Les outre-mer et la Constitution
La République française compte 12 territoires ultramarins : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises.
L’article 72-3 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 et modifié par la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008, précise le régime juridique applicable aux outre-mer français.
Cinq d’entre eux sont régis par l’article 73 de la Constitution : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte. Cette catégorie, composée des départements et régions d’outre-mer (DROM) et de collectivités uniques, regroupe les outre-mer dans lesquels l’organisation administrative, la répartition des compétences et le droit applicable sont identiques ou proches de ceux en vigueur dans l’Hexagone. Ces collectivités sont toutes soumises au principe d’identité législative (les lois et règlements français y sont applicables dans les mêmes conditions que dans l’Hexagone, sauf si la loi ou le règlement en dispose autrement). Des adaptations sont en effet possibles par la loi pour tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières de ces territoires. Par ailleurs, le troisième alinéa de l’article 73 de la Constitution permet de déléguer un pouvoir normatif, à la demande de ces collectivités, sur habilitation législative ou réglementaire, sauf dans les matières dites régaliennes.
Cinq collectivités sont régies par l’article 74 de la Constitution : Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Ces territoires, désormais dénommés « collectivités d’outre-mer », bénéficient de statuts ad hoc définis par des lois organiques[1]. Avec une graduation importante selon les territoires, l’organisation administrative, la répartition des compétences et le droit applicable tendent à s’y différencier fortement du droit commun applicable dans l’Hexagone. Toutes ces collectivités ont pour dénominateur commun de détenir un pouvoir normatif propre dans un nombre plus ou moins étendu de domaines relevant de la loi ou du règlement.
L’appartenance à l’article 73 ou à l’article 74 n’est pas figée. L’article 72-4 de la Constitution précise les modalités selon lesquelles un changement de régime peut intervenir (consultation préalable des populations intéressées, loi organique). Ainsi, à la suite de l’adoption de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007, Saint-Barthélemy et Saint-Martin qui étaient deux communes du DROM de la Guadeloupe sont devenues deux collectivités d’outre-mer le 15 juillet 2007. Inversement, Mayotte qui était une collectivité d’outre-mer depuis 2003, est devenue un département à la suite des lois organiques n° 2009-969 du 3 août 2009 et n° 2010 - 1486 du 7 décembre 2010.
La Nouvelle-Calédonie est régie par un titre dédié, le titre XIII de la Constitution. Ces dispositions constitutionnelles transitoires découlent directement de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. Une loi organique décline cet accord dont l’objet est notamment de prévoir les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté. Ce titre constitutionnalise également le corps électoral spécial appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des trois provinces qui la composent. Un statut civil coutumier est également reconnu.
Enfin, l’article 72-3 de la Constitution précise que « la loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton » [2].
Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont placées sous l’autorité d’un représentant de l’Etat qui a le titre d’administrateur supérieur des TAAF. Elles sont composées de : l'île Saint-Paul, l'île Amsterdam, l'archipel Crozet, l'archipel Kerguelen, la terre Adélie et les îles Bassas da India, Europa, Glorieuses, Juan da Nova et Tromelin. Ces territoires ne comptent pas d’habitants permanents.
Tableau synthétique de présentation des outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution
Guadeloupe | Guyane | Martinique | La Réunion | Mayotte | |
Population (2020) | 384 000 | 282 000 | 364 000 | 862 000 | 280 000 |
Superficie terrestre (Km2) | 1 628 | 83 850 | 1 128 | 2 511 | 374 |
Identité législative | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui sous réserve d’adaptations importantes, notamment en matière de droit du travail et de droits sociaux
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Organisation institutionnelle | département et région d’outre-mer (DROM) | Depuis le 1er janvier 2016, collectivité unique exerçant les compétences d’un DROM et composée d’une assemblée et d’un président. | Depuis le 1er janvier 2016, collectivité unique exerçant les compétences d’un DROM et composée d’une assemblée et d’un conseil exécutif. | département et région d’outre-mer (DROM) | Depuis le 31 mars 2011, département exerçant aussi les compétences de la région. |
Pouvoir normatif délégué sur habilitation législative expresse (article 73 alinéa 3 de la Constitution) | Oui déjà utilisé | Oui n’a pas encore été utilisé | Oui déjà utilisé | Non applicable (expressément exclu par le 5ème alinéa de l’article 73 de la Constitution) | Oui n’a pas encore été utilisé |
Tableau synthétique de présentation des outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution
Polynésie française | Saint-Barthélemy | Saint-Martin | Saint-Pierre-et-Miquelon | Wallis-et-Futuna | |
Population (2020) | 276 000 | 10 056 | 32 000 | 5 974 | 11 500 |
Superficie terrestre (Km2) | 4 167 | 24 | 53 | 242 | 142 |
Organisation institutionnelle | L’Assemblée de la Polynésie élit le Président de la Polynésie. Le président de la Polynésie désigne les ministres composant le Gouvernement | Le conseil territorial élit le président du Conseil territorial et le conseil exécutif. | Le conseil territorial élit le président du Conseil territorial et le conseil exécutif. | Le conseil territorial élit le président du Conseil territorial et le conseil exécutif. La collectivité n’exerce pas toutes les compétences dévolues aux régions et départements | Le pouvoir exécutif est assuré par le représentant de l’Etat. Il est assisté d’un conseil territorial qui réunit notamment les trois rois coutumiers. L’assemblée territoriale est élue. |
Identité /spécialité législative | Spécialité | Identité législative sauf en matière de droit des étrangers et dans les domaines de compétences transférés. | Identité législative sauf en matière de droit des étrangers et dans les domaines de compétences transférés. | Identité législative sauf dans les domaines de compétences transférés. | Spécialité législative. |
Pouvoir normatif transféré | Oui, compétence de principe dans tous les domaines, sauf ceux expressément réservés à l’Etat (compétence d’attribution) | Oui dans les domaines de compétence transférés (notamment fiscalité, urbanisme, énergie, tourisme et environnement) | Oui dans les domaines de compétence transférés (notamment fiscalité, urbanisme, énergie et tourisme) | Oui dans les domaines de compétence transférés (notamment fiscalité et urbanisme) | Oui dans les domaines de compétences transférés (notamment droit foncier, agriculture, urbanisme, aide sociale). Statut civil coutumier applicable. |
Doté de l’autonomie | Oui | Oui | Oui | Non | Oui |
Les outre-mer et le Parlement
Les outre-mer sont représentés par 27 députés et 21 sénateurs. Chaque outre-mer élit au moins un sénateur. À l’Assemblée nationale, chaque outre-mer est aussi représenté par au moins un député, à l’exception de Saint-Barthélemy et Saint-Martin qui forment une circonscription législative unique.
Le Sénat a créé la Délégation sénatoriale aux outre-mer par l'arrêté n° 2011-282 du Bureau du Sénat en date du 16 novembre 2011. Elle compte 42 membres (l’intégralité des 21 sénateurs ultramarins et, à parité, 21 sénateurs de l’Hexagone et des Français de l’étranger).
La délégation est chargée d’informer le Sénat sur l’état de la situation des collectivités visées à l’article 72-3 de la Constitution et sur toute question relative aux outre-mer. Elle veille à la prise en compte des caractéristiques, des contraintes et des intérêts propres de ces collectivités et au respect de leurs compétences. Elle participe à l'évaluation des politiques publiques intéressant ces collectivités.
Cette initiative propre au Sénat a ensuite trouvé un fondement législatif. En effet, l’article 99 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle aux outre-mer a créé dans chaque assemblée une délégation parlementaire aux outre-mer.
Légende :
Départements et régions d'outre-mer (DOM-ROM) | |
Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie | |
Terres australes et antarctiques françaises | |
Ile de Clipperton, propriété de l'Etat |
[1] À l’exception de Wallis-et-Futuna dont le statut est toujours défini par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961.
[2] Loi n° 55-1062 du 6 août 1955 portant statut des TAAF et de l’île de La Passion-Clipperton. Il existe en effet un « treizième » outre-mer : l’île de Clipperton, également désignée par l’appellation « La Passion-Clipperton ». Elle est placée sous l’autorité directe du Gouvernement, le ministre de l’outre-mer étant chargé de son administration. C’est un atoll inhabité situé dans l’océan Pacifique à 1.000km au large des côtes du Mexique.