A peine remis de ses émotions, l'infatigable Mérimée reprend son bâton de pèlerin et entame sa quête de l'immortalité. Quatre mois après son élection, il porte son choix sur l'un des trois fauteuils vacants à l'Académie française, celui de Charles Nodier. Le ballet des visites reprend sur un rythme plus soutenu. « Le plus drôle, écrit-il à Jenny Dacquin, c'est quand on rencontre des rivaux. Plusieurs vous font des yeux à vous manger tout cru. Je suis excédé de toutes ces visites ». Mérimée fait d'abord cautionner sa lettre de candidature par Pierre Lebrun et Victor Cousin. Il peut aussi compter sur les voix de Thiers, de Molé, du chancelier Pasquier, de Mignet, de Chateaubriand, de Barante, de Tocqueville, de Villemain et de Guizot. Il est élu le 14 mars 1844 au septième tour au fauteuil de Nodier avec dix-neuf voix contre treize à Bonjour et quatre à Vigny. Mais le plus dur reste à faire : le discours de réception. Mérimée n'avait jamais vu Nodier et le personnage lui était profondément antipathique. « Il me faut d'abord lire ses ouvrages, ce qui n'est pas toujours facile ni trop amusant, puis les louer, ce qui coûtera à ma franchise », écrit-il à Mme de Montijo. Il avoue à Albert Stapfer : « Il m'a fallu lire les oeuvres complètes de Nodier... C'était un gaillard très taré qui faisait le bonhomme et avait toujours la larme à l'oeil. Je suis obligé de dire dès mon exorde que c'était un infâme menteur. Cela m'a fort coûté à dire en style académique. Enfin, vous entendrez ce morceau si je ne crève pas de peur en lisant ». Le grand jour est fixé au 6 février 1845. Etienne étant gravement malade, Mérimée fut reçu par Viennet, chancelier. « Mon visage était de la même couleur que les broderies vertes de mon habit » écrit-il à Mme de Montijo. Mais tout se passe bien : « Je me suis trouvé un aplomb rare. Je ne sais si le public a été content de moi, je le suis de lui.... » écrit-il à Jenny Dacquin. L'accueil de la presse fut plus mitigé. La Quotidienne trouve le discours monotone, Les Débats ne sont guère plus chaleureux : « La mesure et la sobriété sont les seuls mérites que nous ayons remarqués dans le discours que nous avons entendu. » Discours prononcé par Mérimée à l'Académie française |