Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
J'invite tous les intervenants à respecter leur temps de parole.
Lutte contre l'exclusion
M. Bernard Seillier. - La lutte contre la faim et la misère a mobilisé le pays. Le Premier ministre et le Gouvernement ont dit leur détermination à combattre la pauvreté ; Nicolas Sarkozy a présenté hier des propositions immédiates et plusieurs ministres sont impliqués dans ce combat multiforme. Il ne s'agit pas de créer un droit spécifique pour les pauvres mais de faire en sorte que le droit commun soit accessible à tous.
La prévention reste le meilleur moyen de combattre la misère. Cela passe par la répartition des richesses, donc par la production et les échanges. La justice soit s'établir à tous les niveaux - national, européen mais aussi mondial.
L'avenir dépend pour beaucoup des solutions que nous apporterons. Vous en avez conscience puisque le codéveloppement figure explicitement parmi les missions d'un ministre mais quelles initiatives la France prendra-t-elle pour que l'Union européenne définisse une véritable stratégie, pour faire prévaloir l'égale dignité des personnes ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté . - Président du conseil national de lutte contre les exclusions, vous savez notre volonté de lutter contre la pauvreté. L'engagement national préparé sous l'autorité du Premier ministre a été approuvé en conseil des ministres. L'objectif de réduction de la misère fixé par le Président de la République sera atteint grâce à une démarche transversale : il faut en effet de la prévention et non de la compensation.
Vous avez souligné l'aspect international de ce combat. Représentant la France au forum de cohésion sociale Europe-Amérique latine, j'ai constaté que les problématiques des uns et des autres sont relativement proches. En mai 2008, le Président de la République assistera au sommet de Lima, qui aura un agenda social. Les ONG ont participé à la sixième table ronde sur la pauvreté...
M. Jacques Mahéas. - Des actes !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous avons la responsabilité de préparer une nouvelle rencontre pendant la présidence française. Cette table ronde se tiendra pour la première fois au niveau interministériel : la France conviera les ministres de ses vingt-six partenaires. Enfin, nous commençons à travailler à une recommandation sur l'inclusion active. (Applaudissements à droite et au centre)
Réforme des régimes spéciaux
Mme Catherine Procaccia . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Aujourd'hui est une journée de grève qui évoque celle de 2003 plus que celle de 1995. (Marques d'ironie à gauche)
Des millions de salariés du privé comme de la fonction publique ont compris que la réforme des régimes de retraite était nécessaire au regard des déséquilibres démographiques. Les bénéficiaires des régimes spéciaux ne peuvent décemment refuser cette réalité et continuer à défendre un système aussi inégalitaire. (Mme Bricq se gausse) Les particularismes qui ont présidé à la création de ces régimes ne justifient aucunement une telle inégalité de traitement, (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) d'autant que ces régimes sont financés, non par ceux qui en bénéficient mais par les contribuables et les usagers. (Les exclamations à gauche couvrent la voix de l'oratrice) Tous les agents concernés n'ont pas une activité pénible, et toutes les statistiques montrent que leur espérance de vie n'est pas différente de celle des autres Français.
J'espère que la grève d'aujourd'hui, dont une majorité de nos concitoyens ne sont pas solidaires...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous n'en savez rien !
Mme Catherine Procaccia. - ...n'empêchera pas la réforme attendue et juste que nous soutenons. (M. Boulaud parle des copains et des coquins)
S'agissant également d'équité, la référence actuelle aux six derniers mois de salaire, contre 25 ans dans le secteur privé, sera-t-elle débattue avec les organisations syndicales, et remise en cause ? (Exclamations à gauche où M. Todeschini s'impatiente)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Toujours plus !
Mme Catherine Procaccia. - Allez-vous d'autre part vous saisir du dossier des fonctionnaires qui, prenant leur retraite outre-mer sans y avoir jamais exercé, perçoivent de 35 % à 75 % de plus que les autres ? (Applaudissements à droite)
M. Roland du Luart. - Bonne question !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Je vous répondrai pour ce qui concerne mon ministère. En cette journée particulière, je pense aux usagers qui n'ont pu se rendre à leur travail, qui sont partis tôt et vont rentrer tard ; je suis aussi attentif aux interrogations et aux inquiétudes des agents.
Le droit de grève est un droit constitutionnel, un droit reconnu d'expression. Mais le Gouvernement a la responsabilité de réussir la réforme des régimes spéciaux, qui comptent un million de retraités pour seulement 500 000 actifs. Ce fait s'impose à tous. Si cette réforme n'est pas menée à bien, personne ne sera capable de garantir à ces agents, d'ici dix ou quinze ans, le paiement de leur retraite. (Applaudissements à droite. Protestations à gauche) Les Français souhaitent l'égalité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah ça oui !
M. Jean-Pierre Sueur. - Et les cadeaux fiscaux ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - La justice sociale s'impose à tous. Le Gouvernement veut et doit réussir.
Mais la grève n'interdit pas le dialogue.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Le Président de la République est allé à la rencontre des agents, j'ai reçu leurs représentants et les recevrai encore pour apporter des réponses à leurs interrogations. La réforme sera progressive, il n'y a pas de place pour la brutalité dans cette affaire. (On ironise sur les bancs du groupe CRC) Un travail doit avoir lieu au sein des entreprises, je pense aux deuxièmes parties de carrière ou à la disparition de ces clauses d'un autre âge qui font partir les gens à 50 ans sans retraite complète. (Applaudissements à droite)
Il n'est pas question de revenir sur la règle des six derniers mois, car pour les agents concernés, à la différence de ce qui se pratique dans le secteur privé, les primes ne sont pas prises en compte pour le calcul de la retraite. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Carte judiciaire
Mme Yolande Boyer . - Après la suppression des hôpitaux ruraux, les fermetures de classes, la restructuration des DDE, le regroupement des perceptions, le désengagement de La Poste, d'EDF ou de France Télécom, voici la suppression des tribunaux. Les élus, madame la garde des sceaux, en ont assez. Qui, mieux que les sénateurs, connaît en profondeur le territoire ? Ils ont été choqués par l'attitude que vous avez eue à leur égard, consultation factice, promesses faites, et non tenues, au président de l'Association des petites villes de France, absence de mise en ligne, malgré les engagements pris, des propositions des cours d'appel. Les élus ne sont pas stupides, ils sont prêts à une réforme. Mais pour quelle justice ?
Nous voulons une justice de proximité au service de tous les citoyens, notamment des plus démunis d'entre eux ; nous voulons l'égalité des droits sur l'ensemble du territoire, un aménagement équilibré de celui-ci. Parce que nous représentons les citoyens et les collectivités locales, nous entendons donner notre point de vue, être écoutés et respectés. Et nous ne voulons pas de choix guidés par la seule logique comptable.
Quel sens donnez-vous au mot « concertation » ? Pourquoi n'organisez-vous pas des États généraux de la justice, comme on vous le demande de toutes parts ? Quelle est votre conception de la justice de proximité, vous qui déclarez ne pas vouloir « de tribunaux à chaque coin de rue » ? Les tribunaux d'instance, je le vois à Châteaulin, ma commune, comme à Quimperlé, permettent une justice plus efficace ; mais vous avez décidé d'y aller à la hache. (M. Courteau le confirme)
M. le Premier ministre veut moins de services, moins de personnels, moins d'État sur le territoire. Nous nous y refusons absolument. (Applaudissements à gauche)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous avez raison, la réforme de la carte judiciaire est nécessaire ; tout le monde souhaite mettre fin à une organisation qui n'a pas été revue depuis 1958. De nombreux rapports en témoignent. Les moyens sont aujourd'hui dispersés au détriment de la qualité de la justice, comme l'a montré l'affaire d'Outreau.
J'ai institué dès le 27 juin un comité national consultatif, qui apporte sa contribution à une réforme que je souhaite globale.
Des propositions ont été faites. Les chefs de cour ont procédé à une large concertation avec tous les acteurs judiciaires locaux. De plus, les préfets ont reçu les élus dans le cadre de ces concertations.
Dès le 30 septembre, des rapports nous ont été adressés. Nous les avons examiné cour par cour, ville par ville, tribunal par tribunal. C'est pour cette raison qu'avec M. le Premier ministre nous nous sommes rendus à Douai pour annoncer les schémas retenus qui intègrent la réalité du terrain. Ainsi, on m'avait proposé la suppression du tribunal d'instance de Douai et j'ai décidé de le maintenir pour des raisons d'aménagement du territoire. A Dijon, nous avons décidé d'implanter un nouveau tribunal d'instance à Montbard du fait de la croissance démographique et de la proximité de la gare TGV.
Nous examinons donc avec les élus et tous les acteurs de la justice les schémas proposés. Le service public de la justice de proximité n'est pas remis en cause, afin que les plus modestes et les plus démunis ne soient pas pénalisés.
La tutelle forme le gros du contentieux des tribunaux d'instance. Leur suppression ne remettra pas en cause ce service car les magistrats et les greffiers pourront se déplacer. (On ironise à gauche) Les juges d'instance peuvent se déplacer mais ils ne le font pas, faute de moyens. Avec le regroupement des moyens de la justice, ce sera possible demain. (On en doute sur les mêmes bancs) Les maisons de la justice seront maintenues et même développées.
M. Didier Boulaud. - Bonne nouvelle ! On n'a même pas de quoi acheter des crayons et des gommes !
M. le président. - Veuillez conclure !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Certains ne m'opposent que leur refus de la réforme : ils ont tort, car elle est en route ! (Applaudissements à droite tandis qu'on s'exclame à gauche)
M. Yves Pozzo di Borgo . - Hier, suite à la proposition que vous avez faite de gratifier les stages en entreprise de 380 euros par mois dès le quatrième mois de stage, les organisations syndicales et étudiantes ont manifesté leur mécontentement.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Et ils ont raison !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Vous avez répondu, monsieur le ministre, que le projet de décret pouvait encore être amélioré.
C'est à l'initiative du groupe centriste, dans la loi sur l'égalité des chances, que la durée des stages en entreprises a été limitée à six mois.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Que n'avez-vous voté ma proposition de loi !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Nous nous sommes réjouis que la convention de stage et la gratification afférente, soient prévues dans le même texte. C'est à partir de cette loi que le chantier de leur encadrement juridique a été ouvert.
Le Gouvernement s'y est attelé avec le projet de décret que vous avez annoncé, mais également avec l'installation par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du comité des stages et de la professionnalisation. C'est ainsi que nous pourrons lutter contre les nombreux abus passés et actuels et surtout participer à la bataille de l'emploi. Car l'insertion des stages dans les cursus universitaires permet de professionnaliser les diplômes délivrés qui, pour certains, en ont bien besoin pour s'adapter au monde actuel.
Quel est l'avancement de vos travaux en matière d'encadrement des stages, monsieur le ministre ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Vous faites référence à un projet de décret relatif à la loi de 2006 sur l'égalité des chances. Il est prévu d'élargir les stages aux associations et aux entreprises publiques. En outre, un registre de convention de stage sera créé afin de savoir enfin qui est et qui n'est pas stagiaire dans une entreprise. Dès 2008, l'inspection du travail pourra ainsi mieux contrôler les faux stages ou les stages longs saucissonnés pour contourner la réglementation. Toutes ces avancées ont été saluées par les organisations étudiantes et salariées.
En ce qui concerne les gratifications, il n'y a aujourd'hui aucune garantie. L'entreprise est totalement libre d'accorder, ou pas, de gratification. Que fallait-il faire ? Prévoir des gratifications importantes, au risque de tarir le nombre de stages ? Nous nous serions fait plaisir, mais pour des résultats nuls. Nous avons donc préféré fixer leur montant au niveau de la franchise des charges sociales, ce qui n'empêche pas les entreprises qui le souhaitent de payer dès le premier mois ou plus leurs stagiaires. Nous en avons entretenu les organisations salariales et étudiantes car lorsque nous pratiquons la concertation, nous ne faisons pas semblant ! (Exclamations sur les bancs socialistes) Dans les quinze jours qui viennent, le comité nous fera parvenir ses observations et le décret sera publié avant la fin de l'année car le statut des stagiaires devra être défini avant les offres de stages de janvier n'affluent. (Applaudissements au centre et à droite)
Franchises médicales
M. Guy Fischer . - Plus de 20 000 victimes de l'amiante manifestaient samedi contre le travail qui tue et pour exiger de justes indemnités. Ils sont aujourd'hui des dizaines de milliers à se révolter contre la réforme scandaleuse des régimes spéciaux de retraite (exclamations à droite), premier pas d'une attaque sans précédent contre notre protection sociale et contre toutes les retraites. Comment parler de solidarité intergénérationnelle quand vous vous cantonnez à allonger la durée des cotisations alors que la taxation des stocks options permettrait de pérenniser le système des retraites par répartition ?
Le Président de la République dit vouloir construire un nouveau contrat qui n'a de social que le nom. Il esquisse en fait la société de demain telle que la rêve le MEDEF, débarrassée de toute forme de solidarité et où la précarité règnerait en maître ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) Déjà la résistance s'organise (on ironise à droite) autour des associations de malades, des syndicats et des mutuelles contre votre projet de franchises médicales. Un sondage témoigne de l'impopularité de ce projet, rejeté par plus de 70 % des Français.
M. Roland Courteau. - C'est clair et net !
M. Guy Fischer. - Or, le Gouvernement ne prévoit que de faire payer les malades, en excluant les biens-portants et en oubliant le principe qui veut que chacun cotise à hauteur de ses ressources et reçoit à hauteur de ses besoins.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Guy Fischer. - Déjà, 32 % de nos concitoyens ont dû renoncer aux soins. Ces franchises sont injustes. Elles vont aggraver les inégalités. Pour les victimes de pathologies chroniques, c'est un véritable impôt maladie que vous instituez. Les retraités modestes et les personnes âgées en seront les victimes désignées.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Guy Fischer. - C'est mettre en danger la santé publique que de contraindre les plus précaires à faire le départ entre soins nécessaires et soins superflus. Car qui pourrait soutenir que les soins ophtalmologiques ou dentaires sont des soins de confort ? Vous créez une inégalité économique de plus, qui conduira inévitablement une part de la population à renoncer aux soins.
Plusieurs voix à droite. - La question !
M. Guy Fischer. - J'y viens. (« Ah ! » à droite) Nous dénonçons votre projet de démantèlement de la sécurité sociale...
M. le président. - Votre question !
M. Guy Fischer. - ...et vous exhortons à retirer votre projet de franchise dont le seul effet sera de créer une protection sociale à deux vitesses. (Vifs applaudissements à gauche)
M. Charles Pasqua. - C'est une question ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports . - Nous sommes d'accord sur un point : l'absolue nécessité de prendre en compte les nouveaux besoins de santé. Le Président de la République les a précisément décrits : maladie d'Alzheimer, cancer, soins palliatifs. Nous avions pour cela plusieurs possibilités : augmenter encore nos prélèvements obligatoires, qui sont déjà les plus forts d'Europe ; laisser de nouveau dériver le déficit de la sécurité sociale, qui atteindra cette année, faut-il le rappeler, 6,5 à 7 milliards...
M. Roland Courteau. - La faute à qui ?
M. Claude Domeizel. - Faut-il le rappeler, les comptes étaient équilibrés en 2002...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous avons préféré faire le choix d'un système de responsabilité, tout en prévoyant un filet de sécurité pour les malades les plus fragiles : 15 millions de Français seront exonérés de franchise, soit un Français sur quatre. Deuxième sécurité, nous limitons la franchise à un maximum de 50 euros par an, soit 4 euros par mois. Pour certaines familles modestes, il est vrai que cela n'est pas rien, mais les maladies les plus graves restent prises en charge à 100 %.
Ce système nous permettra de retrouver une juste distribution...
M. Didier Boulaud. - Gautier-Sauvagnac !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le montant de la franchise, comme cela est prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sera intégralement redistribué aux malades. (Applaudissements à droite)
Démographie médicale
M. Rémy Pointereau . - L'accès aux soins constitue, en milieu rural, le plus important des services publics. Or, la désertification médicale prend depuis plusieurs années une ampleur inquiétante et la pyramide des âges indique que cette situation risque de s'aggraver.
Depuis 2004, des solutions incitatives ont été proposées, comme le relèvement du numerus clausus, la majoration des actes, une meilleure reconnaissance de la spécialité en médecine générale ou le soutien au regroupement en maisons médicales pluridisciplinaires.
Certains conseils généraux ont, ces dernières années, voté l'attribution de bourses à des étudiants en médecine en contrepartie d'une installation, une fois leur diplôme en poche, dans les zones rurales déficitaires.
M. Jacques Mahéas. - Résultat : zéro.
M. Rémy Pointereau. - Dans mon département du Cher et sur l'initiative de mon groupe, le conseil général a voté en janvier dernier un dispositif destiné à favoriser l'installation de jeunes médecins, qui pourront bénéficier d'une bourse de 600 euros par mois pendant 3 ans en contrepartie de leur engagement à exercer en zone sous-médicalisée du département pendant une durée d'au moins cinq ans.
M. Roland Courteau. - C'est à l'État de le faire, pas au département !
M. Rémy Pointereau. - Jusqu'à présent, ces mesures incitatives n'ont eu qu'un impact limité...
M. Jean-Pierre Sueur. - Hélas !
M. Rémy Pointereau. - ... comme le révèlent un rapport récent de la Cour des comptes ainsi que le rapport d'information de notre collègue Jean-Marc Juilhard, qui souligne que de nombreuses institutions jugent cette politique de « moindre contrainte » insuffisante face à l'ampleur du défi.
Vous avez, dans ce contexte, présenté, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, un dispositif plus directif, qui suscite la grogne des médecins, surtout les plus jeunes.
M. le président. - Votre question ?
M. Rémy Pointereau. - Il est vrai que l'équilibre est difficile à trouver, puisqu'il s'agit de concilier le principe de liberté d'installation, auquel le Président de la République a rappelé son attachement, avec la nécessité tout aussi impérieuse de répondre aux préoccupations concrètes des Français, en droit de prétendre à une médecine de proximité.
Comment envisagez- vous, madame la ministre, l'articulation de ces axes de réformes ? Pouvez-vous nous donner des éléments de méthode sur la négociation à venir, de manière à rassurer les jeunes médecins et les internes ? (Applaudissements à droite)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports . - Sur cette question de la démographie médicale, le diagnostic est unanime. Vous avez rappelé celui de M. Juilhard, que j'ai longuement reçu hier, dans son excellent rapport. Le problème n'est pas exclusivement rural, il commence à quelques kilomètres du Sénat, en région parisienne, où existent des zones de sous densité médicale.
Constat accablant, les mesures purement incitatives ont montré leurs limites.
M. Roland Courteau. - Elles n'incitent pas.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Avec l'arrivée sur le marché professionnel de générations à faible densité d'étudiants, on peut s'attendre à une aggravation.
Oui, monsieur le sénateur, nous sommes attachés au principe fondateur de liberté d'installation. Oui, nous allons poursuivre les mesures incitatives. Nous en prévoyons, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour les maisons médicales de garde, dont 24 nouvelles, en cours d'installation, viendront s'ajouter aux 214 existantes. Nous entendons également relever encore le numerus clausus.
M. Charles Pasqua. - Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous voulons, dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, ouvrir un large débat. Nous entendons le mener avec les jeunes, qui en étaient jusqu'à présent exclus puisqu'il a traditionnellement lieu entre la caisse nationale d'assurance maladie et les syndicats représentatifs. Nous entendons les faires participer aux États généraux de la démographie médicale. Qu'ils soient ici assurés qu'il sera tenu compte de leur avis. (Applaudissements à droite et au centre)
EADS
Mme Nicole Bricq . - Monsieur le Premier ministre -chacun comprendra que je m'adresse au chef du Gouvernement-, la publication par la presse, le 3 octobre, du pré-rapport de l'autorité des marchés financiers (AMF) a jeté la suspicion de délits d'initiés dans la vente de titres EADS avant que le groupe n'annonce des retards dans la livraison de l'Airbus A-380. Si le Parlement n'a pas à interférer dans le cours de la justice, son rôle est bien de comprendre ce qui s'est passé dans cette affaire, en particulier quel rôle y ont joué les agents publics agissant au nom de l'État actionnaire. Notre commission des finances a réagi et l'opposition parlementaire n'a pas manqué de célérité, en demandant, dès le 5 octobre, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur le sujet. Cela n'a pas empêché que le Parlement soit à la remorque de la presse, où l'on peut suivre le mauvais feuilleton des déclarations de M. Lagardère.
Une commission d'enquête nous a été refusée par deux fois : en novembre 2006, sur les difficultés industrielles d'EADS, puis le 9 octobre dernier, sur la responsabilité de l'État dans l'affaire EADS. Le 8 octobre pourtant, M. le Président de la République n'avait-il pas déclaré à Mâcon, vouloir « savoir toute la vérité » sur le rôle de l'État ? N'avait-il pas souhaité que l'enquête aille « jusqu'au bout », que les fraudeurs éventuels soient sanctionnés ? Une commission d'enquête parlementaire nous mettrait à égalité de connaissance, pourquoi la refuser au Parlement ? Ce serait très utile face aux dégâts moraux provoqués par cette affaire !
Dans le même temps -le 4 octobre-, Mme Dati annonçait l'installation d'un groupe de travail sur la dépénalisation du droit des affaires, pour préciser ensuite -dans Le Monde du 16 octobre- que l'abus de biens sociaux ne serait « naturellement pas dépénalisé ». « Naturellement » ? N'est-ce pas le signe d'un lien avec l'affaire EADS ?
M. le président. - Veuillez conclure !
Mme Nicole Bricq. - Monsieur le Premier ministre, quelle dépénalisation du droit des affaires comptez-vous opérer ? Comptez-vous jouer de votre position de chef de la majorité, pour la convaincre de former une commission d'enquête parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Trois minutes vingt-huit !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur . - (Exclamations à gauche, où l'on demande que le Premier ministre réponde lui-même) Vous souhaitez la transparence dans l'affaire EADS, le Gouvernement joue la transparence.
Mme Nicole Bricq. - Il joue gros !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Mme Lagarde a été entendue par les commissions des finances des deux assemblées, nous avons diligenté sans attendre une enquête de l'inspection générale des finances pour savoir quel a été le rôle des agents du ministère de l'économie et des finances, ses conclusions ont été publiées la semaine dernière : les services du ministère ont rempli leurs mission, ils ne peuvent être mis en cause.
M. Didier Boulaud. - Et Matignon ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Vous évoquez l'hypothèse de délits d'initiés : c'est à la justice de la vérifier ! Je regrette qu'au moment où le groupe livre cet avion qui est un succès économique sans précédent (rires sarcastiques à gauche), au moment où le Premier ministre annonce un plan de soutien inégalé au secteur (mêmes mouvements), vous n'ayez aucun mot pour ce motif de fierté : 185 avions A-380, 40 milliards d'euros de commande ! Comme quoi, il y a ceux qui investissent dans l'avenir de notre pays, et ceux qui ne voient que l'affaire judiciaire ! (Vives exclamations à gauche, applaudissements à droite)
M. Didier Boulaud. - Il y a ceux qui bossent et ceux qui empochent les dividendes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ceux qui se lèvent tôt à EADS vous regardent !
Réforme des institutions
M. Robert del Picchia . - Ma question porte sur la réforme des institutions, en particulier sur l'avenir de la Haute assemblée. (Approbations à droite) Nous nous félicitons de ce que le Président de la République ait engagé une réflexion sur la réforme des institutions : elles ont évolué depuis 1962 et après le quinquennat, le fait présidentiel s'est imposé, le travail parlementaire, rationalisé en 1958, apparaît désormais trop encadré et tout le monde reconnaît le besoin d'un rééquilibrage.
M. Charles Pasqua. - Pas tout le monde !
M. Robert del Picchia. - Dans quelle direction, cependant ? Je crois que le rééquilibrage entre les pouvoirs législatif et exécutif ne doit pas se faire au détriment des grands équilibres de la Vème République (approbations à droite) qui assurent la stabilité du Gouvernement et l'efficacité de son action.
Parmi ces grands équilibres, figure également le bicamérisme. (Applaudissements à droite, exclamations sur les bancs CRC) Il serait pour le moins paradoxal qu'au moment où l'on veut renforcer le Parlement, on affaiblisse le Sénat, dont la qualité des travaux est reconnue par tous et qui fait preuve, on l'a vu encore récemment, d'une grande indépendance d'esprit. Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, quel est l'état d'esprit du Gouvernement sur le sujet ? (Applaudissements à droite)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement . - Nous ne manquerons pas, très prochainement, de débattre de la réforme institutionnelle. La commission sur la réforme des institutions, dit comité Balladur, travaille sur un rééquilibrage des pouvoirs...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On connaît déjà ses conclusions !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Un tel rééquilibrage passe également par une réorganisation du travail parlementaire. Nous devons renforcer le pouvoir du Parlement, mais aussi renforcer le crédit des institutions auprès de nos concitoyens.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous vous y prenez mal !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Le débat est à conduire avec le pays tout entier. Le comité Balladur a reçu l'ensemble des groupes parlementaires, il remettra ses conclusions dans huit jours au Président de la République.
Elles iront dans le sens d'une revalorisation du travail du Parlement : dans le rééquilibrage des pouvoirs entre exécutif et législatif, il y aura plus de place pour le pouvoir de législation et de contrôle du Parlement. (Exclamations à gauche, où l'on évoque EADS)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On le voit avec les commissions d'enquête !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Nous avons conscience que le système français repose sur nos deux assemblées, que le Premier ministre connaît bien. Naturellement, nous tenons à un Sénat représentant les territoires et les Français de l'étranger, et partageant les compétences législatives et de contrôle de l'action du Gouvernement. (« Bravo ! » et applaudissements à droite et au centre)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Nul n'ignore la gravité des événements qui secouent la Birmanie. L'ampleur de la répression contre un peuple courageux a ému l'opinion mondiale. Comment aider à la réconciliation nationale, seule issue acceptable ? Ni la mobilisation internationale, symbolisée par l'attribution du Prix Nobel de la Paix à Aung San Suu Kyi, ni les sanctions imposées depuis 1996, ni les appels répétés au dialogue n'ont réussi à infléchir le pouvoir en place, soutenu il est vrai par la grande puissance voisine.
Notre diplomatie n'est pas restée inactive. L'envoi de l'émissaire onusien, Ibrahim Gambari, la déclaration du Conseil de sécurité des Nations unies, celle de l'Union européenne le 25 septembre, le gel des avoirs des généraux birmans aux États-Unis sont des mesures positives, même si c'est surtout le peuple qui souffre des sanctions économiques. Dans ce contexte, quel doit être le rôle de la France qui, tout en s'associant aux sanctions internationales, a choisi de poursuivre sa coopération culturelle, linguistique et éducative au profit des Birmans ? Pour m'être rendue au Myanmar, je peux témoigner de l'impact très positif de notre diplomatie et de nos ONG auprès d'un peuple birman en souffrance. Enfin, quelle sera la stratégie du Gouvernement au cas où la situation s'aggraverait ? Notre Haute assemblée est très attachée à l'avenir du peuple birman. Nous ne voulons pas que le titre provocateur d'un récent quotidien, « Responsables, bientôt coupables », ne devienne réalité ! (Applaudissements à droite)
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme . - (Applaudissements à droite) En effet, les agissements de la junte sont plus que condamnables. Le peuple birman souffre, la France ne pouvait rester sourde à ses appels. Nous n'avons pas attendu la crise actuelle pour nous impliquer. Je me suis engagée personnellement sur le dossier birman et ai appelé à la libération d'Aung San Suu Kyi, symbole de la résistance à l'oppression. J'ai reçu au mois de juillet M. Gambari. Convaincue que la politique menée jusqu'ici a montré ses limites, j'ai appelé à une nouvelle stratégie de long terme.
La France, l'Union européenne et les Nations unies ne se contentent pas de dénoncer les violations des droits de l'homme : nous prenons des initiatives. Le Conseil des droits de l'Homme a adopté une résolution condamnant la répression. Surtout, le Conseil de sécurité des Nations unies, présidé par la France, a été saisi du dossier birman en septembre dernier par Bernard Kouchner, ce qui a entraîné l'adoption le 11 octobre d'une déclaration présidentielle, premier texte adopté formellement par le Conseil de sécurité sur cette question sans que la Chine et la Russie ne s'y opposent. La France soutient par ailleurs les efforts de l'envoyé spécial des Nations unies.
L'Union européenne s'est engagée de son côté dans le renforcement des sanctions. Le « paquet » adopté le 15 octobre est une réponse claire au comportement inacceptable de la junte. Ces mesures touchent les intérêts de la junte sans affecter la population, qui ne doit pas être doublement pénalisée. Les sanctions pourront être allégées, voire suspendues, si les autorités birmanes se plient aux demandes de la communauté internationale. Nous maintenons nos relations culturelles. Il est également important de continuer à faire pression sur les pays asiatiques : Bernard Kouchner se rendra fin octobre en Asie, je l'y accompagnerai. Enfin, la France a proposé la création d'un groupe de contact sur le sujet. (Applaudissements à droite et au centre)
Financement des retraites
M. Claude Domeizel . - Ma question s'adresse au Premier ministre, mais je pense c'est M. Bertrand qui me répondra... Je ne reviens pas sur la journée de mobilisation : la réponse du ministre vaut ce qu'elle vaut. Je veux vous interroger sur l'avenir du fonds de réserve des retraites (FRR), créé en 1999 afin de faire face aux difficultés financières que vont connaître nos régimes de retraite. L'objectif est d'atteindre 150 milliards d'euros de réserve en 2020. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Mme Nicole Bricq. - Bien loin !
M. Claude Domeizel. - Ce fonds est un outil efficace et reconnu dont les placements rapportent environ 12 % chaque année. Mais les gouvernements Raffarin et Villepin l'ont peu alimenté : aujourd'hui, le compte n'y est pas. Au 31 décembre, la réserve s'élèvera à environ 30 milliards, alors qu'il faudrait avoir capitalisé le double ! Cette somme est en outre l'objet de convoitises : certains, dans vos rangs, envisagent d'utiliser ce pactole immédiatement pour équilibrer les régimes de retraites.
Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre ? Avez-vous l'intention d'utiliser ce capital immédiatement ou de maintenir l'objectif de lissage de 2020 ? (Exclamations) Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour atteindre les 150 milliards en 2020 et consolider ainsi notre régime de retraite par répartition ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - J'ai conscience de m'adresser à l'un des meilleurs connaisseurs du Parti socialiste en matière de retraites. (Sourires)
Vous savez donc, monsieur Domeizel, que ce fonds est alimenté chaque année par une taxe de 1,7 % sur le capital. Mais pourquoi manque-t-il d'argent ? Parce que, à l'origine, vous l'avez détourné pour financer les 35 heures ! (Vifs applaudissements sur les bancs UMP)
Vous n'avez pas osé mettre en oeuvre la réforme des retraites et il a fallu attendre 2003, avec Jean-Pierre Raffarin et François Fillon, pour que des décisions courageuses soient prises. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Multiplier les rapports, ça, oui, vous avez su le faire...
M. Jacques Mahéas. - Vous avez eu six ans !
M. Xavier Bertrand, ministre - ... et nous proposer d'attendre jusqu'en 2020. Et avant, qu'est-ce qu'on fait ?
Mme Nicole Bricq. - Pirouette !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous, nous avons osé agir, pour consolider le régime de retraite par répartition, nous avons voté une loi en 2003, et nous avons un rendez-vous l'an prochain, pour donner de vrais garanties à nos concitoyens.
J'aimerais tant, enfin, que le Parti socialiste nous propose quelque chose ! S'il allait jusqu'à faire preuve de courage, comme cela nous changerait ! (Applaudissements à droite et au centre)
Prochaine séance, mardi 23 octobre à 10 heures.
La séance est levée à 16 h 5.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 23 octobre 2007
Séance publique
A DIX HEURES
1. Dix-huit questions orales.
A SEIZE HEURES TRENTE
2. Éloge funèbre de Jacques Pelletier.
A DIX-HUIT HEURES
3. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
Rapport (n° 30, 2007-2008) de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
_____________________________
DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- M. le Président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés ;
- M. le Premier Ministre un projet de loi autorisant la ratification de l'accord modifiant l'accord de partenariat, signé à Cotonou le 23 juin 2000, entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne et ses États membres.
Article 2
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé en raison de ses compétences et connaissances professionnelles par décret du Président de la République, après avis de la commission compétente de chaque assemblée, pour une durée de six ans. Son mandat n'est pas renouvelable.
Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions.
Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de son mandat qu'en cas de démission ou d'empêchement.
Les fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté sont incompatibles avec tout autre emploi public, toute activité professionnelle et tout mandat électif.
M. Louis Mermaz. - Cet article, qui détermine les conditions de nomination du contrôleur général, donne l'occasion de manifester que le Parlement est soucieux de ses droits. Les commissions des assemblées donneront leur avis mais il serait bon que les droits de la minorité - elle changera- soient respectés afin de garantir l'indépendance, l'autorité et les qualités de ce contrôleur.
C'est pourquoi, comme l'avait d'ailleurs préconisé M. Sarkozy pendant la campagne électorale, il serait souhaitable qu'une majorité qualifiée de chacune des deux commissions se prononce en faveur du futur contrôleur.
M. le président. - Amendement n°8 présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
après avis de la commission compétente de chaque assemblée
par les mots :
après avis des commissions compétentes de l'Assemblée Nationale et du Sénat pris à la majorité des 3/5 de leurs membres
M. Robert Badinter. - Mon collègue vient de présenter l'amendement. (Sourires)
Du fait des conditions carcérales actuelles, dénoncées par M. Lecerf, il faut que l'autorité du contrôleur général soit indiscutable.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous sommes bien d'accord.
M. Robert Badinter. - Il devra disposer de moyens juridiques, matériels et financiers pour mener à bien son action et son autorité devra être reconnue par tous. Plus les parlementaires seront nombreux à approuver sa nomination, plus grande sera la confiance dont il bénéficiera.
Par rapport au projet de loi initial, des progrès ont été obtenus puisque les commissions compétentes des deux assemblées se prononceront sur le projet de nomination, mais il serait souhaitable que cet avis soit donné à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. Si le texte reste en l'état, on considérera que le contrôleur aura été nommé par le Président de la République et par la majorité présidentielle. Je suis persuadé que nous gagnerions beaucoup à ce que le choix soit élargi : l'ouverture prendrait, dans ce cas, tout son sens.
Au sein du Parlement, nous sommes tous soucieux d'améliorer les conditions carcérales et l'instauration d'un contrôleur général a déjà trop attendu. Aujourd'hui, vous nous proposez enfin de le mettre en place, pour nous mettre en conformité avec les exigences internationales et le protocole que nous avons signé et qui entrera en application en février. Que toutes les composantes du Parlement soient associées à cette nomination. De l'adoption de cet amendement dépendra notre vote final sur le texte.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous avons déjà débattu de cet amendement en première lecture et je m'étonne que le président Badinter le défende, non sur le fond mais sur la forme.
M. René Garrec. - C'est surprenant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Vous savez comme moi qu'une majorité qualifiée est prévue pour la révision de la Constitution. Attendons les conclusions du comité Balladur, mais les pouvoirs du Parlement pourraient certainement être renforcés lors des nominations des autorités indépendantes ou dans certaines entreprises publiques. L'avis des commissions sera forcément consensuel et le fait de prévoir une majorité qualifiée risquerait d'entrainer des discussions interminables, voire de montrer que deux cinquièmes des commissaires étaient opposés à la nomination.
Notre commission des lois ne défendrait jamais une personnalité qui ne correspondrait pas à l'importance qu'elle attache à la fonction de contrôleur général. Les pouvoirs du Parlement doivent certes être rééquilibrés, mais il ne faudrait pas bloquer les institutions en rendant quasiment impossible les nominations.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement, mais vous devriez tout de même voter ce projet de loi attendu depuis si longtemps.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je m'associe aux propos de M. le rapporteur. En attendant les conclusions du comité Balladur et la révision constitutionnelle, l'avis des commissions constitue un gage de reconnaissance de la personnalité qui sera nommée. L'avis est donc défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Si j'étais convaincue du bien-fondé des choix de la commission, je ne voterais pas cet amendement. Hélas, l'expérience récente démontre que la majorité de la commission ne prend pas toujours des décisions adéquates. C'est pourquoi je suis favorable à cet amendement.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Article 3
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est assisté de contrôleurs qu'il recrute en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission.
Les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés.
Dans l'exercice de leurs missions, les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le nombre, le statut et les conditions de nomination des contrôleurs sont définis par décret en Conseil d'Etat.
M. Louis Mermaz. - D'après le Gouvernement, le contrôleur général devra être une autorité indépendante qui pourra visiter tous les lieux de privation de liberté, assisté de contrôleurs nombreux et spécialisés puisqu'ils devront visiter les 5 500 lieux de privation de liberté qui relèvent de la compétence des ministres de la justice, de l'intérieur et de la santé : 188 établissements pénitentiaires, plus de 200 zones d'attente et locaux de rétention administrative, 4 000 locaux de garde à vue, 1 000 services psychiatriques hospitaliers, etc.
Étant donné la multiplicité des lieux concernés, le contrôleur devra être assisté d'un grand nombre d'adjoints. En Grande-Bretagne, l'inspecteur en chef, qui assure les visites pour le seul domaine pénitentiaire, bénéficie d'une équipe d'une quarantaine de personnes. L'évaluation des besoins en personnel ainsi que le statut et les conditions de nomination des adjoints du contrôleur général doivent donc être définis par décret en Conseil d'État.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Un décret en Conseil d'État fixe rarement un nombre et il faudrait prévoir des décrets à répétition puisque le nombre d'adjoints augmentera au fil du temps !
En outre, cet amendement est inutile car l'article 11 prévoit qu'un décret fixera les conditions d'application de cette loi. Je demande donc le retrait de cet amendement, sinon son rejet.
M. Louis Mermaz. - Mieux vaut deux précautions qu'une.
L'amendement n°9, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté ainsi que l'article 4.
Article 5
Toute personne physique, ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les membres du Parlement, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.
M. le président. - Amendement n°2 présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
, ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux,
par les mots :
ou morale
Mme Éliane Assassi. - La rédaction du premier alinéa de cet article ne nous convient pas.