Débat d'orientation budgétaire
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle une déclaration du gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, messieurs les présidents et rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je vais vous lire la petite introduction que tenait à prononcer M. le Président du Sénat, qui assiste ce matin aux obsèques de l'épouse de M. le Président du Conseil constitutionnel.
Ce débat d'orientation budgétaire est le douzième depuis 1990. Je tiens cependant à souligner que nous le devons -plusieurs de nos collègues plus anciens s'en souviennent- à l'initiative de la commission des finances du Sénat.
Sans conteste, ce débat constitue un temps fort de l'année financière et il est d'autant plus important que, pour la deuxième fois, nous avons deux débats en un, le premier en vertu de la LOLF et le second en application de la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Loin d'être rituel, ce rendez-vous permet à l'ensemble des sénateurs qui le souhaitent de discuter de la stratégie économique et budgétaire du gouvernement, d'autant que le rapport du gouvernement qui nous a été remis englobe, outre les finances publiques proprement dites, l'ensemble des finances sociales, c'est-à-dire les dépenses d'assurance maladie, les prestations familiales, ainsi que les régimes des retraites.
Cette globalisation du débat budgétaire, nous l'avons souhaitée, et, aujourd'hui, elle prend un relief particulier dans la mesure où, monsieur le ministre, vous êtes responsable de l'ensemble des comptes publics.
Cette vision d'ensemble que nous avons aujourd'hui des finances publiques ou des finances sociales conduira sans doute à relancer la réflexion sur une meilleure articulation entre projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances.
Vous savez que c'est un thème qui est cher au Président Poncelet.
Ce chantier viendra en son heure, avec sans doute la poursuite de la rénovation de la procédure budgétaire engagée depuis plusieurs années déjà.
En ma qualité de président d'une assemblée représentant constitutionnellement les collectivités territoriales -c'est le Président du Sénat qui parle-, je ne saurais oublier l'importance des finances de nos collectivités territoriales. Notre devoir est de les intégrer dans notre réflexion d'ensemble avec, en ligne de mire, le nécessaire respect de l'autonomie et de l'équilibre des budgets.
Mais, pour l'heure, place au débat sur les orientations budgétaires de l'exercice 2008 !
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. - Madame la Présidente, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les Sénateurs, en dépit de l'agenda chargé de cette session extraordinaire, j'ai souhaité -comme le Premier ministre lui-même- que nous ayons un débat d'orientation budgétaire comme les années précédentes.
Ce débat est, en effet, essentiel: il permet d'avoir une discussion féconde avec le Parlement sur l'orientation qui sera donnée à nos finances publiques et qui servira de cadre à l'élaboration du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Au cours de cette session extraordinaire, vous avez à vous prononcer sur bon nombre de projets de loi qui mettent en oeuvre les réformes annoncées par le Président de la République et par le Premier ministre et choisies par les Français, qu'il s'agisse de revaloriser le travail, d'aider à l'accession à la propriété, de réformer les universités, d'assurer un service minimal dans les transports ou de lutter contre la récidive.
Parmi tous les engagements contenus dans le projet présidentiel, il en est un tout aussi important que les autres, et qui dame sa cohérence et sa crédibilité à l'ensemble de la politique économique que nous allons poursuivre : c'est la réduction du déficit et de la dette publics. Ce débat d'orientation budgétaire, qui porte sur l'ensemble de nos finances publiques, est l'occasion de réaffirmer cette orientation majeure de notre politique : revenir, par une maîtrise résolue des dépenses, à l'équilibre de nos comptes publics avant la fin de la législature, sans sacrifier aucun autre engagement.
Il n'y a pas de réforme possible dans l'incertitude et l'insécurité de finances publiques non maîtrisées. Il ne s'agit pas seulement de respecter nos engagements européens mais de se comporter de façon responsable : qui d'entre nous souhaite léguer des dettes à ses enfants ou à ses petits-enfants ?
Il s'agit aussi de faire preuve de bon sens : qui d'entre nous pense qu'on peut revenir sur l'exception française des prélèvements élevés si on ne revient pas sur cette autre exception française, tout aussi remarquable, de la dépense publique la plus élevée de l'OCDE en proportion de la richesse nationale ?
En dépit des efforts indéniables de mes prédécesseurs, les déficits et la dette que nous supportons aujourd'hui hypothèquent notre capacité à relever les défis de l'avenir, qu'ils soient liés au vieillissement, à l'environnement, à l'ouverture croissante du monde aux échanges d'idées, de marchandises ou de services. Les déficits et la dette pèsent également sur notre crédit vis-à-vis de nos partenaires européens.
Le niveau atteint par la dépense publique dans notre pays nous prive de marges de manoeuvre indispensables pour faire face à la concurrence, pour investir dans l'innovation et la recherche ou pour réagir aux fluctuations conjoncturelles de l'économie mondiale.
C'est pourquoi une politique ambitieuse en matière de relance de l'emploi et de la croissance, ambitieuse en matière de réformes structurelles, en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation, ne peut produire pleinement ses effets que si elle est accompagnée d'une politique ambitieuse en matière de réduction du poids de la dépense publique, de reflux de la dette publique et de résorption des déséquilibres des comptes publics. C'est pourquoi le Président de la République a fixé un objectif d'équilibre des finances publiques et de retour de la dette publique en-deçà de 60 % du PIB en 2012 au plus tard. Et si la croissance est au rendez-vous, nous atteindrons cet objectif dès 2010.
M. Gérard Delfau. - Si tôt que ça ?
M. Eric Woerth, ministre. - Cet objectif s'impose...
M. Gérard Delfau. - Quelle vertu !
M. Eric Woerth, ministre. - Cet objectif s'impose, je le répète. La crédibilité de la France est en cause et surtout -pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas- le sort de nos enfants et des générations à venir.
Pour y parvenir, il convient de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique par rapport à ce que nous avons connu dans le passé. Ce moyen s'impose lui aussi.
Pour réduire les déficits, il n'y a en effet qu'une alternative : réduire le poids de la dépense ou accroître celui des prélèvements. La seconde option est envisageable dans des pays faiblement imposés ; elle ne l'est pas dans un pays dont le taux de prélèvements obligatoires excède de quatre points la moyenne européenne.
C'est donc bien -et vous me pardonnerez de le répéter inlassablement- par la baisse du poids de la dépense publique dans le produit intérieur brut chaque année d'ici à 2012 que nous parviendrons à inscrire enfin notre pays dans une trajectoire de désendettement durable.
Nous y parviendrons tout d'abord en infléchissant la courbe de la dépense publique. Je vois déjà s'élever la critique automatique : « Vous allez dégrader le service public ! ». Mais alors, comment expliquez-vous que les mises en garde sur la qualité de nos services publics se soient multipliées alors même que les dépenses progressaient à un rythme soutenu ? C'est bien la preuve qu'il ne s'agit pas uniquement d'un problème de moyens. C'est bien la preuve que nous devons changer radicalement notre culture de la dépense.
Aujourd'hui, aussi paradoxal que cela puisse encore paraître à certains, c'est en ralentissant la croissance de nos dépenses que nous préserverons la qualité de nos services publics, parce que ce ralentissement exigera une modernisation en profondeur de nos politiques publiques.
Nous y parviendrons ensuite par des réformes profondes : en réformant le marché du travail et en simplifiant les réglementations, en conférant plus d'autonomie aux universités, en redéployant des moyens vers l'enseignement supérieur et la recherche, en supprimant les verrous réglementaires qui entravent le développement de l'emploi et de l'activité, bref, en appliquant avec détermination tous les engagements présidentiels.
Cette démarche doit concerner, bien évidemment, l'ensemble de nos finances publiques, celles de l'État, celles des collectivités territoriales et celles de la sécurité sociale.
Cette année, et pour la première fois, un seul ministre, et non plus deux, voire quatre, est chargé de vous présenter la stratégie du gouvernement pour l'ensemble des comptes publics.
Ce n'est pas une innovation légère, ni un effet d'affichage, mais la marque d'une volonté politique forte de prendre à bras-le-corps nos problèmes de déficit et d'endettement.
Il y a un seul ministre responsable de l'ensemble des finances publiques parce que seules une vision d'ensemble et une stratégie cohérente peuvent nous permettre de rééquilibrer de façon durable nos comptes publics. Deux raisons au moins justifient en effet la création d'un tel ministère. La première, c'est que les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les finances publiques sont globales. Ce qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages ou la compétitivité de nos entreprises, ce n'est pas seulement l'impôt sur les sociétés ou les cotisations maladie, c'est l'ensemble des prélèvements obligatoires. Ce que nous léguons à nos enfants et petits-enfants, ce n'est pas seulement la dette de l'État ou le déficit de la sécurité sociale, c'est la situation de l'ensemble des comptes publics.
C'est donc sur l'ensemble de ces comptes que porte notre engagement. C'est un point primordial, d'ailleurs souligné par Philippe Marini dans son rapport sur la dette. Je présenterai d'ailleurs un rapport sur l'ensemble de la dépense publique en annexe du prochain projet de loi de finances.
Nos partenaires européens nous jugent également sur l'ensemble des finances publiques. On ne le dira jamais assez, les engagements européens ne sont que des règles de bonne gestion qu'il conviendrait de respecter même, et surtout, s'il n'y avait pas le cadre européen.
La seconde raison, c'est qu'il doit permettre de clarifier les relations entre l'État et l'ensemble des acteurs, qu'ils relèvent de la sécurité sociale ou des collectivités locales.
Ces relations, vous le savez, ne se sont pas toujours caractérisées par la transparence. Alain Vasselle le sait parfaitement, lui qui, à plusieurs reprises, a rappelé l'État à ses obligations vis-à-vis de la sécurité sociale.
J'ai pu m'en apercevoir récemment lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale : la question de la dette de l'État envers la sécurité sociale envenime Ies relations entre les acteurs. Or elle est souvent mal comprise. On dit parfois, à tort, que cette dette participe au déficit de la sécurité sociale. Cela n'est pas vrai, et il ne faudrait pas que cette analyse erronée serve d'alibi pour éluder les vraies raisons de nos difficultés financières. Si un ministère des comptes publics a un sens, c'est bien pour apporter une clarification sur ce point.
Cette clarification a commencé avec la reconnaissance des créances des régimes de sécurité sociale dans le bilan de l'État en 2006.
Il n'y a plus de bataille de chiffres en la matière : les créances sur l'État enregistrées dans les comptes du régime général sont désormais les mêmes, au centime d'euro près, que la dette reconnue par l'État.
La clarification ne doit pas s'arrêter là. Régler la dette de l'État, c'est une question de responsabilité, de respect de nos engagements ; c'est une nécessité pour contribuer au désendettement de la sécurité sociale ; c'est une nécessité pour partir sur des bases saines et se concentrer sur les enjeux majeurs de maîtrise des déficits. J'ai demandé à mes services d'étudier très rapidement les moyens de régler cette question. Je vous annonce aujourd'hui que l'État apurera sa dette au régime général dès octobre de cette année, telle qu'elle est constatée au 31 décembre 2006, soit 5,1 milliards d'euros. Nous allons ainsi permettre à l'ACOSS de ne pas dépasser son plafond d'emprunts voté par le Parlement pour 2007.
Apurer cette dette accumulée, c'est essentiel, mais ce n'est pas suffisant : je veux mettre en place des règles de gouvernance et des procédures pour qu'elle ne se renouvelle pas.
Rappelons-nous que l'État avait procédé à un apurement partiel de sa dette en 2002 ; et on voit le résultat quelques années après. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. Il faut notamment que l'autonomie de gestion permise par la LOLF ne conduise pas à l'utilisation à d'autres fins des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations. J'y veillerai.
Dès cet automne, des règles précises d'exécution budgétaire seront fixées pour que les responsables de programmes honorent leurs engagements vis-à-vis de la sécurité sociale et qu'à compter de 2008, les facteurs à l'origine de la constitution d'une dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale soient traités à la racine.
Avant de détailler nos perspectives à l'horizon 2012, je voudrais, au préalable, faire un point sur 2007 puisque notre programme en matière de finances publiques s'applique dès maintenant.
Le Président de la République a rappelé devant l'Eurogroupe notre objectif d'un déficit de 2,4 points de PM pour l'ensemble des administrations publiques, en légère amélioration par rapport à 2006. Cet objectif est confirmé en dépit de certains dérapages sur les dépenses sociales, parce que nous conserverons une discipline sans faille sur les dépenses de l'État, et parce que les recettes fiscales devraient dépasser de 2 à 5 milliards d'euros le niveau prévu en loi de finances, en particulier grâce au dynamisme de l'impôt sur les sociétés.
Quant au paquet fiscal, son coût, limité cette année, sera entièrement absorbé, notamment par le moindre prélèvement que nous aurons à verser à l'Union européenne. Au total, nous devrions donc avoir un déficit budgétaire inférieur à celui initialement prévu.
Ces relatives bonnes nouvelles sont cependant obscurcies par une mauvaise nouvelle du côté de la sécurité sociale. Le régime général enregistre, vous le savez, une dégradation très nette de sa situation financière. Le déficit attendu pour 2007 est proche de 12 milliards d'euros, soit 4 milliards au-dessus de ce que vous avez voté en loi de financement.
M. Guy Fischer. - Déficit historique !
M. Eric Woerth, ministre. - Cette situation de déficit structurel est grave et inacceptable. La sécurité sociale est au fondement de notre pacte social : sa fragilisation financière exige que nous nous penchions tous ensemble sur son avenir et sur les solutions à trouver plutôt que de regarder en arrière et de nous perdre une nouvelle fois en de vaines querelles de responsabilité.
La maîtrise des finances sociales est un exercice très difficile. Tous ceux qui s'y sont essayés peuvent en témoigner, ce n'est donc pas la peine de donner des leçons. C'est un véritable travail de Sisyphe, sans cesse à refaire, qui demande du courage et de la ténacité.
Il n'y a pas de réforme miracle, nous devons nous atteler à nouveau à la tâche et fournir un effort continu, quotidien, sans relâche, pour parvenir à mieux réguler les dépenses d'assurance maladie et se donner les moyens de financer de nouveaux besoins.
Le retour à l'équilibre doit être un impératif absolu, un impératif financier autant qu'un impératif de responsabilité. Mettons-nous à la place des générations à venir : que dirions-nous si nous avions à rembourser les dettes de nos aînés ?
J'en viens maintenant à la stratégie du gouvernement pour la législature qui s'ouvre.
Notre objectif est de revenir dès que possible, et en tout état de cause avant 2012, à une dette inférieure à 60 % du PIB et à un solde public équilibré.
Cette stratégie volontariste s'appuie sur deux piliers, que j'ai déjà mentionnés : des mesures fiscales ambitieuses, qui revalorisent le travail et vont créer un choc de confiance permettant de relancer durablement la croissance, créatrice de richesses ; une maîtrise sans précédent de la dépense publique, qui participera tout autant au rétablissement de la confiance en permettant de réduire la dette, d'améliorer l'efficacité des services publics et de préserver la solidarité juste et nécessaire entre les générations. La clé de l'assainissement des finances publiques réside dans la maîtrise de la dépense. Pour réussir, il faut plusieurs conditions : cette maîtrise doit être partagée par l'ensemble des acteurs ; elle ne doit souffrir aucun report ; elle doit s'inscrire dans la durée.
L'objectif que nous nous sommes fixé pour la législature, c'est, je le disais en introduction de mon propos, de diviser par deux la progression de la dépense publique par rapport aux tendances passées.
Cela correspond à une évolution moyenne légèrement supérieure à 1 % par an en volume sur l'ensemble de la sphère publique -État, sphère sociale, collectivités territoriales -, contre 2,25 % en moyenne sur les dix dernières années. J'ai bien conscience que c'est un effort sans précédent que nous devons fournir.
Cet effort doit permettre, dès 2008, d'amorcer une baisse du déficit. Un ralentissement de la croissance de la dépense publique à hauteur d'un point représente près de 10 milliards d'euros de dépenses en moins dès 2008 par rapport aux années passées.
L'effort que nous allons faire sur la dépense est ainsi du même ordre que le choc fiscal en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, et il permettra même de poursuivre une légère baisse du déficit public en 2008, comme s'y est engagé le Président de la République.
Dès 2009, la maîtrise de la dépense nous engagera dans une trajectoire de désendettement plus rapide. Son rythme dépendra néanmoins de la croissance du produit intérieur brut : si elle est au rendez-vous et atteint 3 %, le double objectif d'une dette inférieure à 60 % du PIB et d'un équilibre des finances publiques pourra être atteint dès 2010 ; sinon, il sera décalé, mais au plus tard en 2012, pour peu que la croissance atteigne 2,25 %.
Ces scénarios sont fondés sur le respect de la norme de dépenses pour l'État, sur des prévisions de recettes prudentes, sur l'affectation des plus-values au désendettement, et, plus généralement, sur une maîtrise générale de la dépense publique.
Tous les acteurs devront s'impliquer si nous voulons y parvenir.
S'agissant de l'État, une norme « zéro volume » au plus, c'est-à-dire une hausse qui ne devra pas excéder le taux d'inflation, s'appliquera sur un périmètre élargi puisqu'il inclura les prélèvements sur recettes, notamment ceux qui sont destinés aux collectivités locales. Cette norme élargie est un objectif ambitieux, qui n'a jamais été demandé à I'État jusqu'à présent.
Nous devons, en outre, prendre en compte le fait que l'évolution des dépenses inéluctables -charge de la dette et pensions- est désormais défavorable : la remontée des taux d'intérêt fait croître la charge de la dette, qui était quasiment stable depuis quatre ans ; les pensions, quant à elles, progressent fortement avec le choc démographique majeur que connaît la fonction publique.
L'effort sur les autres dépenses devra donc être encore plus exigeant, et il devra être perceptible dès le budget 2008.
Je sais que ce sera une tâche difficile : les entretiens que j'ai eus avec chacun de mes collègues m'ont confirmé que l'objectif de 0 % en volume nécessite, de la part de chacun, une discipline très stricte en matière de gestion des effectifs comme en matière d'efficacité des dépenses d'intervention.
En ce qui concerne les administrations de sécurité sociale, elles bénéficieront de la nouvelle démarche que nous avons lancée pour une meilleure maîtrise des dépenses de santé et elles bénéficieront aussi du dynamisme des rentrées de cotisations grâce à la poursuite prévisible de l'amélioration de la situation de l'emploi.
En moyenne, la croissance de I'ONDAM devra être au plus de 2 % en volume sur la période, soit environ 3,5 % en euros courants.
C'est un objectif ambitieux, qui implique que le gouvernement examine et renforce dès maintenant les leviers de la maîtrise médicalisée avec l'ensemble des acteurs.
C'est aussi un objectif réaliste -supérieur du reste à celui qui avait été assigné en 2007- car il est inutile d'afficher des cibles impossibles à atteindre. De telles cibles ne sont plus crédibles pour les acteurs de la dépense de santé, elles perdent d'emblée toute signification.
L'instauration de la franchise devrait, quant à elle, permettre de financer les nouveaux besoins.
La maîtrise des dépenses d'assurance maladie s'impose d'autant plus que nous devons faire face à la dégradation des comptes de la branche vieillesse. Rendez-vous a été fixé en 2008 afin de poursuivre la démarche engagée en 2003 et de programmer la réforme des régimes spéciaux. Nous devons également renforcer l'emploi des seniors, car c'est la clé de I'équilibre des régimes de retraite par répartition. Le gouvernement mettra tout en oeuvre pour lever les obstacles financiers, réglementaires et parfois culturels, au développement de l'emploi des plus de 55 ans.
En ce qui concerne, enfin, la branche famille, ses dépenses devront, elles aussi, participer à l'effort global de maîtrise de la dépense publique.
Les collectivités locales, et je sais combien ce sujet est important pour le Sénat, ne peuvent pas non plus rester à l'écart de cette obligation. Personne ne le comprendrait.
Elles devront stabiliser leur endettement, en modérant leurs dépenses. C'est tout le sens du nouveau pacte que nous voulons passer avec elles afin d'améliorer leurs relations financières avec l'État, dans le respect, bien évidemment, de leur autonomie de gestion. Nous devons avoir un dialogue de responsabilité.
M. Gérard Delfau. - Ce sera difficile !
M. Eric Woerth, ministre. - Étant moi-même élu local, je sais que, dans des domaines très divers, l'État impose souvent de nouvelles dépenses aux collectivités locales, à travers, par exemple, des normes techniques ou environnementales ou la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
M. Guy Fischer. - Il est bien de le reconnaître.
M. Henri de Raincourt. - L'APA !
M. Eric Woerth, ministre. - C'est pourquoi nous devons mieux associer les élus à l'élaboration de ces normes contraignantes, qui amènent de fortes augmentations de dépenses.
En contrepartie, les règles gouvernant l'évolution des dotations aux collectivités locales devront être réformées : dès 2008, les concours qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité se verront appliquer la même norme que celle qui s'imposera aux autres dépenses de l'État.
C'est avec ces exigences sans précédent, et qui doivent être partagées, que nous arriverons à atteindre l'objectif d'assainissement des finances publiques au cours de cette législature.
Je voudrais terminer mon propos en évoquant devant vous quelques-uns des moyens que nous mettrons en oeuvre pour appliquer notre stratégie budgétaire.
Une stratégie aussi ambitieuse réclame bien évidemment des réformes efficaces. Le Président de la République et le Premier ministre les ont annoncées et expliquées à de nombreuses reprises depuis deux mois. Ce sont des réformes justes et d'une ampleur sans précédent pour restaurer nos finances publiques. Je vous rappelle notamment le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État, la réforme des régimes spéciaux, la fin de l'indexation sur la croissance des concours de l'État aux collectivités locales ou encore les mesures visant à mettre fin à la dérive des dépenses d'assurance maladie par l'instauration d'une franchise.
Revenir sur ces différentes mesures excéderait le cadre de ce débat. Aussi je concentrerai mon propos sur l'une des plus importantes, dont mon ministère sera la cheville ouvrière : la révision générale de l'ensemble des politiques publiques.
Depuis 2005, sous l'impulsion de Jean-François Copé, plusieurs vagues d'audits de modernisation ont été lancées. Elles ont accompagné le processus de mise en place de la LOLF, et ont permis de commencer à rationaliser la dépense publique et à améliorer le service public.
Avec la révision générale des politiques publiques lancée par le Premier ministre le 10 juillet dernier, nous allons maintenant passer à la vitesse supérieure, comme le souhaitait d'ailleurs Jean Arthuis.
La démarche est très novatrice pour notre pays ; elle s'inspire des meilleures pratiques étrangères. Il ne s'agit évidemment pas d'une énième réforme d'un processus sans fin. Il s'agit d'une étape décisive, une étape qui permettra de sortir de l'empilement permanent de dépenses et de politiques publiques qu'on ne réexamine jamais, une étape qui mettra un terme à la croyance selon laquelle il suffit d'augmenter les moyens publics pour que l'usager ait un meilleur service, une étape qui fera de l'efficacité le mot d'ordre et la fierté de l'action publique.
Nous allons passer au crible l'ensemble de la dépense publique. Chaque politique publique sera réexaminée de fond en comble, à partir de questions simples : à quoi sert-elle ? répond-elle aux besoins des usagers ? pourrions-nous la conduire différemment, avec moins de moyens, en la ciblant davantage ?
Ce réexamen de fond permettra d'identifier et de programmer des réformes intelligentes et structurantes, qui garantiront une maîtrise durable et bien ciblée de la dépense de l'État. Il permettra en particulier d'atteindre l'objectif de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État, tout en préservant, et même en améliorant, la qualité du service rendu aux usagers. Les rapporteurs généraux des deux commissions des finances seront étroitement associés à cet exercice de révision.
Toutes les dépenses de l'État seront concernées, y compris les dépenses d'intervention, sur lesquelles on ne s'est pas encore penché alors qu'elles représentent 40 % des dépenses budgétaires. Le champ d'examen ne s'arrêtera d'ailleurs pas à l'État stricto sensu et inclura des politiques dans lesquelles celui-ci intervient aux côtés d'autres partenaires, je pense aux politiques sociales et de sécurité sociale, ou aux politiques des collectivités territoriales : même si elles exigent d'autres moyens, d'autres méthodes, elles doivent être, elles aussi, examinées.
C'est le Conseil de la modernisation des politiques publiques, présidé par le Président de la République, et dont je serai le rapporteur général...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Les rapporteurs généraux, c'est important, n'est-ce pas ?
M. Eric Woerth, ministre. - ...qui décidera ensuite des options à retenir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Créons un syndicat des rapporteurs généraux ! (Sourires)
M. Guy Fischer. - Le gouvernement ne va pas être content !
M. Eric Woerth, ministre. - La méthode que nous avons choisie est donc beaucoup plus efficace qu'avant puisqu'elle implique désormais les plus hautes instances de l'État. Vous le savez d'ailleurs très bien : sans cette implication, il n'y aurait pas de réelle modernisation de l'État. Les changements importants qu'elle implique exigent une légitimité politique très forte. On l'a vu dans tous les États qui ont procédé à une modernisation en profondeur de leurs procédures comme de leurs politiques.
On l'a vu aussi dans les démarches précédentes que nous avons conduites, quelle que soit leur qualité par ailleurs.
Les résultats auxquels nous parviendrons serviront à établir une programmation pluriannuelle détaillée des dépenses qui donnera aux gestionnaires davantage de visibilité sur leurs crédits et davantage de responsabilité dans l'ensemble de leur gestion.
Cette révision générale sera menée tambour battant puisqu'elle devrait être achevée début 2008, avant le prochain débat d'orientation budgétaire. Nous mettrons alors en place un contrôle régulier de la mise en oeuvre des réformes qui auront été décidées, en lien avec les commissions compétentes des Assemblées et avec la Cour des comptes.
Permettez-moi, avant de conclure, d'ajouter un mot sur un sujet auquel je suis très attaché : la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Avec ma collègue Roselyne Bachelot notamment, pour ce qui est des comptes sociaux, nous en faisons une priorité, car elle constitue un élément important de la légitimité de l'intervention publique.
La baisse des prélèvements et la lutte contre les dépenses inutiles doivent s'accompagner de la plus grande transparence et surtout de la plus grande équité dans la perception de ces prélèvements et le versement des prestations. C'est une question de morale publique !
Mme Nicole Bricq. - Parlons-en !
M. Eric Woerth, ministre. - Ce point est essentiel si l'on veut que les Français adhèrent à l'idée de l'impôt.
Mme Nicole Bricq. - Avec les nouvelles dépenses fiscales, on est servi en termes d'équité !
M. Eric Woerth, ministre. - Je veillerai à poursuivre et à accélérer la mobilisation de tous les services publics, administration fiscale ou organismes de sécurité sociale, au service de cette priorité de justice.
Tels sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les principaux axes de travail que le gouvernement entend suivre pour mener à bien notre chantier commun : l'assainissement durable de nos finances publiques.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à vos collègues députés, ce chantier n'est ni de droite, ni de gauche ; ce n'est pas l'obsession d'un camp, ni une négligence d'un autre : c'est une nécessité collective, qui exigera l'engagement de tous et de chacun.
On peut bien sûr discuter des moyens, encore que notre niveau d'endettement et de dépenses publiques en limite fortement le nombre ; mais on ne doit pas discuter de l'objectif, qui s'impose à chacun d'entre nous, parce que l'avenir de la France est notre bien commun, et parce que la solidarité entre les générations fonde notre éthique commune.
Les Français sont très sensibles à ces enjeux...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Eric Woerth, ministre. - Au-delà de la vision comptable,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle opprobre !
M. Eric Woerth, ministre. - ...ils savent que ce ne sont pas de simples questions de chiffres mais des enjeux politiques essentiels qui conditionnent la capacité de notre pays à rester un grand pays, prospère, influent et respecté.
Les Français ne veulent plus de politiques de l'autruche, ils ne veulent plus qu'on minimise les problèmes ni qu'on les berce d'illusions. Ils ne croient plus au bouc émissaire facile du grand capital ni à ce fantasme qu'il suffirait de seulement taxer les riches et les entreprises pour résoudre tous les problèmes.
M. Guy Fischer. - Eh pourtant ! Les inégalités sociales ne cessent de se creuser !
M. Eric Woerth, ministre. - Les Français nous ont élus parce que nous regardons les difficultés, si j'ose dire, droit dans les yeux et que nous sommes prêts à retrousser nos manches. Ne les décevons pas ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Marini, rapporteur général . - Bravo !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Au lendemain du vote de la première loi de règlement du budget au format LOLF et à la veille de l'examen du texte en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, ce débat tient avantageusement lieu de discussion d'un collectif que le gouvernement, contrairement à l'usage, a renoncé à déposer.
Il permet de mettre en perspective les comptes de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales pour faire toute lumière sur la situation financière de la France. Nous nous réjouissons de la présence du Premier ministre des « comptes publics » en qui la commission veut voir le garant de la cohérence tant attendue. Monsieur le ministre, nous vous soutiendrons pour redresser une France qui, selon M. Camdessus, est « menacée de décrochage sous anesthésie ».
Les deux piliers de la stratégie économique et budgétaire du gouvernement sont des mesures fiscales ambitieuses permettant de créer un choc de confiance et une maîtrise sans précédent de la dépense publique. Si la croissance est de 3 %, l'équilibre budgétaire sera atteint dès 2010. Si elle est de 2,5 %, l'objectif sera atteint en 2012. Nous souscrivons à cette politique qui reprend deux objectifs auxquels notre commission est profondément attachée.
En ce début de législature, nous devons répondre à deux questions. Les mesures fiscales qui nous sont proposées peuvent-elles relancer durablement la croissance ? Leur coût budgétaire est-il compatible avec la situation de nos finances publiques ? (« Non ! » Sur plusieurs bancs à gauche)
La légitimité de ces mesures fiscales tient avant toute chose au fait qu'elles transcrivent un engagement électoral du Président de la République. Les unes s'inscrivent dans une politique de l'offre. Tel est le cas des dispositions relatives aux heures supplémentaires, même si leur complexité me fait regretter que le gouvernement ne se soit pas engagé plus radicalement dans la révision du système si préjudiciable des 35 heures, car je reste persuadé qu'une rupture avec la logique malthusienne de partage du travail eût été hautement salutaire. Tel est aussi le cas de la mesure ISF, qui permet aux redevables de choisir de liquider leur obligation en souscrivant au capital de PME. Nous tenons plus que tout à rétablir l'affectio societatis, ce lien entre l'actionnaire et l'entreprise que la financiarisation ambiante, qui tend à déshumaniser le capitalisme, a rompu.
En revanche, le droit offert aux ménages de déduire de leur revenu imposable les intérêts d'emprunt d'accession à la propriété de leur résidence principale, ainsi que l'allégement significatif des droits de succession, s'inscrivent clairement dans une politique de demande. S'il est vrai que le soutien à la consommation crée des emplois, il est urgent de comprendre que pour l'essentiel, ces créations d'emplois s'opèrent hors de France. Quant à moi, ayant résolument fait le choix d'une politique de l'offre, j'ai hâte de voir voter des mesures d'amélioration de la compétitivité du travail, des entreprises et des territoires. C'est sans doute, à ce stade, le chaînon manquant de votre « paquet fiscal ». Je garde l'espoir qu'un jour prochain s'ouvre le débat sur un autre financement de la protection sociale, notamment des branches santé et famille, qui cesse de prendre en otage le travail et, tirant les conséquences de la mondialisation de l'économie, endigue les délocalisations d'activités et d'emplois. En l'état, j'exprime un doute sérieux sur le « choc de confiance et de croissance » que le gouvernement attend de son projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat que nous discuterons à partir de demain. L'impact budgétaire en est significatif : les pertes de ressources fiscales s'élèvent à 1,5 milliard en 2007, 10 milliards en 2008, 13 milliards en 2009, 15 milliards en 2010. A ces chiffres, il conviendra sans doute d'ajouter l'impact de la mesure ISF-PME, apparemment non prise en compte dans les évaluations. (Mme Bricq le confirme) Ce coût budgétaire est-il compatible avec la situation de nos finances publiques ?
Mme Nicole Bricq et M. Gérard Delfau. - Non !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il est vrai que le gouvernement a besoin de crédits nouveaux pour donner corps à ses grandes réformes. Mais la situation financière est pour le moins préoccupante, pour ne pas dire alarmante, eu égard à la nouvelle dérive des dépenses sociales.
Nous savons bien, compte tenu du vieillissement de la population française, que les besoins vont s'amplifier. Il est vital d'appréhender la réalité sans fard. Notre rapporteur général, Philippe Marini, va vous décrire avec objectivité... (on en doute à gauche) ...et talent... (Mme Bricq le concède) ...ce qu'il appelle « le socle de la nouvelle présidence ». La dette publique a été au coeur de la campagne présidentielle. Il n'est plus possible de tergiverser, nous avons collectivement un devoir de résultat. Nos concitoyens en sont bien conscients. Assumons ce devoir avec courage, et pour cela osons ouvrir les yeux sur les tendances lourdes de nos finances publiques. La clé du désendettement, c'est l'équilibre et la disparition du déficit. Pour qu'il en soit ainsi, nous avons besoin, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, d'une croissance sensiblement supérieure à 3 %. A défaut, dans l'hypothèse où, à politiques inchangées, l'augmentation spontanée des dépenses serait de 2,5 % en volume, avec une prévision de croissance moyenne de 2,2 %, il faudra économiser 80 milliards pour ramener la dette publique à 60 % du PIB. Ces données, est-il besoin de le souligner, sont profondément inquiétantes. Je veux simplement vous mettre en garde, monsieur le ministre, contre des objectifs intenables qui nous exposent au spectacle de l'impuissance voir de l'impéritie politique.
De cet éclairage stimulant, nous tirons deux conclusions : nous devons rendre la France compétitive dans une économie mondialisée, et réformer la sphère publique afin de réguler le rythme des dépenses de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Le chantier qui nous attend exige un sens aigu de la pédagogie et un immense courage politique. Il est urgent d'expliquer à nos compatriotes les enjeux de la mondialisation, qui a périmé des pans entiers de nos législations. Ceux qui entreprennent ont besoin de retrouver des marges de manoeuvre et de liberté. En matière de prélèvements obligatoires, il serait coupable de faire peser plus longtemps encore le poids du financement de l'assurance maladie et des prestations familiales sur les salaires, sous peine d'altérer la compétitivité du travail, organisant ainsi la disparition accélérée de l'emploi.
Je m'abstiendrai de développer ici mes convictions sur la « TVA sociale », mais je lance un appel pour que le débat s'ouvre enfin devant l'opinion publique. Avec Philippe Marini, nous nous y sommes préparés. Mon obsession, comme celle de la plupart d'entre nous, c'est la compétitivité. Tout ajournement du débat engage notre responsabilité. Le retour d'une croissance robuste est un impératif vital. Or, j'ai vainement cherché dans votre rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, monsieur le ministre, une remise en cause de l'architecture de nos prélèvements obligatoires. Pourtant, nous devons nous interroger sur sa compatibilité avec la mondialisation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - N'y-a-t-il pas des impôts, des taxes, des contributions sociales qui mettent en péril notre potentiel de créativité et de production ?
Après l'incroyable cacophonie d'entre les deux tours des élections législatives, le temps est venu de briser les tabous, de rompre avec les statu quo destructeurs, de sortir de l'immobilisme ambiant, de prévenir la désinformation et la démagogie. Il est aujourd'hui admis, tant la matière imposable est devenue fugace, que la TVA sociale profite à nos productions de biens et de services, aussi bien auprès des consommateurs français qu'à l'exportation. Il est bien entendu que cette réforme, qui étend aux importations la prise en charge de notre protection sociale, ne peut être conduite qu'à prélèvements globaux constants. C'est dans ces conditions que le choc de confiance et de croissance peut atteindre son plein effet.
Les finances de l'État sont en passe d'être maîtrisées, sous réserve de quelques choix drastiques qui restent à faire. En revanche, les dépenses sociales dérapent, tandis que les collectivités territoriales vont devoir se préparer à des dotations plus parcimonieuses de l'État. Autant de perspectives qui nous appellent à renforcer notre commune vigilance. L'heure des réformes structurelles est venue. Ce qui a été accompli par la plupart des grands pays comparables à la France ne peut plus attendre. Si nos systèmes d'information sont toujours en deçà de l'opérationnel, de substantiels progrès ont été accomplis. Le reste est affaire de volonté politique. La lucidité sans volonté est inutile. La volonté sans lucidité est dangereuse.
Monsieur le ministre, la commission de finances du Sénat sera à vos côtés pour rendre crédible votre objectif de faire de la France un pays plus compétitif et durablement désendetté. L'heure de la mobilisation générale a sonné ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Le débat d'orientation budgétaire et des finances sociales -j'insiste sur le titre qui devrait être le sien- revêt cette année un caractère particulier. Tout d'abord, il intervient en début de législature, alors qu'un nouveau gouvernement s'installe, soit en un moment privilégié pour tracer des perspectives, définir des orientations de moyen terme claires et réalistes et proposer une voie précise et raisonnable pour les atteindre. Saisissons-nous de cette opportunité exceptionnelle de définir un parcours vertueux pour nos finances publiques. D'autant que pour la première fois, nous disposons, enfin, d'un interlocuteur gouvernemental unique, le ministre des comptes publics. Grâce à une vision plus globale des finances publiques, que nous avons toujours appelée de nos voeux, nous allons pouvoir aujourd'hui débattre de façon sérieuse et approfondie des orientations de nos finances budgétaires et sociales, sans être arrêté par des querelles stériles de frontières ou des divergences d'interprétation entre les deux ensembles financiers.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Ce débat intervient dans un contexte de finances sociales dégradées, rien de solide ne sera construit sans un bilan exhaustif et réaliste de la situation. M. le Ministre, nous attendons des réponses concrètes sur chacune des difficultés des finances sociales : dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, fonds de solidarité vieillesse (FSV), fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA), compensation des allégements de charges, apurement des déficits accumulés, dérapage des dépenses d'assurance maladie, dégradation rapide des comptes de la branche vieillesse.
Nous ne pouvons plus repousser les réformes, courageuses mais nécessaires, que nous devons effectuer en pensant aux générations futures, M. Vasselle y reviendra en vous présentant les conclusions de la commission, je me contenterai de remarques sur les moyens d'améliorer la connaissance, la gestion, le contrôle, notamment parlementaire, des finances sociales.
Conformément à l'article L. 111-5-2 du code de la sécurité sociale, le gouvernement doit déposer chaque année, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur les orientations des finances sociales comportant : une description des grandes orientations de la politique de sécurité sociale au regard des engagements européens de la France ; une évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l'ONDAM. Ce rapport peut donner lieu à un débat parlementaire en même temps que le débat d'orientation budgétaire prévu à l'article 48 de la LOLF. Or, malgré nos remarques de l'an dernier, point de rapport sur les finances sociales, nous devons nous contenter d'un « rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire », qui, sur 72 pages, n'en consacre que cinq aux finances sociales, contre douze l'an passé !
M. Guy Fischer. - C'est très peu !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Qui plus est, ces quelques pages sont indigentes : aucune évaluation pluriannuelle des recettes et des dépenses, ni de l'ONDAM, orientations floues sur l'évolution prévue de l'assurance maladie, sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles, sur la politique familiale et sur la préparation du rendez-vous de 2008 relatif aux retraites. M. le Ministre, la commission des affaires sociales m'a demandé de vous interpeller sur ce point car nous ne voulons pas que l'institution d'un ministère des comptes publics conduise à tout ramener autour du seul budget de l'État et des seuls services de Bercy. Nous souhaitons confirmer l'avancée incontestable qu'ont représentée les lois de financement de la sécurité sociale et la loi organique du 2 août 2005. Il faut renforcer l'information du Parlement en matière de finances sociales pour que nous disposions d'éléments aussi transparents et précis qu'en matière de loi de finances. Nous faisions déjà des observations l'an passé, et encore en novembre dernier, aucune de nos propositions n'a été prise en compte, je souhaite qu'il en aille autrement cette année !
Nous pensons nécessaire d'étayer plus solidement l'annexe 8. Il y a eu des progrès, puisque le document annexé au projet de loi de financement pour 2007 présentait deux scénarii au lieu d'un seul l'année précédente. Mais ce document ne retenait qu'un nombre insuffisant d'hypothèses : la croissance, l'inflation, la masse salariale et l'ONDAM. Cela ne permet pas de prévoir précisément l'équilibre pour chacune des branches. Ensuite, il nous parait indispensable de présenter les données chiffrées en millions d'euros et non en milliards arrondis à la centaine de millions d'euros près : cette excessive simplification empêche toute sincérité des comptes, elle rend impossible de mesurer l'impact financier de mesures qui s'élèvent à quelques dizaines de millions d'euros. Songez que, de son côté, le projet de loi de finances est présenté en euros... Nous souhaitons, enfin, que les mesures nouvelles soient chiffrées et que l'annexe 9 explicite les besoins de trésorerie des régimes. La transparence des comptes et le contrôle parlementaire exigent un chiffrage plus précis des mesures, en recettes comme en dépenses, et de chacun des articles du projet de loi de financement, comme pour le projet de loi de finances. Nous attendons un tel changement pour cet automne !
Nous aimerions également un complément de l'annexe 8 relative aux organismes financés par des régimes obligatoires de base. Malgré les dispositions de la loi organique, n'y figurent ni les agences sanitaires et alimentées par l'assurance maladie - Agence de biomédecine, Institut national de la transfusion sanguine, Agence technique de l'information sur l'hospitalisation, Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, Haute autorité de santé -, ni le fonds de concours Biotox, ni l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Ces omissions doivent être réparées, et il faut, en particulier, retracer les éléments financiers du futur établissement public gestionnaire de la réserve sanitaire, qui a pris la suite du fonds Biotox.
Le code de la sécurité sociale prévoit une annexe sur les programmes de qualité et d'efficience (PQE) relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de sécurité sociale, chacun d'eux devant comporter un diagnostic, des objectifs, des moyens prévisionnels et l'exposé des résultats atteints les années précédentes. En mai 2006, cinq projets de PQE étaient transmis à notre commission. Nous avons fait quarante propositions pour les améliorer, aucune n'a été prise en compte dans l'annexe jointe au PLFSS pour 2007 ! Nous les réitérons, car elles amélioraient notre information le contrôle parlementaire : M. le Ministre, puis-je compter sur votre appui cette année ?
Nouveau pouvoir de la Cour des comptes, la certification des comptes de la sécurité sociale s'avère très utile et très instructive pour le Parlement. La Cour n'a pas pu certifier les comptes de la branche famille, en raison de l'ampleur des incertitudes, comme nous l'a déclaré M. Séguin. Il faut que cela change et que la CNAF présente des comptes améliorés à la Cour.
M. le ministre, beaucoup de progrès ont été accomplis au cours des toutes dernières années, nous devons aller plus loin. Si vous prenez en compte nos observations, celles de la Cour, celles de nos collègues de l'Assemblée nationale, le Parlement sera mieux informé et mieux à même de vous aider à définir la meilleure voie pour rétablir l'équilibre de nos finances sociales. Nos concitoyens savent que des efforts nouveaux vont leur être demandés pour financer la croissance des dépenses de maladie et de vieillesse (M. Fischer s'exclame). Il est essentiel qu'en contrepartie, on puisse leur garantir une gestion transparente et efficace de ces dépenses sociales ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce texte ouvre le deuxième volet de la trilogie de cette session extraordinaire. Nous débattons des finances publiques, au sens large, c'est-à-dire des grands équilibres, de la dette, du solde des finances publiques et des perspectives.
Je rappellerai tout d'abord les acquis de la précédente législature et la nécessité de renforcer cette discipline. Je me livrerai ensuite à un exercice de cohérence : je n'ai rien inventé, et mon rapport écrit se borne à mettre en perspective vos chiffres et votre jeu d'hypothèses. Enfin, je terminerai par quelques considérations sur les innovations qu'il va falloir introduire dans la gouvernance des finances publiques pour réussir, c'est-à-dire pour tenir les objectifs ambitieux que nous a assignés le Président de la République.
Les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années. Je rends hommage à tous ceux qui y ont oeuvré, à commencer par M. Alain Lambert (Assentiment à droite), qui a ouvert l'alternance, dans des conditions ingrates. Il a semé, nous récoltons. Avec les fruits des deux lois organiques, nous récoltons la prise de conscience, dans l'opinion publique, du caractère insoutenable à long terme de la dette, l'importance de la notion de performance au sein de l'État, et, demain, au sein de la sécurité sociale, voire de l'ensemble des collectivités territoriales.
Les autorisations de dépense votées par le Parlement ont été respectées : c'est une première ! De même, la norme de dépense a été respectée, encore faut-il rationaliser cette norme de dépense, qui doit impérativement comprendre les dépenses fiscales (M. Jégou approuve). Sur la période 2004-2008, les allègements de fiscalité - sans compter la loi à venir en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - représentent 22 milliards, soit plus d'un point de PIB ! Un État impécunieux fait des cadeaux fiscaux : nous avons vu ces comportements se répéter année après année, quel que soit le gouvernement...
Mme Nicole Bricq. - Et ça continue !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un euro de dépense fiscale, c'est l'équivalent d'un euro de crédit budgétaire dépensé ! Je propose d'inclure progressivement certaines dépenses fiscales à la norme de dépense, dès 2009, comme celles relatives au prêt à taux zéro. Il faut aussi - c'est encore plus vertueux - que la norme soit respectée sur l'ensemble de la législature. Il nous faut aussi disposer d'instruments de suivi et de régulation. Ce n'est pas simple, mais nous y gagnerons : d'abord, une transparence accrue permettra d'éviter toute tentative de contournement de la norme, inévitable compte tenu de la nature humaine... (Sourires)
M. Jean-Louis Carrère. - C'est un expert qui parle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ensuite, toute dépense fiscale devra être compensée par une baisse de dépense budgétaire ou une augmentation de recettes à due concurrence ; enfin, cela contraindra à évaluer la dépense fiscale non seulement en prévision, comme cela est fait aujourd'hui, de manière assez frustre et légère, mais d'en suivre l'évolution.
Oui, je l'assume : j'estime acceptable d'étendre la norme de dépense aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales. Mais il faut mettre en place un nouveau cycle contractuel, avec droits et obligations réciproques. Dès lors que la dotation étatique est gouvernée par le zéro volume, les collectivités territoriales doivent pouvoir s'adapter. Le président de la communauté de communes de l'Aire Cantilienne que vous êtes, M. le ministre, sait qu'il faut respecter leur autonomie ! Je souhaiterais d'ailleurs qu'il n'y ait que des maires au gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. - Et la parité ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En tant que gestionnaires locaux, c'est notre honneur de prendre des engagements, de réaliser des projets et d'en rendre compte. Il faut, dans ce nouveau cadre, que l'État accepte de proportionner son concours à la réalité des efforts de rigueur et de saine gestion réalisés par les collectivités territoriales. (M. le ministre approuve). Ces idées ont d'ailleurs déjà été consignées dans l'excellent rapport que Pierre Richard a remis au gouvernement.
La commission des finances s'est livrée à un jeu combinatoire, sorte de Rubik's cube des orientations des finances publiques, résumé par un tableau coloré illustrant les économies à réaliser, le terme et les hypothèses de calcul. Vous tablez sur l'équilibre des comptes publics en 2012, avec une croissance moyenne de 2,5 %, permettant une économie, en fin de période, de 80 milliards. Les engagements présidentiels, pour 30 milliards, seront donc totalement autofinancés, comme promis. Le lien entre croissance et performance est évident : l'économie varie entre 55 et 100 milliards selon que l'on vise 2010 ou 2012, 3 %, 2,5 % ou 2,2 % de croissance. Cette présentation utile et vertueuse est à prélèvements obligatoires inchangés - hors projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
La commission des finances du Sénat s'était livrée à un exercice analogue l'an dernier, prévoyant une économie cumulée de 30 milliards en 2011. Par nature prudents, même timides, nous n'avions pas imaginé l'impulsion qui va être donnée à la modernisation des politiques publiques... Je crois beaucoup au processus de réévaluation des politiques publiques et à la nouvelle organisation du pouvoir exécutif, qui va permettre de dépasser les particularismes pour rassembler les énergies.
Pour l'État, les dépenses liées à la dette ou aux pensions sont des dépenses contraintes, dépendant de facteurs exogènes. On observe une tendance lourde : la tension des taux d'intérêt.
Durant la dernière législature, l'accroissement du volume de la dette a été occulté par l'effet taux, favorable. Ce sera le contraire dans la période à venir et la stabilisation de la dette ne portera pas tous ses fruits budgétaires. Les pensions vont, quant à elles, continuer à croître, d'environ 5 % par an en valeur.
Restent les dépenses d'intervention : c'est là que le reformatage des politiques publiques va devoir s'exercer, donnant lieu à une remise en question non des finalités mais des moyens de notre machine administrative et étatique. M. Vasselle, qui est un orfèvre en la matière, nous fera part de ses recommandations concernant la sécurité sociale.
Je veux souligner la grande vertu du débat sur la TVA sociale. C'est le fil rouge qui -si l'on joue sincèrement le pluralisme des contributions et si l'on se place dans la durée- aboutira à définir collectivement cette nouvelle stratégie fiscale dont nous avons besoin. Notre système de prélèvements obligatoires est une sédimentation, chaque couche contredisant -un peu- la précédente...Il nous faut un État plus manoeuvrant, dynamique, capable de relever les défis de la compétitivité et de l'attractivité.
S'agissant du pilotage de la dépense publique, nous formons le voeu d'une norme de dépense consolidée, État et sécurité sociale ; et que votre ministère ne soit pas une simple superstructure mais procède à une intégration véritable des enjeux budgétaires et sociaux. Nous souhaiterions aussi que les engagements du Président de la République se traduisent par une loi pluriannuelle sur les finances publiques.
Le comité d'alerte créé pour la sécurité sociale et l'assurance maladie est un exemple à suivre ; un comité d'alerte des finances publiques serait également salutaire en termes d'endettement public.
Sur la dépense fiscale et les agences, il appartient à l'État de s'appliquer la règle d'or qui consiste à s'interdire de financer par l'emprunt les dépenses de fonctionnement (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre) et de réserver l'endettement à l'investissement, à ce qui s'amortit. Le Sénat sera, sur cette question fondamentale, particulièrement vigilant. M. Blair a su en 1997 faire voter les guidelines de l'équilibre budgétaire et des finances publiques, rendant sa majorité parlementaire coresponsable des engagements.
M. Eric Woerth, ministre. - Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Enfin, pour la sécurité sociale -nous allons entendre un orfèvre en la matière-, la logique de solde ne suffit plus : il faudra une norme de dépense et une évolution de la gouvernance cohérente avec la fiscalisation croissante des ressources des régimes.
L'enjeu principal est celui de la cohérence et de la crédibilité des politiques publiques, des conditions par lesquelles la France doit passer pour respecter ses générations futures et se faire respecter par ses partenaires européens.
M. Eric Woerth, ministre. - Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Lorsque l'on entend jouer un rôle pionnier, être à l'avant-garde de la construction européenne, il faut d'abord être exemplaire chez soi. (Applaudissements à droite et sur la plupart des bancs du centre)
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers généraux de la Sécurité sociale. - S'il vous reste une capacité d'écoute pour entendre mon rapport... (« Oui ! » à droite)
M. René Garrec. - Nous sommes tout ouïe pour écouter l'orfèvre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Les chiffres que je dois vous communiquer, hélas, incitent à l'inquiétude.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Nous sommes habitués...
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Mais avec de la volonté, le gouvernement, avec nos commissions et le Parlement tout entier, pourra aboutir aux réformes structurelles qui s'imposent. Les gouvernements précédents les ont tentées ; ils sont parvenus à quelques résultats...mais encore bien éloignés de ce que nous espérions. (M. Fischer approuve) Je me réjouis que les deux commissions s'enrichissent mutuellement de leur expérience. Nous avons voulu créer ce comité d'alerte en loi de financement de la sécurité sociale ; la première année de fonctionnement a été probante, la commission des finances souhaite s'en inspirer, je m'en réjouis. C'est l'occasion de constater qu'il n'y a pas opposition entre les deux commissions mais recherche commune.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Bien sûr ! (M. le rapporteur général renchérit)
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Et ce encore plus maintenant que nous avons un ministre des comptes publics. Nous partageons les objectifs, divergeons parfois sur les modalités -mais nous pourrions aisément nous retrouver.
Le déficit du régime général dépassait 11 milliards d'euros en 2004 comme en 2005 ; en 2006, une décrue est apparue, avec « seulement » 8,7 milliards, mais c'est grâce à des recettes exceptionnelles pour plus de 2 milliards d'euros... Les dépenses continuent de croître, de 6 % pour la branche vieillesse en raison du coût croissant des retraites anticipées ; quant à l'ONDAM, les déclarations du ministre sont empreintes d'un réalisme qui manquait l'an dernier.
En 2007, la rechute est bien là : c'est un retour aux années noires, et le dérapage, prévisible, remet en cause la sincérité de la loi de financement initiale. La commission des affaires sociales comme M. Jégou avaient exprimé leurs doutes, dénoncé la fragilité des prévisions hors de toute mesure structurelle. Le déficit prévu est désormais de 12 et non plus de 8 milliards d'euros.
Je me plais à rappeler que Xavier Bertrand, au moment de la mise en place de la réforme de l'assurance maladie, avait déclaré que si rien n'était fait, le déficit constaté serait de 16 milliards d'euros, soit le double. Ce n'est évidemment pas pour autant qu'il faut se contenter du déficit que nous connaissons aujourd'hui ! (M. Fischer s'exclame) Mais il faut reconnaître que certaines des mesures mises en place par le gouvernement précédent ont permis de contenir l'évolution du déficit.
Les dérapages proviennent de trois origines.
Tout d'abord l'ONDAM, qui doit être dépassé de 2,2 milliards d'euros, essentiellement du fait des soins de ville, en raison notamment du dérapage des indemnités journalières, des revalorisations tarifaires...
M. Guy Fischer. - ... Sans précédent !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - ... et des moindres économies sur les médicaments.
La branche maladie devrait voir ainsi son déficit se creuser, à tel point qu'il sera plus proche -en l'absence de mesures nouvelles, bien entendu- de 6 à 6,5 milliards d'euros que des 3,9 ou 4 milliards escomptés.
Ensuite, le papy-boom : le dérapage des dépenses de retraite, de près d'un milliard d'euros, résulte cette année encore du dispositif « carrière longue » dont le succès ne se dément pas. Il est également imputable à l'arrivée à l'âge de 60 ans des générations du baby-boom et de l'échec des mesures prises en faveur du travail des seniors...
M. Guy Fischer. - Ah bon !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - Au total, le déficit de la branche vieillesse pourrait atteindre 4,7 milliards au lieu des 3,5 milliards prévus.
S'agissant des recettes, et j'appelle tout particulièrement votre attention sur ce point, monsieur le ministre, le régime général enregistre une perte de 1,45 milliard d'euros sur le panier de recettes fiscales institué en 2006 pour compenser le coût des allégements généraux de cotisations sociales.
Vous vous en souvenez sûrement, le gouvernement nous avait affirmé, à l'automne dernier, que ce panier permettrait de compenser parfaitement les allégements généraux de cotisations sociales. J'ai encore dans l'oreille les propos tenus ici même, à cette tribune, par le ministre du budget, M. Copé, qui se réjouissait de ce que le panier des recettes fiscales qu'il avait transféré à la sécurité sociale en compensation des allégements de charges bénéficierait à la sécurité sociale, mais qu'en plus, il ferait apparaître des excédents de recettes de quelque 540 millions d'euros pour les deux exercices 2006 et 2007.
Or, le niveau de recettes n'est pas du tout celui qui était annoncé par le ministre du budget de l'époque...
M. Guy Fischer. - Vous avez menti !
M. Alain Vasselle rapporteur - ...puisque le manque à gagner est estimé à 850 millions cette année, soit un écart de 1,4 milliard !
Je m'empresse d'ajouter que cette prévision ne prend naturellement pas en compte le coût supplémentaire des allégements qui découlera de l'application de la loi « Travail, emploi, pouvoir d'achat » que nous examinerons demain...
M. Guy Fischer. - Six milliards d'euros !
Mme Nicole Bricq. - Eh oui !
M. Alain Vasselle rapporteur - Notre commission avait souhaité prévenir l'occurrence d'une telle situation dont elle pressentait l'éventualité. Avec la commission des finances, elle avait obtenu, de la part du Sénat, l'adoption d'un amendement permettant d'assurer à la sécurité sociale une compensation à l'euro près, en fin d'exercice budgétaire, des allégements de charges. Or M. Copé, par le dépôt d'un amendement du gouvernement à l'Assemblée nationale, a fait rejeter cette disposition et a reculé de deux ans le moment de cette compensation.
Mme Nicole Bricq. - C'est un malin !
M. Alain Vasselle, rapporteur - Je redis ici ce que j'ai déclaré devant la commission des comptes de la sécurité sociale : malheureusement, ce n'est qu'un an plus tard que le gouvernement se rend compte que le Sénat avait raison.
Je me réjouis de votre engagement, monsieur le ministre, d'assurer à l'euro près la compensation de l'ensemble des allégements.
J'en viens à la dette accumulée par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Ce fonds, créé alors que M. Balladur était premier ministre, avait pour objet de prendre en charge les dépenses à caractère non contributif. Il enregistre un résultat négatif depuis 2002. Certes, celui-ci est de moindre ampleur depuis 2005, date à laquelle il avait atteint un pic de 2 milliards d'euros. Mais avec un déficit de 300 millions d'euros en 2007, sa dette cumulée devrait s'élever à 5,3 milliards d'euros à la fin de l'année, soit environ 40 % de ses produits annuels.
Comme vous le savez, la Cour des comptes a, ces dernières années, clairement imputé à l'État la charge de pourvoir à l'équilibre du FSV. Cela a suscité des réactions immédiates du ministère des finances. La Cour a modifié ses préconisations, dans son rapport à la commission des affaires sociales, en demandant que le déficit du FSV ne soit pas occulté et donc que ses comptes soient combinés avec ceux de la branche retraite, ce qui augmentera d'autant le déficit de l'assurance vieillesse, qui s'élève, je le rappelle, à 5,4 milliards d'euros ! Année après année, nous approchons de chiffres faramineux !
Il faudra que vous nous disiez, monsieur le ministre, quand et comment vous envisagez de tirer les conséquences de cette nouvelle position de la Cour des comptes.
La deuxième question que je veux poser est celle des retards toujours plus importants de l'État dans le remboursement des prestations et des exonérations. Au 31 décembre 2006, l'État devait en effet à la sécurité sociale 6,7 milliards d'euros, dont 2,16 milliards au titre des prestations versées pour son compte...
M. Nicolas About. président de la commission des affaires sociales - Eh oui !
M. Alain Vasselle rapporteur - ...aide médicale d'État, allocation adulte handicapé, allocation de parent isolé, aide personnalisée au logement.
Pourquoi, au moment du vote de la loi de finances, l'État et le ministère des finances ne sont-ils pas en mesure de chiffrer très précisément les besoins de financement à assurer pour ces quatre prestations et de prévoir les crédits budgétaires correspondant ?
Sont en jeu, au total, 4,5 milliards au titre de la compensation des exonérations, soit 2,86 milliards pour les exonérations ciblées (apprentissage, outre-mer, contrats de qualification et de professionnalisation) et 1,65 milliard pour les allégements généraux. Par rapport aux années précédentes, ces chiffres continuent d'augmenter.
Vous avez récemment déclaré, monsieur le ministre, que l'État allait honorer sa dette à l'égard de la sécurité sociale à hauteur de 5,1 milliards d'euros...
M. Guy Fischer. - Le compte n'y est pas !
M. Alain Vasselle rapporteur - ...Je m'en réjouis ! C'est la première fois que j'entends non pas un ministre des comptes publics, car vous êtes assurément le premier (Sourires), mais un ministre du budget prendre un tel engagement. Mais, ayant été échaudé les années antérieures, je suis comme saint Thomas : j'attends de constater que tombent dans les caisses de l'ACOSS les 5,1 milliards d'euros que vous avez annoncés...
M. Guy Fischer. - Il en manque !
M. Alain Vasselle, rapporteur - C'est un premier effort ! Il est vrai qu'entre 6,7 et 5,1, il manque encore 1,6 milliard d'euros, mais je ne désespère pas que le reste viendra quand la situation s'améliorera... (On en doute sur les bancs CRC et socialistes)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout cela ne change pas le solde global !
M. Alain Vasselle, rapporteur - En effet !
La situation du fonds de financements des prestations sociales agricoles (FIPSA) n'est pas plus satisfaisante que celle du FSV...
M. Guy Fischer. - Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur - D'ici trois ans, le déficit du fonds, ex-BAPSA, déjà supérieur à 2 milliards cette année, devrait approcher les 3 milliards en flux annuel et son déficit cumulé devrait frôler les 14 milliards, M. Juilhard connaît bien les risques encourus et suit cette situation de très près.
Aucun début de solution n'a encore été esquissé pour remédier à cette situation. Il y a eu cette idée de jouer sur la compensation, vite abandonnée par le groupe de travail présidé par M. Chadelat. Seules quelques pistes éventuelles ont été évoquées à l'occasion des auditions que nous avons organisées ces derniers mois, au sein de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociales. Il va pourtant bien falloir qu'une décision soit prise et que l'on traite le problème de l'accumulation des déficits, dont le financement, selon, la Cour des comptes, incombe à l'État.
Le ministère des finances adoptera-t-il, monsieur le ministre, la même position que sur le FSV , en considérant que cela n'est pas de sa responsabilité ? Je rappelle qu'il est prévu dans la loi une dotation budgétaire de l'État pour assurer l'équilibre des comptes.
Dans ce contexte, je pose ouvertement la question de la réouverture de la CADES (caisse d'amortissement de la dette sociale).
En effet, à la fin de l'année 2007, si rien ne change, le plafond de trésorerie accordé à l'ACOSS par la dernière loi de financement, soit 28 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien, risque fort d'être dépassé. Un tel montant ne pourra perdurer dans les comptes de l'ACOSS sans faire l'objet d'un traitement, c'est-à-dire être transformé en dette, l'apparition d'excédents à court terme étant évidemment hautement improbable.
A la fin 2007, l'ensemble du déficit cumulé de l'ensemble des branches atteindra 20 milliards d'euros. Si rien n'est fait, il atteindra 40 milliards d'euros fin 2009 !
La question n'est donc pas de savoir si nous allons augmenter la CRDS pour continuer à assurer ce flux croissant de dette, mais de savoir ce que nous allons faire, si ce n'est rouvrir la CADES, à moins que le gouvernement nous révèle aujourd'hui une autre solution que je ne connais pas...
Conformément à ce que nous avons voté dans la loi organique, tout nouveau transfert de dette à cette structure devra être accompagné d'une augmentation des recettes de façon à ne pas allonger la durée d'amortissement de la dette sociale. Cela signifie, d'après les calculs que j'ai obtenus, qu'une reprise de dette de 30 milliards pourrait nécessiter de porter le taux de la CRDS à 0,7 %, au lieu de 0,5 %. La loi organique a précisé ce dispositif par amendement, afin que les générations futures ne portent pas le poids de notre dette.
Les médias, ces derniers jours, ont laissé entendre que la commission des affaires sociales demandait la réouverture de la CADES afin d'augmenter le taux de la CRDS de 0,2 %. J'ai simplement demandé, en ma qualité de rapporteur de la commission des affaires sociales, au gouvernement s'il ne serait pas opportun de rouvrir la CADES...
M. Guy Fischer. - C'est donc vous ! (Sourires)
M. Alain Vasselle, rapporteur - Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement, compte tenu de l'ampleur de la dette !
Je voudrais enfin tracer quelques orientations pour répondre à cette situation extrêmement préoccupante.
Commençons par l'assurance maladie. L'intervention du comité d'alerte a entraîné la définition de mesures d'économies pour 1,25 milliard d'euros. Mais celles-ci ne seront applicables qu'au cours du deuxième semestre 2007, ce qui ramène le montant des économies attendues, d'ici à la fin de l'année, à 400 millions. On estime que le déficit de l'assurance maladie devrait dès lors se stabiliser à 6 milliards en 2007, soit un résultat très proche de celui constaté en 2006, mais supérieur de 2 milliards aux objectifs de la loi de financement pour 2007.
Ces mesures portant sur 1,25 milliard d'euros ne suffiront pas pour assurer la couverture des dérapages que nous connaissons !
Cette situation ne fait que renforcer la nécessité d'envisager des mesures nouvelles.
Dans le domaine des soins de ville, une réflexion sur la prise en charge des personnes souffrant d'une affection de longue durée est indispensable.
Ce poste absorbe 59 % des dépenses d'assurance maladie -70 % d'ici 2015 si rien n'est fait. La loi du 13 août 2004 a montré ses limites : comment éviter des mesures contraignantes ? Le bouclier sanitaire ne constitue qu'une réponse partielle et il faudra, avec pragmatisme, remettre à plat les restes à charge. Nous proposons une participation forfaitaire sur les médicaments, par exemple au-delà de deux ou trois prescriptions par ordonnance, ce qui permettrait aussi de lutter contre les iatrogénies médicamenteuses.
Associer l'hôpital à la réduction du déficit tout en relançant la politique de tarification est urgent. Il convient de réfléchir à la place de l'assurance maladie sans le contrôle de la dépense hospitalière. L'UNCAM pourrait en effet exercer une responsabilité plus importante. Enfin, les principes de la maîtrise médicalisée pourraient s'étendre à l'hôpital.
Les objectifs de la réforme des retraites, engagée en 2003, sont remis en cause. Le déficit atteint 3 milliards. Il faut impérativement arrêter l'hémorragie des préretraites. La France est la dernière en Europe...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - 58 ans.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - On y part en retraite cinq ans plus tôt qu'en Suède ! De surcroît, le dispositif des carrières longues suscite des abus manifestes et des effets d'aubaine que n'avait pas voulus le législateur de 2003. Il faudra donc tenir compte des réalités dans les discussions en cours sur la pénibilité.
Une approche prospective des besoins de financement éviterait une nouvelle impasse. La prochaine réforme ne saurait être paramétrée : pourquoi pas une retraite par points assortie de garanties minimales, comme cela été fait en Suède ?
Le débat sur la TVA sociale s'est ouvert. Des ressources nouvelles sont nécessaires car le poids des dépenses va s'accroître dans les années à venir. Aucune piste ne doit être écartée. On n'a pas trouvé la solution fiscale idéale et il y a un risque d'inflation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Faux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. - La CSG est plus neutre alors que la TVA sociale pourrait aboutir à des remboursements de cotisations fictives : la difficulté technique est réelle, même si les médias n'en parlent pas. Pourquoi pas la création de nouvelles taxes, par exemple, sur les boissons alcoolisées ? La commission des affaires sociales y est a priori favorable.
Quant à un financement assurantiel, on ne fera pas l'économie d'une réflexion sur la dépendance.
On le voit, des réformes amples et urgentes doivent être menées de front. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Eric Woerth, ministre. - Le président Arthuis a raison : on ne peut réussir que par une mobilisation de l'ensemble des acteurs. J'ai noté son adhésion à des mesures fiscales ambitieuses pour relancer la croissance et son refus d'une approche malthusienne du partage du travail. Le gouvernement franchit une étape décisive avec le projet que vous examinerez demain : la mesure sur les heures supplémentaires sert le pouvoir d'achat mais comporte surtout une dimension culturelle. Il n'y a pas d'augmentation du pouvoir d'achat si la France ne travaille pas plus.
Vous avez également évoqué la maîtrise de la dépense publique, que nous devons mettre au coeur de nos préoccupations. Soutenir le pouvoir d'achat, oui, mais aussi maîtriser la dépense publique. Nous tablons sur 2,5 % de croissance et le surplus servira à atteindre les 60 % du PIB et l'équilibre des finances publiques avant 2012. Il faudra beaucoup de pédagogie et de courage pour parvenir à ce résultat, qui constitue une ardente obligation.
Vous avez plaidé pour la TVA sociale après avoir largement contribué à ouvrir le débat. Je partage votre souci de renforcer la compétitivité des entreprises. Mme Lagarde et M. Besson rendront très prochainement leurs conclusions, puis le gouvernement tranchera. Ce débat s'inscrit dans la réforme plus large de la fiscalité souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre. Lorsque nous avons reçu les présidents des grandes associations d'élus locaux, ils nous ont interpellés sur la politique fiscale et l'autonomie de leurs collectivités.
M. About a souligné le caractère global du débat. Je le rejoins d'autant plus volontiers que cette consolidation autorise le remboursement de 5,1 milliards à la sécurité sociale : il est désormais moins aisé à l'État de transférer ses responsabilités.
Notre objectif pour l'ONDAM est de 2 % en volume et de 3,5 % en valeur pour la période. Nous n'avons pas eu le temps d'affiner des projections mais elles seront disponibles à la rentrée.
J'ai également bien entendu votre souhait de disposer de données plus précises, chiffrées en millions - et non en milliards- d'euros.
Je suis sensible au rapprochement fait avec la loi de finances de l'État mais les deux exercices sont différents : pour le PLFSS, des prévisions au million près sont peu significatives. Il va de soi, en revanche, que, pour l'exécution, la sincérité doit être totale. C'est bien l'objet de la certification menée par la Cour des comptes. L'annexe 9 est bien en millions.
S'agissant du programme de qualité et d'efficience, nous examinerons avec soin les propositions du président About. Les choses ont déjà été bien améliorées et le seront encore. Dès 2008, vous aurez davantage d'informations sur la composition de l'ONDAM ; l'annexe 8 sera améliorée et complétée dès le prochain PLFSS.
M. Marini s'est livré, comme d'habitude, à une très brillante démonstration. Nous sommes sur la même longueur d'onde, même si nous divergeons légèrement sur les chiffres. La maîtrise des dépenses que nous engageons est sans précédent. (M. Delfau ironise) Oui, car l'objectif de « zéro volume » de cette année n'a pas le même sens que celui de l'an dernier, avec la remontée des taux d'intérêt et l'accroissement du nombre de pensionnés. L'effort est donc considérable et doit être partagé par tous. Bien sûr, les dépenses inéluctables ne le seront pas toujours : à long terme, nous avons bien l'intention de réduire notre endettement. La France doit retrouver son rang international pour la création de richesses. Un point de croissance supplémentaire, comme l'ambitionne le Président de la République, cela aura des effets très sensibles.
Le rapporteur général a plaidé une nouvelle fois pour un élargissement de la norme de dépenses. Nous allons le faire, même si ce ne sera pas aussi rapide que vous le souhaitez.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela peut se faire par étapes.
M. Eric Woerth, ministre. - La règle d'or, nous l'appliquons dans nos collectivités locales, avec des sections d'investissement en équilibre, voire en excédent. Elle doit aussi s'appliquer à l'État mais il y a des écueils, techniques et autres. Je puis vous assurer que nous avons la volonté. Cette règle n'a pas seulement des vertus comptables, elle joue aussi un rôle incitatif.
M. Vasselle a longuement détaillé son argumentation. De fait, la dynamique des allégements de charge est supérieure à celle des recettes. Il faut réagir, j'ai commandé un rapport. La dette de l'État par rapport à la sécurité sociale est largement due à l'absence de compensation des exonérations de charges. Je n'ai pas l'intention de laisser de nouveau le trou se creuser ; nous en reparlerons de façon approfondie. Il faut parfois du temps, entre la lucidité et l'action.
Pour les heures supplémentaires, la compensation se fera à l'euro près.
M. Gérard Delfau. - Comme d'habitude !
M. Eric Woerth, ministre. - Parfois, les promesses sont vraiment honorées : je vais rembourser les 5,1 milliards dus !
Je veillerai à ce que les comptes de la CNAM et du FSV soient dissociés, car ils ont des missions différentes. L'amélioration, importante et durable, de la situation de l'emploi devrait permettre d'apurer progressivement les déficits.
Je suis conscient des difficultés structurelles du Ffipsa et je m'attacherai à définir les conditions d'un équilibre, en liaison avec le ministère de l'agriculture.
Rouvrir la Cades ? Soyons prudents ! La situation est complexe, le déficit plus important que prévu. Avant d'accroître les ressources, interrogeons-nous sur les dépenses et cherchons des solutions durables, en particulier pluriannuelles. Il faudra en passer par des réformes structurelles. Nous travaillons ainsi sur la franchise avec Mme Bachelot et M. Hirsch. Nous avons besoin de ressources nouvelles mais également d'une maîtrise médicalisée des dépenses.
La réforme de 2004 n'a pas encore fait sentir son plein effet : le dossier médical personnalisé n'a pas encore vu le jour, les parcours de soin sont encore peu respectés. Bref, beaucoup reste à faire pour mettre véritablement en application les mesures qui ont été prises. Le Premier ministre a d'ailleurs confié à MM. Fragonard et Briet une mission à ce sujet. Concernant les dépenses de l'hôpital, je partage l'avis de la commission : il faut mieux les maîtriser. L'hôpital doit être plus réactif aux mesures prises, ce qui peut notamment passer par des outils informatiques plus efficaces. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à la rentrée.
J'en viens à la question des retraites. Nous tiendrons le rendez-vous de 2008, fixé par la loi de 2003, pour faire le point avec les partenaires sociaux et ajuster cette grande réforme aux besoins d'aujourd'hui. Le système à points et le compte notionnel suédois sont certes intéressants, mais le gouvernement, j'y insiste, n'a nullement l'intention de changer notre système de retraite en 2009 car c'est un élément du pacte républicain. Les retraites anticipées après une longue carrière, auxquelles certaines professions ont facilement accès, font parfois l'objet de détournement contre lesquels nous lutterons. Les fraudeurs fiscaux et sociaux doivent être combattus (Mme Nicole Bricq s'exclame), car leur comportement est inacceptable pour la collectivité.
M. Guy Fischer. - Ce sont toujours les pauvres qui trichent !
M. Eric Woerth, ministre. - Au reste, l'impératif est d'améliorer notre taux d'emploi des seniors, qui est inférieur à celui de nos voisins européens. Beaucoup d'efforts ont été faits en ce sens, ils doivent être poursuivis ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Thierry Foucaud. - Est-il possible de débattre des orientations de la prochaine loi de finances pour 2008 alors que nos marges de manoeuvre vont être singulièrement réduites par l'adoption du projet de loi destiné, dit-on, à renforcer le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat ? L'impact de ce texte sur les comptes publics, qui n'a pas fait l'objet d'une évaluation réelle, est estimé à pas moins de 10 milliards dès la première année, 15 en régime de croisière, ce qui est rare de nos jours !
Pour tempérer l'appréciation enthousiaste de la situation de nos comptes publics, je veux rappeler que les déficits budgétaires cumulés sous la législature précédente représentent 240 à 250 milliards en valeur constante, soit plus du quart du montant actuel de la dette publique de l'État ! De plus, la réduction du déficit observée s'explique en partie par les changements de périmètre de la dépense budgétaire. Prenons l'exemple des exonérations de cotisations sociales : elles ne sont pas totalement compensées, ce qui a pour effet de réduire le déficit de l'État, mais d'augmenter celui de la sécurité sociale. Par parenthèse, les comptes sociaux se sont nettement détériorés depuis la réforme Fillon des retraites et la réforme Douste-Blazy de l'assurance maladie...
M. Guy Fischer. - Bref, des réformes qui ont échoué !
M. Thierry Foucaud. - Quant à la réduction des dépenses budgétaires, elle tient principalement à la réduction des crédits d'équipement -de 28 milliards à 12 milliards- et à la compression des dépenses d'intervention -de 78 à 64 milliards : ces deux postes constituent aujourd'hui 29 % des dépenses budgétaires, contre 38,5 % en 2002...
Le gouvernement entend continuer à réduire la dépense publique. Pour tenir ses engagements européens et ses promesses électorales, il n'a d'autre choix que de « taper » dans les dépenses de personnel au prétexte de moderniser l'État. Faribole : 35 à 40 000 emplois vont être supprimés dans la fonction publique, et notamment dans l'éducation nationale. Autrement dit, on va encore fermer ici une école rurale, là une maternité, ailleurs un bureau de poste, et demander sans vergogne aux collectivités de mettre la main à la poche, comme l'a fait M. Xavier Darcos.
Mais cela n'est rien au regard de la loi dite « TEPA ». Les effets positifs qu'on en attend seront peut-être nuls. On n'effectuera peut-être pas davantage d'heures supplémentaires, les achats de logements pourraient porter sur les seuls stocks d'invendus et les mesures d'allégement d'impôts destinées aux contribuables les plus aisés conduiront à une nouvelle augmentation des placements financiers (Mme Nicole Bricq approuve), dont le traitement fiscal dérogatoire est générateur de nouvelles moins-values.
M. Gérard Delfau. - C'est leur objectif ! (Mme Nicole Bricq approuve)
M. Thierry Foucaud. - Une hausse des prix de l'immobilier est également à craindre. Bref, l'enjeu est de savoir si la loi TEPA permettra de relancer la croissance dont nous avons besoin pour réduire les déficits publics lors de la prochaine loi de finances. Rien n'est moins sûr, d'autant qu'aucun budget, sous cette législature, n'a été exécuté selon la prévision de croissance qui avait été établie. Résultat, lorsque M. Sarkozy était ministre de l'économie, nous avons enregistré, en 2003 et 2004, le déficit budgétaire le plus important de la législature.
M. Gérard Delfau. - Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - M. Sarkozy n'est pas resté très longtemps à Bercy.
M. Guy Fischer. - Peut-être, mais on s'en souvient !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il a pris des mesures qui ont porté leurs fruits ensuite !
M. Thierry Foucaud. - Je veux rappeler notre opposition résolue aux choix budgétaires de la majorité. On a d'ailleurs constaté leur inefficacité : croissance réduite, dévaluation du travail, atonie salariale, stagnation du pouvoir d'achat, déficits publics persistants, creusement du déficit de la sécurité sociale, envolée de la dette publique... Après avoir agité l'épouvantail de la dette publique durant la campagne électorale, voici que, par un coup de baguette magique, la majorité soutient que nous avons les moyens de financer une réforme fiscale d'un coût d'une dizaine de milliards !
Monsieur le rapporteur général, durant votre intervention, vous avez qualifié cette dette d'insupportable....
Ce qui est insupportable, M. le ministre, ce sont les allégements sur l'ISF, le bouclier fiscal renforcé, la volonté d'augmenter la TVA, comme cela vient encore de nous être rappelé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela créera des richesses nouvelles !
M. Thierry Foucaud. - Cela fait un certain temps que vous tenez ce discours, mais ça ne marche pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'y crois beaucoup ! çà peut marcher.
M. Thierry Foucaud. - Le SMIC, cette année encore, ne recevra pas de coup de pouce. (M. Delfau approuve)
M. Guy Fischer. - Sans parler des minima sociaux !
M. Thierry Foucaud. - Votre politique crée la dette. Vous demandez à nos compatriotes de signer un chèque en blanc aux plus riches, dont les baisses d'impôts seront financées par le démantèlement du service public de l'éducation, de la santé, du logement social, et des politiques de lutte contre l'exclusion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'aimerais un jour pouvoir vous convaincre.
M. Thierry Foucaud. - Vous renoncez à une fiscalité juste et efficace au détriment d'une politique d'égalité sociale. Vous tournez le dos aux exigences d'un développement durable, soutenable et coordonné. Nous refusons sans ambiguïté ces choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC, M. Delfau approuve)
M. Michel Sergent. - Il est regrettable, sans doute, que ce débat ait lieu avant la discussion du projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, prévue pour demain, qui montrera clairement les conséquences des orientations fiscales sur lesquelles ce gouvernement a décidé de s'engager. De fait, elles seront, dès 2007, et plus encore dans les années à venir, lourdes de conséquences sur la situation de nos finances publiques. Faut-il rappeler, en outre, la position constante de notre commission des Finances, qui veut, M. le rapporteur général ne me contredira pas, que toute disposition fiscale soit examinée en loi de finances. (M. le rapporteur général le confirme)
S'agit-il, comme on l'entend dire ici et là, d'un « choc fiscal » ? Je n'irai pas si loin. Je n'y vois, sous les oripeaux de mesures dépareillées en faveur de l'emploi et du pouvoir d'achat, que la simple traduction d'un programme économique, fiscal, financier et social qui ressortit à l'idéologie conservatrice la plus traditionnelle. À part cet habillage, c'est la continuité !...
Le coût de ces nouvelles mesures fiscales sera de 15 milliards par an, sans qu'il ait été procédé à une quelconque évaluation de leurs conséquences, ni de leur efficacité, et alors même que la France s'était engagée vis-à-vis de l'Union européenne à faire passer en cinq ans, à l'horizon 2010, son endettement en dessous de 60 % du PIB, contre 64,5 % aujourd'hui.
Mme Nicole Bricq. - L'engagement tient toujours !
M. Michel Sergent. - Mais pourra-t-il être tenu ? Avec un programme fait sur mesure pour les plus riches, l'inégalité est inévitable, donc normale, donc acceptable, et, même, à suivre le credo de Mme la ministre de l'économie, elle serait un moteur de compétition, donc d'efficacité !
Pour vendre ce programme aux plus modestes, le gouvernement leur fait croire que, sans les mesures qu'il propose, ils paieraient plus d'impôts ! C'est faux ! Il ne s'agit que d'alléger l'impôt des plus gros contribuables, au mépris de l'équilibre des comptes publics... Le souci affiché des déficits et de la dette n'était donc que l'argument électoral d'une droite soi-disant « rigoureuse » contre une gauche « dépensière » ! Et puis... on pourra toujours vendre les « bijoux de famille », en privatisant, comme en 2006, quelques entreprises publiques pour diminuer un peu le déficit !... Adieu France Telecom, adieu, sans doute, EDF.
On fait croire aux ménages que leur niveau de vie va s'améliorer, alors qu'ils risquent fort d'être taxés davantage. Dissimulée derrière la notion controversée et peut-être digne d'intérêt de TVA sociale, on va vers une banale augmentation, franchement antisociale, de cette taxe.
Le programme fiscal de la présidence Sarkozy conduit à creuser la dette de la France, à priver l'État de marges de manoeuvre budgétaires en cas de retournement de la conjoncture, et à limiter la capacité du pays à entreprendre les réformes dont il a besoin pour affronter les défis de la globalisation du système économique. La croissance mondiale est pourtant plutôt stimulante. L'activité de la zone euro également. Mais les résultats de la France ne sont, hélas, pas à l'avenant. Quand la gauche était au gouvernement, la France faisait mieux, en termes de croissance, que ses partenaires européens, y compris l'Allemagne...
M. Gérard Delfau. - C'est vrai ! Il est bon de le rappeler !
M. Michel Sergent. - ...dans un environnement international relativement stimulant. Depuis que la droite est au gouvernement, et alors que l'environnement international est encore meilleur, nous faisons moins bien que nos voisins, et risquons de voir se creuser encore, en 2007 et 2008, l'écart avec nos principaux partenaires, notamment l'Allemagne.
Il est, au reste, paradoxal d'entendre la majorité se féliciter constamment de ses résultats et s'efforcer, dans le même temps, de créer un « choc » pour tenter de s'en sortir. Car, depuis le début de l'année 2007, on assiste à une détérioration de l'ensemble de nos finances publiques. L'exécution du budget de l'État, au cours des premiers mois de l'année, est marquée par un accroissement des dépenses, un recul des recettes nettes, une aggravation du déficit, une remontée rapide de la dette de l'État : plus de 43 milliards sur les cinq premiers mois ; une augmentation de la dette publique de 33,7 milliards au premier trimestre, se traduisant par une progression du ratio d'endettement de 63,7 % à 65 % du PIB, sans parler de l'aggravation de la situation de la sécurité sociale !... Et par quoi se traduit, dès l'abord, ce « choc » qui doit nous permettre de « nous en sortir » ? Par 15 milliards de recettes fiscales perdues chaque année ! Une absence de recette ne s'assimile-t-elle pas à une dépense ? La diminution attendue représente un quart du budget de l'éducation nationale, ou vingt fois le budget de la mission écologie, pourtant hissée au rang de priorité nationale et placée sous la responsabilité d'un ministre d'État, numéro deux du gouvernement.
Mais ce projet, lourd de déficit, de dette et de prélèvements futurs, n'empêche pas le Président de la République de promettre que la France respectera ses engagements européens, ce que nos partenaires eux-mêmes ont du mal à croire !... Comment seront financées ces dépenses fiscales puisque l'on constate, dès le début de l'exercice 2007, une accélération des dépenses ? Ce n'est au reste pas un phénomène nouveau : la dépense publique a augmenté plus rapidement ces cinq dernières années qu'au cours des cinq années précédentes. Si l'on y ajoute la progression de la dépense fiscale, il est clair que l'objectif de maîtrise de la dépense publique n'est pas en voie d'être atteint.
Mais qu'importe, puisque, pour cette majorité, la maîtrise de la dépense est moins un objectif qu'un a priori, dont la première conséquence est de détruire les politiques publiques ! Le budget 2008, premier budget du président Sarkozy...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous ne l'avez pas encore vu !
M. Michel Sergent. - ...ressemble à un numéro d'équilibriste. Car comment concilier l'inconciliable ? Financer les baisses d'impôts, réduire le déficit, réduire la dette, équilibrer les finances publiques en 2012, voire dès 2010, sans rien sacrifier aux promesses du chef de l'État pour la recherche, l'université... Malheureusement, M. le rapporteur général vient de le rappeler, la remontée des taux d'intérêt renchérit la charge de la dette... Et puisque les dépenses incompressibles, comme les pensions de la fonction publique, vont mécaniquement progresser, ce sont les autres dépenses qui seront mises en cause.
L'ambition affichée serait de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique en le bloquant à 1 % - contre 2,25 % en moyenne ces dix dernières années - pour dégager en 2008 près de 10 milliards de marge de manoeuvre. Y parviendrez-vous ? Permettez-nous d'en douter. Vous évoquez la nécessaire stabilisation en volume des dépenses de l'État, en y comptant les prélèvements sur recettes destinés aux collectivités locales, au prix d'une discipline conséquente sur les dépenses, non seulement de fonctionnement, mais aussi d'investissement, ce qui est nouveau. Va-t-on vraiment vers un réexamen de ces dépenses ? On peut s'en inquiéter, au vu des atermoiements autour du projet de second porte-avions.
Quelle est la crédibilité de cette feuille de route, sachant que la dépense publique a augmenté de 9,7 % durant le quinquennat précédent ? Vous pariez sur une croissance à 2,5 %, alors que l'Insee ne table que sur 2,1 % et les autres instituts, moins encore. Les dépenses engagées y pourvoiront ? Cela relève de l'incantation. D'autant que vous promettez, dans le même temps, la diminution de la dette publique et du taux des prélèvements obligatoires, grâce, nous dites-vous, à une réduction des dépenses reposant largement sur la diminution du nombre des fonctionnaires. Les dépenses de santé ne devraient pas croître de plus de 2 % en moyenne, de 2008 à 2012 et, dès 2008, les concours aux collectivités locales, qui relèvent pourtant du contrat de croissance et de solidarité, se verraient appliquer la même norme que celle qui sera imposée aux autres dépenses de l'État. Bref, maîtriser les dépenses, c'est toujours pour vous, depuis 2002, remettre en cause les politiques publiques et encadrer financièrement les collectivités locales !
Vous prévoyez de supprimer 30 000 à 40 000 postes de fonctionnaires, au moyen, principalement, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. L'Éducation nationale, à elle seule, représente, avec 17 000 postes, la moitié des effectifs concernés. Mais 10 000 postes en moins, c'est déjà une centaine de postes par département ! Je plains les sénateurs de la majorité qui vont devoir défendre ces mesures dans leur circonscription ! J'ajoute que, des 4,5 milliards d'économie attendus d'ici à 2012, le Président s'est engagé à redistribuer 50 % aux fonctionnaires en poste. Le bénéfice de la mesure n'excédera donc pas 2,5 milliards, soit l'équivalent du cadeau fiscal que représente l'exonération des droits de succession.
En matière de service public, économie ne devrait pas être synonyme de détérioration. Et ces mesures drastiques imposées aux écoles, aux hôpitaux, s'appliquent-elles aux cabinets ministériels, ou à celui de la Présidence de la République ? J'en doute !...
L'attractivité de la France est liée à la qualité de ses services publics de l'éducation, de la santé, des transports, de la culture, et non au moins-disant fiscal et social ! Les objectifs du service public, dans une perspective républicaine, sont de répondre aux besoins des citoyens en fournissant à tous un service de qualité, financièrement et géographiquement accessible à chacun, sans discrimination. Le service public est un facteur de cohésion sociale d'autant plus indispensable que l'on constate, depuis huit ans, un fort accroissement des inégalités de revenus. Les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu croître de 42,6 % sur la période, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches. La forte progression et la concentration des revenus du patrimoine expliquent une bonne partie de cet écart.
Le premier programme fiscal et budgétaire du quinquennat, s'il est de rupture, est d'abord en rupture avec l'idéal républicain ! (Exclamations à droite, marques d'approbation à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Michel Sergent. - La droite accepte une société placée sous le signe de l'hétérogénéité et de la différentiation. L'élection de Nicolas Sarkozy signifierait-elle une sorte d'épuisement de la vision égalitaire de la société française ? Le président semble avoir fait le choix d'assumer une société plus hétérogène : voyez ses positions sur la question des communautés, ou encore sa fameuse opposition entre « la France qui se lève tôt » et celle qui « vit de l'assistance ». Quid de l'idée de partage et de redistribution ? La suppression de l'impôt sur les successions retranche de la redistribution publique une « redistribution privée », le patrimoine n'est pas vu comme une accumulation de capital, mais comme un lien familial qu'on ne doit pas mettre en commun avec le reste de la société. Pour nous, socialistes, nous, femmes et hommes de gauche, la redistribution est au centre du projet de société : une redistribution publique, à l'opposé de la charité privée, avec ses bons et ses mauvais pauvres...
Aussi l'orientation actuelle des finances publiques nous paraît-elle coûteuse, injuste socialement, et inefficace économiquement. La France a besoin d'une bonne articulation entre une politique de l'offre et de la demande : un soutien à la consommation et au pouvoir d'achat du plus grand nombre pour stimuler la demande, un meilleur environnement pour les entreprises, notamment en modernisant l'impôt sur les sociétés, pour encourager l'offre. Au lieu de quoi, le gouvernement cible un petit nombre de contribuables, avantageant les chefs d'entreprises plus que les entreprises elles-mêmes ! Un effort devrait être en direction de la prime pour l'emploi, des minima sociaux...
M. Guy Fischer. - Le gouvernement veut les supprimer !
M. Michel Sergent. - ...et, d'une façon générale, des plus bas salaires. Les 15 milliards du « paquet fiscal », au lieu d'aller aux propriétaires et aux revenus les plus confortables, auraient été utiles à des actions sociales et industrielles visant à la croissance et la modernisation du pays. Ou encore à une réforme de la justice et des prisons, en mettant fin à l'un des principaux archaïsmes français. Ou, enfin, à l'emploi, en allégeant les charges sociales salariales et patronales pour tout le temps travaillé, au lieu d'alléger les charges sur les seules heures supplémentaires.
L'orientation budgétaire du gouvernement ne nous plaît guère, parce qu'en souhaitant la bonne santé de la France, nous souhaitons aussi celle de tous les Français ! (Applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 13 h 5.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 16 heures.