Ratification de l'ordonnance relative au code du travail
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).
Discussion générale
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - (Applaudissements à droite et au centre) S'il est un code qui touche la vie de millions de Français, c'est celui qui régit les relations entre employeurs et salariés.
M. Jean-Pierre Michel. - On ne vous le fait pas dire !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Plus encore que les autres, le code du travail doit pouvoir être compris de tous. Cet objectif d'accessibilité était-il atteint ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. - En effet ! (Sourires) Depuis la dernière opération de codification du droit du travail de 1973, le code a été modifié à de très nombreuses reprises. L'empilement des articles rendaient sa lecture difficile. Pour remédier à cette situation, une nouvelle opération de codification du droit du travail a été lancée en février 2005.
Celle-ci s'inscrit dans le cadre du mouvement de codification à droit constant initié en 1989, qui a permis de refondre une quinzaine de codes, dont le code rural, le code de la santé publique ou encore le code de l'action sociale et des familles. Comme tout processus de codification, celui-ci s'est déroulé sous le contrôle de la Commission supérieure de codification, puis a débouché sur l'ordonnance du 12 mars 2007,...
M. Guy Fischer. - C'est vite dit !
M. Xavier Bertrand, ministre. - ...aujourd'hui soumise à votre approbation.
Mais parce que le code du travail n'est pas un code comme les autres, cette opération a été conduite selon des modalités particulières. Pour l'occasion, on a créé une commission ad hoc réunissant les partenaires sociaux, dont la composition s'inspirait directement de celle de la Commission nationale de la négociation collective (M. Fischer le conteste.) Je salue d'ailleurs la très forte implication et la qualité des contributions de cette commission qui s'est réunie à quatorze reprises et a suggéré de nombreuses améliorations que nous avons retenues. Nous achèverons la codification de la partie réglementaire dans le même souci de concertation. Par ailleurs, un comité d'experts, composé de membres de la Cour de cassation, d'un avocat, d'un universitaire et d'un directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, a pu faire valoir son point de vue.
Bref, toutes les garanties ont été apportées afin que les travaux se déroulent dans les meilleures conditions, ce dont s'est réjouie la Commission supérieure de codification dans son dernier rapport annuel.
Enfin, je salue le travail accompli par la commission des affaires sociales et son rapporteur (On approuve à droite.). Le gouvernement soutiendra la plupart des amendements proposés par la commission.
M. Guy Fischer. - Logique ! Ce sont des amendements du gouvernement, et non de la commission ! (M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, le nie)
M. Xavier Bertrand, ministre. - Le processus de codification, encadré par l'article 57 de la loi du 30 décembre 2006, avait pour but de moderniser le code du travail dans le respect du droit constant -j'insisterai sur ce point.
Nous nous sommes attachés à améliorer la rédaction des articles en nous plaçant du point de vue de l'usager du code afin de répondre aux difficultés concrètes.
Dans le souci d'aérer la présentation, nous avons retenu une numérotation à quatre chiffres, comme c'est désormais le propre de tout code de plus de 2 000 articles - celui-ci en comptera plus de 3 600. Cette numérotation permettra également d'introduire sans difficulté de nouvelles dispositions en cas de besoin.
Nous avons retenu le principe d'une idée par article. Les articles-fleuves, qui comportent parfois une quinzaine d'alinéas, comme celui sur le compte épargne-temps, étaient d'une lecture très compliquée -c'est un euphémisme !- et entraînaient d'inévitables erreurs. C'en est fini de cette complexité grâce à ce nouveau code, qui contiendra plus d'articles, mais des articles plus courts et plus compréhensibles.
Les huit parties du code constituent maintenant des blocs aux contenus explicites. Par exemple, la partie VII vise les professions particulières, et notamment les journalistes dont le métier est soumis à des règles spécifiques et anciennes. Pour tenir compte des remarques formulées par leurs représentants, je proposerai d'ailleurs un amendement. (M. Godefroy se gausse)
M. Jean-Pierre Michel. - Cette sollicitude du gouvernement envers les journalistes est bien récente !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Au sein de chaque partie, des thèmes essentiels ont fait l'objet de réaménagements significatifs. Les nouvelles subdivisions relatives à la négociation collective obligatoire permettront à l'employeur et au délégué syndical d'une PME d'identifier plus rapidement les domaines sur lesquels doit porter la négociation, ainsi que la périodicité et le contenu de celle-ci.
Des textes importants ont été codifiés, parmi lesquels la loi de mensualisation du 19 janvier 1978, qui régit des droits aussi importants que le complément de rémunération en cas d'absence maladie ou l'indemnisation des jours fériés.
Un effort particulier a été réalisé afin d'utiliser les mots d'aujourd'hui : « préavis » plutôt que « délai-congé » ou encore « rupture de contrat » au lieu de « résiliation ». De manière générale, un seul mot est désormais utilisé pour viser une même réalité.
Nous avons retenu, comme le Conseil d'Etat le préconise, le seul présent de l'indicatif, comme marque du caractère impératif d'une disposition.
M. Nicolas About, président de la commission. - Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Ainsi, l'usager du code ne pourra plus avoir l'impression qu'il existe une hiérarchie entre les obligations selon que le texte prévoit que l'employeur « doit », « doit absolument » ou « doit dans tous les cas » faire ou ne pas faire quelque chose. Enfin, de très nombreuses erreurs de renvoi à des articles ont été corrigées.
Je sais qu'une controverse est apparue sur le reclassement de certaines dispositions législatives en dispositions réglementaires. Le codificateur doit assurer le respect de la hiérarchie des normes, en particulier entre les domaines respectifs des articles 34 et 37 de la Constitution. Or, force est de constater qu'on y fait des entorses.
Pour tenir compte de la crainte des partenaires sociaux que l'opération ne donne lieu à des abus, nous avons choisi de procéder à un nombre réduit de reclassement, nombre inférieur à celui qu'une application stricte de la règle aurait imposé. Nous avons également le plus souvent reclassé un mot plutôt qu'un article, chaque fois par exemple qu'il s'agissait de désigner une autorité compétente de l'Etat afin de gagner en souplesse en cas de changement de nom de telle ou telle structure.
Ce texte comporte également des modifications de la partie législative du nouveau code du travail. Certaines d'entre elles résultent de l'impossibilité matérielle d'intégrer dans l'ordonnance des textes parus concomitamment à cette dernière, telle la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. D'autres résultent d'erreurs matérielles qu'il convient de corriger afin de respecter le droit constant. Vous proposerez d'ailleurs d'en rectifier d'autres et je salue par avance votre contribution.
Le nouveau code entrera en vigueur en même temps que la partie réglementaire.
Certaines organisations syndicales craignent qu'une entrée en vigueur trop rapide ne permette pas à l'ensemble des acteurs de s'approprier pleinement ce nouveau code. Je présenterai un amendement tendant à prendre en compte ces remarques légitimes, et je suis ouvert aux propositions dans ce sens. Je veillerai à ce que mes services s'assurent de la meilleure diffusion de ce nouveau code, qui sera utilisé durant les décennies à venir et dont l'usage doit être facilité. C'est l'objet du travail mené, c'est l'enjeu du travail qui s'ouvre. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Ce projet de loi de ratification parachève un processus engagé depuis 2004, date de la première habilitation accordée au gouvernement pour recodifier, à droit constant, le code du travail. Le délai initialement prévu s'étant révélé insuffisant, l'habilitation a été renouvelée fin 2006. Le code du travail est en effet devenu, au fil des ans, de plus en plus illisible : sa version actuelle remonte à plus de trente-cinq ans !
La mission de recodification, rattachée à la direction générale du travail, a associé à ses travaux un comité d'experts, ainsi qu'une commission des partenaires sociaux, qui s'est réunie une quinzaine de fois. Elle a oeuvré sous le contrôle de la commission supérieure de codification.
Le nouveau code nous paraît plus lisible que l'ancien et d'un usage plus facile pour les non-juristes. On a scindé de nombreux articles afin que ceux-ci soient plus courts et qu'à chaque article corresponde une idée. La terminologie a été harmonisée, en retenant à chaque fois l'expression la plus compréhensible. De nouveaux articles ont été introduits pour définir certaines notions juridiques, comme celle de travail temporaire, ou cadrer les champs d'application.
Le plan du code a été remanié : le nombre de subdivisions a beaucoup augmenté et les articles ont été réordonnés, afin de former des ensembles plus cohérents -on a ainsi regroupé l'apprentissage et les autres dispositions relatives à la formation professionnelle, et les dispositions pénales ont été rapprochées des règles qu'elles sanctionnent.
Enfin, des textes qui n'avaient jusqu'ici jamais été codifiés, comme la loi de 1978 sur la mensualisation, ont été intégrés, tandis que d'autres dispositions ont été supprimées, soit parce qu'elles étaient tombées en désuétude, soit parce qu'elles étaient contraires au droit communautaire ou international. Ne sont maintenues dans le code du travail que les dispositions de portée générale ; les dispositions propres à une profession ou à un secteur d'activité sont transférées dans les codes spécialisés, à chaque fois que possible.
Alors que le code actuel utilise diverses formulations pour signifier le caractère impératif des normes qu'il édicte -« l'employeur doit », « doit obligatoirement », « est tenu de »-, le nouveau code généralise l'emploi de l'indicatif présent. Or, les organisations syndicales estiment que, pour le lecteur non averti, l'emploi de ce mode serait plus ambigu que les anciennes formules impératives car apparemment moins contraignant. Ce n'est pas exact : en droit, l'indicatif présent exprime une obligation. En outre, la multiplicité des formulations laisse penser, à tort, qu'il existerait différents niveaux d'obligation. Le travail d'explication et d'information qui accompagnera l'entrée en vigueur du nouveau code devrait lever toutes les incertitudes. Sans doute le gouvernement nous précisera-t-il ses projets en la matière.
L'obligation de procéder à une recodification à droit constant, conformément à l'habilitation votée par le Parlement, a été respectée : le fond des règles de droit n'a pas été modifié. Une partie de la doctrine et certains syndicats craignent que la modification de l'ordonnancement des articles, de leur rédaction ou des intitulés ne provoque des évolutions jurisprudentielles inattendues. Ce risque me paraît en réalité fort limité, d'autant que le principe de recodification à droit constant devrait guider l'interprétation du nouveau code par les tribunaux.
Les critiques se sont également focalisées sur les quelque cinq cents opérations de déclassement de dispositions législatives vers la partie règlementaire du nouveau code, les dispositions déclassées pouvant désormais être modifiées par simple décret. Or ces déclassements, qui sont fréquents lors des recodifications, visent à mieux faire respecter le partage entre domaine de la loi et domaine du règlement. En théorie, la loi doit déterminer les seuls « principes fondamentaux » du droit du travail, les dispositions plus détaillées relevant du pouvoir règlementaire. En pratique, cependant, il n'est pas rare que le Parlement adopte les mesures de portée réglementaire... Je me dois de faire mon mea culpa.
M. Nicolas About, président de la commission. - On ne peut pas se retenir ! Nous sommes tous coupables.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Ces déclassements ne posent pas de problème de principe et allègent utilement la partie législative du code.
Sous réserve des amendements qu'elle soutiendra, notre commission est favorable au nouveau code du travail. Toutefois, ne sous-estimons pas le temps d'adaptation qui sera nécessaire aux utilisateurs pour s'approprier ce nouvel outil. La lecture des ouvrages, articles, recueils de jurisprudence existants nécessitera des tables de concordance. C'est pourquoi j'apprécie l'adoption par la commission d'un amendement sur le délai de mise en oeuvre, qui sera complété par un amendement du gouvernement.
M. Nicolas About, président de la commission. - Symbolique !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Les avantages de la recodification seront perceptibles à moyen terme, surtout pour les utilisateurs non professionnels du code du travail. En effet, chaque salarié peut être amené à se pencher sur ce code, qui n'est pas l'apanage d'un cercle restreint de juristes. Le législateur devra également en maintenir la cohérence et la simplicité, ce qui appelle de notre part une vigilance renouvelée en matière de qualité du travail législatif. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Nicolas About, président de la commission. - Très bien.
Mme Annie David. - Le code du travail est un texte de référence pour les vingt millions de salariés, l'outil essentiel qui garantit le respect de leurs droits.
Le processus de recodification, lancé par M. Gérard Larcher, visait seulement, à l'en croire, à rendre le droit social plus lisible pour tous. La recodification devait reposer sur la « participation active » des partenaires sociaux et se solder par une réécriture à droit constant : à ce titre, elle paraissait utile, dans un domaine marqué par l'importance de la jurisprudence et l'empilement législatif.
Reste que l'on ne peut prétendre sans démagogie échapper à une certaine complexité dans un domaine aussi touffu. En outre, le recours à l'ordonnance en la matière est fort peu démocratique : le Parlement est totalement dessaisi ! Ce débat tronqué ne nous permettra pas d'aborder le fond, par exemple le contenu de l'annexe 1, sur laquelle auraient pu se concentrer les critiques...
La complexification du code du travail que vous dénoncez, monsieur le ministre, est en réalité la conséquence de votre politique en matière d'emploi, de votre volonté de segmenter toujours plus le code du travail, pour affaiblir les salariés dans leurs droits. (M. Fischer le confirme)
Le processus de dérèglementation, la multiplication de dérogations à la règle générale, le nombre croissant de contrats précaires, tout cela n'a pour objectif que de satisfaire le patronat. (M. Paul Blanc le conteste) En ce sens, le gouvernement est responsable. Sous prétexte de simplification, le texte est une tentative, non de recodification à droit constant, mais de démantèlement du code du travail ; il marque la volonté du gouvernement de tenir les promesses faites au Medef, d'enterrer le code du travail pour asseoir un peu plus la domination de l'employeur sur le salarié. Ce véritable processus de casse augure mal des réformes qu'on nous annonce pour demain.
Dans un premier temps, le gouvernement a privé les partenaires sociaux de réelle négociation, se contentant de réunions techniques de quelques heures là où il aurait fallu ouvrir un débat de grande ampleur sur le sens de la recodification. Le ministre est resté sourd aux inquiétudes des organisations syndicales ...
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est faux !
Mme Annie David. - La CFDT a dit très tôt ses craintes, la CGT a regretté qu'on ne lui communique des rapports de plusieurs centaines de pages que 48 heures avant les réunions.
Dans un second temps, le texte a été adopté en mars, alors que les partenaires sociaux plaidaient pour une promulgation concomitante des parties législative et réglementaire. Même s'il s'en défend, l'objectif du gouvernement reste de faire taire la contestation grandissante sur le fond du texte. La CGT, la CFDT et FO ont dit leurs craintes que le processus ne se fasse pas à droit constant ; et quand on sait que la CGT a déposé en mai de cette année un recours devant le Conseil d'État, dont l'arrêt devrait être rendu début octobre, on comprend les raisons d'une telle précipitation.
La forme, même si elle dit beaucoup, n'est pas seule en cause. Le texte procède au déclassement de près de 500 dispositions législatives, avec une double conséquence : les modifications ultérieures seront plus aisées -et plus silencieuses- et la nature inégalitaire de la relation employeur-employé s'en trouvera davantage niée. Si le législateur a fait figurer dans la partie législative un certain nombre de dispositions relatives aux autorités compétentes en matière de conflit, c'est bien parce qu'il a souhaité protéger autant que possible le salarié. Le dessaisissement du juge prud'homal au profit du tribunal de grande instance n'est d'ailleurs pas sans conséquence pour les salariés, qui devront demain avoir recours à un avocat.
Cette reclassification s'accompagne d'une réorganisation du code. Vous avez choisi de scinder plusieurs articles, afin « qu'à chaque article corresponde une idée ». C'est méconnaître la spécificité du droit du travail. Recodifier en affirmant la règle dans un article et dans un autre l'exception, c'est nier le lien juridique entre les deux ; la seconde devient aussi importante que la première. Ne préparez-vous pas ainsi une réforme de plus grande ampleur, celle que vous appelez « modernisation » et qui résonne comme « libéralisation » ?
Vous dites que ce texte vise à simplifier le code du travail ...
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est vrai !
Mme Annie David. - ... mais comment un code pourrait-il devenir plus simple quand son plan est profondément remanié et que 1 761 articles viennent s'ajouter aux 1 891 existants ? Vous avez oublié les cris des milliers de jeunes dénonçant le CPE, des salariés s'opposant au CNE, des organisations syndicales réclamant la fin des contrats précaires.
Si l'ordonnance du 12 mars 2007 est critiquable, le présent projet de loi ne l'est pas moins. Les articles 2 et 3 sont, par exemple, inacceptables. L'article 3 s'attaque de front au droit des femmes à bénéficier d'un congé maternité de seize semaines au moins. On est loin ici de l'égalité homme-femme, de la reconnaissance professionnelle des salariées ! Plutôt qu'une déréglementation, que nombre de médecins critiquent, c'est l'allongement du congé maternité qui est d'actualité. Proposer de basculer trois semaines du congé prénatal vers le congé postnatal, c'est reconnaître implicitement que le congé maternité est trop court ! J'y reviendrai, car il est clair qu'une salariée enceinte subira des pressions pouvant aboutir à des arbitrages défavorables pour sa santé et celle de son enfant.
Enfin, ce texte présente un risque d'externalisation du contentieux du droit du travail vers d'autres codes et vers d'autres juridictions, le risque de voir s'instituer un droit du travail par branche d'activité. Organisations syndicales, magistrats et juristes s'inquiètent. Y aura-t-il demain autant de droits du travail que de branches professionnelles ?
M. Guy Fischer. - Voilà !
Mme Annie David. - Pour tous ces motifs, le groupe CRC votera contre ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Après, ils supprimeront les prud'hommes !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Comme vous y allez !
M. Guy Fischer. - Nous sommes clairvoyants !
Mme Christiane Demontès. - Le code du travail a été bâti progressivement au travers de luttes et d'avancées législatives afin de protéger le plus possible les salariés soumis à l'autorité des employeurs dans un lien de subordination. Chercher à rééquilibrer cette relation inégalitaire, compenser ce déséquilibre originel, inscrire le quotidien sous le sceau de la Justice, tel est le socle historique mais aussi l'actualité du code du travail.
Révisé en 1973, il est devenu de plus en plus complexe ; sa réécriture était devenue nécessaire. Le rendre plus lisible et plus compréhensible, voilà un objectif louable. Mais il ne semble guère atteint.
Alors que la transparence et la confiance auraient dû prévaloir, c'est la volonté d'aboutir rapidement qui a primé. Il est dommage que cet empressement coupable préside encore à nos travaux : la commission des affaires sociales a nommé son rapporteur et entendu son rapport le même jour ! Comment ne pas s'interroger sur les objectifs du gouvernement, quand on sait que le Conseil d'État a été saisi le 15 mai dernier d'un recours en annulation de l'ordonnance du 12 mars ? De même, l'annonce par le Président de la République d'une série de réformes qui touchent au droit du travail aurait dû inciter le gouvernement à surseoir. Mais le mot d'ordre reste le même : conclure coûte que coûte.
Mme la rapporteur a jugé que la codification a été réalisée à droit constant. Que penser alors des quelque 500 opérations de déclassement ? Quid de la scission d'articles, des changements de vocabulaire, de l'externalisation de certaines dispositions vers d'autres codes ?
Si le paragraphe Il de l'article 57 de la loi du 30 décembre 2006 ouvrait la possibilité de procéder à des « adaptations » de la législation, le déclassement de dispositions législatives pose le problème de la liberté d'interprétation.
La scission d'article est aussi contestable ; ainsi en est-il des dispositions concernant le licenciement économique, regroupées dans la partie du code relative aux relations individuelles de travail, et donc devenues sans lien avec la partie « politique de l'emploi ». Le rapport de conditionnalité entre la recherche de reclassement et le licenciement pourrait disparaître. Qui plus est, le rapprochement des deux régimes du licenciement permettrait d'étendre l'exclusion d'application de certaines règles relatives aux périodes d'essai aux dispositions relatives au licenciement économique, ce qui, on le sait, répond aux souhaits conjoints du Medef et du gouvernement.
De même, certaines dispositions actuelles permettent de déroger à un système général ou d'étendre un principe à des cas particuliers. Tel est le cas de l'extension du forfait jour aux salariés non cadres mais connaissant des conditions de travail similaires.
Or, dans la nouvelle rédaction, ces cas sont traités séparément, au sein de sections ou de chapitres particuliers. Ainsi, cas général et spécificités se retrouvent sur le même plan. Comment ne pas s'interroger, dès lors, sur la finalité réelle de cette opération ?
Les changements de vocabulaire peuvent également être sources de contentieux. Qu'en sera-t-il si le terme « inspection du travail » est remplacé par celui d'« autorité administrative », avec un décret qui désigne comme telle le directeur départemental du travail ? Seul l'inspecteur du travail dispose du statut et de la garantie d'indépendance issue de la convention 81 de l'OIT (Organisation internationale du travail). Dans la même logique, le Conseil des prud'hommes cède parfois la place au « juge judiciaire ». Comment assimiler un recours prud'homal, sans avocat obligatoire et mené selon une procédure orale simple, à la saisine d'un tribunal de grande instance ? Non, madame le rapporteur, ces glissements terminologiques ne visent pas la seule unification de réalités juridiques similaires. Les objectifs poursuivis peuvent être tout autres.
L'externalisation, enfin, renvoie nombre de dispositions qualifiées de « sectorielles » au code rural, au code des transports ou celui de l'action sociale et des familles. Il ne s'agirait, à en croire notre rapporteur, que de s'en tenir, dans le présent code, aux seules dispositions de portée générale. Pourtant, que certains secteurs demandent des améliorations ne dispense pas les pouvoirs publics d'édicter et de faire respecter des normes protectrices pour l'ensemble des salariés, notamment les plus fragiles d'entre eux -je pense par exemple aux assistants maternels.
Sous prétexte de rationalisation, ne s'achemine-t-on pas peu à peu vers un droit du travail ad hoc pour chaque branche d'activité, comme le voudrait le Medef ?
Et comment ne pas s'insurger de la mise à l'écart du législateur, que le déclassement de nombreuses dispositions dépossède de sa mission première. Le Parlement aurait dû être saisi. Or, tel n'a pas été le cas, ni en 2004, où le gouvernement avait choisi la méthode de l'ordonnance et de l'habilitation, ni au cours de ces longs travaux. Le Medef, bien que discret sur cette question, voudrait que les relations salariales soient du seul ressort du contrat et non plus de la loi. Il peut être satisfait.
Alors que les sources de contentieux sont déjà nombreuses, c'est la jurisprudence qui, au moins partiellement, jouera désormais le rôle qui revient au législateur.
Pour toutes ces raisons, auxquelles s'ajoutent celles que MM. Michel et Godefroy développeront sur la procédure et le calendrier, le groupe socialiste demande le renvoi de ce texte en commission, faute de quoi, il sera contraint d'émettre un vote négatif. (Applaudissements à gauche.)
M. Paul Blanc. - (Applaudissements sur les bancs de l'UMP.) Ce texte consacre le remaniement complet du code du travail dans sa partie législative, l'achèvement de la partie réglementaire devant permettre d'aboutir à un produit finalisé d'ici quelques mois. La démarche est ambitieuse : faire un code du travail plus simple, plus accessible, réorganisé avec logique et modernisé dans son contenu. Depuis sa dernière codification en 1973, le code du travail a en effet subi de nombreux ajouts et modifications qui affectent sa structure et rendent sa lecture difficile. Je salue l'ampleur du travail accompli : il a fallu plus de deux ans pour passer au crible l'ensemble des dispositions. On est loin de la précipitation. Mais il n'était pas simple d'oser remanier ce livre chargé d'histoire. La ligne de conduite, tenue avec succès, répondait à plusieurs exigences. Tout d'abord, rendre les dispositions du droit du travail claires et accessibles, non aux seuls professionnels du droit, mais aux salariés, aux employeurs, aux représentants du personnel. Ensuite, s'en tenir à une réécriture à droit constant. Malgré les craintes qui se sont exprimées, c'est ce qui a été fait : aucune sujétion supplémentaire pour le salarié ou pour l'employeur, ni aucun droit nouveau n'ont été créés.
M. Guy Fischer. - C'est vous qui le dites !
M. Paul Blanc. - La commission de codification a exercé un contrôle constant.
Il s'agit en fait d'une oeuvre collective réalisée dans un esprit d'ouverture. Les services du ministère du travail s'y sont attelés ; des experts professionnels du droit se sont prononcés sur des questions spécifiques, puis les dossiers ont été présentés à une commission regroupant des représentants désignés par les partenaires sociaux, réunie à quatorze reprises et consultée sur l'intégralité des travaux ; une commission placée auprès des services du Premier ministre a ensuite examiné les textes avant qu'ils ne soient transmis au Conseil d'État. Les choix opérés ont donc été plusieurs fois validés.
Le parti pris a été de se placer du point de vue de l'utilisateur. L'ancien code se caractérisait par des articles très longs, qui en compliquaient la lecture. Aussi de nombreux articles ont-ils été scindés, pour que chaque article ne traite que d'une idée. Règles de fond et règles de forme, principes et dérogations s'enchaînent désormais clairement. Les sujets portant sur un même domaine ont été réécrits dans un souci de rationalisation. Ainsi la présentation des contrats à durée déterminée et des contrats de travail temporaire répond-elle désormais à la même organisation.
La rédaction a été harmonisée. Toute obligation est désormais désignée par le présent de l'indicatif. Un même terme désigne désormais une même réalité. Ainsi, le « chef d'établissement » ou le « chef d'entreprise » devient l' « employeur ». Des termes vieillis ont été actualisés. Les « délais congés » deviennent ainsi des « préavis ».
Sur le fond, de nombreuses dispositions obsolètes ont été abrogées. Ainsi de l'obligation faite aux employeurs d'embaucher les pères de famille, qui remontait à la dernière guerre, ou de veiller aux bonnes moeurs de leurs salariés de moins de 18 ans. Autre temps, autres moeurs...
Certaines dispositions législatives qui n'avaient jamais été intégrées au code du travail comme la loi de 1945 relative aux spectacles, la loi de 1978 sur la mensualisation, la loi de 1982 sur les chèques transport et les chèques restaurant, ou l'ordonnance du 2 août 2005 relative au contrat nouvelle embauche sont désormais codifiées. Enfin, soulignons que la structure du code facilitera, à l'avenir, l'insertion de nouvelles normes.
En raison de l'ampleur du chantier, certaines dispositions ont pu être oubliées par les rédacteurs, notamment celles issues de textes votés récemment. Notre rapporteur propose heureusement de réparer quelques omissions ou d'apporter certaines précisions au texte définitif. Notre groupe s'associe à cette démarche et soutiendra les amendements de la commission concernant le droit local d'Alsace Moselle, le congé de soutien familial, la réserve de sécurité civile ou sanitaire. Je présenterai pour ma part plusieurs amendements de correction, l'un d'eux visant à réparer une erreur dans le domaine de l'insertion professionnelle des handicapés, sujet qui me tient particulièrement à coeur.
Je salue la détermination du gouvernement, qui a souhaité inscrire ce texte dans le cadre de la session extraordinaire. Le nouveau code du travail va enfin voir le jour. Sans doute les professionnels habitués à l'ancienne version devront-t-ils faire des efforts d'adaptation, mais c'est un mal nécessaire pour que nos citoyens bénéficient d'un outil clair, moderne, qui les mette à même de maîtriser les règles qui régissent leur vie professionnelle. Notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Michel. - Mon premier mouvement avait été de double satisfaction : on présentait une nouvelle codification du droit du travail -toute entreprise de codification est louable, et le parlementaire que je suis sait quelle est longue et difficile- et, chose inhabituelle, l'ordonnance était soumise à l'habilitation du Parlement. Mais lorsqu'en commission, j'y ai regardé de plus près, j'ai vite déchanté. Car cette saisine si rapide du Parlement procède d'un calcul peu glorieux (M. Fischer renchérit.) Il ne s'agit que d'empêcher le Conseil d'État de rendre un arrêt.
M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !
M. Jean-Pierre Michel. - Nous savons qu'il a été saisi par plusieurs organisations pour annulation de l'ordonnance. Le gouvernement devait rendre son mémoire en défense fin septembre, il a obtenu un délai jusqu'au 6 octobre, l'audience devant avoir lieu au début de l'année prochaine.
Mais si la ratification intervient avant la fin de l'année, l'ordonnance prend valeur législative, et le Conseil d'État ne peut plus rendre d'arrêt.
M. Guy Fischer. - Et le tour est joué !
M. Jean-Pierre Michel. - Comment ne pas s'étonner, de surcroît, même si je rends hommage à Mme Procaccia pour la clarté et l'honnêteté de son travail, du nombre d'amendements « de forme » déposés par le gouvernement, soit directement, soit par la voie de la majorité ou du rapporteur, alors que ce travail de recodification est conduit depuis des années ? Sans parler des amendements de fond. M. le ministre nous dit qu'il s'agissait de prendre en compte certaines inquiétudes. Mais nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, fût-ce le gouvernement -je pense en particulier au statut des journalistes.
J'en viens maintenant au projet de codification : concernant la méthode d'élaboration, tout d'abord, chacun sait que les partenaires sociaux ont été réunis, mais qu'ils n'ont pas pu véritablement se faire entendre.
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est totalement faux !
M. Jean-Pierre Michel. - Un certain nombre d'organismes auraient du être consultés et ils ne l'ont pas été.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Lesquels ?
M. Jean-Pierre Michel. - La Commission nationale de la négociation collective, le Comité supérieur de l'emploi...
De plus, une codification est censée se faire à droit constant et M. Borloo s'y était engagé devant l'Assemblée nationale. Le président Braibant ne rappelle-t-il pas qu'une codification ne réforme pas mais reforme ?
Or les exemples abondent ; vous avez ajouté, retranché, modifié : on est loin d'une codification à droit constant. Ainsi en va-t-il pour la représentativité des syndicats : sur les cinq critères, vous avez supprimé l'attitude patriotique durant l'Occupation. Un tel critère peut sembler anachronique mais il est loin d'être obsolète. D'ailleurs, la loi du 13 novembre 1982 ne l'a pas supprimé car l'adhésion aux valeurs de la République revient à avoir eu une attitude patriotique durant les heures noires de notre pays. La Cour de cassation ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle a jugé que certains syndicats issus du Front national, notamment dans la police, défendaient des valeurs contraires à certains principes essentiels de notre système juridique. Ce critère doit donc figurer dans ce texte et non pas être supprimé, comme le rappelle M. Moysan dans la Semaine juridique.
Vous vous félicitez, monsieur le ministre, que cette codification réécrive le droit actuel. Nous ne partageons pas votre enthousiasme. Des articles ont été déplacés, de nouveaux chapitres créés et, surtout, des articles qui figuraient dans la partie législative se retrouvent dans la partie règlementaire, ce qui n'est même pas évoqué dans le rapport remis au Président de la République. Or le Conseil d'État n'admet pas ces pratiques. Seuls le Conseil constitutionnel et le Parlement sont habilités à effectuer de tels déclassements.
Pourtant, les articles relatifs au statut des journalistes se sont retrouvés dans la partie règlementaire ce qui est d'autant plus injustifié que leur statut participe à la liberté de la presse qui relève de la Constitution et donc du législateur. Ce matin, un amendement gouvernemental a rétabli la situation, ce dont nous nous félicitons, mais ce qui prouve aussi la précipitation dans laquelle nous légiférons.
Il résulte de tout cela une très grande complexité, contraire aux objectifs constitutionnels rappelés régulièrement par le Conseil constitutionnel, à savoir la lisibilité du droit et la sécurité juridique.
A quel moment ce code entrera-t-il en vigueur ? Cette question est d'autant plus grave que les salariés, les représentants du personnel et des syndicats, les directions des ressources humaines, les conseils des prud'hommes devront en avoir une connaissance parfaite.
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est sûr, avant c'était plus simple !
M. Jean-Pierre Michel. - Les amendements succédant aux amendements, je vois que nous avançons vers une solution : notre rapporteur nous propose l'entrée en vigueur pour le 1er mars mais le gouvernement repousse l'échéance au 1er mai ! C'est ubuesque ! Allez-vous défiler à la tête des syndicats dans la grande parade de la compromission ? (Rires et applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Guy Fischer. - Encore un effort !
M. Jean-Pierre Michel. - Ou bien ce code doit s'appliquer tout de suite, ou bien il faut attendre les prochaines élections prudhommales et laisser le temps aux conseils prudhommaux de s'installer afin qu'ils puissent appliquer le nouveau code.
Vous comprendrez que, pour toutes ces raisons, nous ne puissions voter ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
M. Xavier Bertrand, ministre. - Merci, madame le rapporteur, d'avoir souligné la qualité du travail de codification qui a été accompli. Ce travail de grande ampleur n'est d'ailleurs celui du seul gouvernement mais aussi des partenaires sociaux qui seront, je n'en doute pas, très sensibles aux propos qui viennent d'être tenus. Grâce aux amendements de la commission, la lisibilité du code va encore s'améliorer.
Comme l'a dit M. Paul Blanc, il s'agit d'un travail d'ensemble et je veux rappeler les conditions dans lesquelles cette codification a été réalisée. Le nouveau code a été élaboré par six agents du ministère du travail qui ont été placés non pas auprès du cabinet du ministre mais du directeur général du travail. Jamais un ministère n'a mis autant de moyens et d'agents à disposition pour une codification. En a-t-il été ainsi pour les codifications qui ont eu lieu entre 1997 et 2002 ?
Ensuite, deux rapporteurs, membres du Conseil d'État, ont été placés auprès du Premier ministre, un comité d'experts a été nommé, une commission composée de partenaires sociaux a été réunie, dans une composition strictement identique à celle de la commission nationale de la négociation collective. Quand j'entends dire que cette dernière n'a pas été réunie alors qu'une instance a été spécialement créée pour cette tâche, je me dis que les meilleurs arguments devraient se confronter au mur de la réalité !
La commission supérieure de la codification a tenu six réunions restreintes et six réunions plénières et vous connaissez la qualité de ses membres. Ensuite, le Conseil d'État a nommé quatre rapporteurs pour examiner attentivement ce texte qui a été présenté, excusez du peu, devant la section sociale puis en assemblée générale. Le projet d'ordonnance a permis de passer au crible plusieurs milliers de questions.
Comme nous avons affaire à un texte qui compte près de 2 000 articles, j'assume le fait que des erreurs aient pu se produire. Certaines ont été détectées très tôt et d'autres l'ont été grâce à la qualité de votre travail. Je rappelle que le code de l'éducation de 2003 avait donné lieu à une cinquantaine de rectifications.
Un certain nombre de modifications sont également dues à l'intégration de textes postérieurs au travail de codification. Ainsi en est-il des dispositions de la loi de mars 2007 sur la protection de l'enfance. Je pense en particulier à la réduction de la durée du congé prénatal, à la demande de la salariée et sous réserve de l'approbation d'un professionnel de santé. Vous savez que la jurisprudence en la matière est constante et sévère, ce qui est d'ailleurs une excellente chose puisque notre politique familiale repose sur le principe de la conciliation entre vie professionnelle et familiale. J'ai peine à imaginer un revirement de la jurisprudence sur un tel sujet.
D'autres dispositions ne figuraient pas dans l'ordonnance car elles avaient été prises postérieurement à la saisie pour avis du Conseil d'État. Votre commission vous propose donc d'en ajouter certaines.
Sur le caractère démocratique, ou non, de la procédure, vous savez bien que toutes les codifications se font par voie d'ordonnance : le Parlement vote une loi d'habilitation puis il ratifie le code. Notre mode opératoire n'a donc rien d'innovant et une opération de ratification n'aura jamais été menée de façon aussi transparente. Enfin, je rappelle que ce n'est pas moi qui ai lancé ce travail et je n'arrive qu'en fin de processus. Nous ne sommes pas dans un débat de fond, mais sur une opération formelle, voila la réalité !
Tous les syndicats, sans exception, ont travaillé dans une ambiance constructive et lorsqu'ils ont estimé qu'un sujet de fond était abordé, comme pour la partie règlementaire et législative du code, nous avons revu notre copie.
Pourtant, une lecture stricte aurait pu nous conduire à répondre : « C'est comme ça et pas autrement ». Nous ne l'avons pas fait, pour éviter toute ambiguïté. Quand j'entends dire que nous démantelons le code du travail, alors que la codification a pour but de donner une visibilité nouvelle, les bras m'en tombent !
La précipitation ? les travaux ont commencé il y a 24 mois. À ce rythme, on ne risque pas de confondre vitesse et précipitation. En revanche, on prend le temps de la concertation, qui -pour moi- n'est jamais du temps perdu.
Madame Demontès, la protection des salariés n'est pas assurée par une règle juridique ambiguë. Lorsqu'on n'arrive pas à comprendre le droit, il est utile de simplifier. Bien sûr, on peut consulter un responsable syndical ou professionnel, un juriste, mais la lisibilité de la règle applicable progresse lorsqu'elle devient compréhensible par chacun.
De même, la scission des articles est une règle de base de la codification. Tout cela se déroule sous le regard du Conseil supérieur de la codification et du Conseil d'État. Excusez-moi du peu !
Monsieur Michel, nous savions depuis longtemps que la procédure déboucherait sur une loi d'habilitation. N'allez donc pas chercher une procédure détournée liée à un contentieux : concentrez-vous plutôt sur le fond du sujet.
Je reviendrai plus tard sur la représentativité syndicale et l'attitude patriotique.
Une chose est claire : nous voulons rendre les choses plus lisibles. En ce domaine comme dans bien d'autres, vous avez opté pour le statu quo ; tout le monde a compris que tel n'était pas notre choix ! (Applaudissements à droite.)
La discussion générale est close.
Renvoi en commission
M. le Président. - Motion n°25, présentée par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 5 du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).
Je rappelle qu'aucune explication de vote n'est admise.
présidence de Mme Michèle André,vice-présidente
M. Jean-Pierre Godefroy. - Les sessions se succèdent, les méthodes de travail demeurent.
Une fois de plus, de sérieuses raisons motivent cette motion que le groupe socialiste m'a chargé de présenter.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous n'agissez donc pas de votre plein gré ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Début août, on nous avait annoncé au menu de cette seconde session extraordinaire un texte relatif aux médicaments ; le rapporteur avait même été nommé en juillet. En septembre, nous découvrons que le gouvernement a inscrit en catastrophe un projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 mars 2007 relative à la partie législative du nouveau code du travail. Et le texte sur les médicaments est reporté sine die. Résultat : en moins d'une heure la semaine dernière, la commission...
M. Xavier Bertrand, ministre. - Très efficace !
M. Jean-Pierre Godefroy. - ... a nommé Mme Proccacia rapporteur, examiné son rapport préparé sur le champ et approuvé ses amendements. (On applaudit l'orateur à gauche et le rapporteur à droite.)
M. René Garrec. - Nous travaillons bien ! Bravo !
M. Jean-Pierre Godefroy. - C'est un exemple unique dans notre assemblée.
M. Nicolas About, président de la commission. - Mme Procaccia a travaillé pendant que vous, vous chantiez ou dansiez cet été.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Le travail en commission a donc été expéditif, pour ne pas dire bâclé. Aujourd'hui, les sénateurs ont pu royalement s'exprimer pendant 38 minutes de discussion générale.
M. Nicolas About, président de la commission. - Nous travaillons à droit constant.
M. Jean-Pierre Godefroy. - (Sourires.) Pouvons-nous travailler dans ces conditions...
Plusieurs voix à droite. - Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. - ... sur un sujet aussi considérable pour la plupart de nos concitoyens ?
M. Guy Fischer. - Non !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Pouvons-nous voter en toute connaissance de cause ?
Plusieurs voix à droite. - Oui !
M. Guy Fischer. - Non !
M. Jean-Pierre Godefroy. - A ces deux questions, la réponse est : non. Nous aurions pu nous réjouir d'examiner pour une fois un projet de ratification d'ordonnance, texte habituellement déposé sans nous être soumis pour entrer en vigueur. Hélas ! Ce texte a pour but de court-circuiter le Conseil d'État, devant lequel plusieurs recours ont été déposés, si bien qu'il pourrait annuler l'ordonnance de recodification. Alors que le Conseil d'État aurait déjà dû statuer, le gouvernement a traîné pour déposer son mémoire en réplique, ce qu'il doit faire impérativement avant le 6 octobre. Ainsi, vous voulez faire adopter ce texte au pas de charge afin de rendre caduque la procédure devant le Conseil d'État.
M. Nicolas About, président de la commission. - Quel talent !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous ne pouvons l'accepter.
Si ce projet de loi devait être voté en l'état, la commission Balladur pourrait s'en inspirer pour faire des propositions renforçant le rôle du Parlement.
M. Nicolas About, président de la commission. - D'où l'intérêt de l'adopter !
M. Jean-Pierre Godefroy. - D'où l'intérêt du contre-exemple.
Je note que la commission des lois n'est pas saisie. Pourtant, si le texte ne comporte que cinq articles, ratifiant une ordonnance qui en compte douze, la recodification, une fois complétée par sa partie réglementaire, portera sur 3 600 articles concernant les rapports entre employeurs et salariés, avec une réécriture complète du texte : plan, numérotation, titres, vocabulaire : tout est bouleversé. D'ailleurs, les tableaux de concordance mis en ligne sur le site du ministère du travail avoisinent 350 pages !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Le ministère est donc utile.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Mme Procaccia s'est acquittée de sa tâche en une heure.
M. Nicolas About, président de la commission. - Elle a travaillé plus que ça.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vu l'extrême complexité de l'exercice, iI aurait fallu qu'ayant pris connaissance du texte, nous puissions auditionner les partenaires sociaux, les organismes compétents -dont certains n'ont pas été consultés par le gouvernement- ainsi que les juristes les plus qualifiés. Et que dire de la difficulté pour la commission à apprécier la spécificité de l'Alsace Moselle ?
De même, il eût été nécessaire que nous appréciions l'utilité de cette recodification prétendument simplificatrice, ce dont doutent de nombreux spécialistes, à l'instar de MM Jammeaud et Lyon Caen qui notaient en juin dans la revue Droit du travail : « Le progrès dans la clarté et l'intelligibilité de la loi ne paraît pas à la hauteur du très respectable effort des artisans de cette recodification ». J'ignore si le nouveau code simplifiera la tâche de ses utilisateurs, mais fallait-il vraiment entreprendre un semblable travail sans autre but ? Ne fallait-il pas en profiter pour y intégrer la jurisprudence, si importante en la matière ? Pourquoi cette hâte, alors que le Président de la République vient de nous annoncer son intention d'impulser des modifications profondes de la législation sociale ?
Cela m'amène à parler du fond. On nous dit que cette nouvelle rédaction se fait à droit constant. Or, de simples modifications rédactionnelles peuvent susciter des débats sur les intentions du législateur. De même, le déclassement de 500 dispositions de la partie législative vers la partie réglementaire est-il du droit constant, sachant que leur modification ultérieure pourra ainsi éviter l'intervention du législateur ? La question est identique pour les modifications apportées au classement des articles relatifs au licenciement économique et pour le remplacement de la mention de l'inspection du travail par celle « d'autorité administrative ». Nous pourrions soulever de nombreux autres points litigieux. Vous comprendrez aisément qu'en la matière nous ne soyons pas disposés à vous délivrer un blanc-seing.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Quel dommage.
M. Jean-Pierre Godefroy. - En fait, dans un Etat de droit, seuls les magistrats du Conseil d'État peuvent trancher cette question.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Et les parlementaires ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Pour nous, ces modifications n'ont rien d'anodin : elles ouvrent de nouvelles portes juridiques pour, dans l'avenir, continuer à restreindre les droits des salariés, conformément à une démarche entamée dès 2002, en passe d'être accélérée par le nouveau Président de la République, et à l'écart de laquelle on souhaite laisser le Parlement . Vous lui demandez d'entériner les nouvelles règles du jeu sans y mettre son nez, satisfaisant ainsi le Medef, qui veut faire primer le contrat sur la loi. Le droit du travail doit-il devenir un droit des corporations ?
M. Guy Fischer. - Excellente formule !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce n'est pas notre vision de l'ordre social. C'est pourquoi nous devons reprendre l'examen de ce texte dans des conditions normales, ce qui ne préjuge en rien de l'appréciation finale.
Je vous demande donc de voter le renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Certes, la commission a travaillé vite, mais cela ne signifie pas que ses travaux aient été sans qualité.
Contrairement à vous, je ne prétends pas être à même de réaliser en quelques semaines ce que des experts ont accompli en deux ans.
En fait, j'ai hérité de ce texte le 2 août vers 17 heures. Nous étions alors deux ou trois présents parmi les membres de la commission des affaires sociales. Je suis donc partie en vacances avec ce texte, mais, il est vrai, pas avec le code du travail.
Cela ne m'a pas empêchée de travailler dès mon retour, en auditionnant les partenaires sociaux ou en consultant leurs contributions écrites. Vous les avez entendus aussi, puisque certains de vos amendements reprennent mot pour mot leurs propositions !
Les partenaires sociaux planchent sur le sujet depuis deux ans, vous n'en tenez pas compte. Vous aurez toujours beau jeu de critiquer le détail de ce texte, car comme le dit M. le Ministre, sur un tel sujet, il y aura toujours des petites modifications à apporter.
Vous savez bien que, comme rapporteur, j'ai toujours choisi un travail approfondi, avec des réunions ouvertes à tous. Cela n'a pas été possible cette fois-ci...
M. Guy Fischer. - Cela nous manque !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - ...mais je ne changerai pas mes habitudes, d'un travail approfondi et ouvert !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Soyez conséquente : accordez-nous deux semaines !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Après ce que je viens d'entendre, j'ai plutôt hâte d'entrer dans le vif du débat ! Vous nous reprochez une impréparation, alors même que je m'apprête à accepter certains de vos amendements : c'est bien la preuve que nous nous sommes préparés ! (Sourires à droite)
A la demande du groupe socialiste, la motion n°25 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.