SÉANCE

du jeudi 8 novembre 2007

18e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Christian Poncelet

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d'être parmi nous pour cette séance. Chacun connaît les règles : deux minutes trente par orateur.

Prix du pétrole

M. Gérard César . - (Applaudissements sur les bancs UMP) La hausse du prix du baril suscite l'inquiétude chez tous les Français. Le baril frôle les 100 dollars et a plus que doublé en trois ans. Certains y voient une occasion de changer radicalement nos habitudes, voire nos modes de vie : un document télévisé, diffusé en Angleterre, nous présente la vision d'une apocalypse pétrolière, annonçant, ni plus ni moins, une rupture de civilisation !

Cette fièvre s'explique par le déséquilibre entre l'offre et la demande, avec une croissance chinoise consommatrice d'énergie, par le jeu des spéculateurs, les réalités géopolitiques et les aléas climatiques. Le contexte n'est toutefois pas le même que lors du second choc pétrolier, en 1978, qui fut à l'origine d'une grave crise économique.

La hausse du prix des carburants est un handicap supplémentaire pour certaines professions -pêcheurs, taxis, transporteurs, agriculteurs- mais aussi pour les particuliers. Chacun demande des solutions adaptées. Les marins-pêcheurs ont obtenu une réponse ; qu'en sera-t-il pour les autres ? Madame le ministre, quelle est votre stratégie et comment entendez-vous répondre aux défis de la hausse du prix du pétrole ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi . - Merci d'avoir posé cette question qui concerne l'ensemble de nos concitoyens. Depuis le début 2007, le prix du baril de Brent a augmenté de presque 50 %, pour atteindre 98 dollars le baril. Les prix à la pompe ont pour leur part augmenté de 11 %. Cet écart s'explique par l'euro fort, qui prémunit contre la hausse de prix exprimés en dollars, et par la part de taxes dans la composition des prix à la pompe, qui agit comme un amortisseur.

Nous réagissons de deux façons. Il faut d'abord faire jouer la concurrence. Le site internet www.prix-carburants.gouv.fr, de plus en plus consulté par nos concitoyens, recense 80 % des stations-service en France. (Exclamations ironiques à gauche) Il permet d'économiser jusqu'à 20 % sur le prix d'un plein d'essence, ce qui n'est pas négligeable.

Deuxièmement, il est fondamental que tous les opérateurs soient mis en concurrence. Je convoque samedi l'ensemble des producteurs et des distributeurs de pétrole (« Enfin ! » à gauche) pour étudier comment atténuer les effets de cette hausse pour les consommateurs.

Enfin, il faut mener une action structurelle, dans le cadre des conclusions du Grenelle de l'environnement, visant à changer nos modes de consommation sur le long terme. Le Gouvernement va s'y atteler. (Applaudissements à droite)

Pouvoir d'achat

M. François Marc . - La crise du secteur de la pêche illustre à quel point la hausse vertigineuse du prix du pétrole déstabilise notre économie et pénalise les revenus. A 80 dollars le baril de brut, on parlait il y a deux mois de record historique : on en est aujourd'hui à près de 100 et aucune accalmie n'est en vue. Outre les marins-pêcheurs, de nombreuses professions sont fragilisées, par exemple les agriculteurs, les transporteurs routiers ou les taxis... Mais en réalité, ce sont tous les Français, et en particulier les plus modestes, qui souffrent de cette explosion du prix des carburants. Cet hiver, la cuve de fuel va coûter 40 voire 50 % de plus que l'an passé !

Le Gouvernement n'est pas responsable de la hausse, me direz-vous. Pourtant, aux yeux des Français, il est coupable d'imprévoyance Car si les temps sont durs aujourd'hui, ils ne semblaient pas l'être en juillet-août, lorsqu'avec vos cadeaux fiscaux de 15 milliards d'euros, vous faisiez chanter les cigales sous les fenêtres des plus fortunés!

Votre projet de budget pour 2008 est totalement irréaliste puisqu'il est fondé sur un baril à 73 dollars ! Or, un écart de 20 dollars équivaut à un point de croissance en moins...

Le nouveau Président de la République se veut « le Président de l'augmentation du pouvoir d'achat ».

M. Guy Fischer. - Mensonge !

M. François Marc. - Ce qui a augmenté depuis six mois, ce sont les prix ! Ceux du carburant, mais aussi des produits alimentaires ou des loyers. Madame la ministre, vous n'avez pas le droit de traiter par la désinvolture ce constat accablant.

M. Roland du Luart. - C'est excessif !

M. François Marc. - Nous n'acceptons pas votre fatalisme, ni votre constat d'impuissance.

Des mesures urgentes sont à prendre sur la TIPP, le chèque transport obligatoire, la prime pour l'emploi, la maîtrise des loyers. Il y a six mois, vous affirmiez que les Français verraient à l'automne les premiers résultats de votre politique sur leur pouvoir d'achat. Nous y sommes, et les résultats sont plus que décevants. Le pouvoir d'achat, madame la ministre, est en votre pouvoir. Quand allez-vous l'exercer ? (Applaudissements à gauche.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. - Je vois, hélas, qu'une fois de plus, les vieilles recettes font florès. Vous pensez d'emblée à la TIPP ou à la prime pour l'emploi : ce n'est pas nécessairement la bonne solution. La TIPP a été utilisée en son temps et le coût en a été, pour le budget, de 2,7 milliards en deux ans, tandis que le bénéfice pour le consommateur se limitait en tout et pour tout à trois centimes d'euros à la pompe.

M. Didier Boulaud. - Ce n'est pas rien !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Le chèque transport, mis en place par la loi de participation du 31 décembre 2006, permet à l'entreprise, en contrepartie d'exonérations, de distribuer des chèques pour prendre en charge une partie des frais de déplacement de ses salariés. Le dispositif est en place. Quatre émetteurs ont été agréés et les entreprises pourraient déjà y recourir. Mais les acteurs économiques et sociaux estiment qu'il ne peut être mobilisé en l'état, car son efficacité dépend de son coût de gestion, encore trop élevé. C'est pourquoi M. Bussereau et moi-même avons demandé qu'une mission conjointe du Contrôle général économique et financier et du Conseil général des ponts et chaussées émette des propositions afin de faire converger notre objectif environnemental, qui conduit à privilégier les transports collectifs, et l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages. Cette mission est en place et rendra un rapport intermédiaire avant fin novembre.

Vous avez évoqué les moyens, pour vous dilatoires, que j'ai préconisés. Mais ils répondent à un objectif fondamental de changement des comportements. Il est malséant de tirer argument d'un exemple spécifique pour vilipender une politique que tous les Français doivent mettre en oeuvre ensemble. Pour changer notre relation à une denrée de plus en plus rare, il n'est pas de gestes anodins. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Réforme de la Constitution

M. André Vallet . - Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation des Institutions de la Vème République, présidé par M. Balladur, a remis, le 29 octobre, son rapport à M. le Président de la République. Je tiens à saluer, au nom du groupe UC-UDF, la qualité du travail accompli par ce comité dont les membres se sont remarquablement acquittés de la mission que le Président de la République leur a confiée. Le comité, qui préconise 77 mesures dont 41 concernent la Constitution, se dit convaincu qu'un changement est nécessaire et « laisse au Gouvernement le soin d'apprécier dans quelle mesure, selon quelle procédure et dans quels délais il soumettra ses projets au Parlement ». Monsieur le Premier ministre, sans vous demander de répondre dès à présent sur l'ensemble, le groupe UC-UDF aimerait connaître votre réponse sur un certain nombre de propositions qui concernent au premier chef les élus locaux et les parlementaires. Êtes-vous favorable à l'interdiction de tout cumul entre un poste de parlementaire et une fonction exécutive locale ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Envisagez-vous, comme le préconise le comité, de ne plus permettre à un membre du Gouvernement de conserver une fonction élective, quelle qu'en soit la nature ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Êtes-vous favorable, monsieur le Premier ministre, à l'élection de 30 députés supplémentaires au scrutin proportionnel sur des listes nationales ?

M. Robert Bret. - Au moins !

M. André Vallet. - Êtes-vous favorable à la création d'un collège de 120 000 grands électeurs pour la désignation des candidats à l'élection présidentielle ? Au référendum d'initiative populaire engagé à la demande d'un cinquième des membres du Parlement et d'un dixième des électeurs ?

Pourriez-vous, enfin, nous indiquer si le calendrier de ces éventuelles réformes permettra une discussion parlementaire avant les prochaines élections municipales ? Le groupe UC-UDF va être, monsieur le Premier ministre, très attentif à vos réponses et comprendrait mal que le Gouvernement ne réagisse pas rapidement aux sollicitations du comité Balladur. Mais peut-être attendez vous les choix du Président de la République ? (Exclamations à gauche ; M. Fauchon applaudit)

M. François Fillon, Premier ministre . - (Applaudissements sur les bancs UMP) La Constitution de la Vème république a apporté à notre pays une stabilité qu'il avait rarement connue dans son passé, au prix, cependant, de fortes contraintes sur le Parlement qui s'expliquaient par notre histoire. Mais la société française, comme les autres démocraties, a changé. Il est temps de moderniser notre Constitution, notamment en rééquilibrant les pouvoirs entre exécutif et législatif.

Le comité Balladur a bien travaillé. Les propositions qu'il émet visent, pour 80 % d'entre elles, à renforcer les pouvoirs du Parlement. Il préconise ainsi que l'examen des textes en séance publique porte sur la version issue des travaux des commissions et non sur le projet initial présenté par le Gouvernement. Qui pourrait être contre ? Il propose que le Parlement soit associé au contrôle des nominations dans la haute fonction publique. Qui pourrait être contre ? Que le nombre des commissions soit augmenté et que l'ordre du jour des assemblées soit réellement partagé. Qui pourrait être contre ? Il propose aussi que de nouveaux droits soient offerts aux citoyens, comme la possibilité de soulever l'exception d'inconstitutionnalité ou le recours au référendum d'initiative populaire.

Il est vrai que certaines des questions soulevées sont moins consensuelles. Sur l'articulation des pouvoirs entre le Premier ministre et le Président de la République, le comité propose de mettre notre texte fondamental en conformité avec la réalité -je ne parle pas des cinq mois de la présidence Sarkozy, mais des origines de la Vème république et vous invite à relire les mémoires de Michel Debré pour vous remettre à l'esprit la conception qu'avait le général De Gaulle de l'articulation des deux fonctions. De cette question, nous allons débattre, comme de l'introduction d'une dose de proportionnelle ou de la limitation du cumul des mandats.

Comment procéderons-nous ? Dans quelques jours, le Gouvernement proposera un texte d'orientation, qui sera soumis à concertation avec l'ensemble des forces politiques. L'objectif du Président de la République et du Gouvernement est bien de trouver un consensus. On ne change pas les institutions en opposant un camp à un autre.

M. Dominique Braye. - Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. - On n'y parvient qu'en rassemblant une très large majorité. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP) Chacun devra prendre ses responsabilités. Certaines propositions constituent des avancées démocratiques très importantes ; sans consensus, pas de réforme, donc pas d'avancées. À chacun de faire l'effort d'aller vers l'autre.

Nous souhaitons qu'une première lecture du texte ait lieu en février. (Applaudissements à droite et sur certains bancs au centre.)

Pouvoir d'achat (II)

M. Thierry Foucaud . - Alors que pendant sa campagne, Nicolas Sarkozy s'était présenté comme le candidat du pouvoir d'achat, (On confirme à droite) les mesures prises depuis son élection favorisent les riches, comme l'allégement des droits de succession ou le renforcement du bouclier fiscal. Ainsi, une fracture accrue sépare des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres. Cette politique divise et suscite une colère légitime. L'augmentation considérable du salaire présidentiel alors que les autres salaires stagnent, la montée des prix de l'énergie, l'envolée des prix des produits de première nécessité, l'augmentation des loyers, tout cela creuse les inégalités !

Depuis quelques semaines, des conflits sociaux ont éclaté, comme à Air France, Total, Conforama ou au Crédit Lyonnais. Votre réponse aux marins pêcheurs reflète votre politique, avec une exonération gadget des cotisations patronales alors que les entreprises du CAC 40 (Exclamations ironiques à droite) ont engrangé 97 milliards de bénéfices en 2006. Un record ! À quand une taxe sur les superprofits ?

Votre projet de loi pour le développement de la concurrence au service du consommateur ne soulagera pas les 15 % de la population rémunérés au SMIC ni les sept millions de travailleurs pauvres. L'octroi d'un euro au titre des allocations familiales est une provocation !

M. Roland du Luart. - Quelle est la question ?

M. Thierry Foucaud. - Quand prendrez-vous enfin des mesures concrètes en faveur du pouvoir d'achat ? Allez-vous alléger la TVA sur les biens de consommation courante, revaloriser le SMIC et prendre les mesures d'urgence pour endiguer la flambée des prix de l'énergie en taxant les bénéfices considérables réalisés par les compagnies pétrolières sur le dos des consommateurs ? Avec des profits atteignant trois milliards d'euros au troisième trimestre 2007, Total peut payer !

Lorsqu'on a su trouver quatorze milliards pour les plus favorisés, peut-on soutenir au peuple que les caisses de l'État sont vides lorsqu'il s'agit de soulager le plus grand nombre ? Votre réponse montrera si les Français ont été victimes de promesses sans lendemain.

M. François Fillon, Premier ministre . - Répéter inlassablement un mensonge n'en fait pas une vérité ! (Applaudissements à droite) Et dire que le Gouvernement a distribué 14 milliards aux plus favorisés, c'est un mensonge ! (Mêmes mouvements)

Les deux tiers de ces 14 milliards sont destinés à financer l'exonération des heures supplémentaires. (Vives marques de désaccord à gauche) Vous dites que le dispositif restera inappliqué ? On verra. Quoi qu'il en soit, cet argent n'est pas destiné aux plus riches. De même, l'aide fiscale dont bénéficieront ceux qui s'endettent pour acquérir leur domicile profitera surtout aux familles moyennes ou modestes. (On approuve vivement à droite) La réduction des droits de succession étant plafonnée, comme vous le savez parfaitement, cette mesure évitera aux Français moyens de payer deux fois l'impôt : un sur le revenu, puis un sur la succession. (Applaudissements à droite)

Alors cessez de dire des contrevérités ! (Applaudissements à droite) Vous êtes dans l'opposition depuis un certain temps et vous tenez toujours le même discours. Vous pourriez peut-être rapprocher ce discours et vos échecs électoraux. (Applaudissements à droite)

J'en viens au pouvoir d'achat. Il y a trois moyens de l'augmenter. Le premier est le travail, car prétendre que l'on peut gagner plus en travaillant moins n'est que de la démagogie. C'est pourquoi nous encourageons les heures supplémentaires pour échapper aux contraintes des 35 heures.

M. Jacques Mahéas. - Cela ne marche pas !

M. François Fillon, Premier ministre. - Si ça ne marche pas, nous vous proposerons des mesures pour aller plus loin. La deuxième action consiste à réduire le chômage, qui a baissé de 1,4 % en septembre, si bien qu'il atteint aujourd'hui un taux historiquement bas depuis 25 ans. (Applaudissements à droite) Enfin, nous encourageons les entreprises à ouvrir de véritables négociations salariales, car, pour des raisons liées à des décisions que vous avez soutenues dans le passé, il n'y a plus de telles négociations en France depuis des années. Avec Mme Lagarde, nous travaillons à moduler les allégements de charges patronales en fonction de la politique salariale des entreprises et de leur volonté d'ouvrir de véritables négociations.

M. Jacques Mahéas. - C'est du pipeau !

M. François Fillon, Premier ministre. - J'ajouterai un mot sur le logement. Pour que son prix baisse, il faut augmenter la construction. Or, nous manquons de logements parce que les mises en chantier ont atteint le niveau le plus bas de la Vème république au cours des années 2000. Nous voulons donc construire 500 000 logements chaque année, ce que nous ferons. (On approuve chaleureusement à droite) Les prix pourront alors baisser. (Vifs applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Avenir de la pêche

M. Georges Othily . - Depuis des années, les ressources des pêcheurs diminuent, alors que leurs charges de fonctionnement augmentent.

Les sommets atteints par les prix du pétrole poussent le gazole à plus de 0,55 euro par litre. Or, le poste « carburant » représente au moins 30 % du chiffre d'affaires des navires, sans qu'il soit possible de le répercuter. Conséquence directe : la rentabilité des embarcations diminue sensiblement. Alors que le dépôt de bilan menace souvent, le salaire des équipages n'est pas toujours assuré. Je partage l'inquiétude des marins-pêcheurs qui ont investi dans leur outil de travail : ils s'interrogent sur leur avenir. Les pêcheurs n'acceptent plus d'aller en mer pour des salaires chaotiques, dans des conditions pénibles et dangereuses.

A la Guadeloupe, parmi 930 professionnels recensés, les 800 marins-pêcheurs en activité font vivre plus de 3 000 familles. Leur situation est catastrophique face à la concurrence insoutenable de l'importation. Répercuter le prix du gazole sur les consommateurs sonnerait le glas de la profession. Il en va de même en Guyane et à la Martinique.

Après votre visite au Guilvinec avec le Président de la République, vous avez réuni hier les représentants des professionnels de la pêche. Ce geste montre, s'il en était besoin, que si vous êtes le ministre de l'agriculture et de la pêche, vous êtes surtout le ministre des agriculteurs et des pêcheurs.

Quelles sont les décisions définitives prises lors de cette réunion ? La zone Caraïbe-Amérique en profitera-t-elle ? Quel avenir pour les hommes et les femmes de la pêche française ? (Applaudissements au centre et sur certains bancs à droite)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - Après mes visites aux Antilles et à la Réunion, je mesure combien les pêcheurs de nos quatre départements d'outre-mer -je n'oublie pas la Guyane- vivent les mêmes difficultés et les mêmes angoisses que leurs collègues métropolitains, affrontant les mêmes dangers. La réponse du Gouvernement sera la même pour tous.

L'envolée du prix du gazole compromet durablement la viabilité des bateaux et les revenus des pêcheurs. Mardi dernier, le Président de la République est allé à la rencontre des pêcheurs du Guilvinec et hier, j'ai réuni les professionnels de la pêche sous l'autorité du Premier ministre pour formaliser les propositions que leur a faites le Président de la République, parmi lesquelles l'exonération des charges sociales, qui est loin d'être une petite mesure, et la mise en place d'un mécanisme de compensation du surcoût du gazole au-delà de 30 centimes le litre. Nous devons mettre en place ces mesures de sorte qu'elles soient compatibles avec nos engagements européens et qu'elles ne pénalisent pas les consommateurs.

Au-delà, parce que la pêche française a un avenir, il faut s'employer à éclaircir son horizon par des mesures structurelles. Nous devons réfléchir à la manière de diminuer la consommation de gazole, de mieux gérer la ressource et d'instaurer un revenu minimum afin que les pêcheurs ne touchent plus de salaire négatif. Dans cette perspective, j'ai confié une mission sur la réforme de la pêche à M. Paul Roncière. Avec les pêcheurs, nous devons relever les défis réglementaire, écologique et économique auxquels la pêche française fait face. Nous comptons sur l'aide et les propositions du Parlement ! (Applaudissements à droite et au centre)

ONG

M. Joël Bourdin . - La triste histoire de l'Arche de Zoé au Tchad incite à la réflexion.

De l'Afghanistan à Haïti, en passant par de nombreux pays du continent africain, le travail des ONG est admirable surtout lorsqu'il est accompli par de véritables bénévoles, parfois au prix de leur vie. Il convient donc de leur rendre hommage et de soutenir leurs actions lorsqu'elles respectent les règles déontologiques.

Certes, les ONG interviennent le plus souvent dans des territoires en conflit ou en guerre où la loi ne s'applique pas ; certes, l'urgence humanitaire peut justifier des improvisations. Mais il est primordial que ces ONG respectent les principes fondamentaux de notre droit international, public et privé.

Dans cette perspective, ne serait-il pas souhaitable que les ONG françaises, avant de s'enregistrer auprès d'un consulat, ratifient une charte rappelant les principes à respecter en France et à l'étranger ? Dans les mois à venir, ne pourrait-on pas confier à nos ambassades ou à un organisme indépendant le soin de réaliser une évaluation des ONG françaises qui serait ensuite transmise au Parlement ? (« Bravo ! » et applaudissements à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir rendu hommage aux ONG. Il était temps que l'on souligne la qualité de leur action ! L'organisation à l'origine de cette triste aventure, de cette dérive de l'humanitaire, a commis l'inacceptable, mais je suis persuadé qu'elle compte aussi en son sein des personnes abusées mais sincères.

Les ONG sont déjà soumises à des contrôles, qui sont avant tout comptables puisqu'elles reçoivent des subventions de l'État français ou d'un organisme européen, leurs comptes font l'objet d'un examen. Par ailleurs, les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée et la Cour des comptes procèdent à des contrôles réguliers de manière arbitraire -ce procédé est souvent dénoncé, mais il a du bon-, dont les résultats sont publics.

En matière de déontologie, la situation est moins structurée, mais il existe un comité de la charte. Les ONG peuvent s'y affilier en rejoignant la coordination Sud, mais rien ne les y oblige. Je vous rappelle que les ONG sont, par nature, non gouvernementales. On ne peut pas les enrégimenter, leur imposer un cadre strict.

L'essentiel, c'est d'abord le respect des populations et l'écoute. Il ne faut jamais oublier que nous ne sommes pas chez nous, mais chez les autres.

Voix à gauche. - Et le principe d'ingérence ?

M. Bernard Kouchner, ministre. - Le principe d'ingérence, c'est autre chose ! Cette proposition portée avec plus ou moins d'allant par la France durant de longues années a été acceptée par la communauté internationale et par les Nations Unies. Soyons-en fiers ! (« Très bien ! » à droite)

M. le président. - Monsieur le ministre, pouvez-vous conclure ?

M. Bernard Kouchner, ministre. - Monsieur le sénateur, avec Mme Yade et M. Bockel, nous réunirons les ONG pour réfléchir à vos suggestions. Si l'on ne peut porter atteinte à leur liberté, je suis convaincu qu'avec les organisations, échaudées par la triste affaire de l'Arche de Zoé, nous pourrons ensemble avancer ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. René-Pierre Signé. - On n'a pas appris grand-chose !

Pouvoir d'achat (III)

Mme Raymonde Le Texier . - Les Français trouvent l'essence trop chère.

Voix à droite. - Encore !

Mme Raymonde Le Texier. - « Qu'ils utilisent leurs deux pieds et leurs deux roues » a répondu la ministre de l'économie !

M. Henri de Raincourt. - Caricature !

Mme Raymonde Le Texier. - De la part de quelqu'un qui ne se déplace qu'en voiture conduite par un chauffeur, la leçon est déplacée... (Exclamations à droite)

A l'augmentation du prix à la pompe s'ajoutent l'explosion des loyers, la hausse des prix de consommation courante et, bientôt, les franchises médicales ; le tout dans un contexte de stagnation salariale. Madame, vous a-t-il échappé que, pour les personnes modestes, qui habitent loin des centres-villes, la voiture est indispensable pour faire ses courses, amener un enfant à la crèche et se rendre au travail ?

Vous semblez également oublier que le pétrole sert aussi à se chauffer. Avez-vous pensé aux millions de personnes qui vont voir leur facture de chauffage ou leurs charges locatives s'accroître ? Peut-être allez-vous leur conseiller de tricoter des pull-overs. C'est chaud, c'est doux, c'est écologique et ça occupe. (Exclamations à droite)

M. Christian Cointat. - Café du commerce.

Mme Raymonde Le Texier. - Confronté à l'envolée des prix du pétrole en 2000, Lionel Jospin avait instauré la TIPP flottante pour épargner le budget des Français. Dans une situation similaire, que fait le Gouvernement ? Rien ! « Nous évoluons avec des contraintes financières qui ne nous permettent pas d'écraser les sources de revenus pour le budget de l'État », dites-vous. Pourtant, c'est votre gouvernement qui a fait, cet été, 15 milliards de cadeaux fiscaux aux plus privilégiés. C'est votre gouvernement qui, face au déficit de la sécu, ose à peine taxer les stocks-options, privant l'État d'une ressource de 3 milliards. (Applaudissements à droite)

La droite décomplexée montre son vrai visage : mépris des citoyens, indifférence face à l'injustice, inaction face aux inégalités. Quant à l'amélioration du pouvoir d'achat, avec une augmentation de salaire de 173 %, le Président de la République est bien le seul à la voir se concrétiser avec le slogan « travailler plus pour gagner plus ». (Exclamations à droite)

M. Dominique Braye. - Enfin une question de fond, digne d'une poissonnière !

Mme Raymonde Le Texier. - Le Gouvernement nous dit que le pouvoir d'achat serait pour lui une priorité. Quand passerons-nous des rodomontades du Président et des leçons de morale de ses ministres à l'action concrète ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi . - Ne tournez pas en dérision un moyen de transport qui est plébiscité quand M. Gaudin à Marseille, M. Collomb à Lyon et M. Delanoë à Paris le mettent à la portée de tous. Ne le tournez pas en dérision quand 87 % des Français souhaitent marcher plus et utiliser davantage la bicyclette. C'est un des multiples moyens de transport susceptibles de changer le comportement de nos compatriotes face à l'énergie. (« Très bien » à droite)

Grâce aux dirigeants visionnaires que notre pays a connus du début des années 70, plus de 90 % de l'électricité nationale est d'origine nucléaire ou hydraulique. Il faut désormais envisager une modification profonde des comportements afin que nos véhicules consomment moins d'énergie, que nos domiciles soient mieux isolés, notre chauffage plus efficace. Dans ces conditions, votre question n'est pas raisonnable. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Bel. - Les insultes de M. Braye sont insupportables.

M. David Assouline. - Et il est coutumier du fait !

Régimes spéciaux

M. Dominique Mortemousque . - À la veille du grand rendez-vous de 2008 et conformément à l'engagement pris par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle, la réforme des régimes spéciaux est engagée. Cette réforme est approuvée par deux Français sur trois : nos concitoyens ont bien compris que chacun doit consentir un effort pour sauvegarder la retraite de tous. Avec l'allongement de l'espérance de vie, le nombre des personnes de plus de 60 ans augmentera de 10 millions d'ici 2040. Or il « existe des régimes spéciaux de retraite qui ne correspondent pas à des métiers pénibles et des métiers pénibles qui ne correspondent pas à un régime spécial de retraite ». (Applaudissements à droite) Ce constat est mot pour mot celui du Président de la République, lors de son discours au salon de l'élevage de Rennes le 11 septembre. Certaines professions réellement pénibles contraignent à travailler toute l'année à l'extérieur dans les intempéries. Je pense aux maçons et aux agriculteurs, lesquels perçoivent parfois une retraite inférieure à 400 euros.

Au regard de cette situation indigne, constatée par le Président de la République, pouvez-vous nous indiquer si la revalorisation de ces petites pensions sera abordée lors des discussions sur les retraites en 2008 ? Tous doivent être solidaires, y compris les régimes spéciaux. II y va de la confiance et de la cohésion de notre société. Pouvez-vous également nous indiquer si la réforme des régimes spéciaux va aboutir, conformément à l'engagement du Président de la République et à la volonté de la grande majorité de Français ? (Applaudissements à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Je réponds oui aux deux questions. Oui, la revalorisation des petites pensions sera étudiée lors du grand rendez-vous de 2008. Nous n'oublions pas pour autant la considérable avancée que nous devons à la loi Fillon de 2003. Oui, nous tenons nos engagements ; oui, le minimum vieillesse et les pensions de réversion sont bien au coeur de nos préoccupations. Il faut pour cela l'égalité de tous sur les quarante ans de cotisation. Il faut aussi accepter le principe d'une décote, sinon cet allongement de la durée de cotisation n'aurait aucun sens.

La justice sociale est voulue, attendue, exigée, par les Français. Le dossier était au coeur de la campagne électorale : les Français veulent la justice sociale pour tous, et vous aussi la voulez ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Je rencontre aujourd'hui même les dirigeants des entreprises publiques, pour voir comment engager les négociations dans les entreprises, mais ces négociations ne sauraient avoir pour objet d'annuler le passage à quarante années, sur lequel nous ne reviendrons pas. Les agents des régimes spéciaux attendent de leurs organisations syndicales qu'elles engagent des négociations sur les vrais sujets : la pénibilité, les fins de carrière.

Nous avons décidé de montrer que, dans la France d'aujourd'hui, on a plus à gagner par la négociation que par le conflit. (Applaudissements sur les bancs UMP) Voilà comment nous garantirons le pouvoir d'achat des agents des régimes spéciaux et de tous les Français qui veulent la justice sociale.

Pouvoir d'achat des personnes handicapées

M. Charles Gautier . - « Je ferai de ce quinquennat celui du pouvoir d'achat » : telle était la promesse du candidat Sarkozy...

M. Dominique Braye. - Il n'est président que depuis six mois !

M. Charles Gautier. - Les Français attendent des résultats !

M. Dominique Braye. - Il reste tout de même quatre ans et demi !

M. David Assouline. - La droite est au pouvoir depuis six ans !

M. Charles Gautier. - On voit ce qu'il en est avec ce Gouvernement : des milliards d'exonérations pour les riches, tandis que les ménages défavorisés perdent du pouvoir d'achat à mesure qu'augmentent les prix des produits de première nécessité ! C'est le cas en particulier des personnes handicapées : l'AAH est à 621 euros mensuels, des compléments peuvent la porter à 800 euros. Cependant, alors que le Président de la République s'est engagé, le 9 juin dernier, à augmenter du quart cette allocation dans les cinq années à venir, vous annonciez dès le 26 juin, monsieur le ministre des relations sociales, que cette allocation ne serait pas augmentée au 1er juillet mais au 1er janvier seulement : la hausse serait de 0,2 % cette année et le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit que 2,1 % pour l'an prochain !

M. Guy Fischer. - Voilà la réalité !

M. Charles Gautier. - Les personnes en situation de handicap n'espèrent certes pas une augmentation de 172 %... (Exclamations à droite, approbation sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Michel et M. David Assouline. - 206% !

M. Charles Gautier. - ...mais elles demandent qu'au moins les engagements soient tenus ! Monsieur le ministre, comment comptez-vous procéder à la nécessaire augmentation de l'AAH ? Ne nous annoncez pas, de grâce, la constitution de je ne sais quel énième groupe de travail sur la question ! (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Oui, nous tiendrons nos engagements, mais je comprends que vous en doutiez, habitués que vous êtes à la pratique des gouvernements socialistes ! (Vives exclamations sur les bancs socialistes, applaudissements à droite)

M. David Assouline. - M. de Villepin serait socialiste ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Le Gouvernement agit pour le pouvoir d'achat des personnes handicapées ! (Exclamations à gauche, couvrant la voix de l'orateur). C'est pourquoi l'AAH augmentera de l'inflation au 1er janvier, avec un coup de pouce de 1 %. Mais vous savez parfaitement que la hausse de cette allocation n'épuise pas le sujet, et que nous devons aussi casser les murs qui limitent l'accès à l'emploi des personnes handicapées : elles sont deux fois plus au chômage que la moyenne !

Vous dénigrez le nouveau comité de suivi de la réforme de la politique du handicap, alors que les associations le demandaient, et que votre collègue Paul Blanc l'appelait de ses voeux depuis longtemps ! Avec Valérie Létard nous ouvrons ce chantier global de l'insertion.

M. David Assouline. - Un groupe de travail : c'est bien que la question n'est pas une priorité !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous améliorons le pouvoir d'achat des personnes handicapées, mais nous n'oublions pas d'agir aussi pour leur insertion professionnelle !

Vous tenez des propos démagogiques, mais les personnes handicapées, elles, savent que nous serons au rendez-vous du pouvoir d'achat, car nous en faisons une question de justice sociale ! (Applaudissements à droite, vives exclamations sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur. - Il n'a pas répondu !

Autoroute A32

M. Jean Louis Masson . - Je me réjouis que « Grenelle de l'environnement » suggère de ne plus créer d'autoroutes, sauf pour désengorger la périphérie des agglomérations. Dès 1993, j'ai lutté, avec les Lorrains, contre le tracé de l'autoroute A32 reliant Toul à Longwy en contournant Metz par l'Est, ce qui n'est pas le plus court. Lors des élections régionales de 2004, puis législatives de 2007, les Lorrains ont largement manifesté leur désaccord avec cette autoroute en votant massivement pour les candidats réclamant l'abandon de ce tracé.

Lorsqu'une autoroute à deux fois deux voies est saturée, on commence généralement par l'élargir à deux fois trois voies. Cette solution fait consensus en Lorraine, qui consiste à élargir l'A31 et à contourner Metz par le sud-ouest. Monsieur le ministre d'Etat, êtes-vous favorable à une telle solution ?

M. René-Pierre Signé. - Question téléphonée !

M. Jean Louis Masson. - Avec ma collègue députée, Mme Zimmermann, nous demandons en outre un péage pour les poids lourds en transit sur l'A31, et l'instauration d'une interdiction de dépassement pour les poids lourds sur les segments de deux fois deux voies : acceptez-vous une expérimentation ? Les effets bénéfiques seraient immédiats.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables . - Le « Grenelle de l'environnement » propose une modification stratégique fondée sur l'intermodalité pour les transports de fret et de voyageurs dans notre pays, et il ne s'agit pas de prononcer tel ou tel moratoire. L'intermodalité est nécessaire dans le transport urbain : M. Bussereau est aujourd'hui même à Clermont-Ferrand pour réfléchir avec le Gart sur les 1 500 km de tramway. Nous avons besoin de lignes à grande vitesse, de lignes régionales et d'autoroutes ferroviaires, c'est pourquoi, avec les professionnels, nous allons réexaminer la carte de la France, sous l'angle de l'intermodalité.

L'étude commandée par mon prédécesseur sera rendue à la fin de l'année. Nous la lirons à la lumière du Grenelle de l'environnement. Quant à votre question particulière, il est vrai que l'expérience a semblé donner satisfaction ; nous la considèrerons en concertation. J'ai en effet constaté que sur des sujets difficiles, le Grenelle a su adopter une méthode de travail et des préconisations à l'unanimité. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance reprend à 16h 10.