SÉANCE
du vendredi 27 juillet 2007
12e séance de la session extraordinaire 2006-2007
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance est ouverte à 10h 20.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Travail, emploi et pouvoir d'achat (Urgence - Suite)
Discussion des articles (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus après l'article 4.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°37, présenté par M. Marini au nom de la commission des finances.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L'article 777 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les limites des tranches des tarifs prévus aux tableaux ci-dessus sont actualisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondi à l'euro le plus proche. »
II. - L'article 779 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des abattements du présent article est actualisé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondi à l'euro le plus proche. »
III.- La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances. - Il s'agit simplement de prévoir une actualisation automatique, en fonction de l'inflation, des barèmes et abattements sur les droits de mutation à titre gratuit, comme cela existe pour l'impôt sur le revenu et, depuis notre vote de l'an dernier, pour l'ISF. Si nous n'adoptions pas cet amendement, ces seuls barêmes ne seraient pas réévalués.
Mme Nicole Bricq. - Oh ! Les pauvres !
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. - Le gouvernement n'est pas franchement favorable à cette mesure. Nous avons mené un examen attentif des droits de succession et étendu un abattement raisonnable à l'ensemble des bénéficiaires en ligne directe. J'ajoute que le principe de l'indexation viendra en discussion lors de l'examen du texte sur les prélèvements obligatoires. Sagesse défavorable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dès lors que l'on fait appel à la sagesse du Sénat, elle doit pouvoir s'exprimer...
Je ne donnerai qu'un exemple. Entre 1959 et aujourd'hui, le seuil applicable à l'imposition des droits de mutation en ligne directe, entre époux, est passé de l'équivalent de 7 600 euros à 13 102 euros, faute d'un ajustement des chiffres en fonction de la dérive des prix. Les parlementaires ne se sont jamais prononcés à nouveau sur cet abattement. La commission des finances est hostile par principe à ce type de prélèvement rampant.
L'amendement n°37 est adopté et devient article additionnel.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par M. Marini au nom de la commission des finances.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Après l'article 778 bis du code général des impôts, il est inséré un article 778 ter ainsi rédigé :
« Art. 778 ter.- Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit par décès, en l'absence d'ascendants ou de descendants en ligne directe, et de conjoint survivant, la part nette taxable revenant aux héritiers parents ou non parents est soumise aux tarifs et abattements applicables aux frères et soeurs, sauf disposition plus favorable. »
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ajustement mineur, visant à prendre en compte le cas des défunts sans famille proche -ascendants, descendants ou conjoint survivant. Il serait bon de faire un geste en faveur des héritiers en ligne collatérale.
Mme Nicole Bricq. - Pourquoi pas les chiens et les chats !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Soyez plus charitable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Aménagement mineur certes, mais dont le coût, chiffré par mes services, s'élèverait tout de même à 736 millions. Je fais appel à votre sens de la rigueur. Retrait ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'avoue que cet argument me touche... profondément. Il s'agissait de porter l'abattement de 1 500 euros à 15 000 euros. Ne pourrait-on faire un geste, à 3 000 euros ? (Exclamations à gauche)
M. le président. - Des paysans de la Sarthe ne négocient pas autrement le prix d'une vache !
M. Guy Fischer. - C'est ce que l'on appelle maquignonnage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous sommes souvent frustrés par les chiffrages de l'administration. Quand le Parlement prend l'initiative, ils sont très élevés. Quand c'est le gouvernement, ils sont très modérés. La solution serait sans doute de les placer sous le contrôle du Parlement, ce qui serait aussi une manière de revaloriser son rôle... Cela étant, la commission a marqué sa sollicitude. Je retire l'amendement, mais nous reviendrons à la charge.
L'amendement n°36 est retiré.
M. le président. - Je confirme que les estimations varient selon l'origine des amendements.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Puisque nous avons voté l'indexation du barème, nous avons un début de réponse. Mais je crois qu'il est de la responsabilité du Sénat de se donner ses propres moyens d'expertise et d'évaluation. Il nous appartiendra d'en tirer les conséquences.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Et aux questions de dégager les crédits !
M. Michel Charasse. - En matière d'évaluation, les choses sont largement fluctuantes. Je me souviens de mon séjour à Bercy, nous y faisions le plus souvent, -ceux qui ont occupé le poste ne me contrediront pas-, des évaluations à la louche. Il est des domaines inévaluables. Il serait bon, sans doute, que nous nous mettions d'accord sur des normes d'évaluation commune. Mais ce n'est pas facile, car la matière humaine est souvent... insaisissable.
M. le président. - Amendement n°56 rectifié, présenté par MM. César, Mortemousque, Bizet, Bourdin, Huré, Cornu et Pointereau et Mme Gousseau.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le deuxième alinéa de l'article 793 bis du code général des impôts, la somme : « 76 000 euros » est remplacée par la somme : « 150 000 euros ».
II. Les pertes de recettes résultant du I sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
M. Joël Bourdin. - L'abattement sur les trois quarts de la valeur des biens ruraux transmis à titre gratuit et loués par bail à long terme est plafonné à 76 000 euros. Pour rester en cohérence avec les objectifs du texte, nous proposons de le porter à 150 000 euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il me semble que cet amendement a vocation à être retiré. J'aimerais entendre l'avis du gouvernement, qui s'exprimera, je pense, avec considération pour ses auteurs. (M. Bourdin s'exclame)
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les mesures dont nous discutons s'appliquent à tous les patrimoines, y compris les biens fonciers agricoles. De plus, les parts de GFA bénéficient déjà d'une importante exonération et d'un abattement de 50 %, ce qui semble suffisant. Retrait.
L'amendement n°56 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°57 rectifié, présenté par MM. César, Mortemousque, Bizet, Bourdin, Huré, Cornu et Pointereau et Mme Gousseau.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 796 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Les contribuables domiciliés fiscalement en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction des droits de mutation à titre gratuit qu'ils doivent acquitter en cas de souscription ou d'acquisition en numéraire de parts d'un groupement foncier agricole louant leurs biens par bail dans les conditions prévues par les articles L. 418 1 et suivants du code rural. L'acquisition ne peut concerner les parts de groupements détenues par un parent ou allié jusqu'au 3ème degré inclus. »
« En cas de souscription, le groupement foncier agricole doit, dans un délai de douze mois suivant celle ci, procéder à l'acquisition d'immeubles pour un montant au moins égal à 90 % de la valeur de la souscription. Les biens acquis doivent être loués par bail, dans les conditions visées à l'alinéa précédent, dans un délai maximum de deux mois suivants leur acquisition. Lorsque plusieurs souscriptions sont réalisées dans une période de trois mois, la période de douze mois s'apprécie à compter de la dernière souscription et le coût minimum d'acquisition doit représenter au moins 90 % du total des souscriptions de la période considérée. »
« La réduction des droits de mutation à titre gratuit est égale au prix d'acquisition ou de souscription. Ce prix est retenu dans la limite annuelle de 50 % du prix d'acquisition dans la limite de 15 000 € par contribuable. »
« Lorsque tout ou partie des parts ayant donné lieu à réduction de droits de mutation à titre gratuit est cédé avant le 31 décembre de la neuvième année suivant celle de la souscription, il est pratiqué au titre de l'année de cession une reprise des réductions de droits de mutation obtenues, dans la limite du prix de cession. Ces dispositions ne s'appliquent pas en cas de licenciement, d'invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l'article L. 341 4 du code de la sécurité sociale ou du décès du contribuable. »
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant au contribuable et aux groupements fonciers agricoles. »
II. - La réduction prévue au I concerne les souscriptions ou acquisitions réalisées entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009.
III. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
M. Joël Bourdin. - Il est défendu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cet amendement, intéressant, sera largement satisfait par l'amendement 44 de la commission. Retrait.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis.
L'amendement n°57 rectifié° est retiré.
M. le président. - Amendement n°122, présenté par M. Charasse.
Après l'article 4, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
L'article L. 232 19 du code de l'action sociale et des familles est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « lorsque la valeur de l'actif successoral est inférieure à 50 000 euros. Cette somme varie chaque année comme l'inflation. »
M. Michel Charasse. - Hier soir, ou plutôt tôt ce matin, nous avons complètement transformé le barème des droits de succession et nos travaux ont conduit à exonérer 95 % des successions, à l'exception des frais de notaire ce que certains ont tendance à oublier... C'est l'occasion ou jamais de revenir sur une question qui n'a jamais été réglée, celle de l'APA et de l'obligation alimentaire. Pour les aides sociales départementales et même pour le RMI, il y a récupération sur succession. Or, pour l'APA, qui succédait à la PSD, laquelle était récupérable, la récupération a sauté à la suite d'une fausse manoeuvre à l'Assemblée nationale, qui n'a pas été réparée au Sénat.
Ce qui a été voté cette nuit en faveur des héritiers justifie qu'on leur demande de contribuer à l'intention des personnes âgées. Cela mettrait fin à des situations scandaleuses dont je suis témoin comme maire : des demandes d'APA pour des personnes dont les enfants attendent impatiemment le décès pour passer à la caisse, alors que cette allocation est financée par des contribuables qui, eux, n'auront jamais le moyen d'acheter un logement.
Pourquoi le seuil de 50 000 euros ? Parce que c'est actuellement celui le la récupération de l'aide sociale départementale. On peut le fixer à 100 000 ; l'important est de faire ce geste -qui profitera aux départements- au moment où on en appelle à la solidarité nationale et où on fait sauter les droits de succession. Mettons fin à cette anomalie : les détenteurs d'un patrimoine n'ont pas à faire entretenir leurs aïeux par ceux qui n'ont pas d'argent !
M. Jean-Jacques Jégou. - Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis favorable à cette démarche vertueuse.
Mme Christine Lagarde, ministre. - J'ai beaucoup de sympathie pour votre amendement qui pose un vrai problème. Mais nous aurons un débat de fond sur la cinquième branche, dans lequel il faudra revoir la répartition entre solidarités nationale et familiale, sans oublier la question de l'état des finances de l'État et des collectivités locales. Donc, sagesse.
M. Guy Fischer. - Nous en avions longuement discuté lors de la création de l'APA et nous avions décidé la non récupération sur succession.
M. Michel Charasse. - Défense du patrimoine !
M. Guy Fischer. - Il faut en réalité créer une cinquième branche...
M. Michel Charasse. - Avec une cotisation !
M. Guy Fischer. - ... dans le cadre de la CNSA -ce qui est la position de la majorité- ou de la solidarité nationale -ce dont nous sommes partisans. On fait déjà supporter aux familles une part importante du financement de l'APA, l'hébergement. Certes il existe des cas comme le rapporte M. Charasse, mais ils sont marginaux.
M. Michel Charasse. - Tu parles !
M. Guy Fischer. - C'est un problème de fond qui mérite qu'on en débatte. En l'état actuel, nous sommes contre cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous êtes contre vos propres principes !
M. Alain Vasselle. - Je suis surpris de l'avis de sagesse du gouvernement. Mieux vaudrait faire preuve d'une vraie sagesse vis-à-vis de cette initiative. L'idée du non recours sur succession était venue de l'Assemblée nationale et notre commission des affaires sociales avait proposé de la suivre. Dès lors que l'APA était un droit universel, indépendant du niveau des revenus, l'allocation n'était plus de la même nature que la PSD. Il serait plus pertinent que M. Charasse retire son amendement....
M. Michel Charasse. - Ben voyons !
M. Alain Vasselle. - et qu'on en débatte plus tard, puisque la création d'une cinquième branche est un engagement du Président de la République. Si l'amendement était adopté, nous recréerions des disparités que nous avions gommées, puisque nous avions également supprimé le recours sur succession pour les handicapés. Il serait regrettable, au détour d'un texte et un vendredi, de prendre une telle initiative. Je suis donc contre cet amendement, que je comprends, mais les cas dénoncés par M. Charasse ne sont pas monnaie courante. En outre, le recours sur succession n'était pas appliqué de la même façon selon les départements. Le mieux est donc de retirer l'amendement et d'en débattre sereinement entre commissions des affaires sociales et des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je respecte la commission des affaires sociales, je crois l'avoir prouvé. Mais nous sommes ici dans le sujet puisqu'il s'agit de la solidarité intergénérationnelle. Vous ne pouvez en prendre le positif et en refuser le négatif ! Nous réformons les droits de succession et c'est bien. Mais lorsque des dépenses engagées par la collectivité peuvent faire l'objet d'une solidarité des descendants, il faut la leur demander. Il en était ainsi dans l'ancien droit de l'aide sociale et il s'agit seulement d'aligner l'APA sur ce droit.
Ce qu'on aurait dû faire lorsque l'APA a été créée. La démarche de M. Charasse est particulièrement opportune, vertueuse, même ...
M. Guy Fischer. - Mais non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Qu'une démarche de cette espèce vienne de temps à autre de ce côté de l'hémicycle est un bon signe d'ouverture !
M. Guy Fischer. - Scandaleux !
M. Jean-Jacques Jégou. - Je voterai l'amendement, qui n'est ni hors sujet, ni examiné à la sauvette. Il est bon de distinguer la solidarité nationale et celle des familles. Je ne comprends pas la position de M. Fischer. Les élus locaux savent bien que le dispositif actuel produit des effets d'aubaine.
M. Philippe Adnot. - Je soutiens à mon tour l'amendement. Il n'est pas anormal de solliciter ceux qui ont les moyens. Peut-être faudrait-il porter le seuil à 100 000 euros ...
Mme Catherine Procaccia. - Je ne voterai pas l'amendement, qui me semble peu nuancé et ne tient pas compte du fait que pendant dix ou vingt ans les familles ont versé une obligation alimentaire.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Sans doute des corrections peuvent-elles encore être apportées ; remonter le seuil lèverait par exemple les craintes de M. Fischer, qui ne veut pas qu'on taxe les pauvres. Reste que les textes d'application devront faire la part, au sein de l'APA, de ce qui relève de l'hébergement -et peut être assimilé à l'aide sociale- et de ce qui ressortit à la prise en charge sanitaire, dont la logique, celle sans doute d'un cinquième risque, est autre.
Si M. Charasse porte le seuil à 100 000 euros, je voterai son amendement.
M. Michel Charasse. - M. Vasselle doit se souvenir que la PSD donnait lieu à récupération sur succession. Le projet APA du gouvernement Jospin prévoyait la même disposition, mais l'Assemblée nationale, à la demande du groupe communiste, et dans un élan de solidarité plurielle (sourires), l'a fait sauter. Nous avons été ici plusieurs à trouver cela peu moral. Mon amendement, comme ceux de MM. Adnot et de Raincourt ont été repoussés à deux voix près.
Dès lors qu'on supprime les droits de succession pour le plus grand nombre, on peut quand même se débrouiller pour ne pas faire payer le voisin pour les soins donnés au grand-père si on en a les moyens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Exactement !
M. Michel Charasse. - J'ajoute que des gens au patrimoine important qui hésitaient à recourir à la PSD du fait de la récupération sur succession n'ont pas eu les mêmes perplexités quand l'APA est arrivée ! Dans mon département, sans catastrophe particulière ni Tchernobyl, on est passé d'un seul coup de 2 000 PSD à 8 000 APA ! Même les milliardaires y ont droit !
J'avais retenu le seuil de 50 000 euros, parce c'est celui applicable en matière d'aide sociale départementale ; jamais personne n'a d'ailleurs proposé de le relever. Mais je veux bien au cas particulier, étant entendu qu'il n'y aura plus lieu à récupération si un cinquième risque est créé, aller jusqu'à 100 000.
M. le président. - Il s'agira de l'amendement n°122 rectifié.
Mme Nicole Bricq. - Notre collègue Charasse est toujours vigilant sur l'utilisation des deniers publics. Mais nous avons défendu cette nuit un amendement de suppression du dispositif, car nous n'entendons pas légiférer pour 4 % des assujettis. Et voilà qu'on nous propose de viser tout le monde. Nous ne pourrons nous déjuger.
J'ajoute que cette affaire, n'en déplaise à M. le rapporteur général, est un vrai marqueur politique et identitaire pour la gauche, M. Josselin l'a fort bien dit hier. Nous ne voterons pas l'amendement n°122 rectifié.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - La moyenne des successions, madame Bricq, est de 100 000 euros, la médiane de 80 000. On ne peut en outre libérer la transmission des patrimoines et dans le même temps exonérer les familles de leurs obligations alimentaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
L'amendement n°122 rectifié n'est pas adopté.
M. Michel Charasse. - Courage, fuyons !
Article 4 bis
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa du IV de l'article 779, les mots : « du II de l'article 788 » sont remplacés par les mots : « de l'article 796-0 ter ».
2° Le II de l'article 788 est abrogé.
3° Après l'article 796-0 bis, il est inséré un article 796-0 ter ainsi rédigé :
« Art. 796-0 ter. - Est exonérée de droits de mutation par décès la part de chaque frère ou soeur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition :
« 1° Qu'il soit, au moment de l'ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d'une infirmité le mettant dans l'impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence ;
« 2° Qu'il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès. »
II. - Le I s'applique aux successions ouvertes à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. - Plusieurs amendements sont en discussion commune.
M. Jean-Jacques Jégou. - Mon amendement 204 est satisfait par le vote, hier, du 248 de M. Bourdin.
L'amendement n°204 est retiré.
L'amendement n°222 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n°229 est retiré.
M. le président. - Amendement n°78, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Marie-France Beaufils. - Quel est le nombre de bénéficiaires de cette mesure : 3000 environ ? Ce qui me gêne, c'est que l'on ne prenne pas plutôt en compte le handicap en général. Les 820 000 allocataires de l'AAH ne reçoivent aucun « coup de pouce » sur leur pouvoir d'achat. Et où en est la mise en oeuvre de la loi votée il y a deux ans et demi ? Au moins trente dispositions réglementaires prévues n'ont pas encore été prises. Interrogeons-nous sur l'effort de la collectivité à l'égard des personnes concernées...
L'amendement n°78, repoussé par la commission et le gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4 bis est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°124, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1er du code général des impôts est abrogé.
M. François Marc. - La loi de finances pour 2007 a créé le bouclier fiscal alors même que les prélèvements obligatoires augmentent pour le plus grand nombre. Et le gouvernement veut aggraver la mesure ! Il faudrait d'abord tirer les enseignements de cette première année d'application...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous allons le faire !
M. François Marc. - En cinq ans, vos réformes des prélèvements fiscaux et sociaux ont fait de nombreux perdants, et peu de gagnants. Le graphique dont je dispose montre ce qu'il en est pour ceux qui perçoivent plus de quinze fois le SMIC ! Le bouclier fiscal ne protège nullement les classes moyennes comme vous l'aviez annoncé, mais seulement quelques milliers de contribuables, les plus fortunés. Il est en fait un moyen de démanteler l'ISF, et remet en cause la progressivité de l'impôt. Tout cela fleure bon l'hypocrisie...
M. le président. - Amendement n°125, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Les contribuables bénéficiaires des dispositions de l'article 1er du code général des impôts qui ne demandent pas le remboursement de leur droit à restitution dans un délai de deux ans perdent le bénéfice de la restitution des sommes en cause. Ils perdent, en outre, définitivement tout droit à remboursement pour l'avenir.
II - Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de décès du contribuable, lorsque la succession fait l'objet de contestation et n'est pas réglée dans le délai de deux ans. De même, ces dispositions ne sont pas applicables aux contribuables incapables majeurs placés sous tutelle ou curatelle.
III - Les dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts ne sont pas applicables lorsque le contribuable a fait l'objet d'une vérification fiscale conclue par des sanctions fiscales ou pénales définitives.
IV. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 1er janvier 2008.
M. François Marc. - Depuis l'institution du « bouclier fiscal », quelques centaines de bénéficiaires seulement ont réclamé au Trésor public un remboursement. Les autres semblent y avoir renoncé...ce qui oblige l'Etat à provisionner dans ses comptes des dépenses plus ou moins fictives. Supprimons toute restitution au-delà d'une année. Celui qui ne s'est pas manifesté perd définitivement tout droit à remboursement pour l'avenir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable au n°124. Je ne puis nous laisser accuser d'hypocrisie. La réforme a été annoncée, personne n'a été trompé, l'engagement avait été pris devant l'ensemble de nos concitoyens, il est respecté. Si cela s'appelle de l'hypocrisie, les mots de la langue française n'ont plus aucun sens.
Si un candidat à l'élection présidentielle a exprimé clairement sa pensée, c'est bien M. Sarkozy -et cela ne lui a pas nui. Il a remporté un beau succès électoral et à présent il tient ses promesses.
M. Robert del Picchia. - Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quant au n°125, il est justifié...et satisfait par l'article 1649 OA du code général des impôts. Retrait.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je récuse également le terme d'hypocrisie ; pour le reste, le rapporteur a tout dit ! Défavorable au n°124, retrait du 125.
L'amendement n°125 est retiré.
M. François Marc. - Il y a hypocrisie quand on affirme qu'une mesure profitera au plus grand nombre, alors qu'elle sert les intérêts de 4 % des contribuables tout au plus -je songe aux successions par exemple. A ce jour, 1 780 personnes ont demandé à bénéficier du bouclier...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Donc il ne coûtera pas cher !
M. François Marc. - Or vous annonciez des centaines de milliers de bénéficiaires ! Ce bouclier est injuste.
L'amendement n°124 n'est pas adopté.
Article 5
Mme Marie-France Beaufils. - Le bouclier coûte 810 millions d'euros, l'ensemble des mesures de défiscalisation du patrimoine, 3 milliards. A qui profiteront-ils ? Essentiellement aux familles dont la fortune se situe entre 7,4 millions et plus de 15 millions d'euros. Des millions de Français ont été bernés ces derniers mois en croyant que les promesses électorales les concernaient. Vous aurez la condescendance de rembourser quelques centaines d'euros à ces familles modestes dont la maison a pris de la valeur avec la spéculation immobilière. Vous mettez ce geste en avant pour mieux cacher que vous servez essentiellement les plus grosses fortunes. Vous ferez payer ensuite les millions de pauvres avec la TVA sociale, car il faudra bien financer ces cadeaux fiscaux. Des rentiers pourront se constituer de génération en génération des patrimoines faramineux au lieu d'investir dans l'économie.
En réalité, vous supprimez l'impôt de solidarité sur la fortune, qui a pourtant une haute valeur symbolique. L'impôt sur les grandes fortunes, créé en 1982, avait pour objectif de traduire la solidarité des plus riches à l'égard des plus pauvres. En 1986, M. Chirac supprimait cet impôt.
Parce qu'il était injuste ! On appréciera la rupture...
L'ISF devait financer le RMI. Il est symbolique que vous vous attaquiez simultanément aux deux.
M. Guy Fischer. - Les inégalités vont s'aggraver.
Mme Marie-France Beaufils. - Certains députés de la majorité ne comprennent pas cet excès de zèle. Porter le bouclier fiscal à 39 % revient à supprimer l'ISF pour les plus riches, ajoutent-ils en jugeant la réduction excessive. La première formule, pourtant, n'avait pas connu un grand succès et pour le Figaro, la nouvelle n'en aura pas beaucoup plus parce que les petits contribuables considèrent qu'ils n'y ont pas droit et que les autres craignent un contrôle fiscal. M. Woerth s'efforce de les tranquilliser : il leur suffira de remplir une déclaration rectificative. Un syndicaliste y voit un moyen de régulariser la situation des fraudeurs, ce qu'il juge choquant -nous partageons son sentiment.
L'amendement, ayant porté de 20 à 30 % l'abattement sur la résidence principale, l'a confirmé ; loin de servir l'intérêt général, vous ne vous préoccupez que de quelques-uns. (Applaudissement à gauche)
M. François Marc. - Contrairement à ce que vous avez annoncé, le dispositif profite à très peu de gens. On estime que mille contribuables dont le patrimoine est supérieur à 15,5 millions d'euros, se partageront 270 millions, soit 250 000 euros en moyenne.
On nous promet une fabuleuse relance économique mais en 2002, nous avons déjà entendu MM. Chirac, Mer, Sarkozy, Gaymard et Breton célébrer les vertus de la baisse de l'impôt. M. Mer avait insisté ici même sur le fait que la relance induite permettrait de stabiliser le déficit et la dette : « la dette ne dépassera pas 1 000 milliards d'euros en 2006 », s'était engagé le gouvernement. Elle est de 1 142 milliards.
Cet incroyable cadeau fiscal aura un effet désastreux sur l'opinion publique sans préparer un assainissement durable. On ne doit pas donner suite à cette tromperie. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°79, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Marie-France Beaufils. - Le gouvernement considère-t-il que certains assurés sociaux ont des revenus assez élevés pour être dispensés de contributions sociales et que les autres doivent fournir un effort supplémentaire pour éponger le déficit des réformes Fillon et Douste-Blazy ? Où est l'égalité des citoyens devant l'impôt ? Les demandes de restitution ne sont pas de 4 000 euros, elles dépassent 60 000 euros. La bénéficiaire d'un chèque de 7,7 millions a choisi de s'exprimer dans la presse, mais elle ne m'a pas convaincue car son impôt résultait de la plus-value réalisée sur la vente de titres de l'entreprise de la grande distribution dont elle était l'héritière : on est loin des petits retraités de l'Ile-de-Ré.
Pourquoi 0,3 % seulement des contribuables à l'ISF ont-ils demandé à bénéficier du bouclier fiscal ? Parce qu'il faut jouer cartes sur table, faire la transparence et oublier les conseils de sous-évaluation du patrimoine immobilier ou des titres non cotés. Tout en réduisant de manière indécente la contribution des plus riches à la solidarité nationale, vous affirmez que la TVA sociale, payée par tous, est bien plus efficace et prônez le zéro volume pour les collectivités territoriales, quitte à casser les services publics alors que vos amis en demandent le maintien dans leurs communes.
M. le président. - Amendement identique n°126, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Nicole Bricq. - Trente-deux millions de contribuables ne sont pas concernés par le bouclier fiscal, qu'il est, à ce stade, difficile de dissocier de l'ISF. Le rapporteur général, vigilant gardien des promesses présidentielles...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est la moindre des choses.
Mme Nicole Bricq. - ... affirme qu'on ne supprime pas l'ISF.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - On ne le supprime pas.
Mme Nicole Bricq. - Mais on le vide d'une bonne partie de sa substance car, en optimisant le bouclier fiscal, on pourra abaisser le plafond à 39 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas exact, je vous le montrerai.
Mme Nicole Bricq. - N'y a-t-il pas tromperie de l'opinion ? L'économie réalisée par la modification de l'assiette pourra atteindre 22 000 euros par assujetti.
Cette réforme coûtera probablement un milliard et demi d'euros. Ce n'est pas rien ! Nous voulons supprimer une mesure qui aggrave encore un dispositif déjà injuste et vide l'ISF de sa substance.
Je reviendrai sur l'attractivité et la compétitivité de la France, et sur les vertus supposées de la suppression de l'ISF pour l'économie de notre beau pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous avons travaillé ensemble sur ce sujet, en pleine harmonie !
M. le président. - Amendement n°80, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.
Rédiger ainsi cet article :
Les articles premier et 1649 0A du code général des impôts sont abrogés.
Mme Marie-France Beaufils. - Le bouclier fiscal a été créé pour anéantir l'ISF.
Cet impôt est celui dont l'assiette est la plus incertaine. En effet, s'il est difficile à un contribuable de masquer des revenus salariaux, il en va tout autrement pour le patrimoine. Ainsi, les biens immobiliers sont notoirement sous-valorisés, d'où, du reste, des redressements parfois substantiels. De même, les déclarants paraissent éprouver quelques difficultés à estimer leurs titres de sociétés non cotées. Le produit de l'ISF est tronqué à due concurrence.
En pratique, les personnes assujetties à l'ISF préfèrent sous-évaluer leur patrimoine plutôt que de courir après d'hypothétiques restitutions de trop payé, dont le montant serait sans doute inférieur à l'allégement procuré par leur propre sous-évaluation.
Nous proposons donc une économie budgétaire.
M. le président. - Amendement n°81 rectifié, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC.
Supprimer le f du 2° du II de cet article.
Mme Marie-France Beaufils. - Durant la campagne électorale, il a beaucoup été question des valeurs de la République. C'était d'ailleurs fort intéressant. Hélas ! Inclure la CSG et la CRDS dans le bouclier fiscal touche aux valeurs essentielles de la République : pourquoi atténuer la contribution des plus riches à la solidarité nationale, alors que tous les contribuables sans exception devront payer la TVA sociale ?
Pour justifier la réduction des prélèvements obligatoires, vous présentez souvent des comparaisons avec les États-Unis. Si vous preniez en compte ce que les Américains doivent prélever sur leur revenu pour leur santé ou leur retraite, le résultat de vos comparaisons serait fort différent.
M. le président. - Amendement identique n°128, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Christiane Demontès. -Lorsque le Gouvernement a présenté le bouclier fiscal nouvelle formule, il n'a pas indiqué le montant de la charge induite pour les organismes de protection sociale, au moment où tous les assurés sociaux sont soumis à des franchises et financent les cadeaux fiscaux dont bénéficient certains contribuables très aisés redevables de l'ISF.
Nous proposons d'exclure la CSG et la CRDS du bouclier fiscal, car il serait injuste de réduire encore la contribution de certains à l'ISF, au détriment de tous les ménages. (Applaudissements sur les bancs socialistes.)
M. le président. - Amendement identique n°205, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UC-UDF.
M. Jean-Jacques Jégou. - Jusqu'à présent, le bouclier fiscal à 60 % ne couvrait pas les prélèvements sociaux. Si l'on ajoute les 11 % payés au titre de la CSG et de la CRDS, le dispositif en vigueur plafonne donc les prélèvements à 71 % des revenus. (M. le rapporteur général approuve.) Ainsi, la mesure proposée par le Gouvernement porte en réalité sur 21 % des revenus.
Il y a quelques mois, M. Copé -qui insistait souvent sur la nécessité de réduire la dette de l'État- disait qu'il ne fallait surtout pas toucher au socle de 60 %, ni inclure la CSG ou la CRDS dans le dispositif.
Mme Nicole Bricq. - Exact !
M. Jean-Jacques Jégou. - Depuis, il y a eu la rupture, dont je ne sais si elle consiste à creuser les déficits...
Certes, il y a la compensation « à l'euro près », mais elle n'évite pas à l'État de devoir des milliards aux organismes de protection sociale. (On approuve à gauche.)
M. le président. - Amendement n°38, présenté par M. Marini au nom de la commission des finances.
I.- Compléter le texte proposé par le b du 4° du II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, au cours d'une année, un contribuable a réalisé un revenu dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut, sur demande expresse et irrévocable, répartir l'écart constaté par parts égales, sur l'année au cours de laquelle il a disposé de ce revenu exceptionnel et les trois années suivantes. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du lissage des revenus exceptionnels pris en compte dans le bouclier fiscal est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cet amendement tend à lisser les plus-values pour la prise en compte du bouclier fiscal. C'est surtout une question.
M. le président. - Amendement n°39, présenté par M. Marini au nom de la commission des finances.
I.- Rédiger comme suit le II bis de cet article :
II bis.- 1. Le IV de l'article 74 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi rédigé :
« IV. - La restitution prévue à l'article 1649-0 A du code général des impôts est prise en charge par l'Etat. »
2. Le 1 est applicable aux impositions payées à compter du 1er janvier 2006.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'absence de prise en charge par les collectivités territoriales du coût du bouclier fiscal est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission tient beaucoup à cet amendement, qui va réellement simplifier le dispositif.
Il s'agit d'indemniser les collectivités territoriales subissant les conséquences du bouclier fiscal. La complexité de la liquidation du bouclier fiscal peut théoriquement conduire à leur réclamer un trop-perçu au titre des impôts locaux. Les sommes sont limitées, mais la procédure est une véritable usine à gaz !
M. Denis Badré. - C'est peu dire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous avons déjà amplement traité cette question en discutant le budget pour 2006, qui a créé le bouclier fiscal.
M. le président. - Amendement n°127, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. Avant le II bis de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... Le IV de l'article 74 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi rédigé :
« IV. - La restitution prévue à l'article 1649-0 A du code général des impôts est prise en charge intégralement par l'État. »
II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes due à la prise en charge par l'État de la restitution prévue à l'article 1649-0 A du code général des impôts est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. François Marc. - Lorsque la loi de finances pour 2006 a créé le bouclier fiscal, la participation financière des collectivités territoriales a déjà suscité de vives discussions, puisque les impôts locaux liés à la résidence principale sont inclus dans le dispositif, au mépris du principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.
Nous reprenons aujourd'hui cette idée, afin de ne pas grever encore les dotations des collectivités territoriales, qui ne doivent pas payer une réforme bénéficiant à une poignée de contribuables aisés au moment où elles subissent la suppression du contrat de croissance et de solidarité auquel s'ajoutera la régulation de la DGF pour un manque à gagner supérieur à 500 millions d'euros.
Nous nous réjouissons que la commission soit arrivée à la même conclusion, en proposant un amendement d'esprit similaire, auxquels nous nous rallierons.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Merci !
M. le président. - Amendement n°206, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UC-UDF.
Après le II bis de cet article, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Dans la première phrase du premier alinéa du 8 de l'article 1649 0 A du code général des impôts, les mots : « Les demandes de restitution doivent être déposées » sont remplacés par les mots : « Les restitutions sont effectuées »
... - Les pertes de recettes résultant pour l'État du paragraphe ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Denis Badré. - Cet amendement a pour objet de rendre automatique la restitution du trop-perçu par le Trésor public lorsque le plafond du bouclier fiscal est dépassé.
M. le président. - Amendement n°239, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Après l'article 1649-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 1649 0 B ainsi rédigé :
« Art. 1649-0 B - L'application du droit à restitution défini à l'article 1649-0 A ne peut conduire à rendre la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune calculée en application de l'article 885 U du code général des impôts inférieure à :
« - 1 230 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 732 000 euros et inférieur ou égal à 1 180 000 euros ;
« - 4 346 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 1 180 000 euros et inférieur ou égal à 2 339 000 euros ;
« - 6 610 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 2 339 000 euros et inférieur ou égal à 3 661 000 euros ;
« - 21 814 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 3 661 000 euros et inférieur ou égal à 7 017 000 euros ;
« - 67 963 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 7 017 000 euros et inférieur ou égal à 15 255 000 euros ;
« - 100 000 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 15 255 000 euros ».
Mme Nicole Bricq. - Madame la ministre, à l'Assemblée nationale, vous vous êtes engagée à remettre d'ici l'automne un rapport, afin de donner droit à la revendication d'une cotisation minimale, venue des rangs de la majorité, mais fortement exprimée aussi par nos collègues députés socialistes. Cet amendement a pour objet de vous proposer une solution pour y parvenir, en tout cas partiellement. Le bouclier fiscal apparaît en effet comme une remise en cause de l'ISF, un contournement redoutablement efficace et pour les finances publiques et pour ceux qui en profitent. Nous proposons une cotisation minimale pour chaque tranche d'imposition du patrimoine. En aucun cas cet amendement n'entraînera une augmentation de la cotisation à l'ISF par rapport à celle qui est due hors application du bouclier fiscal. Il permet seulement d'assurer que des contribuables redevables de l'ISF ne pourront pas, purement et simplement, annuler leur contribution grâce à l'application de ce bouclier : ils resteront redevables d'une cotisation minimale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La question de l'impôt de solidarité sur la fortune a souvent été abordée dans cette assemblée. D'ailleurs, en comparaison avec l'autre chambre, nous avons eu souvent la sagesse de le faire en des termes réalistes. Il me semble même me souvenir d'une époque où Mme Bricq était un peu plus ouverte, ou interrogative qu'elle ne l'est devenue aujourd'hui ! La majorité sénatoriale avait d'ailleurs souligné le sens des responsabilités dont faisaient preuve ses propositions.
La question principale qui se pose est bien celle de l'attractivité. Nous savons qu'en Europe les impôts sur le patrimoine sont devenus l'exception. Nous avons fait, au début de cette année, avec Mme Lamure et Mme Bricq, un déplacement en Europe du Nord, dans le cadre de la mission d'information sur les centres de décision économique. Nous avons constaté qu'en Finlande, à la suite d'un accord national entre les partenaires sociaux, pour solde d'une négociation, assumée devant l'opinion publique, l'impôt sur la fortune a été définitivement supprimé. En Suède, avec la mise en place d'une nouvelle majorité, on se dirige clairement vers la réduction et la suppression, à la fin de la législature, de cet impôt. Tous nos pays sont confrontés à cette problématique de l'attractivité.
La commission des finances a fait la démonstration à plusieurs reprises, avec les chiffres de Bercy, que ce mouvement d'exportation des capitaux s'est poursuivi et amplifié ces dernières années. Là où nous disions, selon une expression du président Arthuis, qu'un patrimoine par jour se délocalisait, les estimations les plus récentes montrent qu'il s'agit aujourd'hui de deux patrimoines par jour. Qu'on le veuille ou non, c'est une réalité ! Un pays, pour se développer, a besoin de toutes et de tous, de la force laborieuse de ses travailleurs, de ses entreprises, mais aussi des fortunes et des patrimoines qui investissent et créent une dynamique dans l'économie. Cela va de soi, un pays est fait de tout cela ! Un pays ne se réduit pas à une catégorie sociale, c'est une communauté vivante, faite de riches et de pauvres... (Exclamations à gauche)
M. Guy Fischer. - Le problème, c'est la répartition des richesses !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Bien entendu, dans la France du début du XXIe siècle, il faut que la richesse collective s'accroisse, donc il ne faut pas faire fuir la richesse privée ! (Marques d'approbation à droite) C'est cela qui anime nos collègues qui, dans cette assemblée, sont attachés à un traitement réaliste et modéré de l'ISF. Et nous ne sommes pas les seuls, comme le montre, par exemple, une tribune parue le 22 juillet 2005 dans Libération...
M. Guy Fischer. - Bonne lecture !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... signée de Gaëtan Gorce, député de la Nièvre, secrétaire national du PS, proche de l'ancien premier ministre Lionel Jospin. Je rassure M. le secrétaire d'État, je ne vais pas la lire en entier (Mouvements divers) !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais je tiens à en citer cet extrait : « Reste donc la question de rendre cet impôt compatible avec notre environnement économique, c'est-à-dire trouver la façon d'avoir une fiscalité française qui soit juste dans un monde qui ne l'est pas. En effet, la plupart des pays, en Europe et dans le monde, n'ont pas notre conception de la justice fiscale et de l'égalité devant la fiscalité de toutes les formes de richesse. Il suffit donc de délocaliser sa fortune à l'étranger, ou de quitter la France pour échapper à cet impôt ». Et celui-ci : (marques d'agacement sur les bancs socialistes) « Rendre l'ISF compatible avec notre environnement économique, c'est ensuite régler le cas des redevables de l'ISF qui ne disposent objectivement pas des revenus permettant d'acquitter l'impôt, c'est-à-dire le syndrome de l'Ile de Ré. » (Protestations à gauche)
M. François Marc. - Toujours le même exemple !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais il est éclairant ! Permettez-moi de poursuivre la citation : (murmures désapprobateurs sur les bancs socialistes) « En effet, le fait de forcer un contribuable à vendre son bien ne pose pas de problème d'un point de vue économique. Il pose en revanche un problème politique : accepter un impôt qui force un paysan de l'île de Ré qui n'a rien changé à son mode de vie à vendre un terrain parce que le prix du terrain a augmenté autour de lui, c'est accepter un système qui soumet la liberté de certains à la loi et éventuellement aux errements du marché. »
Oui, tous les parlementaires de bonne foi, quelle que soit leur opinion politique, savent que le problème auquel s'attaque le bouclier fiscal est un vrai problème, que l'on ne peut se contenter d'évoquer par quelques propos simplistes. (Protestations à gauche) Le seul à avoir eu la franchise, ces derniers mois, de le dire à l'opinion publique a été Nicolas Sarkozy...
Mme Marie-France Beaufils. - Il a dit qu'il n'allait pas supprimer l'ISF !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous l'assumons ! Nous ne supprimons pas l'ISF... (Exclamations à gauche)
M. Guy Fischer. - C'est la même chose !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais non ! Référez-vous à l'entretien avec Nicolas Sarkozy paru dans Les Échos de janvier : ce que nous mettons en oeuvre aujourd'hui correspond strictement aux termes de cet entretien.
Pourquoi ne pouvons-nous pas accepter les amendements qui proposent d'exonérer la résidence principale des bases de l'ISF ? Parce que l'ISF n'est pas supprimé. Si l'on devait le faire, on se placerait en contradiction avec le principe de l'égalité devant l'impôt, président de la commission. Une grande partie de notre électorat le réclame, mais nous ne le faisons pas. Nous assumons aussi notre choix d'éviter de rendre l'ISF répulsif au point d'encourager la poursuite et l'amplification du mouvement d'exportation de capitaux.
Après ces considérations générales -ce texte est politique, il faut bien faire un peu de politique !- j'en viens donc, monsieur le secrétaire d'État, aux amendements...
M. Thierry Repentin. - A cette allure, on n'est pas sortis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous n'avons pas contesté votre droit d'exprimer vos convictions, alors laissez la majorité exprimer les siennes ! Sinon à quoi servirait l'hémicycle ? Avis défavorable aux amendements de suppression.
Quant à la prise en compte de la CSG, nous nous rapprochons des socialistes en ce que nous considérons que la CSG fait partie de l'impôt sur le revenu. Nous divergeons sur le point de savoir où s'arrête la proportionnalité et où commence la progressivité. Oui, je n'hésite pas à dire que Dominique Strauss-Kahn a raison, quand il dit que la CSG est une partie de l'impôt sur le revenu, puisqu'ils sont payés par la même personne, sur le même revenu. À qui fera-t-on croire le contraire ? Il faut en tirer les conséquences. C'est ce que la commission des finances a décidé l'an dernier. Nous sommes constants sur notre position et c'est pourquoi nous émettons un avis défavorable à tout ce qui va en sens inverse.
Je dis, par delà notre collègue Jean-Jacques Jégou, à notre collègue de l'Assemblée nationale Charles-Amédée de Courson, qu'il s'est trompé dans un calcul très simple...
M. Thierry Repentin. - Petit règlement de comptes entre amis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le bouclier fiscal, tel que conçu par Dominique de Villepin était de 60 % sans la CSG ni la CRDS et de 71 % si on les inclut. On intègre désormais la CSG et la CRDS.
Et le bouclier fiscal sera de 50 %, ce principe deviendra peut-être bientôt à valeur constitutionnelle, et non plus de 71 %. Comment M. de Courson a-t-il trouvé le chiffre de 39 % que la presse a repris çà et là ? Mystère....
M. Jean-Jacques Jégou. - Le nouveau centre, c'est moins bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ensuite, l'amendement n°127 est satisfait par l'amendement n°39 de la commission.
M. François Marc. - Tout à fait !
M. Philippe Marini. - De même que l'amendement n°206 sera satisfait par l'amendement n°40 de la commission que nous examinerons plus loin. Enfin, madame Bricq, l'amendement n°239 me semble prématuré : attendons les conclusions du rapport sur le principe de l'impôt minimal, lequel devrait, sans doute aucun, correspondre à vos idées... Avis défavorable.
Mme Nicole Bricq. - Monsieur le rapporteur général, j'avais cru comprendre que vous étiez pressé !
Les amendements n°206 et 227 sont retirés.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Après les propos liminaires de M. le rapporteur général (Sourires), auxquels je souscris, je serai brève. Tout d'abord, le bouclier fiscal concerne l'ensemble des impositions directes. Par conséquent, cette mesure ne s'adresse pas uniquement aux assujettis à l'ISF. Elle contribuera, comme M. le rapporteur général l'a souligné, à renforcer l'attractivité de notre territoire. Plutôt que de prendre l'exemple d'artistes ou de sportifs célèbres, attardons-nous sur l'accueil favorable réservé à cette mesure, ainsi qu'à la défiscalisation des heures supplémentaires, par les investisseurs étrangers. Depuis, l'Agence française pour les investissements internationaux note que de nombreuses personnes déclarent vouloir revenir en France ou investir dans l'économie française. Quelques mois plus tôt, amener les investisseurs à reconsidérer la France relevait de la gageure. Pourquoi tenons-nous au chiffre de 50 % ? Parce qu'il a une valeur symbolique : il instaure une sorte de partenariat entre le contribuable et l'État selon lequel le contribuable ne finance pas les obligations collectives au-delà de 50 % de ses revenus. Certains s'interrogent sur l'efficacité du bouclier fiscal, en notant le faible nombre de contribuables s'étant déclarés auprès de l'administration fiscale. C'est oublier que cette mesure a seulement six mois d'existence et que les contribuables s'en sont souciés en juin lors de la déclaration d'ISF. Enfin, disons un mot de la mesure pour l'ISF : elle coûtera 625 millions en 2008, un peu moins en 2009, soit 4 % du coût total des dispositifs instaurés par ce texte.
Mme Nicole Bricq. - Calculs d'épicier !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Contrairement à ce que certains disent, nous ne vidons pas les caisses de l'État, pas plus que nous ne vidons l'ISF de son sens.
Mme Nicole Bricq. - Vous venez pourtant d'en faire la démonstration !
Mme Christine Lagarde, ministre. - La mesure représente 15 % de ce que l'ISF rapportera à l'État en 2007, soit 4,2 milliards en 2007.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - De surcroît, la mesure créera des bases supplémentaires !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Très juste ! Les recettes seront plus importantes si la mesure favorise une activité économique supplémentaire.
J'en viens aux amendements. Avis défavorable aux amendements n°128 et 205 : le bouclier fiscal concerne la totalité des impositions directes, et donc la CSG et la CRDS. Lors de l'instauration du bouclier fiscal sous le gouvernement Villepin, ces contributions avaient été exclues. Par conséquent, le bouclier était en réalité de 71 %, et non de 60 % comme l'a démontré M. Marini. Nous en venons désormais au principe plus juste du 50 / 50.
Monsieur Marini, je vous saurais gré de retirer l'amendement n°38 : il serait artificiel de prolonger le droit à restitution exceptionnelle durant trois ans sans modifier l'imposition.
L'amendement n°38 est retiré.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°39 : il est juste que l'État et les collectivités territoriales se partagent les refacturations. Nous avons procédé à une péréquation et fixé la participation des collectivités territoriales à 58 millions. Enfin, avis défavorable à l'amendement n°239, nous reparlerons du principe de l'impôt minimal en octobre lorsque le rapport aura été rendu.
Mme Marie-France Beaufils. - Votre présentation, madame la ministre, est faite pour nous laisser croire que bien peu de contribuables sont concernés. Mais il serait plus intéressant de savoir quelle est, par impôts directs et indirects, la capacité contributive des foyers.
Dans le cadre de la mission remboursements et dégrèvements, nous avons ainsi mesuré le poids de la fiscalité locale. Il ne serait pas inutile d'établir le même ratio avec l'ISF la CSG et la CRDS. Mais vous vous gardez bien d'exprimer un tel pourcentage. Il en va de même de ceux qui nous présentent la TVA sociale comme une avancée. On sait bien qu'elle pèsera davantage sur les foyers les plus modestes que sur les assujettis à l'ISF.
Je regrette de surcroît que lorsque l'État prend des décisions auxquelles ne sont pas associées les collectivités territoriales, il considère pourtant que celles-ci doivent supporter une partie de la charge. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Nicole Bricq. - Loin de moi l'idée de ralentir nos débats, mais le rapporteur général m'a mise en cause à deux reprises. Je ne refuse jamais un combat, surtout sur un débat de fond.
Mme la ministre vient de nous donner une illustration du bien-fondé des réserves exprimées par le président de la commission et le président de séance sur la question du chiffrage. Pour les projets du gouvernement, le coût est toujours modéré ; pour nos propositions, il est toujours élevé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très juste !
Mme Nicole Bricq. - J'ai participé à la mission sur l'attractivité et la compétitivité dont vous étiez, monsieur le rapporteur général, le président. Nous avons entendu ceux qui forment le fleuron du capitalisme en France et ailleurs. À aucun moment ils n'ont cité la fiscalité comme un empêchement à l'activité économique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Interprétation sélective !
Mme Nicole Bricq. - Regardez donc les tableaux qui figurent à votre rapport ! Celui de l'Agence française pour les investissements cite la qualité des infrastructures, la formation de la main-d'oeuvre... L'imposition sur les revenus personnels et ceux des entreprises n'arrive qu'en sixième position.
Quant à l'ISF, dès lors que les biens professionnels sont exclus de son assiette, il est difficile de lui trouver des vices et des vertus économiques. Vous ne voulez pas que le capital reste dormant et vous allez soutenir un amendement, que je contesterai, pour le fléchage de l'ISF vers les PME : vous devriez être sensible à cet argument.
Vous avez cité un journal du matin. Permettez-moi d'en citer deux autres, qui m'éviteront de revenir à la question du retour des expatriés. Dans Les Échos du 21 octobre 2005, alors que M. Sarkozy était ministre des finances et que le gouvernement lançait son projet de bouclier fiscal, M. Denis Payre, fondateur de Croissance Plus, déclarait : « Si le bouclier fiscal était voté, je réfléchirais à l'idée de revenir en France. » Dans La Tribune, en janvier 2006...
Mme Catherine Procaccia. - Vous n'avez rien de plus récent ?
Mme Nicole Bricq. - ... le même Denis Payre expliquait pourquoi il ne reviendrait pas en France, portant au passage un mauvais coup au « syndrome de l'île de Ré » : « Beaucoup ont parlé d'injustice pour les agriculteurs, c'est pire pour les entrepreneurs. Un terrain, à l'île de Ré, même après la période de spéculation, vaudra toujours quelque chose. » Au bouclier fiscal, concluait-il, devrait s'ajouter l'exemption d'ISF. J'espère que l'an prochain, vous pourrez nous dire que M. Payre est revenu grâce à votre mesure...
M. le président. - Ayez la bonté d'abréger, madame.
Mme Nicole Bricq. - Le rapporteur général s'est longuement exprimé. Il m'a interpellée. Bref, demander, comme nous le faisons, la suppression du bouclier fiscal me semble parfaitement justifié.
Mme Bariza Khiari. - Les articles 4 et 5 de ce texte forment tandem : leurs dispositions se renforcent mutuellement. L'article 5, contrairement à ce que vous affirmez, n'est pas fait pour limiter la ponction sur les revenus du travail. Seul le patrimoine est concerné. L'article 4 facilite sa transmission et l'article 5 limite son imposition, tout cela pour un coût de plusieurs centaines de milliers d'euros, au bénéfice des plus riches.
Quant à l'efficacité économique du dispositif, permettez-nous d'en douter. Les précédentes mesures de défiscalisation, comme celle de la loi Dutreil de 2003, qui consentait une exonération partielle en contrepartie d'un engagement collectif conservatoire, n'a pas dissuadé les candidats à l'exil -ainsi que le rappelle notre rapporteur général à la page 114 de son rapport.
Quelle résonance entre le bouclier fiscal à 50 % et l'intitulé de votre texte ? La justice sociale exige que l'on tienne compte de la capacité contributive de chacun.
M. Jacques Muller. - Sous prétexte de rétablir l'attractivité de notre territoire, vous ouvrez la question du dumping fiscal qui fait rage dans l'espace européen et devrait être traitée à ce niveau. Votre bouclier fiscal n'est qu'un cadeau fait aux plus riches. Les écarts entre revenus et patrimoines ont déjà pris des proportions démesurées. Votre première urgence ? Les creuser encore ! La droite est si décomplexée qu'elle se permet tous les excès ! M. Marini n'hésite pas à écrire dans son rapport : « Le caractère confiscatoire de l'impôt, s'il touche les « riches », concerne, sur le plan quantitatif, davantage les « pauvres ». » De tels propos laissent pantois. Vous êtes bien parvenus, comme vous savez si bien le faire, à monter en épingle quelques exemples, tel le fameux « syndrome de l'île de Ré », mais ce ne sont pas quelques euros restitués à des ménages modestes qui justifieront vos cadeaux aux plus riches.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale estime à 810 millions le coût de votre bouclier fiscal. Les patrimoines supérieurs à 7 100 000 euros, soit 12 784 foyers, se verraient restituer à eux seuls 583 millions, soit une moyenne de 45 600 euros par foyer. Plus on est riche, plus on y gagne ! Chacun des 1 081 plus gros contribuables qui bénéficieront du nouveau bouclier fiscal touchera un chèque de 250 000 euros. Sait-on qu'un tout petit dixième de ces chèques aux plus riches représente l'argent que met l'État sur la table pour financer l'expérimentation du RSA ? Et vous prétendez que votre texte est équilibré ?
Vous n'osez pas abolir l'ISF, mais chacun mesure combien ce bouclier fiscal le vide de sa substance. Les déclarations du député UMP des Yvelines, Jacques Myard, dans Marianne, ont le mérite de la clarté : ne confesse-t-il pas que 30 % de réduction sur l'ISF, « C'est une sucette pour les députés » ? Avant d'ajouter qu'il a déposé un amendement de suppression totale. « Mais cela va dans le bon sens. La porte est enfin ouverte grâce â deux disparitions, celle de Chirac de l'Élysée et celle de l'abbé Pierre de ce monde. » (Mouvements divers)
Votre politique, madame la ministre, n'est ni de l'offre ni de la demande. C'est une politique faite par les riches pour les riches.
C'est indécent. L'abbé Pierre doit se retourner dans sa tombe. Je voterai contre cet amendement. (Applaudissements à gauche).
Les amendements identiques n°79 et 126 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n° 80.
A la demande du groupe CRC, les amendements identiques n°81 rectifié, 128 et 205 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin
Nombre de votants306
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 153 |
Pour l'adoption | 129 |
Contre | 175 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avant que nous votions sur l'amendement 39, je précise que le coût de la refacturation au Fonds de mutualisation, qui devait être de quarante millions en 2007, ne serait probablement, en réalité, que de douze.
L'amendement n°39 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Voilà un amendement sénatorial !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je ne lève pas le gage. (Exclamations)
L'amendement n°239 n'est pas adopté.
M. Alain Vasselle. - Nous intégrons donc la CSG et la CRDS dans le bouclier fiscal. C'est bien, mais il nous faudra poursuivre la réflexion sur les prélèvements obligatoires car l'Europe, elle, ne considère pas ces deux contributions à destination de la sécurité sociale comme des impôts. Il serait bon que nous intégrions aussi les cotisations sociales dans les prélèvements obligatoires, d'autant que la commission des finances souhaite leur substituer des impôts.
L'article 5, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°145 rectifié bis, présenté par MM. Guené et Vasselle.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans l'intitulé du chapitre I bis du titre IV du Livre premier du code général des impôts, les mots : « Impôt de solidarité sur la fortune » sont remplacés par les mots : « Impôt sur le patrimoine et l'épargne ».
II. Il est procédé à la même substitution dans l'ensemble du code général des impôts.
M. Alain Vasselle. - Le droit fiscal ne doit pas comporter de connotations partisanes, subjectives, et faisant appel à des critères d'un autre âge, mais s'attacher uniquement à l'objet précis de son assiette. Or, progressivement, l'assiette de cet impôt est devenue telle qu'elle appréhende des situations ne correspondant plus à ce que le sens commun appelle « fortune », mais se rapporte plus globalement au patrimoine et aux biens des contribuables. Cette appellation véhicule un caractère dogmatique, contraire à la neutralité de formulation qu'on est en droit d'exiger d'un outil fiscal. L'opposition, notamment, en a profité pour déplacer le débat sur le terrain idéologique (protestations à gauche), ce qui exclut toute possibilité d'adapter cet impôt aux exigences économiques de l'époque avec la sérénité nécessaire. Il faut rétablir, par une nouvelle formulation, le champ véritable de cet impôt, afin de permettre sa nécessaire évolution.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis favorable à cet amendement qui part d'une bonne intention, qui est justifié et qui ne coûte rien.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Retrait, parce que purement sémantique, il ne changera rien à l'imposition, et aussi parce que le mot « fortune » n'a rien de choquant. En latin fortuna signifie « chance ». Il n'est pas désuet de nommer ainsi cet impôt car, dans toute fortune, comme le rappelait Napoléon à ses généraux, et comme le considèrent les Français, il y a une part de chance. (Applaudissements à droite).
M. Jean Arthuis, président de la commission - Cela aurait un coût car il faudrait modifier tous les imprimés. Nous traînons le boulet de l'ISF et, personnellement, je ne souhaite pas que nous nous laissions aller à des modifications d'ordre sémantique. On a institué l'ISF, il nous faut maintenant en gérer les conséquences et en limiter la nocivité. Je pense qu'on aurait pu s'y prendre avec plus de clarté qu'en montant une usine à gaz pour en atténuer les effets.
La plupart d'entre nous sont persuadés au fond d'eux-mêmes que l'ISF est un très mauvais impôt. La France est dans une situation singulière ! Nous faisons comme si notre pays était isolé de tout ! Quelle hypocrisie de nier à ce point les conséquences de la mondialisation ! Les contribuables les plus fortunés n'ont pas ces scrupules, qui ont accès aux cabinets internationaux les plus efficaces et aux stratégies fiscales les plus optimisées. Cessons donc de raisonner avec des idées du passé.
Nous avons créé cet impôt, il nous faut le gérer. Ne donnons pas le sentiment que nous allons supprimer l'ISF en en modifiant le nom.
M. Alain Vasselle. - Si l'on suit Mme la ministre, l'ISF s'apparenterait à un impôt sur la chance... Mais je l'ai entendue dire que le patrimoine des assujettis, au moins pour 95 % d'entre eux, était le résultat de leur travail. L'ISF est en réalité un impôt sur la réussite. Il est désolant que nous persistions dans cette voie. Cela précisé, je retire l'amendement.
L'amendement n°145 rectifié bis est retiré.
Commissions (Candidature)
M. le président. - J'informe le Sénat que le groupe UMP a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par Mme Valérie LÉTARD, dont le mandat de sénateur a cessé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
La séance est suspendue à midi cinquante.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance reprend à 15 heures.