Le parc d'artillerie

L'examen et la ratification des préliminaires de paix nécessitent une prolongation de cet armistice que Bismarck accepte, obtenant en contrepartie l'entrée d'un corps de trente mille hommes dans le quartier des Champs-Élysées. Cette concession se répand comme une traînée de poudre. Les journaux annoncent l'entrée des soldats prussiens pour le 27 février. Les Parisiens pensent aux canons de la Garde nationale entreposés place Wagram. "Qui sait si [les Prussiens] n'allaient pas étendre leurs doigts crochus jusqu'à ces belles pièces coulées avec le sang, la chair des Parisiens, marquées aux chiffres des bataillons" (Lissagaray). Le soir du 26 février, hommes, femmes et enfants, venant de tous les quartiers, s'attellent aux lourds canons et, en un lent cortège, les emportent dans différents points de la capitale : une partie de ces canons arrivent le lendemain vers 9h dans le jardin du Luxembourg.

Le camp militaire

Le 69e régiment de ligne s'installe dans le jardin le 15 mars. Les soldats montent leurs tentes, coupent des arbres pour faire du feu et l'alimentent avec les chaises du jardin, les treillages, les corsets des jeunes arbres au grand dam de l'architecte du Palais qui proteste énergiquement.

Le 18 mars 1871, c'est l'insurrection.

Cette journée dans les jardins du Luxembourg nous est rapportée par A. de Balathier Bragelonne, cité dans le livre de Bernard Morice Le Palais du Luxembourg et la vie des hommes : "Plusieurs compagnies de gardes nationaux se présentèrent aux portes. Après quelques pourparlers, on laissa forcer l'entrée avec la plus grande facilité... Bientôt après, le Luxembourg fut investi par les gardes nationaux qui s'empressèrent d'aller renforcer la garde préposée à la surveillance des canons.

Les soldats fraternisèrent alors avec la Garde nationale et sortirent sans arme du jardin, pour se répandre avec leurs nouveaux amis dans les cabarets voisins."

Cependant le soir, quand le régiment veut sortir, les gardes nationaux s'opposent à son passage. La situation reste stationnaire quelques jours : les soldats à l'intérieur du jardin "errant comme des âmes en peine autour des baraques", et bientôt à court de vivres, et les gardes nationaux à l'extérieur, les invitant à se rendre.

L'insurrection

Puis le 24 mars, le 69e de ligne plie ses tentes et sort du jardin sans la moindre opposition : le comité central de la Garde nationale a finalement décidé qu'un combat risquait d'être meurtrier sans aucun bénéfice pour la République.

Et le jardin ouvre à nouveau ses portes aux promeneurs. Les enfants inventent un nouveau jeu, "la manifestation", et ils mettent le feu à la paille laissée par les soldats et répandue en abondance dans les allées

Les derniers combats

Les Versaillais entrent dans Paris le 21 mai. Le 24, ils prennent la mairie du VIe arrondissement et, de là, arrivent jusqu'au jardin du Luxembourg. Les Fédérés se replient et font sauter la poudrière établie sur des terrains vagues du Luxembourg. L'orangerie, qui est située à proximité, est fort endommagée et les serres également. Une partie des balustrades a été brisée, les clôtures renversées, les grilles arrachées et partout le sol est jonché de débris.

Ce sont les derniers combats avant que le jardin ne soit le théâtre des exécutions des Communards