Fils d'un modeste tailleur, Émile Combes naît dans le Tarn, le 6 septembre 1835. Après des études au séminaire et à la Sorbonne , il s'oriente vers l'enseignement. Docteur ès lettres en 1860, il s'installe à Pons, en Charente-Inférieure. Après des études de médecine, il y ouvre un cabinet médical, où il exerce jusqu'en 1885. Conseiller municipal en 1874, il est élu maire deux ans plus tard et ne quitte plus son poste jusqu'en 1919. Élu conseiller général de son département en 1879 - qu'il préside de 1897 à 1921 - il accède au Sénat en janvier 1885, après un échec aux législatives de 1881. Continuellement réélu (1894, 1903, 1912, 1921), il conserve son siège jusqu'à son décès.
Combes prend vite au Sénat une place prépondérante, justifiée par son travail acharné et minutieux, dont témoignent une vingtaine de rapports et de multiples interventions.
En 1893 et 1894, il préside le groupe de la Gauche démocratique, dont il est le fondateur. En novembre 1893, il accède également à la vice-présidence de la Haute Assemblée , qu'il conserve jusqu'en 1895.
Ses centres d'intérêt sont multiples. Médecin, il défend la compétence de sa profession dans l'internement des aliénés (1887) et dénonce l'insuffisance du niveau scientifique du doctorat (mars 1892). Il devient en 1894 vice-président d'une commission extraparlementaire chargée d'enquêter sur le problème de l'inspection dans la Marine. Sa volonté de renforcer les moyens de contrôle n'aboutit cependant qu'en 1901, lorsqu'il est nommé rapporteur d'une seconde commission, exclusivement parlementaire.
Cependant, ses préoccupations majeures sont l'enseignement et la laïcité. Sur le premier sujet, il propose, en 1889 puis en 1893, une rationalisation du budget de l'enseignement primaire et l'organisation du personnel en un corps unifié et hiérarchisé, afin d'améliorer le sort des instituteurs. Insatisfait par les avancées obtenues, il réclame, lors de la discussion du budget de l'instruction publique, le 5 avril 1900, une hausse des traitements : « [Les instituteurs] sont en droit de se demander si la République les oubliera éternellement, si la République ne rendra pas à leurs efforts la justice qui leur est due ». Il procédera lui-même à cette hausse, à la Présidence du Conseil, en 1903.
Partisan de l'égalité des baccalauréats classique et moderne, afin d'ouvrir aux « modernes » l'accès aux professions libérales, il défend ses idées et interpelle les ministres régulièrement entre 1890 et 1894. Ministre de l'Instruction publique au sein du cabinet Bourgeois en 1895, il n'a pas le temps de procéder à cette réforme. Redevenu sénateur, il dépose en 1898 une proposition de loi (JPG - 218 Ko) en ce sens, dont la discussion est ajournée par le Gouvernement. Une loi du 30 mars 1902, établissant la parité des diplômes, finit par lui donner raison.
Son intérêt pour l'enseignement se porte jusqu'en Algérie, où il effectue trois séjours entre 1892 et 1894. Une commission d'étude sur l'ensemble des intérêts algériens lui confie deux rapports, l'un sur l'enseignement primaire des indigènes, déposé le 18 mars 1892, l'autre sur l'organisation de l'enseignement supérieur musulman, les medersas, le 2 février 1894. Non sans avoir dénoncé les préjugés à l'égard de la population, ainsi que l'attitude des autorités locales et des colons, il prône la mise en place systématique de l'instruction primaire destinée aux indigènes, dans le respect de leurs mœurs, de leurs croyances et de leur langue, et non par l'exportation sans adaptation de la culture française. Il préconise également la réhabilitation des medersas, tombées en déshérence dès les débuts de la colonisation. Son travail lui vaut l'admiration de la presse et la gratitude de ceux qu'il défend. Pourtant, il lui faudra encore se battre lors de chaque discussion budgétaire pour le maintien des crédits nécessaires à l'application de son programme.
Son combat le plus fameux reste celui qu'il mène en faveur de la laïcité, en tant que sénateur et plus encore en tant que ministre. Comme sénateur, il préside la commission chargée d'étudier le projet de loi sur la liberté d'association, présenté par Waldeck-Rousseau. Le 21 juin 1901, intervenant sur l'article 14, qui interdit l'enseignement aux congrégations non autorisées, Combes démontre que les régimes monarchiques ont eux aussi fait preuve de sévérité à l'égard de ces congrégations et dénonce l'engouement de la bourgeoisie pour l'enseignement congréganiste, au détriment de l'enseignement public. Il fait valoir qu'une congrégation non autorisée n'a pas d'existence légale et ne saurait donc avoir de droits, y compris celui d'enseigner, droit qui ne peut d'ailleurs être considéré comme un droit naturel et inconditionnel. Lorsqu'un sénateur le renvoie à son passé de séminariste, il répond : « Je suis un fils d'ouvrier ; je n'ai pas eu comme vous la bonne fortune de venir au monde avec un nid tout préparé et une situation toute faite. J'ai dû chercher l'éducation là où j'ai pu la trouver. Mais je l'ai payée [...] et je ne dois rien à personne ».
Successeur de Waldeck-Rousseau à la Présidence du Conseil en juin 1902, et ministre de l'Intérieur et des Cultes, c'est à lui de faire appliquer la loi fraîchement votée. Sa rigueur dans ce domaine lui vaut des haines tenaces. Le 28 octobre, certains sénateurs jugent sa politique agressive, brutale, autocratique, « la plus réactionnaire et la plus misérable qu'on puisse imaginer ».
Il répond par une argumentation juridique solide et l'affirmation de sa résolution : « Nos oreilles seront sourdes aux imprécations ; notre épiderme sera insensible aux attaques. [...] Nous n'avons qu'une passion, toujours ardente, toujours vibrante au cœur, le dévouement à la République ». Il plaide la seule application du texte lorsque Waldeck-Rousseau, le 20 novembre 1903, l'accuse d'avoir transformé une loi de contrôle en une loi d'exclusion. Entre temps, six demandes d'autorisation de congrégations sont déposées sur le bureau du Sénat. Combes n'en refuse qu'une, dénonçant son caractère intéressé : « Ce n'est pas pour ses orphelins que la congrégation travaille, c'est pour elle, uniquement pour elle, que travaillent ses orphelins ». En dépit des critiques, il poursuit sa lutte contre le cléricalisme : en juin 1904, le Sénat vote un projet de loi interdisant l'enseignement à toutes les congrégations. Quant à la séparation des Églises et de l'État, si Combes tergiverse encore lors de l'examen du budget des cultes en 1903, indiquant que l'heure n'est pas venue, il propose peu après un texte, auquel sera préféré celui d'Aristide Briand.
Contraint à la démission, le 18 janvier 1905, par l'usure du pouvoir et le scandale des fiches, c'est en tant que sénateur que Combes s'exprime sur la séparation, le 6 décembre 1905, se contentant d'indiquer que son groupe votera le texte pour « consacrer, par une mesure définitive, la neutralité confessionnelle de la République ». De 1905 à 1906, puis de 1909 à 1921, il retrouve la présidence du groupe de la Gauche démocratique et est élu à la tête du Parti radical en 1910.
(JPG - 198 Ko)Ses interventions se font plus rares. Le 26 mars 1912, il remet un rapport de commission d'enquête dénonçant l'opacité du processus de liquidation des congrégations et regrettant le détournement de son œuvre « par des hommes poussés uniquement par l'amour du lucre ».
Combes participe au cabinet Briand, du 29 octobre 1915 au 12 décembre 1916. Il décède le 21 mai 1921.
Le 20 février 1930, le Sénat décide de poser une médaille à la place qu'il occupait dans la salle des séances du Palais du Luxembourg.