de vie destiné aux personnes les plus blessées par la vie jusqu'à l'association pour le droit à l'initiative économique, fondée en France par Maria Nowak, qui a permis à 10 000 personnes de sortir du chômage l'an dernier en distribuant des microcrédits pour la création d'entreprises -à cet égard, l'attribution du prix Nobel de la paix en 2006 à l'inventeur du microcrédit, le bangladais Muhammad Yunus, est loin d'être indifférente... (M. Nicolas About, président de la commission, approuve) Entre ces deux bouts de la chaîne, on trouve les ateliers et chantiers d'insertion, les associations intermédiaires, les entreprises d'insertion dont 80 % des revenus sont tirés des ventes ainsi que les entreprises classiques dont on attend beaucoup, durant le Grenelle de l'insertion, qu'elles approfondissent leur engagement récent dans la grande cause nationale de l'insertion. Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale comprend, au reste, depuis juillet 2005, des représentants des syndicats professionnels et salariés.
Nous sommes confrontés à un problème structurel dont la résorption améliorera notre performance économique et accroîtra notre cohésion sociale. Qu'est-ce qui blesse notre corps social au point d'alimenter les cohortes de pauvres exclus de toute participation à la vie commune et à la répartition équitable des biens ? C'est un échec politique majeur.
Pour terminer, je considère que l'insertion comporte avant tout une dimension humaine, elle exige un accompagnement individualisé, suppose la formation d'un lien social, d'une relation interpersonnelle. Cette conviction m'avait conduit à proposer en 2003 la création d'un « contrat d'accompagnement généralisé ». Cette nécessité de l'accompagnement lors du processus d'insertion ne révèle-t-elle pas une blessure plus chronique ? Permettez-moi d'orienter notre réflexion sur un sujet délicat que j'aborderais sans agressivité. Notre insertion au monde commence avec la naissance. Celle-ci ne peut être refusée par la société, c'est un progrès de civilisation depuis le bannissement de l'infanticide. Dans nos pays, les législations de solidarité sociale reconnaissent que cet événement, cet avènement pourrait-on dire, doit être soutenu financièrement. Une ombre s'est cependant répandue depuis que de nombreux régimes démocratiques ont libéralisé la possibilité d'interruption des grossesses. Je me place ici du point de vue de la morale collective. Considérer que l'on accueille véritablement l'autre et que l'on reconnaît ses droits imprescriptibles au moment de sa naissance, et non en amont, est une solution qui a l'avantage de reposer sur les faits, mais elle présente la faiblesse de dépendre de la qualité, de la situation et de l'état de l'être humain en cause. Bien que la législation de l'insertion et des droits des handicapés constitue aujourd'hui une garantie importante contre les dérives eugéniques, elle reste insuffisante au regard du respect absolu de la dignité de l'être humain. Longtemps, je n'ai pas compris ce que Mère Teresa avait voulu dire en déclarant l'avortement légal le principal ennemi de la paix dans le monde. (On s'exclame à gauche) Elle voulait signifier, me semble-t-il, que la philosophie de l'insertion était toute entière contenue dans la gestation de l'être humain, cette période de neuf mois durant laquelle on ne fait qu'un avec le corps maternel.
Mme Odette Terrade. - C'est complètement hors sujet !
Mme Raymonde Le Texier. - Il y a une loi sur l'IVG !
M. Bernard Seillier, pour la commission - L'accompagnement maternel avant et après la naissance -cette période archétypale- est ensuite prolongé tout au long de la vie par l'interrelation continue entre les personnes composant la communauté de société.
M. Paul Blanc, pour la commission - Voilà une bonne définition de la « politique de civilisation » !
M. Bernard Seillier, pour la commission - Nous ne cessons de nous engendrer mutuellement pour composer le corps social que nous voulons le plus harmonieux, pacifique et juste possible. A moins d'être mus par cette humanité, notre conception de l'insertion restera technique et fonctionnelle, car nous ne saurons pas écouter l'exclu. Si tel était le cas, nos sociétés modernes auraient peu évolué par rapport aux sociétés antiques qui rejetaient sur le pauvre la responsabilité de son indigence et l'esclave d'hier serait l'inadapté d'aujourd'hui. Et pourtant, René Girard le rappelle avec insistance, le bouc émissaire est innocent. Pardonnez-moi, mes chers collègues, de vous avoir entraîné sur ce terrain inattendu (M. Jean-Pierre Godefroy le confirme) mais j'ai voulu remonter à la source du problème de l'insertion et de cette mobilisation de tous contre l'exclusion qu'exige la loi de 1998 ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Raymonde Le Texier. - Dans notre pays, une personne sur dix vit grâce aux minima sociaux. Devant une telle situation, il est difficile de faire la part de ce qui relève du chômage de masse, du champ complexe de l'insertion ou de l'existence de trappes à inactivité. On a d'ailleurs constaté que le nombre de Rmistes reste très élevé même lorsque le chômage recule, ce qui n'est guère étonnant puisque ces reculs correspondent moins à des créations d'emplois qu'à des baisses statistiques, liées au glissement de statut de demandeur d'emploi à celui de Rmiste.
La question de l'insertion n'est que la part émergée de l'iceberg d'une société minée par la précarisation, les bas salaires, le chômage et le démantèlement des protections sociales. Selon une étude réalisée auprès de l'ensemble des pays de la communauté européenne, plus de 55 % des Français ont personnellement peur d'être un jour exclus. Ce résultat, le plus élevé parmi les pays consultés, montre que le sentiment que l'État ou l'individu n'a pas de prise sur l'exclusion est aujourd'hui partagé. Nous ne pouvons nous satisfaire ni de cette inquiétude, ni de la situation de l'insertion dans notre pays.
J'en viens au bilan que vous avez dressé, monsieur le haut-commissaire. S'y retrouver dans le maquis des contrats aidés relève de l'exploit : contrat de qualification, contrat de professionnalisation, contrat insertion dans la vie sociale, contrat d'insertion lié au revenu minimum d'activité, contrat d'accès à l'emploi, contrat d'avenir... Cet inventaire, hélas, n'est pas exhaustif. Les professionnels eux-mêmes sont perdus dans cette jungle où les individus sont découpés en tranches et ont accès aux différentes propositions en fonction de conditions qui ne cessent d'être redéfinies au gré des annonces ministérielles. Pour suivre ces changements, dont ils ne comprennent plus le sens, les acteurs doivent mobiliser une énergie considérable.
Si nul ne peut dire quels seront les résultats de ce « Grenelle de l'insertion », les questions que vous soulevez, monsieur le Haut-commissaire, sont pertinentes et votre approche nous change agréablement des méthodes de travail de ce gouvernement.
Les politiques d'insertion nécessitent l'évaluation sérieuse des outils d'accompagnement social, du professionnalisme des intervenants, des parcours de retour à l'emploi.
La question du partenariat demeure : ce n'est pas parce qu'on en parle, qu'il existe -c'est parfois le contraire ! (M. About sourit) Les élus, les entreprises, les employeurs publics doivent s'impliquer davantage. L'Association des départements de France se plaint du désengagement de l'Etat : le transfert de la gestion du RMI s'apparente à une patate chaude, les gouvernements n'ont pas tenu parole pour rembourser les départements, à mesure de l'augmentation du nombre de Rmistes -la dette de l'Etat s'élève à 2 milliards ! Confrontés à la désinvolture de l'Etat et à la détresse des exclus, les départements risquent de devoir choisir entre le nécessaire et l'indispensable. Voilà pourquoi ils regardent la généralisation du RSA avec une certaine circonspection, forts de l'expérience du RMI !
La revalorisation du travail ne doit pas occulter les problèmes de logement, de formation, d'éducation et de santé auxquels les exclus se confrontent. La parole de l'Etat a perdu de son crédit, aussi, parce qu'après les promesses de la présidentielle, nos concitoyens ont retrouvé le pain noir de la réalité : les salaires et le pouvoir d'achat stagnent, la modernisation du marché de l'emploi se résume à la destruction du droit du travail, la réforme de la sécurité sociale remet en cause les principes mêmes du pacte républicain ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) A comparer les 25 millions du RSA, avec les 4 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches de nos concitoyens, on voit bien où sont les priorités du Président de la République !
Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le Haut-commissaire, ne se soucie pas de l'accroissement des inégalités, ni de la baisse du pouvoir d'achat ! Vous cherchez des pistes pour que les exclus accèdent à l'emploi, mais la politique du Gouvernement nourrit le flux de la précarité ! Vous méritez mieux, même si, en politique comme dans la vie, mieux vaut allumer une bougie que maudire l'obscurité... (Sourires)
Nous partageons votre diagnostic : l'insertion fonctionne mal, il faut sortir du compassionnel, mieux cibler les publics selon leur éloignement de l'emploi et leurs besoins d'accompagnement social. Quels sont les droits et obligations des publics qui relèvent d'une véritable prise en charge ? Comment impliquer les entreprises, au-delà d'une énième charte qui ne servirait à rien ? Quelle sera la place de l'Etat ? Il doit s'impliquer et non se servir de la décentralisation pour s'exonérer de son devoir de solidarité. L'insertion est un bon investissement pour notre société : celui qui accède à l'emploi retrouve sa dignité et il casse la chaîne de l'échec social, qui, à ne rien faire, court de génération en génération ! Casser cette chaîne, c'est bien le moins quand on se pique de conduire une politique de civilisation ! Les moyens consacrés à l'insertion, compteront bien davantage que les longs discours !
Monsieur le Haut-commissaire, nous suivrons le Grenelle de l'insertion avec la plus grande attention. Cependant, il est devenu très urgent d'arrêter de fabriquer de la pauvreté ! J'ai vu cette devise au mur de votre bureau : « Au possible nous sommes tenus », j'ai envie de vous dire plutôt : « A l'impossible nous sommes tenus ! » (M. le Haut-commissaire sourit, applaudissements à gauche, M. Longuet applaudit aussi)
Mme Isabelle Debré. - Je salue votre détermination, monsieur le Haut-commissaire, et votre engagement, forgé sur le terrain, au contact des plus démunis, au contact de ceux dont le mode de vie et la souffrance ne permettent pas l'exercice de tous leurs droits, de ceux qui sont dans la survie, de ceux qui ont perdu confiance en eux et dans la société.
Avec volontarisme et lucidité, vous avez lancé le Grenelle de l'insertion pour lutter contre la misère en France. Aujourd'hui, sept millions de personnes se trouvent sous le seuil de pauvreté, dont deux millions d'enfants.
Les familles monoparentales avec un enfant à charge, sont les plus touchées, outre les personnes seules et les couples avec au moins trois enfants. Des sondages indiquent que six Français sur dix de moins de 50 ans, craignent l'exclusion !
La pauvreté n'est pas une fatalité. Si la croissance économique réduit la pauvreté, la corrélation est imparfaite. Outre un bon fonctionnement du marché du travail, il faut avoir un système éducatif efficace qui aide les jeunes à trouver un travail, une politique du logement qui limite les « ghettos ». Il faut mettre en place des politiques efficaces pour aider les personnes menacées par l'exclusion sociale à sortir durablement de cette situation.
Les prestations sociales jouent un rôle majeur dans la réduction de ce fléau. Mais la lutte contre l'exclusion ne doit pas se réduire à une assistance pour tous, dont le seul but serait de faire face aux besoins élémentaires de l'existence. Notre société qui fait son devoir en assurant aux plus fragiles un minimum de sécurité matérielle doit également tout mettre en oeuvre pour ouvrir aux personnes aidées la voie du retour à l'emploi. Or 67 % des pauvres sont sans emploi.
Lorsqu'au chômage, s'ajoutent la solitude, la maladie, ou la perte du logement, alors commence la spirale de l'exclusion et il faut intervenir en urgence. La réinsertion doit briser le cercle vicieux de la destruction du lien social et de la perte de l'estime de soi.
Le Grenelle de l'insertion suscite beaucoup d'espoir. A votre demande, la Sofres a interrogé un échantillon représentatif d'allocataires du RMI depuis plus d'un an : 74 % pensent que les décisions qui y seront prises pourront améliorer leur situation ; 86 % pensent que le RSA les encouragerait à retrouver une activité professionnelle.
Le Grenelle de l'insertion donne la parole aux professionnels, associations et bénéficiaires, et vise à impliquer davantage les entreprises et les employeurs publics.
L'extrême complexité du système d'aide au retour à l'emploi appelle une réforme en profondeur. Je suis particulièrement intéressée à participer aux travaux du Grenelle de l'insertion. Dans mes responsabilités d'élue, j'ai pu dialoguer avec les associations, les services de l'Etat, les entreprises. A leur contact, j'ai pu évaluer les difficultés des acteurs de terrain, prendre connaissance des actions innovantes dans la lutte contre l'exclusion.
Je participe au groupe de travail étudiant la mobilisation des employeurs, privés, associatifs ou publics, pour favoriser l'emploi de personnes en difficulté. Il s'agit notamment de réfléchir aux moyens de lever les freins qui empêchent les entreprises classiques de s'impliquer davantage dans l'insertion. Notre groupe s'attachera à porter un avis sur la réforme des contrats aidés et à étudier le secteur de l'insertion par l'activité économique.
En 2006, la Cour des comptes a souligné les défauts des contrats aidés : éclatement, complexité, forte instabilité ; dans un rapport, M. Dassault est parvenu aux mêmes conclusions. Malgré un début de simplification apporté par le plan de cohésion sociale, les dispositifs restent peu lisibles pour leurs bénéficiaires et leur application est difficile pour les opérateurs.
Comme vous l'avez souvent dit, monsieur le Haut-commissaire, les contrats aidés doivent être non pas des impasses, mais des passerelles vers l'emploi durable.
J'espère que nos travaux conduiront, comme le souhaite le Président de la République, à la création d'un contrat unique d'insertion, suffisamment souple pour s'adapter à la diversité des situations. Un tel contrat est attendu depuis longtemps par les acteurs du secteur qui souhaitent qu'on prévoie, dans ce cadre, des prestations de formation et d'accompagnement.
L'entreprenariat social est aussi une alternative aux contrats aidés. Ces entreprises opérant dans le secteur concurrentiel avec des employés en difficulté sont soumises au code du travail mais reçoivent des aides de l'État pour compenser la faible productivité des salariés et le taux d'encadrement élevé. En général, ces aides sont dégressives dans le temps pour inciter les entreprises à devenir rentables. Les associations et les entreprises d'insertion permettent aux individus de se refamiliariser avec le monde du travail, de bénéficier d'une formation adaptée et d'un accompagnement afin de retrouver un emploi satisfaisant sur le marché ordinaire du travail. Ces entreprises d'insertion emploient plus de 30 000 personnes par an, dont 36 % trouvent un emploi à leur sortie, 9 % débutent une formation qualifiante et 6 % poursuivent leur parcours d'insertion dans une autre structure. Mais surtout, la première performance des entreprises d'insertion est de salarier dans des conditions de marché des personnes réputées non employables. Elles font progresser l'idée que personne n'est a priori inemployable, postulat essentiel pour lutter contre les inégalités et l'exclusion. Elles perçoivent, en contrepartie du service rendu à la collectivité, des financements publics dont le montant varie en fonction du type de structure et auxquels on a reproché d'être insuffisants, complexes et instables. La question du financement devra donc être débattue. Il faudra aussi traiter de la professionnalisation de ceux qui travaillent dans les associations d'insertion.
Les entreprises classiques, trop souvent, refusent de jouer le jeu, faisant ainsi échouer certains parcours d'insertion pourtant bien entamés. Vous avez évoqué, monsieur le Haut-commissaire, la possibilité de critères de performance, négociés et non pas imposés, ou le recours à une clause d'insertion. Il y a un intérêt pour l'employeur à lutter contre l'exclusion et la précarité puisqu'il peut bénéficier d'un financement de l'État mais aussi de la motivation des personnes concernées.
Il faut transformer nos prestations sociales et avoir le courage de remettre à plat les minima sociaux. Trop souvent, le retour à l'emploi s'accompagne d'une réduction des ressources de la famille, au mieux de leur stagnation. Le travail doit permettre de ne pas être pauvre et de vivre dignement. (M. Godefroy approuve vigoureusement) Le RMI, à l'origine conçu comme un moyen de ne pas laisser sans ressources ceux qui passaient au travers des mailles du filet de la protection sociale, était destiné à répondre aux phénomènes de grande exclusion. Près de vingt ans après, il est devenu la seule ressource d'un nombre considérable de ménages, souvent de manière durable : en 2003, 45 % des bénéficiaires du RMI le percevaient depuis plus de trois ans. Les minima sociaux ne conduisent pas vers l'emploi. Un peu plus de 25 % des personnes qui percevaient le RMI ou l'allocation de solidarité spécifique à la fin de 2004 avaient un emploi au premier trimestre 2006, emploi souvent temporaire, à temps partiel ou aidé.
En fait, quand l'allocataire perçoit un salaire, son RMI diminue d'autant. Lorsqu'il s'agit d'un emploi à temps plein et correctement payé, son revenu augmente mais la plupart des postes accessibles aux Rmistes sont à temps partiel et payés au Smic et l'intérêt financier d'un retour à l'emploi devient alors faible, voire nul.
Des mécanismes d'intéressement ont été mis en place pour lutter contre ces trappes à inactivité. Le Rmiste qui retrouve un travail peut ainsi cumuler, pendant les trois premiers mois, salaire et RMI. Si ses horaires excèdent un mi-temps, il touche également une prime de 1 000 euros le quatrième mois. Mais ces dispositions peu cohérentes et peu lisibles pour les bénéficiaires sont limitées dans le temps : l'intéressement décroît après le quatrième mois et disparaît au bout d'un an. En fin de compte, en écartant les personnes de l'emploi, le RMI les pénalise au lieu de les protéger.
Le RSA vise donc à remédier à ces carences, en complétant le salaire tiré de l'activité, notamment pour les emplois à temps partiel. C'est une incitation financière dès la première heure d'activité si bien que, pour un Rmiste, retour au travail n'est plus synonyme de perte de revenus. Et ce mécanisme s'applique pendant trois ans.
La fusion des minima sociaux serait la suite logique du RSA, actuellement expérimenté dans quarante départements. Libérer les allocataires de l'angoisse du court terme augmente leurs chances de retour durable à l'emploi. En les sécurisant, on leur permet de se projeter dans l'avenir. Je me réjouis de la méthode employée, qui privilégie l'expérimentation, en éprouvant la pertinence du dispositif avant de l'étendre à tout le pays. C'est la clef de la réussite.
En 2005, le rapport de la commission que vous présidiez, monsieur le Haut-commissaire, et qui proposait d'intéressantes innovations sociales, dont la création du RSA, a été unanimement salué, mais peu d'observateurs croyaient en la mise en oeuvre de ces propositions. Aujourd'hui, vous faites heureusement mentir ce pronostic.
Pour conclure, je citerai le titre de ce rapport : « Au possible, nous sommes tenus ». En effet, nous devons faire tout notre possible pour que les plus fragiles de nos concitoyens retrouvent respect et dignité. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Odette Terrade. - Un mot sur l'intitulé choisi par le Gouvernement pour le débat d'aujourd'hui : « Grenelle de l'insertion sociale ». Cela aurait pu aussi s'appeler « plan pour l'insertion sociale », mais les échanges -par presse interposée- de deux des membres du Gouvernement sur la notion de « plan » nous expliquent pourquoi vous vous y êtes refusé. Ce sera donc un « Grenelle », un second, celui de l'insertion succédant à celui de l'environnement. Pour un président qui disait vouloir faire en finir avec les références de mai 68, on peut s'étonner. J'espère toutefois que le Grenelle qui s'annonce sera plus fructueux que celui sur l'environnement, critiqué aujourd'hui par la majorité de ses participants pour ne pas tenir les promesses faites alors. Vous avez fait naître des espoirs, vous faites aujourd'hui beaucoup de déçus. Je vous rappelle que le Grenelle de mai 68 s'est conclu sur la création de nouveaux droits et améliorait considérablement la vie des travailleurs de notre pays avec, par exemple, l'augmentation du Smig de 25 %, des salaires de10 % ou encore la création de sections syndicales d'entreprise. Je ne crois pas m'avancer en disant qu'il n'en sera pas de même pour votre Grenelle, et je le regrette pour les quelque huit millions de Français qui survivent avec 800 euros par mois.
Dans le courrier que vous avez adressé aux sénateurs, vous présentez les trois thèmes qui seront traités : comment redéfinir les objectifs de la politique d'insertion et sa gouvernance, comment mobiliser les employeurs pour l'insertion, comment construire des parcours d'insertion adaptés. A une certaine époque, j'aurais pu, avec mes collègues du groupe CRC, être sceptique : avant les huit mois de présidence de M. Sarkozy, avant la loi Tepa et les 15 milliards dilapidés dans des mesures inefficaces ou dans des cadeaux fiscaux, mais aussi avant la loi de financement de la sécurité sociale, ou bien encore avant la fusion forcée de l'ANPE et des Assedic. Mais depuis, mon scepticisme vire au doute sérieux... On connaît déjà les conclusions que vous allez tirer de ce Grenelle : la généralisation du revenu de solidarité active (RSA). Pas plus tard qu'hier soir, sur une chaîne d'information en continu, vous n'avez pas dissimulé votre volonté de l'étendre sans pouvoir aujourd'hui, vous le reconnaissiez vous-même, en faire le moindre bilan.
Je vous poserai donc deux questions. Pouvez-vous nous indiquer le nombre précis de bénéficiaires du RSA sur les quarante départements qui l'expérimentent ? Et pouvez-vous nous dire le montant moyen de leurs revenus ? Naturellement, vous ne le pouvez pas. Et c'est là que le bât blesse. Car cette mesure est inégalitaire : vous renvoyez aux départements la charge du RSA, si bien qu'entre le bénéficiaire d'un département riche et celui d'un plus pauvre, le montant de l'allocation sera différent ; et comme, à l'image du Gouvernement, vous renvoyez tout à l'individu, entre deux bénéficiaires d'un même département, le montant de l'allocation pourrait encore varier.
Vous souhaitez inciter les demandeurs d'emplois en difficulté à retourner sur le marché du travail. Est-ce à dire que vous considérez les chômeurs comme des personnes qu'il faut supplier pour qu'ils aillent travailler ? Pour nous, ce sont des salariés privés d'emplois par des politiques libérales qui méprisent l'être humain dont elles font la variable d'ajustement de leurs spéculations.
Vous partez du postulat que le demandeur d'emploi ne doit pas perdre d'argent en reprenant une activité professionnelle. Présenté ainsi, comment s'opposer à ce RSA ? Mais nous ne voulons pas « donner une activité » aux demandeurs d'emplois mais un travail qui leur permette de vivre dignement du revenu de leur labeur. Même dans vos rangs, on doute de votre RSA. Déjà, en mai 2005, un rapport d'études du Sénat, réalisé par Valérie Létard, actuelle secrétaire d'État à la solidarité, avertissait : « Le soutien très important apporté par le RSA dès les premières heures d'activité fait craindre des pressions à la baisse sur les salaires et un renforcement du recours par les entreprises à des emplois à temps partiel. »
Et puis vous ne dites rien des moyens et du financement, ce qui est loin d'être anodin ! Le Président de la République avoue ne rien pouvoir faire pour le pouvoir d'achat en raison de la situation des comptes publics : les caisses sont vides, dit-il, et on peut le croire puisque c'est lui qui les a vidées. (Exclamations sur les bancs de la commission) Demain, il décidera sans doute une nouvelle vague de décentralisation afin que les missions régaliennes de l'État soient réduites à la portion congrue et que les collectivités financent encore plus les politiques de solidarité.
La semaine prochaine, le Sénat examinera le projet de loi sur le pouvoir d'achat. Le groupe CRC fera des propositions constructives pour le relancer et favoriser l'emploi en supprimant, par exemple, les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les patrons qui continuent à n'offrir que des sous-emplois. Le Conseil économique et social, et même certains élus de l'UMP, ont d'ailleurs émis des réserves sur ces largesses. Il faut en finir avec ce non-sens qui veut que, systématiquement, les gouvernements de droite subventionnent les employeurs qui n'offrent, en retour, que des emplois précaires, alors que ce sont des trappes à bas salaires.
Je m'étonne également que vous ne vous soyez pas opposé à l'instauration des franchises médicales qui font payer aux malades le prix de leur maladie. Il s'agit pourtant d'un cercle vicieux : la maladie précarise et réduit les ressources, si bien que les malades ne se soignent plus. Or, sans soins, le malade se précarise plus encore.
Vous avez dit, monsieur le Haut-commissaire, qu'il faut changer le système. Nous craignons, quant à nous, que ce Grenelle de l'insertion ne soit qu'un cache-misère. Si vous y croyez, M. Fillon, quant à lui, y voit le moyen de dissimuler ses réels projets. A n'en pas douter, ce gouvernement est profondément cohérent : il codifie le code du travail en réduisant les droits des salariés...
M. Nicolas About, président de la commission. - Ce n'est pas vrai ! Cette codification s'est faite à droit constant !
Mme Odette Terrade. - ...Il modernise le marché du travail en le rendant toujours plus flexible. Il réorganise l'accueil des demandeurs d'emplois en créant une structure publique dont les missions sont privatisables à merci.
M. Nicolas About, président de la commission. - Mais non !
Mme Odette Terrade. - Et aujourd'hui, vous modifiez l'aide sociale en la conditionnant à la reprise d'activité. En appliquant la règle voulue par le Président de la République de la sanction au second refus d'une offre acceptable d'emploi, vous obligerez, à n'en pas douter, les bénéficiaires du RSA à accepter les quelques milliers d'emplois très précaires et sous-payés proposés par le patronat.
Derrière les déclarations, il y a les faits, et je crains fort que votre Grenelle n'y puisse rien à moins qu'enfin, le Président de la République ne décide de mettre fin à cette politique de casse sociale. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas About, président de la commission. - Caricature !
M. Jean Desessard. - Tout d'abord, je tiens à vous dire, monsieur le Haut-commissaire, que votre discours était excellent, tant sur la forme que sur le fond. Nous aurions même pu croire que c'était un discours de gauche. (Sourires)
M. Nicolas About, président de la commission. - Eh bien, non !
M. Gérard Longuet. - C'est l'ouverture !
M. Jean Desessard. - Je veux aussi vous dire ma satisfaction sur les méthodes employées : expérimentation, débat de société, consultation des associations, débat au Parlement et groupes de travail en amont : a priori, les formes ont été respectées. Je vous incite pourtant à consulter outre les associations qui s'occupent d'insertion celles de chômeurs, comme l'Association pour l'emploi, l'information et la solidarité des chômeurs (APEIS), le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), Agir ensemble contre le chômage, Droit au logement, le Comité des sans-logis...Ces associations sont à l'image du public qu'elles rassemblent : difficultés financières, lutte pour la survie économique, grande précarité. Si l'on veut que les chômeurs aient la parole, il faut aider leurs représentants, car la cotisation des adhérents ne suffit pas.
Vous parlez, monsieur le Haut-commissaire, de droits et de devoirs pour les bénéficiaires. Mais une société humaine doit être solidaire avec l'ensemble de ses citoyens, y compris les plus faibles. Assurer un revenu à toute femme ou tout homme qui n'a pas de ressources, c'est respecter les droits humains, mais cela permet également de faire des économies. A moins que l'on accepte cyniquement que les pauvres ne soient plus logés et qu'ils fassent la manche pour survivre, il faudra bien qu'ils aient un toit, qu'ils puissent se nourrir, que leurs enfants puissent aller à l'école. Tout cela a un coût, assuré en partie par l'État mais surtout par les collectivités locales, les services publics, les associations caritatives. Pourquoi ne pas accorder un revenu social garanti aux personnes sans ressources pour éviter les expulsions, les coupures d'électricité et de chauffage ? Pourquoi imposer des contreparties à cette solidarité nécessaire ? Il est indispensable d'augmenter les minima sociaux et là, je dois vous avouer, monsieur le Haut-commissaire, que je vous ai trouvé bien timide. Vous avez annoncé des mesurettes alors que j'attendais une augmentation significative de la contribution de l'État.
Il convient de rendre les minima sociaux inconditionnels et indépendants des revenus des autres membres de la famille et de les élargir aux 18-25 ans.
J'en viens aux emplois aidés. Les écologistes estiment qu'il conviendra de réduire, un jour ou l'autre, la consommation et donc la production. Nous ne pouvons continuer cette course à la croissance qui appauvrit les ressources naturelles de la planète. Il faudra en arriver à dissocier le revenu du travail si l'on veut éviter une catastrophe écologique.
Aujourd'hui, chaque personne doit pouvoir trouver une activité salariée grâce au service public national de l'emploi qui ne doit pas être évalué en fonction des seuls critères de la rentabilité. Il n'est d'ailleurs pas normal que ce soient ceux qui payent qui décident du montant des allocations. A une époque, les chômeurs percevaient 90 % de leurs salaires, et cela ne choquait personne. Les valeurs morales ont-elles changé depuis ? Non. Ce qui a changé, c'est le nombre de chômeurs...
Tous les emplois aidés doivent être payés au Smic mensuel, et non pas horaire. Il faut aussi développer le secteur de l'économie solidaire et les travaux d'utilité publique, sociale ou écologique. Enfin, il convient de revaloriser les métiers dans les secteurs qui ne parviennent pas à recruter, en augmentant les salaires et en améliorant les conditions de travail.
Vous voulez que les minima et les revenus d'activité puissent se cumuler afin d'éviter les effets de seuil et de rendre la reprise du travail financièrement intéressante. Je préfèrerais l'instauration d'un revenu d'existence dont le montant serait fixé en fonction du seuil de pauvreté. Il s'agirait d'un droit individuel, sans condition de ressources, ouvert à tous les citoyens majeurs et cumulable avec d'autres ressources. Ce revenu serait financé par l'impôt sur le revenu. Une telle solution serait plus simple pour l'administration et pour le bénéficiaire, car elle remplacerait de nombreuses aides actuelles. Elle serait également moins intrusive, moins stigmatisante et plus égalitaire entre les chômeurs et les travailleurs à faibles revenus. Cette mesure ne ruinerait pas les finances publiques et permettrait de faire rapidement baisser le nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté. Évidemment, elle coûterait un peu plus cher que le modeste RSA dont l'expérimentation à coûté 50 millions pour 90 000 personnes, ce qui est loin d'être suffisant pour améliorer la vie des personnes en question. Il est vrai que la France n'est pas particulièrement généreuse : par chômeur, le Danemark dépense 2,6 fois plus que nous. Et ce n'est pas prêt de changer ! Le 31 décembre, le « président du pouvoir d'achat » a augmenté le RMI de 1,6 %, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 1,1 %, les prestations familiales de1 %, le minimum vieillesse de 1,1 % alors que la hausse des prix a été de 2,4 % !
L'année où l'on offre 15 milliards aux plus riches, vous comprendrez aisément notre perplexité devant la diminution du revenu réel des sept millions et demi de personnes qui dépendent des minima sociaux. Une société solidaire et respectueuse du droit de chacun parait difficilement conciliable avec cette politique économique basée sur la croissance à tout prix, la concurrence exacerbée, la compétition et la diminution du rôle de l'État. Je doute que ce système capitaliste qui privilégie le profit au détriment de l'individu soit compatible avec vos objectifs, monsieur le Haut-commissaire. Néanmoins, comme vous souhaitez associer les parlementaires à votre démarche, les élus Verts répondront présent et s'associeront à toute initiative qui permettrait d'améliorer la condition des plus démunis, même si cela s'apparente à un travail de Sisyphe dans une société discriminatoire et inégalitaire.
En conclusion, monsieur le Haut-commissaire, je vous remercie pour votre analyse rigoureuse, documentée, pertinente, qui constitue une excellente base de travail. Je souhaite bon courage à tous les acteurs du Grenelle de l'insertion. (Applaudissements à gauche)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Je remercie les orateurs pour leurs réactions et leurs interventions, qu'elles soient encourageantes ou vigilantes. Votre analyse et vos propositions confirment l'intérêt d'associer le Parlement au Grenelle de l'insertion, et de se fonder notamment sur les nombreux travaux et rapports que vous avez effectués sur ce thème. Vos projets de commissions et de missions d'information vous permettront de poursuivre ce travail essentiel.
Monsieur le président de la commission, vous avez consacré votre intervention à la question du handicap. Nous essaierons d'en tenir compte. Je remarque que, lorsque nous cherchons à définir un objectif de baisse de la pauvreté, nous manquons de statistiques sur les personnes handicapées dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté. Nous ne manquons pas d'organismes de sondages, mais cette notion n'existe pas. Or, nous avons besoin de ces chiffres pour savoir quelles catégories de la population souffrent le plus de la pauvreté.
Vous avez pointé les insuffisances des textes pour concilier une activité adaptée au handicap et la solidarité nationale. Valérie Létard et moi-même copilotons un groupe de travail réunissant les associations de handicapés afin de choisir ensemble entre le maintien de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), en alignant son mode de calcul sur les autres minima sociaux, et la création d'un barème spécifique au sein du RSA, allocation unique. La concertation est indispensable pour toutes ces réformes, afin que tous soient satisfaits et que le système fonctionne.
Monsieur Paul Blanc, vous avez insisté sur la valeur du travail pour l'ensemble de la société. La question des contreparties est très délicate. Le bénéfice de la solidarité fait naître des engagements en retour, mais ceux-ci ne doivent pas enfermer dans un statut ou se limiter à une procédure. Ainsi, imposer comme contrepartie de pointer chaque mois auprès d'un service administratif qui ne proposerait pas de solution ne serait pas sain. Il ne faut pas se précipiter et créer une contrepartie trop générale qui sous-entendrait que certains ne sont pas dignes de revenir au travail. Les entreprises d'insertion doivent par ailleurs disposer de suffisamment de crédits pour accueillir tous les bénéficiaires de minima sociaux. Et il faut trouver des critères d'évaluation adaptés à leur action afin d'éviter que les présidents de conseils généraux ne coupent les financements parce que les résultats ne sont pas satisfaisants. Ainsi, on peut parfois considérer, en accord avec la personne concernée, que le travail n'est pas pour le moment une solution, mais qu'il faut lui donner un accès à la santé et à d'autres services. Ne créons pas une contrepartie artificielle qui risquerait de se retourner contre elle.
Le RSA repose sur le principe du retour au travail accompagné d'un salaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On est d'accord : un emploi et un salaire !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Vous sembliez le contester.
Mme Odette Terrade. - Nous voulons un salaire suffisant pour vivre !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - La contrepartie ne doit pas être demandée en dehors du cadre salarial.
Monsieur Seillier, je me suis inspiré de vos travaux, et notamment de votre rapport récent sur la formation professionnelle. Je ne reviendrai pas aujourd'hui sur certains de vos développements, qui semblaient s'éloigner de nos préoccupations directes. (Applaudissements à gauche)
Vous avez été porteur du contrat unique d'insertion à une époque où il n'était pas à la mode, et où on cloisonnait les différents contrats. Nous nous retrouverons très prochainement sur ce sujet.
M. Paul Blanc. - En politique, il n'est pas bon d'avoir raison trop tôt. (Sourires)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Mme Le Texier s'est inquiétée de la généralisation du RSA, et Mme Terrade m'a mis au défi de donner le nombre précis de bénéficiaires. Il était de deux mille trois cents au 31 décembre pour les dix premiers départements concernés. L'expérimentation a commencé en novembre. Certains départements ont choisi d'attribuer le RSA à ceux qui recommencent à travailler après sa mise en place, d'autres prennent également en compte ceux qui ont déjà repris un travail à cette date.
Le nombre d'allocataires va augmenter dans les trois prochains mois. Cette montée en charge dès les premières semaines est satisfaisante. Contrairement à la démarche habituelle, nous n'avons pas imposé à des départements comme le Val-d'Oise, l'Eure, la Seine-Saint-Denis ou la Côte-d'Or de rentrer dans ce dispositif. Et cela malgré les contentieux qui opposent les présidents de conseils généraux à l'État -ils me les rappellent régulièrement... Ils ont accepté pour deux raisons : parce qu'ils savent que la situation des allocataires du RMI s'améliorera ainsi, et parce que les acteurs de terrain ont demandé le RSA, participent à sa conception et à sa mise en place. Ne condamnons pas un système que l'on n'a pas imposé, mais qui a tout de même été choisi indépendamment des positions politiques.
Faut-il attendre trois ans pour le généraliser ? Dès le lancement de l'expérimentation, j'ai annoncé que l'on donnait une visibilité sur trois ans aux personnes concernées, mais qu'il était souhaitable de passer au plus vite à l'étape suivante. Vous, législateurs, avez accepté de laisser la possibilité aux conseils généraux, sur une partie de leur territoire, d'attribuer le RSA à certaines personnes, mais pas à d'autres -ce qui constitue un risque politique. Cette situation ne peut perdurer. Si le système fonctionne, il faut aller plus loin. Par ailleurs, depuis des années, on a maintenu des inégalités entre ceux qui ont bénéficié des minima sociaux et les autres. Ainsi, dans la même entreprise, il peut y avoir deux employés qui font le même nombre d'heures : l'un continue à toucher une partie de son allocation antérieure, est couvert par la CMU, et a ainsi des revenus supérieurs à l'autre, qui a commencé à travailler à temps partiel sans passer par le RMI ou avant d'avoir 25 ans. Enfin, vous nous mettez au défi de mettre des moyens dans ce dispositif.
Plus vite on les y mettra, plus grandes seront nos chances de parvenir à la hauteur de nos ambitions. Ce ne serait pas rendre service aux allocataires du RMI, de l'API, de l'AAH, aux travailleurs pauvres, aux jeunes même -car pourquoi les écarter d'un mécanisme conciliant solidarité et travail ?- que de leur dire qu'il leur faudra attendre 2011. Nous disposons de comités d'évaluation, de tableaux de bord, d'une batterie d'enquêtes qui doivent nous permettre de tirer, fin 2008, les enseignements de l'expérimentation et de passer à l'étape suivante, sans imposer de basculement général ni de règles uniformes mais en laissant chaque département libre de maintenir son barème. J'ajoute que nous nous sommes engagés à déposer un rapport devant le Parlement.
Je remercie Mme Debré d'avoir rappelé que les politiques d'insertion visent avant tout à réduire le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Deux millions d'enfants sont concernés. On ne leur viendra en aide qu'en permettant à leur parents de vivre de revenus dignes. Dans certaines configurations familiales, il faudrait travailler seize mois pour parvenir à franchir le seuil de pauvreté. Le RSA doit mettre fin à de telles situations.
Mme Terrade a tenu un discours sévère. (M. Gournac renchérit) Je profite de la présence de Mme Borvo-Cohen-Seat pour dire au groupe CRC combien je regrette qu'il soit le seul à n'avoir pas répondu à notre invitation à s'asseoir à la table du Grenelle de l'insertion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous allons y répondre. M. Fischer lui-même s'y rendra. Mais sachez qu'il n'est pas simple, avec aussi peu de membres, d'être présents partout !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Je me réjouis de votre participation.
Le RSA, j'y insiste, est un compromis. Loin que ce soit une faiblesse, c'est là ce qui fait sa force. Il a été pensé, entre associations de lutte contre l'exclusion, syndicats, employeurs, collectivités locales, comme un point d'équilibre. Qui peut encore croire qu'aucun dispositif abstrait fera tomber tout cuits des emplois de bonne qualité ? Priver d'un tel mécanisme ceux qui en sont réduits à prendre des emplois de quelques heures par semaine ne serait pas de bonne politique. Leur demander de travailler sans gagner un centime de plus que s'ils étaient au RMI reviendrait à imposer le travail gratuit. Le temps de travail moyen dans le secteur des services à la personne, qui compte beaucoup de travailleurs pauvres, est déjà supérieur à ce qu'il était il y a trois ou quatre ans, preuve que les efforts sur la formation et la qualification sont payants. C'est par la combinaison d'un mécanisme de solidarité bien appliqué, de la sortie du temps partiel subi et de l'accès à la qualification que l'on instituera un revenu d'insertion digne de ce nom. Votre commission partage ma conviction, qui nous rappelle dans son rapport qu'« au possible nous sommes tenus ». Je l'en remercie et la suis : réduire la pauvreté est possible, et ce nous est un commandement.
Je vous remercie, monsieur Desessard, de votre analyse et ne récuse pas le qualificatif dont vous m'avez affublé. Mais je regrette que vous défendiez le revenu d'existence, qui n'est pas une mesure de gauche (M. Gournac s'en amuse), alors que le RSA, comme le prouve l'adhésion de conseils généraux de gauche comme de droite, n'est pas une mesure politiquement marquée. Garantir à tout le monde une allocation de 817 euros sans condition, c'est, vous en avez bien conscience, placer la barre du retour à l'emploi beaucoup trop haut. (M. Desessard le conteste)
M. Alain Gournac. - Évidemment !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Le RSA est beaucoup plus social et l'on fera sortir avec lui beaucoup plus de gens de la pauvreté qu'avec le revenu d'existence. (M. Desessard en doute) Je vous en fiche mon billet !
Je vous suis, en revanche, sur la nécessité d'associer les associations de chômeurs -qui ne demandent pas, soit dit en passant, de revenu d'existence. Elles sont présentes dans nos groupes de travail, auxquels elles apportent une contribution essentielle car elles permettent de vérifier que ce que l'on propose correspond à leurs aspirations et que les obstacles auxquels se heurtent les personnes sans emploi sont pris en compte. Je donnerai un exemple : le mode de calcul, par trimestre, des minima, a cette conséquence que quelqu'un qui reprendrait un travail le 1er janvier, pour recevoir, fin janvier, un salaire de 750 euros pour 26 heures se verra réclamer le remboursement d'une part du RMI perçu parfaitement légalement en novembre et décembre, pour cette seule raison que le calcul est fait sur l'ensemble du trimestre. (M. Godefroy le confirme) Et le pire est que le travailleur social qui a fait signer le contrat d'insertion ne sait pas qu'un autre service administratif va réclamer ce remboursement. Il y a bien lieu de dire que notre administration marche sur la tête ! Elle ne pourra plus nous opposer que les personnes en difficulté préfèrent une prestation trimestrielle dès lors que les intéressés disent le contraire. C'est pourquoi je suis persuadé que la participation de tous permettra de mettre en place, loin de vos pronostics pessimistes, un système efficace.
Pourquoi, au total, le mot Grenelle, qui renvoie à mai 68, est-il approprié ? La question de la pauvreté n'avait jusqu'à présent jamais fait partie des enjeux de la négociation sociale. Mais si l'on crée un contrat spécifique, il nous faut l'accord des partenaires sociaux. Si l'on veut que les entreprises s'engagent, il faut qu'elles soient parties prenantes. L'agenda social 2008 prévoit de mettre sur la table la question de la pauvreté, celle de l'insertion, celle du RSA. C'est là une garantie. On ne parviendra à rien si l'on continue de laisser aux seuls pouvoirs publics et aux associations le soin de venir en aide à sept millions de personnes en situation de précarité : il ne leur restera que des miettes. (Mme Le Texier approuve) Quelle sera notre pierre de touche ? L'objectif de réduire la pauvreté d'un tiers en cinq ans. Soit nous ne l'atteignons pas, et vos quolibets seront justifiés...
M. Jean Desessard. - À notre grand dam !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - ...soit nous l'atteignons...
M. Nicolas About, président de la commission. - ...et d'aucuns devront demander pardon !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - ...et nous nous en réjouirons ensemble. (Applaudissements)
M. Alain Gournac. - La gauche est toute déboussolée !
M. le président. - Les membres du Sénat vous remercient, monsieur le Haut-commissaire, pour la qualité de ce débat. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)
Prochaine séance, mardi 22 janvier 2008 à 10 heures.
La séance est levée à midi.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 22 janvier 2008
Séance publique
À 10 HEURES,
Désignation d'un membre de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne en remplacement de Serge Vinçon.
Discussion de la question orale avec débat n° 10 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur l'avenir de la formation professionnelle en France.
M. Jean-Claude Carle interroge M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur l'avenir de la formation professionnelle française.
La réforme de la formation professionnelle représente en effet l'un des grands chantiers du Président de la République et doit contribuer à résoudre la crise de l'emploi. Ce dernier a d'ailleurs rappelé à plusieurs occasions que notre système de formation professionnelle est à bout de souffle tant dans son organisation que dans son financement, soulignant aussi que la formation ne va pas vers ceux qui en ont le plus besoin.
C'est le constat formulé, il y a quelques mois, par la mission sénatoriale dont le rapporteur a présenté un tableau relativement pessimiste d'un système marqué par la complexité, les cloisonnements et le corporatisme. De nombreuses propositions ont été formulées pour recentrer le dispositif sur la personne, les partenariats et la proximité.
Il faut rendre la politique de la formation professionnelle plus réactive et plus efficace, car elle constitue l'investissement le plus important pour notre pays et nos concitoyens.
À 16 heures et, éventuellement, le soir
Discussion de la proposition de loi (n° 47, 2007-2008) visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés, présentée par Mme Michelle Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Rapport (n° 167, 2007-2008) de, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Discussion de la question orale avec débat n° 9 de M. Jean Puech à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la création d'un véritable statut de l'élu local.
M. Jean Puech interroge Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les perspectives de création d'un véritable statut de l'élu local. La mise en place de ce statut répondrait à des attentes fortes de la part des élus locaux à l'heure où la relance de la démocratie locale implique de susciter des vocations dans les divers milieux professionnels, notamment dans le secteur privé et parmi tous les talents que l'on trouve dans la société. Un sondage réalisé l'année dernière par l'institut TNS-SOFRES, à l'initiative de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, auprès d'un échantillon représentatif de 500 exécutifs locaux, révélait la profonde insatisfaction des élus sur plusieurs questions majeures : le « statut » proprement dit (58 % de mécontents), la protection sociale (55 % de mécontents), le régime de responsabilité pénale (62 % de mécontents), les conditions de travail (66 % de mécontents), les possibilités de reconversion (58 % de mécontents)... N'est-il pas temps d'engager aujourd'hui le débat, à quelques semaines de l'arrivée dans nos communes d'une nouvelle génération d'élus municipaux ? C'est pourquoi il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ces sujets ainsi que les suites qu'il pourrait donner aux dix propositions formulées par l'Observatoire dans son rapport publié le 7 novembre 2007 sur l'émancipation de la démocratie locale. Parmi celles-ci figure, en particulier, la création d'un régime statutaire spécifique adapté aux nouvelles responsabilités des exécutifs locaux, et notamment des maires des grandes villes et des présidents des conseils généraux et régionaux, afin de mettre un terme à une situation qui n'est plus conforme aux exigences d'une démocratie moderne et décentralisée.
Examen des conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi organique (n° 140, 2007-2008) tendant à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice, présentée par MM. Alain Vasselle et Nicolas About.
Rapport (n° 163, 2007-2008) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
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DÉPÔT
La Présidence a reçu, transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution.