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Table des matières
Retraites des ministres du culte
Nuisances sonores de la ligne TGV Sud Europe Atlantique
Protection des mineurs roumains
Gratuité de la scolarité à l'étranger
Cocarde tricolore pour les élus locaux
Modernisation du statut de l'élu
Indemnisation des communes recueillant les demandes de titres d'identité
Conséquences de la sécheresse de 2005 dans le Gard
Labellisation de la maison de l'emploi de l'ouest lyonnais
Application de la loi Tepa en Alsace et Moselle
Maintien de l'activité sanitaire pédiatrique à Brolles
Pose de valve aortique artificielle
Eloge funèbre de Daniel Bernardet
SÉANCE
du mardi 15 janvier 2008
51e séance de la session ordinaire 2007-2008
présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président
La séance est ouverte à 10 h 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement à dix-sept questions orales.
Journée de solidarité
M. Jean Boyer. - Si le bien-fondé de la Journée nationale de solidarité pour l'autonomie, approuvée dans son principe par une majorité de Français, n'est plus à démontrer, sa traduction sur le terrain, en cette troisième échéance, reste mal comprise tant son application suscite parfois confusion et incohérence.
Face à un bilan mitigé, le comité de suivi et d'évaluation a formulé plusieurs propositions de réforme, tendant à accorder plus de liberté aux partenaires sociaux. Qu'en est-il de ces propositions, et quelles orientations le Gouvernement entend-il retenir pour 2008 ? Le moment n'est-il pas venu d'assouplir l'application du dispositif en même temps que d'assurer une meilleure information sur ses résultats concrets, qui restent mal connus ? Pourtant, les sommes ainsi dégagées ont permis aux départements d'entreprendre d'importants aménagements dans les établissements d'accueil pour personnes âgées ou dépendantes. Ne serait-il pas bon, pour stimuler l'engagement personnel de chacun, de remercier chaque salarié en l'informant des résultats obtenus grâce à son effort de solidarité, en même temps que de sensibiliser ceux qui ne se sont pas sentis concernés aux résultats de cette démarche ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. - Mme Létard, qui m'a demandé de répondre pour elle, vous prie de bien vouloir l'excuser.
Le rapport d'évaluation de M. Luc Besson, remis au Premier ministre le 18 décembre, dresse un bilan globalement positif de la journée de solidarité pour l'autonomie. Ce premier diagnostic, qui rejoint le vôtre, révèle une progression sensible du produit de la contribution, qui a dépassé, en 2006, les 2 milliards et devrait atteindre 2,156 milliards en 2007, soit 14 % du produit de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. C'est considérable.
Lors de la création de la journée de solidarité, certains redoutaient un « effet vignette », à tort si l'on en croit le rapport 2006 de la Cour des comptes, qui relève que la contribution a intégralement bénéficié aux personnes âgées, dépendantes ou handicapées. L'examen des crédits de l'État et de l'assurance maladie a de fait démontré l'absence de tout effet de substitution : il s'agit bien d'un financement nouveau qui s'ajoute à l'effort existant.
Il est vrai que l'on peut déplorer certaines difficultés d'application en matière de garde d'enfants, de transports routiers ou d'accès aux services publics. Aussi M. Besson a-t-il formulé des propositions visant à faciliter la vie des salariés. Trois scénarios sont envisagés : soit un lundi de Pentecôte travaillé par tous les salariés ; soit, à l'inverse, la réaffirmation du caractère férié de cette journée et une totale liberté dans le choix du jour férié travaillé ; soit encore, solution intermédiaire, une meilleure mobilisation du service public le lundi de Pentecôte.
Toutes les pistes de réflexion sont étudiées dans le cadre de la réflexion sur le cinquième risque. Votre proposition, monsieur le sénateur, sera prise en compte car vous avez raison : il importe de mieux sensibiliser les acteurs et de donner tout son sens à cette journée en rendant plus lisible la destination financière de son produit.
M. Jean Boyer. - J'approuve la démarche du Gouvernement. Pour avoir été associé, dans mon département, à la mise en place de cette journée, j'avais pu constater des difficultés d'application et reste persuadé que si l'on peut dire clairement à nos concitoyens que telle somme a été affectée à telle maison de retraite, les choses en seront grandement facilitées. Je vous remercie, madame, de votre clarté et de votre compétence.
Retraites des ministres du culte
M. Auguste Cazalet. - Le régime particulier d'assurance maladie pour les ministres du culte ou les membres des collectivités religieuses qui n'étaient pas déjà affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale a été institué par la loi du 2 janvier1978, qui a créé, d'une part, la Camac, caisse mutuelle d'assurance maladie des cultes gérant le risque maladie pour ceux qui, ne disposant pas d'un contrat de travail, ne sont pas rattachés au régime général et d'autre part, la Camavic, mutuelle d'assurance vieillesse des cultes financée par des cotisations. Le premier régime est financièrement intégré au régime général, qui assure près de 50 % de ses ressources, tandis que les ressources du second, qui verse des pensions de retraite à partir de 65 ans ainsi que des pensions d'invalidité, et que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a aligné sur le régime général, proviennent pour plus de 80 % de transferts de compensations et contributions publiques.
Avec la loi du 29 juillet 1999, portant création de la couverture maladie universelle, la Cavimac (caisse d'assurance vieillesse, invalidité, maladie des cultes), issue de la fusion de ces deux caisses, est devenu l'organisme de référence, opérationnel depuis le 1er janvier 2001. Ses cotisations d'assurance maladie sont harmonisées sur celles en vigueur au sein du régime général.
En 2004, une réévaluation progressive, sur la base du minimum contributif, des prestations versées aux nouveaux pensionnés, a été mise en oeuvre. La loi de financement pour la sécurité sociale pour 2006 a prévu un alignement sur le régime général des conditions d'âge pour le droit à pension et le droit à retraite complémentaire pour les assurés disposant d'un revenu individuel.
En dépit de cette évolution, le système de retraite reste précaire pour les prêtres ayant quitté leur ministère.
Les anciens ministres du culte et les anciens membres des congrégations religieuses perçoivent seulement 349 euros mensuels pour une carrière complète, leur situation est parfois particulièrement difficile, notamment pour ceux qui ont exercé avant 1979 et qui n'ont pas eu d'activité professionnelle complémentaire. Il y a des cas de grande détresse, mais la caisse répond invariablement que les trimestres non déclarés ou effectués avant 1979, ne peuvent pas être validés a posteriori. Madame le ministre, que peut-on faire pour aider ces anciens ministres du culte et membres des congrégations religieuses ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargé de l'écologie. - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Xavier Bertrand, empêché. Ce problème est grave, effectivement. Ce régime de retraite est aligné sur le régime général depuis 1998, et depuis 2006 pour le droit à la pension complète dès 60 ans. Pour les trimestres effectués avant 1998, les règles antérieures, moins favorables, demeurent. Les pensions servies pour les trimestres effectués entre 1979 et 1998, sont portées au minimum contributif ; en revanche, aucune pension n'est servie pour les trimestres effectués avant 1979 : il n'existait alors aucune cotisation, les ministres du culte catholique n'étant pas assimilés à des salariés, conformément à la position constante de l'Église et à la loi Viatte de 1950. Il ne serait pas juste, du reste, de demander aux salariés du régime général de financer ces retraites qui n'ont donné lieu à aucune cotisation.
D'autres mécanismes sont mobilisés pour améliorer la situation des anciens ministres du culte et des membres des congrégations religieuses : la Cavimac verse une allocation complémentaire jusqu'à 585 euros et la conférence des évêques de France, depuis 2000, verse également aux anciens diocésains une allocation complémentaire jusqu'à 85 % du Smic, qu'elle envisage d'étendre à l'ensemble des ex-religieux catholiques.
Mme Marie-France Beaufils. - Le bruit représente une menace grave pour la santé, à l'origine de déficits auditifs mais également de troubles cardio-vasculaires et psychologiques. C'est pourquoi l'Organisation mondiale de la santé recommande qu'entre 22 heures et 7 heures, le niveau sonore extérieur ambiant ne dépasse pas 30 décibels. Or, la réalisation de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique paraît se dispenser d'une telle contrainte : les études d'impact ne prennent pas en compte les effets sonores cumulés de la ligne TGV, de l'autoroute A10 élargie en 2x3 voies et du renforcement du trafic ferroviaire de marchandises ; le projet ne comporte pas non plus d'étude d'impact spécifique sur les nuisances sonores entre 18 et 22 heures, comme le prévoit pourtant la directive européenne de 2002.
Le Grenelle de l'environnement a pris pour objectif de résorber en cinq ans tous les points noirs de la nuisance sonore, mais la nouvelle ligne Sud Europe Atlantique va en ajouter, ce n'est pas cohérent ! Les responsables du projet annoncent des vitesses de 360 km/h, grâce à un écartement plus grand des voies, les nuisances sonores en seront accrues. Il faut donc impérativement reprendre les études d'impact, conformément à la réglementation, et que tous les aménagements antibruit nécessaires soient prévus, c'est ce que demandent les riverains, les élus et les acousticiens !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargé de l'écologie. - Vous avez raison de le rappeler : le bruit n'est pas seulement une question de confort, mais de santé. La nouvelle ligne à grande vitesse respectera intégralement la réglementation européenne que vous citez, d'autant que nous l'avons transposée et qu'une loi française de 1992 imposait déjà des obligations de résultat plus supérieures à celles de la directive pour les projets d'infrastructures de transport. La ligne Tours-Angoulême prévoit 9 kilomètres d'écrans acoustiques et 20 kilomètres de merlons acoustiques, une isolation des façades sera proposée partout où ces dispositifs ne suffiraient pas et, en cas de difficulté, l'acquisition des bâtiments où l'isolation se révèlerait insuffisante. De nombreux aménagements paysagers, enfin, aideront à lutter contre les nuisances sonores.
Cette nouvelle ligne à grande vitesse a fait l'objet de nombreux débats au sein du Grenelle de l'environnement. Plus largement, un comité opérationnel élabore un plan pour rattraper les retards dans la lutte contre les nuisances sonores et pour renforcer encore nos normes.
Mme Marie-France Beaufils. - L'enquête publique démontre que le cumul des nuisances sonores n'est pas pris en compte ! L'autoroute A10 va être élargie par segments en 2x3 voies, le trafic ferroviaire de marchandises va se développer, et la nouvelle ligne à grande vitesse ajoutera ses propres nuisances : il faut faire le compte global ! Est-ce notre réglementation qui fait défaut, ou tout simplement les études préparatoires à ce projet ? Ce que veulent les riverains et les élus, ce sont des aménagements spécifiques, à la hauteur de ces nuisances cumulées, comme des tranchées plus profondes et des voies couvertes, mais ces demandes sont systématiquement rejetées pour respecter l'enveloppe financière. Pour la ligne TGV Paris-Tours, on a pourtant creusé un souterrain afin d'épargner le vignoble de Vouvray !
Assainissement non collectif
M. Michel Doublet. - J'attire votre attention sur la mise en oeuvre du décret du 5 janvier 2007, pris pour application de l'ordonnance du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme.
En Charente-Maritime, de nombreuses communes ont délégué leur compétence en matière de contrôle des dispositifs d'assainissement individuel au syndicat des eaux que j'ai l'honneur de présider et qui représente la quasi-totalité des communes du département. Jusqu'alors, une instruction conjointe des demandes de permis de construire et d'autorisation d'assainissement individuel, était mise en place avec les services de la DDE. Or, en application du décret du 5 janvier 2007, l'étude d'assainissement ne figure pas dans les pièces à fournir par le pétitionnaire.
La loi sur l'eau précise que le contrôle d'un système d'assainissement individuel est effectué par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunal compétent lors de la mise en service, et non par un accord préalable à la réalisation des travaux. Toutefois, la faisabilité technique et réglementaire devrait être déterminée avant l'obtention du permis de construire pour éviter toute difficulté si la construction est réalisée sur des sols inaptes à l'assainissement individuel ou sur une surface insuffisante et incompatible avec la réglementation. Il faudrait donc recueillir l'avis favorable du service public d'assainissement non collectif (Spanc) avant d'accorder le permis de construire ou l'autorisation de lotir. Pour que les délais soient cohérents, la demande de contrôle de l'assainissement individuel devrait être déposée avant ou, à défaut, en même temps que la demande de permis de construire.
En 2003, nous avions proposé à la DDE la création d'un guichet unique dont le principe était le suivant : les services instructeurs au titre du code de l'urbanisme pouvaient être également destinataires des dossiers de demande de contrôle de conception du projet d'assainissement individuel liés aux demandes de permis de construire. Ils devaient alors communiquer au Spanc les demandes de contrôle de conception du projet d'assainissement individuel. Cette proposition n'a pas eu de suite.
Depuis quelques mois, ce sujet a fait l'objet de plusieurs questions de sénateurs et les différentes réponses ministérielles confirment que le problème n'est pas réglé. Le ministère de l'écologie réfléchit aux éventuelles évolutions législatives qui pourraient être soumises au Parlement. Où en est cette réflexion ? Quelles mesures peut-on mettre en oeuvre dans un délai raisonnable ? Veillons surtout à mettre en place un système cohérent, qui n'alourdisse pas les procédures ni la charge des communes.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. - Le décret du 5 janvier 2007 tient compte des dispositions législatives qui figurent à l'article L. 2224-8 III du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions ne permettent pas la réalisation d'un contrôle sur dossier avant travaux, puisqu'elles ne visent que la vérification de la conception et de l'exécution des installations réalisées ou réhabilitées depuis moins de huit ans.
Les services de mon ministère ont aussi identifié cette difficulté qui résulte du caractère restrictif de l'expression « installations réalisées », alors que le législateur a souhaité que le contrôle de l'assainissement non collectif permette de faire progresser la qualité de toutes les installations. Le service d'assainissement me semble donc tout à fait fondé à intervenir au moment où l'installation est en cours de réalisation, soit au moment de la délivrance du permis de construire. C'est pourquoi un projet de modification de cet article sera très prochainement présenté par le Gouvernement, avec pour objectif de donner une garantie préalable de la conformité des projets d'installations d'assainissement non collectif. Un groupe de travail interministériel a été constitué pour examiner dans ce sens les modalités de mise en oeuvre de ce contrôle a priori et sa coordination avec la procédure d'instruction du permis de construire. Les modalités techniques d'exécution du contrôle des installations d'assainissement non collectif seront précisées dans un arrêté ministériel qui sera publié dans les prochaines semaines.
M. Michel Billout. - Depuis que l'on organise le démantèlement des entreprises publiques et la libéralisation de ce secteur en cohérence avec les directives européennes, nous avons acquis l'expérience suffisante pour voir les conséquences de cette politique, aussi bien en termes de sécurité d'approvisionnement que d'envolée des tarifs. L'ouverture du secteur est aujourd'hui en phase d'aboutissement puisque la filière nucléaire, qui semblait jusque-là un secteur réservé, est en passe d'être également privatisée et ouverte à la concurrence. Si cela n'est pas assumé clairement par le Gouvernement, nous pouvons tout de même constater que tout se met en place dans cet objectif.
Alors que l'actuel Président de la République proclamait en 2004 qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique et qu'un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires, Mme Lagarde annonce qu'elle est favorable au développement du parc nucléaire privé du futur groupe Suez-GDF. Nous pouvons donc légitimement penser que le monopole d'EDF sur la production nucléaire française risque de voler en éclats. Pis, on demande à EDF de céder à prix cassé son énergie nucléaire aux nouveaux opérateurs pour leur permettre de proposer des tarifs compétitifs. Il n'est donc pas exclu à terme de leur permettre directement de devenir exploitant nucléaire.
Le Président a également annoncé sa volonté de rapprochement rapide entre Alsthom, entreprise détenue à 30 % par Bouygues, et Areva, dont le capital est actuellement détenu à 85 % par l'État et le CEA. Des partenariats avec Vinci sont également étudiés par Anne Lauvergeon. Cette démarche est cohérente. Il s'agit une nouvelle fois de brader les outils industriels publics aux capitaux privés, selon les principes libéraux. Pourtant, les enjeux particuliers au secteur de l'énergie, et particulièrement nucléaire, devraient nous inciter à plus de prudence : la crise mondiale énergétique, avec un baril de pétrole à 100 dollars est grosse de conflits géopolitiques majeurs.
Il faut donc renforcer la maîtrise publique sur ce secteur pour garantir l'indépendance énergétique française et européenne, et consacrer les ressources nécessaires à la recherche, notamment pour le traitement des déchets nucléaires. D'autre part, l'exploitation de cette énergie nécessite une vision prospective puisque les investissements se font sur le long terme et doivent être dégagés des aléas des marchés boursiers. Se posent également des questions de sécurité, sachant que le recours accru à la sous-traitance, dans le but de diminuer les coûts de production, est source de risques pour les installations et les personnels.
La mission d'information sur la sécurité d'approvisionnement estime à juste titre qu'EDF « n'est pas une entreprise comme une autre, notamment parce qu'il s'agit de l'exploitant nucléaire, ce qui justifie pleinement le fait que l'État détienne une très large majorité de son capital social ». Cette maîtrise publique est également la meilleure manière de respecter l'exigence citoyenne de transparence sur les conditions d'exploitation de cette énergie. Les récentes lois sur la transparence et la sécurité nucléaire ainsi que celle relative à la gestion des déchets nucléaires semblaient prendre en compte ces impératifs. Quelles sont exactement les intentions du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. - Le nucléaire est un élément incontournable de notre politique énergétique. Il contribue à la fois à notre sécurité d'approvisionnement, à la compétitivité de nos entreprises et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'est également un secteur industriel clef pour l'avenir de notre pays, qui détient deux leaders mondiaux, EDF et Areva, et peut s'appuyer sur une recherche de premier plan, notamment celle du Commissariat à l'énergie atomique. La raréfaction des ressources énergétiques, la prévention de l'effet de serre et les tensions sur le prix des énergies fossiles qu'elle entretient, soulignent l'intérêt de conforter le développement de la filière nucléaire en France et dans le monde.
Présent sur l'ensemble du cycle du combustible nucléaire, ainsi que sur la fabrication et la maintenance des réacteurs, le groupe Areva sera conduit à réaliser des investissements très significatifs dans les années à venir, que ce soit pour la construction de nouvelles usines, la rénovation d'installations actuelles ou le développement de son activité minière. C'est dans cette optique que le Gouvernement a engagé une réflexion sur l'évolution de son capital, qui prenne en compte les intérêts de la France, que ce soit en matière de sûreté nucléaire ou de gestion d'activités sensibles. Il est en effet indispensable d'examiner avec attention l'ensemble des scénarios et de ne négliger aucune piste afin que la France puisse conforter son industrie dans le respect des règles internationales pour éviter la prolifération, des grands principes développés par les récentes lois sur la transparence et la sécurité nucléaire, ainsi que sur la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
M. Michel Billout. - Je vous interroge sur EDF et son futur concurrent que sera Suez-GDF -vous me répondez sur Areva... La question reste donc ouverte, de savoir si, demain, le Gouvernement souhaite maintenir comme opérateur nucléaire unique la société EDF.
Protection des mineurs roumains
Mme Éliane Assassi. - J'attire votre attention sur les problèmes posés par la mise en oeuvre du nouvel accord franco-roumain relatif à la protection des mineurs roumains isolés et à leur retour dans leur pays d'origine, signé en février 2007.
La mise en oeuvre du précédent accord, signé en 2002, a déjà mis en danger des jeunes rentrés en Roumanie, ainsi que l'a constaté l'association Hors la rue qui effectue depuis 2002 un travail de repérage des jeunes dans les rues de la région parisienne : la majorité des mineurs rapatriés n'a bénéficié d'aucun suivi, certains sont repartis dans des conditions dramatiques, exposés à la prostitution et à la maltraitance ; aucune évaluation n'a été réalisée, contrairement à ce qui était prévu. Or, loin de corriger les défauts de l'accord de 2002, celui de 2007 risque d'aggraver les choses en systématisant les retours sans prise en charge des jeunes : il n'y aura plus d'enquête préalable ni d'audition par le juge des enfants. On sait pourtant qu'un retour mal préparé est source d'échec : les jeunes repartent en France ou vers un autre pays, parfois sous la pression de leur entourage. Si l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas de rentrer en Roumanie, son installation en France s'impose ; dans le cas contraire, il faut prendre contact avec sa famille, élaborer un projet incluant un suivi auquel l'enfant adhère et que le juge valide.
Une date a-t-elle été fixée pour la ratification du nouvel accord ? Au préalable, un bilan qualitatif de l'accord de 2002 sera-t-il effectué ? Il y va de la sécurité et du bien-être de ces enfants.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. - J'avais déjà eu à connaître de cette question dans mes fonctions de maire, parce que ma ville est jumelée avec une ville roumaine et en raison de la présence de jeunes Roumains. J'avais accompagné Lionel Jospin en 2002 en Roumanie et je me souviens très bien de la réunion à laquelle avait assisté l'ensemble des responsables.
Le groupe de liaison opérationnel a établi un bilan même s'il n'a pas procédé à l'analyse au cas par cas que vous souhaitez. Celle-ci a été demandée en 2007 par l'assistante technique mise par la France à la disposition du gouvernement roumain, une demande récemment réitérée par l'ambassade de France.
Le travail de repérage des mineurs en France est essentiellement mené par les services de police, ainsi que, dans les grandes villes, les associations, dont celle que vous évoquez ; leur prise en charge relève le plus souvent, sur décision judiciaire, des services départementaux. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales propose plusieurs pistes d'amélioration et insiste sur la nécessité de ne pas distinguer selon que les jeunes recherchent une intégration ou la refusent : ils ont tous besoin d'être protégés.
Le gouvernement roumain souligne l'influence positive du groupe de liaison opérationnel et revendique ses responsabilités comme sa capacité à protéger les mineurs. Un arrêté ministériel y instaure un suivi de six mois après leur retour. Les choses ont bien évolué et la France continue d'apporter son soutien à la Roumanie, le ministère des affaires étrangères encourageant des actions de prévention et d'accompagnement.
Le nouvel accord, signé le 1er février 2007, améliorera la protection des mineurs isolés. Il est parfaitement conforme à notre législation comme à nos engagements internationaux. Le code civil définit les mineurs en danger et précise la compétence des juges pour enfants ainsi que du procureur de la république dans les cas d'urgence. Le texte de l'accord a été modifié pour prendre l'urgence en compte. Les autorités roumaines sont favorables au rapatriement et ont prouvé qu'elles pouvaient réagir aux situations d'urgence. La protection judiciaire des mineurs respectera ainsi la loi française et l'autorité judiciaire pourra veiller à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le prochain voyage du Président de la République en Roumanie permettra de souligner notre attachement à la concertation et notre volonté de remédier aux dysfonctionnements en levant les incompréhensions.
Mme Éliane Assassi. - Je relirai avec attention cette réponse. Je suis satisfaite que cette question vous préoccupe car il faut que le Gouvernement prenne ses responsabilités : notre pays, qui a signé la convention internationale des droits de l'enfant, a le devoir de protéger tous les mineurs présents sur son territoire, quelle que soit leur nationalité. L'association Hors la rue projette de mener elle-même une étude sur le devenir des jeunes rentrés en Roumanie : le Gouvernement serait bien inspiré d'attendre sa publication avant de présenter le projet de ratification de l'accord de 2007.
Gratuité de la scolarité à l'étranger
M. Robert del Picchia. - Décidée par le Président de la République, la prise en charge des frais de scolarité des élèves français dans les lycées français à l'étranger a réjoui les familles expatriées, la majorité de l'Assemblée des Français de l'étranger et des sénateurs des Français de l'étranger. La mesure, qui n'est pas dans l'esprit des bourses, ne comporte aucune condition de ressources ; elle a été mise en place cette année en terminale et sera étendue l'an prochain aux élèves de première et dans deux ans à ceux de seconde. Toutefois, le formulaire de demande invite les familles à indiquer le montant de leurs revenus et un cadre est réservé à un avis de l'établissement et du consulat. S'agit-il d'apprécier le bien-fondé des demandes ? La diffusion de la lettre que la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) m'a adressée le 26 octobre dernier n'a pas suffi ; le formulaire erroné est toujours utilisé, et on semble même freiner les demandes, ainsi qu'en témoigne l'exemple - il y en a bien d'autres- d'un lycée situé dans un pays frontalier : sur 34 Français inscrits dans les deux classes de terminale, 4 sont boursiers ; parmi les autres, 23 ont renoncé à remplir le dossier car on leur avait laissé entendre que leurs revenus étaient trop élevés, ce qui est aussi faux que mal intentionné. Cette méthode inacceptable désoriente les parents et trahit les engagements du Président de la République comme ceux du Sénat car nous avions voté un budget de 20 millions : les employer à une autre fin serait un détournement de budget.
Il n'y a eu que 600 demandes pour 4 000 possibles. Il est urgent que l'AEFE donne des directives claires et conformes aux engagements du Président de la République et du Sénat.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. - Vous connaissez très bien cette question dont nous nous entretenons souvent. J'ai là une longue réponse (l'orateur montre plusieurs feuillets) que je tiens à votre disposition mais je veux souligner les points qui vous tiennent à coeur.
Le message sera à nouveau transmis aux postes. Vous avez été entendu : nous poursuivrons nos efforts afin de garantir une bonne compréhension du nouveau formulaire et éviter toute ambiguïté.
Une instruction spécifique a été élaborée pour fixer la procédure, qui a été allégée et simplifiée. S'agissant plus particulièrement des élèves boursiers, la Commission nationale des bourses scolaires a estimé à l'unanimité que le formulaire ne présentait aucune difficulté ; elle a toutefois insisté sur la nécessité de garantir la confidentialité des revenus, et s'est notamment interrogée sur le bien-fondé de la présentation des dossiers devant la commission.
S'agissant du sujet qui vous préoccupe, l'AEFE a répété aux postes diplomatiques et consulaires que les familles n'avaient aucune pièce justificative à fournir et qu'aucun plafond de ressources n'était fixé. Il sera tenu compte de toutes les difficultés recensées d'ici la fin de l'année. Le Gouvernement suit les orientations fixées par le Président de la République : prise en charge des frais de scolarité pour le second cycle, extension des bourses pour le primaire et le collège, extension du réseau de l'enseignement français à l'étranger. Soyez assuré que des rappels seront faits sur la question de la gratuité.
M. Robert del Picchia. - Je vous remercie. Il faut rappeler aux lycées et aux consulats de bien appliquer la mesure sans tergiverser : les familles n'ont pas à fournir de justificatifs ou de déclarations de revenus. De même, on ne peut leur demander d'avancer les frais pour ensuite leur rembourser : les parents d'élèves n'ont pas à faire crédit à l'État !
Cocarde tricolore pour les élus locaux
M. Claude Domeizel. - Saisis de la question de l'apposition sur les véhicules des maires d'une cocarde aux couleurs nationales, les précédents ministres de l'intérieur ont systématiquement suggéré que les véhicules des élus locaux soient dotés d'insignes distinctifs identifiant leur commune -solution inefficace et coûteuse. Nous savons comment les maires ont résolu cette question. Ne serait-il pas plus sage et moins hypocrite d'autoriser l'utilisation de la cocarde tricolore ?
Autant que les détenteurs d'une haute fonction nationale ou départementale, le maire doit être reconnu car il peut être appelé à intervenir avec son véhicule en tant que responsable et garant de la sécurité sur son territoire, représentant de l'État et officier de police judiciaire. En cas d'incendie, il peut être amené à alerter la population et ordonner une évacuation et doit être alors rapidement identifié par les policiers, les gendarmes ou les pompiers. Il conviendrait de modifier l'article 50 du décret du 13 septembre 1989 pour autoriser l'utilisation de la cocarde tricolore aux maires sur le territoire de leur commune, et régulariser ainsi un état de fait.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Le décret de 1989 a fait l'objet d'un large consensus et la liste des personnes autorisées à utiliser la cocarde tricolore a été fixée sur la base d'un accord. Le maire a les moyens de se faire reconnaître : la carte d'identité à barrement tricolore lui permet de justifier de sa qualité, notamment quand il agit en tant qu'officier de police judiciaire.
Maire pendant huit ans, et encore première adjointe, députée pendant vingt ans, jamais je n'ai utilisé de cocarde tricolore. Dans ma commune, et même dans les communes voisines, je n'ai jamais vu de policiers, de gendarmes ou de pompiers qui ne connaissaient pas la tête du maire ! Cela peut peut-être arriver dans les très grandes villes, mais je ne vois pas ce qu'apporterait la cocarde: son utilisation pourrait donner le sentiment que certains veulent des privilèges pour échapper à certaines règles... Je n'ai pas l'intention de changer le décret. La carte d'identité des maires est suffisante.
M. Claude Domeizel. - Le décret de 1989 a peut-être fait l'objet d'une négociation, mais les choses ont évolué depuis. Chacun sait qu'il est facile de se procurer une cocarde tricolore, au congrès des maires ou sur internet ! Je ne demande pas un quelconque privilège. On me reconnaît dans ma commune, dans mon département. Mais ma région est souvent ravagée par des incendies : il faut alors faire appel à des gendarmes ou des pompiers d'autres communes, voire d'autres départements, qui ne connaissent pas les élus locaux ! Sans parler des vacanciers... Cette demande, qui m'a été faite par certains maires, me paraissait justifiée.
Modernisation du statut de l'élu
M. François Marc. - Le statut des élus et l'exercice des mandats locaux est un sujet de préoccupation. A la suite de la première vague de décentralisation, diverses lois ont fait évoluer le statut de l'élu, dont la plus importante est la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité qui crée notamment une allocation différentielle de fin de mandat et un droit à la formation. En 2008, selon l'Association des petites villes de France, la France reste le mauvais élève de la classe européenne.
Le maire est aujourd'hui un manager : ses responsabilités ont augmenté avec les nouvelles compétences qu'il doit assumer, il doit faire face à la pression d'une société de plus en plus individualiste. Selon le Courrier des Maires, 89 % d'entre eux estiment qu'il est plus difficile d'être maire aujourd'hui que naguère, à cause de la complexité croissante des réglementations françaises et européennes, et que leur mission est de plus en plus chronophage.
L'Observatoire de la décentralisation du Sénat a adopté le 7 novembre 2007 les conclusions du rapport de son président Jean Puech, intitulé Une démocratie locale émancipée. Des élus disponibles, légitimes et respectés, qui propose notamment d'accorder aux exécutifs locaux un régime statutaire adapté à leurs nouvelles responsabilités. La question de la formation des élus, de l'accession de toutes les professions aux mandats électifs, l'amélioration des passerelles entre vie politique et vie professionnelle doivent être au coeur du renforcement de ce statut.
Madame le ministre, j'aimerais savoir quelles améliorations vous comptez apporter pour répondre à ces attentes, surtout en cette période précédant le renouvellement des mandats municipaux.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Je connais les exigences de la fonction de maire, qui nécessite un engagement croissant dû à la multiplication et à la complexité de la réglementation et aux demandes de plus en plus fortes des administrés.
Je ne pense pas que certaines professions ne peuvent avoir accès à ce mandat car, contrairement aux fonctions nationales, la proximité et la disponibilité du maire assurent une plus grande ouverture, y compris dans la répartition hommes-femmes. Toutefois, les lourdeurs, les risques et le manque de reconnaissance pourraient rendre la fonction dissuasive. Pour les atténuer, des formations, des autorisations d'absence et une adaptation du régime indemnitaire ont été mises en place. Une allocation de fin de mandat a ainsi été créée.
Il faut prolonger cette réflexion et faciliter l'exercice de cette fonction au quotidien, notamment pour lever les craintes liées à la fin du mandat en cas d'abandon total ou partiel par l'élu de ses fonctions professionnelles. Dans un rapport publié il y a quelques années, j'avais proposé que de nouvelles voies d'accès à la fonction publique, à l'image de la troisième voie ouverte aux responsables syndicaux pour le concours d'entrée à l'ENA, prennent en compte les activités exercées et les compétences acquises par les maires. Je suis prête à mener une concertation en ce sens avec les associations d'élus.
Je voudrais également aborder le problème de la responsabilité pénale des élus, une question que j'avais traitée dans un ouvrage paru il y a une dizaine d'années. Cette responsabilité est dissuasive. Notre société se judiciarise, sur le modèle américain, depuis l'affaire célèbre de la chute d'un panneau de basket sur un enfant. Des progrès ont été faits pour corriger cette tendance, mais des avancées restent nécessaires. Le garde des sceaux et moi-même avons ouvert un chantier pour étudier certains risques pénaux, comme les accusations de favoritisme ou de prise illégale d'intérêts sans fondement réel qui peuvent naître des règles complexes de la commande publique.
Nous devons faire en sorte que le droit ne soit pas instrumentalisé à des fins politiques, et que sa complexité ne donne pas lieu à des mises en cause, à l'ouverture d'une campagne électorale, qui se révèlent ensuite totalement infondées.
M. François Marc. - Je vous remercie de votre réponse et je vous félicite d'avoir ouvert ce chantier avec le garde des sceaux. Toutefois, je souhaite insister sur le faible nombre de femmes occupant des fonctions locales, à cause en particulier des problèmes de garde d'enfant, et sur la surreprésentation des retraités -dont je salue par ailleurs le dévouement et l'efficacité.
Le Sénat et l'Observatoire de la décentralisation seront à vos côtés, madame la ministre, pour faire avancer la réflexion dans ce domaine.
Indemnisation des communes recueillant les demandes de titres d'identité
M. Louis Souvet. - Les communes ayant été sollicitées par l'État pour transmettre les dossiers de passeports et de cartes d'identité, sur la base des textes réglementaires, peuvent demander à la justice administrative l'application de la règle qui dispose qu'« aucune dépense à la charge de l'État ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi ». Les cours administratives d'appel et le Conseil d'État condamnent régulièrement l'État suite à des demandes en dédommagement, et les recours vont se multiplier si cette situation perdure.
Les communes doivent établir la réalité de leur préjudice et le lien de causalité. Cela ne pose pas de problème mais on constate des disparités car, contrairement à la loi, la jurisprudence autorise les fluctuations du montant des indemnisations, liées par exemple au temps moyen de traitement d'un dossier ou à la prise en compte d'une période de prescription. Pour que toutes les collectivités soient traitées sur un pied d'égalité, l'État devrait établir un barème de remboursement. Madame le ministre, cette voie sera-t-elle suivie ? Cela éviterait également l'engorgement des tribunaux administratifs, voire une spécialisation totale de certains membres du Conseil d'État dans ce domaine. Cette cascade de contentieux n'est profitable à personne.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Seule la loi pouvant confier aux maires la mission de recueillir les demandes et de délivrer des titres d'identité, les décrets de 1999 et 2001 ne constituaient effectivement pas un support adapté. Les contentieux engagés par certaines communes ne sont basés que sur ce vice de forme. Sur le fond, la loi ne prévoit pas l'obligation d'indemniser les communes pour les missions confiées au maire dans le cadre de ses responsabilités d'agent de l'État, et le contentieux, qui mobilisera des sommes très importantes pour le budget de l'État, ne porte pas sur ce sujet.
Afin d'apporter rapidement une réponse juridique sur ce point, j'ai engagé une concertation avec l'Association des maires de France. Dans quelques semaines, je proposerai une disposition en ce sens dans le projet de loi sur la protection de l'identité, qui traitera des titres biométriques apportant davantage de sécurité aux Français. Par ailleurs, j'ai demandé, alors que rien ne m'y oblige, qu'une indemnisation financière soit prévue pour les communes responsables de la délivrance de ces nouveaux titres sécurisés.
Le contentieux sur la forme prendra fin grâce à une solution qui satisfera les communes comme nos concitoyens, qui bénéficieront d'un service public de proximité.
M. Louis Souvet. - Je vous remercie, madame la ministre, de vous être déplacée en personne pour me répondre. Je ne souhaite pas que le contentieux augmente, mais que toutes les collectivités soient traitées de la même façon et que ne soient pas privilégiées les collectivités qui estent en justice. Ce serait décourageant !
Conséquences de la sécheresse de 2005 dans le Gard
M. André Rouvière. - Après d'autres collègues, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'instruction des demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle déposées par quinze communes du Gard. A ce jour, ces dossiers n'ont toujours pas été étudiés par la commission interministérielle compétente, ce qui plonge de nombreux particuliers dans une situation inextricable. J'ai moi-même constaté combien les dégâts sont importants : les fondations s'affaissent, provoquant l'apparition de fissures à l'intérieur et à l'extérieur des habitations ; les carrelages se fendent ce qui empêche la fermeture des portes et fenêtres, sans compter que cette situation est aggravée par les infiltrations d'eau. A titre indicatif, pour la grande majorité des propriétaires, les travaux s'élèvent à plus de 200 000 euros pour renforcer les fondations.
Pour l'heure, les différentes démarches que nous avons accomplies auprès de la préfecture et du ministère de l'intérieur n'ont pas abouti. Madame la ministre, au nom de la solidarité et suite à la réception de votre lettre d'attente du 29 octobre 2007, quelles dispositions allez-vous prendre pour que les sinistrés de 2005 puissent réhabiliter leur résidence et se sentir de nouveau en sécurité chez eux ? Par ailleurs, je n'oublie pas les sinistrés de la sécheresse de 2003. L'aide exceptionnelle qu'ils ont touchée est restée insuffisante. Quand le rapport Dalo sera-t-il remis ? Peut-on espérer qu'on y recommandera de leur verser une rallonge ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Les dossiers des sinistrés de la sécheresse de 2005 n'ont pas encore été examinés parce que tous nos services ont été mobilisés jusqu'à la fin de l'année 2007 pour apporter une réponse à la sécheresse sans précédent de 2003, réponse positive puisque 80 % des communes qui en ont fait la demande ont obtenu la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ou le bénéfice de la procédure exceptionnelle. Désormais, plus rien ne s'oppose au traitement des dossiers postérieurs.
La commission interministérielle compétente en la matière procédera à l'instruction des demandes de 2005 au cours du premier trimestre de 2008. Nous pourrons ainsi répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens et de leurs représentants. Quand au rapport Dalo, je ne suis pas en mesure de vous répondre en l'instant. Je vous répondrai par écrit.
M. André Rouvière. - Merci. Je me réjouis d'apprendre que les dossiers vont être examinés durant le premier semestre. J'attends que vous me communiquiez votre réponse sur le rapport Dalo par écrit. Par ailleurs, permettez-moi une suggestion : on éviterait certainement une partie des dégâts causés par la sécheresse en intervenant dès la délivrance du permis de construire et en exigeant, dans certaines zones incertaines, d'y joindre une étude géologique. Cela renchérirait quelque peu le coût de la construction, mais ferait réaliser des économies considérables à long terme.
Labellisation de la maison de l'emploi de l'ouest lyonnais
M. François-Noël Buffet. - Le plan de cohésion sociale prévoyait la création de 300 maisons de l'emploi. M. Borloo s'était engagé en novembre 2006 à ce que cet objectif soit atteint avant la fin de l'année 2007. Aujourd'hui 227 maisons de l'emploi sont labellisées.
Le 13 octobre 2006, l'État a invité les élus de l'ouest lyonnais à proposer la création d'une maison de l'emploi. Le projet a rassemblé l'ensemble des acteurs de l'emploi, les élus de soixante et une communes, dont la mienne. Sa mise au point, conforme aux objectifs fixés par la loi de programmation pour la cohésion sociale, a permis de créer une dynamique partenariale exemplaire entre acteurs locaux et collectivités territoriales. Le dossier de candidature, validé lors du comité de pilotage du 6 avril par la préfecture et l'ensemble des partenaires, soutenu par la direction départementale du travail du Rhône et agréé par l'Assedic Vallées du Rhône et de la Loire, a été envoyé à l'État pour être examiné lors de la commission nationale de labellisation du 22 mai 2007. Or la réunion de cette commission a été ajournée sine die et aucune information ne nous a été communiquée depuis. Monsieur le ministre, compte tenu de l'importance de ce projet pour notre territoire, il me serait agréable de savoir quand la maison de l'emploi sera labellisée et, si ce n'était pas le cas, quelles sont les solutions alternatives envisagées ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - A cette question importante pour votre territoire, je m'efforcerai de répondre aussi clairement que possible. Certes, nous n'avons pas atteint notre objectif, mais le processus a été bien engagé avec 227 maisons labellisées, dont 187 conventionnées. Le projet de fusion de l'ANPE et des Assedic a depuis modifié la donne. C'est pourquoi la ministre de l'économie a décidé de suspendre le processus. On n'aurait pas compris qu'on le laisse se poursuivre ne variatur dans ce contexte. Mission a été donnée à M. Jean-Paul Anciaux, député et président de la commission nationale des maisons de l'emploi, de formuler des recommandations pour adapter le cahier des charges des maisons. Son rapport sera remis en avril prochain. Ensuite, je vous le confirme, le processus de labellisation reprendra et le dossier de la maison de l'emploi de l'ouest lyonnais, qui devra être adapté aux nouvelles exigences, sera examiné par la commission compétente. L'importance des maisons de l'emploi a été confirmée par des amendements déposés dans votre Haute assemblée la semaine passée lors du débat sur le service public de l'emploi. Veuillez croire que ces maisons restent au coeur de l'action et de la réflexion et du Gouvernement. Il s'agissait simplement de mettre quelques semaines supplémentaires à profit pour que ces structures voient le jour dans des conditions cohérentes.
M. François-Noël Buffet. - Merci pour la clarté de cette réponse. Je partage l'idée qu'une suspension du processus de labellisation était nécessaire pour tenir compte du texte sur la réforme du service public de l'emploi.
Application de la loi Tepa en Alsace et Moselle
M. Francis Grignon. - J'attire l'attention de Mme la ministre de l'économie sur l'application du décret du 24 septembre 2007 en Alsace et Moselle portant application de l'article premier de la loi Tepa. Cette loi crée une exonération d'impôt sur le revenu et un dispositif d'allégement de cotisations sociales au titre des heures de travail effectuées à compter du 1er octobre 2007.
Les salariés alsaciens et mosellans, pour leurs heures supplémentaires ou complémentaires, ne sont pas traités à égalité; redevables d'une cotisation d'assurance maladie supplémentaire de 1,7 % ils n'ont pas été pris en considération dans le taux maximum de réduction, fixé à 21,5 %. Et pourtant, cette cotisation de 1,7 % est obligatoire, selon une disposition du droit local. Ainsi, les salariés d'Alsace et de Moselle ne sont que partiellement exonérés. Dans un souci d'équité, il faudrait majorer le taux de 21,5 % de 1,7 point pour les salariés relevant du régime d'Alsace Moselle. Qu'en pensez-vous ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Votre question légitime oppose une spécificité locale, dont la plupart des salariés de votre région n'ont qu'à se louer, au principe d'équité générale qui inspire notre politique. Je veux vous rassurer : les salariés concernés bénéficient de la réduction de cotisations de 21,5 % -ce pourcentage, qui équivaut au taux moyen de cotisation dans le régime général, a été retenu comme le plus simple pour le calcul des contributions. Sont comprises les cotisations salariales de sécurité sociale, la CSG, la CRDS, la cotisation aux régimes de retraite complémentaire et les cotisations chômage. L'exonération ne couvre pas en revanche les cotisations aux régimes complémentaires maladie, sauf pour les régimes locaux d'assurance maladie : dans ce cas, le montant maximum d'exonération ne peut dépasser 21,5 %.
Par exemple, un salarié alsacien rémunéré à 1,5 fois le plafond de la sécurité sociale sera exonéré de 0,55 point sur le 1,7 de cotisation supplémentaire. La spécificité locale est -partiellement, j'en conviens- prise en compte.
M. Francis Grignon. - Je rassurerai les entreprises qui m'ont sollicité.
Maintien de l'activité sanitaire pédiatrique à Brolles
M. Yannick Bodin. - L'Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie d'Ile-de-France (Ugecamif) gère, depuis 2000, 15 établissements dont 4 en Seine-et-Marne. Le centre de rééducation fonctionnelle infantile de Brolles accueille 60 enfants atteints d'affections orthopédiques, traumatologiques, neurologiques et de maladies chroniques rhumatologiques ; 90 salariés assurent leur prise en charge. L'établissement a été accrédité en 2004 avec les félicitations des experts pour la qualité de la prise en charge et la préparation très active à la certification version 2 de la Haute autorité de santé. Une école publique intégrée accueille les petits patients, de la maternelle au secondaire. Un projet de réhabilitation des locaux est en cours, initié en 1992 par la Cramif, gestionnaire jusqu'en 1999.
La direction de l'Ugecamif a régulièrement annoncé au conseil d'administration, au comité d'entreprise et à la délégation du personnel que les projets médicaux et immobiliers suivaient leur cours et que le financement des travaux était accepté par la CNAMTS. D'importants travaux de mise en conformité incendie ont été réalisés en 2003. Cependant, les deux projets architecturaux successifs n'ont pas abouti. Et le 14 juin 2007, la direction générale annonce qu'une étude est demandée par l'Agence régionale d'hospitalisation (ARH) d'Ile-de-France sur la possibilité de regrouper en Seine-Saint-Denis deux structures de I'Ugecamif, celles de Brolles et de Montreuil.
Pourquoi cette délocalisation, alors que le département de Seine-et-Marne connaît une forte croissance démographique, et que le schéma régional de l'organisation sanitaire 3 (SROS 3) met en évidence un sous-équipement sanitaire ? Des enfants viennent de l'Yonne, de la Marne, du Loiret... Acceptez de suspendre le projet en cours ! L'équipe du centre s'est constituée en association pour le maintien de ses activités. Elle demande à être reçue par la ministre. Accédez à sa demande !
Plus généralement, quelle politique la CNAMTS entend-elle mener pour assurer la pérennité de ses établissements ? A-t-elle programmé un désengagement total, comprenant la vente des établissements au secteur privé ?
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Le projet a retenu l'attention de Mme la ministre de la santé car il paraît susceptible de pérenniser l'offre de soins de suite et de réadaptation et d'offrir aux enfants accueillis des conditions d'hébergement et un plateau technique plus adaptés. Brolles et Montreuil sont des structures de petite taille qui ne pourront assumer séparément les investissements indispensables à l'humanisation de leurs locaux ni relever leur niveau d'équipement. En outre, un grand établissement est plus attrayant pour les recrutements.
Le choix du site de Montreuil s'appuie sur les conclusions du SROS 3, qui a fait l'objet d'une large concertation. L'offre de soins de suite et de réadaptation pour les enfants est mal répartie en Ile-de-France : Paris et la petite couronne sont moins bien dotés. Or la proximité avec la famille est indispensable. Le centre de Brolles accueille 35 % de patients de Seine-et-Marne et près de 20 % d'enfants viennent de la périphérie de l'Ile-de-France. Le centre Ellen Poidatz qui dispense aussi des soins de suite pédiatrique et se situe à proximité de Brolles serait prêt à signer une convention afin d'accueillir plus de patients du département et à réorienter ceux de Paris et de la petite couronne vers Montreuil -lequel est mieux desservi par les transports en commun.
Ces différents éléments ont naturellement conduit la ministre de la santé à encourager le projet de regroupement proposé par l'Ugecam.
Mais l'ARH n'oublie pas la Seine-et-Marne ! Plusieurs projets importants de reconstruction sont en cours : au nord, reconstruction du plateau commun Lagny-Meaux-Coulommiers, au sud, reconstruction des centres hospitaliers de Melun et de Fontainebleau ; création de deux établissements au nord du département, extension des capacités du centre hospitalier de Lagny, de Nemours -en soins de suite pédiatrique précisément. Et le centre de Melun vient d'obtenir une autorisation d'activité. Évolution dynamique pour l'emploi, vous en conviendrez !
M. Yannick Bodin. - Monsieur le ministre des sports, je vous prie de faire savoir mon mécontentement à la ministre de la santé dont la réponse ne me satisfait nullement. Quelle méconnaissance de la réalité locale de mon département, au sein de la région !
Les projets hospitaliers au nord n'intéressent pas la population du sud, puisqu'il n'existe pas de grand axe de communication vertical dans le département. Pour aller de Meaux à Melun, il faut passer par Paris ! Les déséquilibres s'accentuent en pédiatrie et si Brolles ferme, ils s'aggraveront encore. La fondation Poidatz n'est pas en mesure de combler le vide que créerait la fermeture de Brolles.
Tel est le point de vue des élus du secteur, des familles, des personnels et je renouvelle, au nom des membres de l'Association pour le maintien des soins pédiatriques à Brolle, qui souhaitent être reçus par les services du ministère, ma demande de rendez-vous. Je regrette que vous n'y ayez pas répondu : ce n'est pas ainsi que la ministre parviendra à les convaincre.
Pose de valve aortique artificielle
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le progrès médical peut parfois faire reculer significativement la maladie en même temps qu'il évite des risques pour le patient et des dépenses pour la collectivité. Une nouvelle technique, créée par une équipe française du CHU de Rouen, l'illustre, qui permet de remplacer une valve aortique sans recours à la chirurgie conventionnelle.
Un tiers des patients souffrant d'un rétrécissement de la valve aortique ne peuvent être opérés en raison de risques trop élevés et sont ainsi condamnés à court terme. À l'inverse, les 150 000 patients opérés dans le monde retrouvent un pronostic de vie identique à celui de la population générale.
La valve aortique artificielle, posée sous simple anesthésie locale, a déjà permis de traiter, avec des valves fournies gratuitement par la société qui sponsorise les études, 550 patient dans le monde, dans le cadre d'investigations contrôlées. Leur mortalité à un mois a été réduite de 50 % par rapport au score pronostique chirurgical.
Aujourd'hui cependant, les stocks de valves sont écoulés et, en l'absence d'inscription sur la liste des produits remboursables, les hôpitaux ne peuvent procéder à aucun achat. Résultat, alors que les implantations se multiplient en Europe -le marquage CE a été obtenu en septembre-, les listes d'attente s'allongent en France. Est-il raisonnable de se priver plus longtemps d'une technique inventée sur notre sol et dont d'autres pays reconnaissent l'apport incontestable ?
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Les patients atteints d'un rétrécissement de l'aorte sont actuellement traités par valve mécanique ou par bioprothèse posée par chirurgie traditionnelle. La technique que vous évoquez, qui pourrait permettre de traiter les 30 % de patients pour lesquels le risque chirurgical est trop élevé, reste en cours d'évaluation dans plusieurs pays, notamment les États-Unis. La Haute autorité de santé, en France, en est elle aussi à la phase d'analyse. Nous ne disposons encore, sur cette technique, que de six mois de recul. L'opportunité de sa prise en charge, demandée par les fabricants en octobre 2007, est en cours d'évaluation. La décision sera rendue publique dès que le ministère de la Santé aura statué.
Mme Catherine Morin-Desailly. - J'insiste sur l'urgence. La validation du recours à cette technique très pointue, créée par une équipe du CHU de Rouen qui a su se montrer plus d'une fois à l'avant-garde, profiterait aux patients et servirait la réputation de la médecine française.
Donations aux musées
M. Philippe Richert. - La loi Perben de 2006 portant réforme des successions et libéralités a permis la signature de pactes familiaux pour les donations faites aux musées. La valeur des oeuvres prise en considération sera désormais non plus celle du moment du décès du donateur mais celle du moment de la donation. La valeur des oeuvres d'art tendant à augmenter, jusqu'à dépasser le montant de la quotité disponible lors du décès du donateur, cette mesure doit permettre de réduire sensiblement les litiges avec les familles.
Le problème demeure cependant en cas de divergences familiales lors de la donation. Le Gouvernement envisage-t-il, pour le réduire, d'autoriser les conservateurs territoriaux à émettre un avis négatif sur les dons en cas d'absence de consensus familial, pour éviter ainsi à certains musées de voir leur collection mise en cause lors du décès du donateur ?
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. - Mme Albanel, en voyage officiel aux côtés du Président de la République, vous prie de bien vouloir l'excuser.
Vous soulignez à juste titre, monsieur le sénateur, l'apport de la loi Perben qui permet de prévenir bien des contentieux tels que celui dont a souffert le musée Mathurin Méheut de Saint-Brieux.
Vous avez raison de considérer que le conservateur doit s'assurer de l'accord des héritiers présomptifs sur tout projet de don d'oeuvre. Il a déjà non seulement la faculté mais le devoir d'émettre, à l'intention de la collectivité concernée, un avis motivé sur l'opportunité et la sécurité juridique de tout projet et joue donc un rôle majeur dans la procédure d'examen des dons. Tout projet d'acquisition, à titre gratuit ou onéreux, doit en outre recevoir l'avis de la commission régionale ou interrégionale d'acquisition, animée par le directeur régional des affaires culturelles. Je rappelle que ces commissions ont été créées par la loi « musées » de février 2002, dont M. Richert était le rapporteur...
La direction des musées de France émettra des recommandations afin que lors de cet examen, la position des héritiers soit systématiquement prise en compte. L'avis rendu doit pouvoir être réservé ou négatif dès lors que la position des héritiers n'est pas consensuelle.
M. Philippe Richert. - Je vous remercie de cette réponse qui marque l'attention que le Gouvernement porte à cette situation aux conséquences judiciaires parfois très pénibles. Ne pourrait-on aller plus loin en précisant, dans un décret d'application complémentaire, que le refus peut être exprimé soit par la collectivité, soit par la commission ou le conservateur, pour éviter de voir porter, en cas de désaccord notoire, un litige en justice ?
Prêts intermusées
M. Pierre Fauchon. - Je souhaite faire le point sur la question du prêt d'oeuvres appartenant à l'État -et je pense tout particulièrement à celle du Louvre- aux musées de province. L'article 73 bis de la loi du 13 août 2004 avait été voté à l'unanimité, avec avis favorable du Gouvernement et après concertation directe avec le directeur du Louvre. Chacun est conscient de l'urgence qu'il y a à mettre fin à une excessive concentration, à Paris, des oeuvres majeures de notre patrimoine. À n'en pas douter, la question intéresse aussi, monsieur le président, la ville de Marseille, qui a su donner vie à de remarquables musées.
Mais il ne s'agit pas seulement, pour les grands musées parisiens, d'apporter une contribution ponctuelle à la province. Tandis que leurs fonds font les délices des spécialistes, ce sont bien plutôt leurs chefs d'oeuvre -que la loi qualifie d'« oeuvres significatives »- qui attirent le grand public. Or, à la différence du reste de notre patrimoine culturel, architectural et même musical et lyrique depuis la multiplication des festivals, les chefs d'oeuvre de l'art plastique demeurent enfermés dans les grands musées parisiens. On nous fait souvent valoir que leur présence à Paris leur permet d'être admirés par un plus grand nombre de personnes et l'on cite à l'envi le chiffre de 7 millions de visiteurs pour le Louvre. Mais je doute de la bonne foi de ces zélotes, dont la position contredit le principe de culture vivante.
Allez donc au Louvre, après un accès malaisé, vous constaterez au défilé pressé des visiteurs que le plus grand nombre ne vient pas pour voir les oeuvres -sauf La Joconde-, mais dans le seul but de « faire le Louvre » ! Je dirai avec un sourire en coin, que ce sont les oeuvres qui regardent les sept millions de visiteurs, plutôt que l'inverse ! (Sourires)
Aussi la politique de dépôt dans des musées régionaux participe-t-elle de cette politique de civilisation, dans le sens humaniste que lui a donné le Président de la République, cette politique qui se préoccupe du mode de vie et où la qualité prend, enfin, autant d'importance que la quantité !
C'est pourquoi nous voulons réduire la concentration des oeuvres d'art d'importance à Paris seulement, pour les rendre accessibles partout, en proximité, c'est-à-dire là où elles peuvent être véritablement regardées, où elles peuvent révéler leur vérité à ceux qui les regardent, plutôt que d'être seulement consommées dans des rituels de masse ! (Applaudissements au centre)
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique - Mme Albanel accompagne le Président de la République à l'étranger, j'espère que vous l'excuserez de ne pas pouvoir vous répondre elle-même.
Dès octobre 2005, le ministre de la culture a confié à l'inspection générale de l'administration le soin de réaliser un bilan de la politique de dépôt d'oeuvres d'art pour la période 2000-2005, en collaboration avec l'inspection générale des musées. Terminé en mars 2006, son rapport a été présenté le 6 décembre de la même année devant le Haut conseil des musées de France. Dans une circulaire du 13 mars 2007, le ministre a rappelé aux présidents de musées combien la politique de prêt et de dépôt comptait dans la coopération entre musées et pour la diffusion des oeuvres d'art, tout en préconisant le développement des prêts de longue durée. En 2006, les 411 prêts, d'une moyenne de trois à quatre mois, ont concerné 289 musées et 3 356 oeuvres.
Mme le ministre de la culture a demandé que ce rapport vous soit communiqué sans délai, et la prochaine réunion du Haut comité des musées de France décidera de la poursuite de l'étude pour les années 2005 à 2007 : le bilan ainsi complété devra être terminé à la fin de l'année et il sera communiqué au Parlement. La Joconde sera moins triste ! (Sourires)
Quant au projet du Louvre à Lens, je peux répondre à une question que vous ne me posez pas...
M. le président. - Original, mais nous connaissons votre sagacité et votre disponibilité ! (Sourires)
M. Pierre Fauchon. - La question tombe sous le sens : pourquoi diable aller ouvrir une annexe du Louvre à Lens ?
M. André Santini, secrétaire d'État. - Engagé en 2004, ce projet a fait l'objet d'un accord, le 12 mai 2005, entre l'État, le Louvre et les collectivités locales concernées. Fin 2010, il présentera des oeuvres du Louvre, sur 17 000 mètres carrés comportant notamment une « galerie du temps » et des expositions temporaires. Le Louvre à Lens est l'occasion de repenser le rôle culturel et social du musée au XXIème siècle. Il devrait coûter 127 millions, pris en charge à 60 % par la région Nord-Pas-de-Calais, à 10 % par le département du Pas-de-Calais, à 10 % par la communauté d'agglomération et à 20 % par l'Union européenne.
M. Pierre Fauchon. - J'excuse d'autant mieux Mme Albanel que c'est à Abu Dhabi qu'elle accompagne le Président de la République et que, à l'inverse de beaucoup, je suis un chaud partisan du projet que le Louvre développe avec cet Émirat.
La loi de 2004 a prévu un rapport biannuel sur la politique de dépôt et de prêts d'oeuvre, nous en attendons toujours la première page ! M. Donnedieu de Vabres a dû recourir à une circulaire, pour rappeler leurs obligations aux présidents des grands musées.
Vous citez des chiffres, monsieur le ministre, ils ne trompent personne : la plupart des oeuvres prêtées sont secondaires, alors qu'il faut des oeuvres dites significatives pour faire venir le public, à Marseille comme à Issy-les-Moulineaux !
Je reste sur ma faim ! Je vais demander un entretien à Mme Albanel, pour lui présenter notre demande, et je me félicite que M. Richert soit dans l'hémicycle, car je peux demander devant les autorités les plus idoines et avisées, que la commission des affaires culturelles joue son rôle d'aiguillon pour renforcer la politique de dépôts et de prêts d'oeuvres d'art, qu'elle harcèle même l'administration pour que la loi -une fois n'est pas coutume- soit enfin appliquée !
Pourquoi implanter une annexe du Louvre à Lens ? Vous me répondez par le coût, mais c'est le fond qui manque d'explication ! Le Louvre à Lens, alors que des villes aussi importantes que Marseille ou Aix n'ont pas une seule peinture majeure dans leurs musées ! Voyez le musée Granet, qui vient d'être rénové : il ne possède qu'un seul dessin de Cézanne, alors que c'est ce pays d'Aix qui a inspiré l'immense peintre et que c'est dans ces paysages qu'il faut pouvoir aussi regarder de telles oeuvres ! Notre démarche relève de la politique de civilisation même ! (Sourires)
La séance est suspendue à 12 h 25.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 16 h 15.
Eloge funèbre de Daniel Bernardet
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Nous voici rassemblés pour accomplir un bien pénible devoir ; 2007 aura été, pour notre assemblée, une année éprouvante, qui a vu disparaître plusieurs des siens, parmi les plus éminents. J'ai tenu à saluer nos collègues disparus en me rendant à leurs obsèques, en votre nom et en mon nom personnel, pour leur témoigner l'hommage du Sénat de la République.
Au cours de ces cérémonies prenantes, j'ai constaté la peine, l'émotion, le chagrin de tous ceux qui ont tenu à accompagner, nombreux, nos défunts collègues. J'ai mesuré avec force, en ces pénibles occasions, l'estime, la considération et l'affection dont nos collègues étaient l'objet.
Daniel Bernardet n'est pas parti seul. Lui qui avait été porté, par deux fois, au Palais du Luxembourg avait souhaité que les élus de son département l'accompagnent dans un ultime cheminement de la mairie à l'église, puis au cimetière. Son cercueil, porté par quatre maires ceints de leur écharpe, entouré par une foule d'élus arborant leurs insignes, témoignait hautement et symboliquement des liens intimes qui les unissaient dans une même communion.
Daniel Bernardet était aimé des siens ; les regrets qu'il a laissés sont à la mesure de ce qu'il fut pour son département. Fils d'agriculteurs modestes, il naquit le 7 juin 1927 à Lourouer-Saint-Laurent, dans le canton de la Châtre. Il entra très tôt dans la vie active. Menuisier de formation, il montera -comme l'on disait alors- à Paris pour suivre les cours du Centre technique du bois, puis ceux de l'École scientifique d'organisation du travail. Artisan dynamique, il deviendra au fil des ans, à la force de son travail mais aussi de son intuition et de son sens aiguisé de l'organisation, un chef d'entreprise estimé et prospère.
Il mettra autant d'énergie dans sa vie publique. Tôt remarqué par les élus de l'Indre, il fit tout naturellement, en mars 1959, à 32 ans, son entrée au conseil municipal de Châteauroux. Ce premier mandat, qu'il exercera trente années, sera, et de loin, celui auquel il fut le plus attaché. Élu adjoint au maire en 1965, il sera premier magistrat de la ville de 1971 à 1989, dix-huit ans au cours desquels il donnera toute la mesure d'un élu d'exception. Ses actes ont fortement marqué sa chère ville de Châteauroux. La coulée verte, les Cordeliers, la percée de la préfecture vers le quartier Saint-Jean, la modernisation de l'aéroport autour d'un syndicat mixte : tout cela est l'oeuvre de Daniel Bernardet.
Il assumera parallèlement les mandats qui ponctuent le cursus honorum d'un élu local exemplaire, conseiller régional, conseiller général, député, sénateur. Il présidera la région Centre de 1983 à 1985, puis l'assemblée départementale jusqu'en 1998. C'est dire la place éminente qu'occupait notre collègue, et combien l'Indre lui est redevable de la force de ses engagements ; il ne ménagea jamais sa peine au service de l'aménagement et du développement de ce territoire rural.
Élu député en 1986, il conservera de son passage à l'Assemblée nationale la satisfaction d'avoir fait avancer certains dossiers locaux de première importance. Il décidera de ne pas se représenter en 1988 pour consacrer son ambition nationale à la conquête d'un siège sénatorial.
Élu au Sénat en 1989, réélu en 1998, il fut membre de la commission des affaires étrangères puis de celle des affaires sociales ; il apportera à leurs travaux les fruits d'une expérience acquise sur le terrain, au plus proche de concitoyens qu'il savait écouter et aider. Au Sénat, il se joindra à de nombreuses propositions relatives notamment à la mondialisation, aux ONG et à l'action internationale des collectivités locales. Son réformisme pragmatique conduira le représentant du monde rural qu'il était à participer activement aux travaux préparatoires de la loi relative au pacte de relance pour la ville ; il défendra également avec ferveur la réforme sénatoriale de 2003, qu'il estimait nécessaire à la modernisation de notre institution. Il s'investit aussi avec énergie dans des domaines divers, de la lutte contre la toxicomanie au développement du dialogue social dans l'entreprise.
Personnalité forte, attachante et conviviale, doté d'un grand sens de l'observation et de l'écoute, Daniel Bernardet avait bien sûr tissé des liens exceptionnels avec les habitants de Châteauroux, de son canton, de son département, de sa région. Il avait mis son dynamisme, son efficacité, son esprit entrepreneurial au service de ses concitoyens et de l'intérêt général. Homme de contact direct, il pouvait saluer par leurs nom et prénom nombre d'habitants de sa ville et de son département. Sa convivialité naturelle l'avait conduit à créer une institution originale et sans équivalent, la « Fête de l'amitié », qui réunissait chaque année autour de lui, et jusqu'à l'an dernier, plusieurs centaines de personnes qui manifestaient ainsi leur attachement à sa personne et à l'amitié. Ce sont les mêmes qui, au lendemain de son décès, défilaient, profondément attristés, devant son cercueil, comme l'on fait lorsqu'un être cher et familier vous quitte pour toujours.
L'un de ses compagnons de route a résumé ainsi l'opinion générale : Daniel Bernardet fut « un grand homme, tout simplement ». Il restera pour nous un exemple de tolérance, de générosité et de courage, fidèle à lui-même jusqu'aux derniers jours.
Aux membres de la commission des affaires sociales, j'exprime toute notre sympathie attristée. À ses collègues du groupe UMP, une fois encore cruellement éprouvé par la disparition de l'un des siens, j'adresse les condoléances du Sénat tout entier.
A sa famille, son épouse Christiane, ses enfants Jean-Luc et Frédérique, à tous ses proches, je veux dire la part personnelle que chacun des membres du Sénat de la République prend à leur peine et les assure que notre assemblée gardera longtemps et fidèlement la mémoire de leur cher disparu.
Daniel Bernardet, reposez maintenant en paix. (Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Le Gouvernement s'associe à la douleur de l'ensemble du Sénat.
Daniel Bernardet incarne ce qu'il y a de mieux dans la promotion républicaine, ce qu'on appelait naguère l'ascenseur social. Ouvrier ébéniste à 18 ans, il est conseiller municipal à 32 et, à 44 ans, maire de Châteauroux, qu'il devait transformer profondément avec la coulée verte, les aménagements routiers et culturels. Il se consacre alors entièrement à la vie publique et devient président du conseil général. À 59 ans, il est élu député et, trois ans après, sénateur. Ainsi sera-t-il un des rares parlementaires à connaître à fond les deux assemblées et à y travailler complètement. Élu local, il connaît parfaitement le terrain, tant régional que départemental et communal. Ses concitoyens étaient accoutumés à l'entendre tutoyer beaucoup.
Parlementaire exemplaire pendant vingt ans, il est l'exemple de ce que nous souhaitons que la République puisse faire. À ce titre, il mérite notre attention et notre reconnaissance.
À la commission des affaires sociales, au groupe UMP, à l'ensemble du Sénat, le Gouvernement adresse ses condoléances. À son épouse, à sa famille, à ses enfants, nous disons que nous savons ce qu'aura été cette vie de dévouement à côté d'une telle personnalité, et ce que sera dorénavant une vie dans laquelle le souvenir sera sans nul doute une force.
M. le Président. - Nous sommes très sensibles à vos propos, monsieur le ministre.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - J'ai reçu, en application de la loi du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003, le rapport sur les dispositifs affectant l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui sera transmis à la commission des affaires sociales.
La séance est suspendue à 16 h 35.
présidence de Mme Michèle André,vice-présidente
La séance reprend à 16 h 45.
Filiation
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation.
Discussion générale
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - La filiation donne à la personne une identité propre, elle l'inscrit dans une lignée et dans une histoire familiales. Le droit qui la régit est essentiel ; il est bon que Gouvernement et Parlement travaillent en étroite concertation sur ce sujet sensible et délicat. La loi du 9 décembre 2004 a autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnance en définissant précisément les principes qui devaient le guider. C'est cette ordonnance qu'au nom du Gouvernement, je soumets aujourd'hui à votre ratification.
Votre rapporteur a mené un remarquable travail d'expertise. Les modifications qu'il propose enrichissent et clarifient le texte du Gouvernement et contribuent à établir un équilibre entre nos principes fondamentaux et la nécessaire adaptation de la législation.
En ratifiant cette ordonnance, vous affirmez la nécessité de poser des règles simples, précises et harmonisées de rattachement de l'enfant à ses père et mère dans le cadre des principes posés par la loi d'habilitation.
L'ordonnance, qui s'inscrit dans la continuité des grandes réformes engagées depuis trente ans, clôt le mouvement engagé durant les années 1970 vers l'égalité de tous les enfants. La moitié des enfants naissent aujourd'hui hors mariage et il était nécessaire de supprimer la distinction entre filiations naturelle et légitime qui n'avait plus de portée. La réforme simplifie l'établissement de la filiation pour les mères non mariées. La naissance de l'enfant répondant aujourd'hui à un choix et à un désir profond, il n'était plus nécessaire de demander à la mère une reconnaissance explicite. La simple indication du nom de la mère dans l'acte de naissance établira désormais la filiation.
La constatation de la possession d'état, qui traduit la réalité du lien de filiation, est clarifiée ; la constatation d'état prénatale permettra la transmission du nom du père décédé pendant la grossesse ; la délivrance de l'acte de notoriété est enfermée dans le délai de cinq ans.
L'ordonnance unifie les délais de contestation de la paternité. Si le père s'est impliqué dans l'éducation de l'enfant pendant cinq ans, la filiation ne pourra être attaquée ; dans le cas contraire, le délai de contestation sera de dix ans. Jusqu'à maintenant, les délais pour les actions en établissement de la filiation étaient différents pour les pères et pour les mères : deux ans pour les premiers et trente pour les mères. Désormais, le délai sera de dix ans pour toutes les actions, à compter de la majorité de l'enfant.
La réforme marque bien une étape dans l'évolution récente de la législation familiale. Elle contribue à l'édification d'un droit moderne, adapté aux évolutions de notre société comme à ses valeurs. (Applaudissements à droite)
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois. - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir, en rendant hommage à la commission des lois, rendu hommage à son président qui, à l'époque, avait exprimé ses réserves devant une procédure inédite en la matière.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - En effet.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Le Gouvernement mettait alors en avant le caractère très technique des mesures envisagées mais l'ordonnance a soulevé des questions sur lesquelles nous sommes heureux de revenir en présentant des amendements.
Une réforme de la filiation était nécessaire. On adressait trois griefs à l'ancien régime. En premier lieu, la distinction entre filiations naturelle et légitime n'avait plus lieu d'être : que 40 % des enfants naissent hors mariage l'avait rendue désuète ; elle était d'ailleurs sans objet depuis que la loi du 3 janvier 1972 avait consacré l'égalité des filiations. En second lieu, le texte ancien était source d'inégalités ; en troisième lieu, il entretenait une insécurité juridique. Le régime de la présomption de maternité variait en effet selon que la mère était mariée ou non. En vertu du principe mater semper certa est, lorsque la femme était mariée, la simple mention de son nom dans l'acte de naissance suffisait à établir la filiation mais la femme non mariée devait reconnaître l'enfant, ce que certaines omettaient, d'où des conflits. De même, l'enfant n'avait pas les mêmes droits d'agir en justice selon qu'il était naturel ou légitime.
L'ordonnance consacre des règles générales comme le principe de l'égalité entre enfants et prévoit, en cas d'inceste, de ne reconnaître la filiation qu'à l'égard du père ou de la mère. La présomption d'état, tant qu'elle n'a pas été constatée par un acte de notoriété ou par un jugement, est insuffisante pour établir le lien de filiation. Enfin, si l'ordonnance consacre le principe de la liberté de la preuve dans toutes les actions judiciaires, elle apporte au principe pater is est quem nuptiae demonstrant des aménagements qui appellent des amendements.
Très technique, le premier de nos amendements précise les conditions de changement de nom des enfants nés avant le 1er janvier 2005 et encore mineurs au moment de la ratification de l'ordonnance.
Le deuxième autorise le père dont la présomption de paternité a été écartée à reconnaître l'enfant. Le texte de l'ordonnance a en effet quelque chose d'étrange, d'inadmissible.
Aujourd'hui, les trois quarts des enfants naissent dans une maternité où l'officier d'état civil vient faire signer une déclaration de maternité à la mère. Si celle-ci, même mariée, ne déclare pas le nom du père, votre texte, dans son état actuel, prive ce dernier de la présomption de paternité et l'oblige à engager une action devant le tribunal de grande instance ! La femme peut non seulement décider si elle veut avoir des enfants ou non, mais aussi si son mari sera ou non présumé père ! Cela nous semble abusif. Nous proposons que l'époux puisse faire rétablir la présomption de paternité par une reconnaissance de paternité auprès d'un officier d'état civil. Trois voies seront donc ouvertes au père : la possession d'état attestée par un acte notarié, la reconnaissance de paternité et l'action devant un TGI.
La simple non-déclaration de la mère prive le père du droit de donner son nom de famille à l'enfant. Pour faire reconnaître ce droit, il doit saisir la Chancellerie, qui prend un décret « dans l'intérêt de l'enfant ». Nous considérons, quant à nous, que l'intérêt de l'enfant est que le père puisse lui donner son nom.
Le troisième amendement, fondamental, fixe les règles de résolution des conflits pour respecter le principe pater is est. Votre texte, prétendument technique, introduit un principe choquant, celui de la chronologie : un quidam se prétendant l'amant d'une femme mariée enceinte peut faire une déclaration de reconnaissance prénatale, qui, en vertu de ce principe, l'emporte sur celle de l'époux ! La commission des lois, dans sa sagesse, propose que, dans ce cas de figure, l'officier d'état civil maintienne le nom du mari lors de la déclaration de naissance et saisisse le procureur de la République de l'existence d'une reconnaissance préalable. Nous restaurons le principe pater is est tant qu'une décision de justice n'est pas intervenue. Votre ordonnance remettait en cause le principe même du droit du mariage, qui repose sur le présupposé de fidélité. Il est normal de donner la priorité à la reconnaissance de paternité du mari.
J'en viens au sous-amendement du groupe CRC. Jusqu'ici, seule la recherche en paternité était possible en cas d'accouchement sous X. Nous avons permis la recherche en maternité pour nous mettre en conformité avec la réglementation européenne, qui interdit pareille discrimination, mais en maintenant le principe de l'accouchement sous X : la femme doit être protégée dans son secret. Nous ouvrons la possibilité d'une action, mais en sachant que cette démarche se heurtera à de grandes difficultés.
Votre ordonnance, loin d'être purement technique, monsieur le secrétaire d'État, abordait des questions de fond. Je suis heureux que la Haute assemblée puisse en débattre. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Richard Yung. - Le choix de procéder par voie d'ordonnance sur un sujet aussi fondamental que le droit de la filiation est pour le moins curieux. Un débat dans le pays et au Parlement eût été préférable, il fallait le rappeler. Mais cette ordonnance a déjà été ratifiée par le Parlement lors de l'adoption du projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, mais l'article procédant à cette ratification a été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Heureusement !
M. Richard Yung. - Cela nous donne la possibilité d'en débattre aujourd'hui. Il faut incontestablement faire bouger le droit de la famille pour qu'il suive l'évolution de la société. Rien n'a autant changé au cours des cinquante dernières années que la famille. J'ai grandi dans un petit village de Touraine : il y a cinquante ans, un enfant né hors mariage était montré du doigt, sa mère était ostracisée, on en parlait à voix basse. L'opprobre social était source de bien des souffrances. Les choses ont évolué, d'abord lentement puis de plus en plus vite, avec l'IVG, le Pacs, la conception pour autrui -encore interdite en France, les tests ADN. Mais dans une société qui vit dans la crainte du lendemain, de plus en plus individualiste, orientée vers le résultat et le profit, la famille demeure plus que jamais une valeur centrale. Il faut trouver l'équilibre entre ces exigences.
Selon Le Parisien, il n'y a jamais eu autant de naissances en France -820 000 en 2007- mais, pour la première fois, plus de la moitié sont des enfants nés hors mariage, ceux que l'on appelait naguère les enfants du péché.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Toujours !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Du moins ceux qui croient au péché ! (Sourires)
M. Richard Yung. - En 1965, les enfants nés hors mariage n'étaient que 6 % !
Le droit de la filiation est inintelligible pour les non-juristes. Je n'en veux pour preuve que les règles de contestation de la filiation exposées dans le rapport... Ce droit reposait jusqu'ici sur la distinction entre la filiation légitime, liée au mariage, et la filiation naturelle, avec des règles d'établissement et de contestation différentes. La préférence donnée par le code civil de 1804 à la famille fondée sur le mariage s'était traduite par une hiérarchie entre les enfants. L'enfant naturel simple, c'est-à-dire né de parents tous deux célibataires, avait des droits inférieurs à ceux de l'enfant légitime, né de parents mariés, tandis qu'était interdit l'établissement de la filiation des enfants adultérins ou incestueux.
Cette hiérarchie a été progressivement gommée depuis la loi du 3 janvier 1972, qui a marqué une première étape vers l'égalité des filiations et permis l'établissement de la filiation adultérine. La loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins a mis fin à toute différence de traitement et la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a donné à tous les enfants dont la filiation est légalement établie les mêmes droits et devoirs envers leurs parents.
La différence de traitement selon le statut marital de la femme pour l'établissement non contentieux de la filiation maternelle s'était révélée contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, et les conditions d'établissement de la possession d'état n'étaient pas suffisamment encadrées.
Le dispositif prévu par l'ordonnance est conforme aux objectifs que nous nous étions fixés. Le principe d'égalité entre enfants est rappelé. Par ailleurs, l'établissement du double lien de filiation en cas d'inceste absolu est interdit. Est-ce une bonne chose ? D'une certaine façon, cette interdiction ne pose qu'un voile hypocrite sur la réalité. Ainsi, le mariage de deux jumeaux britanniques, élevés séparément et qui ne connaissaient pas leur lien de parenté, a été frappé de nullité. Ce cas est très particulier, mais une réflexion mérite d'être menée sur ce point.
S'agissant des preuves et de la présomption, l'ordonnance a recherché une plus grande sécurité juridique et n'a pas changé les règles relatives à l'assistance médicale et à la procréation. Un amendement viendra heureusement lever les difficultés qui demeurent quant à la dévolution du nom de famille.
L'ordonnance a unifié les conditions d'établissement de la filiation maternelle, maintenu la présomption de paternité du mari et consacré la pratique des reconnaissances préalables. Je me réjouis qu'ait été retenue la possession d'état, plus strictement encadrée. S'agissant du régime des actions en justice, un équilibre a été trouvé entre les composantes biologique et affective qui fondent le lien de filiation. Il aurait été regrettable de verser dans le tout biologique et de nier les droits de la personne qui a élevé l'enfant -d'où l'importance de la possession d'état.
Le rapport s'achève sur des questions qui pourraient nourrir la réflexion sur la filiation, et qui concernent notamment l'accouchement sous X et la maternité pour autrui - celle-ci est interdite en France mais possible à l'étranger par le biais d'officines aux méthodes discutables. J'ai déjà évoqué l'inceste absolu. Enfin, la reconnaissance prénatale est une bonne chose lorsqu'elle est effectuée par le conjoint qui vit avec la mère, mais il s'agit parfois d'un acte nuisible, qu'il faudrait prévenir par un encadrement adéquat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Un amendement concerne ce problème.
M. Richard Yung. - Sur le fond, le groupe socialiste approuve cette réforme, tout en regrettant le recours à une ordonnance.
Mme Catherine Troendle. - Dans son rapport, Henri de Richemont nous rappelle que le droit de la filiation se caractérisait, avant l'ordonnance du 4 juillet 2005, par une complexité qui le rendait inintelligible. La distinction entre filiation légitime et filiation naturelle n'avait plus lieu d'être, les modes d'établissement non contentieux de la filiation étaient source d'insécurité juridique et les règles d'action en justice s'étaient multipliées. L'ordonnance prise sur le fondement de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit a rendu le code civil plus cohérent.
En 2004, le Sénat s'est ému du choix du Gouvernement de réformer par ordonnance le droit de la filiation et le code civil, et a accordé l'habilitation nécessaire après avoir obtenu des éclaircissements. Le texte entré en vigueur le 1er juillet 2006 n'est pas revenu sur les évolutions essentielles du droit de la filiation. Ainsi, l'ordonnance tire les conséquences de l'égalité entre les enfants, quelles que soient les conditions de leur naissance, établie par la loi du 3 juillet 1972, qui a permis l'établissement de la filiation adultérine à l'égard du parent marié. Les lois de 2001 et de 2002 ont supprimé les distinctions entre les enfants naturels et les enfants légitimes s'agissant des droits successoraux, des règles de dévolution du nom de la famille et de l'autorité parentale. Pour autant, la présomption de paternité du mari n'est pas remise en cause ni étendue au profit du père non marié, qui doit toujours reconnaître son enfant pour établir le lien de filiation. L'ordonnance unifie également les conditions d'établissement de la filiation maternelle, établie par la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant, qu'elle soit mariée ou non, et sans démarche de reconnaissance -auparavant obligatoire pour la mère non mariée. La possession d'état, réalité affective et sociale révélant la filiation, est mieux définie.
L'ordonnance simplifie le régime des actions judiciaires relatives à la filiation et fixe à dix ans, au lieu de trente, la prescription de droit commun. Il est possible de faire établir en justice la maternité ou la paternité durant les dix ans suivant la naissance, l'action étant rouverte à l'enfant pendant les dix ans suivant sa majorité. Cette modification permet de sécuriser le lien de filiation. L'ancien dispositif de contestation d'un lien de filiation légalement établi, jugé trop complexe, a été remplacé par un régime commun et simple, auquel s'applique également un délai de dix ans au lieu de trente.
Les trois amendements adoptés par la commission des lois démontrent l'intérêt que porte notre assemblée à des sujets aussi essentiels pour la famille et qui touchent aux fondements de notre société. Le groupe UMP se félicite notamment de la proposition du rapporteur de fixer une règle de résolution des conflits de filiation respectueuse de la présomption pater is est qui évite que la présomption de paternité du mari ne puisse jouer parce qu'un autre homme aurait fait une reconnaissance paternelle prénatale.
Convaincu de la qualité de l'ordonnance du 4 juillet 2005, le groupe UMP votera ce projet de loi enrichi par les pertinentes propositions de notre rapporteur. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Josiane Mathon-Poinat. - L'ordonnance du 4 juillet 2005 a permis de simplifier le droit de la filiation et d'actualiser une législation devenue archaïque -bien que j'émette des réserves quant au recours à une ordonnance. La conquête par les femmes de l'égalité des droits a bouleversé le fondement de la filiation, qui reposait sur la présomption de paternité et la domination du mari.
M. Henri de Raincourt, rapporteur. - Domination est un terme excessif !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je ne le crois pas, monsieur de Richemont. (Sourires)
Par ailleurs, la fragilisation de la relation conjugale a eu des conséquences sur la paternité, le nombre de divorces étant passé de 30 000 au milieu des années 1960 à plus de 125 000 en 2003. Certaines notions relatives à la filiation, telle la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle, sont devenues totalement obsolètes. Cette distinction, héritée du code Napoléon de 1804, était largement critiquable. Comme le soulignait notre collègue Bernard Saugey dans son rapport du 9 décembre 2004 sur la simplification du droit : « L'expression de filiation naturelle est en elle-même contestable, cette filiation n'étant ni plus ni moins naturelle que la filiation des enfants nés du mariage, les uns comme les autres pouvant être nés de procréation médicalement assistée. De plus, l'opposer à celle de filiation légitime tendrait à accréditer l'idée que seul le second type de filiation est conforme aux lois. »
Du reste, cette distinction était devenue totalement désuète au regard de l'évolution de la société. D'après le dernier recensement de l'Insee, plus de la moitié des enfants naissent désormais hors mariage, contre 6 % en 1965, et les enfants sont désirés par les deux parents : 92 % ont été reconnus par le père en 1994, contre 76 % en 1965.
Nous approuvons que l'on élargisse une initiative en faveur de l'égalité entre hommes et femmes que nous avions défendue au Sénat en autorisant les enfants nés avant le 1er janvier 2005 à changer de nom de famille.
En revanche, l'amendement déposé à l'article premier par la commission trouble notre quiétude. Accorder aux enfants nés sous X la possibilité de mener une recherche de maternité risque de constituer une atteinte au droit au secret, légalement reconnu. Voter un tel amendement dans la précipitation sous couvert d'harmonisation avec la législation européenne empêcherait la tenue d'un débat de fond sur ce sujet sensible, qui pourrait être conduit au sein du groupe de travail regroupant les membres de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, chargé de réfléchir sur les problèmes éthiques et juridiques.
Je serais au regret de ne pas voter ce texte, qui met fin à une conception archaïque de la filiation et de la famille, si le sous-amendement que je présente à l'amendement de la commission n'était pas adopté.
La discussion générale est close.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Cette discussion nourrie a montré l'importance de la réforme proposée, laquelle traduit la volonté du Gouvernement de proposer un droit de la famille rénové et conforme aux attentes de nos concitoyens. Mes remerciements vont, en premier lieu, au rapporteur, pour les améliorations qu'il a apportées au texte, et au président de la commission, M. Hyest, qui, dans ce domaine comme dans d'autres, fait figure d'initiateur.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question du nom de l'enfant lorsque la présomption de paternité, écartée lors de la naissance, a été rétablie à l'égard du mari de la mère par la constatation de la possession d'état. Vous avez souligné l'intérêt qu'il y aurait pour cet enfant de porter le nom du mari. Dans de telles situations, la procédure administrative de changement de nom, qui relève de la compétence du garde des sceaux, répond à votre préoccupation. Si je ne peux vous répondre à la place de Mme Dati, retenue à l'Assemblée nationale par l'examen du projet de loi constitutionnelle permettant la ratification du traité simplifié européen, je puis vous affirmer que la Chancellerie étudie avec bienveillance les demandes de changement de nom dans l'intérêt des enfants mineurs.
Monsieur Yung, vos observations sociologiques ont démontré la nécessité de la réforme. Quant à la question complexe et taboue de la filiation incestueuse que vous avez soulevée, elle dépasse largement le cadre d'un texte autorisant la ratification d'une simple ordonnance.
Madame Troendle, je vous remercie de votre intervention qui a permis de faire le point sur les apports de l'ordonnance, fruit -vous l'avez souligné- d'une étroite coopération entre votre Haute assemblée et le Gouvernement.
Madame Mathon-Poinat, après avoir souligné les progrès que permet l'ordonnance, vous vous êtes interrogée sur l'accouchement sous X. Je répondrai plus précisément à vos questions lors de l'examen des articles mais sachez que je ne peux donner un avis favorable à votre sous-amendement.
Discussion des articles
Article premier
L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est ratifiée.
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. de Richemont au nom de la commission.
Rédiger comme suit cet article :
I. L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est ratifiée, à l'exception du 5° du II de son article 20 qui est abrogé.
II. Le code civil est ainsi modifié :
1° A la fin du deuxième alinéa de l'article 62, la référence : « 341-1 » est remplacée par la référence : « 326 » ;
2° L'article 311-23 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : « à la date de la déclaration de naissance » sont supprimés ;
b) Dans la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « et » est remplacé par le mot : « puis » ;
3° L'article 313 est ainsi rédigé :
« Art. 313. - La présomption de paternité est écartée lorsque l'acte de naissance de l'enfant ne désigne pas le mari en qualité de père. Elle est encore écartée, en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, lorsque l'enfant est né plus de trois cents jours après la date soit de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce ou des mesures provisoires prises en application de l'article 250-2, soit de l'ordonnance de non-conciliation, et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande ou la réconciliation. » ;
4° L'article 314 est ainsi rédigé :
« Art. 314. - Si elle a été écartée en application de l'article 313, la présomption de paternité se trouve rétablie de plein droit si l'enfant a la possession d'état à l'égard du mari et s'il n'a pas une filiation paternelle déjà établie à l'égard d'un tiers. » ;
5° L'article 315 est ainsi modifié :
a) Les mots : « aux articles 313 et 314 » sont remplacés par les mots : « à l'article 313 » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le mari a également la possibilité de reconnaître l'enfant dans les conditions prévues aux articles 316 et 320. » ;
6° L'avant-dernier alinéa de l'article 317 est complété in fine par les mots : « ou à compter du décès du parent prétendu » ;
7° A la fin du premier alinéa de l'article 325, les mots : « sous réserve de l'application de l'article 326 » sont supprimés ;
8° L'article 330 est ainsi rédigé :
« Art. 330. - La possession d'état peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu. »
9° L'article 333 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est complétée in fine par les mots : « ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté » ;
b) Dans le second alinéa, après le mot : « Nul », sont insérés les mots : « , à l'exception du ministère public, » ;
10° A l'article 335, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix » ;
11° Après l'article 336, il est inséré un article 336-1 ainsi rédigé :
« Art. 336-1. - Lorsqu'il détient une reconnaissance paternelle prénatale dont les énonciations relatives à son auteur sont contredites par les informations concernant le père que lui communique le déclarant, l'officier de l'état civil compétent en application de l'article 55 établit l'acte de naissance au vu des informations communiquées par le déclarant. Il en avise sans délai le procureur de la République qui élève le conflit de paternité sur le fondement de l'article 336. »
12° Dans le deuxième alinéa de l'article 342, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « dix » ;
13° A la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article 390, les mots : « qui n'a ni père ni mère » sont remplacés par les mots : « dont la filiation n'est pas légalement établie » ;
14° L'article 908-2 est abrogé.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Il s'agit d'autoriser les enfants nés avant le 1er janvier 2005 à changer de nom ; d'accorder au père, dont le nom n'a pas été porté sur le certificat de naissance, la possibilité de faire reconnaître sa paternité, de retenir les indications relatives au père portées sur l'acte de naissance, lorsqu'elles sont contradictoires avec celles contenues dans une reconnaissance paternelle prénatale, et enfin de prévoir le règlement du conflit de filiation au tribunal de grande instance, saisi par le procureur de la République, lui-même saisi par l'officier d'état civil.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°4 à l'amendement n° 1 de M. de Richemont, au nom de la commission, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.
Supprimer le 7° du II de l'amendement n° 1.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous devons respecter un équilibre entre le droit légitime de connaître sa filiation et le droit au secret. La suppression de la fin de non-recevoir opposée aux demandes de recherche en maternité des enfants nés sous X pourrait remettre en question l'accouchement sous X, qui fait d'ailleurs l'objet d'attaques régulières. Une réflexion sur ce point pourrait être utilement menée par le groupe de travail conjoint de la commission des affaires sociales et de la commission des lois, chargé de réfléchir aux implications éthiques du prélèvement post-mortem et de la maternité pour autrui. Au reste, je regrette que la délégation aux droits des femmes n'ait pas été consultée, mais j'espère que sa présidente me suivra.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je rappelle que le groupe de travail travaillera sur un thème précis, celui de la maternité pour autrui. S'il traite de tous les sujets, nous n'aboutirons à rien.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Madame Mathon-Poinat, je tiens à vous rassurer. En tant qu'ancien rapporteur du projet de loi de Mme Royal sur l'accouchement sous X, je n'ai nullement l'intention de revenir, d'une manière ou d'une autre, sur un dispositif que nous avions clairement défendu. La question est aujourd'hui, dans un monde qui déteste les discriminations, de répondre aux demandes légitimes des enfants nés sous X, lesquels avaient jusqu'alors le droit de faire une recherche en paternité, mais pas en maternité. Le droit au secret de la mère restera protégé et son nom ne pourra être en aucun cas divulgué si, après consultation, elle souhaite maintenir le secret. Nous voulons simplement, pour des raisons humanitaires, permettre à des enfants nés sous X d'engager une recherche. Pour toutes ces raisons, la commission, si elle avait été consultée, n'aurait certainement pas donné un avis favorable à votre sous-amendement.
Il y a aussi, comme me le souffle le président Hyest, la convention européenne, bien que cet élément ne me paraisse pas, à moi, fondamental...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Tout de même.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Il faut sans doute nous mettre en conformité par rapport aux conventions européennes...
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Oui.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - ...mais l'élément humain reste pour moi l'essentiel.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est favorable à l'amendement n°1, bienvenu, notamment en ce qu'il supprime une disposition controversée de la loi de 1993 et introduit une innovation importante concernant le règlement des conflits de filiation.
Retrait du sous-amendement n°4, au bénéfice des explications du rapporteur, que je confirme : l'amendement ne remet nullement en cause l'accouchement sous X.
M. Richard Yung. - L'important, c'est l'intérêt de l'enfant. Celui-ci se trouve parfois dans une grande détresse et il ressent l'exigence profonde de rechercher ses origines. Le lui interdire revient à le plonger dans le désespoir. C'est pourquoi je trouve la proposition du rapporteur excellente : je ne pourrai suivre les auteurs du sous-amendement.
M. Philippe Nogrix. - Le rapporteur a su trouver les mots pour expliquer simplement des choses très complexes. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, pareilles situations de détresse. Pour ma part, j'ai également siégé de nombreuses années au comité de l'accès aux origines personnelles... Je me réjouis des dispositions proposées. Elles ne remettent nullement en cause l'accouchement sous X ! Pourquoi ne pas demander à la mère si elle ne veut pas lever l'anonymat ? La repentance, le recul peuvent modifier sa position. Mme Mathon-Poinat devrait retirer son amendement !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Loin de nous l'idée de négliger l'intérêt de l'enfant. Mais comment imaginer que la recherche, dans les modalités que vous prévoyez, ne remettra pas en cause l'anonymat ? Je maintiens le sous-amendement, essentiellement pour ne pas avoir à voter contre l'amendement, qui contient par ailleurs de très bonnes choses.
Le sous-amendement n°4 n'est pas adopté.
M. Philippe Nogrix. - Mme Mathon-Poinat craint une discrimination : mais c'est aujourd'hui que celle-ci existe. L'amendement n°4 est excellent et nous le voterons avec reconnaissance pour la commission des lois, qui a bien travaillé.
L'amendement n°1 est adopté et devient l''article premier.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. de Richemont au nom de la commission.
Rédiger comme suit cet article :
I. - Dans le dernier alinéa (2°) de l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, les mots : « du nom de l'enfant naturel et aux » sont remplacés par le mot : « des ».
II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le 2° de l'article L. 313-3, les mots : « qu'ils soient légitimes, naturels, reconnus ou non, adoptifs, » sont remplacés par les mots : « que la filiation, y compris adoptive, soit légalement établie, qu'ils soient » ;
2° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 434-10, les mots : « légitimes, les enfants naturels dont la filiation est légalement établie et les enfants adoptés » sont remplacés par les mots : « dont la filiation, y compris adoptive, est légalement établie ».
III. - Dans le sixième alinéa de l'article 19 et l'avant-dernier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, le sixième alinéa de l'article 21 et l'avant-dernier alinéa de l'article 22 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française, le sixième alinéa de l'article 19 et le dernier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, le sixième alinéa de l'article 21 et l'avant-dernier alinéa de l'article 22 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie, les mots : « légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie » sont remplacés par les mots : « ayant une filiation légalement établie selon les dispositions du titre VII du livre Ier du code civil ».
IV. - Dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte, les mots : « légitime, naturelle ou adoptive » sont supprimés.
V. - Sont abrogés :
1° L'article 311-18 du code civil ;
2° La loi du 10 décembre 1850 ayant pour objet de faciliter le mariage des indigents, la légitimation de leurs enfants naturels et le retrait de ces enfants déposés dans les hospices ;
3° La loi du 22 juillet 1922 supprimant dans les actes de naissance des enfants naturels les mentions relatives au père ou à la mère, lorsque ceux-ci sont inconnus ou non dénommés.
VI. - Le treizième alinéa de l'article 1er de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est supprimé.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Amendement de précision et de coordination.
L'amendement n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient l'article 2.
Article 3
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par M. de Richemont au nom de la commission.
Supprimer cet article.
M. Henri de Richemont, rapporteur. - Nous supprimons une disposition transitoire qui n'a plus lieu d'être du fait de l'examen tardif du projet de loi de ratification...
L'amendement n°3 est adopté et l'article 3 est supprimé.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance demain, mercredi 16 janvier 2008, à 15 heures.
La séance est levée à 17 h 55.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 16 janvier 2008
Séance publique
A QUINZE HEURES
Discussion du projet de loi (n° 297, 2006-2007) relatif aux opérations spatiales.
Rapport (n° 161, 2007-2008) de M. Henri Revol, fait au nom de la commission des affaires économiques.
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DÉPÔTS
La Présidence a reçu :
- de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif aux opérations spatiales (n° 297, 2006-2007) ;
- de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à permettre aux travailleurs frontaliers de bénéficier de la défiscalisation des heures supplémentaires ;
- un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur le compte rendu de l'audition publique du 15 novembre 2007 « Radiothérapie : efficacité du traitement et maîtrise des risques », établi par M. Claude Birraux, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- de M. Pierre Hérisson un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction (n° 136, 2007-2008).