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Table des matières
Débat d'orientation budgétaire
Éloge funèbre de Daniel Goulet
Débat d'orientation budgétaire (suite)
SÉANCE
du mardi 24 juillet 2007
10e séance de la session extraordinaire 2006-2007
présidence de Mme Michèle André,vice-présidente
La séance est ouverte à 10 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un rapport
Mme la présidente. - M. le Président a reçu de M. le Premier ministre le rapport 2005-2006 du Conseil supérieur de la participation.
Débat d'orientation budgétaire
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle une déclaration du gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, messieurs les présidents et rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je vais vous lire la petite introduction que tenait à prononcer M. le Président du Sénat, qui assiste ce matin aux obsèques de l'épouse de M. le Président du Conseil constitutionnel.
Ce débat d'orientation budgétaire est le douzième depuis 1990. Je tiens cependant à souligner que nous le devons -plusieurs de nos collègues plus anciens s'en souviennent- à l'initiative de la commission des finances du Sénat.
Sans conteste, ce débat constitue un temps fort de l'année financière et il est d'autant plus important que, pour la deuxième fois, nous avons deux débats en un, le premier en vertu de la LOLF et le second en application de la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Loin d'être rituel, ce rendez-vous permet à l'ensemble des sénateurs qui le souhaitent de discuter de la stratégie économique et budgétaire du gouvernement, d'autant que le rapport du gouvernement qui nous a été remis englobe, outre les finances publiques proprement dites, l'ensemble des finances sociales, c'est-à-dire les dépenses d'assurance maladie, les prestations familiales, ainsi que les régimes des retraites.
Cette globalisation du débat budgétaire, nous l'avons souhaitée, et, aujourd'hui, elle prend un relief particulier dans la mesure où, monsieur le ministre, vous êtes responsable de l'ensemble des comptes publics.
Cette vision d'ensemble que nous avons aujourd'hui des finances publiques ou des finances sociales conduira sans doute à relancer la réflexion sur une meilleure articulation entre projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances.
Vous savez que c'est un thème qui est cher au Président Poncelet.
Ce chantier viendra en son heure, avec sans doute la poursuite de la rénovation de la procédure budgétaire engagée depuis plusieurs années déjà.
En ma qualité de président d'une assemblée représentant constitutionnellement les collectivités territoriales -c'est le Président du Sénat qui parle-, je ne saurais oublier l'importance des finances de nos collectivités territoriales. Notre devoir est de les intégrer dans notre réflexion d'ensemble avec, en ligne de mire, le nécessaire respect de l'autonomie et de l'équilibre des budgets.
Mais, pour l'heure, place au débat sur les orientations budgétaires de l'exercice 2008 !
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. - Madame la Présidente, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les Sénateurs, en dépit de l'agenda chargé de cette session extraordinaire, j'ai souhaité -comme le Premier ministre lui-même- que nous ayons un débat d'orientation budgétaire comme les années précédentes.
Ce débat est, en effet, essentiel: il permet d'avoir une discussion féconde avec le Parlement sur l'orientation qui sera donnée à nos finances publiques et qui servira de cadre à l'élaboration du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Au cours de cette session extraordinaire, vous avez à vous prononcer sur bon nombre de projets de loi qui mettent en oeuvre les réformes annoncées par le Président de la République et par le Premier ministre et choisies par les Français, qu'il s'agisse de revaloriser le travail, d'aider à l'accession à la propriété, de réformer les universités, d'assurer un service minimal dans les transports ou de lutter contre la récidive.
Parmi tous les engagements contenus dans le projet présidentiel, il en est un tout aussi important que les autres, et qui dame sa cohérence et sa crédibilité à l'ensemble de la politique économique que nous allons poursuivre : c'est la réduction du déficit et de la dette publics. Ce débat d'orientation budgétaire, qui porte sur l'ensemble de nos finances publiques, est l'occasion de réaffirmer cette orientation majeure de notre politique : revenir, par une maîtrise résolue des dépenses, à l'équilibre de nos comptes publics avant la fin de la législature, sans sacrifier aucun autre engagement.
Il n'y a pas de réforme possible dans l'incertitude et l'insécurité de finances publiques non maîtrisées. Il ne s'agit pas seulement de respecter nos engagements européens mais de se comporter de façon responsable : qui d'entre nous souhaite léguer des dettes à ses enfants ou à ses petits-enfants ?
Il s'agit aussi de faire preuve de bon sens : qui d'entre nous pense qu'on peut revenir sur l'exception française des prélèvements élevés si on ne revient pas sur cette autre exception française, tout aussi remarquable, de la dépense publique la plus élevée de l'OCDE en proportion de la richesse nationale ?
En dépit des efforts indéniables de mes prédécesseurs, les déficits et la dette que nous supportons aujourd'hui hypothèquent notre capacité à relever les défis de l'avenir, qu'ils soient liés au vieillissement, à l'environnement, à l'ouverture croissante du monde aux échanges d'idées, de marchandises ou de services. Les déficits et la dette pèsent également sur notre crédit vis-à-vis de nos partenaires européens.
Le niveau atteint par la dépense publique dans notre pays nous prive de marges de manoeuvre indispensables pour faire face à la concurrence, pour investir dans l'innovation et la recherche ou pour réagir aux fluctuations conjoncturelles de l'économie mondiale.
C'est pourquoi une politique ambitieuse en matière de relance de l'emploi et de la croissance, ambitieuse en matière de réformes structurelles, en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation, ne peut produire pleinement ses effets que si elle est accompagnée d'une politique ambitieuse en matière de réduction du poids de la dépense publique, de reflux de la dette publique et de résorption des déséquilibres des comptes publics. C'est pourquoi le Président de la République a fixé un objectif d'équilibre des finances publiques et de retour de la dette publique en-deçà de 60 % du PIB en 2012 au plus tard. Et si la croissance est au rendez-vous, nous atteindrons cet objectif dès 2010.
M. Gérard Delfau. - Si tôt que ça ?
M. Eric Woerth, ministre. - Cet objectif s'impose...
M. Gérard Delfau. - Quelle vertu !
M. Eric Woerth, ministre. - Cet objectif s'impose, je le répète. La crédibilité de la France est en cause et surtout -pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas- le sort de nos enfants et des générations à venir.
Pour y parvenir, il convient de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique par rapport à ce que nous avons connu dans le passé. Ce moyen s'impose lui aussi.
Pour réduire les déficits, il n'y a en effet qu'une alternative : réduire le poids de la dépense ou accroître celui des prélèvements. La seconde option est envisageable dans des pays faiblement imposés ; elle ne l'est pas dans un pays dont le taux de prélèvements obligatoires excède de quatre points la moyenne européenne.
C'est donc bien -et vous me pardonnerez de le répéter inlassablement- par la baisse du poids de la dépense publique dans le produit intérieur brut chaque année d'ici à 2012 que nous parviendrons à inscrire enfin notre pays dans une trajectoire de désendettement durable.
Nous y parviendrons tout d'abord en infléchissant la courbe de la dépense publique. Je vois déjà s'élever la critique automatique : « Vous allez dégrader le service public ! ». Mais alors, comment expliquez-vous que les mises en garde sur la qualité de nos services publics se soient multipliées alors même que les dépenses progressaient à un rythme soutenu ? C'est bien la preuve qu'il ne s'agit pas uniquement d'un problème de moyens. C'est bien la preuve que nous devons changer radicalement notre culture de la dépense.
Aujourd'hui, aussi paradoxal que cela puisse encore paraître à certains, c'est en ralentissant la croissance de nos dépenses que nous préserverons la qualité de nos services publics, parce que ce ralentissement exigera une modernisation en profondeur de nos politiques publiques.
Nous y parviendrons ensuite par des réformes profondes : en réformant le marché du travail et en simplifiant les réglementations, en conférant plus d'autonomie aux universités, en redéployant des moyens vers l'enseignement supérieur et la recherche, en supprimant les verrous réglementaires qui entravent le développement de l'emploi et de l'activité, bref, en appliquant avec détermination tous les engagements présidentiels.
Cette démarche doit concerner, bien évidemment, l'ensemble de nos finances publiques, celles de l'État, celles des collectivités territoriales et celles de la sécurité sociale.
Cette année, et pour la première fois, un seul ministre, et non plus deux, voire quatre, est chargé de vous présenter la stratégie du gouvernement pour l'ensemble des comptes publics.
Ce n'est pas une innovation légère, ni un effet d'affichage, mais la marque d'une volonté politique forte de prendre à bras-le-corps nos problèmes de déficit et d'endettement.
Il y a un seul ministre responsable de l'ensemble des finances publiques parce que seules une vision d'ensemble et une stratégie cohérente peuvent nous permettre de rééquilibrer de façon durable nos comptes publics. Deux raisons au moins justifient en effet la création d'un tel ministère. La première, c'est que les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les finances publiques sont globales. Ce qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages ou la compétitivité de nos entreprises, ce n'est pas seulement l'impôt sur les sociétés ou les cotisations maladie, c'est l'ensemble des prélèvements obligatoires. Ce que nous léguons à nos enfants et petits-enfants, ce n'est pas seulement la dette de l'État ou le déficit de la sécurité sociale, c'est la situation de l'ensemble des comptes publics.
C'est donc sur l'ensemble de ces comptes que porte notre engagement. C'est un point primordial, d'ailleurs souligné par Philippe Marini dans son rapport sur la dette. Je présenterai d'ailleurs un rapport sur l'ensemble de la dépense publique en annexe du prochain projet de loi de finances.
Nos partenaires européens nous jugent également sur l'ensemble des finances publiques. On ne le dira jamais assez, les engagements européens ne sont que des règles de bonne gestion qu'il conviendrait de respecter même, et surtout, s'il n'y avait pas le cadre européen.
La seconde raison, c'est qu'il doit permettre de clarifier les relations entre l'État et l'ensemble des acteurs, qu'ils relèvent de la sécurité sociale ou des collectivités locales.
Ces relations, vous le savez, ne se sont pas toujours caractérisées par la transparence. Alain Vasselle le sait parfaitement, lui qui, à plusieurs reprises, a rappelé l'État à ses obligations vis-à-vis de la sécurité sociale.
J'ai pu m'en apercevoir récemment lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale : la question de la dette de l'État envers la sécurité sociale envenime Ies relations entre les acteurs. Or elle est souvent mal comprise. On dit parfois, à tort, que cette dette participe au déficit de la sécurité sociale. Cela n'est pas vrai, et il ne faudrait pas que cette analyse erronée serve d'alibi pour éluder les vraies raisons de nos difficultés financières. Si un ministère des comptes publics a un sens, c'est bien pour apporter une clarification sur ce point.
Cette clarification a commencé avec la reconnaissance des créances des régimes de sécurité sociale dans le bilan de l'État en 2006.
Il n'y a plus de bataille de chiffres en la matière : les créances sur l'État enregistrées dans les comptes du régime général sont désormais les mêmes, au centime d'euro près, que la dette reconnue par l'État.
La clarification ne doit pas s'arrêter là. Régler la dette de l'État, c'est une question de responsabilité, de respect de nos engagements ; c'est une nécessité pour contribuer au désendettement de la sécurité sociale ; c'est une nécessité pour partir sur des bases saines et se concentrer sur les enjeux majeurs de maîtrise des déficits. J'ai demandé à mes services d'étudier très rapidement les moyens de régler cette question. Je vous annonce aujourd'hui que l'État apurera sa dette au régime général dès octobre de cette année, telle qu'elle est constatée au 31 décembre 2006, soit 5,1 milliards d'euros. Nous allons ainsi permettre à l'ACOSS de ne pas dépasser son plafond d'emprunts voté par le Parlement pour 2007.
Apurer cette dette accumulée, c'est essentiel, mais ce n'est pas suffisant : je veux mettre en place des règles de gouvernance et des procédures pour qu'elle ne se renouvelle pas.
Rappelons-nous que l'État avait procédé à un apurement partiel de sa dette en 2002 ; et on voit le résultat quelques années après. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. Il faut notamment que l'autonomie de gestion permise par la LOLF ne conduise pas à l'utilisation à d'autres fins des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations. J'y veillerai.
Dès cet automne, des règles précises d'exécution budgétaire seront fixées pour que les responsables de programmes honorent leurs engagements vis-à-vis de la sécurité sociale et qu'à compter de 2008, les facteurs à l'origine de la constitution d'une dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale soient traités à la racine.
Avant de détailler nos perspectives à l'horizon 2012, je voudrais, au préalable, faire un point sur 2007 puisque notre programme en matière de finances publiques s'applique dès maintenant.
Le Président de la République a rappelé devant l'Eurogroupe notre objectif d'un déficit de 2,4 points de PM pour l'ensemble des administrations publiques, en légère amélioration par rapport à 2006. Cet objectif est confirmé en dépit de certains dérapages sur les dépenses sociales, parce que nous conserverons une discipline sans faille sur les dépenses de l'État, et parce que les recettes fiscales devraient dépasser de 2 à 5 milliards d'euros le niveau prévu en loi de finances, en particulier grâce au dynamisme de l'impôt sur les sociétés.
Quant au paquet fiscal, son coût, limité cette année, sera entièrement absorbé, notamment par le moindre prélèvement que nous aurons à verser à l'Union européenne. Au total, nous devrions donc avoir un déficit budgétaire inférieur à celui initialement prévu.
Ces relatives bonnes nouvelles sont cependant obscurcies par une mauvaise nouvelle du côté de la sécurité sociale. Le régime général enregistre, vous le savez, une dégradation très nette de sa situation financière. Le déficit attendu pour 2007 est proche de 12 milliards d'euros, soit 4 milliards au-dessus de ce que vous avez voté en loi de financement.
M. Guy Fischer. - Déficit historique !
M. Eric Woerth, ministre. - Cette situation de déficit structurel est grave et inacceptable. La sécurité sociale est au fondement de notre pacte social : sa fragilisation financière exige que nous nous penchions tous ensemble sur son avenir et sur les solutions à trouver plutôt que de regarder en arrière et de nous perdre une nouvelle fois en de vaines querelles de responsabilité.
La maîtrise des finances sociales est un exercice très difficile. Tous ceux qui s'y sont essayés peuvent en témoigner, ce n'est donc pas la peine de donner des leçons. C'est un véritable travail de Sisyphe, sans cesse à refaire, qui demande du courage et de la ténacité.
Il n'y a pas de réforme miracle, nous devons nous atteler à nouveau à la tâche et fournir un effort continu, quotidien, sans relâche, pour parvenir à mieux réguler les dépenses d'assurance maladie et se donner les moyens de financer de nouveaux besoins.
Le retour à l'équilibre doit être un impératif absolu, un impératif financier autant qu'un impératif de responsabilité. Mettons-nous à la place des générations à venir : que dirions-nous si nous avions à rembourser les dettes de nos aînés ?
J'en viens maintenant à la stratégie du gouvernement pour la législature qui s'ouvre.
Notre objectif est de revenir dès que possible, et en tout état de cause avant 2012, à une dette inférieure à 60 % du PIB et à un solde public équilibré.
Cette stratégie volontariste s'appuie sur deux piliers, que j'ai déjà mentionnés : des mesures fiscales ambitieuses, qui revalorisent le travail et vont créer un choc de confiance permettant de relancer durablement la croissance, créatrice de richesses ; une maîtrise sans précédent de la dépense publique, qui participera tout autant au rétablissement de la confiance en permettant de réduire la dette, d'améliorer l'efficacité des services publics et de préserver la solidarité juste et nécessaire entre les générations. La clé de l'assainissement des finances publiques réside dans la maîtrise de la dépense. Pour réussir, il faut plusieurs conditions : cette maîtrise doit être partagée par l'ensemble des acteurs ; elle ne doit souffrir aucun report ; elle doit s'inscrire dans la durée.
L'objectif que nous nous sommes fixé pour la législature, c'est, je le disais en introduction de mon propos, de diviser par deux la progression de la dépense publique par rapport aux tendances passées.
Cela correspond à une évolution moyenne légèrement supérieure à 1 % par an en volume sur l'ensemble de la sphère publique -État, sphère sociale, collectivités territoriales -, contre 2,25 % en moyenne sur les dix dernières années. J'ai bien conscience que c'est un effort sans précédent que nous devons fournir.
Cet effort doit permettre, dès 2008, d'amorcer une baisse du déficit. Un ralentissement de la croissance de la dépense publique à hauteur d'un point représente près de 10 milliards d'euros de dépenses en moins dès 2008 par rapport aux années passées.
L'effort que nous allons faire sur la dépense est ainsi du même ordre que le choc fiscal en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, et il permettra même de poursuivre une légère baisse du déficit public en 2008, comme s'y est engagé le Président de la République.
Dès 2009, la maîtrise de la dépense nous engagera dans une trajectoire de désendettement plus rapide. Son rythme dépendra néanmoins de la croissance du produit intérieur brut : si elle est au rendez-vous et atteint 3 %, le double objectif d'une dette inférieure à 60 % du PIB et d'un équilibre des finances publiques pourra être atteint dès 2010 ; sinon, il sera décalé, mais au plus tard en 2012, pour peu que la croissance atteigne 2,25 %.
Ces scénarios sont fondés sur le respect de la norme de dépenses pour l'État, sur des prévisions de recettes prudentes, sur l'affectation des plus-values au désendettement, et, plus généralement, sur une maîtrise générale de la dépense publique.
Tous les acteurs devront s'impliquer si nous voulons y parvenir.
S'agissant de l'État, une norme « zéro volume » au plus, c'est-à-dire une hausse qui ne devra pas excéder le taux d'inflation, s'appliquera sur un périmètre élargi puisqu'il inclura les prélèvements sur recettes, notamment ceux qui sont destinés aux collectivités locales. Cette norme élargie est un objectif ambitieux, qui n'a jamais été demandé à I'État jusqu'à présent.
Nous devons, en outre, prendre en compte le fait que l'évolution des dépenses inéluctables -charge de la dette et pensions- est désormais défavorable : la remontée des taux d'intérêt fait croître la charge de la dette, qui était quasiment stable depuis quatre ans ; les pensions, quant à elles, progressent fortement avec le choc démographique majeur que connaît la fonction publique.
L'effort sur les autres dépenses devra donc être encore plus exigeant, et il devra être perceptible dès le budget 2008.
Je sais que ce sera une tâche difficile : les entretiens que j'ai eus avec chacun de mes collègues m'ont confirmé que l'objectif de 0 % en volume nécessite, de la part de chacun, une discipline très stricte en matière de gestion des effectifs comme en matière d'efficacité des dépenses d'intervention.
En ce qui concerne les administrations de sécurité sociale, elles bénéficieront de la nouvelle démarche que nous avons lancée pour une meilleure maîtrise des dépenses de santé et elles bénéficieront aussi du dynamisme des rentrées de cotisations grâce à la poursuite prévisible de l'amélioration de la situation de l'emploi.
En moyenne, la croissance de I'ONDAM devra être au plus de 2 % en volume sur la période, soit environ 3,5 % en euros courants.
C'est un objectif ambitieux, qui implique que le gouvernement examine et renforce dès maintenant les leviers de la maîtrise médicalisée avec l'ensemble des acteurs.
C'est aussi un objectif réaliste -supérieur du reste à celui qui avait été assigné en 2007- car il est inutile d'afficher des cibles impossibles à atteindre. De telles cibles ne sont plus crédibles pour les acteurs de la dépense de santé, elles perdent d'emblée toute signification.
L'instauration de la franchise devrait, quant à elle, permettre de financer les nouveaux besoins.
La maîtrise des dépenses d'assurance maladie s'impose d'autant plus que nous devons faire face à la dégradation des comptes de la branche vieillesse. Rendez-vous a été fixé en 2008 afin de poursuivre la démarche engagée en 2003 et de programmer la réforme des régimes spéciaux. Nous devons également renforcer l'emploi des seniors, car c'est la clé de I'équilibre des régimes de retraite par répartition. Le gouvernement mettra tout en oeuvre pour lever les obstacles financiers, réglementaires et parfois culturels, au développement de l'emploi des plus de 55 ans.
En ce qui concerne, enfin, la branche famille, ses dépenses devront, elles aussi, participer à l'effort global de maîtrise de la dépense publique.
Les collectivités locales, et je sais combien ce sujet est important pour le Sénat, ne peuvent pas non plus rester à l'écart de cette obligation. Personne ne le comprendrait.
Elles devront stabiliser leur endettement, en modérant leurs dépenses. C'est tout le sens du nouveau pacte que nous voulons passer avec elles afin d'améliorer leurs relations financières avec l'État, dans le respect, bien évidemment, de leur autonomie de gestion. Nous devons avoir un dialogue de responsabilité.
M. Gérard Delfau. - Ce sera difficile !
M. Eric Woerth, ministre. - Étant moi-même élu local, je sais que, dans des domaines très divers, l'État impose souvent de nouvelles dépenses aux collectivités locales, à travers, par exemple, des normes techniques ou environnementales ou la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
M. Guy Fischer. - Il est bien de le reconnaître.
M. Henri de Raincourt. - L'APA !
M. Eric Woerth, ministre. - C'est pourquoi nous devons mieux associer les élus à l'élaboration de ces normes contraignantes, qui amènent de fortes augmentations de dépenses.
En contrepartie, les règles gouvernant l'évolution des dotations aux collectivités locales devront être réformées : dès 2008, les concours qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité se verront appliquer la même norme que celle qui s'imposera aux autres dépenses de l'État.
C'est avec ces exigences sans précédent, et qui doivent être partagées, que nous arriverons à atteindre l'objectif d'assainissement des finances publiques au cours de cette législature.
Je voudrais terminer mon propos en évoquant devant vous quelques-uns des moyens que nous mettrons en oeuvre pour appliquer notre stratégie budgétaire.
Une stratégie aussi ambitieuse réclame bien évidemment des réformes efficaces. Le Président de la République et le Premier ministre les ont annoncées et expliquées à de nombreuses reprises depuis deux mois. Ce sont des réformes justes et d'une ampleur sans précédent pour restaurer nos finances publiques. Je vous rappelle notamment le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État, la réforme des régimes spéciaux, la fin de l'indexation sur la croissance des concours de l'État aux collectivités locales ou encore les mesures visant à mettre fin à la dérive des dépenses d'assurance maladie par l'instauration d'une franchise.
Revenir sur ces différentes mesures excéderait le cadre de ce débat. Aussi je concentrerai mon propos sur l'une des plus importantes, dont mon ministère sera la cheville ouvrière : la révision générale de l'ensemble des politiques publiques.
Depuis 2005, sous l'impulsion de Jean-François Copé, plusieurs vagues d'audits de modernisation ont été lancées. Elles ont accompagné le processus de mise en place de la LOLF, et ont permis de commencer à rationaliser la dépense publique et à améliorer le service public.
Avec la révision générale des politiques publiques lancée par le Premier ministre le 10 juillet dernier, nous allons maintenant passer à la vitesse supérieure, comme le souhaitait d'ailleurs Jean Arthuis.
La démarche est très novatrice pour notre pays ; elle s'inspire des meilleures pratiques étrangères. Il ne s'agit évidemment pas d'une énième réforme d'un processus sans fin. Il s'agit d'une étape décisive, une étape qui permettra de sortir de l'empilement permanent de dépenses et de politiques publiques qu'on ne réexamine jamais, une étape qui mettra un terme à la croyance selon laquelle il suffit d'augmenter les moyens publics pour que l'usager ait un meilleur service, une étape qui fera de l'efficacité le mot d'ordre et la fierté de l'action publique.
Nous allons passer au crible l'ensemble de la dépense publique. Chaque politique publique sera réexaminée de fond en comble, à partir de questions simples : à quoi sert-elle ? répond-elle aux besoins des usagers ? pourrions-nous la conduire différemment, avec moins de moyens, en la ciblant davantage ?
Ce réexamen de fond permettra d'identifier et de programmer des réformes intelligentes et structurantes, qui garantiront une maîtrise durable et bien ciblée de la dépense de l'État. Il permettra en particulier d'atteindre l'objectif de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État, tout en préservant, et même en améliorant, la qualité du service rendu aux usagers. Les rapporteurs généraux des deux commissions des finances seront étroitement associés à cet exercice de révision.
Toutes les dépenses de l'État seront concernées, y compris les dépenses d'intervention, sur lesquelles on ne s'est pas encore penché alors qu'elles représentent 40 % des dépenses budgétaires. Le champ d'examen ne s'arrêtera d'ailleurs pas à l'État stricto sensu et inclura des politiques dans lesquelles celui-ci intervient aux côtés d'autres partenaires, je pense aux politiques sociales et de sécurité sociale, ou aux politiques des collectivités territoriales : même si elles exigent d'autres moyens, d'autres méthodes, elles doivent être, elles aussi, examinées.
C'est le Conseil de la modernisation des politiques publiques, présidé par le Président de la République, et dont je serai le rapporteur général...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Les rapporteurs généraux, c'est important, n'est-ce pas ?
M. Eric Woerth, ministre. - ...qui décidera ensuite des options à retenir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Créons un syndicat des rapporteurs généraux ! (Sourires)
M. Guy Fischer. - Le gouvernement ne va pas être content !
M. Eric Woerth, ministre. - La méthode que nous avons choisie est donc beaucoup plus efficace qu'avant puisqu'elle implique désormais les plus hautes instances de l'État. Vous le savez d'ailleurs très bien : sans cette implication, il n'y aurait pas de réelle modernisation de l'État. Les changements importants qu'elle implique exigent une légitimité politique très forte. On l'a vu dans tous les États qui ont procédé à une modernisation en profondeur de leurs procédures comme de leurs politiques.
On l'a vu aussi dans les démarches précédentes que nous avons conduites, quelle que soit leur qualité par ailleurs.
Les résultats auxquels nous parviendrons serviront à établir une programmation pluriannuelle détaillée des dépenses qui donnera aux gestionnaires davantage de visibilité sur leurs crédits et davantage de responsabilité dans l'ensemble de leur gestion.
Cette révision générale sera menée tambour battant puisqu'elle devrait être achevée début 2008, avant le prochain débat d'orientation budgétaire. Nous mettrons alors en place un contrôle régulier de la mise en oeuvre des réformes qui auront été décidées, en lien avec les commissions compétentes des Assemblées et avec la Cour des comptes.
Permettez-moi, avant de conclure, d'ajouter un mot sur un sujet auquel je suis très attaché : la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Avec ma collègue Roselyne Bachelot notamment, pour ce qui est des comptes sociaux, nous en faisons une priorité, car elle constitue un élément important de la légitimité de l'intervention publique.
La baisse des prélèvements et la lutte contre les dépenses inutiles doivent s'accompagner de la plus grande transparence et surtout de la plus grande équité dans la perception de ces prélèvements et le versement des prestations. C'est une question de morale publique !
Mme Nicole Bricq. - Parlons-en !
M. Eric Woerth, ministre. - Ce point est essentiel si l'on veut que les Français adhèrent à l'idée de l'impôt.
Mme Nicole Bricq. - Avec les nouvelles dépenses fiscales, on est servi en termes d'équité !
M. Eric Woerth, ministre. - Je veillerai à poursuivre et à accélérer la mobilisation de tous les services publics, administration fiscale ou organismes de sécurité sociale, au service de cette priorité de justice.
Tels sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les principaux axes de travail que le gouvernement entend suivre pour mener à bien notre chantier commun : l'assainissement durable de nos finances publiques.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à vos collègues députés, ce chantier n'est ni de droite, ni de gauche ; ce n'est pas l'obsession d'un camp, ni une négligence d'un autre : c'est une nécessité collective, qui exigera l'engagement de tous et de chacun.
On peut bien sûr discuter des moyens, encore que notre niveau d'endettement et de dépenses publiques en limite fortement le nombre ; mais on ne doit pas discuter de l'objectif, qui s'impose à chacun d'entre nous, parce que l'avenir de la France est notre bien commun, et parce que la solidarité entre les générations fonde notre éthique commune.
Les Français sont très sensibles à ces enjeux...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Eric Woerth, ministre. - Au-delà de la vision comptable,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle opprobre !
M. Eric Woerth, ministre. - ...ils savent que ce ne sont pas de simples questions de chiffres mais des enjeux politiques essentiels qui conditionnent la capacité de notre pays à rester un grand pays, prospère, influent et respecté.
Les Français ne veulent plus de politiques de l'autruche, ils ne veulent plus qu'on minimise les problèmes ni qu'on les berce d'illusions. Ils ne croient plus au bouc émissaire facile du grand capital ni à ce fantasme qu'il suffirait de seulement taxer les riches et les entreprises pour résoudre tous les problèmes.
M. Guy Fischer. - Eh pourtant ! Les inégalités sociales ne cessent de se creuser !
M. Eric Woerth, ministre. - Les Français nous ont élus parce que nous regardons les difficultés, si j'ose dire, droit dans les yeux et que nous sommes prêts à retrousser nos manches. Ne les décevons pas ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Marini, rapporteur général . - Bravo !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Au lendemain du vote de la première loi de règlement du budget au format LOLF et à la veille de l'examen du texte en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, ce débat tient avantageusement lieu de discussion d'un collectif que le gouvernement, contrairement à l'usage, a renoncé à déposer.
Il permet de mettre en perspective les comptes de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales pour faire toute lumière sur la situation financière de la France. Nous nous réjouissons de la présence du Premier ministre des « comptes publics » en qui la commission veut voir le garant de la cohérence tant attendue. Monsieur le ministre, nous vous soutiendrons pour redresser une France qui, selon M. Camdessus, est « menacée de décrochage sous anesthésie ».
Les deux piliers de la stratégie économique et budgétaire du gouvernement sont des mesures fiscales ambitieuses permettant de créer un choc de confiance et une maîtrise sans précédent de la dépense publique. Si la croissance est de 3 %, l'équilibre budgétaire sera atteint dès 2010. Si elle est de 2,5 %, l'objectif sera atteint en 2012. Nous souscrivons à cette politique qui reprend deux objectifs auxquels notre commission est profondément attachée.
En ce début de législature, nous devons répondre à deux questions. Les mesures fiscales qui nous sont proposées peuvent-elles relancer durablement la croissance ? Leur coût budgétaire est-il compatible avec la situation de nos finances publiques ? (« Non ! » Sur plusieurs bancs à gauche)
La légitimité de ces mesures fiscales tient avant toute chose au fait qu'elles transcrivent un engagement électoral du Président de la République. Les unes s'inscrivent dans une politique de l'offre. Tel est le cas des dispositions relatives aux heures supplémentaires, même si leur complexité me fait regretter que le gouvernement ne se soit pas engagé plus radicalement dans la révision du système si préjudiciable des 35 heures, car je reste persuadé qu'une rupture avec la logique malthusienne de partage du travail eût été hautement salutaire. Tel est aussi le cas de la mesure ISF, qui permet aux redevables de choisir de liquider leur obligation en souscrivant au capital de PME. Nous tenons plus que tout à rétablir l'affectio societatis, ce lien entre l'actionnaire et l'entreprise que la financiarisation ambiante, qui tend à déshumaniser le capitalisme, a rompu.
En revanche, le droit offert aux ménages de déduire de leur revenu imposable les intérêts d'emprunt d'accession à la propriété de leur résidence principale, ainsi que l'allégement significatif des droits de succession, s'inscrivent clairement dans une politique de demande. S'il est vrai que le soutien à la consommation crée des emplois, il est urgent de comprendre que pour l'essentiel, ces créations d'emplois s'opèrent hors de France. Quant à moi, ayant résolument fait le choix d'une politique de l'offre, j'ai hâte de voir voter des mesures d'amélioration de la compétitivité du travail, des entreprises et des territoires. C'est sans doute, à ce stade, le chaînon manquant de votre « paquet fiscal ». Je garde l'espoir qu'un jour prochain s'ouvre le débat sur un autre financement de la protection sociale, notamment des branches santé et famille, qui cesse de prendre en otage le travail et, tirant les conséquences de la mondialisation de l'économie, endigue les délocalisations d'activités et d'emplois. En l'état, j'exprime un doute sérieux sur le « choc de confiance et de croissance » que le gouvernement attend de son projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat que nous discuterons à partir de demain. L'impact budgétaire en est significatif : les pertes de ressources fiscales s'élèvent à 1,5 milliard en 2007, 10 milliards en 2008, 13 milliards en 2009, 15 milliards en 2010. A ces chiffres, il conviendra sans doute d'ajouter l'impact de la mesure ISF-PME, apparemment non prise en compte dans les évaluations. (Mme Bricq le confirme) Ce coût budgétaire est-il compatible avec la situation de nos finances publiques ?
Mme Nicole Bricq et M. Gérard Delfau. - Non !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il est vrai que le gouvernement a besoin de crédits nouveaux pour donner corps à ses grandes réformes. Mais la situation financière est pour le moins préoccupante, pour ne pas dire alarmante, eu égard à la nouvelle dérive des dépenses sociales.
Nous savons bien, compte tenu du vieillissement de la population française, que les besoins vont s'amplifier. Il est vital d'appréhender la réalité sans fard. Notre rapporteur général, Philippe Marini, va vous décrire avec objectivité... (on en doute à gauche) ...et talent... (Mme Bricq le concède) ...ce qu'il appelle « le socle de la nouvelle présidence ». La dette publique a été au coeur de la campagne présidentielle. Il n'est plus possible de tergiverser, nous avons collectivement un devoir de résultat. Nos concitoyens en sont bien conscients. Assumons ce devoir avec courage, et pour cela osons ouvrir les yeux sur les tendances lourdes de nos finances publiques. La clé du désendettement, c'est l'équilibre et la disparition du déficit. Pour qu'il en soit ainsi, nous avons besoin, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, d'une croissance sensiblement supérieure à 3 %. A défaut, dans l'hypothèse où, à politiques inchangées, l'augmentation spontanée des dépenses serait de 2,5 % en volume, avec une prévision de croissance moyenne de 2,2 %, il faudra économiser 80 milliards pour ramener la dette publique à 60 % du PIB. Ces données, est-il besoin de le souligner, sont profondément inquiétantes. Je veux simplement vous mettre en garde, monsieur le ministre, contre des objectifs intenables qui nous exposent au spectacle de l'impuissance voir de l'impéritie politique.
De cet éclairage stimulant, nous tirons deux conclusions : nous devons rendre la France compétitive dans une économie mondialisée, et réformer la sphère publique afin de réguler le rythme des dépenses de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Le chantier qui nous attend exige un sens aigu de la pédagogie et un immense courage politique. Il est urgent d'expliquer à nos compatriotes les enjeux de la mondialisation, qui a périmé des pans entiers de nos législations. Ceux qui entreprennent ont besoin de retrouver des marges de manoeuvre et de liberté. En matière de prélèvements obligatoires, il serait coupable de faire peser plus longtemps encore le poids du financement de l'assurance maladie et des prestations familiales sur les salaires, sous peine d'altérer la compétitivité du travail, organisant ainsi la disparition accélérée de l'emploi.
Je m'abstiendrai de développer ici mes convictions sur la « TVA sociale », mais je lance un appel pour que le débat s'ouvre enfin devant l'opinion publique. Avec Philippe Marini, nous nous y sommes préparés. Mon obsession, comme celle de la plupart d'entre nous, c'est la compétitivité. Tout ajournement du débat engage notre responsabilité. Le retour d'une croissance robuste est un impératif vital. Or, j'ai vainement cherché dans votre rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, monsieur le ministre, une remise en cause de l'architecture de nos prélèvements obligatoires. Pourtant, nous devons nous interroger sur sa compatibilité avec la mondialisation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - N'y-a-t-il pas des impôts, des taxes, des contributions sociales qui mettent en péril notre potentiel de créativité et de production ?
Après l'incroyable cacophonie d'entre les deux tours des élections législatives, le temps est venu de briser les tabous, de rompre avec les statu quo destructeurs, de sortir de l'immobilisme ambiant, de prévenir la désinformation et la démagogie. Il est aujourd'hui admis, tant la matière imposable est devenue fugace, que la TVA sociale profite à nos productions de biens et de services, aussi bien auprès des consommateurs français qu'à l'exportation. Il est bien entendu que cette réforme, qui étend aux importations la prise en charge de notre protection sociale, ne peut être conduite qu'à prélèvements globaux constants. C'est dans ces conditions que le choc de confiance et de croissance peut atteindre son plein effet.
Les finances de l'État sont en passe d'être maîtrisées, sous réserve de quelques choix drastiques qui restent à faire. En revanche, les dépenses sociales dérapent, tandis que les collectivités territoriales vont devoir se préparer à des dotations plus parcimonieuses de l'État. Autant de perspectives qui nous appellent à renforcer notre commune vigilance. L'heure des réformes structurelles est venue. Ce qui a été accompli par la plupart des grands pays comparables à la France ne peut plus attendre. Si nos systèmes d'information sont toujours en deçà de l'opérationnel, de substantiels progrès ont été accomplis. Le reste est affaire de volonté politique. La lucidité sans volonté est inutile. La volonté sans lucidité est dangereuse.
Monsieur le ministre, la commission de finances du Sénat sera à vos côtés pour rendre crédible votre objectif de faire de la France un pays plus compétitif et durablement désendetté. L'heure de la mobilisation générale a sonné ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Le débat d'orientation budgétaire et des finances sociales -j'insiste sur le titre qui devrait être le sien- revêt cette année un caractère particulier. Tout d'abord, il intervient en début de législature, alors qu'un nouveau gouvernement s'installe, soit en un moment privilégié pour tracer des perspectives, définir des orientations de moyen terme claires et réalistes et proposer une voie précise et raisonnable pour les atteindre. Saisissons-nous de cette opportunité exceptionnelle de définir un parcours vertueux pour nos finances publiques. D'autant que pour la première fois, nous disposons, enfin, d'un interlocuteur gouvernemental unique, le ministre des comptes publics. Grâce à une vision plus globale des finances publiques, que nous avons toujours appelée de nos voeux, nous allons pouvoir aujourd'hui débattre de façon sérieuse et approfondie des orientations de nos finances budgétaires et sociales, sans être arrêté par des querelles stériles de frontières ou des divergences d'interprétation entre les deux ensembles financiers.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Ce débat intervient dans un contexte de finances sociales dégradées, rien de solide ne sera construit sans un bilan exhaustif et réaliste de la situation. M. le Ministre, nous attendons des réponses concrètes sur chacune des difficultés des finances sociales : dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, fonds de solidarité vieillesse (FSV), fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA), compensation des allégements de charges, apurement des déficits accumulés, dérapage des dépenses d'assurance maladie, dégradation rapide des comptes de la branche vieillesse.
Nous ne pouvons plus repousser les réformes, courageuses mais nécessaires, que nous devons effectuer en pensant aux générations futures, M. Vasselle y reviendra en vous présentant les conclusions de la commission, je me contenterai de remarques sur les moyens d'améliorer la connaissance, la gestion, le contrôle, notamment parlementaire, des finances sociales.
Conformément à l'article L. 111-5-2 du code de la sécurité sociale, le gouvernement doit déposer chaque année, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur les orientations des finances sociales comportant : une description des grandes orientations de la politique de sécurité sociale au regard des engagements européens de la France ; une évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l'ONDAM. Ce rapport peut donner lieu à un débat parlementaire en même temps que le débat d'orientation budgétaire prévu à l'article 48 de la LOLF. Or, malgré nos remarques de l'an dernier, point de rapport sur les finances sociales, nous devons nous contenter d'un « rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire », qui, sur 72 pages, n'en consacre que cinq aux finances sociales, contre douze l'an passé !
M. Guy Fischer. - C'est très peu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Qui plus est, ces quelques pages sont indigentes : aucune évaluation pluriannuelle des recettes et des dépenses, ni de l'ONDAM, orientations floues sur l'évolution prévue de l'assurance maladie, sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles, sur la politique familiale et sur la préparation du rendez-vous de 2008 relatif aux retraites. M. le Ministre, la commission des affaires sociales m'a demandé de vous interpeller sur ce point car nous ne voulons pas que l'institution d'un ministère des comptes publics conduise à tout ramener autour du seul budget de l'État et des seuls services de Bercy. Nous souhaitons confirmer l'avancée incontestable qu'ont représentée les lois de financement de la sécurité sociale et la loi organique du 2 août 2005. Il faut renforcer l'information du Parlement en matière de finances sociales pour que nous disposions d'éléments aussi transparents et précis qu'en matière de loi de finances. Nous faisions déjà des observations l'an passé, et encore en novembre dernier, aucune de nos propositions n'a été prise en compte, je souhaite qu'il en aille autrement cette année !
Nous pensons nécessaire d'étayer plus solidement l'annexe 8. Il y a eu des progrès, puisque le document annexé au projet de loi de financement pour 2007 présentait deux scénarii au lieu d'un seul l'année précédente. Mais ce document ne retenait qu'un nombre insuffisant d'hypothèses : la croissance, l'inflation, la masse salariale et l'ONDAM. Cela ne permet pas de prévoir précisément l'équilibre pour chacune des branches. Ensuite, il nous parait indispensable de présenter les données chiffrées en millions d'euros et non en milliards arrondis à la centaine de millions d'euros près : cette excessive simplification empêche toute sincérité des comptes, elle rend impossible de mesurer l'impact financier de mesures qui s'élèvent à quelques dizaines de millions d'euros. Songez que, de son côté, le projet de loi de finances est présenté en euros... Nous souhaitons, enfin, que les mesures nouvelles soient chiffrées et que l'annexe 9 explicite les besoins de trésorerie des régimes. La transparence des comptes et le contrôle parlementaire exigent un chiffrage plus précis des mesures, en recettes comme en dépenses, et de chacun des articles du projet de loi de financement, comme pour le projet de loi de finances. Nous attendons un tel changement pour cet automne !
Nous aimerions également un complément de l'annexe 8 relative aux organismes financés par des régimes obligatoires de base. Malgré les dispositions de la loi organique, n'y figurent ni les agences sanitaires et alimentées par l'assurance maladie - Agence de biomédecine, Institut national de la transfusion sanguine, Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, Haute autorité de santé -, ni le fonds de concours Biotox, ni l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Ces omissions doivent être réparées, et il faut, en particulier, retracer les éléments financiers du futur établissement public gestionnaire de la réserve sanitaire, qui a pris la suite du fonds Biotox.
Le code de la sécurité sociale prévoit une annexe sur les programmes de qualité et d'efficience (PQE) relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de sécurité sociale, chacun d'eux devant comporter un diagnostic, des objectifs, des moyens prévisionnels et l'exposé des résultats atteints les années précédentes. En mai 2006, cinq projets de PQE étaient transmis à notre commission. Nous avons fait quarante propositions pour les améliorer, aucune n'a été prise en compte dans l'annexe jointe au PLFSS pour 2007 ! Nous les réitérons, car elles amélioraient notre information le contrôle parlementaire : M. le Ministre, puis-je compter sur votre appui cette année ?
Nouveau pouvoir de la Cour des comptes, la certification des comptes de la sécurité sociale s'avère très utile et très instructive pour le Parlement. La Cour n'a pas pu certifier les comptes de la branche famille, en raison de l'ampleur des incertitudes, comme nous l'a déclaré M. Séguin. Il faut que cela change et que la CNAF présente des comptes améliorés à la Cour.
M. le ministre, beaucoup de progrès ont été accomplis au cours des toutes dernières années, nous devons aller plus loin. Si vous prenez en compte nos observations, celles de la Cour, celles de nos collègues de l'Assemblée nationale, le Parlement sera mieux informé et mieux à même de vous aider à définir la meilleure voie pour rétablir l'équilibre de nos finances sociales. Nos concitoyens savent que des efforts nouveaux vont leur être demandés pour financer la croissance des dépenses de maladie et de vieillesse (M. Fischer s'exclame). Il est essentiel qu'en contrepartie, on puisse leur garantir une gestion transparente et efficace de ces dépenses sociales ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce texte ouvre le deuxième volet de la trilogie de cette session extraordinaire. Nous débattons des finances publiques, au sens large, c'est-à-dire des grands équilibres, de la dette, du solde des finances publiques et des perspectives.
Je rappellerai tout d'abord les acquis de la précédente législature et la nécessité de renforcer cette discipline. Je me livrerai ensuite à un exercice de cohérence : je n'ai rien inventé, et mon rapport écrit se borne à mettre en perspective vos chiffres et votre jeu d'hypothèses. Enfin, je terminerai par quelques considérations sur les innovations qu'il va falloir introduire dans la gouvernance des finances publiques pour réussir, c'est-à-dire pour tenir les objectifs ambitieux que nous a assignés le Président de la République.
Les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années. Je rends hommage à tous ceux qui y ont oeuvré, à commencer par M. Alain Lambert (Assentiment à droite), qui a ouvert l'alternance, dans des conditions ingrates. Il a semé, nous récoltons. Avec les fruits des deux lois organiques, nous récoltons la prise de conscience, dans l'opinion publique, du caractère insoutenable à long terme de la dette, l'importance de la notion de performance au sein de l'État, et, demain, au sein de la sécurité sociale, voire de l'ensemble des collectivités territoriales.
Les autorisations de dépense votées par le Parlement ont été respectées : c'est une première ! De même, la norme de dépense a été respectée, encore faut-il rationaliser cette norme de dépense, qui doit impérativement comprendre les dépenses fiscales (M. Jégou approuve). Sur la période 2004-2008, les allègements de fiscalité - sans compter la loi à venir en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - représentent 22 milliards, soit plus d'un point de PIB ! Un État impécunieux fait des cadeaux fiscaux : nous avons vu ces comportements se répéter année après année, quel que soit le gouvernement...
Mme Nicole Bricq. - Et ça continue !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un euro de dépense fiscale, c'est l'équivalent d'un euro de crédit budgétaire dépensé ! Je propose d'inclure progressivement certaines dépenses fiscales à la norme de dépense, dès 2009, comme celles relatives au prêt à taux zéro. Il faut aussi - c'est encore plus vertueux - que la norme soit respectée sur l'ensemble de la législature. Il nous faut aussi disposer d'instruments de suivi et de régulation. Ce n'est pas simple, mais nous y gagnerons : d'abord, une transparence accrue permettra d'éviter toute tentative de contournement de la norme, inévitable compte tenu de la nature humaine... (Sourires)
M. Jean-Louis Carrère. - C'est un expert qui parle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ensuite, toute dépense fiscale devra être compensée par une baisse de dépense budgétaire ou une augmentation de recettes à due concurrence ; enfin, cela contraindra à évaluer la dépense fiscale non seulement en prévision, comme cela est fait aujourd'hui, de manière assez frustre et légère, mais d'en suivre l'évolution.
Oui, je l'assume : j'estime acceptable d'étendre la norme de dépense aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales. Mais il faut mettre en place un nouveau cycle contractuel, avec droits et obligations réciproques. Dès lors que la dotation étatique est gouvernée par le zéro volume, les collectivités territoriales doivent pouvoir s'adapter. Le président de la communauté de communes de l'Aire Cantilienne que vous êtes, M. le ministre, sait qu'il faut respecter leur autonomie ! Je souhaiterais d'ailleurs qu'il n'y ait que des maires au gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. - Et la parité ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En tant que gestionnaires locaux, c'est notre honneur de prendre des engagements, de réaliser des projets et d'en rendre compte. Il faut, dans ce nouveau cadre, que l'État accepte de proportionner son concours à la réalité des efforts de rigueur et de saine gestion réalisés par les collectivités territoriales. (M. le ministre approuve). Ces idées ont d'ailleurs déjà été consignées dans l'excellent rapport que Pierre Richard a remis au gouvernement.
La commission des finances s'est livrée à un jeu combinatoire, sorte de Rubik's cube des orientations des finances publiques, résumé par un tableau coloré illustrant les économies à réaliser, le terme et les hypothèses de calcul. Vous tablez sur l'équilibre des comptes publics en 2012, avec une croissance moyenne de 2,5 %, permettant une économie, en fin de période, de 80 milliards. Les engagements présidentiels, pour 30 milliards, seront donc totalement autofinancés, comme promis. Le lien entre croissance et performance est évident : l'économie varie entre 55 et 100 milliards selon que l'on vise 2010 ou 2012, 3 %, 2,5 % ou 2,2 % de croissance. Cette présentation utile et vertueuse est à prélèvements obligatoires inchangés - hors projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
La commission des finances du Sénat s'était livrée à un exercice analogue l'an dernier, prévoyant une économie cumulée de 30 milliards en 2011. Par nature prudents, même timides, nous n'avions pas imaginé l'impulsion qui va être donnée à la modernisation des politiques publiques... Je crois beaucoup au processus de réévaluation des politiques publiques et à la nouvelle organisation du pouvoir exécutif, qui va permettre de dépasser les particularismes pour rassembler les énergies.
Pour l'État, les dépenses liées à la dette ou aux pensions sont des dépenses contraintes, dépendant de facteurs exogènes. On observe une tendance lourde : la tension des taux d'intérêt.
Durant la dernière législature, l'accroissement du volume de la dette a été occulté par l'effet taux, favorable. Ce sera le contraire dans la période à venir et la stabilisation de la dette ne portera pas tous ses fruits budgétaires. Les pensions vont, quant à elles, continuer à croître, d'environ 5 % par an en valeur.
Restent les dépenses d'intervention : c'est là que le reformatage des politiques publiques va devoir s'exercer, donnant lieu à une remise en question non des finalités mais des moyens de notre machine administrative et étatique. M. Vasselle, qui est un orfèvre en la matière, nous fera part de ses recommandations concernant la sécurité sociale.
Je veux souligner la grande vertu du débat sur la TVA sociale. C'est le fil rouge qui -si l'on joue sincèrement le pluralisme des contributions et si l'on se place dans la durée- aboutira à définir collectivement cette nouvelle stratégie fiscale dont nous avons besoin. Notre système de prélèvements obligatoires est une sédimentation, chaque couche contredisant -un peu- la précédente...Il nous faut un État plus manoeuvrant, dynamique, capable de relever les défis de la compétitivité et de l'attractivité.
S'agissant du pilotage de la dépense publique, nous formons le voeu d'une norme de dépense consolidée, État et sécurité sociale ; et que votre ministère ne soit pas une simple superstructure mais procède à une intégration véritable des enjeux budgétaires et sociaux. Nous souhaiterions aussi que les engagements du Président de la République se traduisent par une loi pluriannuelle sur les finances publiques.
Le comité d'alerte créé pour la sécurité sociale et l'assurance maladie est un exemple à suivre ; un comité d'alerte des finances publiques serait également salutaire en termes d'endettement public.
Sur la dépense fiscale et les agences, il appartient à l'État de s'appliquer la règle d'or qui consiste à s'interdire de financer par l'emprunt les dépenses de fonctionnement (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre) et de réserver l'endettement à l'investissement, à ce qui s'amortit. Le Sénat sera, sur cette question fondamentale, particulièrement vigilant. M. Blair a su en 1997 faire voter les guidelines de l'équilibre budgétaire et des finances publiques, rendant sa majorité parlementaire coresponsable des engagements.
M. Eric Woerth, ministre. - Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Enfin, pour la sécurité sociale -nous allons entendre un orfèvre en la matière-, la logique de solde ne suffit plus : il faudra une norme de dépense et une évolution de la gouvernance cohérente avec la fiscalisation croissante des ressources des régimes.
L'enjeu principal est celui de la cohérence et de la crédibilité des politiques publiques, des conditions par lesquelles la France doit passer pour respecter ses générations futures et se faire respecter par ses partenaires européens.
M. Eric Woerth, ministre. - Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Lorsque l'on entend jouer un rôle pionnier, être à l'avant-garde de la construction européenne, il faut d'abord être exemplaire chez soi. (Applaudissements à droite et sur la plupart des bancs du centre)
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la Sécurité sociale. - S'il vous reste une capacité d'écoute pour entendre mon rapport... (« Oui ! » à droite)
M. René Garrec. - Nous sommes tout ouïe pour écouter l'orfèvre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Les chiffres que je dois vous communiquer, hélas, incitent à l'inquiétude.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Nous sommes habitués...
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Mais avec de la volonté, le gouvernement, avec nos commissions et le Parlement tout entier, pourra aboutir aux réformes structurelles qui s'imposent. Les gouvernements précédents les ont tentées ; ils sont parvenus à quelques résultats...mais encore bien éloignés de ce que nous espérions. (M. Fischer approuve) Je me réjouis que les deux commissions s'enrichissent mutuellement de leur expérience. Nous avons voulu créer ce comité d'alerte en loi de financement de la sécurité sociale ; la première année de fonctionnement a été probante, la commission des finances souhaite s'en inspirer, je m'en réjouis. C'est l'occasion de constater qu'il n'y a pas opposition entre les deux commissions mais recherche commune.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Bien sûr ! (M. le rapporteur général renchérit)
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Et ce encore plus maintenant que nous avons un ministre des comptes publics. Nous partageons les objectifs, divergeons parfois sur les modalités -mais nous pourrions aisément nous retrouver.
Le déficit du régime général dépassait 11 milliards d'euros en 2004 comme en 2005 ; en 2006, une décrue est apparue, avec « seulement » 8,7 milliards, mais c'est grâce à des recettes exceptionnelles pour plus de 2 milliards d'euros... Les dépenses continuent de croître, de 6 % pour la branche vieillesse en raison du coût croissant des retraites anticipées ; quant à l'ONDAM, les déclarations du ministre sont empreintes d'un réalisme qui manquait l'an dernier.
En 2007, la rechute est bien là : c'est un retour aux années noires, et le dérapage, prévisible, remet en cause la sincérité de la loi de financement initiale. La commission des affaires sociales comme M. Jégou avaient exprimé leurs doutes, dénoncé la fragilité des prévisions hors de toute mesure structurelle. Le déficit prévu est désormais de 12 et non plus de 8 milliards d'euros.
Je me plais à rappeler que Xavier Bertrand, au moment de la mise en place de la réforme de l'assurance maladie, avait déclaré que si rien n'était fait, le déficit constaté serait de 16 milliards d'euros, soit le double. Ce n'est évidemment pas pour autant qu'il faut se contenter du déficit que nous connaissons aujourd'hui ! (M. Fischer s'exclame) Mais il faut reconnaître que certaines des mesures mises en place par le gouvernement précédent ont permis de contenir l'évolution du déficit.
Les dérapages proviennent de trois origines.
Tout d'abord l'ONDAM, qui doit être dépassé de 2,2 milliards d'euros, essentiellement du fait des soins de ville, en raison notamment du dérapage des indemnités journalières, des revalorisations tarifaires...
M. Guy Fischer. - ... Sans précédent !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - ... et des moindres économies sur les médicaments.
La branche maladie devrait voir ainsi son déficit se creuser, à tel point qu'il sera plus proche -en l'absence de mesures nouvelles, bien entendu- de 6 à 6,5 milliards d'euros que des 3,9 ou 4 milliards escomptés.
Ensuite, le papy-boom : le dérapage des dépenses de retraite, de près d'un milliard d'euros, résulte cette année encore du dispositif « carrière longue » dont le succès ne se dément pas. Il est également imputable à l'arrivée à l'âge de 60 ans des générations du baby-boom et de l'échec des mesures prises en faveur du travail des seniors...
M. Guy Fischer. - Ah bon !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Au total, le déficit de la branche vieillesse pourrait atteindre 4,7 milliards au lieu des 3,5 milliards prévus.
S'agissant des recettes, et j'appelle tout particulièrement votre attention sur ce point, monsieur le ministre, le régime général enregistre une perte de 1,45 milliard d'euros sur le panier de recettes fiscales institué en 2006 pour compenser le coût des allégements généraux de cotisations sociales.
Vous vous en souvenez sûrement, le gouvernement nous avait affirmé, à l'automne dernier, que ce panier permettrait de compenser parfaitement les allégements généraux de cotisations sociales. J'ai encore dans l'oreille les propos tenus ici même, à cette tribune, par le ministre du budget, M. Copé, qui se réjouissait de ce que le panier des recettes fiscales qu'il avait transféré à la sécurité sociale en compensation des allégements de charges bénéficierait à la sécurité sociale, mais qu'en plus, il ferait apparaître des excédents de recettes de quelque 540 millions d'euros pour les deux exercices 2006 et 2007.
Or, le niveau de recettes n'est pas du tout celui qui était annoncé par le ministre du budget de l'époque...
M. Guy Fischer. - Vous avez menti !
M. Alain Vasselle rapporteur - ...puisque le manque à gagner est estimé à 850 millions cette année, soit un écart de 1,4 milliard !
Je m'empresse d'ajouter que cette prévision ne prend naturellement pas en compte le coût supplémentaire des allégements qui découlera de l'application de la loi « Travail, emploi, pouvoir d'achat » que nous examinerons demain...
M. Guy Fischer. - Six milliards d'euros !
Mme Nicole Bricq. - Eh oui !
M. Alain Vasselle rapporteur - Notre commission avait souhaité prévenir l'occurrence d'une telle situation dont elle pressentait l'éventualité. Avec la commission des finances, elle avait obtenu, de la part du Sénat, l'adoption d'un amendement permettant d'assurer à la sécurité sociale une compensation à l'euro près, en fin d'exercice budgétaire, des allégements de charges. Or M. Copé, par le dépôt d'un amendement du gouvernement à l'Assemblée nationale, a fait rejeter cette disposition et a reculé de deux ans le moment de cette compensation.
Mme Nicole Bricq. - C'est un malin !
M. Alain Vasselle, rapporteur - Je redis ici ce que j'ai déclaré devant la commission des comptes de la sécurité sociale : malheureusement, ce n'est qu'un an plus tard que le gouvernement se rend compte que le Sénat avait raison.
Je me réjouis de votre engagement, monsieur le ministre, d'assurer à l'euro près la compensation de l'ensemble des allégements.
J'en viens à la dette accumulée par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Ce fonds, créé alors que M. Balladur était premier ministre, avait pour objet de prendre en charge les dépenses à caractère non contributif. Il enregistre un résultat négatif depuis 2002. Certes, celui-ci est de moindre ampleur depuis 2005, date à laquelle il avait atteint un pic de 2 milliards d'euros. Mais avec un déficit de 300 millions d'euros en 2007, sa dette cumulée devrait s'élever à 5,3 milliards d'euros à la fin de l'année, soit environ 40 % de ses produits annuels.
Comme vous le savez, la Cour des comptes a, ces dernières années, clairement imputé à l'État la charge de pourvoir à l'équilibre du FSV. Cela a suscité des réactions immédiates du ministère des finances. La Cour a modifié ses préconisations, dans son rapport à la commission des affaires sociales, en demandant que le déficit du FSV ne soit pas occulté et donc que ses comptes soient combinés avec ceux de la branche retraite, ce qui augmentera d'autant le déficit de l'assurance vieillesse, qui s'élève, je le rappelle, à 5,4 milliards d'euros ! Année après année, nous approchons de chiffres faramineux !
Il faudra que vous nous disiez, monsieur le ministre, quand et comment vous envisagez de tirer les conséquences de cette nouvelle position de la Cour des comptes.
La deuxième question que je veux poser est celle des retards toujours plus importants de l'État dans le remboursement des prestations et des exonérations. Au 31 décembre 2006, l'État devait en effet à la sécurité sociale 6,7 milliards d'euros, dont 2,16 milliards au titre des prestations versées pour son compte...
M. Nicolas About. président de la commission des affaires sociales - Eh oui !
M. Alain Vasselle rapporteur - ...aide médicale d'État, allocation adulte handicapé, allocation de parent isolé, aide personnalisée au logement.
Pourquoi, au moment du vote de la loi de finances, l'État et le ministère des finances ne sont-ils pas en mesure de chiffrer très précisément les besoins de financement à assurer pour ces quatre prestations et de prévoir les crédits budgétaires correspondant ?
Sont en jeu, au total, 4,5 milliards au titre de la compensation des exonérations, soit 2,86 milliards pour les exonérations ciblées (apprentissage, outre-mer, contrats de qualification et de professionnalisation) et 1,65 milliard pour les allégements généraux. Par rapport aux années précédentes, ces chiffres continuent d'augmenter.
Vous avez récemment déclaré, monsieur le ministre, que l'État allait honorer sa dette à l'égard de la sécurité sociale à hauteur de 5,1 milliards d'euros...
M. Guy Fischer. - Le compte n'y est pas !
M. Alain Vasselle rapporteur - ...Je m'en réjouis ! C'est la première fois que j'entends non pas un ministre des comptes publics, car vous êtes assurément le premier (Sourires), mais un ministre du budget prendre un tel engagement. Mais, ayant été échaudé les années antérieures, je suis comme saint Thomas : j'attends de constater que tombent dans les caisses de l'ACOSS les 5,1 milliards d'euros que vous avez annoncés...
M. Guy Fischer. - Il en manque !
M. Alain Vasselle, rapporteur - C'est un premier effort ! Il est vrai qu'entre 6,7 et 5,1, il manque encore 1,6 milliard d'euros, mais je ne désespère pas que le reste viendra quand la situation s'améliorera... (On en doute sur les bancs CRC et socialistes)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout cela ne change pas le solde global !
M. Alain Vasselle, rapporteur - En effet !
La situation du fonds de financements des prestations sociales agricoles (FIPSA) n'est pas plus satisfaisante que celle du FSV...
M. Guy Fischer. - Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur - D'ici trois ans, le déficit du fonds, ex-BAPSA, déjà supérieur à 2 milliards cette année, devrait approcher les 3 milliards en flux annuel et son déficit cumulé devrait frôler les 14 milliards, M. Juilhard connaît bien les risques encourus et suit cette situation de très près.
Aucun début de solution n'a encore été esquissé pour remédier à cette situation. Il y a eu cette idée de jouer sur la compensation, vite abandonnée par le groupe de travail présidé par M. Chadelat. Seules quelques pistes éventuelles ont été évoquées à l'occasion des auditions que nous avons organisées ces derniers mois, au sein de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociales. Il va pourtant bien falloir qu'une décision soit prise et que l'on traite le problème de l'accumulation des déficits, dont le financement, selon, la Cour des comptes, incombe à l'État.
Le ministère des finances adoptera-t-il, monsieur le ministre, la même position que sur le FSV , en considérant que cela n'est pas de sa responsabilité ? Je rappelle qu'il est prévu dans la loi une dotation budgétaire de l'État pour assurer l'équilibre des comptes.
Dans ce contexte, je pose ouvertement la question de la réouverture de la CADES (caisse d'amortissement de la dette sociale).
En effet, à la fin de l'année 2007, si rien ne change, le plafond de trésorerie accordé à l'ACOSS par la dernière loi de financement, soit 28 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien, risque fort d'être dépassé. Un tel montant ne pourra perdurer dans les comptes de l'ACOSS sans faire l'objet d'un traitement, c'est-à-dire être transformé en dette, l'apparition d'excédents à court terme étant évidemment hautement improbable.
A la fin 2007, l'ensemble du déficit cumulé de l'ensemble des branches atteindra 20 milliards d'euros. Si rien n'est fait, il atteindra 40 milliards d'euros fin 2009 !
La question n'est donc pas de savoir si nous allons augmenter la CRDS pour continuer à assurer ce flux croissant de dette, mais de savoir ce que nous allons faire, si ce n'est rouvrir la CADES, à moins que le gouvernement nous révèle aujourd'hui une autre solution que je ne connais pas...
Conformément à ce que nous avons voté dans la loi organique, tout nouveau transfert de dette à cette structure devra être accompagné d'une augmentation des recettes de façon à ne pas allonger la durée d'amortissement de la dette sociale. Cela signifie, d'après les calculs que j'ai obtenus, qu'une reprise de dette de 30 milliards pourrait nécessiter de porter le taux de la CRDS à 0,7 %, au lieu de 0,5 %. La loi organique a précisé ce dispositif par amendement, afin que les générations futures ne portent pas le poids de notre dette.
Les médias, ces derniers jours, ont laissé entendre que la commission des affaires sociales demandait la réouverture de la CADES afin d'augmenter le taux de la CRDS de 0,2 %. J'ai simplement demandé, en ma qualité de rapporteur de la commission des affaires sociales, au gouvernement s'il ne serait pas opportun de rouvrir la CADES...
M. Guy Fischer. - C'est donc vous ! (Sourires)
M. Alain Vasselle, rapporteur - Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement, compte tenu de l'ampleur de la dette !
Je voudrais enfin tracer quelques orientations pour répondre à cette situation extrêmement préoccupante.
Commençons par l'assurance maladie. L'intervention du comité d'alerte a entraîné la définition de mesures d'économies pour 1,25 milliard d'euros. Mais celles-ci ne seront applicables qu'au cours du deuxième semestre 2007, ce qui ramène le montant des économies attendues, d'ici à la fin de l'année, à 400 millions. On estime que le déficit de l'assurance maladie devrait dès lors se stabiliser à 6 milliards en 2007, soit un résultat très proche de celui constaté en 2006, mais supérieur de 2 milliards aux objectifs de la loi de financement pour 2007.
Ces mesures portant sur 1,25 milliard d'euros ne suffiront pas pour assurer la couverture des dérapages que nous connaissons !
Cette situation ne fait que renforcer la nécessité d'envisager des mesures nouvelles.
Dans le domaine des soins de ville, une réflexion sur la prise en charge des personnes souffrant d'une affection de longue durée est indispensable.
Ce poste absorbe 59 % des dépenses d'assurance maladie -70 % d'ici 2015 si rien n'est fait. La loi du 13 août 2004 a montré ses limites : comment éviter des mesures contraignantes ? Le bouclier sanitaire ne constitue qu'une réponse partielle et il faudra, avec pragmatisme, remettre à plat les restes à charge. Nous proposons une participation forfaitaire sur les médicaments, par exemple au-delà de deux ou trois prescriptions par ordonnance, ce qui permettrait aussi de lutter contre les iatrogénies médicamenteuses.
Associer l'hôpital à la réduction du déficit tout en relançant la politique de tarification est urgent. Il convient de réfléchir à la place de l'assurance maladie sans le contrôle de la dépense hospitalière. L'UNCAM pourrait en effet exercer une responsabilité plus importante. Enfin, les principes de la maîtrise médicalisée pourraient s'étendre à l'hôpital.
Les objectifs de la réforme des retraites, engagée en 2003, sont remis en cause. Le déficit atteint 3 milliards. Il faut impérativement arrêter l'hémorragie des préretraites. La France est la dernière en Europe...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - 58 ans.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - On y part en retraite cinq ans plus tôt qu'en Suède ! De surcroît, le dispositif des carrières longues suscite des abus manifestes et des effets d'aubaine que n'avait pas voulus le législateur de 2003. Il faudra donc tenir compte des réalités dans les discussions en cours sur la pénibilité.
Une approche prospective des besoins de financement éviterait une nouvelle impasse. La prochaine réforme ne saurait être paramétrée : pourquoi pas une retraite par points assortie de garanties minimales, comme cela été fait en Suède ?
Le débat sur la TVA sociale s'est ouvert. Des ressources nouvelles sont nécessaires car le poids des dépenses va s'accroître dans les années à venir. Aucune piste ne doit être écartée. On n'a pas trouvé la solution fiscale idéale et il y a un risque d'inflation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Faux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - La CSG est plus neutre alors que la TVA sociale pourrait aboutir à des remboursements de cotisations fictives : la difficulté technique est réelle, même si les médias n'en parlent pas. Pourquoi pas la création de nouvelles taxes, par exemple, sur les boissons alcoolisées ? La commission des affaires sociales y est a priori favorable.
Quant à un financement assurantiel, on ne fera pas l'économie d'une réflexion sur la dépendance.
On le voit, des réformes amples et urgentes doivent être menées de front. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Eric Woerth, ministre. - Le président Arthuis a raison : on ne peut réussir que par une mobilisation de l'ensemble des acteurs. J'ai noté son adhésion à des mesures fiscales ambitieuses pour relancer la croissance et son refus d'une approche malthusienne du partage du travail. Le gouvernement franchit une étape décisive avec le projet que vous examinerez demain : la mesure sur les heures supplémentaires sert le pouvoir d'achat mais comporte surtout une dimension culturelle. Il n'y a pas d'augmentation du pouvoir d'achat si la France ne travaille pas plus.
Vous avez également évoqué la maîtrise de la dépense publique, que nous devons mettre au coeur de nos préoccupations. Soutenir le pouvoir d'achat, oui, mais aussi maîtriser la dépense publique. Nous tablons sur 2,5 % de croissance et le surplus servira à atteindre les 60 % du PIB et l'équilibre des finances publiques avant 2012. Il faudra beaucoup de pédagogie et de courage pour parvenir à ce résultat, qui constitue une ardente obligation.
Vous avez plaidé pour la TVA sociale après avoir largement contribué à ouvrir le débat. Je partage votre souci de renforcer la compétitivité des entreprises. Mme Lagarde et M. Besson rendront très prochainement leurs conclusions, puis le gouvernement tranchera. Ce débat s'inscrit dans la réforme plus large de la fiscalité souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre. Lorsque nous avons reçu les présidents des grandes associations d'élus locaux, ils nous ont interpellés sur la politique fiscale et l'autonomie de leurs collectivités.
M. About a souligné le caractère global du débat. Je le rejoins d'autant plus volontiers que cette consolidation autorise le remboursement de 5,1 milliards à la sécurité sociale : il est désormais moins aisé à l'État de transférer ses responsabilités.
Notre objectif pour l'ONDAM est de 2 % en volume et de 3,5 % en valeur pour la période. Nous n'avons pas eu le temps d'affiner des projections mais elles seront disponibles à la rentrée.
J'ai également bien entendu votre souhait de disposer de données plus précises, chiffrées en millions - et non en milliards- d'euros.
Je suis sensible au rapprochement fait avec la loi de finances de l'État mais les deux exercices sont différents : pour le PLFSS, des prévisions au million près sont peu significatives. Il va de soi, en revanche, que, pour l'exécution, la sincérité doit être totale. C'est bien l'objet de la certification menée par la Cour des comptes. L'annexe 9 est bien en millions.
S'agissant du programme de qualité et d'efficience, nous examinerons avec soin les propositions du président About. Les choses ont déjà été bien améliorées et le seront encore. Dès 2008, vous aurez davantage d'informations sur la composition de l'ONDAM ; l'annexe 8 sera améliorée et complétée dès le prochain PLFSS.
M. Marini s'est livré, comme d'habitude, à une très brillante démonstration. Nous sommes sur la même longueur d'onde, même si nous divergeons légèrement sur les chiffres. La maîtrise des dépenses que nous engageons est sans précédent. (M. Delfau ironise) Oui, car l'objectif de « zéro volume » de cette année n'a pas le même sens que celui de l'an dernier, avec la remontée des taux d'intérêt et l'accroissement du nombre de pensionnés. L'effort est donc considérable et doit être partagé par tous. Bien sûr, les dépenses inéluctables ne le seront pas toujours : à long terme, nous avons bien l'intention de réduire notre endettement. La France doit retrouver son rang international pour la création de richesses. Un point de croissance supplémentaire, comme l'ambitionne le Président de la République, cela aura des effets très sensibles.
Le rapporteur général a plaidé une nouvelle fois pour un élargissement de la norme de dépenses. Nous allons le faire, même si ce ne sera pas aussi rapide que vous le souhaitez.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela peut se faire par étapes.
M. Eric Woerth, ministre. - La règle d'or, nous l'appliquons dans nos collectivités locales, avec des sections d'investissement en équilibre, voire en excédent. Elle doit aussi s'appliquer à l'État mais il y a des écueils, techniques et autres. Je puis vous assurer que nous avons la volonté. Cette règle n'a pas seulement des vertus comptables, elle joue aussi un rôle incitatif.
M. Vasselle a longuement détaillé son argumentation. De fait, la dynamique des allégements de charge est supérieure à celle des recettes. Il faut réagir, j'ai commandé un rapport. La dette de l'État par rapport à la sécurité sociale est largement due à l'absence de compensation des exonérations de charges. Je n'ai pas l'intention de laisser de nouveau le trou se creuser ; nous en reparlerons de façon approfondie. Il faut parfois du temps, entre la lucidité et l'action.
Pour les heures supplémentaires, la compensation se fera à l'euro près.
M. Gérard Delfau. - Comme d'habitude !
M. Eric Woerth, ministre. - Parfois, les promesses sont vraiment honorées : je vais rembourser les 5,1 milliards dus !
Je veillerai à ce que les comptes de la CNAM et du FSV soient dissociés, car ils ont des missions différentes. L'amélioration, importante et durable, de la situation de l'emploi devrait permettre d'apurer progressivement les déficits.
Je suis conscient des difficultés structurelles du Ffipsa et je m'attacherai à définir les conditions d'un équilibre, en liaison avec le ministère de l'agriculture.
Rouvrir la Cades ? Soyons prudents ! La situation est complexe, le déficit plus important que prévu. Avant d'accroître les ressources, interrogeons-nous sur les dépenses et cherchons des solutions durables, en particulier pluriannuelles. Il faudra en passer par des réformes structurelles. Nous travaillons ainsi sur la franchise avec Mme Bachelot et M. Hirsch. Nous avons besoin de ressources nouvelles mais également d'une maîtrise médicalisée des dépenses.
La réforme de 2004 n'a pas encore fait sentir son plein effet : le dossier médical personnalisé n'a pas encore vu le jour, les parcours de soin sont encore peu respectés. Bref, beaucoup reste à faire pour mettre véritablement en application les mesures qui ont été prises. Le Premier ministre a d'ailleurs confié à MM. Fragonard et Briet une mission à ce sujet. Concernant les dépenses de l'hôpital, je partage l'avis de la commission : il faut mieux les maîtriser. L'hôpital doit être plus réactif aux mesures prises, ce qui peut notamment passer par des outils informatiques plus efficaces. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à la rentrée.
J'en viens à la question des retraites. Nous tiendrons le rendez-vous de 2008, fixé par la loi de 2003, pour faire le point avec les partenaires sociaux et ajuster cette grande réforme aux besoins d'aujourd'hui. Le système à points et le compte notionnel suédois sont certes intéressants, mais le gouvernement, j'y insiste, n'a nullement l'intention de changer notre système de retraite en 2009 car c'est un élément du pacte républicain. Les retraites anticipées après une longue carrière, auxquelles certaines professions ont facilement accès, font parfois l'objet de détournement contre lesquels nous lutterons. Les fraudeurs fiscaux et sociaux doivent être combattus (Mme Nicole Bricq s'exclame), car leur comportement est inacceptable pour la collectivité.
M. Guy Fischer. - Ce sont toujours les pauvres qui trichent !
M. Eric Woerth, ministre. - Au reste, l'impératif est d'améliorer notre taux d'emploi des seniors, qui est inférieur à celui de nos voisins européens. Beaucoup d'efforts ont été faits en ce sens, ils doivent être poursuivis ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Thierry Foucaud. - Est-il possible de débattre des orientations de la prochaine loi de finances pour 2008 alors que nos marges de manoeuvre vont être singulièrement réduites par l'adoption du projet de loi destiné, dit-on, à renforcer le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat ? L'impact de ce texte sur les comptes publics, qui n'a pas fait l'objet d'une évaluation réelle, est estimé à pas moins de 10 milliards dès la première année, 15 en régime de croisière, ce qui est rare de nos jours !
Pour tempérer l'appréciation enthousiaste de la situation de nos comptes publics, je veux rappeler que les déficits budgétaires cumulés sous la législature précédente représentent 240 à 250 milliards en valeur constante, soit plus du quart du montant actuel de la dette publique de l'État ! De plus, la réduction du déficit observée s'explique en partie par les changements de périmètre de la dépense budgétaire. Prenons l'exemple des exonérations de cotisations sociales : elles ne sont pas totalement compensées, ce qui a pour effet de réduire le déficit de l'État, mais d'augmenter celui de la sécurité sociale. Par parenthèse, les comptes sociaux se sont nettement détériorés depuis la réforme Fillon des retraites et la réforme Douste-Blazy de l'assurance maladie...
M. Guy Fischer. - Bref, des réformes qui ont échoué !
M. Thierry Foucaud. - Quant à la réduction des dépenses budgétaires, elle tient principalement à la réduction des crédits d'équipement -de 28 milliards à 12 milliards- et à la compression des dépenses d'intervention -de 78 à 64 milliards : ces deux postes constituent aujourd'hui 29 % des dépenses budgétaires, contre 38,5 % en 2002...
Le gouvernement entend continuer à réduire la dépense publique. Pour tenir ses engagements européens et ses promesses électorales, il n'a d'autre choix que de « taper » dans les dépenses de personnel au prétexte de moderniser l'État. Faribole : 35 à 40 000 emplois vont être supprimés dans la fonction publique, et notamment dans l'éducation nationale. Autrement dit, on va encore fermer ici une école rurale, là une maternité, ailleurs un bureau de poste, et demander sans vergogne aux collectivités de mettre la main à la poche, comme l'a fait M. Xavier Darcos.
Mais cela n'est rien au regard de la loi dite « TEPA ». Les effets positifs qu'on en attend seront peut-être nuls. On n'effectuera peut-être pas davantage d'heures supplémentaires, les achats de logements pourraient porter sur les seuls stocks d'invendus et les mesures d'allégement d'impôts destinées aux contribuables les plus aisés conduiront à une nouvelle augmentation des placements financiers (Mme Nicole Bricq approuve), dont le traitement fiscal dérogatoire est générateur de nouvelles moins-values.
M. Gérard Delfau. - C'est leur objectif ! (Mme Nicole Bricq approuve)
M. Thierry Foucaud. - Une hausse des prix de l'immobilier est également à craindre. Bref, l'enjeu est de savoir si la loi TEPA permettra de relancer la croissance dont nous avons besoin pour réduire les déficits publics lors de la prochaine loi de finances. Rien n'est moins sûr, d'autant qu'aucun budget, sous cette législature, n'a été exécuté selon la prévision de croissance qui avait été établie. Résultat, lorsque M. Sarkozy était ministre de l'économie, nous avons enregistré, en 2003 et 2004, le déficit budgétaire le plus important de la législature.
M. Gérard Delfau. - Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - M. Sarkozy n'est pas resté très longtemps à Bercy.
M. Guy Fischer. - Peut-être, mais on s'en souvient !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il a pris des mesures qui ont porté leurs fruits ensuite !
M. Thierry Foucaud. - Je veux rappeler notre opposition résolue aux choix budgétaires de la majorité. On a d'ailleurs constaté leur inefficacité : croissance réduite, dévaluation du travail, atonie salariale, stagnation du pouvoir d'achat, déficits publics persistants, creusement du déficit de la sécurité sociale, envolée de la dette publique... Après avoir agité l'épouvantail de la dette publique durant la campagne électorale, voici que, par un coup de baguette magique, la majorité soutient que nous avons les moyens de financer une réforme fiscale d'un coût d'une dizaine de milliards !
Monsieur le rapporteur général, durant votre intervention, vous avez qualifié cette dette d'insupportable....
Ce qui est insupportable, M. le ministre, ce sont les allégements sur l'ISF, le bouclier fiscal renforcé, la volonté d'augmenter la TVA, comme cela vient encore de nous être rappelé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela créera des richesses nouvelles !
M. Thierry Foucaud. - Cela fait un certain temps que vous tenez ce discours, mais ça ne marche pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'y crois beaucoup ! çà peut marcher.
M. Thierry Foucaud. - Le SMIC, cette année encore, ne recevra pas de coup de pouce. (M. Delfau approuve)
M. Guy Fischer. - Sans parler des minima sociaux !
M. Thierry Foucaud. - Votre politique crée la dette. Vous demandez à nos compatriotes de signer un chèque en blanc aux plus riches, dont les baisses d'impôts seront financées par le démantèlement du service public de l'éducation, de la santé, du logement social, et des politiques de lutte contre l'exclusion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'aimerais un jour pouvoir vous convaincre.
M. Thierry Foucaud. - Vous renoncez à une fiscalité juste et efficace au détriment d'une politique d'égalité sociale. Vous tournez le dos aux exigences d'un développement durable, soutenable et coordonné. Nous refusons sans ambiguïté ces choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC, M. Delfau approuve)
M. Michel Sergent. - Il est regrettable, sans doute, que ce débat ait lieu avant la discussion du projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, prévue pour demain, qui montrera clairement les conséquences des orientations fiscales sur lesquelles ce gouvernement a décidé de s'engager. De fait, elles seront, dès 2007, et plus encore dans les années à venir, lourdes de conséquences sur la situation de nos finances publiques. Faut-il rappeler, en outre, la position constante de notre commission des Finances, qui veut, M. le rapporteur général ne me contredira pas, que toute disposition fiscale soit examinée en loi de finances. (M. le rapporteur général le confirme)
S'agit-il, comme on l'entend dire ici et là, d'un « choc fiscal » ? Je n'irai pas si loin. Je n'y vois, sous les oripeaux de mesures dépareillées en faveur de l'emploi et du pouvoir d'achat, que la simple traduction d'un programme économique, fiscal, financier et social qui ressortit à l'idéologie conservatrice la plus traditionnelle. À part cet habillage, c'est la continuité !...
Le coût de ces nouvelles mesures fiscales sera de 15 milliards par an, sans qu'il ait été procédé à une quelconque évaluation de leurs conséquences, ni de leur efficacité, et alors même que la France s'était engagée vis-à-vis de l'Union européenne à faire passer en cinq ans, à l'horizon 2010, son endettement en dessous de 60 % du PIB, contre 64,5 % aujourd'hui.
Mme Nicole Bricq. - L'engagement tient toujours !
M. Michel Sergent. - Mais pourra-t-il être tenu ? Avec un programme fait sur mesure pour les plus riches, l'inégalité est inévitable, donc normale, donc acceptable, et, même, à suivre le credo de Mme la ministre de l'économie, elle serait un moteur de compétition, donc d'efficacité !
Pour vendre ce programme aux plus modestes, le gouvernement leur fait croire que, sans les mesures qu'il propose, ils paieraient plus d'impôts ! C'est faux ! Il ne s'agit que d'alléger l'impôt des plus gros contribuables, au mépris de l'équilibre des comptes publics... Le souci affiché des déficits et de la dette n'était donc que l'argument électoral d'une droite soi-disant « rigoureuse » contre une gauche « dépensière » ! Et puis... on pourra toujours vendre les « bijoux de famille », en privatisant, comme en 2006, quelques entreprises publiques pour diminuer un peu le déficit !... Adieu France Telecom, adieu, sans doute, EDF.
On fait croire aux ménages que leur niveau de vie va s'améliorer, alors qu'ils risquent fort d'être taxés davantage. Dissimulée derrière la notion controversée et peut-être digne d'intérêt de TVA sociale, on va vers une banale augmentation, franchement antisociale, de cette taxe.
Le programme fiscal de la présidence Sarkozy conduit à creuser la dette de la France, à priver l'État de marges de manoeuvre budgétaires en cas de retournement de la conjoncture, et à limiter la capacité du pays à entreprendre les réformes dont il a besoin pour affronter les défis de la globalisation du système économique. La croissance mondiale est pourtant plutôt stimulante. L'activité de la zone euro également. Mais les résultats de la France ne sont, hélas, pas à l'avenant. Quand la gauche était au gouvernement, la France faisait mieux, en termes de croissance, que ses partenaires européens, y compris l'Allemagne...
M. Gérard Delfau. - C'est vrai ! Il est bon de le rappeler !
M. Michel Sergent. - ...dans un environnement international relativement stimulant. Depuis que la droite est au gouvernement, et alors que l'environnement international est encore meilleur, nous faisons moins bien que nos voisins, et risquons de voir se creuser encore, en 2007 et 2008, l'écart avec nos principaux partenaires, notamment l'Allemagne.
Il est, au reste, paradoxal d'entendre la majorité se féliciter constamment de ses résultats et s'efforcer, dans le même temps, de créer un « choc » pour tenter de s'en sortir. Car, depuis le début de l'année 2007, on assiste à une détérioration de l'ensemble de nos finances publiques. L'exécution du budget de l'État, au cours des premiers mois de l'année, est marquée par un accroissement des dépenses, un recul des recettes nettes, une aggravation du déficit, une remontée rapide de la dette de l'État : plus de 43 milliards sur les cinq premiers mois ; une augmentation de la dette publique de 33,7 milliards au premier trimestre, se traduisant par une progression du ratio d'endettement de 63,7 % à 65 % du PIB, sans parler de l'aggravation de la situation de la sécurité sociale !... Et par quoi se traduit, dès l'abord, ce « choc » qui doit nous permettre de « nous en sortir » ? Par 15 milliards de recettes fiscales perdues chaque année ! Une absence de recette ne s'assimile-t-elle pas à une dépense ? La diminution attendue représente un quart du budget de l'éducation nationale, ou vingt fois le budget de la mission écologie, pourtant hissée au rang de priorité nationale et placée sous la responsabilité d'un ministre d'État, numéro deux du gouvernement.
Mais ce projet, lourd de déficit, de dette et de prélèvements futurs, n'empêche pas le Président de la République de promettre que la France respectera ses engagements européens, ce que nos partenaires eux-mêmes ont du mal à croire !... Comment seront financées ces dépenses fiscales puisque l'on constate, dès le début de l'exercice 2007, une accélération des dépenses ? Ce n'est au reste pas un phénomène nouveau : la dépense publique a augmenté plus rapidement ces cinq dernières années qu'au cours des cinq années précédentes. Si l'on y ajoute la progression de la dépense fiscale, il est clair que l'objectif de maîtrise de la dépense publique n'est pas en voie d'être atteint.
Mais qu'importe, puisque, pour cette majorité, la maîtrise de la dépense est moins un objectif qu'un a priori, dont la première conséquence est de détruire les politiques publiques ! Le budget 2008, premier budget du président Sarkozy...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous ne l'avez pas encore vu !
M. Michel Sergent. - ...ressemble à un numéro d'équilibriste. Car comment concilier l'inconciliable ? Financer les baisses d'impôts, réduire le déficit, réduire la dette, équilibrer les finances publiques en 2012, voire dès 2010, sans rien sacrifier aux promesses du chef de l'État pour la recherche, l'université... Malheureusement, M. le rapporteur général vient de le rappeler, la remontée des taux d'intérêt renchérit la charge de la dette... Et puisque les dépenses incompressibles, comme les pensions de la fonction publique, vont mécaniquement progresser, ce sont les autres dépenses qui seront mises en cause.
L'ambition affichée serait de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique en le bloquant à 1 % - contre 2,25 % en moyenne ces dix dernières années - pour dégager en 2008 près de 10 milliards de marge de manoeuvre. Y parviendrez-vous ? Permettez-nous d'en douter. Vous évoquez la nécessaire stabilisation en volume des dépenses de l'État, en y comptant les prélèvements sur recettes destinés aux collectivités locales, au prix d'une discipline conséquente sur les dépenses, non seulement de fonctionnement, mais aussi d'investissement, ce qui est nouveau. Va-t-on vraiment vers un réexamen de ces dépenses ? On peut s'en inquiéter, au vu des atermoiements autour du projet de second porte-avions.
Quelle est la crédibilité de cette feuille de route, sachant que la dépense publique a augmenté de 9,7 % durant le quinquennat précédent ? Vous pariez sur une croissance à 2,5 %, alors que l'Insee ne table que sur 2,1 % et les autres instituts, moins encore. Les dépenses engagées y pourvoiront ? Cela relève de l'incantation. D'autant que vous promettez, dans le même temps, la diminution de la dette publique et du taux des prélèvements obligatoires, grâce, nous dites-vous, à une réduction des dépenses reposant largement sur la diminution du nombre des fonctionnaires. Les dépenses de santé ne devraient pas croître de plus de 2 % en moyenne, de 2008 à 2012 et, dès 2008, les concours aux collectivités locales, qui relèvent pourtant du contrat de croissance et de solidarité, se verraient appliquer la même norme que celle qui sera imposée aux autres dépenses de l'État. Bref, maîtriser les dépenses, c'est toujours pour vous, depuis 2002, remettre en cause les politiques publiques et encadrer financièrement les collectivités locales !
Vous prévoyez de supprimer 30 000 à 40 000 postes de fonctionnaires, au moyen, principalement, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. L'Éducation nationale, à elle seule, représente, avec 17 000 postes, la moitié des effectifs concernés. Mais 10 000 postes en moins, c'est déjà une centaine de postes par département ! Je plains les sénateurs de la majorité qui vont devoir défendre ces mesures dans leur circonscription ! J'ajoute que, des 4,5 milliards d'économie attendus d'ici à 2012, le Président s'est engagé à redistribuer 50 % aux fonctionnaires en poste. Le bénéfice de la mesure n'excédera donc pas 2,5 milliards, soit l'équivalent du cadeau fiscal que représente l'exonération des droits de succession.
En matière de service public, économie ne devrait pas être synonyme de détérioration. Et ces mesures drastiques imposées aux écoles, aux hôpitaux, s'appliquent-elles aux cabinets ministériels, ou à celui de la Présidence de la République ? J'en doute !...
L'attractivité de la France est liée à la qualité de ses services publics de l'éducation, de la santé, des transports, de la culture, et non au moins-disant fiscal et social ! Les objectifs du service public, dans une perspective républicaine, sont de répondre aux besoins des citoyens en fournissant à tous un service de qualité, financièrement et géographiquement accessible à chacun, sans discrimination. Le service public est un facteur de cohésion sociale d'autant plus indispensable que l'on constate, depuis huit ans, un fort accroissement des inégalités de revenus. Les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu croître de 42,6 % sur la période, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches. La forte progression et la concentration des revenus du patrimoine expliquent une bonne partie de cet écart.
Le premier programme fiscal et budgétaire du quinquennat, s'il est de rupture, est d'abord en rupture avec l'idéal républicain ! (Exclamations à droite, marques d'approbation à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Michel Sergent. - La droite accepte une société placée sous le signe de l'hétérogénéité et de la différentiation. L'élection de Nicolas Sarkozy signifierait-elle une sorte d'épuisement de la vision égalitaire de la société française ? Le président semble avoir fait le choix d'assumer une société plus hétérogène : voyez ses positions sur la question des communautés, ou encore sa fameuse opposition entre « la France qui se lève tôt » et celle qui « vit de l'assistance ». Quid de l'idée de partage et de redistribution ? La suppression de l'impôt sur les successions retranche de la redistribution publique une « redistribution privée », le patrimoine n'est pas vu comme une accumulation de capital, mais comme un lien familial qu'on ne doit pas mettre en commun avec le reste de la société. Pour nous, socialistes, nous, femmes et hommes de gauche, la redistribution est au centre du projet de société : une redistribution publique, à l'opposé de la charité privée, avec ses bons et ses mauvais pauvres...
Aussi l'orientation actuelle des finances publiques nous paraît-elle coûteuse, injuste socialement, et inefficace économiquement. La France a besoin d'une bonne articulation entre une politique de l'offre et de la demande : un soutien à la consommation et au pouvoir d'achat du plus grand nombre pour stimuler la demande, un meilleur environnement pour les entreprises, notamment en modernisant l'impôt sur les sociétés, pour encourager l'offre. Au lieu de quoi, le gouvernement cible un petit nombre de contribuables, avantageant les chefs d'entreprises plus que les entreprises elles-mêmes ! Un effort devrait être en direction de la prime pour l'emploi, des minima sociaux...
M. Guy Fischer. - Le gouvernement veut les supprimer !
M. Michel Sergent. - ...et, d'une façon générale, des plus bas salaires. Les 15 milliards du « paquet fiscal », au lieu d'aller aux propriétaires et aux revenus les plus confortables, auraient été utiles à des actions sociales et industrielles visant à la croissance et la modernisation du pays. Ou encore à une réforme de la justice et des prisons, en mettant fin à l'un des principaux archaïsmes français. Ou, enfin, à l'emploi, en allégeant les charges sociales salariales et patronales pour tout le temps travaillé, au lieu d'alléger les charges sur les seules heures supplémentaires.
L'orientation budgétaire du gouvernement ne nous plaît guère, parce qu'en souhaitant la bonne santé de la France, nous souhaitons aussi celle de tous les Français ! (Applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 13 h 5.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 16 heures.
Éloge funèbre de Daniel Goulet
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) C'est au Moyen-Orient, à Abou Dhabi, bien loin de son « pays » du Mêle-sur-Sarthe, que notre ami Daniel Goulet a été terrassé le 25 février dernier par le mal soudain qui l'a emporté.
Ceux qui ont connu et aimé Daniel Goulet y verront comme un signe. Car Daniel était -tout à la fois- un homme d'enracinement, de conviction et de terrain et un homme d'ouverture, de vision et d'horizons lointains.
Daniel Goulet aimait profondément son « pays » du Mêle-sur-Sarthe, et plus particulièrement ce territoire entre Alençon et Donfront, qui était d'ailleurs aussi celui de son ancienne circonscription de député. Il en connaissait chaque vallon, chaque colline, chaque prairie, chaque bois et chaque carrefour.
Attentif aux autres, il en connaissait les habitants, leurs ressorts profonds, leurs attentes, leurs espoirs, leurs craintes, leurs déceptions. Avec énergie, humanité, imagination et humilité, il a consacré sa vie à en défendre l'avenir. Cet avenir, il le voulait harmonieux, dynamique, mais surtout conforme aux équilibres fondamentaux qui étaient l'aspiration de ses électeurs, mais aussi la sienne propre.
Après un engagement militaire courageux en Indochine, au service des valeurs universelles de démocratie et de paix auxquelles il croyait, Daniel Goulet a été professeur, puis -très vite- directeur dans l'enseignement privé. Son dévouement, son énergie, son intelligence aux autres l'ont conduit très jeune à la mairie de Mêle-sur-Sarthe, dont il fut le premier magistrat pendant 24 années.
Dès 1973, il fut élu député. Il le resta jusqu'à ce qu'il devienne sénateur, en septembre 1992.
Tout au long de ces trente-quatre années d'élu de la Nation, Daniel Goulet fut un parlementaire actif et respecté. Ses centres d'intérêt et d'action furent éclectiques. Mais ils furent aussi d'une grande cohérence.
Daniel Goulet considérait comme essentiel à l'harmonie de la France, le développement maîtrisé des pays et des paysages multiples et différents qui composent notre pays.
C'est cette conviction qui le conduisit à devenir l'un des pionniers de la décentralisation et de la régionalisation ; c'est cette conviction qui le conduisit à beaucoup réfléchir et à agir avec détermination pour le maintien des activités dans les zones rurales à faible densité ; c'est cette conviction qui fit de lui l'un des premiers à prôner la coopération directe entre collectivités locales d'États différents, que l'on appellera plus tard la « coopération décentralisée » ; c'est cette conviction qui lui fit consacrer une grande énergie à la lutte contre l'exode rural, à la réorientation de la politique agricole commune, à l'aménagement du territoire et au développement rural, à la préservation éclairée de l'environnement dans nos campagnes, à l'harmonisation et à l'intensification des relations entre les deux Normandies. C'est cette conviction aussi qui fit de lui un acteur efficace du désenclavement de l'Orne et un défenseur déterminé de l'axe autoroutier Calais-Bayonne.
Mais, au-delà de tout, Daniel Goulet était un homme qui aimait les autres.
Rien ne l'intéressait plus que l'examen des situations particulières, parfois difficiles, de ses concitoyens. Avec attention, chaleur et courtoisie, il aimait à les débroussailler, à les démêler, à les clarifier.
Il aimait aider.
Il aimait être utile aux autres et savait écouter ses interlocuteurs. C'est sans doute la raison pour laquelle -quels que soient ses auditoires- Daniel Goulet savaient capter l'attention, l'intérêt et, très souvent, la sympathie. L'empathie et la sympathie que suscitait spontanément Daniel Goulet ne venait pas de l'art ou de la technique dialectique du politicien habile. Elle venait tout simplement du coeur et de l'amour des autres. C'est ce qui faisait sa force.
Il est révélateur qu'en trente-six années de vie publique -parfois dans des contextes difficiles- Daniel Goulet n'ait, à une exception près, jamais connu que la victoire.
Mais Daniel Goulet a toujours su que la France ne se comprenait et que ses intérêts ne se défendaient parfois qu'avec le recul de l'éloignement. Il l'a prouvé avec courage, les armes à la main, dès le début de sa vie.
Cet engagement initial s'est poursuivi sous une forme plus pacifiée par une action déterminée dans le cadre de la diplomatie parlementaire, dont Daniel Goulet a été l'un des promoteurs et l'un des acteurs les plus éminents. Comme dans tout ce qu'il entreprenait, son action dans ce domaine s'est concentrée avec énergie sur les causes auxquelles il croyait, notamment la francophonie, la paix au Proche-Orient et le développement des relations entre la France et le monde arabe.
Dans le même temps qu'il remplissait avec un dévouement et une efficacité rares ses mandats nationaux et locaux, Daniel Goulet a développé une expérience et une activité internationale reconnues.
C'est ainsi qu'il agit en militant inépuisable de l'amitié franco-arabe : président de la fédération des groupes d'amitié France-pays arabes, vice-président de la section française de l'association parlementaire pour la coopération euro-arabe, chef de la délégation du Sénat chargée de l'observation des élections en Palestine en 2005, membre et secrétaire de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, vice-président de la délégation française aux assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe et de l'UEO... Les références de Daniel Goulet dans ce domaine étaient aussi nombreuses qu'éminentes.
C'est avec émotion que je salue aujourd'hui la mémoire de Daniel Goulet, dans cet hémicycle où il était aimé et respecté autant pour son travail que pour ses engagements et son attention à autrui.
J'adresse mes sincères condoléances à ses collègues de la commission des affaires étrangères et des forces armées, à ses collègues du groupe UMP, à tous ses amis du Sénat. Mes pensées se tournent aussi naturellement vers son épouse, qui nous a rejoints dans cet hémicycle, et vers chacun des membres de sa famille si durement éprouvée. Nous nous associons à leur douleur et leur exprimons notre profonde sympathie. (Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Le gouvernement s'associe à l'hommage que le Sénat rend à Daniel Goulet, sénateur de l'Orne.
Sa disparition prive la Haute assemblée d'un membre d'une grande qualité et d'une grande humanité. Nous savons tous combien le choix de la carrière politique est d'abord un don de soi au service des autres. Homme de passion et d'engagement, Daniel Goulet aura incarné par excellence cette dévotion pour son prochain.
Né en 1928 dans ce pays ornais qu'il affectionna tant, Daniel Goulet devint, après avoir servi sous les drapeaux et obtenu la croix de guerre, enseignant puis directeur d'une école libre. Son attachement à l'enseignement privé ne faiblit jamais. Ainsi fut-il, à partir de 1992, vice-président du Syndicat autonome de l'enseignement privé.
Très vite, la passion de Daniel Goulet pour les rapports humains et son empathie naturelle le firent rentrer en politique. En parallèle de ses activités d'enseignement, il participa à la vie publique du Mêle-sur-Sarthe, dont il fut élu maire en 1971. Deux ans plus tard, il devient député de l'Orne, puis conseiller régional de Basse-Normandie. En 1992, il est élu sénateur de l'Orne, puis réélu à la Haute Assemblée en 2001. Gaulliste de la première heure, Daniel Goulet plaça toujours ses mandats sous le signe d'une fidélité indéfectible au général de Gaulle et à la vision de la France qu'il a incarnée.
La vie et la carrière de Daniel Goulet resteront à jamais liées à l'Orne. Pendant quelque quarante ans de vie publique, il sillonnera quotidiennement ce territoire qu'il connaissait mieux que personne, et dont il aimait les habitants. Ces derniers, reconnaissant la simplicité et la proximité de leur élu, sachant aussi combien il avait une connaissance intime et authentique de ses administrés, lui porteront en retour une affection dont ses nombreux succès électoraux témoignent. En tant d'année d'une vie politique si riche, Daniel Goulet n'aura perdu qu'une seule compétition électorale.
Comment ne pas mentionner l'engagement de tous les instants en faveur de la francophonie et l'exceptionnelle participation du sénateur Goulet à l'activité internationale du Parlement ? Passionné par les affaires du monde arabe, il présida avec enthousiasme les groupes France-Palestine et France-Pays du Golfe. C'est d'ailleurs sa participation au Salon international de l'armement militaire qui expliquait sa présence à Abou Dhabi, le jour fatal de son accident. Son intérêt pour la chose militaire était le corollaire de son engagement inlassable au service de la paix : il participa ainsi avec énergie à la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel.
Toute sa vie, Daniel Goulet fut un homme d'action, ouvert aux autres, se dépensant sans compter pour ceux qu'il aimait. On peut sans doute juger un pays à l'aune des serviteurs qu'il sait se donner. La France, si l'on en juge par la vie de Daniel Goulet, a encore de beaux jours devant elle.
À sa famille, à Nathalie son épouse, à ses deux filles, à ses proches, à ses collègues de la commission des affaires étrangères, du groupe UMP, et à tous ses amis du Sénat, j'exprime, au nom du gouvernement, nos condoléances très sincères.
M. le président. - Nous y sommes très sensibles.
La séance est suspendue à 16 h 20.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 16 h 35.
Débat d'orientation budgétaire (suite)
M. le président. - Nous reprenons le débat d'orientation budgétaire.
M. Jean-Jacques Jégou. - Je me réjouis, M. le Ministre, que vous ayez maintenu le débat d'orientation budgétaire en dépit de l'ordre du jour chargé de cette session extraordinaire. Il est en effet indispensable, en début de législature, et après le bilan tiré hier de l'exécution 2006, de savoir quelles sont les marges de manoeuvre et d'établir les priorités parmi les différents problèmes financiers. Je m'étonne seulement que vous ayez étendu l'exercice à l'ensemble de la législature à venir : j'espère qu'il ne faut pas voir là une facilité, car il est toujours plus aisé de tracer des perspectives à quelques années que de se fixer des objectifs à quelques mois... De même, vous avez préféré nous présenter un paquet fiscal que nous examinerons demain, plutôt qu'une loi de finances rectificative : peut-être parce que le premier aurait « plombé » la seconde ?
L'analyse du passé récent à laquelle nous avons procédé hier est riche d'enseignements pour 2008 et après : or, on l'a dit et répété ce matin, la situation financière de la France n'est guère enviable ! Et la seule bonne volonté du nouveau locataire de l'Élysée ne suffira pas à l'améliorer comme d'un coup de baguette magique. Si les miracles existaient en la matière, vos prédécesseurs n'auraient-ils su les produire ? Comment compter uniquement sur la croissance économique pour ramener l'équilibre budgétaire -en 2008 ou en 2012, selon que le taux sera de 2 ou de 3 % ? La Cour des comptes prévoit 2 %, niveau inférieur à celui de l'Allemagne, 2,7 %, et de la zone euro hors France, 2,9 %. L'Allemagne a réussi à résorber sa dette en trois ans ; je suis parlementaire depuis vingt et un an et j'ai toujours entendu promettre un retour à l'équilibre dans un délai de cinq ans...
Si la croissance est là, le paquet fiscal sera financé sans alourdir la dette et avec un retour à l'équilibre en 2012. Soit ! Mais l'endettement représentera toujours 60 % du PIB. Pourquoi ne le dit-on pas ? Et pourquoi ne dit-on pas que si les 3 % de croissance ne sont pas atteints, il faudra trouver 80 milliards d'euros d'économies en contrepartie ? A quand la rupture tant promise et médiatisée ?
L'écart de compétitivité se creuse entre notre pays et nos partenaires européens. Le tissu industriel s'étiole, nous entrons toujours plus avant dans une économie de services. Cessons donc de fonder nos budgets sur des hypothèses optimistes ! La méthode Coué n'a pas fait ses preuves et les agents économiques ne sont pas dupes. Sans sincérité, pas de confiance. Je doute que les mesures fiscales contenues dans le projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, que nous examinerons à partir de demain, soient vraiment de nature à créer ce choc fiscal que vous attendez ; je sais en revanche qu'elles creuseront de 15 milliards d'euros le déficit des finances publiques.
Mieux vaudrait trouver enfin le courage de relever les grands défis qui ont fait l'objet de tant de débats lors de la campagne pour l'élection présidentielle. La situation budgétaire s'est améliorée à la fin 2006, le déficit s'établissant à 39 milliards d'euros, 2,5 % du PIB... mais nous sommes tout de même là au double du niveau de 2001 ! Et l'Allemagne (1,7 %) comme la zone euro (1,4 %) font beaucoup mieux. En outre, notre bon résultat est dû à une progression des recettes fiscales, par nature volatiles, surtout lorsque le versement de l'impôt sur les sociétés ou des soultes a été avancé. Enfin, nous sommes seulement revenus à un niveau de stabilisation, sans décroissance de la dette. Il est impératif de viser non plus le zéro volume mais le zéro valeur dans la progression des dépenses.
Quand mettra-t-on en place une gestion rationnelle des ressources en personnel ? Les effectifs de la fonction publique représentent 45 % de la dépense nette de l'État. On calcule aisément l'impact du non remplacement d'un départ en retraite sur deux, puisqu'il s'agit de 35 000 emplois. Et ces postes non remplacés sont-ils des postes budgétaires ou des postes effectifs ? Que signifient les 29 794 équivalents temps plein de moins que le plafond voté en loi de finances initiale ? Mauvais calibrage des dépenses, embauches moindres que prévues, transferts -TOS par exemple- vers les collectivités locales ? Et comment l'État va-t-il gérer l'augmentation des dépenses de pensions, 1,5 milliard d'euros supplémentaires l'an prochain ? Il faudrait plutôt s'atteler à l'indispensable réforme de l'État et réfléchir aux nouveaux métiers dont il a besoin et aux méthodes de management.
La Cour des comptes souligne les limites de la norme de dépense : ne sont toujours pas comptabilisées les dépenses financées au moyen de ressources extrabudgétaires, ni celles des comptes spéciaux, ni celles financées au moyen de taxes affectées, de remboursements, dégrèvements, etc. Une norme de dépense élargie aurait fait apparaître une croissance de la dépense de 5,6 % en 2006.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Jean-Jacques Jégou. - En dépit des engagements pris par le ministre, le compte n'y est pas. Il faudra donc en finir avec les sous-budgétisations récurrentes, les reports de charges en clôture d'exercice, les dettes de plus d'un an classées en « restes à payer »...
Autre défi, le niveau de la dette demeure beaucoup trop élevé. Certes, la progression a été freinée en 2006 : 5 milliards d'euros supplémentaires seulement. Certes, le ratio d'endettement a été ramené à 63,7 % du PIB.
Cette baisse n'a été obtenue que grâce à des cessions d'actifs ou à des mesures de trésorerie si bien que la dette continue à financer des dépenses courantes. L'écart continue donc de se creuser avec nos partenaires et la charge de la dette, qui représente 16 % des dépenses de l'État, va s'accroître sous l'effet de la hausse des taux d'intérêt.
Rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je veux, après MM. About et Vasselle, rappeler le quasi-triplement de la dette sociale creusée par une accumulation catastrophique de déficits. Vous vous êtes engagé à rembourser 5,1 milliards mais vous faudra-t-il emprunter pour cela ? Les prévisions de déficit s'aggravent, tous les indicateurs sont au rouge et l'ONDAM explose. Les retraites subissent les départs anticipés des baby-boomers et les recettes prévues ne compensent pas les allégements de charges.
Il faut passer d'une logique de soldes à une logique de normes et de contrôles tout en responsabilisant les professionnels et en repensant la gouvernance. Un bilan de la réforme de la branche retraites est prévu pour 2008. Il faudra traiter enfin des régimes spéciaux.
M. Paul Blanc. - Eh oui !
M. Jean-Jacques Jegou. - Le retour à l'équilibre des collectivités territoriales suppose qu'on leur attribue une véritable autonomie, qu'on reconnaisse la qualité des services publics locaux. Leur contribution à l'investissement produit de la TVA qu'elles récupèrent tardivement et pas complètement -elles sont bonnes filles. (M. Moreigne le confirme) Aidons-les à maîtriser leurs dépenses, stabilisons la DGF, revoyons le pacte de stabilité et responsabilisons-les mais, de grâce, relativisons une dérive financière qui n'est que de 0,3 %.
Longue et ardue, la route exige une volonté sans faille. Je compte sur les outils de la LOLF ainsi que sur les audits. Ne nous y trompons pas, la dépense publique ne peut pas relancer la croissance, c'est le désendettement qui nous permettra de renouer avec elle si nous menons la réforme de l'assurance maladie et des retraites et rénovons la décentralisation. (Applaudissements au centre et sur divers bancs à droite)
M. Henri de Raincourt. - (Applaudissements sur les bancs UMP) C'est maintenant que nous devons fixer les priorités pour les cinq années à venir. La stratégie du gouvernement repose sur deux piliers : des mesures fiscales pour créer un choc fiscal et rétablir la confiance et relancer la croissance ; la maîtrise de la dépense publique pour réduire le déficit et la dette. Notre groupe apporte son soutien à ces choix responsables et volontaires, conformes aux engagements du Président de la République vis-à-vis des Français et de la France envers ses partenaires européens.
Tenir les engagements pris envers les Français est une priorité. Ce que M. Sarkozy leur a annoncé et qu'ils approuvent à une large majorité, nous allons le mettre en oeuvre (« Très bien ! » à droite) et personne n'a à s'en inquiéter...
Mme Nicole Bricq. - Nous !
M. Henri de Raincourt. - Les Français les ont ratifiés.
M. Gérard Delfau. - Nous verrons...
M. Henri de Raincourt. - Je comprends que cela vous gêne : c'est une rupture ! (M. de Rohan le confirme)
Notre stratégie vise à revaloriser le travail pour atteindre le plein emploi et augmenter le pouvoir d'achat. C'est le sens du projet que nous examinerons demain, c'est aussi celui de la réforme du marché du travail examinées dans le cadre de conférences avec les partenaires sociaux comme des mesures en faveur de l'innovation que nous verrons lors du prochain budget.
La revue générale des prélèvements obligatoires que le gouvernement souhaite engager constitue un enjeu majeur pour faire face au défi de la mondialisation. MM. Marini et Christian Gaudin l'ont souligné dans leur rapport, renforcer notre attractivité est une priorité. Face aux délocalisations et au dumping fiscal, social et environnemental, nous devons explorer toutes les pistes de réflexion, du statut de résident fiscal temporaire à la TVA sociale, et poser clairement la question des recettes de la protection sociale et de leur assiette. A l'issue de la seconde guerre mondiale, on commençait à travailler plus tôt, on travaillait plus et on partait à la retraite plus tard. Il ne faut donc pas s'étonner de l'état dans lequel nous voyons notre système : il a été rongé par les trois bouts. (Applaudissements à droite)
Nous devons aborder ces options avec prudence mais sans tabou. Cette stratégie suppose un assainissement des finances publiques, conformément aux engagements du Président de la République devant nos compatriotes comme devant les ministres des finances européens. Pour ramener la dette à 60 % du PIB et en finir avec l'impasse d'ici 2012 au plus tard, tout en créant de la croissance, en soutenant l'emploi et en préparant l'avenir, l'État doit dégager des marges de manoeuvre.
Le rapport du gouvernement propose quelques chiffres clefs. Le vieillissement démographique entraînera un surcroît de dépenses de l'ordre de 3,2 % du PIB, soit le produit de l'impôt sur le revenu. Si on finançait ces dépenses par l'endettement, la dette publique exploserait et nous léguerions à la génération née en 2030 une dette six fois supérieure à celle de leurs arrière-grands-parents. Impensable ! Insoutenable ! Irresponsable !
Notre groupe salue la volonté du gouvernement de diviser par deux la progression en volume de la dépense publique et de ne remplacer qu'un départ de fonctionnaire sur deux. Dégager 80 milliards d'économies d'ici 2012 exigera un effort considérable.
Je note avec satisfaction que la politique budgétaire du gouvernement ne se limite pas à une approche comptable. Elle se veut également méthodologique, dans le cadre d'une « gouvernance plus ambitieuse » au service de la maîtrise de la dépense publique. La création du ministère « du budget, des comptes publics et de la fonction publique » constitue une première étape, grâce à laquelle pourra être mise en oeuvre une approche consolidée des finances publiques.
Nous approuvons également le lancement d'une « révision générale des politiques publiques ». Inspirée des meilleures pratiques étrangères, elle permettra de passer au crible l'ensemble de la dépense de l'État et de ses opérateurs, avec une vision consolidée et pluriannuelle des dépenses publiques. Cette mise à plat doit concerner aussi la sécurité sociale à laquelle vous avez décidé d'apporter 5,1 milliards...
M. Alain Vasselle. - C'est une bonne nouvelle.
M. Henri de Raincourt. - Il reste beaucoup faire pour revenir à l'équilibre comptable des quatre branches.
De même, une réforme d'ensemble des concours de l'État aux collectivités locales qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité n'est concevable et acceptable que si elle s'accompagne d'une clarification de leurs relations financières. Nous souhaitons une révision générale des compétences transférées aux collectivités locales, parallèle à celle des politiques publiques. Cette révision ne doit pas se faire par type ou échelon de collectivités locales, mais par type ou nature de compétences. Il convient, par exemple, de distinguer les dépenses d'insertion, qui sont liées à la conjoncture, de celles de dépendance, dont l'augmentation est structurelle, massive et inéluctable. Il faudra aussi mieux associer les collectivités locales à l'élaboration des normes qui les concernent. Les départements sont devenus les prestataires d'allocations décidées au niveau national.
M. Éric Doligé. - Il faut que cela cesse !
M. Henri de Raincourt. - Ces révisions générales des compétences transférées, des prélèvements obligatoires et des politiques publiques constituent les trois piliers des réformes structurelles dont notre nation a besoin. C'est dans cet esprit que le groupe de l'UMP aborde ce débat d'orientation. Nous voulons faire ce travail avec le gouvernement, dans l'objectif de restaurer la politique publique et de mettre en place les ingrédients d'une politique sociale réussie. (Applaudissements à droite)
présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président
M. Aymeri de Montesquiou. - Réussir la relance de la croissance, réussir le retour au plein emploi, réussir le redressement de nos finances publiques, réhabiliter le goût de l'effort individuel et du travail, rendre notre pays plus attractif. Pour relever ces défis, il faut de l'intelligence. Vous en avez. Il faut de l'habileté, on peut vous en créditer. La France doit mener la très dure bataille de la mondialisation. Peut-être, comme pour les grands généraux, vous faut-il de la chance ; êtes-vous l'enfant chéri de la victoire ? Mais avant tout, il vous faut du courage.
Nos marges de manoeuvre sont plus que réduites. Le déficit courant atteindra 2,4 % en 2008, soit le même niveau que pour 2007. La dette publique reste à 65 % du PIB ; les seuls intérêts de cette dette dépassent le déficit courant et atteignent le chiffre effarant de 2,5 % du PIB. La progression des dépenses de l'État n'est pas encore maîtrisée, malgré les tentatives méritoires de vos prédécesseurs. Les normes de progression doivent encore intégrer les dépenses fiscales et les prélèvements sur recettes affectés aux collectivités locales ou aux opérateurs publics. Or, la Cour des comptes relevait récemment que « depuis 2000, tous les programmes de stabilité ont retenu des objectifs de progression des dépenses compris entre 0,3 et 1,3 % en volume, et n'ont jamais été respectés ». Vous avez vous-même reconnu que l'évolution des dépenses inéluctables est désormais défavorable en raison de la hausse des taux.
La stratégie économique du gouvernement est ambitieuse. Mais elle est aussi ambiguë. Le train de mesures fiscales a pour but de relancer le pouvoir d'achat et soutenir la croissance. Certaines dispositions vont dans le bon sens mais cette politique a aussi pour effet d'alourdir la dépense publique de 13 milliards, sans financement à due concurrence certain.
Nombre d'experts, comme MM. Camdessus et Pébereau, placent la politique de désendettement au coeur de toute stratégie de relance. Vous venez vous-même de faire ce constat. Mais pourquoi aller moins vite, moins haut, moins fort que nos partenaires ? En repoussant à 2012 la stabilisation espérée de notre dette, nous nous illustrons une nouvelle fois à notre désavantage. De procédure de déficit excessif en promesse d'assainissement toujours repoussée, notre crédibilité ne pèse guère à côté de notre voisin allemand, qui partait d'encore plus bas. En moins de trois ans, Angela Merkel aura ramené le déficit à 0,3 % en 2008 et table sur un excédent budgétaire d'ici 2011. À cette date nous pourrons espérer au mieux ne pas être trop déficitaires. L'accoutumance au déficit est une drogue dure dont nous devons nous désintoxiquer.
On a le sentiment que vous faites le pari de la croissance par la seule consommation et non par l'offre et par l'assainissement. Car vous faites celui d'une croissance à 2,5 %, et même à 3 %, que vous voulez entretenir par des mesures, stimulantes peut-être mais coûteuses. Qu'adviendra-t-il si nous restons à la moyenne de ces dix dernières années ? Quelle que soit cette croissance hypothétique, forte ou faible, le préalable, ce sont les économies. Le gisement existe. Recherchons la meilleure efficacité pour l'exploiter : si nos dépenses publiques se situaient dans la moyenne européenne, nous économiserions plus de 100 milliards. C'est vrai, il nous faudrait du courage, beaucoup de courage. Ce gouvernement n'en manquera pas pour exploiter cet énorme potentiel.
En effet, pourquoi la France ne réussirait-elle pas ce que de nombreux États ont su faire ? Entre 1994 et 2003, la Suède a réformé sa procédure budgétaire en adoptant une programmation triennale contraignante, créé des agences distinctes de l'État et pécuniairement responsables à son égard pour gérer les politiques publiques, diminué le nombre de fonctionnaires de 15 %, réduit la dépense publique de 10 points. Résultat : la dette est passée de 80 à 51 % du PIB, les dépenses de santé et d'éducation ont augmenté, les efforts de recherche placent la Suède au second rang mondial par habitant, le taux de chômage avoisine les 6 %.
Sur la même période, le Canada a réduit de 10 points ses dépenses publiques et ses effectifs de fonctionnaires tout en concentrant les économies réalisées sur les dépenses d'innovation. Résultat : le taux de croissance annuel moyen a atteint 2,6 %, l'endettement de l'État a diminué de 24 points, le taux de chômage s'est réduit de 3 points, la qualité des services de santé s'est améliorée.
En Nouvelle-Zélande, les trois gouvernements travaillistes qui se sont succédé à partir de 1984 ont ramené la dette publique de 63 à 17 % du PIB. Le budget de l'État est aujourd'hui excédentaire et le taux de chômage inférieur à 4 %.
C'est à ce courage tant vanté par le chef de l'État que je vous exhorte. Votre objectif de remettre la France dans le grand jeu de l'économie mondiale pour les cinq prochaines années reçoit notre soutien. Mais les dépenses supplémentaires doivent impérativement être couvertes par l'élimination des dépenses superflues : chasse aux niches fiscales infondées ou obsolètes, rationalisation des dépenses de fonctionnement des administrations, lutte contre la fraude fiscale, diminution raisonnée du nombre de fonctionnaires, frein à l'exil fiscal, encouragement au retour des exilés fiscaux. Comptons aussi les 15 milliards supportés chaque année par l'État pour compenser l'allégement de charges résultant du passage aux 35 heures -une dépense absurde.
Les crédits nouveaux devraient être affectés au remboursement de la dette et aux dépenses sanctuarisées, comme font les Britanniques.
Quoi qu'il en soit, chaque dépense nouvelle devra être justifiée en termes de satisfaction de l'intérêt général et de rentabilité.
Ensuite, on doit s'interroger sur la pertinence de notre fiscalité. Il faut cesser de pénaliser ceux qui ont le courage d'entreprendre en taxant toujours davantage les facteurs de production. Il faut cesser de sanctionner ceux qui réussissent en frappant leur patrimoine. Il faut cesser de punir les entreprises qui font des bénéfices en créant des taxes additionnelles. Produire des richesses et en posséder, est-ce contraire aux lois de l'économie ? L'ISF est-il oui ou non un bon impôt ? La question provoque ici des passions aveugles, là des crispations gênées. Seuls trois pays maintiennent une telle imposition du patrimoine dans l'Union européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très juste !
M. Aymeri de Montesquiou. - Après M. Charzat, parlementaire socialiste peu suspect de sympathie pour les grands patrimoines, qui concluait déjà en 2001 à la faible productivité de cet impôt,...
Mme Nicole Bricq. - Ce qui ne signifie pas qu'il voulait le supprimer !
M. Aymeri de Montesquiou. - ... M. Marini, dans son rapport de 2004, le qualifiait d'insoutenable au plan économique. Hélas ! Malgré le bouclier fiscal, certains ont préféré se domicilier dans un pays plus attractif.
Mme Gisèle Printz. - Vive la Suisse !
M. Aymeri de Montesquiou. - Depuis janvier dernier, seuls 2 780 sur les 93 371 contribuables concernés se sont fait connaître auprès du fisc. Le remède du bouclier fiscal serait-il inopérant ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Effectivement, les résultats ne sont pas brillants !
M. Aymeri de Montesquiou. - En définitive, ne serait-il pas judicieux de supprimer le mal plutôt que de chercher à l'atténuer par des antidotes coûteux ? Bref, posons-nous la question : l'ISF est-il positif, neutre ou négatif pour dynamiser l'économie française ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas une question convenable ! (Sourires)
Mme Nicole Bricq. - 4 milliards, ce n'est pas inutile pour le budget de l'Etat !
M. Aymeri de Montesquiou. - Le taux de prélèvements obligatoires des cadres de haut revenu et des entreprises est le plus élevé de l'Union. Cela freine-t-il les délocalisations ? On peut en douter... De surcroît, 90 % des chefs d'entreprise européens jugent notre système fiscal trop complexe. Le premier allégement doit être celui de la charge administrative. La création d'un régime d'imposition des « impatriés » en 2003, témoigne d'ailleurs que notre fiscalité n'est pas adaptée à la mondialisation.
M. le Ministre, votre politique économique est ambiguë : renforcer notre modeste croissance par la relance du pouvoir d'achat, comme l'ont fait vos prédécesseurs, est une mesure de court terme. Notre économie a besoin de réformes structurelles. Au reste, les réformes portées par votre gouvernement -universités, recherche, marché du travail et j'en passe- pourront-elles être financées ?
En parallèle de la relance de la demande, il faut mettre en place une politique concernant l'offre. L'instauration d'une TVA sociale permettrait de financer un système de protection, hérité de 1945, aujourd'hui à bout de souffle. Avec le vieillissement de la population et la persistance du chômage, les comptes sociaux continueront de se détériorer. D'ici à 2050, le seul financement des retraites nécessitera le prélèvement de 2,1 points de PIB supplémentaires.
Le transfert d'une partie du financement de la protection sociale des entreprises, déjà lourdement taxées, vers les consommateurs semble être la bonne solution : la TVA sociale, assise sur une assiette large -les produits de consommation, dont les importations- et non délocalisable, allègerait le coût du travail tout en stimulant la compétitivité de nos entreprises. L'Allemagne, qui a mis en pratique un concept proche, poursuit son embellie.
Par ailleurs, les procédures, parfois courtelinesques, qui pèsent sur les PME et TPE doivent être allégées. Le fardeau des cotisations que supportent ces petites structures décourage l'esprit d'initiative et le goût d'entreprendre que le gouvernement veut réhabiliter.
M. le Ministre, ne cédez pas à la pression de la démocratie médiatique. Clemenceau, sénateur de la gauche démocratique, l'ancêtre du RDSE, (Exclamations amusées) disait qu'« il faut savoir ce que l'on veut, le courage de le dire, l'énergie de le faire ». Modestes successeurs du Tigre, (Même mouvement) nous vous invitons à faire preuve de courage et d'audace pour redonner à nos compatriotes confiance et ambition. Alors ils retrouveront l'enthousiasme, l'envie d'investir et la foi dans l'avenir ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Marie-France Beaufils. - Après l'intervention de M. Foucault, je veux concentrer mon propos sur les comptes de la sécurité sociale et ceux des collectivités locales qui, malheureusement, servent aujourd'hui de variables d'ajustement du budget de l'Etat.
Le transfert de compétences a souvent toutes les apparences du bon sens : l'état confie à l'un ou l'autre de ces partenaires une mission spécifique, en y ajoutant un zeste de subsidiarité, puis leur dédie une ressource pour laisser ensuite aller les choses à vau-l'eau. Au total, 70 milliards ont été ainsi dépensés, soit plus que les dépenses d'intervention proprement dites ! Sous la précédente législature, l'état a fait porter aux collectivités des charges croissantes, notamment en lui transférant l'action sociale -les dépenses liées au RMI ont crû de 7,9 % en 2006, sans parler de l'APA et de la prestation de compensation du handicap- tout en amoindrissant leurs recettes avec la réforme de la taxe professionnelle et le bouclier fiscal. Les collectivités locales, pour équilibrer leur compte, n'ont d'autre choix que d'augmenter la fiscalité locale ou de réduire leur intervention, comme vous les y invitez maintenant ! De surcroît, les concours de l'état aux collectivités seront désormais reconduits en euros constant. Bref, vous confinez les élus locaux au rôle de simples gestionnaires de la pénurie. Cette mesure serait dictée par un souci d'équité, celui d'imposer les mêmes règles aux concours aux collectivités qu'aux autres dépenses de l'état. C'est oublier un peu vite que la DGF se substitue à une fiscalité locale et que les collectivités territoriales produisent de la richesse et réalisent plus de 70 % des équipements publics.
Les mêmes observations valent pour les comptes de sécurité sociale, particulièrement malmenés depuis 2002. Pour plus de compétitivité, il faudrait, selon vous, réduire le coût du travail -par parenthèse, vous n'avez jamais envisagé de réduire la rémunération des actionnaires. Résultat, les exonérations et allégements représentent près de 30 % des dépenses budgétaires d'intervention et 3 à 5 milliards ne sont pas compensés par le budget général ! Ce choix a un coût économique -la rentabilité financière des entreprises est renforcée sans que cela garantisse leur maintien sur le territoire national- et social.
Quant au coût social, il est très élevé : extension du travail à temps partiel imposé, généralisation des bas salaires, non reconnaissance de la qualification des salariés, développement des formes atypiques de travail. Et que dire de votre choix idéologique sur les heures supplémentaires, qui ne vise qu'à alléger le coût du travail et à accroître la rentabilité à court terme des entreprises ? Il engage la politique budgétaire de la nation sur une pente dangereuse. Nous ne partageons pas vos priorités, qui loin d'être novatrices, ne font qu'amplifier les choix politiques de ces dernières années. Elles n'empêcheront ni l'expansion de notre déficit commercial extérieur, ni l'atonie de notre production industrielle, ni la destruction progressive de notre appareil de production ! D'ailleurs, l'INSEE vient de nous indiquer que les constructeurs automobiles français réalisaient désormais plus de véhicules dans leurs usines implantées à l'étranger que dans celles situées sur le sol français !
M. Paul Blanc. - C'est bien le problème !
Mme Marie-France Beaufils. - Vous vous contentez d'accompagner les orientations de gestion de ces entreprises ! Mais cette fuite en avant permanente met en cause la pérennité de notre système de sécurité sociale. L'objectif du programme maladie serait, à vous en croire, d' « assurer un égal accès aux soins », de « développer la prévention », ou encore, de « garantir la viabilité financière de la branche maladie ». Mais en 2007, on atteindra un déficit historique de douze milliards, qui signe l'échec de vos précédentes réformes. Et vos nouvelles pistes, comme les franchises, font une fois de plus porter sur les seuls salariés l'effort de résorption du déficit.
La TVA sociale ? Elle ferait encore porter sur les plus modestes le financement de la protection sociale. Quant à l'intégration de la CSG et de la CRDS dans le bouclier fiscal, s'ajoutant à votre politique d'exonération de cotisations, elle ne nous rassure guère sur votre volonté d'assurer un financement pérenne et solidaire de la protection sociale. Vous ignorez la solidarité, qui veut que chacun contribue à la politique publique de notre pays en fonction de ses capacités.
Nous aurons, je l'espère, la possibilité de débattre des retraites en loi de finances, car contrairement à l'opinion du président de la commission des finances, que vous semblez partager, M. le ministre, nous pensons que le travail des parlementaires ne se limite pas à être de bons contrôleurs. Ils doivent prendre toute leur place dans la définition du budget de l'État. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Moreigne. - L'essentiel du financement des collectivités territoriales par l'État passe par l'enveloppe normée dont le montant s'élève, pour 2007, à 45,2 milliards. En vertu du contrat de croissance et de solidarité passé pour trois ans en 1999, et reconduit depuis, la moitié de cette enveloppe était indexée sur l'évolution du PIB, afin que les collectivités, qui contribuent à l'essentiel de l'investissement public, bénéficient de l'évolution de la richesse nationale. Or, le premier ministre a annoncé la suppression de cet outil de solidarité nationale, puisque la composante PIB doit disparaître dès 2008, soit une perte de recettes, pour les collectivités locales, de près de 440 millions.
En restera-t-on là ? Les déclarations de M. Fillon lors de sa rencontre du 16 juillet avec l'Association des départements de France ne lèvent pas mes inquiétudes. Le gouvernement pourrait être tenté d'aller plus loin et d'appliquer la norme zéro volume aux compensations pour allégements de fiscalité locale. Sur la méthode, je note que cette annonce n'a point été précédée de consultations auprès des associations d'élus... Alors que les collectivités locales assument des charges toujours croissantes, souvent à la suite de décisions imposées par l'État, rompre ainsi un contrat appliqué depuis dix ans n'est guère acceptable. D'autant que la péréquation en sortira affaiblie, puisque les marges de manoeuvre dégagées au profit des dotations qui lui sont consacrées découlaient directement de l'indexation annuelle. Les collectivités les plus démunies, une fois encore, en feront les frais.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle -1,2 milliards en 2007- qui reste la variable d'ajustement du contrat de croissance et de solidarité, en sortira diminuée. Les finances locales vont subir un nouvel effet de ciseaux, comme le montre une étude réalisée en 2006 par l'Association des départements de France, qui souligne que 90 % de la hausse des dépenses de fonctionnement des départements provient de facteurs exogènes.
L'évolution de l'inflation nourrit également les inquiétudes. D'un côté, l'indice officiel, de 1,7 % en 2006, de l'autre le « panier du maire », indice développé par l'Association des maires de France, à 3,9 %. Et l'écart ne cesse de s'accroître.
À cela s'ajoute la régulation de la DGF, à hauteur de 84 millions pour 2008. Au total, le manque à percevoir pour les collectivités pourrait dépasser, au titre de la DGF, 500 millions.
Sans compter les effets du bouclier fiscal et le coût de la réforme de la taxe professionnelle. On sait que la quote-part des impôts locaux devant faire l'objet d'une restitution au contribuable est prélevée, avant répartition, sur le montant global de la DGF. En abaissant le bouclier à 50 %, CSG et CRDS incluses, le gouvernement va accroître la part des impôts locaux soumis à plafonnement et grever d'autant les dotations des collectivités, qui paieront pour une réforme faite pour une poignée de contribuables aisés. Pouvez-vous nous préciser, M. le ministre, quel en sera, pour elles, le coût ?
Le prochain budget devra absorber le coût de la réforme de la taxe professionnelle, qui plafonne la taxe versée par les entreprises à 3,5 % de leur valeur ajoutée et qui, adoptée en 2006, sera mise en application en 2007, le remboursement par l'État du trop payé aux entreprises devant intervenir en 2008.
Le dispositif adopté compense pour les collectivités locales les pertes de recettes résultant de ce plafonnement, sur la base des taux votés en 2004, majorés, selon les catégories de collectivités, pour prendre partiellement en compte les évolutions de taux intervenus en 2005. Cette compensation se substituera à la cotisation de référence théorique calculée sur la base d'un taux gelé à son niveau de 1995, qui servait jusqu'alors de référence pour calculer le droit à compensation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Complexe !
M. Michel Moreigne. - La perte de recettes pour les collectivités, malgré le coût de la mesure pour l'État, s'élèvera à 200 millions.
Pour faire bonne mesure, la totalité des transferts de compétences seront, à l'horizon 2007, intervenus. La commission consultative d'évaluation des charges du 13 mars 2007 souligne que l'épineuse question de la compensation financière de ces transferts, notamment de la poursuite du transfert des TOS, reste en suspens. La période de droit d'option ouverte aux agents déterminera un transfert en deux temps, au 1er janvier 2007, puis au 1er janvier 2008. Restera, dans la loi de finances pour 2008, à financer ce deuxième volet. L'an dernier, plus de 40 000 agents ont fait jouer leur droit d'option vers la fonction publique territoriale. Deux sujets restent sensibles : celui des contrats aidés, soit 14 000 emplois, pour lesquels la compensation ne se fera que sur la base d'une part des montants engagés ; celui des postes vacants, compensés sur une base minimale, dite de « pied de corps », alors que les collectivités auraient souhaité voir retenu le salaire médian, plus conforme à la réalité du terrain.
Le transfert des personnels de l'équipement devra se traduire dans la loi de finances pour 2008. Quant à la question du financement des retraites par la CNRACL, dont la situation financière est compromise à court terme, M. Domeizel y reviendra. Après l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'amendement qu'il avait fait voter, le précédent gouvernement s'était engagé à ce que l'État assure la compensation du coût des pensions des TOS. Mais que fera le gouvernement Fillon ?
Il y a aussi le financement du RMI : le nombre d'allocataires s'est accru de 10 % en 2004, après 5 % en 2005 et 2006, la recette de TIPP affectée au département diminue, l'écart se creuse ! Il manquait 880 millions aux départements en 2005, 1,1 milliard en 2006, le retard cumulé atteignait 2,35 milliards : le fonds d'indemnisation doit être reconduit l'an prochain, confirmez-le ! La départementalisation du RMI met en cause l'universalité de la prestation, elle amorce une territorialisation des politiques sociales, contre les principes de solidarité nationale et d'égalité.
Les conseils généraux doivent gérer les dispositifs d'accompagnement de la tutelle, sans aucune aide de l'État, pourtant prévue par la loi du 5 mars dernier : la loi de finances doit rappeler l'État à ses obligations !
Le revenu de solidarité active (RSA) est expérimental, mais rien n'est dit sur la part que l'État prendra à sa charge !
Mme Nicole Bricq. - Quelle clé de répartition ?
M. Michel Moreigne. - La loi de finances devra la préciser. Autre sujet, la charge résiduelle d'APA pour les départements les plus pauvres devrait baisser de 30 à 20 % : pour mon département, elle représente 27 points de fiscalité, c'est très loin d'être négligeable ! La prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) pour les SDIS, représente 1 point de fiscalité dans la Creuse, ou encore le coût de quatre ambulances : ce n'est pas rien non plus ! Les SDIS devront adopter le système de transmission Antares : seront-ils aidés ? La loi prévoit que tout volontaire pourra demander son intégration aux services : mesure-t-on l'impact financier pour les départements ? Je pourrais continuer... (Sourires)
Mme Nicole Bricq. - La barque est pleine !
M. Michel Moreigne. - L'an prochain, le manque à gagner pour les collectivités sera donc de l'ordre de 600 millions, sans compter le coût de la mise en oeuvre du bouclier fiscal. Les gouvernements de droite passent, les inquiétudes demeurent : les collectivités subissent toujours plus de contraintes, leurs marges de manoeuvre fiscale diminuent. Le gouvernement se veut exemplaire sur la méthode, il l'est surtout pour camoufler la réalité de son action : des recettes et des dépenses locales toujours plus encadrées, contre le principe même de l'autonomie institutionnelle et financière des collectivités locales. Le gouvernement veut cristalliser l'attention sur la « mauvaise gestion locale », et décrédibiliser les politiques menées par la gauche dans les territoires. Dans la ligne de mire : les prochaines élections. La ficelle est grosse, et n'oubliez pas que les élus locaux de droite sont eux aussi renouvelables ! (Applaudissements à gauche et sur certains bancs du RDSE)
M. Gérard Delfau. - La flèche du Parthe !
M. Joël Bourdin. - Je parlerai de l'attractivité fiscale, en joignant à mon propos celui de notre collègue M. Cantegrit, qui n'a pas pu assister à ce débat. Notre pays subit une véritable hémorragie de ses forces vives, provoquée par le niveau élevé de fiscalité sur le revenu et le patrimoine. Dans son rapport sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, M. Marini relève que la France connaît désormais près de deux délocalisations fiscales chaque jour. En 2004, 568 redevables à l'ISF se sont ainsi délocalisés, 649 redevables en 2005 : les expatriations croissent plus vite que le nombre de redevables supplémentaires à l'ISF. L'expatriation de bases imposables atteint 2,2 milliards en 2005, et 16 milliards entre 1995 et 2007. Le patrimoine total des personnes physiques délocalisées étant bien plus élevé que leur patrimoine imposable à l'ISF, on estime que 24 à 32 milliards appartenant à des redevables à l'ISF se sont délocalisés entre 1997 et 2005. L'âge moyen des redevables à l'ISF est de 66 ans, celui des assujettis qui se délocalisent n'est que de 53 ans. Comme le souligne le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Carrez : « les expatriés ne sont (...) plus seulement des rentiers, mais de plus en plus de jeunes entrepreneurs dont le départ entraîne une perte de dynamisme économique pour notre pays. » Le texte que nous examinerons demain propose d'améliorer notre attractivité fiscale pour inciter les contribuables à rester ou à revenir en France. Le « bouclier fiscal » sera abaissé de 60 % à 50 %, CSG et CRDS incluses, les droits de mutation à titre gratuit seront réduits et une réduction de l'ISF sera instituée en faveur des investissements dans les petites et moyennes entreprises et des dons au profit d'organismes d'intérêt général, dans la limite de 50 000 euros par an. Ces dispositions ne suffiront pas pour inciter les patrimoines importants au retour. Notre rapporteur général propose d'aller plus loin en permettant l'auto-liquidation, au moment de la déclaration de l'ISF, du montant du droit à restitution prévu dans le cadre du bouclier fiscal. Il propose également de créer un nouveau régime de résident fiscal temporaire octroyé sur agrément et dans certaines conditions.
Inspiré du régime britannique des « résidents fiscaux non domiciliés », il complèterait le dispositif « d'impatriation » et permettrait à certains contribuables de n'être imposés que sur leurs revenus de source française et biens situés en France. Il reprend l'une des propositions formulées par notre collègue Christian Gaudin, dans le rapport d'information de la mission sur les centres de décision économique, dont notre collègue M. Marini était le président.
Vous restez prudent, cependant, monsieur le rapporteur général, lorsque vous évoquez le retour des contribuables expatriés, soulignant qu'il n'y a pas d'effet mécanique.
M. Claude Domeizel. - Il faudrait peut-être les payer ?
M. Joël Bourdin. - Cela prendra du temps, le temps que la confiance revienne en la capacité de la France à valoriser ses atouts, tous ses atouts, y compris humains. M. Cantegrit propose un plafonnement temporaire du taux de l'impôt sur le revenu au niveau du taux marginal appliqué dans le pays où résidait le contribuable avant son retour en France. Les expatriés bénéficieraient de ce plafonnement pendant deux ans, sous réserve d'une durée d'expatriation de cinq ans consécutifs avant leur retour en France.
Autre proposition qui reprend une idée formulée par notre rapporteur général à l'occasion de la loi de finances pour 2004 : la mise en place temporaire d'un prélèvement libératoire unique en cas de rapatriement d'avoirs sur lesquels les impôts, droits et taxes français n'ont pas été perçus. Il estime en effet que les capitaux délocalisés illégalement doivent être incités à s'investir dans l'économie nationale en acquittant les impôts, droits et taxes normalement exigibles. En Italie, la loi du 23 novembre 2001 permet aux capitaux illégalement investis à l'étranger d'être rapatriés contre une amende libératoire de 2,5 %. Selon le gouvernement italien, 54 milliards d'euros ont ainsi été rapatriés, soit 4 % du PIB italien, l'amende libératoire apportant 1,3 milliard d'euros. Sur la base de cette expérience réussie, M. Cantegrit propose d'instaurer un prélèvement libératoire unique analogue à celui étudié par la commission des finances lorsqu'elle préparait l'examen du budget pour 2004, mais avec un taux de 2,5 % -comme en Italie- contre 10 % dans le projet de la commission.
Cette mesure serait par ailleurs temporaire afin d'éviter les effets d'aubaine. Bien entendu, le bénéfice en serait réservé aux résidents français à l'encontre desquels aucune procédure administrative ou judiciaire n'aura été engagée.
Ces pistes de réforme sont susceptibles de renforcer l'attractivité fiscale de notre pays et d'inciter certains expatriés au retour, ce qui stimulerait la croissance grâce à l'investissement. Ce n'est pas un pari idéologique, mais une recherche d'efficacité.
Toutes les pistes de réforme doivent être explorées, avec prudence mais sans tabou. Il en va de l'intérêt de notre pays et de nos concitoyens. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Gérard Delfau. - Ce débat d'orientation budgétaire devrait donner à la représentation nationale l'occasion de dresser les perspectives de notre politique budgétaire pour cinq ans. Les premières mesures économiques et financières du gouvernement confirment les craintes nées de la campagne électorale : dangereuses pour la gestion budgétaire, elles sont immorales au regard de la justice sociale.
Elles sont dangereuses, car nos finances publiques, déjà mal en point, se détérioreront encore sous l'effet des 13 milliards d'euros que votre paquet fiscal coûtera au budget de l'État. J'avais pourtant pensé, naïvement, que l'échec de votre gestion des finances publiques pendant les cinq dernières années vous aurait incités à plus de modestie et de prudence. L'ampleur de la dette publique montre de façon irréfutable l'absence de maîtrise des finances publiques par les gouvernements Raffarin et Villepin. Toutes les politiques du même type ont démontré leur inefficacité pour relancer la consommation et la croissance. Vous persistez pourtant à diminuer les cotisations sociales et à multiplier les cadeaux fiscaux. Vous creusez ainsi les déficits tout en compromettant le financement des services publics.
Plus grave, ces mesures sont immorales...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - N'exagérons rien !
M. Gérard Delfau. - ... car, au lieu de satisfaire l'intérêt général, elles ne bénéficient qu'aux personnes les plus fortunés. C'est peut-être ce que souhaite M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je souhaite simplement que les personnes fortunées restent sur le territoire national.
M. Gérard Delfau. - Alors que les ménages les plus modestes, dont les besoins primaires sont loin d'être satisfaits, devraient être au coeur d'une politique du pouvoir d'achat, les 0,01 % des ménages les plus riches ont vu leur revenu croître de 42,6 % depuis 1988 contre un gain de pouvoir d'achat limité à 4,6 % pour 90 % des Français. Le contraste s'est accentué depuis 2002. Quelle conclusion en tirez-vous ? Qu'il faut élargir le bouclier fiscal pour le porter à 50 % des revenus, neutraliser l'ISF et supprimer 95 % des droits de succession !
En revanche, où est la lutte concrète contre la fraude fiscale ? Comment agissez-vous contre l'accroissement des inégalités sociales ? En faveur de l'égalité des chances ?
Après ce constat général inquiétant, je souhaite aborder deux points particuliers : les relations avec les collectivités locales et le financement de l'accompagnement du handicap.
N'ayant que peu de considération pour les élus locaux, vous faites des finances locales une variable d'ajustement budgétaire de vos choix économiques, erratiques et injustes, comme sous les gouvernements Raffarin et Villepin.
J'en veux pour preuve l'annonce faite le 3 juillet par le Premier ministre, dans son discours de politique générale, que les dotations d'État aux collectivités locales seraient indexées sur l'inflation en 2008. Cette mesure induirait une perte de ressources atteignant 440 millions d'euros au titre de la dotation globale de financement (DGF).
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Perte par rapport à quoi ?
M. Gérard Delfau. - J'espère que le Sénat ne le permettra pas.
Si l'on ajoute la régularisation négative de la DGF prévue en 2008 au titre de l'actualisation 2006 de la DGF, soit 84 millions d'euros, la perte totale de ressources atteindra 524 millions. Et je ne parle que de l'enveloppe normée, car le Premier ministre n'a pas précisé si l'indexation concernait l'ensemble des concours de l'État.
Au demeurant, cette annonce du Premier ministre n'est pas une surprise : loin de la rupture annoncée par le Président de la République, elle prolonge la politique antérieure. Ainsi, nous commençons à sentir les effets funestes de la loi de finances pour 2006, dont je citerai quelques exemples.
Tout d'abord, l'incidence du bouclier fiscal réduira les recettes régionales en 2007 : elles se limiteront à 4 276 millions d'euros contre 4 308 millions en 2006. La réforme de ce bouclier aggravera le phénomène. Ensuite, la création d'un ticket modérateur en matière de taxe professionnelle accentue les inégalités de ressources entre collectivités. Enfin, l'exonération de 20 % des terres agricoles pour la taxe sur le foncier non bâti à diminué les bases foncières moyennes de 16,8 % en 2006, et davantage dans les communes comptant moins de 500 habitants. Comme nous l'avions dit, la compensation, assise sur le taux de 2005, se réduit mécaniquement chaque année. Est-ce ainsi que les communes rurales auront les moyens de leur survie ?
Autant de choix budgétaires et fiscaux allant à contresens de la péréquation. Concrètement, la baisse de la DGF devrait réduire la DSU de 60 à 80 millions d'euros. Le tassement de la DGF sera également source de difficultés lorsque seront pris en compte les résultats du recensement.
Au final, je crains que ces dérives n'aboutissent à reconstituer une tutelle de fait exercée par l'État sur les collectivités les plus pauvres, tout en laissant aux collectivités les plus riches tous loisirs pour alléger encore le prélèvement fiscal sur une population généralement aisée. Ainsi s'aggrave l'inégalité entre Français.
J'en viens à la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 relative aux handicapés. Le ministre de l'éducation nationale a annoncé la suppression de 8000 emplois aidés, parmi lesquels sont recrutés les auxiliaires de vie scolaire accompagnant ces jeunes, outre la disparition de 10 000, voire 17 000 postes d'enseignants. Si ce dispositif est appliqué, les risques de désorganisation seront élevés de la rentrée de septembre.
Je pourrais faire la même démonstration à propos de l'université : vous venez de refuser un collectif budgétaire pourtant nécessaire au moment où vous présentez une réforme de la gouvernance utile mais difficile à faire accepter. Que deviendra la promesse du candidat Sarkozy d'augmenter substantiellement le budget de la recherche ? En matière de logements locatifs, l'effort du gouvernement Villepin, à l'initiative de M. Borloo, sera-t-il reconduit ?
J'arrête là cette énumération pour rappeler une évidence : comme les familles, l'État ne peut dépenser deux fois l'argent dont il dispose. Autrement dit, toute politique fiscale est un choix. Loin de promouvoir « la France de ceux qui se lèvent tôt », la politique du président Sarkozy favorise outrageusement « la France des riches et des héritiers ». Vous attendez un choc psychologique favorable à la relance économique, à contre-courant de la politique vigoureuse suivie par nos voisins européens. Vous ne craignez pas d'accroître encore le poids de la dette au mépris de nos engagements communautaires. Nous risquons une aggravation abyssale des déficits, donc une crise de confiance avec nos partenaires, s'accompagnant d'un accroissement brutal des inégalités.
Votre politique dangereuse fait prendre des risques disproportionnés au pays. Inégalitaire et immorale, elle va exacerber les tensions de notre société. Ni mes amis radicaux de gauche ni moi-même ne pouvons donc approuver vos orientations budgétaires. (Applaudissements sur une partie des bancs du RDSE et sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous n'êtes pas tenté par l'ouverture ?
M. Claude Domeizel. - Je vous invite à lire le rapport de M. Vasselle sur notre système de protection sociale, en particulier la partie consacrée aux déficits du régime général : « plus dure sera la rechute » est-il écrit en titre. En quelques mots, tout est dit !
Comme l'a signalé le comité d'alerte en mai, la situation est grave.
Je vais plus particulièrement vous entretenir de la branche vieillesse du régime général, pour lequel un déficit atteignant 3,5 milliards d'euros était annoncé. Il faut s'attendre à 4,5, voire 5 milliards d'euros d'après Mme Danièle Karniewiez, présidente de la CNAV.
La situation financière de cette caisse est telle que le recours à l'emprunt est devenu monnaie courante. Ainsi les frais financiers passeront de 250 millions d'euros l'an dernier à 500 millions en 2007.
Il faut mettre fin à cette dérive. Certes, dans le privé, la hausse de 0,2 point du taux de cotisation et celle de la masse salariale a maintenu le déficit à 1,9 milliard, mais celui-ci s'installe durablement. Avec 740 000 départs à la retraite prévus en 2007, les charges de prestations augmenteront d'un milliard d'euros !
L'incitation à la poursuite de l'activité via la surcote instaurée par la réforme Fillon n'a pas porté ses fruits : nos concitoyens se sont empressés de partir, redoutant les mesures à venir... Cette loi, dont l'échec est largement reconnu...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Fallait-il ne rien faire ?
M. Claude Domeizel. - ... ne sera pas suffisante à long terme, selon le rapport du Conseil d'orientation des retraites : subsiste un besoin de financement de 0,7 point de PIB à l'horizon 2020, en tablant sur le plein emploi en 2015.
Le rendez vous de 2008 est donc crucial. Il faudra réviser à la hausse les dépenses. En l'absence de mesures nouvelles, la Cour des comptes estime que le déficit du régime général serait supérieur à ceux prévus dans les lois de financement de 2006 et 2007.
J'en viens à la situation catastrophique du FSV et du FFIPSA, qui influe indirectement sur le budget de l'État. Malgré une légère amélioration de ses comptes, la dette cumulée du FSV supportée par la CNAV depuis 2002 atteindra 6 milliards en 2007. Pourtant, l'équilibre financier de ce fonds est une obligation inscrite dans la loi !
Le déficit du FFIPSA, hérité de l'ancien BAPSA, devrait passer de 1,7 milliard à plus de 6 milliards en 2007. Le mauvais rapport démographique et la nature des ressources ne permettent pas d'espérer un retour à l'équilibre...
M. Michel Moreigne. - Très juste !
M. Claude Domeizel. - Bientôt, le solde négatif annuel ne sera plus de 1,7 milliard mais de 3 milliards ! En 2010, le déficit cumulé atteindra 14 milliards, soit 80 % du budget de ce fond. Mais que fait Nicolas Sarkozy ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il n'est pas inoccupé !
M. Claude Domeizel. - Pour financer les déficits, le régime agricole est contraint de recourir à des emprunts dont les intérêts viennent encore alourdir les charges...
Le gouvernement s'abrite derrière une règle n'autorisant l'État à intervenir que « le cas échéant » pour rétablir l'équilibre budgétaire. Cette attitude, dénoncée par la Cour des comptes et par la commission des affaires sociales est inacceptable. Le régime agricole est celui qui recourt le plus massivement aux découverts.
V os prédécesseurs et amis...
M. Gérard Delfau. - Ce sont les mêmes !
M. Claude Domeizel. - ... avaient trouvé une solution : créer un groupe de travail. (Sourires) Génial ! Mais le rapport de ce groupe n'a pas dégagé de solution, et vous en êtes restés là.
Suite à l'avis du comité d'alerte de l'assurance maladie, la MSA vient d'adopter un plan d'économie drastique d'un montant prévisionnel de 1,36 milliard. Une fois de plus, les assurés paieront le désengagement de l'État et verront leur couverture sociale diminuer...
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Dominique Bussereau, alors ministre de l'agriculture, avait assuré que l'État n'abandonnerait pas le régime agricole. Il faut dire que la période se prêtait aux promesses...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Votre candidate n'en a peut-être pas fait ?
M. Claude Domeizel. - Huit mois plus tard, aucune décision budgétaire n'a été prise. Allez-vous continuer à laisser pourrir la situation ? Pénaliser encore le secteur agricole relève de la pure inconscience !
L'actif du Fonds de Réserve des Retraites (FRR) a péniblement atteint 31,2 milliards : nous sommes loin de l'objectif de 150 milliards en 2020 ! L'augmentation de ces trois dernières années n'est due qu'aux produits financiers. Monsieur le ministre, comptez-vous abonder ce fonds dès 2008 ?
« L'État mauvais payeur », dit M. Alain Vasselle. Il a raison.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Bien sûr !
M. Claude Domeizel. - L'État reconnaît dans ses comptes 2006 une dette de 6,7 milliards envers les organismes de la sécurité sociale. Monsieur le ministre, vous semblez vous engager à apurer cette dette.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est positif !
M. Claude Domeizel. - Nous attendons que vos intentions se traduisent dans le budget.
Pendant le même temps, le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat prévoit l'exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Cette mesure, dont l'impact sur croissance est très contesté par les économistes...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Par vos économistes !
M. Claude Domeizel. - ...devrait coûter entre 5 et 8 milliards en année pleine. La compensation versée aux régimes sociaux devra être anticipée. Le démarrage est prévu dès le 1er octobre. Envisagez-vous de compenser ce manque à gagner pour les caisses dès le budget 2007, ou bien le budget 2008 supportera-t-il le cumul des compensations pour 2007 et 2008, soit 10 milliards ?
Nouveau gouvernement, mais mêmes personnes aux postes clés : la politique libérale menée jusqu'ici risque de se poursuivre... Mais les Français exigeront de ce nouveau gouvernement qu'il assume son héritage et ses échecs !
Les régimes de retraite sont au bord de l'asphyxie, contraints de recourir à l'emprunt, laissant ainsi une douloureuse ardoise à nos enfants. La dette cumulée de l'État -40 milliards- et de la sécurité sociale -14 milliards- devient insupportable. Pendant le même temps, avec la réforme des droits de succession et de l'ISF, vous faites un cadeau de 5 milliards à une poignée de contribuables ! C'est une politique de gribouille que le groupe socialiste dénonce avec fermeté. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Paul Virapoullé. - En 1986, le Premier ministre déclarait devant l'Assemblée nationale que sa priorité serait de rétablir l'équilibre budgétaire. En 2007, nous ne sommes pas mieux lotis. La qualité des gestionnaires et la pertinence des analyses n'est pas en cause, mais il y a eu un mauvais diagnostic. La cause des déséquilibres n'est pas seulement interne : nous avons ouvert nos frontières, fait tomber les barrières tarifaires et non tarifaires, mis l'Europe occidentale en compétition frontale avec l'Asie.
La mondialisation s'est traduite par d'énormes progrès : des populations auparavant affamées mangent, travaillent, produisent aujourd'hui. Mais les règles de l'OMC sont-elles respectées partout ? C'est là que le bât blesse et nos difficultés proviennent aussi d'une bonne volonté... assise sur un mauvais diagnostic. Les pays occidentaux ont cru que, détenant les savoirs et une avance technologique, ils allaient produire les biens à haute valeur ajoutée, tandis que les pays asiatiques se spécialiseraient dans des biens tels que le textile. Or ces derniers occupent les créneaux de la basse valeur ajoutée, de la haute valeur...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - De la moyenne...
M. Jean-Paul Virapoullé. - Et des très hautes technologies, jusqu'aux nanotechnologies.
Et si à Romans, on ne fabrique plus de chaussures, comment les ouvriers vont-ils cotiser ? Ni leur productivité, ni leur savoir-faire, ni la créativité des stylistes ne sont en cause : ils sont victimes du non respect des règles par d'autres... Et si Alstom ne vend pas une seule locomotive aux Américains, partisans du libre-échange, c'est que les trains transportent du matériel militaire, donc relèvent de l'armement, donc ne peuvent être construits à l'étranger. Voilà une manière bien déloyale de fausser la concurrence.
J'ai l'intime conviction que si nous ne créons pas un observatoire de la mondialisation, pour suivre la façon dont les compétiteurs respectent les règles économiques, sociales, environnementales, démocratiques qu'ils ont acceptées...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. - ... nous ne pourrons avoir de débat sur les tarifs. Grâce à cet observatoire, une agence de notation pourra noter les pays selon leur comportement au regard des règles qu'ils ont signées ; et le pourcentage de la TVA sociale, à juste titre défendue par le président Arthuis, pourra être fixé non aux enchères mais en fonction de critères précis. Cette TVA deviendra un élément de justice et de régulation du commerce mondial. Alors l'Europe retrouvera son rang. La Chine est devenue, ne l'oublions pas, le troisième producteur mondial, l'Inde est en passe de la rejoindre, et nous serons bientôt à la remorque du commerce asiatique, brésilien, russe. Comment concurrencer des pays regroupant un milliard d'habitants ?
Le nouveau Président de la République a été élu pour rompre avec le ronronnement et pour créer des outils nouveaux. Si l'opinion a eu peur de la TVA sociale, c'est qu'elle ne sait pas de quoi il s'agit : si on lui explique que son outil de travail sera mieux protégé du dumping international, elle comprendra !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Créons l'observatoire et l'agence, notons les pays, fixons une TVA qui soit un mécanisme de régulation du commerce international. Surtout, évitons qu'en fin de mandature on en soit toujours au même point et que les déficits persistent.
Le Financial Times lui-même indiquait récemment que la mondialisation était de plus en plus mal perçue, y compris aux Etats-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni... Les gens comprennent mal qu'en travaillant comme ils travaillent, en se levant tôt et se couchant tard, en ayant une productivité excellente, ils puissent tout de même voir leur usine sombrer parce que les autorités chinoises ont décidé de déprécier le yuan...Dix centimes de variation des taux de change, pour EADS, représentent des milliards de pertes !
Il est grand temps de rétablir une mondialisation objective, respectant tout homme, quel que soit le ciel sous lequel il est né, bref, une mondialisation loyale. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Excellent !
Mme Raymonde Le Texier. - Douze milliards d'euros de déficit au lieu des huit annoncés pour le régime général : c'est la traduction chiffrée de l'échec des réformes phares de M. Fillon sur les retraites et de M. Douste-Blazy sur l'assurance maladie. Je me souviens du communiqué triomphant de Xavier Bertrand et de Philippe Bas au mois de mars : après avoir détaillé les résultats 2006 des comptes sociaux, ils annonçaient « un redressement plus rapide que prévu ». Il est vrai que nous étions alors en pleine campagne électorale : ni la sincérité, ni la lucidité n'étaient de mise ! Dès le 29 mai, le comité d'alerte dénonçait l'emballement des dépenses de santé en 2007. La Cour des comptes l'a confirmé, et vous avez dû annoncer un plan de redressement ; mais vos mesures sont très insuffisantes.
Ce résultat était-il prévisible, à défaut d'avoir été anticipé ? Malheureusement oui. Le dérapage était inscrit en germe dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale : déficit du régime général réduit en 2006 uniquement grâce à des recettes exceptionnelles, Ondam largement dépassé, prestations de retraite en croissance vive en raison du départ en retraite des baby-boomers, des retraites anticipées et de l'échec du maintien en activité des seniors... Cette situation est structurelle. Les déficits les plus lourds sont concentrés sur les branches maladie et retraite, dépourvues de perspectives de redressement à long terme. Or la loi de financement de la sécurité sociale reflète les comptes sociaux tels que les responsables les rêvent, non tels qu'ils sont.
Pourtant le Parlement vous avait mis en garde. Je dénonçais des hypothèses optimistes, voire délirantes. Vous n'avez eu que dédain pour notre avis. Vous avez ignoré également les avertissements de M. Vasselle. Mais votre échec n'est-il pas plus voulu que subi ? En sous-estimant les besoins, le gouvernement a masqué l'échec de la réforme des retraites et de l'assurance maladie pendant la campagne électorale. L'intervention, ensuite, du comité d'alerte justifie une mesure drastique de réduction de la prise en charge... avant l'instauration de franchises et de la TVA sociale.
Mme Nicole Bricq. - très juste !
Mme Raymonde Le Texier. - Méthode cynique mais diablement efficace !
Vous organisez la débâcle puis vous déplacez la ligne entre ce que la collectivité prend à sa charge et ce qui reste à celle de l'assuré. Vous développez ainsi l'activité des assurances privées -et les inégalités...
L'aggravation des comptes en 2007 résulte de l'augmentation des charges de l'assurance maladie, mais aussi du refus de l'État d'honorer une dette de 6 milliards et de sa politique d'exonérations non compensées. Vous avez, en 2006, remplacé les compensations par neuf taxes et droits dont l'évolution est moins dynamique que celle des exonérations : pour les heures supplémentaires, elles coûteront 4 milliards en 2008. En réalité, vos prévisions sont pifométriques.
Le déficit de l'assurance maladie atteindra 6,4 milliards contre 3,9 prévus ; celui de la branche vieillesse 4,7 milliards pour 3,5 prévus ; celui des branches familles et accidents du travail stagne. Je ne reviens pas sur l'échec de la loi Fillon sur les retraites, celui de la réforme de 2004 est tout aussi patent et l'équilibre annoncé n'est pas au rendez-vous. Vous empilez des mesurettes et multipliez les déremboursements sans responsabiliser les acteurs de la santé et les honoraires des médecins augmentent alors même qu'ils n'ont pas respecté leurs engagements.
M. Gérard Delfau. - C'est vrai.
Mme Raymonde Le Texier. - On en reste au paiement à l'acte...
M. Gérard Delfau. - Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. - Le système s'est fossilisé et les contraintes portent sur les assurés sociaux malgré les recommandations de la Cour des comptes. Les dépenses des soins de ville explosent et la revalorisation des consultations des généralistes ne va pas arranger les choses, qui représentera 500 millions en année pleine. La réévaluation des actes des infirmiers, si elle est nécessaire, pèsera également sur les comptes.
Allez-vous mettre à plat le système et une vraie réforme est-elle à l'étude ? Non, bien sûr, les assurés sociaux restent dans votre ligne de mire et, tandis que les professionnels bénéficieront de délais, le taux de remboursement hors parcours de soins va reculer et le tiers payant sera limité aux médicaments génériques. Cliniques et hôpitaux seront incités à développer la médecine ambulatoire et le prix de certains médicaments sera réduit. La maîtrise médicalisée se limite à une sanction des assurés sociaux.
La CADES, qui a déjà absorbé 93 milliards de déficit, ne peut plus servir à cacher les miettes de la dette sous le tapis. La Cour des comptes a souligné l'augmentation de la dette de 1993 à 1996 et de 2003 à 2006.
M. Gérard Delfau. - Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. - La droite était aux commandes...
M. Gérard Delfau. - Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. - Si on y ajoute les 45,8 milliards de l'ASSO, le passif est lourd et les perspectives bien sombres. Mais la mise en place de la TVA sociale paraît ainsi inéluctable.
Pourtant, maîtriser les comptes est possible et le gouvernement Jospin y était parvenu mais vous avez choisi de laisser filer les déficits et de faire payer les assurés sociaux. Seul le résultat compte à vos yeux alors qu'un Français sur six (et un chômeur sur trois) renonce à des soins faute de moyens et que l'écart de mortalité se creuse à nouveau entre classes sociales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelles sont vos sources ?
Mme Raymonde Le Texier. - Quels efforts sommes-nous prêts à consentir ? Il s'agit moins de comportements individuels que de facteurs structurels. La recherche et l'innovation ne cessent de se développer, elles sont une chance pour l'économie. Cessez de les traiter comme des charges et de culpabiliser les assurés sociaux ! (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dépensons toujours plus !
M. Bernard Murat. - Si nos comptes publics sont désormais sous contrôle, le désendettement demeure un impératif tant, malgré les efforts de la législature passée, il est difficile d'inverser les tendances. Depuis trente ans, la France a trop cédé à la facilité de la dette. Les comptes sont meilleurs qu'il y a cinq ans (démentis à gauche) mais aller bien plus loin est indispensable. La dernière campagne a favorisé une prise de conscience des inconvénients d'une dette publique trop élevée et il faut saisir cette opportunité pour apporter une amélioration structurelle, conformément aux engagements du Président de la République, réitérés devant les ministres des finances de la zone euro.
La norme « zéro volume » s'appliquera à un périmètre élargi. Sans doute l'écart entre celle-ci et le pacte de croissance et de solidarité ne pouvait-il être durable. Un ralentissement s'opèrera dès le budget 2008. Les collectivités partagent l'objectif gouvernemental de maîtrise des comptes publics mais elles doivent être associées à cet exercice. Quand les nouvelles règles du jeu seront-elles mises en oeuvre ? Nous avons une échéance l'an prochain...
M. Gérard Delfau. - Eh oui !
M. Bernard Murat. - Quelles économies le budget de l'État réalisera-t-il ? N'ôtez pas toute capacité d'action aux collectivités et rappelez-vous les conclusions du rapport Pébereau. Il ne faut pas compromettre le développement économique alors qu'avec 40 milliards d'investissement en 2006, les collectivités assurent 70 % du chiffre d'affaires du secteur des transports publics.
Vous êtes maire, monsieur le ministre. Vous savez que malgré quelques projets critiquables, les maires cherchent d'abord à répondre aux besoins légitimes en infrastructures de leurs concitoyens, en maîtrisant la dépense par une mutualisation des moyens au sein d'EPCI ou par des partenariats. Vous savez aussi le coût des mises aux normes.
Les élus ont de moins en moins de pouvoir sur leur fiscalité locale, compte tenu des transferts de charges qui leur sont imposés. Je partage le point de vue du président de l'Association des maires de France : « les communes n'ont pas vocation à être les variables d'ajustement des politiques fiscales de l'État ». La dérive constatée ces dernières années inquiète tous les responsables d'exécutif, qui ont contrôlé leurs frais de fonctionnement et contenu l'augmentation des taux locaux dans la moyenne nationale.
L'engagement des collectivités dans la maîtrise des dépenses ne pourra se faire sans une remise à plat de leurs relations financières avec l'État. Il faut des garanties de ressources claires, pérennes, lisibles. II faut surtout plus de marges de manoeuvre et une meilleure association aux décisions les concernant, ainsi qu'une véritable réforme de fond de la fiscalité locale.
J'ai noté avec satisfaction que le Premier ministre souhaite que s'engage très rapidement la négociation d'un nouveau contrat pluriannuel pour définir les conditions dans lesquelles pourront évoluer les différentes dotations. II a annoncé que la clarification des compétences serait au coeur de la révision des politiques publiques. Vous-même, M. le Ministre, appelez à un « nouveau pacte avec les collectivités territoriales ». Peut-être nous apporterez-vous quelques précisions de nature à rassurer les élus que nous sommes. Je souhaite d'ailleurs que le groupe de travail présidé par notre excellent collègue Alain Lambert compte aussi des représentants des EPCI.
Je ne conclurai pas sans évoquer la prochaine revue générale des prélèvements obligatoires. Depuis janvier dernier, la taxe professionnelle est plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée et les nouveaux investissements sont exonérés pendant les trois premières années d'amortissement. On pourrait avant toute autre modification, tirer un bilan de ces mesures. Relancer la France, son économie, sa compétitivité et son attractivité, certes. Mais il ne faut pas oublier que la taxe professionnelle représente 50 % des ressources fiscales des collectivités territoriales. Les inquiétudes ne vont pas tarder à se révéler au grand jour et il faudrait peut-être prendre les devants.
M. le Ministre, nous comptons sur vous pour que le budget 2008 soit vraiment républicain, c'est-à-dire porteur de liberté, d'égalité et de fraternité, afin de porter l'espoir que l'élection de Nicolas Sarkozy a fait naître dans notre pays et au-delà de ses frontières. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Eric Woerth, ministre. - M. Foucaud a longuement attaqué le projet de loi TEPA ; il pourra se répéter demain devant Mme Lagarde. Ces mesures ne sont nullement inégalitaires : la vraie inégalité, c'est le chômage ; la vraie pauvreté, c'est l'absence d'incitation au travail ! Ne faites pas comme si le gouvernement réduisait sa politique à l'objectif chiffré du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ; il s'agit aussi d'augmenter la productivité des fonctionnaires et leurs revenus. C'est l'objet de nos conférences tenues avec M. Santini. Cela fait longtemps que rien de tel n'avait été fait : songez qu'aucun accord salarial n'a été signé dans la fonction publique depuis 1998 !
Je ne peux, M. Sergent, laisser passer votre apologie du gouvernement Jospin. Il nous a laissé un déficit de 15 milliards, aggravé par une surévaluation des recettes de 10 milliards, des sous-dotations volontaires de 16 milliards, trois primes de Noël, une APA non financée, une croissance anémique, la bombe à retardement des 35 heures. Alors, vraiment, pas de leçons !
Notre stratégie est cohérente, entre réforme fiscale ambitieuse et maîtrise des dépenses, fluidification du marché du travail, investissement massif dans l'enseignement supérieur et la recherche. Nous atteindrons les objectifs de dépense publique que nous nous sommes fixés.
La pluriannualité, M. Jégou ? On ira dans cette direction. Pourquoi pas de collectif de printemps ? Parce qu'il n'aurait pas eu d'objet. Non, la politique du gouvernement ne se réduit pas à attendre la croissance. Elle est d'abord fondée sur la maîtrise des dépenses. Notre objectif de croissance est raisonnable et prudent. Le monde a changé depuis vingt ans, la France aussi, et les conditions de l'équilibre. La protection sociale n'a plus rien à voir avec ce qui se faisait il y a vingt ans.
Pourquoi choisir entre l'offre et la demande ? Une bonne politique de l'offre peut être associée à une bonne politique de la demande. L'économie, c'est la mobilité, celle des capitaux comme celle des hommes.
Il y a urgence à endiguer la dette. Nous tiendrons l'échéance de 2012. La caisse de la dette publique remboursera 5,1 milliards à l'Acoss -et ce ne sera évidemment pas financé par l'emprunt.
Avec les collectivités locales, nous avons évidemment l'intention d'aboutir à une plus grande autonomie. Nous en avons parlé avec les associations d'élus. Il n'y a pas lieu à se tendre des pièges : nous sommes à la fois des élus locaux et nationaux.
M. de Raincourt a décrit la stratégie volontariste et responsable du gouvernement. De fait, notre stratégie est claire, mais elle ne vaut que sur la durée.
Enfin, le gouvernement, en parallèle de la politique de révision générale des politiques publiques, a entrepris de clarifier les relations entre État et collectivités. Et après le temps de l'évaluation viendra celui de la décision.
Je préfère les propos de M. de Raincourt sur notre stratégie budgétaire, volontariste et responsable, à ceux de M. de Montesquiou qui la considère ambitieuse mais ambiguë. Entre nous soit dit, on ne peut guère suspecter le Président de la République de faire dans la demi-mesure... Pour lui, tout doit être traité sans tabou. Par ailleurs, nous nous donnons les moyens d'atteindre l'assainissement des finances publiques au plus tard en 2012 en tablant sur un taux de croissance raisonnable de 2,5 %.
Pourquoi la France est-elle le champion de la dépense publique ? Pour moi, si les comptes publics de la Suède, du Canada, de la Grande-Bretagne ou encore de l'Allemagne se portent mieux, c'est que ces pays ont d'abord procédé aux réformes structurelles nécessaires durant une dizaine d'années. Le retour à l'équilibre des finances publiques passe par des réformes structurelles. C'est l'argument que M. Sarkozy a fait valoir devant l'Eurogroupe à Bruxelles...
Mme Nicole Bricq. - Il ne les a pas convaincus !
M. Eric Woerth, ministre. - Nos partenaires européens ont parfaitement compris que nous avions besoin de temps jusqu'en 2008 pour mener à bien ces réformes, avant de mettre l'accent sur la réduction du déficit à partir de 2009.
Le bouclier fiscal est-il inopérant ? Je ne le crois pas, d'autant qu'il ne concerne pas le seul ISF, mais l'ensemble des contributions fiscales. Le bouclier fiscal est une question de moralité publique ! (On proteste à gauche.)
Mme Nicole Bricq. - Pas ça !
M. Gérard Delfau. - Décidément, nous n'avons pas la même vision de la moralité !
M. Eric Woerth, ministre. - Il n'est pas normal que les travailleurs contribuent pour plus d'une journée sur deux d'activité au financement des politiques publiques ! (Vifs applaudissements à droite)
M. Gérard Delfau. - Ce ne sont pas des travailleurs !
M. Eric Woerth, ministre. - Ne vous en déplaise, ce sont des travailleurs qui, de plus, créent de la richesse et des emplois ! (Applaudissements à droite)
Mme Marie-France Beaufils. - Que faites-vous des ouvriers !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Calmons-nous !
M. Eric Woerth, ministre. - Avec le projet de loi TEPA,...
Mme Nicole Bricq. - On en reparlera demain !
M. Eric Woerth, ministre. - ...le gouvernement veut inciter les assujettis à l'ISF à investir dans les petites entreprises qui manquent cruellement de fonds propres, contrairement à leurs concurrentes allemandes qui réussissent si bien à l'exportation. Le rapporteur général et le président de la commission des finances vous le confirmeront ...
La TVA sociale est effectivement une piste de réflexion. Mme Lagarde et M. Besson présenteront bientôt les conclusions de la mission qui leur a été confiée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Eric Woerth, ministre. - Enfin, monsieur de Montesquiou, nous ne cédons nullement à la démagogie du court terme. Notre méthode, c'est d'aller à fond et sans tabou.
Madame Beaufils, le rapport de M. Richard a montré que la hausse des dépenses des collectivités -elles ont progressé de trois points du PIB de 1980 à 2005- était d'abord le fait de l'augmentation des dépenses de fonctionnement. Il faut donc arrêter de diaboliser les transferts des compétences. En tant qu'élus, nous programmons des dépenses pour satisfaire les besoins de nos administrés, ce qui n'a rien de condamnable. Assumons nos choix ! Les collectivités ne peuvent pas être tenues à l'écart de la politique d'assainissement des comptes publics.
Mme Marie-France Beaufils. - Ce n'est pas la question !
M. Eric Woerth, ministre. - État et collectivités doivent respecter ensemble les critères européens, que nous avons d'ailleurs contribué à définir et qui le sont dans l'intérêt de nos enfants. C'est dans cet esprit que le Premier ministre proposera aux collectivités un nouveau pacte.
Ensuite, on ne peut pas dire que les allégements et exonérations de charges n'ont pas d'effet sur la création d'emplois...
Mmes Nicole Bricq et Marie-France Beaufils. - Si !
M. Eric Woerth, ministre. - Moins le coût du travail est élevé, plus les entreprises embauchent. Pour preuve, l'impact positif des allégements Fillon ! Au reste, notre ambition pour l'assurance maladie est d'améliorer la qualité des soins et de faire face aux nouveaux besoins. Il faudra, par exemple, faire en sorte que la fin de vie, qui intervient de plus de plus en tard, se déroule dans des conditions dignes. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvions pas laisser les comptes de la sécurité sociale se creuser. D'où l'idée des franchises. (Vives protestations à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Eric Woerth, ministre. - Enfin, le Parlement est étroitement associé à l'élaboration du budget de l'État. Ce débat en témoigne.
Monsieur Moreigne, la fin de l'indexation sur la croissance des concours de l'État aux collectivités locales, dès 2008, est nécessaire. Mais ce n'est qu'une première étape. Il faut clarifier les relations difficiles qu'entretiennent l'État et les collectivités, que le gouvernement soit de droite ou de gauche. La complexité n'est pas source d'économie... Et si, comme vous l'affirmez, les « gouvernements de droite passent », notez qu'ils repassent parfois ! (Applaudissements à droite) C'est une bonne nouvelle pour les finances publiques car notre gestion est saine...
Mme Nicole Bricq. - Les gouvernements de droite passent, repassent, trépassent... (Sourires à gauche)
M. Eric Woerth, ministre. - Monsieur Bourdin, l'objectif nous est commun : faire revenir des « forces vives » en France.
Voix à gauche. - Vous parlez des « réfugiés » ?
M. Eric Woerth, ministre. - Le bouclier fiscal, mais surtout, le choc de confiance, inciteront ceux qui ont choisi l'étranger à réinvestir en France.
S'agissant de la compétitivité de nos régimes fiscaux, je rappelle que nous avons revu, il y a deux ans, le régime fiscal des impatriés et qu'en matière d'impôts sur le revenu, notre système se range parmi les plus compétitifs. Reste que nous devrons probablement dresser un bilan d'ensemble, qui aidera Mme Lagarde à porter prochainement devant vous un projet sur l'attractivité de notre territoire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous en avons bien besoin !
M. Eric Woerth, ministre. - L'exonération de charges, monsieur Delfau, est une mesure cruciale, non pour certains seulement mais pour tous. Le projet dont nous discuterons demain est très attendu, et les débats seront vifs. Il ne vise à rien moins qu'à remettre le travail au coeur des préoccupations de notre pays.
Vous avez évoqué les crédits en faveur de l'enseignement et de la recherche. Ils seront au rendez-vous, c'est une priorité du Président de la République et du Premier ministre. Le projet sur les universités a, au reste, été bien accueilli.
Mme Nicole Bricq. - Après révision présidentielle !
M. Eric Woerth, ministre. - Les informations que vous avez données sur le nombre d'emplois, dans l'Éducation nationale, pour accompagner les personnes handicapées, font croire à une diminution des effectifs d'encadrement. C'est parfaitement fantaisiste.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela me rappelle un autre débat...
M. Eric Woerth, ministre. - M. Domeizel a jeté un doute sur la loi de 2003 sur les retraites, suggérant qu'elle n'aurait pas rempli ses objectifs. Il n'y a que des avantages à travailler plus longtemps. La réforme a rétabli l'équilibre entre privé et public et nous a permis d'avancer vers l'idée que les seniors doivent pouvoir travailler plus longtemps, dès lors que l'espérance de vie est plus élevée.
La réforme fixait une date de revoyure à cinq ans, en 2008. C'est une bonne manière de gérer les politiques publiques, sur des sujets qui, par nature, évoluent, que de ne pas les figer dans l'idéologie et par-là les diaboliser. Cette méthode nous permettra de pérenniser nos régimes de retraite. Je partage votre inquiétude sur le FIPSSA, mais pas votre analyse. Ce n'est pas à l'État de régler, par une subvention d'équilibre, un déficit structurel. Il faudra certes assurer la pérennité de la protection sociale des exploitants agricoles, mais en réfléchissant aux mesures structurelles à engager. C'est à quoi nous nous employons, avec le ministre de l'agriculture. Les agriculteurs, nous dites-vous, sont maltraités, mais vous oubliez que les cotisations des exploitants agricoles n'apportent que 17 % des ressources du fonds, preuve que la solidarité nationale joue bien.
Pour la compensation des exonérations sur les heures supplémentaires, les montants sont évalués à environ 1 milliard en 2007, et un peu plus de 5 milliards en 2008. Nous avons pris l'engagement d'assurer la compensation à l'euro près. Il sera tenu, lors du collectif budgétaire de fin d'année.
Vous avez abordé un sujet, monsieur Virapoullé, sur lequel je ne peux me prononcer. Indiquant que certaines règles n'étaient pas respectées par tous au sein de l'OMC, vous avancez la belle idée d'un observatoire de la mondialisation élaborant des mesures de notation des pays pouvant déboucher sur l'application d'une TVA sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Intelligente proposition !
M. Eric Woerth, ministre. - Elle mérite que nous y revenions, avec Mme Lagarde. Vos préoccupations sont proches des nôtres : M. Fillon n'a-t-il pas souligné que la TVA sociale était une mesure antidélocalisations ?
Vous prétendez, madame Le Texier, que le déficit de l'assurance maladie serait le résultat d'une manoeuvre du gouvernement ?
M. Guy Fischer. - C'est la vérité !
M. Eric Woerth, ministre. - L'idée d'une scénographie politique machiavéliquement orchestrée est-elle sérieuse ? Prenons le parti d'en rire ! La réforme de 2004 a permis de maîtriser les dépenses de soins de ville, notamment de médicaments. Les courbes de dépenses se sont infléchies, avant de remonter deux ans après, preuve qu'une réforme demande à être entretenue. La réforme de 2003 sur les retraites est également une entreprise majeure. Nous ne la présentons pas comme l'alpha et l'oméga : il y aura d'autres rendez-vous. Considérant que la révision générale des politiques publiques doit inclure les politiques sociales et de santé, nous souhaitons mener une réflexion approfondie sur l'ensemble des régimes de protection sociale.
Pour éviter les effets pervers de la franchise, M. Hirsch a proposé un « bouclier santé ». Vingt-sept départements l'expérimentent. D'autres sujets, complexes, méritent réflexion. C'est le cas de l'hôpital, de la médecine de ville, qui mettent en jeu de nombreux acteurs. Il n'est pas question de charger la barque d'un seul d'entre eux. L'effort sera équitablement partagé avec les entreprises du secteur et les assurances.
M. Murat a brillamment décrit les enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés. Il a fait part de ses préoccupations quant au financement des dépenses des collectivités territoriales. La stratégie que nous avons retenue est celle d'une indexation des concours de l'État sur l'inflation, dans le cadre des contrats de croissance et de solidarité, dès 2008. Les collectivités méritent aussi d'être mieux associées aux choix qui les engagent, comme l'augmentation du point de traitement dans la fonction publique, ainsi qu'à la révision générale des politiques publiques. La conférence des exécutifs des collectivités, voulue par le Premier ministre, doit être ce lieu de codécision.
Vous pouvez compter sur moi, la transparence et la sincérité seront de règle pour retrouver la voie de l'équilibre. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
Le débat est clos.
M. le président. - Acte est donné de la déclaration du gouvernement qui sera imprimée et distribuée.
Prochaine séance, mercredi 25 juillet 2007, à 15 heures.
La séance est levée à 19 h 40.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
_____________________________
ORDRE DU JOUR
du mercredi 25 juillet 2007
À 15 heures et le soir
Discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007)
Rapport (n° 404, 2006-2007) de M. Philippe Marini fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Avis (n° 406, 2006-2007) de M. Alain Vasselle fait au nom de la commission des affaires sociales.
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Dépôt
La Présidence a reçu de M. François Zochetto, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.