Eloge funèbre de Jacques Baudot
(Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
M. le président. - C'est avec beaucoup d'émotion et de tristesse que nous avons appris la mort, le 21 juin dernier, de notre collègue Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle.
Après un long et douloureux combat contre un mal implacable, Jacques Baudot a rendu son dernier souffle avec le courage et la sérénité que nous lui connaissions. Depuis la suspension de nos travaux, en février, il eut à subir les derniers tourments d'une maladie devenue implacable, qui l'a terrassé.
C'est à Nancy en 1936 que Jacques Baudot vit le jour. C'est dans cette cité, à laquelle il s'identifiera toute sa vie, qu'il fit ses études primaires, secondaires puis universitaires. Docteur en chirurgie dentaire, diplômé de la Faculté de médecine de Nancy, il complète sa formation par un doctorat de 3ème cycle en sciences odontologiques. C'est dans la cité des Ducs de Lorraine qu'il exerce, durant plus de trente années, son activité professionnelle.
Praticien habile et estimé, il avait une connaissance intime de Nancy, de ses quartiers, mais surtout de ses habitants. Sa notoriété était grande, mais elle n'avait rien de tapageuse. Elle s'est forgée au fil des années au cours desquelles, attentif à chacun, Jacques Baudot prodiguait avec élégance et délicatesse les soins de son art, tout en étant à l'écoute de ses patients dont il avait ainsi acquis une connaissance intime.
« Le caractère, c'est la destinée ». Cet aphorisme, Jacques Baudot l'a plus que personne illustré. Affable, ouvert aux autres, consensuel, dévoué, maniant l'humour comme pour mieux savoir prendre du recul, le regard pénétrant, tous ces traits, qui caractérisaient Jacques Baudot, allaient enrichir sa réputation professionnelle et personnelle.
Une telle personnalité ne pouvait passer inaperçue des édiles nancéens. C'est ainsi, tout naturellement, que notre ancien collègue Marcel Martin allait le pressentir pour accéder au conseil municipal de sa ville natale lors des élections de 1971. La personnalité de Jacques Baudot y fit aussitôt merveille. Il s'impliqua de plus en plus dans la vie de sa cité, tout en maintenant sa pratique professionnelle, qu'il jugeait consubstantielle à son équilibre.
En 1979, il fut élu, pour la première fois, conseiller général du canton de Nancy Sud. Il allait constamment être renouvelé dans ce mandat jusqu'en 2004, date à laquelle il renonça à se représenter. De 1988 à 1998, Jacques Baudot allait présider l'assemblée départementale, y apportant toute la richesse de son tempérament, la force de ses engagements, mais veillant constamment à trouver des solutions consensuelles pour le plus grand bénéfice de son département. Il élargit son horizon électoral à la région de Lorraine quand, en 1986, il fut élu au conseil régional. Il en fut vice-président de 1988 à 1992. Il quitta à regret ce mandat pour faire, en 1992, son entrée au Sénat.
Fort de l'expérience acquise durant vingt-deux ans, au conseil municipal, au conseil général puis au conseil régional, Jacques Baudot nous fit bénéficier, durant quinze ans, d'une présence et d'un travail assidus. Dans l'exercice de son mandat national, il allait notamment manifester son intérêt pour les questions touchant à la Défense et plus particulièrement au monde combattant.
Membre de la commission des affaires économiques, puis de la commission des finances, il allait se révéler un rapporteur spécial du budget des anciens combattants et victimes de guerre particulièrement éclairé et actif. L'Officier de réserve s'était complètement et personnellement impliqué dans ces questions qui lui tenaient à coeur.
Au cours de ses interventions dans cet hémicycle, il allait inlassablement plaider pour l'amélioration de la condition des anciens combattants de toutes les guerres. Il vit avec joie l'attribution de la Légion d'Honneur aux derniers survivants de la Grande guerre, l'amélioration des retraites, la « décristallisation » des pensions pour les vétérans des anciennes colonies, pour ne citer que quelques unes de ses interventions. Jusqu'à son dernier souffle, il oeuvra pour que notre pays accorde une juste indemnisation aux incorporés de force, les « malgré nous ». En septembre 2006, en dépit d'un état de santé déclinant, il se rendit en Algérie pour visiter les nécropoles militaires françaises et faire un rapport remarqué et émouvant sur l'état d'abandon de nombre d'entre elles. Avec Jacques Baudot, le monde combattant a perdu un avocat compétent, fidèle et zélé.
Mais Jacques Baudot n'était pas l'homme à s'en tenir à un seul pôle d'intérêt. Tout au long de son mandat sénatorial, il déposera nombre de propositions de loi qui témoignent par elles-mêmes de l'étendue de ses préoccupations. Qu'il s'agisse du mode d'élection des sénateurs, des transports -dont le TGV Est, pour lequel il s'est fortement impliqué- des questions concernant les collectivités locales bien sûr, mais aussi le droit des personnes -notamment l'institution du mariage, à laquelle il vouait un très fort attachement-, ou encore la défense des enfants, lui qui avait relancé, avec le Président Valéry Giscard d'Estaing, l'association Allo Enfance Maltraitée, aux destinées de laquelle il présida de 1994 à 1998.
Homme du centre, Jacques Baudot appartint au MRP puis au Centre démocrate et à l'UDF. Il avait rejoint l'UMP lors de sa création. Mais, en 2005, lors de la campagne sur le traité constitutionnel, à l'adoption duquel il s'était farouchement opposé, il rejoignait le mouvement « Debout la République » dont il devint l'un des animateurs aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan. Cet homme aux fortes convictions européennes assumait avec force ce qui pouvait passer, aux yeux de certains, pour paradoxal. L'estime de ses pairs n'en fut pas affectée pour autant, ni celle de ses compatriotes.
La foule émue et recueillie rassemblée dans l'église Saint-Joseph de Nancy -au coeur de ce beau quartier qu'il chérissait tant- a montré la force et l'intensité des liens qui l'unissaient au peuple de Lorraine. L'homme qui avait été à l'origine de tant de fêtes, de tant de manifestations joyeuses, en sa qualité de président du comité des fêtes de la ville et du comité des foires et salons internationaux de Nancy, rassemblait pour la première fois autour de lui un cortège attristé : ses concitoyens honoraient la mémoire d'un homme généreux, soucieux du bien commun, attentif aux détresses humaines, mais qui savait aussi être un meneur d'hommes et, sur bien des questions, un visionnaire.
J'eus l'honneur d'exprimer devant sa dépouille mortelle l'émotion du Sénat et de son Président, mais aussi de l'ami et du voisin. En effet, il aimait venir dans les Vosges pratiquer la pêche et ou se promener en forêt. Peut-être y trouvait-il des lieux propices à la réflexion, dans un cadre pastoral préservé. Sans doute y puisait-il des instants de détente et aussi de plénitude. Car cet homme de la ville, qui était aussi un amoureux de la nature et des animaux, aimait à se ressourcer au bord d'un ruisseau ou le long d'un sentier. Ainsi fut Jacques Baudot.
A ses collègues du groupe de l'UMP, j'exprime ma très vive sympathie. Aux membres de la commission des finances, qui perdent en lui un rapporteur spécial distingué, j'adresse mes plus sincères condoléances. A sa famille, à son épouse, à son fils et à ses deux filles, à ses proches frappés par la douleur d'une séparation prématurée, j'exprime la compassion du Sénat tout entier. Qu'ils soient assurés que le Palais du Luxembourg gardera longtemps la mémoire de Jacques Baudot.
Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Le gouvernement tient à s'associer à l'hommage que le Sénat rend aujourd'hui à Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle. En le frappant, la mort a emporté un homme dont la carrière particulièrement riche dit mieux qu'aucun discours l'esprit de service qui l'animait.
Dentiste de profession, Jacques Baudot s'est très vite engagé en politique, devenant à 34 ans conseiller municipal de Nancy. Doté d'une considérable énergie, il continuera à exercer sa profession en parallèle de ses activités politiques, alors même qu'il devient conseiller général de Nancy-Sud, vice-président du conseil régional puis, à partir de 1988, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Ce n'est qu'en 1992, quand il est élu sénateur de Meurthe-et-Moselle, que Jacques Baudot se consacre à plein temps à ses mandats, sans d'ailleurs qu'à aucun moment la poursuite de son activité professionnelle ait pu donner l'impression qu'il négligeait ses devoirs d'élu.
Dés le début de sa carrière en politique, Jacques Baudot fera preuve d'un engagement inlassable au service de ses concitoyens. Il ne se ménageait pas quand il s'agissait de se battre pour sa chère ville de Nancy et le département de Meurthe-et-Moselle qu'il connaissait mieux que personne. En plus de trente années de vie publique, il avait acquis une connaissance intime de cette terre qui venait s'ajouter à la profonde affection qu'en tant qu'enfant du pays, il lui portait naturellement. De nombreux témoignages prouvent que cette affection d'un élu pour ses concitoyens était réciproque.
Ceux qui, comme moi, ont connu le sénateur Baudot se souviennent d'un homme toujours élégant et plein d'humour, au regard franc et chaleureux. Chacun savait en l'entendant qu'il parlait avec son coeur, préférant toujours la vérité de sa pensée aux calculs.
Tout élu a l'ambition et la vocation d'améliorer le monde dans lequel il vit. Plus qu'aucun autre, le sénateur Baudot aura été un humaniste engagé dans cette lutte au service des autres. C'est dans cet esprit qu'il a relancé et développé l'association Allô Enfance Maltraitée dont il assura la direction entre 1994 et 1998, qu'il a lutté pour la protection du monde rural ou encore qu'il a plaidé pour que l'on remédie à l'état de déréliction des cimetières français d'Algérie.
Conservant toujours une attention toute particulière pour sa région, Jacques Baudot ne manquera jamais une occasion de soutenir la Lorraine et d'en développer les activités. Elu local conscient que le dynamisme économique d'un territoire est la clé de bien des problèmes, il s'employa avec talent à promouvoir la Foire de Nancy, et la transforma en une manifestation commerciale de tout premier plan.
Jacques Baudot était aussi un homme de conviction qui n'hésitait pas à s'opposer lorsque ses valeurs paraissaient menacées. Sans dogmatisme, mais avec fermeté, il savait alors entrer dans un dialogue franc et débattre avec ses adversaires : divers réunions de groupe me reviennent en mémoire. Avec sa disparition, le Sénat perd une de ses plus remarquables figures et l'État un de ses plus dignes serviteurs.
À sa famille, son épouse, à ses enfants, à ses collègues de la commission des finances, à ses collègues du groupe UMP et à tous ses amis du Sénat, j'exprime, au nom du gouvernement, nos condoléances très sincères.
En signe de deuil, la séance est suspendue à 16 h 55.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 17h 15.