Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Organisation des travaux du Sénat
Organismes extraparlementaires
Protocole relatif à l'abolition de la peine de mort
Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort
Convention relative à la responsabilité parentale
Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants
Convention consentement au mariage
Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
Organismes extraparlementaires
SÉANCE
Du mardi 26 juin 2007
72e séance de la session ordinaire 2006-2007
présidence de M. Christian Poncelet
La séance est ouverte à 16 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Décès de sénateurs
M. le président. - J'ai le profond regret de vous faire du décès de M. Daniel Goulet, sénateur de l'Orne depuis 1992, survenu le 25 février 2007, et de M. Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle depuis 1992, survenu le 21 juin 2007.
(Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
Décès d'anciens sénateurs
M. le président. - J'ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues : Édouard Bonnefous, sénateur des Yvelines de 1959 à 1986 et président de la commission des finances de 1972 à 1986 ; Catherine Lagatu, sénateur de Paris de 1968 à 1977 ; Auguste Chupin, sénateur de Maine-et-Loire de 1974 à 1992 ; Bernard Pellarin, sénateur de Haute-Savoie de 1977 à 1995 et Raymond Poirier, sénateur d'Eure-et-Loir de 1980 à 1989.
Remplacement de sénateurs
M. le président. - Je vous rappelle que Mme Nathalie Goulet remplace le regretté Daniel Goulet depuis le 26 février 2007 ; M. Jean-Pierre Chauveau remplace depuis le 18 juin dernier M. François Fillon, nommé Premier ministre ; Mme Jacqueline Panis remplace depuis le 22 juin 2007 Jacques Baudot ; et M. Jacques Gauthier remplace depuis le 25 juin dernier M. Roger Karoutchi (Applaudissements à droite), nommé secrétaire d'Etat (Même mouvement), démissionnaire de son mandat.
Au nom du Sénat, je leur souhaite la bienvenue.
Allocution de M. le Président
M. le président. - Après une longue suspension, la reprise des travaux en séance plénière marque le début de la XIIIe législature. Je me félicite de ce que certains de nos anciens collègues, tels MM. Roland Muzeau et Philippe Goujon, aient été élus députés. Ils feront profiter l'Assemblée nationale de leurs compétences et de leurs talents.
Je souhaite la bienvenue à nos anciens collègues qui ont rejoint les bancs du gouvernement. Le Sénat se réjouit que, pour la troisième fois depuis 1958, un membre issu de notre assemblée, M. François Fillon, dirige le gouvernement (Applaudissements à droite et au centre). Nous félicitons M. Roger Karoutchi (Même mouvement) de sa nomination au secrétariat d'Etat chargé des relations avec le Parlement. Fin connaisseur du style, du tempérament et de l'originalité du Sénat, il sait l'importance que nous attachons à la qualité des travaux parlementaires et -j'y insiste- à la gestion du temps. Je salue la nomination de Mme Valérie Létard (Applaudissements à droite et au centre) au secrétariat d'Etat à la solidarité, de M. Jean-Marie Bockel (Applaudissements à droite et au centre) au secrétariat d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie (Applaudissements à droite et au centre) ...
M. Jean-Pierre Michel. - On n'applaudit pas les traîtres ! (Exclamations à droite)
M. Dominique Braye. - Vous êtes jaloux ! (Rires)
M. le président. - Je relève également parmi les membres du nouveau gouvernement des anciens collègues : M. Michel Barnier (Applaudissements à droite et au centre) et M. Xavier Darcos (Applaudissements à droite et au centre).
Je souhaite également saluer la nomination de Mme Rama Yade (Même mouvement) qui quitte notre administration pour un nouveau destin. Une fois de plus, le Sénat n'est pas en retard, il est en avance ! Et notamment en matière de représentation de la diversité de la société française ! (Applaudissements à droite et au centre)
Je remercie les membres du gouvernement d'être venus nombreux assister à cette première séance de la XIIIe législature : Mme Michèle Alliot-Marie (Applaudissements à droite et au centre), M. Jean-Louis Borloo (Même mouvement), Mme Christine Lagarde (Même mouvement), Mme Rachida Dati (Même mouvement), M. Xavier Bertrand (Même mouvement), Mme Valérie Pécresse (Même mouvement), M. Hervé Morin (Même mouvement), Mme Christine Boutin (Même mouvement), Mme Christine Albanel (Même mouvement,)...
M. Adrien Gouteyron. - Bravo !
M. le président. - ... M. Eric Woerth (Même mouvement) et M. Laurent Wauquiez (Même mouvement).
M. Adrien Gouteyron. - Bravo !
M. le président. - Je ne doute pas que la coopération entre le gouvernement dirigé par M. François Fillon et notre assemblée sera fructueuse !
Depuis février, le Sénat a beaucoup et bien travaillé, à travers ses commissions permanentes, ses missions d'information, ses délégations et offices. Les rapports des trois missions d'information communes -qui ont auditionné une centaine de personnalités- sont attendus, de même que les nombreux rapports annoncés par nos commissions en conclusion de leurs travaux, qui ont tenu pas moins de 77 réunions. Onze conférences de presse sont prévues pour rendre publics ces travaux et j'espère que le gouvernement prendra nos réflexions en considération.
Notre Délégation à l'Union européenne a organisé des débats préalables aux conseils européens de mars et de juin, selon les modalités de la séance publique. Enfin, avec l'accord de la Conférence des Présidents, j'ai souhaité que le Sénat siège en séance publique dès avant l'ouverture de la session extraordinaire pour examiner aujourd'hui des conventions internationales importantes pour les droits de l'Homme et, demain, un texte qui accroît les pouvoirs du Parlement dans le domaine du renseignement.
En déposant certains projets de loi en premier sur le bureau du Sénat, le gouvernement valorise nos méthodes de travail en commission et évite de prendre du retard.
Je forme le voeu que nous travaillions dans un esprit de compréhension et de respect mutuels, sans hâte mais efficacement, dans le cadre d'un fonctionnement harmonieux du bicamérisme, et je souhaite à tous bon courage. (Applaudissements à droite et au centre)
Organisation des travaux du Sénat
M. le président. - La Conférence des Présidents qui s'est réunie le 20 juin dernier a établi l'ordre du jour des séances d'aujourd'hui et demain.
Elle a également déterminé le calendrier des questions et des séances mensuelles réservées du dernier trimestre 2007, et prononcé la caducité des questions orales et écrites en instance lors de la constitution du nouveau gouvernement.
En outre, avec l'accord de la Conférence des Présidents, je vais retransmettre à l'Assemblée nationale trente-trois propositions de loi adoptées par le Sénat et en instance à l'Assemblée nationale à la fin de la douzième législature.
Enfin, pour prendre en compte la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'application au Sénat de l'article 40 de la Constitution, et dans la ligne des travaux menés collectivement par la commission des Finances, nous avons décidé de mettre en oeuvre dès le 1er juillet prochain un contrôle préalable par la commission des Finances de la recevabilité financière des amendements.
Fin de missions temporaires
M. le président. - J'ai reçu de M. le Premier ministre trois lettres annonçant la fin des missions temporaires confiées à M. Denis Detcheverry, Mme Lucette Michaux-Chevry et M. Alain Gournac.
Acte est donné de ces communications.
Dépôt de rapports
M. le président. - J'ai reçu de M. Christian Gaudin le rapport de la mission commune d'information, présidée par M. Philippe Marini, sur la notion de centre de décision économique.
J'ai reçu de M. le Premier ministre ou de Présidents d'autorités administratives, vingt-deux rapports, dont quatre sur l'application de lois, qui ont tous été transmis aux commissions permanentes compétentes.
J'ai reçu de M. le Premier Président de la Cour des comptes le rapport de certification des comptes de l'État établi par la Cour des comptes : c'est le premier rapport de ce type établi en application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Organismes extraparlementaires
Candidatures
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil d'administration de l'Agence française du développement. La commission des Finances a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Adrien Gouteyron et M. Michel Charasse en tant que titulaire et suppléant.
M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission nationale de concertation sur les risques miniers. La commission des Affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Philippe Leroy et de Mme Evelyne Didier.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Protocole relatif à l'abolition de la peine de mort
Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion commune du projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, et du projet de loi autorisant l'adhésion au deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. La Conférence des Présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - (Applaudissements à droite) Le processus de ratification de ces deux protocoles a été engagé fin 2002, mais un doute subsistait à la suite de l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 mai 1985. En effet, ces deux protocoles conduisant à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, leur ratification risquait de faire obstacle à un éventuel rétablissement de la peine de mort par le Président de la République au titre des pouvoirs exceptionnels qu'il tire de la Constitution, et notamment de l'article 16.
Saisi par le Président de la République le 22 septembre 2005, le Conseil constitutionnel a estimé que le protocole n° 13 ne portait pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, sa dénonciation restant possible au titre de l'article 58 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Rien ne s'opposait donc à une ratification rapide.
En revanche, le deuxième protocole facultatif exclut toute dérogation et n'autorise qu'une seule réserve pour les législations applicables en temps de guerre aux crimes de caractère militaire, d'une gravité extrême et commis en temps de guerre. Cette réserve n'est possible qu'au moment de la ratification et le protocole ne peut être dénoncé par la suite. C'est pourquoi le Conseil constitutionnel en a conclu que la ratification de cette convention ne pouvait intervenir qu'après révision de la Constitution. Le 19 février 2007, le Parlement réuni en Congrès a donc donné un caractère irréversible à l'abolition de la peine de mort en inscrivant dans la Constitution que « nul ne peut être condamné à mort ». Cette révision constitutionnelle est la consécration de l'action engagée par la France depuis la loi du 9 octobre 1981.
Désormais, la ratification de ces deux protocoles est juridiquement possible. Politiquement, elle marque un engagement fort de la France en faveur des Droits de l'Homme.
Au stade actuel, le protocole n° 13 a été ratifié par 39 Etats membres du Conseil de l'Europe, dont 21 Etats membres de l'Union européenne. Il est entré en vigueur le 1er juillet 2003. Le deuxième protocole facultatif, ratifié par 60 Etats membres de l'ONU, dont 24 membres de l'Union Européenne, est entré en vigueur le 11 juillet 1991. En devenant partie à ces deux protocoles, la France parachèvera le processus d'exclusion de la peine de mort. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UC-UDF et socialiste.)
M. Jean-Guy Branger, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - J'espère que ces deux textes attireront l'attention sur les travaux remarquables du Conseil de l'Europe, qui débat de problèmes sociétaux très en amont des parlements nationaux, ainsi que sur l'action de votre ministère, Madame la ministre.
La révision constitutionnelle du 23 février permet à la France de ratifier plusieurs engagements internationaux relatifs à l'abolition de la peine de mort, dont le protocole n° 13 à la Convention, élaborée dès 1950 par le Conseil de l'Europe, et portant sur la sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ce texte fondateur a déjà fait l'objet de plusieurs modifications. Le protocole n° 6, élaboré en 1983, entré en vigueur en 1985, et que la France a ratifié en 1986, disposait que : « la peine de mort est abolie.
Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté. » Cette affirmation de principe n'exclut pas la possibilité de décider du maintien de la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou en cas de danger imminent de guerre. En dépit de cette réserve, ce texte a constitué le premier instrument juridiquement contraignant à interdire la peine de mort en Europe. Quarante-six des quarante-sept États membres du Conseil de l'Europe, l'ont ratifié, la Russie faisant exception.
Le protocole n° 13 de 2002 prend acte de l'évolution du droit interne et du droit international en faveur de l'abolition totale, y compris en temps de guerre. Adopté lors de la conférence ministérielle européenne sur les droits de l'homme, tenue à Rome en novembre 2000, à l'occasion du 50e anniversaire de la cour européenne des droits de l'homme, il interdit toute dérogation, y compris en temps de guerre, et rend irrecevables les réserves formulées par les États signataires, tout en permettant cependant des déclarations restrictives sur l'application territoriale du protocole. La Géorgie et la Moldavie ont ainsi assorti leur ratification de déclarations relevant qu'elles ne peuvent être tenues pour responsables des actions accomplies sur les portions de leur territoire qui échappent à leur contrôle, soit l'Abkhazie et la Transnitrie.
Un État peut toutefois, au terme d'un délai de cinq ans après l'entrée en vigueur de la Convention, et après un préavis de six mois, dénoncer son adhésion au protocole auprès du secrétaire général du conseil de l'Europe, qui en informe les autres États. La France n'entend pas user de cette faculté, et ne pourrait au reste le faire après avoir ratifié le texte élaboré par l'ONU qui va nous être présenté.
La commission des affaires étrangères vous demande donc d'adopter le présent protocole. (Applaudissements à droite et sur le banc des commissions)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Je salue la présence de M. Badinter (Applaudissements à gauche) artisan de l'abolition de la peine de mort en France et qui n'a cessé de militer auprès des instances internationales pour étendre cette avancée en faveur des droits de l'homme à l'ensemble de la planète.
La loi constitutionnelle du 23 février dernier a ouvert la possibilité de ratifier plusieurs engagements internationaux relatifs à l'abolition de la peine de mort. Le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et visant à abolir la peine de mort, adopté par les Nations unies en 1966, entré en vigueur en 1976, et auquel la France a adhéré en 1989 stipule que le droit à la vie est inhérent à la personne humaine, qu'il est protégé par la loi, et que « nul ne peut être arbitrairement privée de la vie. » Dans cette rédaction, l'affirmation du droit à la vie n'entraîne pas impossibilité pour les États d'y mettre un terme par une peine dûment motivée. Le protocole qui nous est soumis aujourd'hui, élaboré en 1989, stipule qu'aucune personne relevant de la juridiction d'un État partie ne sera exécutée et que chaque État partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction. Une fois ratifié, ce texte ne peut plus être dénoncé : l'engagement est donc définitif. Seule réserve admise : la possibilité reconnue aux États de continuer à prévoir l'application de la peine de mort « à la suite d'une condamnation pour un crime de caractère militaire, d'une gravité extrême, commis en temps de guerre ». L'État formulant cette réserve doit alors communiquer au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies les dispositions pertinentes de sa législation interne qui s'appliquent en temps de guerre et l'informer de la proclamation et de la levée de l'état de guerre. Pour la France, dès lors qu'elle adhère au protocole n° 13 du conseil de l'Europe, cette réserve est sans objet. Les deux textes sont donc complémentaires.
Soixante États parties ont déjà rejoint ce protocole, et trente-cinq l'ont ratifié. Seules l'Azerbaïdjan, la Grèce et la Moldavie ont fait jouer la réserve de guerre.
La commission des affaires étrangères vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements à gauche et sur le banc des commissions)
M. Robert Badinter. - (Applaudissements à gauche et sur le banc des commissions) Je souhaite la bienvenue à Mme la ministre, qui sert une cause qu'elle sait essentielle, celle des droits de l'homme, dont elle sait que la matière ne fera pas défaut.
Ce texte est l'aboutissement, pour moi et pour bien d'autres membres du Sénat, d'une très longue marche. Le 30 septembre 1981, la Haute Assemblée votait l'abolition de la peine de mort et je veux dire ma reconnaissance à François Mitterrand, sans le courage duquel, face à une opinion publique largement défavorable, l'adoption de ce texte aurait été reportée sine die. Le deuxième temps, d'une portée juridique considérable, bien que passé inaperçu, fut la ratification du sixième protocole annexe à la Convention européenne des droits de l'homme autorisée par le Parlement français le 31 décembre1985, alors que je me présentais pour la dernière fois comme ministre devant lui. Sa portée est claire : il interdit à tout État l'ayant ratifié de revenir en arrière -le Président de la République peut certes le dénoncer, mais nous savons que ce serait politiquement impossible en Europe. Le mouvement international s'est poursuivi, le nombre d'États abolitionnistes n'a cessé de croître -sur les 200 États membres des Nations unies, 133 le sont aujourd'hui, alors que nous n'étions, en 1981, que le 35e État signataire. Que de progrès en 25 ans !
La France n'a pas ratifié à ce jour ce deuxième protocole, qui va plus loin, parce qu'il supposait une modification de la Constitution. Le Congrès, réuni par Jacques Chirac, dont je rappelle qu'il avait voté l'abolition de la peine de mort, y a procédé, permettant la ratification des deux instruments que nous examinons aujourd'hui.
Cette ratification réalisera le voeu de Victor Hugo qui déclarait en 1848 : « Je vote pour l'abolition pure, simple, et définitive. » L'interdiction de la peine de mort est inscrite dans notre Constitution, et la ratification de ce protocole est irréversible.
Une tâche incombe à présent aux États signataires -et je compte avec eux la Russie, qui pratique l'abolition de fait sinon de droit. La France devrait sans délai et fermement, madame la ministre, exiger le règlement du sort des infirmières bulgares et du médecin palestinien qui, condamnés à mort dans des conditions ignominieuses, font l'objet d'une véritable prise d'otage judiciaire. (Applaudissements à droite)
Voilà qui forme une première obligation commune ! (Applaudissements)
Le Parlement européen et la Commission européenne, à l'initiative de l'Italie, ont récemment demandé que les Nations Unies proposent un moratoire sur les exécutions capitales. Les Jeux Olympiques se dérouleront l'an prochain à Pékin, capitale d'un grand État qui est aussi, malheureusement, le principal pourvoyeur d'exécutions dans le monde. La trêve olympique est aussi ancienne que les Jeux Olympiques : c'est à pied, depuis Olympie, que des coursiers sillonnaient la Grèce pour demander aux cités de cesser tout acte d'hostilité pendant la durée des Jeux -et la tradition s'en est ainsi établie. Aujourd'hui, la trêve devrait viser aussi les exécutions capitales, les violations aux droits de l'homme, mais aussi les condamnations à mort, parce qu'il n'y a pas de trêve si l'on condamne des individus à moisir dans le couloir de la mort ! Madame le ministre, nous vous exhortons à rejoindre vos collègues italiens, pour convaincre l'Union européenne tout entière de tout mettre en oeuvre pour une trêve olympique ! (Applaudissements sur tous les bancs)
La discussion générale commune est close.
L'article unique autorisant la ratification du protocole n° 13 est adopté, de même que l'article unique autorisant l'adhésion au pacte international relatif à l'abolition de la peine de mort.
Convention relative à la responsabilité parentale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'adhésion à la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (n°s 299, 343, 2006-2007).
Discussion générale
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - Cette convention crée des règles pour promouvoir les droits des enfants et faciliter le règlement des situations transfrontalières qui les concernent. Dans ce texte, est un enfant celui qui n'a pas atteint l'âge de 18 ans. La convention de La Haye du 19 octobre 1996 a été élaborée sous les auspices de la Conférence de la Haye sur le droit international privé ; avec celle du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, et celle du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, elle constitue un triptyque destiné à protéger les enfants qui se trouvent dans des situations de conflit internationales.
Ce texte de droit international privé définit, par exemple, le tribunal internationalement compétent pour un droit de visite d'un père résidant en Italie sur un enfant qui réside chez ses grands-parents au Royaume-Uni, tandis que la mère vit en Irlande. Il répond également à la question de savoir quelle loi le juge saisi va appliquer, et, une fois sa décision rendue, dans quelle condition il va être possible de la faire exécuter dans un autre Etat que celui du juge qui a statué.
Ce qui gouverne la détermination des règles applicables, c'est la recherche, en toutes circonstances, de l'intérêt supérieur de l'enfant.
En conséquence, le juge compétent est celui du lieu de la résidence de l'enfant et la loi applicable sera, en principe, la loi du pays où il réside, sauf les hypothèses identifiées où l'application d'une autre loi serait plus conforme à son intérêt. La concordance des deux règles conduit à ce que le juge saisi appliquera la plupart du temps sa loi nationale.
Les règles d'exécution visent à favoriser la mise en oeuvre effective, dans un État partie, des décisions qui ont été rendues par l'autorité compétente d'un autre État partie. Cette disposition doit éviter d'imposer une autre procédure dans un autre État, pour la seule raison que la résidence d'un enfant à l'égard duquel une décision a été rendue a changé.
La convention comporte, enfin, des règles de coopération qui assureront entre les États parties la meilleure entraide possible pour faciliter la prise des mesures nécessaires à la préservation de l'intérêt de l'enfant et leur exécution.
Ces règles contribuent à la protection des enfants, vous y contribuerez vous-mêmes en autorisant la ratification de cette convention ! (Applaudissements)
M. Jean-Guy Branger, en remplacement de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères - La convention de La Haye du 19 octobre 1996 marque une avancée importante pour la protection des mineurs. Elle s'efforce de régler les douloureux conflits nés autour de la garde des enfants de couples binationaux divorcés ou séparés et de mettre un terme aux enlèvements transfrontaliers d'enfants.
Son articulation avec le droit communautaire, cependant, demeure difficile et sa ratification se trouve aujourd'hui bloquée.
En effet, le traité d'Amsterdam, entré en vigueur en 1999, a « communautarisé » la coopération judiciaire en matière civile : en d'autres termes, la Communauté européenne s'est vu reconnaître une compétence pour légiférer dans ces domaines.
Sur cette base, le Conseil a adopté, en mai 2000, un règlement communautaire, dit « Bruxelles II », remplacé au 1er mars 2005 par le règlement « Bruxelles II bis ». La Commission européenne considère que les États membres ne sont plus libres de ratifier eux-mêmes la Convention de La Haye, en application de l'arrêt « Accord Européen sur les transports routiers » de la Cour de Justice de Luxembourg, de 1971 : seule la Communauté est compétente pour signer ou ratifier des traités dans des domaines où elle dispose d'une compétence sur le plan interne et où elle a légiféré, ce qui est le cas pour certaines des matières couvertes par la Convention de La Haye.
Toutefois, étant donné que la convention contient aussi des dispositions qui n'affectent pas les compétences communautaires et que la Conférence de La Haye dispose expressément que seuls les États souverains peuvent être parties aux conventions conclues en son sein, il a été décidé de déroger exceptionnellement à ce principe.
Il a donc été admis que les États membres pourront exceptionnellement signer et ratifier cette convention dans l'intérêt de la Communauté, sous réserve de déposer simultanément les instruments de ratification ou d'adhésion auprès du dépositaire de la convention. La Commission européenne a présenté, en 2003, un projet de décision autorisant les États membres à ratifier la Convention de La Haye dans l'intérêt de la Communauté.
Toutefois, l'adoption de cette décision est bloquée, depuis plusieurs années, en raison d'un différend entre le Royaume-Uni et l'Espagne au sujet de l'application de la convention à Gibraltar.
D'un côté, la ratification et l'application de la convention de La Haye font partie des engagements communautaires de la France. De l'autre, le gouvernement ne pourra pas déposer les instruments de ratification auprès du dépositaire de la Convention, tant que n'aura pas été réglé le différend sur Gibraltar.
Il n'est guère acceptable qu'un instrument d'une telle importance pour la protection des mineurs reste bloqué depuis quatre ans pour une question sans rapport avec son objet. Madame la ministre, le gouvernement entend-il prendre des initiatives pour sortir de cette situation ?
Sous le bénéfice de cette observation, votre commission vous propose d'approuver ce projet de loi. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
L'article unique du projet est adopté.
Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne sur l'exercice des droits des enfants.
Discussion générale
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - Je sollicite votre autorisation pour ratifier la convention du 25 janvier 1996 qui renforce les droits procéduraux. La convention du Conseil de l'Europe sur l'exercice des droits des enfants du 25 janvier 1996 complète celle des Nations unies sur les droits de l'enfant de 1989 pour préciser certaines obligations juridiques à la charge des États. Il s'agit donc de renforcer, éventuellement de créer, des droits procéduraux que les enfants peuvent mettre en oeuvre, dans les procédures familiales.
Il incombe à chaque État de déclarer à quelles procédures ces droits vont s'appliquer. Pour ce qui nous concerne, notre déclaration vise cinq procédures, relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale ; à la détermination de la résidence de l'enfant ; à l'organisation des rencontres des titulaires de l'autorité parentale avec l'enfant ; aux modalités du lien de l'enfant avec des tiers ; à l'assistance éducative pour les enfants en danger. Ces procédures relèvent soit de la compétence du juge aux affaires familiales, soit de celle du juge des enfants.
La convention reconnaît aux enfants le droit d'en être informés, d'exprimer leur opinion, et de demander la désignation d'un représentant spécial en cas de conflit d'intérêts avec les détenteurs des responsabilités parentales. Ils doivent aussi pouvoir bénéficier de l'aide judiciaire Il incombe au juge, correctement informé, de statuer rapidement, dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Il devra aussi s'assurer que l'enfant, de son côté, a reçu des informations en rapport avec son discernement, et le consulter. Il pourra aussi, si nécessaire, intervenir d'office.
Il n'y a donc plus d'obstacle à la ratification par la France de cette convention, à laquelle participent déjà onze États du Conseil de l'Europe. Je vous remercie d'autoriser cette ratification. (Applaudissements à droite et au centre)
présidence de Mme Michèle André,vice-présidente
M. Didier Boulaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères - La notion de droits de l'enfant est relativement récente. La plupart des sociétés antiques ne le considéraient pas comme une personne à spécialement protéger. Dans le droit romain, le père avait droit de vie et de mort sur son enfant. Le mot enfant vient d'ailleurs du latin infans, qui signifie : celui qui ne parle pas. C'est au milieu du XIXe siècle, essentiellement en France, qu'est née l'idée que les enfants doivent être spécialement protégés : « Enfants, vous êtes l'aube, et mon âme est la plaine qui des plus douces fleurs embaume son haleine quand vous la respirez... » écrivait Victor Hugo dans Les feuilles d'automne.
Dans la reconnaissance d'un statut juridique de l'enfant au niveau international, la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, adoptée en 1989, signée et ratifiée par l'ensemble des États, à l'exception notable des États-Unis et de la Somalie..., a marqué une étape importante car elle a consacré, en effet, une approche nouvelle de l'enfant, personne humaine bénéficiant de droits propres.
Peu après, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a invité le Comité des ministres à élaborer un instrument spécifique sur les droits de l'enfant. Au départ, cette idée a été accueillie avec un certain scepticisme : ce nouvel instrument ne risquerait-il pas de faire double emploi ? Afin d'éviter toute duplication, il a été décidé de consacrer une attention particulière à l'intérêt de l'enfant dans les procédures devant les tribunaux.
La principale nouveauté de la convention qui nous intéresse tient à la reconnaissance au profit de l'enfant du droit d'être informé et d'exprimer son opinion dans les procédures qui le concernent.
Comme vous l'avez souligné, Madame la ministre, cette ratification ne devrait entraîner aucune modification de notre droit. En effet, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a mis en complète conformité notre législation avec les stipulations de la convention par un amendement du groupe socialiste, adopté à l'unanimité, le Sénat a renforcé ce dispositif, en prévoyant que le juge doit s'assurer que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. Du reste, le droit de l'enfant à être entendu n'emporte pas qu'il faille systématiquement l'auditionner s'il n'en manifeste pas la volonté : l'enfant a aussi le droit de rester silencieux, notamment en cas de conflit familial.
L'Union européenne s'est également préoccupée récemment de cette question. Les droits de l'enfant ont été reconnus dans la Charte des droits fondamentaux et la Commission a proposé, l'année dernière, une stratégie européenne sur les droits de l'enfant. Quelle est la position du gouvernement sur ce sujet et comptez-vous prendre d'autres initiatives dans ce domaine ?
Cette convention marquant une avancée en matière de droits des enfants, votre commission des affaires étrangères vous propose, à l'unanimité, d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Certaines mesures listées dans le document européen manquent de clarté, en particulier en ce qui concerne le rôle des banques et des établissements de crédits dans les affaires de pédophilie sur internet. Nous ne sommes pas favorables au Forum européen sur les droits des enfants. En revanche, nous sommes favorables à la création de deux numéros de téléphone pour l'assistance aux enfants et les appels d'urgence. Secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, j'attacherai une importance particulière aux droits des enfants dans le monde. (Applaudissements à droite)
L'article unique est adopté.
Convention consentement au mariage
Mme la présidente - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'adhésion de la France à la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages.
Discussion générale
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - La liberté matrimoniale est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 ainsi que dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1950. L'Organisation des Nations Unies a, une nouvelle fois, le 7 novembre 1962, consolidé ce principe en adoptant la présente convention dont la ratification par la France est aujourd'hui soumise à votre autorisation. La France a signé cet instrument le 10 décembre 1962.
Le Gouvernement a attendu jusqu'à aujourd'hui pour soumettre ce texte à votre examen en raison de la coexistence du droit commun avec le statut civil de droit local garanti par l'article 75 de la Constitution dans certaines de nos collectivités outre-mer : certains ajustements du droit coutumier étaient nécessaires pour permettre à notre pays de distinguer certains de nos territoires. Après les modifications législatives relatives aux collectivités d'outre-mer intervenues en 2000 et 2002, le gouvernement a décidé de le ratifier.
Les règles du droit positif français énoncées par le code civil sont en accord avec les principes fixés par la convention tandis que, sur le plan juridictionnel, le principe de la liberté du mariage est régulièrement rappelé, spécialement par notre Conseil Constitutionnel, qui en fait une composante de la liberté individuelle. En réalité, les dispositions de la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum et l'enregistrement des mariages sont d'ores et déjà prévues par le code civil. Ces principes ont été en outre régulièrement consolidés au fil des évolutions législatives, en particulier avec la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineures, qui frappe le mariage de nullité en cas de contrainte sur les époux, y compris lorsqu'une crainte révérencielle s'exprime envers un ascendant.
Du reste, notre droit interne pose parfois des niveaux d'exigence supérieurs, par exemple pour les dérogations au principe de comparution personnelle. Cela nous imposera de faire une déclaration interprétative sur l'article 2 de la convention en réservant les célébrations de mariage hors la présence de l'un ou l'autre des futurs époux aux seules dérogations énoncées par notre législation qui prévoit expressément le mariage posthume ou le mariage par procuration des militaires en temps de guerre ou en cas d'opérations militaires hors du territoire national.
Les États signataires s'engagent à spécifier un âge minimum avant lequel les personnes ne peuvent, sauf dispense, légalement contracter mariage. La loi du 4 avril 2006 a modifié l'article 144 du code civil pour élever de quinze ans à dix-huit l'âge du mariage pour la femme. L'autorité compétente pour célébrer le mariage devra s'assurer du libre consentement des parties, exprimé personnellement, en présence de témoins et après une publicité suffisante. En cas d'absence d'une des parties, elle devra s'assurer qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles et que le consentement a bien été reçu dans les formes légales par une autorité habilitée. La tenue d'un registre officiel est également prévue.
À l'heure actuelle, la présente convention a été ratifiée par une trentaine d'États. Votre autorisation permettra à notre pays d'être État partie, je l'espère avant la fin de l'année, à cet instrument international important et symbolique. (Applaudissements à droite)
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Madame la ou le ministre ? Mme Royal avait exigé par circulaire d'être appelée : madame la ministre. (Sourires)
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Comme il vous plaira...
M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - La France a signé cette convention le 10 décembre 1962.
Il y a déjà 45 ans ! Vous avez rappelé, madame la ministre, les raisons qui ont conduit la France à différer son adhésion à cette convention. De façon progressive, notre pays s'est mis en conformité avec les stipulations de cette convention, en modifiant le droit local de certaines collectivités d'outre-mer sur les points les plus contradictoires avec cet instrument international. Certains ajustements relatifs notamment au principe de publicité suffisante restent à réaliser pour pallier l'absence de publication des bans pour les personnes concernées par le statut relevant du droit local. Ces modifications peuvent être envisagées si la France prévoit de ratifier ce texte avant la fin de l'année.
Pour autant, les trois principes du consentement au mariage, de l'âge minimum pour le mariage et de la publicité suffisante du mariage -les deux derniers étant une déclinaison du premier- restent largement à conquérir en de nombreux points du globe et ne resteront qu'à l'état de pétition de principe en l'absence d'engagement volontariste. Nous comptons particulièrement sur votre efficacité, monsieur le ministre des affaires étrangères, dans ce domaine.
Le texte de la convention prévoit des exceptions à la présence des époux, ce qui a conduit certains des États signataires, dont la France, à formuler une série de réserves ou de déclarations interprétatives.
Le principe d'âge minimum du mariage est peu effectif si cet âge n'est pas défini. Cette question reste assez largement taboue et il est difficile d'y apporter une réponse internationale. Quant au principe de publicité des mariages, l'état-civil de nombreux États reste tenu dans des conditions qui ne garantissent pas son efficacité. Il y a là des gisements de coopération très importants pour la France, en particulier pour ses collectivités territoriales.
S'il est souhaitable que la France marque son attachement à ces principes en adhérant à cette convention, il lui reste à travailler pour sa mise en oeuvre. Notre Commission s'intéresse, madame la Ministre, à la façon dont notre outil de coopération peut prendre en considération ces principes, déterminants pour les droits de l'homme et pour le développement du monde. Au bénéfice de ces observations, votre commission vous recommande d'autoriser la ratification de cette convention. (Applaudissements à droite).
La discussion générale est close.
L'article unique du projet de loi est adopté.
Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
Discussion générale
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - Je viens solliciter de votre Haute Assemblée, en dernier lieu, l'autorisation de ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
En dépit de l'abolition de l'esclavage par les États européens au milieu du XIXe siècle, il en subsiste hélas ! dans nos sociétés des manifestations d'autant plus graves qu'elles sont clandestines. Destructrices pour les victimes, elles sont en revanche particulièrement lucratives pour les trafiquants.
Ce phénomène est déjà pris en compte par la communauté internationale. La convention contre la criminalité transnationale organisée, convention de Palerme, adoptée en novembre 2000, assortie d'un protocole spécifiquement consacré à la traite des êtres humains en a d'abord donné une définition internationale. La France est partie à cet instrument universel, qu'elle a ratifié en 2003, et qui comporte des dispositions de nature pénale et d'autres en faveur des victimes.
Ces efforts ont été prolongés au sein de l'Europe, tant au niveau de l'Union Européenne que du Conseil de l'Europe. Ce dernier, fortement mobilisé sur ces questions, a élaboré un instrument spécifique sur la traite des êtres humains, couvrant toutes les formes de traite, nationales ou transnationales, pour renforcer la protection des victimes, et mettre en place un mécanisme de suivi fort qui assure le respect par les États parties de leurs engagements conventionnels.
La convention a été ouverte à la signature lors du troisième sommet des Chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe, tenue à Varsovie, le 16 mai 2005. La France l'a signée le 22 mai 2006. Vingt-neuf États l'ont signée et sept l'ont ratifiée. Après la France, seules deux ratifications complémentaires seront nécessaires pour en permettre l'entrée en vigueur.
La définition de la traite demeure inchangée par rapport à celle retenue dans le protocole de Palerme : les États membres du Conseil de l'Europe n'ont pas entendu remettre en cause les standards de l'ONU, mais construire sur ce précédent pour aller plus loin. En revanche, la convention définit la notion de victime, ce qui n'est pas le cas du protocole à la convention de Palerme.
Le chapitre consacré aux droits des victimes, constitue le coeur de la convention. Contrairement au texte de l'ONU, celui-ci ne se veut pas incitatif, mais contraignant, pour renforcer les droits des victimes. Un délai de réflexion d'au moins trente jours est institué, pendant lequel aucune mesure d'éloignement du territoire ne peut être exécutée à l'encontre de la victime. Cette mesure, particulièrement attendue par les associations, permettra aux victimes d'être soustraites aux trafiquants sans risquer l'éloignement du territoire et de prendre, hors toute pression, la décision de porter plainte ou non pour les infractions commises à leur encontre. Pendant ce délai, les victimes bénéficieront de différents droits, comme l'accès aux soins médicaux d'urgence.
La convention consacre aussi le principe de la non-sanction de la victime qui a agi sous l'effet de la contrainte, comme le demandaient les associations. Un mécanisme ambitieux de suivi de la mise en oeuvre de la convention par un groupe d'experts est créé.
Pour ce qui concerne la France, notre droit interne est conforme aux exigences de la convention. Ainsi, en matière de prévention, les actions sont essentiellement menées par des associations, subventionnées par les pouvoirs publics. En outre, le code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, modifié par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, dispose qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à tout étranger portant plainte pour des faits de traite des êtres humains.
Je veux également insister sur la diffusion prochaine, avec l'appui du ministère de la santé, d'un document d'aide à l'identification pratique des victimes. S'agissant des enquêtes, des poursuites et du droit procédural, les dispositions du droit interne correspondent parfaitement aux exigences conventionnelles. Ainsi, la France dispose d'un office central pour la répression de la traite des êtres humains, placé sous la responsabilité de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'Intérieur.
L'entrée en vigueur de cette convention est attendue avec intérêt par de nombreuses organisations non gouvernementales car elle contribuera à renforcer les efforts de la communauté internationale dans la lutte contre un fléau qui doit nous mobiliser et associer étroitement les États dits « d'origine » à ceux qualifiés « de destination ».
Sa ratification par la France, dont les autorités sont pleinement engagées dans la lutte contre cette forme particulièrement odieuse de criminalité et qui ont soutenu dès l'origine les efforts du Conseil de l'Europe en faveur d'un texte ambitieux, sera un signe supplémentaire de notre détermination à lutter contre ce fléau et d'en accompagner au mieux les victimes. (Applaudissements)
M. Jean-Guy Branger, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Monsieur le ministre des affaires étrangères, je suis particulièrement heureux d'être venu de Strasbourg, où je siège au Conseil de l'Europe, pour notre ordre du jour, avant de retourner à l'assemblée de Strasbourg, en tant que président de la commission de l'immigration, pour participer aux travaux de la commission sur l'égalité entre les hommes et les femmes, portant sur la lutte contre les violences faites aux femmes.
La traite des êtres humains est une atteinte intolérable aux droits de l'homme. Comme vous l'avez rappelé, elle fait aujourd'hui un nombre croissant de victimes à travers le monde, y compris en Europe.
L'Organisation des Nations Unies a élaboré, dès novembre 2000, un protocole additionnel à sa convention contre la criminalité transnationale organisée, qui visait à « prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ». Notre pays a ratifié ce protocole de Palerme en 2002. Le Conseil de l'Europe a également jugé nécessaire d'élaborer un texte comportant des exigences supérieures, particulièrement en matière de protection des victimes.
C'est dans ces circonstances qu'a été établie, en 2005, la présente convention, aujourd'hui signée par vingt-neuf États membres, dont la France, mais ratifiée jusqu'à présent par seulement sept d'entre eux, alors que son entrée en vigueur en requiert dix, dont huit États membres du Conseil de l'Europe. La ratification française sera donc particulièrement opportune.
Cette convention, traité global de protection des victimes de la traite, comporte des actions de prévention, ainsi que de poursuite des trafiquants.
Ce texte s'applique à toutes les formes de traite, nationale ou transnationale, liée ou non au crime organisé, quelles qu'en soient les victimes et les formes d'exploitation. La définition de la traite, couvre l'ensemble des opérations : « de recrutement, de transport, de transfert, d'hébergement ou d'accueil de personnes, par la menace, ou le recours à la force, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, pour obtenir le consentement d'une personne aux fins d'exploitation ».
Cette exploitation prend diverses formes : prostitution, travail forcé, esclavage, servitude, prélèvements d'organes... Le consentement de la victime ne vaut pas lorsque l'un des moyens énoncés a été utilisé, précision importante puisque la menace est fréquemment employée. Je rappelle aussi que toute personne de moins de dix-huit ans est considérée comme un enfant.
Le grave phénomène de la traite ne cesse de croître, y compris sur le continent européen : jusqu'à 500.000 victimes, sans doute plus. Les restructurations économiques et politiques dans les anciens territoires de l'URSS y sont pour beaucoup, comme les crises balkaniques ; les réseaux criminels ont également découvert tout l'intérêt de l'ouverture des frontières ou des nouvelles technologies. Surtout le trafic des êtres humains est aussi rémunérateur est moins risqué que d'autres. Les femmes, les enfants en sont les premières victimes, mais les hommes sont eux aussi touchés par le travail forcé.
Depuis 1958 la France dispose d'un Office central de répression de la traite des êtres humains, auquel je rends hommage pour la qualité de son travail. Mais le phénomène est désormais d'ampleur transfrontalière. La coopération policière au sein de l'office européen de police accroît les moyens de lutte et la commission vous propose d'adopter le présent texte.
L'article unique du projet de loi est adopté.
Organismes extraparlementaires
(Nominations)
La Présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai prévu par le Règlement, je proclame M. Adrien GOUTEYRON membre titulaire et M. Michel CHARASSE membre suppléant du Conseil d'administration de l'Agence française du développement ; et M. Philippe LEROY et Mme Evelyne DIDIER membres de la Commission nationale de concertation sur les risques miniers.
Prochaine séance, mercredi 27 juin 2007 à 16 heures.
La séance est levée à 17 h 35.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 27 juin 2007
Séance publique
A SEIZE HEURES
1. - Discussion du projet de loi (n° 326 rectifié, 2006-2007) portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement.
2. - Rapport (n° 337, 2006-2007) de M. René GARREC, fait au nom de la commission des Lois Constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale.
3. - Avis (n° 339, 2006-2007) présenté par M. Serge VINÇON au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.