Politique numérique (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la question avec débat de M. Bruno Retailleau à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la politique numérique.
M. Bruno Retailleau, auteur de la question. - La société numérique est en perpétuel mouvement et la trajectoire de la France dépendra demain du profit qu'elle saura tirer de ces évolutions, ce qui suppose des changements de son modèle de gouvernance.
La troisième révolution industrielle ne le limite pas à l'addition d'innovations, elle marque une rupture majeure car elle modifie notre façon de travailler, de vivre et retentit sur tous les pans de l'activité humaine. Son impact sur l'économie s'exprime par la mondialisation : il y aura bientôt 1,5 milliard d'internautes. Elle constitue désormais un facteur déterminant d'efficacité individuelle et collective qu'on estime à un demi-point de croissance et la moitié de la productivité.
Notre pays a pris le train du développement numérique mais, s'il faut se satisfaire de certains succès, aucune situation n'est acquise quand apparaissent de nouveaux usages, d'autres serveurs, des contenus partagés, et que l'interactivité va jusqu'à la délinéarisation parce que, l'individu prenant le contrôle de la programmation et créant ses propres contenus, on passe des mass media aux self media.
Le très haut débit constitue sans doute le premier défi auquel nous sommes confrontés tant l'image crée un besoin de bandes passantes. Le trafic explose en Europe et le très haut débit, qui sera demain l'infrastructure de base, doit être dès aujourd'hui une sorte de service universel accessible à tous, en fixe ou en mobile.
La mobilité est le deuxième défi. Dans une société de l'ubiquité, l'individu voudra se connecter où qu'il soit : « ce que je veux, quand je veux, où je veux ». Ce défi revêt donc une double dimension, spatiale et temporelle.
Troisième défi, la convergence. Il faudra passer d'un réseau à l'autre. On aura un réseau filaire à domicile et l'on utilisera les radiofréquences dans la rue.
La France a-t-elle la capacité de relever ces défis quand elle souffre d'une double vulnérabilité ? Sa première spécificité est territoriale. La ruralité, en effet, concerne 31 % de la population française contre 4 % au Royaume-Uni. Et nos villes se dépeuplent au profit des campagnes. Il en résulte un risque de fracture numérique, une béance entre l'internet des villes et l'internet des champs. Malgré l'énorme effort consenti, la résorption de la fracture numérique reste un horizon de fuite : elle s'éloigne chaque fois que l'on croit s'en rapprocher.
Notre deuxième fragilité est politique. Sommes-nous en mesure de porter cette grande ambition comme nos concurrents qui s'organisent sans complexe ?
Or, la France reste fidèle au modèle gaulois de morcellement de l'action publique. Chaque ministère a ses conseillers, ses services administratifs, ses comités Théodule qui se réunissent plus ou moins. Confusion, dispersion : il n'y a pas de pilotage politique bien identifié. Le candidat Nicolas Sarkozy l'avait dit lui-même il y a quelques mois : « la France n'est pas en état de conduire une politique cohérente de développement numérique ; trop de structures et de guichets, personne n'incarne la volonté politique ».
La France est en retard pour les investissements dans les nouvelles technologies. L'effort est chez nous inférieur de moitié à ce qu'il est aux États-Unis : ce retard nous coûte 0,7 point de croissance et des centaines de milliers d'emplois. Je souhaite la création d'un commissariat au numérique sur le modèle du CEA car le numérique sera au XXIe siècle ce que l'atome fut au XXe. Ce commissariat serait un lieu d'expertise et de pilotage, sur des sujets par essence transministériels. Je songe aux réseaux de nouvelle génération, d'abord, car le risque est celui de la reconstitution d'un monopole sur la boucle locale, au dégroupage des infrastructures passives et à la mutualisation du réseau vertical -car il ne faudrait pas que, comme les Américains, nous ayons à déménager pour pouvoir changer d'opérateur !
Autre mission pour le commissariat : la gestion du spectre. Le basculement vers le numérique libérera des fréquences intéressantes parce que de longue portée et de forte pénétration dans les bâtiments. Ces fréquences sont donc très convoitées, mais la loi a prévu une méthode sage pour leur répartition. Ce dividende numérique, pour l'obtenir, il faudra... le financer. Les Anglais ont deux ans d'avance sur nous, qui ont consacré 300 millions d'euros à la migration. Nous avons seulement un GIE pour le réaménagement des fréquences, mais à raison de 3 euros par foyer, il nous faudrait déjà débloquer 180 millions d'euros, non budgétés. L'objectif cible, que nous avons voté, est une couverture de la population à 95 %. Cela exige 1 800 sites et le CSA a aujourd'hui des capacités beaucoup plus faibles.
Les fréquences libérées appartiennent au domaine public, elles sont propriété de la nation. Leur répartition devra se faire selon l'intérêt général. (M. Valade approuve) Il y a là un gisement d'emplois... Il faut aussi profiter de l'occasion pour réduire la fracture numérique et tenir la promesse de l'internet pour tous. On sait du reste ce que les collectivités devront faire si le fossé s'élargit à nouveau.
Les fréquences radio sont complémentaires du réseau filaire et le développement du haut débit sera forcément multimodal : fibre, câblo-opérateurs, fréquences, etc. Il convient de dépasser le débat traditionnel ! Dés la fin de l'année, la moitié de la population française regardera la télévision sur une autre plateforme que l'hertzienne et les nouveaux réseaux transporteront des contenus audiovisuels. La loi prévoit du reste que la majorité des fréquences sera affectée à l'audiovisuel.
Dans quelques jours s'ouvrira la conférence mondiale sur l'audiovisuel à Genève. Le négociateur français doit avoir mandat pour s'entendre avec nos partenaires européens, et la France doit anticiper, en ouvrant le débat. Quant à la révision du cadre européen, le projet de directive sera bouclé dans quelques semaines : j'espère que, là encore, notre pays s'est préparé. (M. le ministre le confirme) Dans quelques mois, la France assumera la présidence de l'Union européenne, ce sera l'occasion de donner une impulsion à l'Europe numérique.
Il y a aussi les questions du téléchargement illégal, la dialectique entre réseaux et contenu, la télévision portable qui exige une coopération entre télévision et télécoms -les réseaux doivent être ouverts mais il faut encore que les contenus circulent de façon fluide.
Ces enjeux transversaux appellent une volonté politique forte. Créons en France l'environnement le meilleur au niveau mondial pour le numérique. (Applaudissements sur le banc de la commission)
M. Serge Lagauche. - J'évoquerai la gestion et la régulation du spectre hertzien dans ses implications culturelles, aussi importantes que les enjeux économiques et industriels.
Lors du passage à la télévision numérique pour tous en 2011, des fréquences vont être libérées, ces fréquences dites « en or » et très convoitées. Encore faut-il qu'elles aient une réalité concrète, autrement dit, que le Gouvernement se donne les moyens de respecter son ambitieux calendrier de basculement...
Outre la défense nationale, le très haut débit fixe, le très haut débit mobile, la télévision mobile personnelle et la télévision en haute définition sont tous candidats naturels au dividende numérique. S'y ajoute un impératif d'aménagement du territoire, de service universel, auquel notre Assemblée est particulièrement sensible.
Le spectre hertzien est un bien commun, une ressource publique, immatérielle et rare. Or le gouvernement précédent l'a déjà préempté, par l'octroi des chaînes bonus, cédant à quelques lobbies pour offrir son soutien à des positions dominantes.
La loi du 5 mars 2007 a organisé juridiquement le développement de la télévision mobile personnelle et de la télévision haute définition. L'appel à candidature pour le multiplexe R5 de la TNT est en cours et porte sur la diffusion de deux services de télévision, une troisième place étant à diffusion d'une chaîne publique.
M. Retailleau demande s'il est préférable de promouvoir l'accès de tous au haut débit ou de généraliser la diffusion de la TNT en haute définition, ce qui absorberait voire excéderait le dividende numérique. Question doublement injustifiée. D'abord, le mouvement de la TVHD est déjà en marche. Ensuite, selon TDF, une utilisation optimisée des fréquences répondrait aux besoins tout en libérant une partie de la bande UHP pour d'autres services.
On pourrait aussi envisager que les opérateurs de téléphonie mobile s'engagent, avec l'ARCEP, dans une étude des possibilités de réaménagement de leurs propres bandes de fréquences. Comme le CSA, et comme visiblement nos opérateurs privés de télévision qui ont joué la surenchère dans les promesses devant le CSA, nous considérons que la haute définition est le format d'avenir de la télévision. Le président du CSA a pu dire que « dans quelques années peut-être, un programme en simple définition nous semblera aussi obsolète que peut l'être aujourd'hui un programme en noir et blanc. La haute définition [...] entraîne des bouleversements dans toute la chaîne de production, des mutations qui doivent s'accompagner d'une réflexion sur la création audiovisuelle, afin que toutes les potentialités [...] soient explorées. »
Ce qui est également en jeu dans cette question, que M. Retailleau aborde sous un angle strictement économique et industriel, c'est le maintien de la création, du pluralisme et de la diversité culturelle, dans un contexte de mutation technologique accélérée. On assiste à une forte concentration des médias et à un regroupement des activités informatique, télévisuelle et de téléphonie. Dans ce nouveau contexte, quid de la régulation ? De la gestion du spectre hertzien ? Quelles seront les missions du CSA face aux nouvelles pratiques ?
Deux logiques s'affrontent. Une, libérale, privilégie le mode de régulation â l'oeuvre dans les télécoms avec l'ARCEP, dans un cadre de libre concurrence, indifférente aux contenus. L'autre, culturelle, se soucie de la diversité culturelle et souhaite le maintien, par une instance ad hoc, d'un mode de planification qui garantisse une réelle diversité de l'offre. Pour cela, le CSA doit avoir les moyens effectifs de mener une politique globale, dans tout le secteur audiovisuel, quel que soit le support de diffusion. Ce secteur a déjà avalé nombre de couleuvres et la régulation a reculé au nom de la convergence. Le simple régime déclaratif s'applique désormais à tout ce qui n'est pas fréquence hertzienne. Même si les fréquences sont démultipliées par l'arrivée du numérique, le hertzien reste une ressource rare et limitée. Il serait incohérent de livrer la planification de l'audiovisuel à une instance autre que celle en charge de la régulation de ce secteur.
Contrairement à ce que préconise M. Retailleau, le CSA ne doit pas être marginalisé dans la gestion d'un spectre hertzien qui serait attribué par une autre instance. La capacité de planification du CSA fait partie intégrante de son pouvoir de régulation. Aucune évolution technologique ne saurait démolir un édifice juridique réglementant la liberté d'expression et son application au droit de l'audiovisuel contemporain, le pluralisme et la défense de l'exception culturelle. Voilà pourquoi nous avions proposé, lors de l'examen du projet de loi télévision du futur, que, pour la télévision mobile personnelle, les appels d'offres prennent en compte le contenu des programmes, et pas seulement des obligations de couverture. Depuis la loi de juillet 2004, les gouvernements successifs visent tous une dérégulation maximum de notre secteur audiovisuel, Servir l'intérêt des grands groupes avant celui du téléspectateur, mettre à mal les règles anti-concentration, marginaliser le service public, telle a été leur politique audiovisuelle, alors que le seul objectif devrait être d'adapter le secteur de la communication aux évolutions technologiques tout en assurant l'avenir de nos industries de programmes, le pluralisme et la promotion de notre identité culturelle, dans une interprétation stricte des deux principes fondamentaux contenus dans les directives européennes de « service universel » et « neutralité des supports », appliqués à l'audiovisuel.
Ce gouvernement entend aller encore plus loin dans cette dérégulation, à la grande satisfaction des grands groupes. Mme Albanel vient d'annoncer une grande loi globale qui met en danger notre droit de la communication audiovisuelle et ses principes fondateurs. Toujours plus de concentration et moins de pluralisme, toujours plus de recettes publicitaires pour TF1 et sabordage des moyens du service public. Nous ne le répéterons jamais assez : si nous sommes tant attachés à la régulation, c'est pour garantir un fonctionnement des médias audiovisuels français concurrentiel, pluraliste et respectueux du téléspectateur.
M. Jacques Valade. - En début de semaine, au MIPCOM de Cannes, Mme Albanel, ministre de la culture et de la communication, a présenté la mise en chantier de la réforme de l'audiovisuel français, avec la perspective d'un projet de « loi globale » susceptible de remplacer la loi de 1986 et de revenir sur les décrets de 2001 de Mme Tasca. Dans le même temps, le devenir de l'audiovisuel extérieur français fait l'objet de réflexions stratégiques au sommet de l'État, susceptibles de déboucher sur une meilleure définition des tâches de chacun, dont la presse se fait aujourd'hui l'écho. C'est dire combien la question de M. Retailleau est pertinente.
L'évolution très rapide des technologies, leur utilisation au niveau du grand public, la convergence entre l'audiovisuel et les télécommunications, le rapprochement du contenu et des réseaux et l'utilisation de bandes de fréquences hertziennes identiques pour différents usages, processus sur lesquels la commission des affaires culturelles travaille, tant directement que par l'intermédiaire du groupe de travail « Médias, nouvelles technologies et société », présidé par Louis de Broissia, appellent en effet à s'interroger à la fois sur les modalités actuelles de gestion de la ressource hertzienne et sur l'utilisation future du dividende numérique. L'excellent travail de M. Retailleau vient à point, qui doit nous inciter à mettre de l'ordre dans les structures existantes. Le passage au numérique nous donne une occasion exceptionnelle qui n'est pas prête de se reproduire. Il nous faut donc une gouvernance lucide et efficace du paysage numérique français.
Je concentrerai mon propos sur l'avenir et sur le réinvestissement, l'utilisation de ce dividende, sujet politique et industriel essentiel. L'hiver dernier, à l'occasion de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, nous avions réussi, en dépit de l'antagonisme entre les commissions des affaires culturelles et des affaires économiques, saisie pour avis, à définir une position commune sur l'attribution de ces « fréquences en or » qui suscitent tant de convoitises.
Cette position repose sur deux principes et deux garde-fous.
Pour une ressource rare faisant partie du domaine de l'État, nous avons décidé qu'il appartiendrait au Premier ministre de réaffecter ces fréquences libérées aux administrations, au CSA ou à l'ARCEP. S'agissant de fréquences libérées par des services audiovisuels, et plus précisément des chaînes de télévisions hertziennes gratuites qui utilisent cette ressource en contrepartie d'importantes obligations de diffusion et de production d'oeuvres françaises et européennes, nous avons estimé équitable de garantir à ces services la plus grande part des fréquences libérées.
Le premier garde-fou répond en partie à la demande de pilotage politique et technique exprimée par M. Retailleau, avec un schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique, élaboré par le Premier ministre. Le second est constitué par une « commission du dividende numérique » comprenant quatre députés et quatre sénateurs, qui est appelée à se prononcer sur le projet de schéma national de réutilisation des fréquences libérées et peut faire connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur le sujet.
Nos deux commissions ont d'ores et déjà désigné les quatre membres appelés à représenter le Sénat au sein de cette commission. Il appartient à l'Assemblée nationale de faire de même dans les meilleurs délais afin que cette nouvelle instance puisse se saisir des sujets d'actualité susceptibles d'influer sur l'affectation future du dividende. Je pense par exemple au mandat qui pourrait être donné à la délégation française conduite par l'Agence nationale des fréquences dans le cadre de la conférence mondiale des radiocommunications qui se déroulera à Genève à partir du 16 octobre. Ce mandat concerne plus particulièrement l'éventuelle identification d'une sous-bande de fréquences UHF destinée aux services innovants de téléphonie mobile.
Alors que les besoins en fréquences des services audiovisuels fixés dans la loi Télévision du futur de 2007 sont très importants, la commission des affaires culturelles restera particulièrement attentive aux signes envoyés aux opérateurs des différents secteurs, qui vont avoir à faire face à des modifications très profondes.
A moyen terme, la bande UHF est appelée à permettre le déploiement et la diffusion, dans des conditions optimales, des services de la TNT dans les zones les moins densément peuplées ; des services de la télévision mobile personnelle (TMP) ; des services télévisés gratuits diffusés en haute définition ; des services de radio numérique.
Je ne suis pas opposé, par principe, monsieur le ministre, à voir définie cette fameuse sous bande hertzienne dans le cadre des négociations internationales. Chacun sait que les décisions de l'UIT n'obligent pas les pays membres à mettre en oeuvre immédiatement le service correspondant à la bande de fréquences identifiée. (M. Retailleau le confirme) Il ne s'agit que d'un cadre réglementaire. Mais de nombreux éléments manquent aujourd'hui pour arrêter la taille et les caractéristiques techniques d'une éventuelle sous-bande : les résultats de la consultation de l'ARCEP qui s'est achevée le 26 septembre, des travaux de la commission consultative des radiocommunications ; de l'étude conjointe CSA/ANFR, sur l'impact sur les réseaux cibles de la TNT. Doit être également pris en compte l'impact sur les systèmes Félin de la Défense, estimé à près de 100 millions.
Seuls le Royaume-Uni, la Finlande et la Suède soutiennent l'identification immédiate de cette sous-bande. Comme la grande majorité de nos partenaires, nous devrions adopter une approche pragmatique et réfléchir sereinement sur l'utilisation éventuelle de la bande UHF pour des services innovants de téléphonie mobile, en vue d'inscrire, le cas échéant, ce point à l'ordre du jour de la conférence mondiale des radiocommunications de 2011.
Quelle que soit l'issue des négociations, il me paraît indispensable de préserver l'ensemble des possibles concernant l'utilisation de cette sous-bande à l'issue de la Conférence mondiale des radiocommunications de 2007. (M. Retailleau approuve) La définition de cette sous-bande, qui doit pouvoir, à terme, « être utilisée tant par l'audiovisuel que par les services de télécommunication mobiles », ne doit pas nous lier les mains. L'évolution actuelle très rapide des technologies doit nous inciter à une approche très réaliste de l'avenir.
Il est indispensable de garantir le développement de l'ensemble des services audiovisuels prévus par la loi. Pour éviter de créer une nouvelle fracture audiovisuelle, nous aurons probablement besoin de canaux dans la sous-bande pour diffuser la TNT dans certaines régions frontalières, comme c'est le cas aujourd'hui en Alsace ou en Savoie, et de nouveaux canaux devront être utilisés pour garantir à tous l'accès aux nouveaux services.
Gardons-nous d'opposer deux secteurs quant il s'agit d'optimiser l'usage d'une ressource rare qui assure la gratuité et l'égalité de l'accès aux services concernés. Laissons d'abord le temps au CSA d'approfondir sa planification sur le basculement vers le numérique et le déploiement des nouveaux services. S'il apparaît que l'on doive déplacer le curseur entre fréquences audiovisuelles et fréquences de télécommunications, alors, dans l'intérêt de tous, et dans le cadre de la commission du dividende numérique, nous le ferons. Cela me semble préférable à trop d'anticipation dans l'affectation des fréquences.
M. Jack Ralite. - Le contexte de cet important débat, dont je regrette cependant qu'il ne soit pas suivi d'un vote, doit nous faire réfléchir. Le rapport Levy-Jouyet sur l'économie de l'immatériel, qui consacre une large place à la question du dividende numérique, notant qu'il constitue une « opportunité historique à saisir pour soutenir l'innovation », recommande de recourir, pour la privatisation des fréquences hertziennes, à la procédure de l'enchère. Est-ce légitime dès lors qu'il s'agit d'attribuer un droit d'accès aux ressources collectives ? Autre impératif, à en croire ses auteurs, prendre en compte la convergence entre le secteur des télécommunications et celui de l'audiovisuel, ainsi qu'entre contenu et diffusion, et « affecter mieux qu'aujourd'hui les fréquences en fonction de leur utilité économique » ! On sait que les conclusions de ce rapport sont déjà appliquées aux musées ; l'audiovisuel doit suivre.
Avant-hier, à l'ouverture du Midcom, Mme la ministre de la culture annonçait une « loi globale » à la fin du premier trimestre 2008 : hausse des volumes publicitaires, assouplissement des obligations de production et levée des seuils anticoncentration. « Tout est positif dans ce projet » concluait un courtier en bourse... L'action de TF1 a augmenté le même jour de 12,76 %, celle de M6 de 8,25 %, celle de Canal+ de 7,87 %. Mais, le groupe Alcatel Lucent en est à son troisième avertissement sur des objectifs financiers avec licenciements.
Le Président de la République, dans sa lettre de mission à sa ministre de la culture, demande que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant à l'attente du public, ajoutant que des synergies trop longtemps différées doivent être mises en oeuvre pour France Télévision, avec après expertise des modifications de structure.
Voilà qui dit assez combien l'esprit des affaires prétend en imposer aux affaires de l'esprit. Si l'on y ajoute la tâche, confiée par l'Élysée à la Garde des sceaux, d'alléger et surtout, de dépénaliser le droit des affaires, on comprend désormais la convergence entre le Medef et le Gouvernement en vient à inventer le réel, comme au temps où Robert Hersant déclarait fièrement : « J'ai une loi d'avance. » De fait, les lobbies sont de plus en plus entreprenants, de plus en plus influents. Orange, SFR, et Bouygues, n'ont-ils pas obtenu, avec la loi de 2006, le marché de la téléphonie mobile personnelle, qui représente 50 millions d'usagers, alors même qu'ils avaient été condamnés par le Conseil de la concurrence pour entente illégale ?
Je le redirai inlassablement, parce que le mélange entre technologie et économie est aujourd'hui victorieux, comme une utopie qui « aurait réussi », Jules Vernes dans le réel, alors que l'utopie sociale s'est effondrée. Il faut démystifier ce phénomène, rejeter cette causalité fatale, cette technique instrumentalisée comme un fatum. Il faut rendre à chacun ce que réclame chaque soir, sur la scène des Bouffes du Nord, un personnage de la pièce de Joël Sommeral : « Je veux mon avenir ! »
Quand je pense qu'il y a quelques années, dans un colloque au Sénat, Alain Madelin déclarait sans rire : « Les nouvelles technologies sont naturelles comme la gravitation universelle ? », transformant leurs inventeurs en êtres subsidiaires.
Notre débat est un débat de société. Il a une dimension éthique. Ne laissons pas sous-traiter nos imaginaires, nos intimités, par la combinaison de la fatalité technologique et de la financiarisation du monde. Je l'aurai dit à la ministre si elle était venue, comme elle aurait du le faire. Je vous le dis à vous, monsieur Retailleau : pensez fort à ces propos lorsque vous participerez aux assises de la convergence audiovisuelle, le 23 octobre, au Sénat.
Mon utopie à moi est celle de Vitez, de Vilar, de l'immense Diderot des Lumières, c'est une alliance à construire entre forces du travail et forces de la création artistique, scientifique, technologique.
Un bien public rare comme les fréquences hertziennes doit-il, pour répondre aux attentes de la Commission européenne, être privatisé et mis aux enchères pour favoriser le marché de la téléphonie mobile ? Je cite encore le rapport Levy-Jouyet : « Cette possibilité de rebattre régulièrement les cartes est une exigence économique pour que le développement de technologies innovantes et prometteuses ne soit pas compromis par une protection excessive des situations acquises. » L'échec retentissant de la mise sur le marché des licences UMTS en Europe a pourtant coûté 300 milliards, l'équivalent du coût d'un réseau haut débit européen.
Le rapport Jouyet-Levy rappelle tranquillement que « l'expérience de l'UMTS ne doit pas conclure à exclure le bien-fondé de la procédure d'enchère comme mode d'attribution du droit d'accès aux ressources collectives ». Une telle affirmation est très grave même si elle ne concerne que les États-Unis.
En outre, il ne faut pas oublier que les dix années écoulées ont connues bien d'autres déboires. Ainsi, France Télécom et Vivendi, du temps de Michel Bon et de Jean-Marie Messier, ont bien failli faire faillite en 2001 : leurs dettes cumulées se montaient alors à 110 milliards. Ces deux grands champions avaient connu un pic de leurs investissements entre 1995 et 2005 puis ils les ont réduits de 2,8 à 2,2 milliards tandis que la part du chiffre d'affaire consacrée à l'innovation passait de 3,7 à 1,7 %. Notre collègue Retailleau rappelle d'ailleurs ces chiffres. Ces champions n'ont dû leur salut qu'à la vente de leurs bijoux de famille malgré le développement du mobile. Sans doute vous rappelez-vous de mes nombreuses interventions sur Vivendi : à l'époque, la majorité les a toutes écartées et elle a notamment refusé la création d'une commission d'enquête, comme elle l'a d'ailleurs fait il y a deux jours pour EADS. A l'époque, vous souteniez ces deux champions et aujourd'hui, vous voila repartis pour faire de même !
Après ce tableau noir, voici quelques propositions avec, à l'esprit, une pensée de Camus dans l'Homme révolté : « Au bout de ces ténèbres, une lumière est pourtant inévitable que nous devinions déjà et dont nous avons seulement à lutter pour qu'elle soit ».
Il est proposé un commissariat au numérique rattaché au Premier ministre : il existe déjà 150 structures de ce type, il y en aura donc une cent-cinquante-et-unième ! Pour réformer l'État, on peut faire mieux ! En fait, cette structure n'aurait pour but que de donner un seul interlocuteur numérique aux lobbies des téléphones mobiles. Nous voulons garder les instruments existants tout en les démocratisant et nous ne sommes pas favorables à la fusion entre le CSA et l'ARCEP. Si elle peut apparaître justifiée, elle reviendrait pourtant à marginaliser les questions de contenu.
Comme je l'avais déjà proposé lors du débat sur la télévision du futur, nous demandons une charte numérique qui permette de définir les droits d'accès, la solidarité, l'éthique, la responsabilité et le projet éducatif du numérique. Cette charte ferait place aux créations originales en prenant en compte la diversité des outils disponibles. Des assises réuniraient public et privé, s'élargiraient au monde, et d'abord à l'Europe, afin de garantir toutes leurs places à une information pluraliste et critique ainsi qu'au mariage de la « belle numérique » et de la « bête fabuleuse » comme le disait André Breton au sujet de la création. C'est ainsi qu'on donnera sens au passage au numérique et que sera respectée la dignité de chacune et de chacun. Il faut une ambition qui dépasse la seule vision experte. Il faut infléchir le devenir technoscientifique, car il ne suffit pas, à lui seul, à faire un monde humanisé, producteur de civilisation.
Nous devons relancer l'investissement, notamment dans l'industrie culturelle, dans la création artistique et la recherche. J'ai bien dit industrie et non pas finances.
Les fréquences hertziennes doivent être considérées comme un bien public au sein d'un service public : elles ne peuvent donc être vendues, privatisées, mises aux enchères. Un bien public peut se louer mais, en aucun cas, se vendre !
Le discours idéologique sur l'économie de l'immatériel souligne l'importance de la connaissance et de la culture dans la société et l'économie mais vise à les standardiser en actifs comptables pour les soumettre à une financiarisation généralisée. Au nom du dogme managérial dont traite si bien Pierre Legendre, le capitalisme cognitif vise à vampiriser toute la sphère de l'esprit et de l'imaginaire dans le travail, l'entreprise et dans la vie quotidienne. Or il est possible de penser et d'opposer un processus alternatif qui s'appuie sur la publicisation, la démocratisation et l'humanisation comme l'avaient proposés les États généraux de la culture. Les productions de l'esprit, de la culture de l'éducation et la création sont des biens de l'humanité. Il conviendrait de réfléchir à de nouveaux services publics en définissant de nouveaux droits fondamentaux. L'article premier serait ainsi rédigé : « La protection du vivant, de l'environnement et des produits de l'esprit constitue un cercle sacré. Il s'agit d'un bien commun de l'humanité, non marchand et inviolable ». Ce bien commun mondial pourrait être défini comme une res publica planétaire. Je crois en une utopie concrète grâce à une nouvelle définition de la solidarité et de la mutualisation, bref, à une association universelle de l'humanité. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Hérisson. - Je m'exprime au nom de la commission des affaires économiques et de mon groupe. Tout d'abord, je me réjouis de l'inscription de ce débat qui fait suite aux propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur la régulation du numérique. Nous pouvons ainsi traiter d'un sujet dont l'importance pour notre économie est considérable.
« Faire de la France une grande nation numérique », c'est ainsi que concluait Nicolas Sarkozy, Président de la République nouvellement élu, dans une tribune publiée par le Journal du Net. Même si le numérique n'a pas été un sujet majeur de la campagne électorale, les grands axes voulus par le Président de la République sont aujourd'hui connus et c'est pourquoi ce débat est opportun. Le développement du numérique représente en effet entre un demi point et un point de croissance supplémentaire. Réhabiliter le travail, comme le veut Nicolas Sarkozy, sera d'autant plus significatif dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. La qualité de la couverture numérique de nos territoires est devenue aussi importante que celle du réseau routier ou de la desserte postale.
Rapporteur, avec Bruno Sido, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et de la loi du 10 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, je me suis impliqué dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, les TIC, et je suis avec intérêt les deux grands dossiers que sont la couverture de tout le territoire en téléphonie mobile et en Internet haut débit. C'est pourquoi j'approuve les conclusions du rapport d'information de mon collègue Retailleau.
M. Bruno Retailleau. - Merci !
M. Jacques Valade, président de la commission. - Rapport très intéressant !
M. Pierre Hérisson. - Dix ans après la création de l'ARCEP, le temps est venu de faire le bilan de cette autorité de régulation économique sectorielle et de dessiner ses perspectives d'évolution afin de renforcer les positions françaises dans ce secteur essentiel.
Il est en effet indispensable d'optimiser le potentiel économique du numérique. La question est d'actualité, à l'heure de la télévision mobile personnelle et de l'arrêt de la diffusion analogique des chaînes de télévision. La convergence du secteur des télécoms et de l'audiovisuel pose de nouveaux enjeux que le régulateur sectoriel ne pourra résoudre à lui seul. La fusion du CSA et de l'ARCEP est régulièrement évoquée mais notre rapporteur la récuse, ces deux autorités exerçant des métiers très différents. Il préconise plutôt la création d'un commissariat au numérique, pôle d'expertise et d'initiative, placé sous la tutelle du Premier ministre. Cette nouvelle structure permettrait de donner un pilotage politique aux services de l'État concernés par le numérique, mais éclatés entre ministères aux aspirations divergentes. Une coordination des forces permettrait de rattraper notre retard qui est d'autant plus regrettable que nous pourrions être en tête dans de nombreux secteurs de l'innovation : des ingénieurs de qualité, un tissu dense de PME innovantes, des positions de force dans certains secteurs comme la mobilité, la carte à puces, le logiciel libre, les logiciels embarqués, la simulation, le calcul à hautes performances. En outre, proportionnellement à notre PIB, nous investissons deux fois moins que les Américains dans les TIC. Si nous investissions autant que les leaders mondiaux, nous pourrions gagner un demi-point de croissance supplémentaire, et donc des milliers d'emplois.
Nous devons soutenir en priorité les PME puisque seules 50 % d'entre elles disposent d'un site web, contre 82 % en Allemagne et 77 % en Grande-Bretagne ou en Italie. Il est essentiel d'accroître la masse critique des entreprises innovantes, car sans innovation, pas de croissance. La politique du numérique et de l'innovation vont de pair et il faut davantage impliquer les collectivités territoriales, les entreprises, les centres de recherche, les universités, les régions et l'Europe.
La couverture numérique est un instrument essentiel d'aménagement du territoire car elle assure l'équité et la bonne répartition territoriale des infrastructures et des usages liés aux TIC. Les pouvoirs publics doivent donc saisir cette chance afin de soutenir la croissance et l'innovation.
A l'automne 2002, le Premier ministre M. Raffarin a pris la mesure de l'enjeu numérique et lancé le plan « Réseaux 2007 ». La vision claire qu'a de ce sujet majeur le Président de la République permet d'aborder l'étape suivante, qui sera déterminante. En s'impliquant davantage, l'État devra faire en sorte que le passage au tout-numérique ne laisse aucun territoire de côté ; il lui faudra anticiper les évolutions et fixer des règles claires d'usage des fréquences et lui-même réformer ses organes de régulation. Des millions de Français sont encore privés de la téléphonie mobile et de la TNT dans sa définition standard ; la fracture numérique n'a pas été réduite. La couverture du territoire doit être achevée.
Alors qu'une conférence mondiale des radiocommunications se tient en octobre à Genève, alors que le Gouvernement s'apprête -en tout cas nous l'espérons- à donner son mandat de négociation à l'Agence nationale des fréquences, la libération progressive des fréquences analogiques à partir de 2008 offre une opportunité stratégique pour l'aménagement numérique du territoire. Pour une grande partie des zones rurales, représentant 30 % de la population et 70 % du territoire, les technologies filaires, optiques, ou satellitaires ne permettent pas d'envisager une couverture haut débit au-delà de 512 kbit/s -ce qui est bien faible. De plus, les fréquences actuellement occupées par la téléphonie mobile de troisième génération sont si élevées qu'elles ne permettent pas d'envisager une couverture par les réseaux d'accès à Internet haut débit mobile.
Alors que les initiatives prises depuis cinq ans pour étendre l'ADSL et couvrir les zones blanches de la téléphonie mobile ont connu d'importants succès, une nouvelle fracture numérique risque d'apparaître entre les zones urbaines et les zones rurales. Pourtant, tous nos territoires ont besoin de débit et de mobilité ; ils ont soif de fréquences. La France numérique doit être aussi bien urbaine que rurale. C'est pourquoi l'Association des maires de France, dont je suis un des vice-présidents, a souhaité, le 27 septembre dernier, que la France s'engage activement dans les négociations européennes et internationales afin d'identifier une sous-bande de fréquences qui pourrait être affectée à la couverture du territoire par les réseaux fixes et mobiles d'accès à Internet haut-débit. A défaut, les discussions seraient durablement recentrées sur le seul usage audiovisuel, alors que la loi du 5 mars 2007 prévoit un choix ouvert ente les différents usages. Cette question est essentielle pour l'avenir économique de notre pays. (Applaudissements au banc des commissions)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Je veux vous dire ma satisfaction de ce riche débat et mes regrets de constater qu'il n'a pas l'audience qu'il mérite ...
M. Jean-François Le Grand. - La qualité est là !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Il est vrai qu'on pourrait faire la même remarque à propos d'autres débats et en d'autres lieux... Cela prouve qu'un effort de pédagogie est encore nécessaire pour faire comprendre les enjeux, qui sont aussi, comme l'a souligné M. Ralite, de société.
Je rends hommage à M. Retailleau, auteur de la question comme d'un rapport d'information remarqué.
Le sujet est complexe et passionnant, fondamental. Je peux vous assurer de la volonté du Gouvernement de prendre à bras le corps un dossier porteur d'enjeux socio-économiques aussi considérables. M. Retailleau l'a dit, le numérique est un domaine stratégique pour notre compétitivité, pour la réforme de l'administration, pour la croissance et l'emploi. Si les technologies numériques pèsent pour 25 % dans notre PIB, notre retard d'investissement -dans les équipements et les infrastructures, mais aussi dans les services- nous coûte un demi-point de croissance.
Le numérique est au coeur de la modernisation de l'action publique ; grâce à l'utilisation croissante des TIC, le défi pourra être relevé d'un État plus performant et moins coûteux. La France doit modérer sa dépense publique sans nuire à l'efficacité de ses services publics. (M. Retailleau approuve)
Le numérique concourt à l'aménagement du territoire. L'action publique ne doit pas être réservée à une partie seulement du territoire. Le plan de résorption des zones blanches lancé par le Premier ministre M. Raffarin en concertation avec les collectivités locales et les opérateurs a porté ses fruits. Grâce à un investissement de 170 millions d'euros -70 de l'État et 100 des opérateurs- 75 % des 3 000 communes identifiées en zone blanche ont été couvertes à mi-2007. Vous comprendrez que l'élu de Touraine que je suis est très attaché à ce que les efforts soient poursuivis.
S'agissant de la couverture en haut débit, le Gouvernement a mené une politique volontariste sur le dégroupage ; il a incité France Télécom à équiper tous ses répartiteurs de telle sorte que l'ADSL pénètre plus profondément le territoire ; il a favorisé le développement des technologies satellitaires et du courant porteur en ligne, octroyé les licences Wi max sous conditions de couverture de zones délaissées. Il a de même incité les collectivités à favoriser l'investissement des opérateurs sur leur territoire et demandé -officiellement...- (Sourires) à la Caisse des dépôts de les accompagner. L'objectif de quatre millions d'abonnés au très haut débit en 2012 n'est pas irréaliste. Il est heureux que France Télécom ait ouvert ses fourreaux à la location, ce qui permettra de diminuer le coût de déploiement de la fibre optique.
M. Bruno Retailleau. - C'est très positif.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Vous avez évoqué la création d'un Commissariat au numérique placé sous l'autorité du Premier ministre. Il est exact que de nombreux ministères interviennent dans ce domaine : économie et finances, culture, enseignement supérieur et recherche, budget...
Face à cette dispersion de l'action publique, l'idée d'un commissariat unique paraît donc séduisante d'autant que les questions en suspens sont diverses et d'importance -je pense notamment à celles de la TNT, du dividende numérique, du très haut débit avec le déploiement de la fibre jusque dans les logements ou encore de l'administration électronique.
Pour autant, une multiplicité de l'action publique reste inévitable, et même souhaitable. Ainsi, la direction générale de la modernisation de l'État a la charge de coordonner le développement de l'administration électronique. Mais que chaque ministère prenne des initiatives pour moderniser ses services et rapprocher l'État des entreprises et des citoyens est une bonne chose !
M. Bruno Retailleau. - Tout à fait !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ensuite, affirmer qu'il n'existe pas de pilotage politique en matière de numérique est exagéré : le Premier ministre assure la cohérence de l'action publique à travers le comité interministériel pour la société de l'information. La question du dividende numérique le montre bien : les arbitrages ont tous été rendus en temps utile. (M. Bruno Retailleau, auteur de la question, M. Jacques Valade et M. Pierre Hérisson approuvent)
A ce propos, je suis d'ailleurs heureux de vous annoncer que le Premier ministre a décidé ce matin la position que défendra la France, représentée par l'Agence nationale des fréquences, lors de la prochaine conférence mondiale des radiocommunications : la bande UHF sera attribuée au service de radiodiffusion, et pour une petite partie au niveau international au service mobile. (Même mouvement) Autrement dit, le débat sur la répartition du dividende numérique et l'affection des fréquences libérées reste ouvert. (Même mouvement) Le Parlement y sera étroitement associé avec la mise en place d'une commission parlementaire du dividende numérique, composée de quatre sénateurs et de quatre députés.
M. Jacques Valade et M. Bruno Retailleau. - Nous avons déjà désigné nos représentants !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Je vous en félicite ! Le train des sénateurs est particulièrement véloce...
M. Bruno Retailleau. - Plus que celui des députés !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Pour ma part, je souhaite que ce débat soit l'occasion d'une réflexion approfondie sur la manière d'utiliser au mieux cette ressource rare.
Pourquoi ne pas autoriser les services de téléphonie mobile à utiliser la bande UHF seulement en 2011 ? Parce nous manquerions l'occasion de libérer une partie de la bande UHF lors du réaménagement des fréquences en 2011, prévu par le plan de Genève de 2006. Les industriels européens en seraient pénalisés, puisque leurs concurrents auraient eu le temps de rentabiliser leurs investissements sur leurs marchés domestiques.
La question n'est pas de trancher entre des ministres ou des autorités indépendantes, mais entre différents usages également légitimes.
M. Jacques Valade. - Très juste !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Cet arbitrage, qu'un commissariat unique existe ou non, sera rendu par le Premier ministre. Par ailleurs, une structure ad hoc a déjà été créée pour mener le travail d'instruction : le comité stratégique pour le numérique. Notons d'ailleurs que notre organisation n'a pas freiné le lancement de la télévision mobile personnelle. Après avoir réuni les acteurs concernés, j'ai récemment signé l'arrêté qui fixe les normes de diffusion de la télévision mobile, ce qui permettra au CSA de lancer un appel à candidatures avant la fin du mois. (On s'en félicite à droite) Dès 2008, nous pourrons suivre les exploits des équipes françaises sur nos téléphones mobiles !
A ce propos, je me réjouis que Viviane Reding, commissaire européenne aux télécommunications, souhaite accélérer le mouvement en matière de politique numérique. Nous devrons effectivement harmoniser sous peu les réglementations européennes. Nous veillerons à ce que cela ne soit pas l'occasion d'instituer un « super régulateur européen ». (On approuve à droite)
La dispersion de l'action publique ne nuit pas à l'efficacité.
M. Bruno Retailleau. - Ah ! Le travers gaulois...
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nos performances le prouvent en matière de haut débit et de très haut débit -nous sommes parmi les premiers au niveau européen- et d'administration électronique, avec notamment le succès de la télédéclaration d'impôt. Certes, des progrès restent à faire en matière d'investissement des entreprises dans les technologies de l'information et d'équipement des ménages en informatique. Un commissariat unique permettra-t-il de mieux relever ces défis ? Cela n'est pas certain d'autant que sa création, si elle ne s'accompagne pas de la suppression des organismes existants, conduira une complexité accrue...
M. Bruno Retailleau. - Je propose de supprimer une dizaine d'organismes !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Malheureusement, les tentatives de création de guichet unique se soldent pour la plupart par un empilement des structures.
M. Bruno Retailleau. - Espérons que ce ne sera pas le cas pour l'ANPE et l'Assédic !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nous verrons bien...
De plus, en créant un commissariat unique, nous prendrions le risque de casser les synergies existantes, matérialisées par la création du service des technologies et de la société de l'information au sein de la direction générale des entreprises en 1998, entre développement de l'administration électronique et réforme de l'État, action de réglementation et de régulation des marchés et soutien à la recherche et au développement.
En conclusion, la question de notre organisation en matière de politique numérique méritait d'être posée et je remercie M. Retailleau de l'avoir fait. Mais il faut rester prudent car le débat sur le numérique est fondamental pour notre économie et notre société, fondamental parce qu'il s'agit de relever le défi de la mondialisation.
Et ce défi, nous le surmonterons si nous utilisons pleinement les potentialités que nous offrent les nouvelles technologies de la communication. Tout le monde constate l'atonie de la croissance française -et monsieur Ralite, il ne s'agit pas là que de chiffres, ce sont des emplois, des revenus, du pouvoir d'achat qui sont en jeu. Le Gouvernement et sa majorité ont donc décidé d'aller résolument vers l'avenir que nous ouvrent ces technologies. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Nous en avons terminé avec ce débat, intéressant, bien que parfois très technique.
Le débat est clos.
La séance est suspendue à 11h 15.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance reprend à 15 heures.