LE JARDIN DU LUXEMBOURG DURANT LA GUERRE DE 1870

Une fois la sentence rendue, l'exécution est immédiate : on mène les prisonniers jusqu'au mur de la grande terrasse où ils sont fusillés par petits groupes, après une longue attente. Maxime Vuillaume, journaliste au Père Duchêne, l'un des journaux les plus engagés de la Commune, est l'auteur d'Une journée à la cour martiale du Luxembourg. Il raconte sa propre arrestation et son passage à « l'abattoir du Luxembourg », dont il réchappe grâce à la complicité d'un sous-officier : « On fusillait derrière ces bosquets, dont le vert feuillage m'était apparu et que je revoyais criblé de gouttes de sang [...] On fusillait aussi autour du grand bassin, près du lion de pierre qui surmonte les escaliers menant à la grande allée de l'Observatoire, le long de la balustrade de gauche [...] Je me représentai l'horrible scène. La montagne de morts, ceux qui avaient été fusillés les premiers, écrasés sous le poids de ceux qui étaient venus s'abattre sur leurs cadavres, toute cette chair trouée et sanglante sur la pelouse barbouillée de sang».


Exécution des fédérés dans le jardin du Luxembourg
Bernard Morice rapporte les faits suivants : « Dans le Jardin du Luxembourg, les cadavres s'accumulent. On les arrose de chaux vive, en attendant leur enlèvement. On les chargera ensuite sur des camions [...]. » Puis, citant Louis Fiaux : « Au cimetière Montparnasse, on a creusé d'immenses et larges fosses, larges de dix mètres carrés et de la même profondeur. Ensuite, on place les cadavres vingt par vingt et on les recouvre d'une couche de chaux [...] C'est du Luxembourg que partent presque tous ces horribles convois ».

De la foule anonyme des fusillés du Luxembourg se détache le docteur Tony-Moilin. Médecin de formation, il s'intéresse à la politique et décrit sa vision d'une société idéale et fortement égalitaire dans Paris en l'an 2000. Ses agissements politiques lui valent une condamnation à cinq années de prison en 1869. Libéré à la chute du Second Empire, il s'engage dans la Commune. Maire du VIe arrondissement pendant quelques jours, il préfère par la suite soigner les fédérés blessés. Dénoncé et arrêté, il est jugé au Luxembourg. Durant son interrogatoire, il confesse que la Commune l'a déçu, pour ajouter aussitôt : « Moi, je suis pour la République universelle et pour l'égalité parmi les hommes ! » Condamné, il demande à régulariser sa situation vis-à-vis de sa concubine enceinte, ce qui lui est accordé. Il est fusillé trois heures après son mariage. Sa veuve n'obtient pas son corps qu'elle avait réclamé.