Le fonds de la Bibliothèque et des Archives du Sénat comporte des échanges de correspondance de Jean Jaurès ainsi que des articles de journaux rédigés de sa main entre 1904 et 1906 et parus principalement dans l'Humanité, qu'il fonde en 1904 et dirige jusqu'à sa mort en 1914.
Les manuscrits et articles publiés sont mis en regard et éclairés des commentaires d'historiens spécialistes de Jaurès.

ARTICLES DE JOURNAUX DE JEAN JAURÈS

  •  Le manuscrit (PDF - 4.74 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 1er juin 1905. Il dénonce la politique du tsar Nicolas II s’obstinant dans la guerre avec le Japon malgré les désastres subis, dont le plus récent est celui de Tsushima où vient de sombrer la flotte russe (27 et 28 mai  1905). La presse française s’affirme souvent solidaire du puissant allié, d’autant qu’elle en reçoit parfois quelques subsides. La Russie est pourtant fortement ébranlée par les défaites et par un mouvement révolutionnaire important depuis le « dimanche rouge » de janvier 19051. Jaurès avait mené campagne contre la guerre, attentif non seulement à la défense de l’entente cordiale avec la Grande-Bretagne, en l’occasion favorable au Japon, mais aussi au réveil national des peuples d’Extrême-Orient2 . La révolution lui semble pouvoir désormais aboutir, sinon à la chute du tsarisme, du moins à l’établissement d’une monarchie plus libérale et constitutionnelle qui serait une garantie pour la paix et pour l’évolution démocratique et sociale de l’Europe. Dans l’immédiat, la Russie accepte toutefois bientôt des négociations menées sous l’égide du président américain Theodore Roosevelt qui aboutissent au traité de Portsmouth (5 septembre 1905). La situation intérieure du pays demeure longtemps très troublée, mais concessions (régime représentatif avec une Douma accepté en octobre) et répression associées permettent au tsar de surmonter – jusqu’à la guerre – ce premier mouvement révolutionnaire3".

    1François-Xavier COQUIN, 1905. La révolution russe manquée, Bruxelles, Complexe, 1999.
    2Gilles CANDAR, « Les socialistes français et la révolution de 1905 », Cahiers du monde russe, 48/2-3, avril-septembre 2007 et Jaurès et l’Extrême-Orient, Paris, Fondation Jean-Jaurès, 2011.
    3Jean-Numa DUCANGE, Jaurès, les socialistes européens et la question impériale, Paris, Fondation Jean-Jaurès, « Les essais », 2015.

  •  Le manuscrit (PDF - 3.32 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 1er janvier 1906 et repris par La Cité, quotidien socialiste de Toulouse, le 3 du même mois. Jaurès y dénonce avec beaucoup d’âpre ironie la condamnation le 30 décembre précédent de Gustave Hervé à quatre ans de prison pour provocation de militaires à la désobéissance après avoir signé une affiche antimilitariste de l’Association Internationale Antimilitariste invitant les conscrits à la rébellion (« grève immédiate » et « insurrection ») en cas de guerre. Hervé effectue six mois de prison, de février à juillet 1906, bénéficiant d’une amnistie, mais il est condamné à nouveau pour des motifs analogues en 1907, 1910, 1911 et 19121. Au-delà du cas Hervé se pose toute la question de l’antimilitarisme et de l’action possible des socialistes contre le risque de guerre dans le cadre et en dehors de l’Internationale, discutée dans les congrès du parti socialiste et de l’Internationale2".

    1 Selon son biographe, au total 138 mois de prison, dont 40 mois finalement effectués en 1906, 1908 et de 1910 à 1912, voir Gilles HEURÉ, Gustave Hervé, itinéraire d’un provocateur, Paris, La Découverte, « L’espace de l’histoire », 1997.
    2 Georges HAUPT, Le congrès manqué, Paris, Maspero, 1965 et Gilles Candar et Vincent Duclert, Jean Jaurès, Paris, Fayard, 2014.

  •  Le manuscrit (PDF - 6.15 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 22 février 1906, repris dans l’édition par Max Bonnafous des Œuvres de Jean Jaurès : Le guêpier marocain (1906-1908), Paris, Rieder, 1933, p. 29-31. La tension est encore vive après la première « crise marocaine » entre la France et l’Allemagne après que le discours prononcé par Guillaume II à Tanger le 31 mars 1905 a pu paraître comme une ferme mise garde à l’encontre de la France. Opposé à toute conquête militaire du Maroc, conscient des risques de guerre, convaincu de l’utilité d’une coopération internationale afin d’aider le Maroc à se développer sans passer sous la coupe des puissances européennes, Jaurès suit de très près les affaires marocaines et intervient fréquemment dans la presse, en réunion publique ou devant la Chambre des députés1 . Il soutient le processus de la conférence internationale réunie en Espagne à Algésiras du 16 janvier au 7 avril 1906 sous l’égide des États-Unis d’Amérique et qui réunit treize pays (États-Unis, Maroc, France, Allemagne, Espagne, Autriche-Hongrie, Grande-Bretagne, Suède, Pays-Bas, Belgique, Portugal, Italie et Russie). Apparemment, ce processus évolue selon ses vues puisque la conférence aboutit à un accord préservant l’indépendance du Maroc, mais confiant la police des ports et indirectement le contrôle des finances marocaines à la France et à l’Espagne. La France poursuit son effort de pénétration politique, économique et militaire qui aboutit en 1912 au traité de protectorat contre lequel se prononce Jean Jaurès. Dans un de ses derniers discours, prononcé à Vaise, quartier de Lyon le 25 juillet 1914, Jaurès cite encore la conquête française du Maroc comme l’un des principaux éléments ayant contribué à dégrader la situation internationale et aviver le risque imminent de conflit mondial.".

    1Georges OVED, La gauche française et le nationalisme marocain, 1905-1955, 2 vol., Paris, L’Harmattan, 1984 et Rémi FABRE, « La campagne de Jaurès sur le Maroc. Entre pacifisme et colonialisme », Cahiers de la Méditerranée, n° 91, 2015.

  • Le manuscrit (PDF - 7.95 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 11 juillet 1905. Il s’agit aussi d’un article portant sur une question essentielle de notre histoire politique et sociale : la loi sur les retraites ouvrières (et paysannes) que s’apprête à voter la Chambre des députés (ce sera fait le 24 février 1906) avant de partir pour un long examen au Sénat1.
    Le sujet était débattu depuis longtemps car au programme des candidats républicains et la loi provenait d’une proposition d’origine parlementaire déposée en 1901. Elle reviendra du Sénat assez profondément transformée, en 1910 seulement, pour être votée in extremis le 5 avril de la même année par la Chambre de la Législature 1906-1910. En 1906, la retraite est possible à partir de 60 ans dans la proposition votée par la Chambre. Le Sénat imposera 65 ans en 1910, avant que Léon Bourgeois, ministre du Travail, ne parvienne à revenir à l’âge initialement prévu en 1912.
    Ces retraites sont fort modestes et la loi amendée par le Sénat est fortement discutée par les syndicalistes et chez les socialistes. La majorité de la CGT se prononcera contre elle et Jaurès devra batailler ferme au congrès socialiste de Nîmes (6 au 9 février 1910) après d’intenses controverses relayées notamment par L’Humanité pour faire approuver sa démarche2 . L’essentiel pour lui est d’obtenir le principe de la retraite fondée sur une triple cotisation (ouvrier, employeur, État). C’est le tout début du salaire indirect. Il doit affronter Jules Guesde, résolument hostile à toute cotisation ouvrière, mais peut compter sur l’appui décisif d’Édouard Vaillant, qui mène campagne pour un vaste projet d’assurance sociale contre le chômage, la maladie ou l’invalidité, la vieillesse qui préfigure la Sécurité Sociale mise en place après la Libération".

    1Bruno DUMONS et Gilles POLLET, L’État et les retraites. Genèse d’une politique, Paris, Belin, 1994.
    2Gilles CANDAR et Guy DREUX, Une loi pour les retraites. Débats socialistes et syndicalistes autour de la loi de 1910, Lormont, Le Bord de l’eau, 2010.

  •  Le manuscrit (PDF - 5.65 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 1er février 1907. Il s’inscrit dans le grand débat sur l’application de la loi de Séparation, rendu complexe par le refus pontifical d’accepter la loi (encyclique Gravissimo officii, 10 août 1906), mais aussi par les différences internes au camp laïque, majoritaire à la Chambre et au Sénat, qui dispose du pouvoir gouvernemental. Georges Clemenceau, président du conseil et ministre de l’Intérieur depuis la fin octobre 1906, n’est pas nécessairement et spontanément sur la même ligne que son ministre de l’Instruction publique, Beaux-Arts et Cultes, Aristide Briand, qui fut le rapporteur et artisan principal de la loi. Ce dernier parvient néanmoins à conserver le suivi global de la loi et assure la recherche des solutions nécessaires à son application en l’absence des associations cultuelles initialement prévues mais refusées par Pie X. Au demeurant, alors que les conflits s’aiguisent entre radicaux et socialistes sur les questions économiques et sociales, Jaurès et la majorité des socialistes soutiennent globalement sur ce dossier la politique gouvernementale cherchant à concilier « la fermeté et le libéralisme » comme l’indique l’historien Jean-Marie Mayeur1. Le député de Carmaux va même parfois plus loin : le 30 janvier à la Chambre, il intervient et réussit à empêcher une crise gouvernementale après que l’ironie dévastatrice de Clemenceau a amené Briand sur le seuil de la démission2.

    Pour l’heure, la discussion tourne sur l’application de la loi du 2 janvier 1907 sur « l’exercice public des cultes ». Dans cet article, Jaurès répond à la proposition de contrat décidée en réponse par l’assemblée des évêques de France réunie au château de La Muette où réside désormais l’archevêque de Paris3. Jaurès donne les conseils les plus pratiques aux municipalités pour y répondre et permettre l’exercice du culte tout en préservant les intérêts de la puissance publique. Si finalement le contrat-type demandé par les évêques ne sera pas adopté, l’organisation du culte pourra continuer sans difficultés majeures4. Jaurès se montre favorable à une évolution libérale de la loi sur les réunions publiques afin de supprimer la nécessité de la déclaration préalable, ce qui sera acquis par la loi du 28 mars 1907. Cet article constitue une leçon de laïcité concrète, volontairement détachée des divergences de principes s’exprimant au sein de la majorité républicaine. Au-delà, il n’est pas non plus impossible d’y déceler un début de prise de conscience qu’un des effets de la loi pourrait être de renforcer le pouvoir de la hiérarchie catholique sur son clergé."

     1 Jean-Marie Mayeur, La séparation des Églises et de l’État, Paris, Éditions de l’Atelier, 2005.
     2 Incident de séance souvent retranscrit, voir par exemple Jean Jaurès, Voici le XXe siècle !, tome 11 des Œuvres de Jean Jaurès 1905-1907, Paris, Fayard, 2019.
     3 Jacqueline Lalouette, L’État et les cultes. 1789-1905-2005, Paris, La Découverte, « Repères », 2005.
     4 Jean-Paul Scot, « L’État chez lui, l’Église chez elle ». Comprendre la loi de 1905, Paris, Seuil, « Points », 2005.

  •  Le manuscrit (PDF - 7.77 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 8 mars 1905, repris dans l’édition par Max Bonnafous des Œuvres de Jean Jaurès : La paix menacée (1903-1906), Paris, Rieder, 1931, p. 171-173. Il répond à un article du Temps, ce qui est fréquent dans les interventions jaurésiennes. Le député de Carmaux a l’occasion de mener la controverse avec de nombreux journaux : ces débats structurent la vie politique du temps en dehors de l’enceinte parlementaire. Mais deux organes dominent incontestablement : Le Temps et Le Journal des Débats, d’une nuance un peu plus conservatrice. Le Temps, « la bourgeoisie faite journal » selon une expression de Jules Guesde souvent réemployée, donne l’opinion du camp républicain modéré avec beaucoup d’autorité. C’est le journal que lisait Jaurès lorsqu’il était étudiant. Il continue à le faire bien entendu tout au long de sa vie. Le Bulletin de l’étranger qui occupe la colonne de gauche du journal passe pour représenter la voie officieuse de la France. Elle est d’ailleurs tenue, sous une forme anonyme selon les habitudes austères du quotidien, par d’importantes personnalités : de 1888 à 1905 Francis de Pressensé, puis André Tardieu. Il n’est pas impossible que cet article soit aussi l’occasion d’un premier heurt entre le nouveau style du nouveau responsable de la rubrique du Temps et Jaurès : il sera en tout cas suivi de beaucoup d’autres.
    Le fond de la controverse porte sur un sujet récurrent : le désarmement possible et derrière-lui les attitudes divergentes ou non des prolétariats et des socialistes des grandes puissances européennes : France, Allemagne, Grande-Bretagne. Les sociaux-démocrates allemands sont-ils plus « patriotes » et « militaristes », moins « internationalistes » que leurs homologues français ? Ou s’agit-il d’un jeu de polémique mené par les adversaires des socialistes dans les deux pays ? La question sera souvent agitée jusqu’en 1914, dans les polémiques opposant les socialistes à leurs adversaires, mais aussi dans le débat interne, avec « l’affaire Andler1  » en 1913, et depuis… Il n’est pas sûr d’ailleurs qu’il soit simple de lui fournir une réponse historiographique simple et unanime".

    1Christophe PROCHASSON, « L’affaire Andler/Jaurès. Une analyse de controverse », Cahiers Jaurès n° 145, juillet-septembre 1997, p. 45-62.

  •  Le manuscrit (PDF - 5.80 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 20 septembre 1905. Un article ironique, à la fin des vacances scolaires et parlementaires de l’été 1905, lorsque Jaurès constate l’affaiblissement de la pensée catholique, qui ne mobilise plus vraiment contre la loi de Séparation, et son remplacement comme ossature du conservatisme par le nationalisme avec toutes les polémiques qui ont eu cours dans les semaines précédentes autour de l’idée de patrie et de l’antipatriotisme réel ou supposé des syndicalistes révolutionnaires et de certains socialistes comme Gustave Hervé. Il n’est néanmoins pas impossible de déceler derrière l’ironie du directeur de L’Humanité un peu de nostalgie et de connivence avec l’espérance universelle professée par le catholicisme. Le quadrige patriotisme-internationalisme-catholicisme-socialisme ne se laisse pas si facilement réguler ou enfermer dans des formules trop simples et étroites. Faut-il ajouter que les controverses, avec quelques rencontres et beaucoup de dissentiments, entre Albert de Mun (1841-1914) et Jean Jaurès (1859-1914) structurent une bonne part de la vie politique de la Troisième République ? Ce fut très volontairement que leurs bustes furent choisis pour marquer le passage de la salle des colonnes à l’hémicycle au sein du Palais-Bourbon1 , jusqu’à ce que récemment Olympe de Gouges ne remplace l’ancien député du Morbihan et du Finistère."

    1Décision prise par la Chambre le 20 mai 1919, à la suite des propositions d'Albert Thomas (Jaurès) et de Denys Cochin (de Mun), dernière manifestation d'union sacrée après l'acquittement de l’assassin de Jaurès. Clin d'œil de l'histoire : le vote de la résolution s'intercale dans la discussion concernant le droit de vote des femmes aux élections locales ce qui contribue à légitimer l'actuel rapprochement entre les bustes de Jean Jaurès et d'Olympe de Gouges.

  •  Le manuscrit (PDF - 5.89 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 5 août 1904, repris p. 91-96 dans le tome 10, Laïcité et unité (1904-1905), des Œuvres de Jean Jaurès, édité par Gilles Candar et Jacqueline Lalouette (Fayard, 2015). Il s’agit d’abord d’une réponse à l’article « Church and State in France » publié par le Times du 3 août précédent. Jaurès expose les raisons qui rendent inévitable selon lui la Séparation en France1. Il se livre à un véritable essai d’histoire contemporaine et replace celle-ci dans le combat engagé depuis plusieurs années entre deux conceptions de la République, depuis les gouvernements Méline (1896-1898) et Waldeck-Rousseau (1899-1902) jusqu’à l’actuel cabinet Combes (1902-1905). La Séparation est bien pour lui un aboutissement logique de la bataille dreyfusarde et de la défense républicaine, et on peut donner acte à Jaurès qu’il affirmera cette analyse à maintes reprises, contribuant fortement à faire aboutir cette loi tout au cours des mois qui suivront jusqu’à sa promulgation en décembre 1905. Il donne l’esprit de la loi qu’il recherche : pas de « compromis équivoque » avec le Vatican, mais créer les conditions pour empêcher que puisse être présentée comme menacée la liberté de conscience.
    Son article s’insère dans une discussion de presse élargie : outre le Times, il évoque les notes rédigées par Henri des Houx [Henri Durand-Morimbau] et publiées sous le titre « France et Saint-Siège » par Le Matin des 2, 3 et 5 août 1904 ainsi que l’article d’Albert de Mun, « La rupture », paru dans La Croix du 3 août 1904 comme l’explique dans son annotation de 2015 l’historienne Jacqueline Lalouette et celui, non signé comme il est de tradition dans ce journal, du Temps : « Le lendemain » (5 août 1905)".

    1Voir Jacqueline LALOUETTE, La séparation des Églises et de l’État. Genèse et développement d’une idée. 1789-1905, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2005.

  •  Le manuscrit (PDF - 7.25 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 7 avril 1905. Il témoigne du soutien franc, net et massif qu’apporte Jaurès à la séparation des Églises et de l’État telle que l’a préparée le rapporteur de la commission ad hoc, Aristide Briand. Malgré les divergences politiques qui pointent entre les deux dirigeants du Parti Socialiste Français, deux semaines avant l’unification du socialisme ardemment souhaitée par le député du Tarn, mais qui laisse pour le moins très dubitatif et réservé son collègue de la Loire, ils parviennent tous deux à maintenir leur coopération sur ce point essentiel du débat public. Leur profonde entente sur le contenu de la loi s’avère déterminante. Cet article intervient d’ailleurs au cours des séances décisives à la Chambre du début d’avril 1905 qui voient l’élaboration de ses principes fondamentaux. Georges Leygues (1857-1933) auquel est consacrée la fin de l’article joue lui aussi un rôle essentiel. Député du Lot-et-Garonne, ancien et futur ministre, c’est la personnalité marquante de l’Union démocratique, c’est-à-dire d’un groupe intermédiaire entre les radicaux et les modérés. Lors de la césure fondamentale de juin 1899, il a choisi la « défense républicaine » avec Waldeck-Rousseau dont il a été le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (1899-1902). Il intervient fréquemment dans le processus de discussion et de vote de la loi de Séparation pour obtenir qu’elle soit la plus libérale possible et compatible avec les intérêts catholiques. Il obtient suffisamment gain de cause pour voter la loi le 3 juillet 1905".

  •  Le manuscrit (PDF - 8.71 Mo)

  • Le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans L’Humanité du 24 octobre 1905. Il porte les caractéristiques coups de crayon bleu du metteur en pages.
    La situation politique de Jaurès n’est pas alors des plus aisées. L’unité socialiste est faite. Le congrès de la salle du Globe l’a entérinée en avril 1905. Mais Jaurès est loin d’avoir été suivi par tous ses amis du Parti Socialiste Français (PSF). Briand et Viviani hésitent à le suivre, et de fait, se séparent bientôt de lui pour devenir ministres, le premier dès mars 1906 au sein du cabinet Sarrien, le second rejoignant le premier dans le cabinet Clemenceau en octobre 1906. Pendant toute l’année 1905, la France est gouvernée par un ministère Rouvier qui semble devoir marquer une pause après les années d’action anticléricale menée vigoureusement par son prédécesseur Émile Combes. En principe, la majorité est restée la même (modérés laïques comme Rouvier, continuateur de Waldeck-Rousseau, radicaux et radicaux-socialistes de toutes tendances, socialistes parlementaires), mais les socialistes ont cessé dès janvier 1905 leur participation à la délégation des gauches qui coordonnait au Parlement l’action de la majorité. Néanmoins, ce gouvernement annoncé un peu partout comme modéré parvient à conclure un certain nombre de réformes initiées par ses prédécesseurs : la loi de Séparation des Églises et de l’État est la plus connue d’entre elles, mais il faut mentionner aussi le repos hebdomadaire, le service militaire égal (suppression de la plupart des dispenses) de deux ans, l’assistance aux vieillards et infirmes, la journée de travail de 8 heures dans les mines, etc.
    Le congrès de Chalon-sur-Saône (29 octobre-1er novembre 1905) est le premier véritable congrès du parti unifié, celui de la salle du Globe s’étant limité à ratifier l’accord d’unification. La question cruciale de l’attitude électorale doit y être débattue. Les guesdistes entendent affirmer le caractère de classe du parti et assurer leur domination au moins idéologique sur le nouveau parti. Un de leurs plus sûrs espoirs, Marcel Cachin (1869-1958), propose dans une motion de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions et s’apprête à expliquer au congrès : « nous pratiquerons non la politique de la main tendue, mais la politique du poing tendu ». Ils sont d’autant plus déterminés que Jaurès est alors incontestablement affaibli : outre les défections actées ou à venir de ses anciens amis, il peine à maintenir en vie son quotidien L’Humanité, dont les ventes sont tombées au plus bas (12 000 exemplaires vendus à l’été 1905).
    Pourtant, Jaurès se bat. Il soutient pour le congrès la motion de Louis Révelin (1865 1918) , professeur et avocat, un de ses proches collaborateurs à L’Humanité, mais esprit indépendant comme il l’avait montré au cours de l’existence du PSF. Révelin souhaite lui aussi le maximum de candidatures socialistes. Il entend cependant continuer au second tour la pratique de la discipline républicaine pour battre conservateurs et cléricaux (c’est-à-dire dans le langage de l’époque les soutiens de l’Église catholique). Sa motion sera marginalisée au congrès (29 mandats, moins de 10 % des votes). Peu importe pour lui comme pour Jaurès : l’essentiel est que Vaillant, qui avait fait équipe entre 1901 et 1905 avec Guesde contre Jaurès, officialise alors implicitement son changement d’alliance en reprenant une bonne part de leurs arguments. Comme Allemane auquel Jaurès rend un hommage appuyé dans son article pour sa participation au combat dreyfusard, Vaillant souhaite affirmer la prééminence des fédérations dans la tactique électorale et il accepte de rejoindre Jaurès pour donner toute son importance au combat laïque et républicain. Tout est d’ailleurs affaire de nuances… Les guesdistes ne disent pas absolument le contraire, et leurs pratiques électorales sont analogues (il faut bien de toute façon finir par s’entendre avec les radicaux pour constituer une majorité) mais ils préfèrent parler d’« intérêt prolétarien » et non de « désistement républicain ». En attendant, satisfaits d’obtenir la majorité (52 % des mandats pour la motion Cachin), ils acceptent une motion commune en faveur de la généralisation des candidatures au 1er tour, autant que possible, alors que pour le second tour les fédérations agiront « au mieux des intérêts du prolétariat et de la République sociale » selon les termes de la commission spécifique pour laquelle rapporte le guesdiste Bracke (1861-1955). Et progressivement, avec ses nouveaux alliés, Jaurès parvient à construire sinon son hégémonie, du moins à affirmer sa primauté au sein du parti socialiste unifié".

    Frappé par la maladie, Révelin dut abandonner peu à peu ses responsabilités politiques. Il est par ailleurs parfois connu pour avoir été le second époux de Noémi, la grand-mère de Roland Barthes. 

  •  Le manuscrit (PDF - 7.22 Mo)

  • Le commentaire de Alain CHATRIOT, professeur des universités, Centre d’histoire de Sciences Po

    "Ce manuscrit est celui de l’article paru sous le même titre dans La Dépêche le 28 décembre 1903. Il s’inscrit dans une réflexion continue de Jaurès sur le rôle que devrait tenir le Sénat dans la République . Son expression est très claire lorsqu’il souligne qu’« il y a un intérêt capital à ce que le Sénat soit en harmonie avec la démocratie ». La position du député républicain puis socialiste est en effet critique mais assez subtile. On le comprend à travers les arguments qu’il déploie dans un article publié dans le même journal près de quinze ans plus tôt sous le titre « Constitution républicaine » (6 mai 1888). Il y rappelle alors la fidélité issue de la Révolution française à l’idée d’une chambre unique et les défauts du Sénat qui « retarde l’œuvre législative » et « devient fatalement une force de résistance ». Mais conscient des enjeux institutionnels en pleine crise boulangiste, il y voit aussi quelques avantages : « le Sénat nous rend un double service très grand. Il donne à la Chambre le temps de la réflexion et prévient les entraînements législatifs. Il donne aussi au pays le temps de la réflexion, et une surprise d’une heure, un affolement passager, ne peuvent plus précipiter dans la servitude toute une suite de générations. »
    Pour conserver cette modération du Sénat mais en corriger l’aspect conservateur, Jaurès plaide en 1889 et 1890 pour une « chambre du travail » qui le remplacerait. En 1896 Jaurès réagit vivement lors de la chute du gouvernement de Léon Bourgeois renversé sur le dossier de l’impôt sur le revenu par le Sénat, mais il se félicite par la suite du rôle courageux joué par le Sénat lors de l’Affaire Dreyfus. Dans l’article de 1903, Jaurès souligne le risque de défiance du prolétariat face à une institution « oligarchique et étroite qui fasse obstacle au suffrage universel ». Si Jaurès accepte une forte représentation des communes rurales – en républicain et en socialiste, il sait bien l’enjeu de la conquête des campagnes pour l’établissement définitif de la République -, il se plaint d’une sous-représentation des forces ouvrières. Dans cet article Jaurès n’appelle donc pas à la suppression du Sénat mais à la poursuite de sa transformation en tirant les leçons des crises traversées victorieusement par la IIIe République : « Il était il y a vingt-cinq ans la forteresse de la réaction. Il est devenu, contre la réaction, contre le boulangisme, contre le nationalisme, contre le cléricalisme, et aussi contre le mélinisme, une forteresse de la République. En ce sens, le progrès est immense, et il n’a pas été obtenu par des coups de force et des mouvements de la rue, mais par l’action légale, par l’influence grandissante et l’infiltration continue de la démocratie. Maintenant, c’est dans l’ordre des questions économiques et sociales qu’il faut faire la conquête du Sénat. »".

    Alain Chatriot, « Jaurès face au Sénat. La Chambre haute : problème ou solution pour les socialistes et les républicains », Cahiers Jaurès, 2004/4 (N° 174), p. 39-52.

CORRESPONDANCE DE JEAN JAURÈS

  •  Le manuscrit des lettres de Jean Jaurès à Lucien Bilange (PDF - 781 Ko)

  • La retranscription et le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Ces deux lettres de Jean Jaurès (1859-1914), adressées à son secrétaire, Lucien Bilange (1880-1959) ont été très probablement écrites au cours de l’été 1907. La session parlementaire s’achève le vendredi 12 juillet 1907. Jaurès participe ensuite au congrès du parti socialiste à Nancy (11-14 août 1907), puis au congrès de l’Internationale à Stuttgart (16-24 août 1907), dont il rend compte dans la presse et par un grand meeting salle Tivoli le 7 septembre. Les lettres se situent vraisemblablement au début des vacances parlementaires. Nous pourrions les dater de la mi-juillet, sans doute samedi 13 et mardi 23 juillet, la première juste avant son départ pour Bessoulet , et la seconde peu après son arrivée, prévue pour le mercredi 17 au plus tard ? Certes, il n’est pas impossible que Jaurès soit reparti dans le Tarn en septembre, mais alors sa femme et ses enfants devaient déjà y être, et la publication envisagée dans la correspondance sur la guerre franco-allemande avait commencé à paraître, ce qui rend impossible une datation aussi tardive. Quoi qu’il en soit de la chronologie entre les deux missives et des jours précis de leur rédaction, le mois de juillet 1907 s’impose donc comme le moment d’écriture des deux lettres, ce qui permet de préciser suffisamment le contexte."
    Lire la suite... (PDF - 305 Ko)

  •  Le manuscrit de la lettre d’Auguste Rodin à Jean Jaurès (PDF - 159 Ko)

  • La retranscription et le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "Il s’agit de la seule lettre entre les deux hommes que nous connaissions. La correspondance reçue par Jaurès n’a pas été conservée pour l’essentiel. Républicain et dreyfusard, Auguste Rodin (1840-1917) semble selon ses biographes avoir toujours gardé une grande prudence en politique que ne dément pas tout à fait cette lettre courtoise et chaleureuse. Parmi l’immense bibliographie consacrée à Rodin, signalons pour notre perspective Rose-Marie Martinez, Rodin, l’artiste face à l’État, Paris, Séguier, 1996."
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  •  Le manuscrit de la lettre de Léon Bourgeois à Jean Jaurès (PDF - 255 Ko)
     
  • La retranscription et le commentaire de Gilles CANDAR, historien, président de la Société d'études jaurésiennes

    "C’est la seule lettre de Léon Bourgeois à Jean Jaurès que nous connaissions, ce qui peut s’expliquer par la grande rareté de la correspondance jaurésienne conservée. Léon Bourgeois (1851-1925) est une sommité du radicalisme, qui fut président du Conseil (1895-1896), président de la Chambre des députés (1902-1904) et président du Sénat (1920-1923). Jaurès et les socialistes auraient souhaité qu’il puisse accéder à la présidence de la République en 1913, mais les divisions du parti radical ne lui ont pas permis d’être candidat. Il reste comme un grand défenseur de l’arbitrage international et un penseur autant qu’un homme d’action du réformisme social, cf. son Solidarité (1896), réédité en 2008 avec d’autres textes et une présentation de Marie-Claude Blais par Le Bord de l’eau, dans la collection « Bibliothèque républicaine »."
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  • Cf. "La correspondance jaurésienne aux archives du Sénat : lettres de Jean Jaurès, présentées par Gilles Candar" dans Cahiers Jaurès, n° 245-246,  Juillet/Décembre 2022, p. 139-147.