Consommation (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - (Applaudissements à droite) En première lecture, nous avons adopté conformes huit des trente-et-un articles votés par les députés. Comme nous en avons ajouté douze, la CMP s'est prononcée sur trente-cinq articles.
Notre assemblée n'avait pas modifié l'équilibre général du titre I, relatif aux relations commerciales. Toutefois, deux amendements ont été adoptés ici contre l'avis de la commission et du Gouvernement, l'un pour neutraliser le coefficient de 0,9 afin d'aider le petit commerce, l'autre pour exclure du dispositif les surgelés, sans que l'on sache bien pourquoi. Par ailleurs, un article 5 quinquies a été inséré pour aider les magasins d'ameublement à attendre la révision générale des règles régissant le travail dominical.
En matière de communications électroniques, le Sénat a renforcé la protection des consommateurs en interdisant tout contrat d'engagement supérieur à vingt-quatre mois et en limitant au quart des sommes dues le dédit mis à leur charge en cas de résiliation anticipée. Pour des raisons techniques, il a supprimé l'obligation de gratuité du temps d'attente en cas de relations avec des automates pour les numéros surtaxés. Notre assemblée a, en outre, supprimé un article qui portait atteinte sans justification tangible à la politique commerciale des opérateurs. Enfin, nous avons adopté dans des conditions très particulières un article relatif à la quatrième licence UMTS, aussi voté sur le budget pour 2008.
Dans le domaine bancaire, le Sénat a renforcé l'information des emprunteurs des crédits immobiliers, en particulier à taux variable. Poursuivant le travail engagé par l'Assemblée nationale, il a inséré trois articles additionnels améliorant la protection du consommateur dans ses relations avec les entreprises de vente à distance.
Il a surtout adopté deux mesures particulièrement importantes. La première étend à toute personne physique l'information sur les contrats annuels à tacite reconduction inscrite dans la loi Chatel de janvier 2005. La seconde autorise le juge à soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application. Enfin, à l'article 12 bis, notre assemblée n'a pas accompagné de peines pénales la transposition de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales.
Après ce rappel, j'en viens aux conclusions de la CMP. Un long débat liminaire a porté sur les conditions dans lesquelles certains amendements, non des moindres, ont été discutés au Sénat. (On approuve à gauche) Tous les intervenants ont estimé que la procédure d'urgence devrait interdire le dépôt d'amendements dont la portée justifiait un examen par les deux assemblées. Tous ont également regretté l'examen de certaines mesures dont la discussion avait précédemment été repoussée pour que des instances de réflexion puissent achever leurs travaux. Le Gouvernement serait bien inspiré à l'avenir de prendre en compte ces préoccupations exprimées sur tous les bancs, surtout lorsqu'on prétend vouloir accroître le rôle du Parlement.
À l'article premier, relatif au seuil de revente à perte, la CMP a repris la rédaction des députés à propos du coefficient de 0,9 que les grossistes peuvent utiliser depuis 2005, ce afin de faciliter le commerce et la restauration de proximité. À l'article 2, relatif à la formalisation du résultat des négociations commerciales, elle a également repris le texte des députés, car il est apparu techniquement impossible de conserver les dispositions que nous avions apportées à l'initiative de nos collègues socialistes à propos de nouveaux instruments de promotion (NIP).
Après un très large débat, la CMP a conservé en l'état l'article 5 quinquies autorisant le travail dominical dans les établissements de commerce de détail d'ameublement. C'est également après un débat nourri qu'elle a maintenu, vu l'état de la technique, la suppression de l'article 6 A, qui imposait la gratuité des temps d'attente et de relations avec des automates pour tous les numéros surtaxés.
À l'article 6, relatif à la restitution des avances et aux préavis de résiliation, la commission a supprimé l'interdiction faite aux fournisseurs de services de communication électronique de proposer des modifications contractuelles dont la période de validité pourrait être inférieure à six mois. J'avais souscrit à cette mesure préconisée par Mme Terrade, mais une analyse complète a démontré que cette rigidité pourrait contrarier les intérêts du consommateur.
Mme Odette Terrade. - C'était notre seul amendement accepté !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - Vous souscrivez sans doute au retrait d'une disposition pénalisante pour les consommateurs... (Sourires)
À l'article 6 ter, qui impose l'accord exprès des consommateurs pour la poursuite payante de services initialement gratuits, la CMP a supprimé l'obligation de faire confirmer par le consommateur son accord exprès initial pour la poursuite payante de services accessoires à un contrat principal, lorsqu'ils sont accompagnés d'une première période gratuite. En effet, cette procédure aurait favorisé des manoeuvres préjudiciables aux consommateurs. Cet amendement venait de l'UMP...
À l'article 7 bis, la commission a supprimé l'interdiction de conditionner le bénéfice de points de fidélité à un réengagement des consommateurs. Là encore, l'amendement présenté par M. Texier partait d'un bon sentiment, mais pouvait avoir un effet pervers. À l'article 7 quater, relatif aux appels émis depuis un mobile vers les services de renseignements téléphoniques, la CMP a imposé aux fournisseurs concernés d'indiquer le tarif de la mise en relation lorsqu'ils proposent ce service après la fourniture d'un numéro de téléphone. Après un débat engagé à l'initiative de nos collègues socialistes, elle a maintenu la suppression de l'article 7 quinquies, qui obligeait les opérateurs de téléphonie mobile à proposer une offre commerciale familiale : il est préférable de laisser le libre jeu de la concurrence susciter ce type d'offre, au demeurant souhaitable.
Un amendement de rédaction globale regroupe dans l'article 8 les dispositions relatives à la date et aux conditions d'entrée en vigueur des articles 6 à 7 quater. Après un long débat, la commission unanime a complété l'article 8 ter afin que le Gouvernement organise un débat au Parlement avant toute attribution d'une quatrième licence UMTS.
Enfin, elle a rétabli dans le texte de l'Assemblée nationale l'article 12 bis, qui transpose en droit interne la directive communautaire relative aux pratiques commerciales déloyales afin, sur la dépénalisation du droit des affaires, de ne pas anticiper sur les conclusions de la commission Coulon.
Tous les autres articles ont été adoptés dans le texte du Sénat, à l'exception de quelques modifications rédactionnelles ou de coordination. Je vous présenterai un amendement qui répare une omission : il s'agit de prévoir un délai de mise en oeuvre des mesures applicables aux professionnels de la vente à distance, afin qu'ils puissent se préparer aux dispositions qui les concernent. Ce délai est identique à celui a prévu pour les professionnels des communications électroniques. Accepté par le Gouvernement, il a été adopté ce matin par l'Assemblée nationale.
Avant de conclure, je voudrais retracer en quelques mots les principaux apports de ce texte, qui me paraît loin de la « réformette » daubée par certains. Alors qu'il avait fallu, il y a deux ans et demi à peine, déplacer des montagnes pour engager un mouvement partiel de retour des marges arrière vers l'avant, voilà que nous en sommes au triple net, qui va favoriser une nouvelle baisse des prix dans la grande distribution. Est-ce une réformette ?
En matière de communications électroniques, nous renforçons la protection et l'information du consommateur, avec la gratuité des temps d'attente pour les appels contraints et la possibilité de résilier les contrats de téléphonie mobile d'une durée de vingt-quatre mois à partir du treizième mois, à condition de verser le quart du coût de l'abonnement restant dû. Réformette ? Et les améliorations apportées à l'information des clients dans le domaine bancaire, le relevé annuel des frais bancaires et des agios, les conditions de souscription de l'assurance ou encore, pour les prêts à taux variable, la simulation des effets d'une variation des taux ou du montant du capital restant à rembourser ?
L'encadrement de certaines conditions d'exercice de la vente à distance, un secteur en pleine expansion, dont les professionnels ne sont pas encore tous habitués aux meilleures pratiques, réformette aussi ? Non. Surtaxation des communications pour suivre l'exécution de la commande, exercer le droit de rétractation ou faire jouer la garantie ; information plus claire sur le statut des biens et services au regard de l'exercice du droit à rétractation ; amélioration du remboursement du consommateur ayant exercé ce droit : il ne me semble pas que ce soient des réformettes. Enfin, qui peut considérer comme une réformette le relevé d'office du juge en droit de la consommation ? Je tiens cette réforme pour l'un des apports fondamentaux de ce texte ; les associations ne s'y trompent pas.
Voilà pourquoi je me réjouis de l'adoption de ce texte important et vous remercier, monsieur le ministre, de l'avoir porté. Il fait partie d'un tout cohérent mis en oeuvre par le Gouvernement. En favorisant la baisse des prix dans la grande distribution et dans le secteur des télécommunications, il apportera une première réponse aux attentes de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat. Le Président de la République et le Gouvernement en ont mis d'autres en chantier, que le Sénat examinera dès la rentrée prochaine. Plusieurs questions de la plus extrême importance seront abordées au printemps, dans le projet de loi pour la modernisation de l'économie, que nous préparerons avec le même sérieux que nous l'avons fait pour ce texte. Tout au plus me permettrai-je de vous demander de veiller, avec Mme Lagarde et M. Novelli, à ce que les débats parlementaires soient conduits dans le respect de la navette. Mais je crois pouvoir compter sur votre soutien.
Je sais que vous êtes un homme de parole, monsieur le ministre : je vous ai interrogé sur un sujet qui me tient à coeur parce qu'il concerne les petits commerçants, ce décret d'application dont vous m'aviez promis la sortie avant la fin de l'année...
Mme Odette Terrade. - Et alors ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. - ... Eh bien, il sortira avant la fin de l'année ! Merci, monsieur le ministre, pour ce beau cadeau de Noël. (Applaudissements à droite et au centre)
M. le Président. - La parole est ...
M. Daniel Raoul. - ...au Père Noël. (Rires)
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. - Je remercie le rapporteur pour son engagement en faveur de ce projet de loi. Le débat a été intense, nourri, constructif, sur ce texte qui touche tous nos concitoyens et auquel le Gouvernement tient beaucoup car il s'agit du deuxième étage d'une fusée sur le pouvoir d'achat dont la loi Tepa était le premier. Grâce à cette loi, 40 % des entreprises bénéficient depuis le 1er octobre d'heures supplémentaires qui augmentent le pouvoir d'achat des salariés. Le troisième étage de la fusée est constitué par le projet de loi sur le pouvoir d'achat que l'Assemblée nationale discute ces jours-ci ; il permettra de monétiser les journées de RTT, de débloquer la participation, d'accorder des primes en exonération de charges dans les PME. Des enquêtes d'opinion montrent que les Français soutiennent majoritairement ces dispositions.
La concurrence n'est pas un objectif mais un moyen pour faire baisser les prix dans l'intérêt des consommateurs. Dans la grande distribution, la situation était figée, entre industriels et distributeurs, au détriment des intérêts des clients. En 2004, le rapport Canivet avait montré que la grande majorité des observateurs et des acteurs étaient opposés au triple net. Les lignes ont bougé.
Le système actuel est beaucoup trop encadré. Nous avons besoin de liberté dans les relations commerciales, avec des contrôles, avec, au bout de la chaîne, le prix du produit vendu dans l'hypermarché qui est en jeu. Il faudra aller vers une négociabilité des conditions de vente. Les PME sont prêtes à accompagner le mouvement, mais plusieurs problèmes subsistent, des délais de paiement à l'urbanisme commercial. On a voulu préserver un système et on a figé des positions qui ne sont pas à l'avantage des consommateurs. L'ancienne présidente du Conseil de la concurrence a été chargée d'une mission sur ce sujet : des dispositions importantes seront présentées au printemps.
Le Sénat a bien joué son rôle, améliorant le texte sans le dénaturer. Les consommateurs étaient excessivement captifs des opérateurs électroniques. Votre amendement constituera une avancée importante. D'autres améliorations sont attendues des consommateurs pour la vente à distance. Il n'y aurait pas eu de concertation ? Il est surprenant d'entendre les reproches de ceux-là mêmes qui l'ont refusée ! La mesure que vous avez fait adopter bénéficiera aux consommateurs.
Sur le soulevé d'office du juge, l'amendement du Sénat rendra les choses plus opérantes. Vous avez fait preuve de sagesse en renonçant au double étiquetage, qui aurait induit des effets pervers et introduit de la confusion.
Le secteur bancaire manque de fluidité, de transparence et de concurrence. Le Sénat a voté des avancées importantes pour les consommateurs. Il faudra retravailler dans les prochains mois sur la mobilité bancaire, qui est une priorité de la Commission européenne.
Je salue l'amendement courageux de Mme Debré sur le sujet sensible du travail dominical. L'ouverture des magasins le dimanche bénéficie aux consommateurs, aux entreprises et aux salariés : chacun y gagne. A Plan de Campagne, dans les Bouches-du-Rhône, trois syndicats ont validé les accords d'ouverture le dimanche. Il y a des spécificités locales : la situation des zones rurales et des petites villes n'est pas celle des grandes agglomérations. L'amendement du Sénat est toutefois circonscrit à un secteur spécifique ; pour aller au-delà, une concertation s'impose.
Pour ce qui est de l'amendement sur le quatrième opérateur, il y a eu un dysfonctionnement dans l'organisation des travaux entre les deux chambres : veuillez m'en excuser. Sur le fond, nous sommes dans le coeur du sujet : cette mesure renforcera la concurrence, au bénéfice des consommateurs.
Je remercie la majorité pour son soutien, et le rapporteur pour son engagement. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Daniel Raoul. - En juin 2004, le ministre de l'économie donne quinze jours aux distributeurs et aux industriels pour négocier une baisse des prix de 3 % avant septembre 2004, puis de 2 % avant janvier 2005. On sait ce qu'il en est advenu.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Ça a marché !
M. Daniel Raoul - L'accord conclu le 17 juin était bien en retrait par rapport à ce qui avait été annoncé, avec une baisse de 2 % pour la fin 2004 et de 1 % seulement pour 2005. Le Gouvernement s'en prévalait pourtant pour annoncer une substantielle amélioration du pouvoir d'achat. Or la plupart des ménages n'ont rien vu venir... Au contraire, les dépenses contraintes -logement, électricité et gaz, transport- se sont envolées.
En août 2005 vint la loi Dutreil, qui devait faire baisser les prix des produits de grande consommation. Là encore, les résultats ne furent pas à la hauteur des espérances, avec des baisses ponctuelles sur des produits ciblés. Les hard discounters captent de nouvelles clientèles, jouent sur la concurrence et favorisent une pression sur les coûts des fournisseurs. Les prix des produits de première nécessité continuent leur progression. Ainsi, après une augmentation du prix du gaz pour les particuliers de 6,8 % en 2005 et de 12,7 % en 2006, on nous annonce encore une hausse de 5 à 6 % au 1er janvier -pour augmenter les dividendes des actionnaires et soutenir le cours du titre Gaz de France dans la perspective de la fusion avec Suez !
Le présent projet de loi, présenté en urgence, fait de l'amélioration du pouvoir d'achat sa priorité : la loi Chatel enterre la loi Dutreil. Le prétexte ? Aller plus loin et plus vite encore dans la réforme de la loi Galland, qui interdit la vente à perte et la pratique de prix abusivement bas. Bref, franchir un pas supplémentaire dans la libéralisation, après que la loi Dutreil a légalisé le racket des marges arrière. Mais on nous annonce déjà de nouveaux textes sur la modernisation de l'économie et le pouvoir d'achat, tandis que certaines grandes enseignes de la distribution réclament l'abrogation de la loi Galland, qui, en encadrant la négociation commerciale, les empêcherait de baisser leur prix...
Ce projet de loi ne mettra pas un terme à l'opacité qui règne dans les relations commerciales, il risque de déboucher sur des pratiques de prix d'appel et de prix prédateurs de la part de la grande distribution, au détriment du commerce de proximité et des petits fournisseurs. Les distributeurs eux-mêmes ne savent pas à quoi votre loi va bien pouvoir servir : « Luc Chatel et Christine Lagarde créent une attente artificielle à laquelle on ne pourra pas répondre », déclarait l'un d'entre eux.
Nous ne voterons pas ce texte. L'ouverture des commerces de détail de meubles le dimanche suffirait à elle seule à motiver notre vote négatif. Nous regrettons que notre amendement de suppression ait été rejeté lors de la CMP -à une voix près. Il est inadmissible d'autoriser ainsi l'ouverture des commerces le dimanche au détour d'un amendement dans un texte où il n'a rien à faire. D'autant que le Président de la République consulte les partenaires sociaux sur le sujet en ce moment même ! A sa sortie de l'Élysée, un leader syndical s'est dit fort surpris du résultat de la CMP...
Les syndicats sont contre toute nouvelle déréglementation du travail dominical, d'autant que l'amendement Debré ne fait pas de distinction géographique entre les grandes agglomérations et les villes de province. La fédération nationale de l'ameublement s'inquiète des répercussions d'une telle mesure en termes de coûts et d'emplois pour le commerce de proximité et les artisans. Une fois de plus, ce sont les grandes enseignes qui tireront leur épingle du jeu ; surtout celles qui ne seront ainsi plus soumises aux astreintes financières parce qu'elles dérogeaient à la loi !
Vous avez voté cette disposition sans même attendre le rapport du Conseil économique et social sur le sujet. Or M. Bailly, son rapporteur, a souligné que le dimanche ne devait pas être banalisé, et le précédent rapport du CES se prononçait contre la généralisation de l'ouverture des commerces sept jours sur sept. Le sujet mérite réflexion : il y a sans doute des chantiers à ouvrir dans certains sites, mais une concertation préalable avec les partenaires sociaux est indispensable. Cet amendement, qui modifie le code du travail, n'avait pas sa place dans ce texte, d'autant que, l'urgence ayant été déclarée, il ne sera pas examiné par l'Assemblée nationale ! Nous verrons les suites à lui donner.
Vers quelles société nous conduisez-vous, monsieur le ministre, avec l'ouverture dominicale ? Quel déménagement du territoire nous préparez-vous, en vidant les commerce de centre ville ? Nous voterons contre ce texte qui est loin d'améliorer le quotidien des Français, même si j'ai apprécié, monsieur le ministre, au-delà de nos divergences, votre ouverture d'esprit, comme j'ai goûté la capacité du rapporteur à mettre son énergie au service de la méthode Coué pour approuver l'abrogation de dispositions de la loi Dutreil dont il nous assurait naguère qu'elle était le fin du fin.
Mme Odette Terrade. - Voilà un texte qui souffre d'être coincé entre la loi Tepa et le nouveau projet de loi sur le pouvoir d'achat, présenté au Conseil des ministres le 12 décembre, avant même que nous entamions cette discussion. Loin de témoigner de votre attention au pouvoir d'achat de nos concitoyens, vous ne proposez qu'une série de mesures libérales validant des pratiques concurrentielles déloyales, comme celle des marges arrière, ou mettant en cause les droits des salariés et des consommateurs. Le travail de la CMP n'a pas corrigé les défauts de ce texte et a hélas confirmé la suppression du droit au repos dominical. Cet article marquera !
La concurrence libre et non faussée serait, à vous croire, la condition nécessaire à la baisse des prix et à l'amélioration du pouvoir d'achat. Venant d'un gouvernement, qui, après avoir privatisé Gaz de France, s'apprête à laisser cette entreprise accroître ses tarifs de près de 6 % dès le 1er janvier, l'affirmation ne manque pas de sel !
L'examen des comptes des géants de la distribution nous montre qu'au fil du temps, la pratique des marges arrière, pudiquement appelées « accords de coopération commerciale » s'est généralisée et traduite par des abus manifestes sur la liberté des prix. Vingt-et-un ans après l'ordonnance Juppé-Balladur, les résultats des géants du commerce de détail se sont chaque année bonifiés au détriment des fournisseurs. Au demeurant, l'interdiction de revente à perte continue de ne pas concerner les producteurs de denrées périssables, ce qui signifie que nos éleveurs, nos paysans, nos marins-pêcheurs sont toujours autorisés à subir la loi des grandes centrales d'achat !
Dans ces entreprises de grande distribution où l'on fidélise la clientèle avec de pseudo-cartes de crédit, on s'autorise aujourd'hui à ne payer ses fournisseurs qu'à quatre-vingt-dix jours au moins. Pourquoi aucune disposition n'a-t-elle été prise sur cette question essentielle, alors même que le Président de la République, le 7 décembre, annonçait la réduction des délais de paiement à soixante jours maximum ?
La part des salaires dans le prix des produits devient, avec le temps, de plus en plus faible, en tout cas pour le dernier vendeur. Dans les enseignes comme Carrefour ou Auchan, le coût du travail est d'ores et déjà particulièrement bas, représentant, cotisations sociales comprises, moins de 8 % du chiffre d'affaires ! Votre demande polie à eux adressée d'avoir à baisser leurs prix se traduira immanquablement par une pression accrue sur les fournisseurs ou sur les salaires. Est-ce encore possible quand 48 % de leurs employés travaillent à temps partiel, pour un niveau de rémunération en équivalent temps plein le plus faible de France après celui des employés de maison ? Autre possibilité : la délocalisation des fournisseurs, comme cela est déjà le cas pour une bonne partie des produits vendus sous marque de distributeur, au détriment de l'emploi en France. Et faut-il encourager, dans l'espoir très hypothétique d'une baisse des prix, l'accroissement de notre déficit extérieur qui ne manquera pas de résulter d'achats massifs à l'étranger ?
Vous avez commandité Mme Debré pour déposer l'amendement élargissant les dérogations au repos dominical à la vente d'éléments d'ameublement. (Mme Debré proteste) Une telle proposition aurait au moins mérité une large concertation, au lieu que vous vous contentez de faire droit aux attentes de patrons voyous qui, depuis des années, violent la loi sur le repos dominical. Dans un rapport récent, le Conseil économique et social, sous la responsabilité de M. Bailly, PDG de La Poste, pourtant très partisan dans sa propre entreprise de la flexibilité des horaires, alerte sur cette disposition, soulignant qu'il convient d'éviter de « banaliser le travail du dimanche et n'envisager aucune nouvelle dérogation de plein droit ». De fait, cet amendement Ikéa-Conforama-Leroy Merlin s'ajoute aux cent quatre vingts dérogations existantes. On sait que ce débat a été ouvert de longue date, pour les zones touristiques, et pas seulement pour des questions de périmètre, par la loi quinquennale sur l'emploi de 1993.
Surtout, vous donnez votre bénédiction à la délinquance patronale. L'entreprise Conforama n'a-t-elle pas été condamnée pour ouverture dominicale à 150 000 euros d'astreinte pour chaque ouverture par le tribunal de Pontoise ? Et les enseignes de la zone de Plan de Campagne, dans les Bouches-du-Rhône, n'ont-elles pas été condamnées cet été par le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence ? Et que l'on ne vienne pas nous dire que les salariés de ces magasins sont favorables à l'ouverture du dimanche !
Mme Isabelle Debré. - Si !
Mme Odette Terrade. - Quand on sait que leur rémunération ne dépasse pas 600 à 800 euros par mois, on comprend mieux ce qu'ils demandent ! J'ajoute que l'ouverture du dimanche va créer des distorsions évidentes de concurrence.
La recherche des fournisseurs les « mieux disants », qui prévaut déjà chez Carrefour ou Auchan, pénalisera encore l'emploi. L'industrie des biens de consommation a déjà perdu 120 000 emplois ces cinq dernières années. La filière bois, vous le savez, monsieur le ministre, est en crise profonde dans notre pays. Souhaitez-vous vraiment que faute d'entreprises de transformation, nos exploitants forestiers soient dépourvus de débouchés ?
S'il est un secteur où les prix ont baissé ces derniers temps, c'est bien celui des télécommunications. Pourtant, la dépense des ménages ne s'est pas vraiment réduite. Pourquoi avoir rejeté la proposition d'abonnement familial, qui permettait de réduire le coût de l'abonnement aux principaux réseaux de téléphonie mobile ? Pourquoi n'avoir pas accepté la non-facturation du temps d'attente dans les communications avec des centres d'appel déjà surtaxés ? Votre seule initiative : la création d'une sorte de pénalité de rupture du contrat imputée à l'abonné, véritable cadeau aux entreprises opérateurs de téléphonie mobile ! Enfin, vous n'avez pas hésité à faire voter un amendement permettant à l'opérateur Free de disposer de conditions financières très avantageuses pour exploiter la quatrième licence UMTS !
Et quelles avancées dans le secteur bancaire ? Rien pour faire valoir le droit au compte, rien pour développer un véritable service bancaire universel, rien pour alléger les charges et les frais bancaires imposés par des conventions de compte illisibles aux clients les plus modestes, rien pour favoriser l'accès au crédit ! Le récapitulatif annuel est-il vraiment une avancée ? Croyez-vous qu'il suffise à faire jouer la concurrence ? Doit-on, au demeurant, encourager le nomadisme bancaire, quand on sait les problèmes qu'il suscite pour l'usager, qui préfèrerait largement voir réduites ses factures. C'est bien plutôt en plafonnant le coût des services, en limitant le taux des découverts ou en abaissant les coûts de régularisation de chèques impayés que l'on défendra le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
On le défendra aussi, comme nous l'avions formulé dans nos propositions, en augmentant le Smic, en baissant le taux normal de la TVA, en plafonnant les loyers, en décidant d'un moratoire sur les prix de l'énergie, autant de mesures lisibles et d'effet immédiat. Vous avez préféré laissé croire que les entreprises du commerce et de la distribution, les établissements de crédit, les opérateurs de téléphonie mobile soudainement touchés par la grâce, allaient devenir vertueux. Pour faire plaisir au législateur ? Michel-Edouard Leclerc a d'ores et déjà clamé le contraire.
Nous confirmons notre opposition à ce texte prétendument fait pour améliorer le pouvoir d'achat, qui n'est qu'un leurre fait pour offrir au patronat de nouvelles prérogatives.
Discussion des articles
M. le président. - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat, examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, se prononce par un seul vote sur l'ensemble, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
Le vote sur les articles premier à 10 quinquies C est réservé.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Cornu avec l'accord du Gouvernement.
Après l'article 10 quinquies CER, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 10 quater, 10 quinquies A, 10 quinquies B et 10 quinquies C entrent en vigueur le 1er juin 2008.
M. Gérard Cornu, rapporteur. - Cet amendement ne fait que réparer un oubli de date d'entrée en vigueur de l'article relatif aux professionnels de vente à distance.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Favorable à cet amendement.
Le vote sur l'amendement est réservé, ainsi que sur les articles 10 quinquies à 12 bis.
M. le président. - Conformément à l'article 42, alinéa 12 du Règlement, je vais mettre aux voix les conclusions de la CMP, assorties de l'amendement n°1.
Intervention sur l'ensemble
M. Laurent Béteille. - Ce texte constitue le deuxième pilier de l'action du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat, le premier étant lié aux mesures de la loi Tepa. Le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français. En favorisant un environnement plus concurrentiel, en fixant des règles claires aux relations commerciales, ce texte ne peut qu'être bénéfique au consommateur. Le groupe UMP approuve son objectif d'une plus grande transparence des prix et des marges. Ce texte vise aussi un meilleur exercice de la concurrence dans deux secteurs emblématiques, les communications électroniques et les services bancaires.
Le groupe UMP se réjouit de l'accord obtenu en CMP et salue les améliorations apportées au texte par les deux assemblées.
Personnellement, je me réjouis de la confirmation en CMP de l'amendement, pour lequel je militais depuis longtemps, et relatif à la faculté du juge de soulever d'office le droit de la consommation. Je salue également l'amendement permettant l'ouverture dominicale de certains magasins. (Protestations à gauche). Il existe déjà cent quatre vingts dérogations ; c'est bien la preuve que les textes sont inadaptés et qu'il faudra retravailler le sujet.
Mme Odette Terrade. - Pas en séance de nuit, dans un texte en urgence !
M. Laurent Béteille. - Tous les groupes ont reconnu la nécessité d'y réfléchir ! Cet amendement a clarifié les règles d'un secteur qui nécessitait l'urgence.
Mme Isabelle Debré. - Bien sûr !
M. Laurent Béteille. - Le groupe UMP apportera donc son plein soutien à ce projet de loi. (Applaudissements à droite)
Les conclusions de la commission mixte paritaire, assorties de l'amendement n°1, sont adoptées.
M. le président. - Nous allons nous séparer pour les fêtes. (Marques de soulagement sur de nombreux bancs). Ce bref repos, nous l'aurons bien mérité, car nous avons bien travaillé ! Très souvent, le Sénat s'est trouvé en première ligne, comme en témoignent le nombre et l'importance des projets de loi déposés en premier lieu sur son bureau.
Le Sénat a siégé sans discontinuer depuis le 18 septembre, ce qui représente cinquante-et-un jours et près de trois cent cinquante heures de séance.
M. Daniel Raoul. - Avec un repos dominical !
M. le président. - Plus de deux mille amendements ont été déposés et dix-sept textes ont été définitivement adoptés dans notre hémicycle depuis septembre !
Si je puis me permettre un conseil, ce serait de bien profiter de cette courte suspension pour reprendre des forces, car le début de l'année prochaine s'annonce très chargé. Entre autres points de l'ordre du jour prévu pour les mois de janvier et février, je citerai la fusion ANPE-Assedic, le pouvoir d'achat, la ratification du Traité européen et la révision constitutionnelle qui lui est liée...
M. Alain Gournac. - Que des bonnes choses !
M. le président. - Et je ne parle pas des échéances électorales qui nous attendent, ni de l'importante réforme constitutionnelle sur les droits du Parlement.
Je vous remercie pour vos efforts et vous souhaite à tous de très bonnes fêtes ! Bien en tendu, monsieur le ministre, je vous associe à ces souhaits.
Prochaine séance, mardi 8 janvier 2008 à 16 heures.
La séance est levée à 16 h 05.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 8 janvier 2008
Séance publique
À 16 HEURES ET LE SOIR,
Discussion de la proposition de loi (n° 137, 2007-2008), modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.
Délai limite pour le dépôt des amendements :
Ouverture de la discussion générale
Discussion du projet de loi organique (n° 470, 2005-2006), modifiant l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et relatif à ses archives et du projet de loi (n° 471, 2005-2006) relatif aux archives.
Rapport (n° 146, 2007-2008) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.
Avis (n° 147, 2007-2008) de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
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DÉPÔT
La Présidence a reçu de MM. Jean-Marc Todeschini, Jean-Pierre Masseret, Mme Gisèle Printz, MM. Alain Journet, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Demerliat, Serge Lagauche, Pierre-Yves Collombat, Michel Sergent, Roland Courteau, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, Roland Ries, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Michèle San Vicente-Baudrin, Josette Durrieu, Patricia Schillinger et M. Jean-François Picheral, une proposition de loi tendant à modifier le régime des candidatures pour les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.