Divers épisodes de l'histoire du jardin du Luxembourg attestent d'une pratique ancienne mais restreinte de jeux et de sports. En 1644, le peintre et écrivain anglais, John Evelyn, mentionne dans son journal les jeux de boule et de balle du Luxembourg.
La première course de draisiennes (ancêtre de la bicyclette, dépourvu de pédalier) est organisée au Jardin du Luxembourg en 1818.
Au début de la IIIe République, le jardin du Luxembourg reste un des lieux favoris des Parisiens. Ils y viennent nombreux goûter le calme de ses allées. Toutefois, s'ils apprécient toujours les charmes d'une promenade, ils s'intéressent également, grâce à l'influence des étudiants tant français qu'anglo-saxons qui fréquentent le jardin, aux sports tels qu'ils se pratiquent dans les collèges britanniques. Peu à peu, le Sénat répond à cette demande en l'encadrant et se dote d'équipements appropriés.
Les demandes
L'essentiel des activités ludiques et sportives pratiquées dans le jardin est soumis à autorisation des Questeurs. Les demandes peuvent être individuelles pour le tennis, par exemple, ou le croquet. Elles peuvent également émaner d'établissements scolaires ou d'associations sportives, comme le Red Star Club. Elles sont annuelles, peuvent être renouvelées et donnent lieu à une autorisation qui doit être présentée à la moindre réquisition des surveillants. En cas d'incident, ceux-ci sont autorisés à confisquer ces autorisations jusqu'à éclaircissement du problème. Quant aux distraits qui égarent leur précieux sésame, ils sont pénalisés : la Questure n'établit pas de duplicata en raison des possibilités de fraude.
Parmi toutes les demandes, certaines sont rejetées d'emblée : le tir à la carabine de salon et l'arbalète ont semblé aux Questeurs particulièrement dangereux pour le public qui fréquente le jardin. En 1921, le « football rugby », qui ne porte pas encore le nom seul de rugby, se voit également opposer un refus en raison de la dureté du sol qui rendrait les chutes et les placages périlleux. Accepté en 1903, le hockey est finalement interdit en 1934 car lui aussi considéré comme dangereux. L'autorisation de jouer à « la balle à la pelote » est également rejetée en 1926 en raison de l'encombrement des espaces réservés.
Les activités permises
Cependant beaucoup de demandes reçoivent une réponse positive : ainsi sont accueillis dans le jardin vers 1890, les élèves de l'école communale du VIe arrondissement, de l'École Alsacienne, des lycées Saint-louis, Louis le Grand, Bossuet, Buffon etc., pour y suivre des cours d'éducation physique devenus obligatoires depuis peu.
L'entraînement « en tenue de course à pied » est également accepté en 1899 sous réserve « de ne pas nuire au bon ordre du jardin ».
Les autorisations accordées à certains jeux ou sports sont parfois assorties d'une obligation de pratique dans des endroits réservés. Ainsi les boules et le jeu de paume ont leur terrain, le tennis, le diabolo et le croquet aussi.
Ce dernier fait son apparition dans le jardin du Luxembourg sous le Second Empire. Depuis cette époque, l'engouement dont il bénéficie est tel que l'emplacement qui lui est dévolu, se révèle vite insuffisant. Saisis de ce problème, les Questeurs rejettent la demande d'espace supplémentaire en soulignant que « le jardin étant presque envahi, les enfants, les familles et le public pourraient avoir à en souffrir ».
D'autres catégories de sports reçoivent une autorisation partielle. C'est le cas des bicyclettes. Seules celles des enfants, à condition qu'elles ne soient pas conduites trop vite, peuvent circuler dans l'allée Vavin. Quant aux jeux de balle ou de ballon, ils font l'objet de plusieurs décisions de questure entre 1891 et 1937. Ils sont tout d'abord tolérés dans une allée qui fait face à l'Observatoire, puis dans un deuxième temps, seuls les jeux de balle à la main sont permis à cet endroit. Le basket-ball et le volley-ball ont donc naturellement droit de cité dans cet emplacement réservé.
En mars 1919 un détachement de soldats américains basé à la Sorbonne , obtient la permission de jouer au base-ball dans cette partie du jardin. D'autres compatriotes, non autorisés, les rejoignent et s'installent dans un endroit différent. Quelques accidents se produisent. Les Questeurs reviennent sur leur décision et précisent que seul le jeu de balle à la main est permis et non « avec un bâton ».
Les incidents et les accidents
Peu de jeux sont exempts d'incidents et d'accidents, même le croquet. L'emplacement qui lui est réservé dans le jardin du Luxembourg, ne permet d'installer simultanément que trois jeux. Certains amateurs viennent là depuis plus de vingt ans et ont fini par considérer ce terrain comme leur propriété. L'arrivée d'une nouvelle joueuse en 1911 sème quelque peu la perturbation dans l'univers des habitués. Ils l'obligent tout d'abord à quitter les lieux puis, quelques mois plus tard, prennent ses boules, piétinent ses arceaux et l'abreuvent de « mots malsonnants ».
Un autre jeu, tout aussi paisible, est à l'origine d'accidents : le diabolo. En vogue sous l'Empire où il se pratiquait dans les salons brisant glaces et bibelots, il fait à nouveau fureur en 1907. Dans les rues et les jardins publics, enfants et adultes s'exercent au lancement du petit barillet. « Le magnifique jardin du Luxembourg est transformé en emplacement de concours pour diabolo »
Les protestations
L'interdiction de pratiquer telle ou telle activité dans le jardin suscite toujours des réactions. Les Questeurs reçoivent des lettres de protestation ainsi que des pétitions émanant de pères de famille. Les arguments évoqués sont souvent similaires.
Les courriers insistent sur les qualités développées par la pratique du jeu en question : agilité, sang-froid, force, discipline pour le football, « dérivatif excellent et hygiénique pour les enfants qui passent leurs journées dans des classes souvent surpeuplées »
Les arguments des questeurs
A ces protestations et pétitions, les Questeurs opposent leurs arguments. La sécurité des promeneurs et des enfants est l'un des plus importants et des plus fréquemment utilisés ainsi que la surface non négligeable aliénée aux emplacements réservés. En 1906, les décisions de Questure évoquent les dégradations commises par les ballons de football : branches d'arbre cassées, carreaux des grandes serres brisés, statues mises à mal par les joueurs maladroits... Un journaliste qui relate les incidents, précise que « Sainte-Beuve a eu un œil poché et le nez cassé ». Enfin, suprême argument afin d'étayer leur rejet de l'aménagement d'une piste pour les patins à roulette, les questeurs soulignent en 1937 que « le jardin du Luxembourg est avant tout un jardin d'agrément, de repos et de promenade... qu'il est l'une des parures de Paris avec ses massifs de fleurs et ses pelouses et qu'à aucun prix, il ne faut lui enlever ce caractère pour en faire un terrain de jeux ».