Mardi 25 mars 2025

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous allons examiner les amendements de séance déposés sur la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Articles 1er, 2 et 3

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Trente-trois amendements ont été déposés sur la proposition de loi précitée.

En premier lieu, je propose huit avis favorables.

Les amendements identiques nos  12 rectifié, 19 et 26 et nos  13 rectifié, 20 et 27 visent à préciser la notion de centrale existante.

J'y souscris pleinement, car ils complètent les travaux de notre commission. En effet, nous avons souhaité cibler la proposition de loi sur les installations existantes, son objet ne devant pas être de déroger à l'article 8 du décret du 21 avril 2020 sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui prohibe de nouvelles installations.

Les amendements n°  31 et 32 tendent à préciser les références à la notification européenne et à l'autorisation environnementale. Je les appuie totalement, car ils sont de nature à rassurer les acteurs économiques concernés dans le respect - bien sûr - de l'application du droit de l'Union européenne et du droit de l'environnement.

En second lieu, je solliciterai l'avis du Gouvernement pour les amendements identiques nos  10 rectifié, 17 et 24 et nos  11 rectifié, 18 et 25 qui visent, en substance, à restreindre la proposition de loi aux seules centrales à charbon.

La semaine passée, j'ai longuement indiqué ici mes fortes réserves quant au ciblage du texte sur une technologie particulière : c'est toujours périlleux au regard des principes d'égalité, de libre concurrence et d'égal accès aux appels d'offres, ainsi qu'au regard des conditions prévues par le règlement européen du 5 juin 2019 sur le marché de l'électricité.

Pour autant, c'est au Gouvernement de mesurer finement ces risques juridiques, ce qui justifie de solliciter son avis sur ces amendements.

Article 4

M. Patrick Chauvet, rapporteur. - Je propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°  33 du Gouvernement qui tend à ajuster l'article additionnel introduit en commission avec mon soutien, obligeant le groupe EDF à présenter un plan de conversion pour la centrale à charbon de Cordemais.

Cet avis de sagesse est motivé par le fait que la réécriture de l'article, telle que proposée par le Gouvernement, permettrait de conserver celui-ci dans le texte final. C'est une opportunité à saisir.

M. Philippe Grosvalet. - En remplaçant le « plan » de conversion par une « évaluation technique et économique des solutions », l'amendement du Gouvernement modifie profondément la nature de la disposition que la commission, après avis favorable du rapporteur, a adoptée la semaine dernière sur l'initiative de Karine Daniel.

Je suis très réservé sur cet amendement. En effet, une telle évaluation a déjà été réalisée et c'est justement elle qui a entraîné une sourde colère de la part des salariés et une large mobilisation sur le territoire. Je ne voudrais pas qu'EDF prenne de nouveau prétexte de cette évaluation pour arguer que le projet n'est pas possible.

L'amendement du Gouvernement change clairement le sens de ce que nous avons voté la semaine dernière.

M. Daniel Gremillet. - Je souhaite féliciter le rapporteur de nous proposer ces avis. En ce qui concerne l'article 4, ce qui compte à mon sens, c'est qu'il reste dans le texte.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Le rapporteur propose de s'en remettre à la sagesse du Sénat et chacun se positionnera naturellement selon les débats qui auront eu lieu.

La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Article 1er

Auteur

N° 

Objet

Avis proposé

M. KHALIFÉ

10 rect.

Modification du périmètre de l'article premier de la proposition de loi

Avis du Gouvernement

M. MIZZON

17

Modification du périmètre de l'article premier de la proposition de loi

Avis du Gouvernement

Mme BELRHITI

24

Modification du périmètre de l'article premier de la proposition de loi

Avis du Gouvernement

M. MONTAUGÉ

6

Modification du périmètre de l'article premier de la proposition de loi

Défavorable

M. KHALIFÉ

12 rect.

Appréciation, au 1er janvier 2025, plutôt qu'au 1er juillet 2025, des installations de production d'électricité existantes éligibles au mécanisme de capacité

Favorable

M. MIZZON

19

Appréciation, au 1er janvier 2025, plutôt qu'au 1er juillet 2025, des installations de production d'électricité existantes éligibles au mécanisme de capacité

Favorable

Mme BELRHITI

26

Appréciation, au 1er janvier 2025, plutôt qu'au 1er juillet 2025, des installations de production d'électricité existantes éligibles au mécanisme de capacité

Favorable

Article 2

M. KHALIFÉ

11 rect.

Modification du périmètre de l'article 2 de la proposition de loi

Avis du Gouvernement

M. MIZZON

18

Modification du périmètre de l'article 2 de la proposition de loi

Avis du Gouvernement

Mme BELRHITI

25

Modification du périmètre de l'article 2 de la proposition de loi

Avis du Gouvernement

M. MONTAUGÉ

7

Modification du périmètre de l'article 2 de la proposition de loi

Défavorable

M. KHALIFÉ

13 rect.

Appréciation, au 1er janvier 2025, plutôt qu'au 1er juillet 2025, des installations de production d'électricité existantes éligibles au mécanisme de capacité

Favorable

M. MIZZON

20

Appréciation, au 1er janvier 2025, plutôt qu'au 1er juillet 2025, des installations de production d'électricité existantes éligibles au mécanisme de capacité

Favorable

Mme BELRHITI

27

Appréciation, au 1er janvier 2025, plutôt qu'au 1er juillet 2025, des installations de production d'électricité existantes éligibles au mécanisme de capacité

Favorable

M. MONTAUGÉ

8

Suppression ou modification de la référence à l'autorisation environnementale

Défavorable

M. KHALIFÉ

14 rect.

Suppression ou modification de la référence à l'autorisation environnementale

Défavorable

M. MIZZON

21

Suppression ou modification de la référence à l'autorisation environnementale

Défavorable

Mme BELRHITI

28

Suppression ou modification de la référence à l'autorisation environnementale

Défavorable

M. GREMILLET

31

Suppression ou modification de la référence à l'autorisation environnementale

Favorable

Article 3

M. MONTAUGÉ

9

Suppression de la référence à la notification européenne

Défavorable

M. KHALIFÉ

15 rect.

Suppression de la référence à la notification européenne

Défavorable

M. MIZZON

22

Suppression de la référence à la notification européenne

Défavorable

Mme BELRHITI

29

Suppression de la référence à la notification européenne

Défavorable

M. KHALIFÉ

16 rect.

Modification de la référence à la notification européenne

Défavorable

M. MIZZON

23

Modification de la référence à la notification européenne

Défavorable

Mme BELRHITI

30

Modification de la référence à la notification européenne

Défavorable

M. GREMILLET

32

Modification de la référence à la notification européenne

Favorable

Article 4

Le Gouvernement

33

Modification de l'obligation pour le groupe EDF de préciser, dans un plan de conversion, le devenir de la centrale à charbon de Cordemais

Sagesse

Proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons, ce matin, la proposition de loi n° 328 (2024-2025), présentée par Mme Amel Gacquerre, visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété. Notre collègue Sylviane Noël en est le rapporteur.

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Madame la présidente, chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique et à sécuriser leur application en copropriété alors que 250 000 logements classés « G » sont frappés d'indécence depuis le 1er janvier 2025, en pleine crise du logement.

Je salue le dépôt de ce texte par notre collègue Amel Gacquerre, après que la proposition de loi des députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, qui visait un objectif similaire, a été vidée de sa substance puis retirée lors de son examen en séance à l'Assemblée nationale le 29 janvier dernier.

D'ailleurs, la présente proposition de loi reprend certaines dispositions annoncées par les ministres Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian fin 2023 et intégrées à un amendement du Gouvernement en séance lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement début 2024, amendement qui, en tant que cavalier législatif, a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution par notre commission.

Un temps précieux a donc été perdu depuis. La proposition de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis reste pour autant plus que bienvenue, même si elle vise à apporter des précisions concernant une échéance connue depuis 2021 et que subissent les propriétaires depuis le 1er janvier 2025, soit depuis près de quatre mois.

Comme je le disais encore la semaine dernière, nous sommes face à un mur de rénovations énergétiques à réaliser. J'ajouterai aujourd'hui que ces rénovations énergétiques se heurtent à des difficultés en copropriété qu'il nous faut envisager de manière pragmatique, à leur juste mesure.

Dans le parc locatif privé, les passoires énergétiques représentent près de 16 % des résidences principales. Au total, 1,6 million de passoires énergétiques ont vocation à sortir du parc locatif, privé ou social, d'ici à 2028.

Parmi elles, les copropriétés sont particulièrement représentées. Alors que 28 % des logements du parc privé appartiennent à une copropriété, c'est le cas de 45 % des passoires énergétiques. Sur 1,3 million de passoires énergétiques du parc privé de résidences principales, 580 000 d'entre elles sont en copropriété.

Ce sont dans ces logements que les travaux de rénovation sont souvent les plus délicats, en raison de difficultés de financement et, surtout, de divergences d'intérêts : un propriétaire occupant, un bailleur ou un loueur de meublé de tourisme ne sont pas soumis aux mêmes règles. Par ailleurs, même entre plusieurs propriétaires bailleurs, le propriétaire d'un logement classé « E » au troisième étage ne souhaitera pas forcément engager des travaux aussi promptement que celui d'un logement classé « G » au dernier étage.

Notre commission a récemment adopté des mesures pour limiter ces blocages. D'abord, dans la lignée des recommandations de la commission d'enquête sur la rénovation énergétique, notre commission a introduit, lors de l'examen du projet de loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, une possibilité d'abaissement de la majorité nécessaire au vote des travaux de rénovation énergétique en copropriété. Ensuite, la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, dont j'étais rapporteure, a soumis tous les meublés de tourisme aux exigences de décence énergétique des logements en 2034.

Cependant, le rythme de rénovation énergétique des logements, notamment des copropriétés, est insuffisant pour limiter l'effet des exigences de décence énergétique sur la crise du logement. Les 250 000 logements classés « G » qui devraient sortir du parc locatif cette année représentent autant de logements que toutes les mises en chantier en 2024 en France ! Je rappelle que nous sommes dans un contexte où l'offre de biens à louer a chuté de 9 % entre octobre 2023 et octobre 2024.

Face à ce constat dramatique, la question de reporter à 2028 l'interdiction de location des logements classés « G » s'est naturellement posée. Ce report a été préconisé au printemps dernier par la mission d'information relative à la crise du logement, dont Mmes Estrosi Sassone, Gacquerre et Artigalas étaient rapporteures.

À titre personnel, je suis convaincue que cette solution aurait dû être évaluée à la fin de l'année dernière.

Aujourd'hui, soit près de trois mois après la date du 1er janvier 2025, un report du calendrier de décence énergétique a posteriori risquerait de déstabiliser la filière, composée en majorité de petits artisans. Cela compromettrait aussi la pérennité du soutien financier à la rénovation énergétique et, de fait, l'atteinte des objectifs de rénovation à terme, pour un bénéfice en faveur du logement qui n'est pas évident, puisque les biens concernés sont vraisemblablement déjà sortis du parc locatif.

C'est dans cet esprit que je vous propose d'enrichir la proposition de loi déposée par notre collègue Amel Gacquerre, avec qui j'ai eu de nombreux échanges et que je remercie pour son engagement.

Cette proposition de loi inclut des mesures bienvenues. Elle clarifie le fait que l'obligation de décence énergétique ne s'applique qu'à la date de conclusion, de renouvellement ou de reconduction du bail, et non en cours de bail, dès la date du 1er janvier. Elle prévoit aussi qu'un propriétaire qui a réalisé tous les travaux techniquement et juridiquement possibles puisse continuer à louer son bien. Cela permet, notamment, de prendre en compte les cas de refus de travaux par les architectes des bâtiments de France ou par les syndicats de copropriétaires.

Aujourd'hui, je rappelle que les seules exceptions prévues par la loi se trouvent au niveau des mesures pouvant être prononcées par le juge : elles ne permettent pas de prévenir les contentieux. Les propriétaires de bonne foi qui se heurtent à des contraintes techniques ou juridiques se trouvent donc souvent sanctionnés.

La proposition de loi vise à prévoir aussi que la décence énergétique est satisfaite si le syndicat de copropriétaires - ou le propriétaire, lorsque le logement n'est pas en copropriété - a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre reposant sur un audit énergétique, dès lors que les travaux sont réalisés dans un délai de cinq ans.

Elle conforte les droits des locataires et des propriétaires, en précisant que le locataire ne peut se prévaloir d'un manquement du bailleur s'il fait obstacle à la réalisation des travaux. Elle prévoit que la réduction de loyer prononcée par le juge tient compte de la diligence du bailleur et prend fin dès que les travaux ont été réalisés, sauf si la consommation énergétique du logement demeure supérieure à celle d'un logement classé « G+ ». La même exception avait été introduite dans le texte des députés, à l'initiative des rapporteurs de l'Assemblée nationale.

Enfin, l'article 2 de la proposition de loi vise à demander un rapport au Gouvernement sur l'opportunité de réviser le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour y inclure la notion de confort d'été.

Je vous propose d'opérer des ajustements à cette proposition de loi afin de conforter ces assouplissements, au plus près des contraintes des propriétaires, dans le but de limiter les contentieux et de maintenir autant de logements que possible dans le parc locatif - et donc de ne pas porter atteinte aux droits des locataires.

J'ai déposé des amendements visant à élargir les contraintes prises en compte pour que l'obligation de décence énergétique soit satisfaite : il me semble que les contraintes architecturales ou patrimoniales et celles qui sont liées aux coûts des travaux devraient aussi être prises en considération, au même titre que les contraintes techniques ou juridiques.

Toujours dans une logique d'assouplissement, je vous propose d'élargir le champ de la proposition de loi aux logements individuels. On l'oublie trop souvent, mais les logements individuels sont ceux qui comptent le plus de passoires énergétiques au sein du parc locatif privé : il y a 23 % de passoires énergétiques parmi les maisons individuelles, contre 20 % dans les immeubles en monopropriété et 17 % dans les appartements en copropriété. Il me semble donc justifié d'inclure le locatif individuel.

Je souhaite aussi saisir l'occasion de ce texte pour tenter de résoudre l'une des sources de blocage des copropriétés face à la rénovation énergétique, qui réside dans les intérêts divergents des copropriétaires, que j'évoquais tout à l'heure.

La commission d'enquête de juin 2023, présidée par Dominique Estrosi Sassone et dont Guillaume Gontard était le rapporteur, préconisait de rendre les copropriétaires solidaires face à la rénovation énergétique, grâce à un DPE collectif opposable. Seule la prise en compte du DPE collectif permettra de mettre des copropriétaires d'accord face à de lourds et coûteux travaux de rénovation. Je propose donc de préciser que l'obligation de décence énergétique est satisfaite si la performance énergétique au titre du DPE collectif permet d'atteindre la classe requise.

Afin de tenir compte de la situation des petites copropriétés, je vous propose de ne pas conserver l'exigence du recours à un maître d'oeuvre dans le cadre de l'engagement de travaux. Les copropriétés de moins de 20 logements sont celles qui comprennent le plus de passoires énergétiques, alors que ce sont souvent les plus anciennes et les moins bien gérées, car elles sont dépourvues de syndic - la commission d'enquête sur les copropriétés présidée par Amel Gacquerre et rapportée par Marianne Margaté l'a démontré.

Dans une logique d'équilibre par rapport à tous ces assouplissements, j'ai souhaité limiter autant que possible les refus de complaisance des copropriétaires : je propose de préciser qu'un refus du syndicat de copropriétaires ne vaut que s'il est intervenu il y a moins de trois ans. Cela incitera les copropriétaires à soumettre tous les trois ans à l'assemblée générale une résolution tendant à la réalisation des travaux. Dans cet intervalle, les obligations juridiques, la composition ou encore la maturité des copropriétaires par rapport aux travaux de rénovation peuvent évoluer positivement.

Par ailleurs, comme je l'évoquais à l'instant, le texte actuel fait persister la réduction de loyer dans le cas où le propriétaire a exécuté tous les travaux ordonnés par le juge, mais que la performance énergétique de son logement demeure celle d'un « G + ». Je ne crois pas légitime de pénaliser de la sorte un propriétaire. Il est d'ailleurs peu probable que, malgré ces travaux, la performance du logement reste aussi mauvaise. Je vous proposerai donc de supprimer cette disposition.

En outre, je souhaite que toutes ces précisions s'appliquent aux baux en cours, afin d'éviter qu'un propriétaire dont le bail a été conclu avant le 1er janvier 2025 soit exclu du champ d'application de la loi et ne puisse pas bénéficier de ces assouplissements.

Enfin, à l'article 2, plutôt que de voter une demande de rapport sur l'opportunité de proposer une révision du calcul du DPE pour y inclure la notion de confort d'été, je vous propose d'introduire les dispositions adoptées par notre commission le 6 mars dernier, puis par le Sénat jeudi dernier dans le cadre de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, déposée par Michaël Weber. Il ne s'agit naturellement pas de spolier notre collègue de son travail : il s'agit de se saisir d'un véhicule législatif pour lequel le Gouvernement a enclenché la procédure accélérée afin d'y introduire ces propositions, fruit d'un travail transpartisan au Sénat, d'autant que l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi de notre collègue Weber est incertain.

Mme Marianne Margaté. - L'enjeu de cette proposition de loi est important, notamment pour les copropriétés. Je partage l'idée de ne pas reporter stricto sensu les dates fixées par la loi Climat et résilience.

Pour autant, plus que des assouplissements et des clarifications, certains aspects de ce texte marquent une fragilisation, voire un contournement, de l'obligation de rénovation. Sans un engagement plus fort en termes de financement pour accompagner les propriétaires, notamment les plus modestes et les plus âgés, qui sont les premières victimes des passoires thermiques, nous n'arriverons pas à affronter le mur de la rénovation.

Telles sont les réserves que nous émettons pour l'instant sur ce texte. En l'état, nous nous abstiendrons en commission.

M. Yannick Jadot. - Il y a, à l'évidence, de vraies difficultés dans la mise en oeuvre des obligations de rénovation. Le risque porte moins sur l'obligation de rénovation elle-même que sur l'absence de rénovation. Certains logements vont devenir des « bouilloires » énergétiques et sortiront, de fait, du marché locatif, puisque personne ne pourra plus y habiter décemment. Plutôt que de parler de « confort d'été », ce qui est trop ambigu, je préfère utiliser l'expression « habitabilité d'été ». Certains assouplissements entre les copropriétaires et la copropriété pourraient se traduire par des reports trop importants, malgré les restrictions prévues : une résolution de moins de trois ans, ce n'est pas non plus un plan de rénovation...

Nous sommes également inquiets en ce qui concerne la relation entre le propriétaire et le locataire. On connaît le rapport de forces entre les deux : il ne faudrait pas présenter comme un refus de la part du locataire une décision relevant essentiellement du propriétaire...

Nous avons déposé un amendement visant à préciser que le niveau de performance énergétique retenu pour l'obligation de mise en conformité énergétique est celui qui est exigible au plus tard trois ans après la conclusion du bail. Il tend à éviter qu'en cas de bail long - la loi impose un minimum de six ans pour les locations non meublées par personne morale - le bailleur soit dispensé pendant six ans de toute obligation de rénovation énergétique. Il ne faudrait pas repousser les travaux ad vitam æternam...

M. Lucien Stanzione. - La proposition de loi présentée par notre collègue Amel Gacquerre vise un objectif que nous partageons pleinement : clarifier les obligations de rénovation énergétique, tout en respectant les échéances fixées par la loi Climat et résilience, en tenant compte des contraintes bien réelles que rencontrent les propriétaires bailleurs, notamment en copropriété.

C'est à l'origine un texte transpartisan porté par les députés Inaki Echaniz et Bastien Marchive. Il vise à apporter des réponses concrètes à des situations souvent complexes sur le terrain et à proposer des ajustements bienvenus pour mieux prendre en compte certains éléments de blocage. Nous retrouvons aussi, dans ce texte, les dispositions de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, déposée par mon groupe et adoptée la semaine dernière en séance. C'est une forme de reconnaissance, mais il aurait été bienvenu que Michaël Weber soit informé, voire associé, à ce travail. Je remercie néanmoins notre rapporteure d'avoir mentionné son nom aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, nous soutiendrons cette proposition de loi dans la version qui nous est proposée.

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Madame Margaté, la question des budgets alloués à la rénovation énergétique est évidemment cruciale. Malheureusement, MaPrimeRénov' a subi, cette année, en loi de finances, un coup de rabot d'un milliard d'euros. Il est à craindre que les années à venir ne soient pas plus positives.

Monsieur Jadot, j'entends vos remarques. Nous avons essayé de préserver une forme d'équilibre. Certains propriétaires peuvent aussi se trouver dans l'impossibilité - pour différentes raisons - de conduire les travaux. Le jour où il n'y aura plus de propriétaires, il n'y aura plus non plus de locataires : ces deux aspects doivent être conciliés.

Enfin, monsieur Stanzione, je vous assure que la reprise de certaines dispositions votées par la commission de la proposition de loi de Michaël Weber est bien un acte positif de notre part.

Il me revient maintenant de vous donner lecture du périmètre retenu pour juger de la recevabilité des amendements au titre de l'article 45 de la Constitution.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives : aux caractéristiques d'un logement décent au sens de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, ainsi qu'aux modalités et aux outils de mise en conformité des logements, notamment en copropriété ; aux obligations des bailleurs, des copropriétaires et des locataires en conséquence ; au mode de calcul et d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments à usage d'habitation.

Il en est ainsi décidé.

Mme Amel Gacquerre, auteure de la proposition de loi. - Je remercie Sylviane Noël de son écoute.

Cette proposition de loi, courte et technique, est très attendue. Elle a deux objectifs : éviter la sortie massive et rapide des logements classés « G » du parc locatif, et prévenir les litiges entre propriétaires et locataires. La mise en place du calendrier de décence énergétique sera problématique. Nous aurions pu être tentés de repousser son entrée en vigueur, comme cela a été demandé par certains, mais nous avons préféré le maintenir en collant davantage aux réalités du terrain. Nous avons prévu une mise en place progressive. Par ailleurs, les locataires et les propriétaires de bonne foi doivent pouvoir être accompagnés afin d'atteindre les objectifs sociaux et environnementaux de ce calendrier.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-7 vise à élargir le champ des contraintes prises en compte pour que l'obligation de décence énergétique soit satisfaite. Actuellement, seules sont mentionnées les contraintes techniques. Il existe des dérogations, en raison de contraintes architecturales, patrimoniales ou liées à un coût manifestement disproportionné des travaux. Il faut que nous les prenions en compte également ici.

Je souhaite aussi élargir le champ de l'article 1er afin que soient inclus les propriétaires de maisons individuelles.

Dans une logique d'équilibre par rapport à ces assouplissements, il me semble important d'éviter les refus de complaisance des copropriétaires : c'est pourquoi je propose que le refus des copropriétaires ne puisse être valable que s'il est intervenu il y a moins de trois ans. Sinon, on pourrait se prévaloir pendant dix ans d'une décision de refus, alors que la composition de l'immeuble et la maturité des décisions liées à la rénovation énergétique peuvent évoluer.

En outre, il faut que nous rendions enfin opposable le DPE collectif. Je propose qu'il soit pris en compte s'il permet d'atteindre une classe énergétique correspondant à la décence du logement.

Je propose également de ne pas conserver l'exigence du recours à un maître d'oeuvre dans le cadre de l'engagement de travaux.

Par ailleurs, une disposition contenue dans le texte ne me semble pas justifiée : le fait de persister à appliquer une réduction de loyer même dans le cas où un propriétaire a réalisé tous les travaux ordonnés par le juge, dès lors que le logement reste classé « G ». Cette mesure pénaliserait des propriétaires ayant réalisé des travaux souvent coûteux ! Il me semble de surcroît absurde d'imaginer qu'un juge ordonne des travaux totalement inefficaces au point que la classe énergétique du logement ne soit pas du tout améliorée et demeure aussi mauvaise.

L'amendement COM-7 est adopté. En conséquence, les amendements COM-2, COM-3, COM-4 et COM-5 deviennent sans objet.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-6 vise à prendre en compte le confort intérieur d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante. Je partage, bien évidemment, la préoccupation de notre collègue. Je souhaite moi aussi aller beaucoup plus loin que la simple demande de rapport au Gouvernement actuellement prévue à l'article 2.

Comme nous l'avons vu lors de l'examen de la proposition de loi de Michaël Weber la semaine dernière, une meilleure prise en compte du confort d'été par le DPE est nécessaire pour mieux valoriser les qualités constructives des bâtiments anciens, trop souvent sous-estimées. C'est aussi une nécessité au regard du changement climatique.

Je vous propose donc d'intégrer l'intégralité des dispositions de la proposition de loi de Michaël Weber qui ont été adoptées par la commission ou avec son avis favorable en séance. Elles sont le fruit d'un travail transpartisan, qu'il est souhaitable de valoriser. Cela permettra d'améliorer la compatibilité des obligations de rénovation énergétique avec la préservation du bâti ancien à caractère patrimonial.

Monsieur Jadot, votre souhait de prendre en compte le confort d'été sera satisfait par mon amendement COM-9. J'ai toutefois préféré me cantonner à la reprise, à l'identique, des mesures votées par la commission dans le cadre de la proposition de M. Weber, d'autant que nous avions écarté l'ajout d'un septième poste de travaux de rénovation énergétique.

J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement COM-6, au profit de mon amendement COM-9.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Après l'article 2

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-1 de Mme Devésa est satisfait par l'amendement COM-9, qui vise à prendre en compte le confort d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante et à s'assurer que le DPE considère les spécificités thermiques des bâtiments anciens, qui sont propices au confort d'été.

Comme je l'ai souligné précédemment, j'ai souhaité me cantonner à la reprise, à l'identique, des mesures votées par la commission dans le cadre de la proposition de loi de M. Weber et ne pas rejouer le débat sur ce sujet. J'émets donc un avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme NOËL, rapporteure

7

Assouplissement des exigences à l'égard des propriétaires, notamment par le biais d'un élargissement des contraintes prises en compte et d'une extension du champ de l'article aux logements individuels.

Adopté

M. JADOT

2

Application des obligations de décence énergétique au plus trois ans à compter de la conclusion du bail. 

Satisfait ou sans objet

M. JADOT

3

Suppression de la prise en compte du refus des travaux par le syndicat des copropriétaires.

Satisfait ou sans objet

M. JADOT

4

Réduction de cinq à deux ans du délai raisonnable de réalisation de travaux en copropriété. 

Satisfait ou sans objet

M. JADOT

5

Suppression de l'impossibilité pour le locataire de se prévaloir de l'indécence de son logement devant le juge s'il fait obstacle à la réalisation des travaux de rénovation énergétique.

Satisfait ou sans objet

Article 2

M. JADOT

6

Prise en compte du confort intérieur d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante. 

Rejeté

Mme NOËL, rapporteure

9

Introduction des dispositions de la proposition de loi de Michaël Weber visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien.

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme DEVÉSA

1

Prise en compte du confort intérieur d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante. 

Rejeté

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons à présent la proposition de loi n° 451 (2024-2025), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Mes chers collègues, une précision préalable, je vais d'abord vous donner des éléments concernant le contexte de cette proposition de loi, ainsi que son contenu initial ; Anne-Catherine Loisier vous présentera ensuite les modifications assez profondes introduites par l'Assemblée nationale, puis nos propres propositions de modifications, en amont de l'examen tout à l'heure des amendements.

Je souhaite d'emblée vous préciser notre message principal.

Au départ, l'objectif de cette proposition de loi était de répondre à l'urgence de la fin de l'expérimentation du seuil de revente à perte de 10 % (SRP+ 10) : ce dispositif arrive à échéance le 15 avril prochain, soit dans quelques jours. Or les acteurs demandent sa prolongation pour éviter la déstabilisation des filières et des relations commerciales, malgré les réserves que le mécanisme suscite, comme l'ont montré nos nombreuses auditions.

Le texte contenait également le recentrage de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires, excluant les produits de droguerie, de parfumerie et d'hygiène (DPH). Il ne s'agissait donc pas d'une loi Égalim 4. Les circonstances du débat à l'Assemblée nationale ont cependant conduit à ajouter dans le texte toute une série de dispositions que nous verrons ensuite et sur lesquels nous vous proposerons le plus souvent de revenir.

Le contexte n'est guère réjouissant. Il est même devenu, je pèse mes mots, très préoccupant : décrochage de la ferme France ; crise agricole ; concentrations dans le secteur de la grande distribution ; sortie certes de la période de forte inflation, mais tensions persistantes sur le pouvoir d'achat ; négociations très difficiles en 2025. Depuis que la loi Égalim existe, c'est pire chaque année : jusqu'où irons-nous dans la dureté des négociations ? On nous a même rapporté que certaines entreprises avaient été convoquées à quatre heures un dimanche matin !

Tous les acteurs auditionnés nous ont dressé le constat d'un climat particulièrement dégradé pour ce cycle 2024-2025, caractérisé par des rapports de force encore plus tendus que les années précédentes, déjà difficiles. La logique des lois Égalim qui visent un prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l'amont agricole est plus délicate à faire respecter que jamais.

Une chose est sûre, les lois Égalim n'empêchent pas le décrochage de la ferme France. Voilà pour le contexte.

Je dirai à présent deux mots de ces lois, sur lesquelles notre groupe de suivi a rendu un rapport à la fin de l'année 2024. Elles restent peu appliquées, j'en veux pour preuve les exemples de la contractualisation et des indicateurs de référence. Pire, ces lois sont contournées via des centrales d'achat basées à l'étranger.

Je relève que les acteurs aspirent à un cadre juridique qui soit le plus stable possible. C'est pourquoi il serait préférable de renforcer l'application des trois lois Égalim et d'en améliorer l'évaluation plutôt que de modifier chaque année les dispositifs et leurs paramètres. Le droit des relations commerciales a connu treize réformes en moins de quarante ans, dont six ces dix dernières années.

Je citerai un exemple : le SRP+ 10, objet de cette proposition de loi, introduit à titre expérimental par la loi Égalim en 2018 et prorogé en 2020, arrive à échéance le 15 avril prochain. D'où l'urgence à légiférer, une fois de plus.

Je rappelle qu'il vise à instaurer des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs par une meilleure péréquation entre produits, c'est-à-dire une limitation des écarts de prix entre les produits d'appel et les produits dont le prix est plus élevé. À l'exception du groupe Leclerc, tous les acteurs soulignent la nécessité de prolonger ce dispositif. La disparition du SRP+ 10 conduirait, en effet, à un nouvel épisode de guerre des prix. La proposition de loi visait donc à prolonger ce SRP+ 10.

Pendant du SRP+ 10, l'expérimentation de l'encadrement des promotions doit arriver à terme en 2026, avec un taux de remise en valeur plafonné à 34 % et en volume à 25 %.

Son extension il y a un an, en mars 2024, à tous les produits de grande consommation (PGC), dont les produits DPH, visait à prévenir le risque d'effets de bord sur les produits alimentaires. Bien qu'une évaluation rigoureuse fasse défaut, cet encadrement des promotions n'a pas engendré de hausse des prix. Il a même permis une hausse des références en promotion et a facilité le lancement de nouveaux produits.

En matière de DPH, il permet de protéger le tissu industriel national, notamment nos petites et moyennes entreprises (PME) et a suscité une réduction des prix de 2,1 % sur les prix DPH en fond de rayon entre mars et novembre 2024, selon Circana. Il est faux de dire qu'il a conduit à un effondrement des volumes de DPH en grandes surfaces, puisque le décrochage des DPH par rapport aux ventes totales des PGC s'observe depuis plus d'une décennie. Il a été particulièrement spectaculaire entre 2021 et 2023, soit avant l'entrée en vigueur du dispositif. La prolongation de l'expérimentation au-delà de 2026 serait donc bienvenue, même si le développement du cagnottage en alternative aux promotions limite sa portée.

Je précise que la deuxième disposition prévue par la version initiale de la proposition de loi visait à mettre un terme à l'encadrement des promotions sur les produits DPH. Ce cadeau sans contrepartie à la distribution a fort heureusement été remis en cause lors des débats à l'Assemblée nationale : sur l'initiative du rapporteur, la commission a conservé l'expérimentation jusqu'au 15 avril 2026 ; puis, en séance, deux amendements contradictoires ont été adoptés. L'un portait le taux de remise en valeur à 40 % jusqu'en 2028, et l'autre ramenait la fin de toutes les expérimentations à 2026 du SRP+ 10 comme encadrement des promotions.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Si la proposition de loi de nos collègues députés était initialement brève et ciblée, le texte est passé, après examen en séance à l'Assemblée nationale, d'un article unique de quelques lignes à quatre articles de plusieurs pages. Comme l'a souligné Daniel Gremillet, les expérimentations prévues par Égalim 1 - SRP+ 10 et encadrement des promotions - sont finalement reconduites, mais jusqu'en 2026.

L'Assemblée nationale a introduit de nombreuses dispositions, mais elle a surtout voté un encadrement des marges dans le secteur agroalimentaire, filière par filière, à travers la définition de deux coefficients multiplicateurs : le premier entre le niveau minimal de prix d'achat et le prix de revente pour les produits agricoles et alimentaires, applicable aux marges dégagées par les fournisseurs ; le deuxième entre le prix d'achat et le prix de revente au public, applicable aux marges dégagées par les distributeurs.

De manière disproportionnée, en vue d'assurer la remontée effective des données sur l'utilisation des surplus de marges résultant du SRP+ 10 par les distributeurs et désormais aussi les fournisseurs, les sanctions en cas de non-transmission des informations seraient portées à un plafond de 1 % du chiffre d'affaires - si le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros - ou de 4 % du chiffre d'affaires - si le chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros.

De même, la sanction pour manquement au SRP passerait de 75 000 euros à un plafond de 1 % du chiffre d'affaires. L'obligation de remise chaque année de documents par les acteurs économiques est élargie à la communication des taux de marge brute et des taux de marge brute spécifiques pour les produits bio.

Les marges brutes et les marges nettes de chaque fournisseur et distributeur feraient l'objet d'une publication trimestrielle, avec là encore des sanctions allant jusqu'à 1 % de leur chiffre d'affaires si les entreprises ne transmettent pas les informations nécessaires. Cette publication se ferait sous l'égide de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM).

L'Assemblée nationale a également prévu l'extension du SRP+ 10 aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD), même s'il ne s'agit pas de « ventes » au sens classique du terme, mais plutôt de prestations. Enfin, elle a assoupli l'encadrement des promotions dans les rayons DPH, avec un taux de promotion en valeur porté de 34 % à 40 %.

Les modifications apportées par nos collègues députés sont donc importantes, mais complexes. Elles vont bien au-delà de la prorogation des expérimentations et de l'ambition initiale de ce texte, qui était d'assurer, comme son intitulé l'indique, « la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire ». J'estime qu'elles méritent mieux qu'une adoption rapide dans les circonstances d'un débat placé sous le signe de l'urgence : il convient de prendre le temps de préparer ces réformes, d'expertiser les dispositifs et, surtout, d'échanger avec toutes les parties prenantes dans une logique de concertation.

Daniel Gremillet et moi-même ne souhaitons pas empiler de nouvelles contraintes et nourrir une instabilité législative déjà excessive : en dix ans, nous avons voté plus de six lois sur les négociations commerciales. Ces modifications incessantes sont particulièrement préjudiciables à l'ensemble des acteurs de la filière, à commencer par les producteurs qui sont toujours la variable d'ajustement.

En dépit de nos réserves initiales sur le SRP+ 10, nous vous proposons de recentrer la proposition de loi sur son objectif premier, sachant qu'une loi Égalim 4 a été annoncée par le Gouvernement et aura vocation à appréhender l'ensemble des dispositions et leurs impacts, en amont comme en aval.

À l'instar de nos collègues députés, nous préconisons de poursuivre l'expérimentation du SRP+ 10 ainsi que l'encadrement des promotions, mais nous vous proposons d'harmoniser les durées d'expérimentation jusqu'au 15 avril 2028. Concernant les DPH, nous jugeons préférable de conserver le taux en vigueur de 34 % en valeur introduit par le Sénat.

L'encadrement des promotions en DPH a été mis en oeuvre il y a à peine un an, le 1er mars 2024. Nous manquons donc là aussi de recul, même si les retours semblent jusqu'à présent plutôt positifs, aussi bien pour nos PME et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) que pour les consommateurs.

Au total, nous vous proposerons tout à l'heure quatre amendements pour opérer le recentrage de la proposition de loi autour de la prolongation du SRP+ 10 - avec des durées d'expérimentation harmonisées jusqu'en 2028 afin de répondre au besoin de stabilité des acteurs -, pour supprimer les autres dispositions introduites par l'Assemblée nationale en séance publique, excepté le nouveau rapport du Gouvernement sur les marges, prévu à l'article 3, que nous conserverions et, pour majorer les sanctions, sans pour autant atteindre les pourcentages de chiffre d'affaires votés par nos collègues députés.

Si les sanctions applicables aujourd'hui en cas d'infraction au SRP ou d'absence de remontées d'informations sont insuffisantes, celles issues du vote de l'Assemblée nationale sont disproportionnées. C'est pourquoi nous vous proposerons que les sanctions applicables en cas d'infraction au seuil de revente à perte ou d'absence de remontées d'informations aillent jusqu'à 100 000 euros pour une personne physique et à 500 000 euros pour une personne morale.

Voilà, mes chers collègues, le fruit de nos auditions et de nos réflexions en vue de l'examen de cette proposition de loi.

M. Gérard Lahellec. - Depuis quelques temps, nous gravitons autour d'une question : celle du retour de la valeur ajoutée vers le producteur. Nonobstant les lois Égalim, ce sujet n'a pas été correctement traité jusqu'à présent pour une simple et bonne raison : la loi dominante en la matière est la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME).

J'ai en mémoire quelques exemples indécents. Je me souviens, notamment, d'une publicité pour de la viande de porc prête à griller, vendue au kilo pour le prix d'une cigarette ! Certaines pratiques commerciales choquantes ne doivent pas être encouragées, car elles ajoutent de la pression sur les producteurs.

Le SRP+ 10 me paraît être un dispositif vertueux, même s'il est vrai qu'il n'existe pas de relation mécanique entre le prix de vente et le retour vers le producteur. Quoi qu'il en soit, cela ne règle pas le problème de fond : le SRP+ 10 impose à la grande distribution de réaliser une marge minimale de 10 % sur les produits alimentaires - comme si elle n'en réalisait déjà pas assez...

Il me semble pourtant intéressant de prendre en considération les amendements adoptés à l'Assemblée nationale. L'introduction des coefficients multiplicateurs, qui établissent une corrélation entre le prix de vente au consommateur et le retour vers les producteurs, est une mesure transparente et vertueuse. Nous aurions tort de ne pas saisir cette opportunité. Nous soutenons donc les modifications adoptées à l'Assemblée nationale. Si elles n'étaient pas maintenues, nos ne voterions pas ce texte.

M. Daniel Salmon. - Selon les auteurs de cette proposition de loi, « le SRP+ 10 a démontré son utilité, tant pour les producteurs que pour l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire ». Ils considèrent même qu'il a permis une stabilisation des prix et une amélioration de la répartition des marges. C'est une vision on ne peut plus optimiste : rien ne vient corroborer un tel constat !

Si l'UFC-Que Choisir relève que le SRP+ 10 a induit une inflation pour les consommateurs, les producteurs, eux, n'ont bénéficié d'aucune augmentation ! Cela étant, le groupe GEST ne s'opposera pas à la prolongation de cette expérimentation : la supprimer sans véritablement réglementer les marges des intermédiaires et des distributeurs risquerait d'engendrer une pression supplémentaire à la baisse sur les prix payés aux producteurs. Cette prolongation doit être limitée dans le temps et s'accompagner d'une véritable évaluation.

Je partage les remarques de mon collègue Gérard Lahellec. Nos rapporteurs ont prévu de plafonner les sanctions à 500 000 euros, ce qui ne représente que, par exemple, 1/100 000du chiffre d'affaires de Leclerc en alimentaire : ce n'est pas du tout incitatif !

En l'état, nous soutenons cette prorogation du SRP+ 10.

M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail.

J'entends parler de la loi Égalim depuis que je suis sénateur ! C'est d'ailleurs l'un des premiers textes sur lesquels je me suis penché, en 2017.

Cette proposition de loi entend pérenniser les mécanismes du SRP+ 10 et d'encadrement des promotions, issus des lois Égalim.

Pour ce qui concerne le SRP+ 10, le problème réside, à notre sens, dans le manque d'évaluation et de données concrètes et chiffrées. Plusieurs rapports d'évaluation tirent des bilans très contrastés, ce dont nous faisons tous le constat. En particulier, comme l'a dit Gérard Lahellec, aucun effet positif n'est avéré sur la rémunération des agriculteurs depuis 2019. Devons-nous pérenniser pour plusieurs années un dispositif dont les effets sont encore en grande partie inconnus ? Dans le doute, nous proposons de retenir 2026 plutôt que 2028.

À notre sens, cela doit être couplé à une transparence des marges plus poussée et à des sanctions plus fortes en cas de non-respect par les entreprises de leurs obligations - les montants des sanctions paraissent aujourd'hui dérisoires.

Nous proposons également de prolonger l'encadrement des promotions jusqu'en 2026, dans un objectif de lisibilité de la loi. Surtout, comme pour le SRP+ 10, il sera important d'en tirer un bilan complet sur la base des nouvelles données qui devront être transmises dans le cadre de la présente proposition de loi.

Madame la rapporteure, Monsieur le rapporteur, je veux bien croire à votre volonté d'aboutir en emportant notre adhésion, mais il nous paraît difficile de vous suivre sur le premier de vos amendements, qui réécrit complètement l'article 1er, puisque son adoption ferait tomber les nôtres. Nous souscrivons à l'esprit de cet amendement, mais, si vous voulez que nous soyons d'accord à la fin, il faudrait que nos propositions soient prises en compte au moins pour partie. À ce stade, vous ne nous permettez même pas de faire des propositions modestes, mais importantes à nos yeux. Pour la CMP, nous verrons bien !

M. Henri Cabanel. - Merci aux rapporteurs pour leur travail.

Pourquoi a-t-on mis en place les lois Égalim ? Il s'agissait alors de revaloriser le revenu des agriculteurs, ce avec quoi nous étions tous d'accord. Les États généraux de l'alimentation ont été vertueux en ce qu'ils ont réuni autour de la table tous les acteurs - producteurs, organisations professionnelles, distributeurs, transformateurs - pour essayer de trouver une solution. Force est de constater que cette solution, nous ne l'avons pas trouvée, malgré Égalim 1, Égalim 2, Égalim 3 et Égalim 4 qui se prépare...

Peut-être faudrait-il admettre que la loi ne peut pas tout. Comme l'ont dit les rapporteurs à plusieurs reprises, dans les pays voisins, où il n'y a pas Égalim, les revenus des agriculteurs ont augmenté, quand ils n'ont cessé de baisser chez nous... Il faudrait en tirer réellement les conclusions.

Nous sommes d'accord avec la prolongation du SRP+ 10, mais il faudra bien, à un moment donné, essayer de l'évaluer plutôt que de toujours le prolonger.

Un haut responsable que nos rapporteurs ont auditionné - je tairai son nom - a comparé la loi Égalim à une drogue : elle fait du bien au début, mais, à terme, elle risque de nous faire mourir.

Mes chers collègues, il va bien falloir que l'on essaie de voir comment trouver des solutions ! Je reste convaincu que la loi n'y parviendra pas. Il me semblerait nécessaire que nous puissions à nouveau réunir tous les acteurs, comme nous l'avions fait au départ, pour voir comment nous pourrions réussir à partager la valeur, enjeu qui nous tient particulièrement à coeur.

M. Franck Montaugé. - Merci aux rapporteurs.

On parle beaucoup de l'utilisation, dans les différents domaines de la société, d'intelligence artificielle, de technologies très sophistiquées, avec des impacts forts, qui contribueront à des évolutions importantes. Je n'ai toujours pas compris pourquoi, dans le domaine de l'agriculture, et tout particulièrement pour ce qui concerne la chaîne alimentaire, on ne pourrait pas mettre en oeuvre des dispositifs informatiques permettant, pour tous les produits, de localiser la répartition de la valeur entre l'ensemble des acteurs concernés. Des techniques sont pourtant disponibles ! La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires pourrait s'en saisir, si ce n'est déjà fait. Il y a là au moins une voie qui permettrait d'objectiver la situation et de mettre le doigt sur les maillons de la chaîne qui posent des problèmes.

La démarche dans laquelle nous nous sommes engagés reste nécessaire, mais elle est, à mon avis, trop globale. Tant que nous n'entrerons pas dans le détail, nous continuerons à produire des lois Égalim... Jusqu'à Égalim 23, peut-être ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - S'il faut trouver un avantage au fait que les lois s'égrènent année après année, c'est qu'elles nous permettent d'enrichir notre analyse des pratiques ou des échecs précédents.

Cher Gérard Lahellec, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que le vrai sujet est la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) - nous en avons beaucoup parlé lors du Salon de l'agriculture - et que l'enjeu est la transparence et la traçabilité. La LME a suscité la guerre des prix et cette pression permanente qui redescend en cascade sur les producteurs et les fournisseurs.

Je pense que nous avons tous compris que la démarche du SRP+ 10 - flécher les marges et viser le ruissellement - ne fonctionnait pas et qu'il fallait quelque chose de plus « coercitif », avec de la traçabilité. Nous avons cependant un point de divergence : nous pensons, dans la continuité de ce qu'a dit Henri Cabanel, que la réponse ne doit pas forcément passer par encore plus de contraintes et un dispositif toujours plus complexe. En revanche, nous pouvons rejoindre l'Assemblée nationale sur la nécessité d'obliger à plus de transparence sur l'usage du SRP+ 10.

Je rejoins aussi ce que vient de dire Franck Montaugé. Les premières lois Égalim et les notes de cadrage réalisées par la DGCCRF ont porté leurs fruits sur les pénalités logistiques - auparavant c'était franchement la jungle. Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs se félicitent de l'amélioration considérable de la situation en la matière. On a su bien cadrer le dispositif.

Nous pensons effectivement que c'est ce qu'il faut faire avec les documents qui doivent remonter des distributeurs s'agissant de l'usage du SRP+ 10. Dans le débat à l'Assemblée nationale, il y a notamment eu la volonté de publier un nouveau rapport sur l'usage des marges. À la clé, la ministre s'est engagée à ce que la DGCCRF mette en place une méthodologie - cet engagement n'est pas inscrit dans la loi, puisque ce n'est pas du législatif. De fait, dans les documents que l'on demandait jusqu'à présent aux distributeurs sur leur usage du SRP+ 10, il n'y avait ni méthodologie ni critère précis.

L'idée est de mettre en place une méthodologie, à l'image de ce qui a été fait sur les pénalités logistiques, pour que l'on puisse beaucoup mieux décortiquer et suivre la traçabilité du SRP+ 10. Ce qui nous manque aujourd'hui, c'est la capacité à imposer aux distributeurs le fait que le SRP doit servir à mieux rémunérer les producteurs, non pour le cagnottage et leurs cartes de fidélité.

Nous sommes certes d'accord pour dire que le SRP+ 10 était un piège - nous l'avons dit -, mais nous divergeons sur un point : pour notre part, nous considérons qu'il est compliqué de le supprimer du jour au lendemain, au risque d'étrangler les producteurs, auprès desquels les distributeurs chercheront à reconstituer leurs marges.

L'enjeu est donc de mieux suivre le bon usage du SRP+ 10, raison pour laquelle nous sommes aussi favorables à l'augmentation des outils incitatifs que sont les sanctions, notamment lorsque les documents ne sont pas délivrés. Je rappelle que les sanctions dont nous parlons - que nous proposons de fixer à 100 000 euros et 500 000 euros - portent sur les remontées du SRP+ 10. Ce dernier forme une nébuleuse, mais que l'on évalue globalement entre 600 000 euros et 1 million d'euros par an. À cet égard, une pénalité à 500 000 euros nous semble donc plutôt adaptée.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Je partage évidemment complètement ce que vient de dire Anne-Catherine Loisier. Pour reprendre les propos d'Henri Cabanel, et comme nous le disons depuis le début - hélas, les faits nous donnent raison -, il faut peut-être savoir s'arrêter à un moment donné. Anne-Catherine Loisier a évoqué les pénalités logistiques. Nous avons avancé, mais c'est une course en avant.

On s'aperçoit que le revenu des agriculteurs n'est pas plus en berne dans les autres pays de l'Union européenne, où il n'y a pas de lois Égalim. À cet égard, notre mission devra peut-être élargir sa réflexion en considérant le marché européen. Sinon, on n'arrêtera pas de produire des lois !

Notre préoccupation est de faire simple. À cet égard, nous retenons une seule date, 2028, pour avoir un peu de stabilité. Si l'on retient 2026, il faudra un nouveau texte l'année prochaine...

Contrairement à ce que l'on pourrait croire et que les distributeurs ou les consommateurs peuvent affirmer - nous avons auditionné l'UFC-Que Choisir -, les éléments dont nous disposons aujourd'hui démontrent que les consommateurs français ont plutôt été protégés de l'inflation par rapport aux consommateurs de l'Union européenne. Il est faux de dire que le consommateur a été pénalisé en France.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - C'est l'effet de la guerre des prix !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Il y a tout de même eu des évolutions pour certaines productions. Ainsi, le lait à la tonne a augmenté, en l'espace de deux ans, de 160 euros les 1 000 litres ! Il ne faut donc pas tout jeter. L'exemple du porc qui a été donné tout à l'heure est très concret. Je m'arrête là. Vous connaissez ma passion, je n'ai pas de limites...

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, je vous propose de considérer, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives : au relèvement du seuil de revente à perte ; à la communication d'informations relatives à l'utilisation du relèvement du seuil de revente à perte ; à l'encadrement des promotions des produits de grande consommation, soit les denrées alimentaires et les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH).

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Les amendements COM-7, COM-3, COM-1, COM-4 et COM-5 visent à recentrer l'article autour de la prolongation du SRP+ 10, à harmoniser les durées d'expérimentation et à préciser certaines sanctions.

Notre amendement COM-7 vise à recentrer l'article 1er autour de la prolongation du SRP+ 10 et à harmoniser, avec un souci de cohérence, les durées d'expérimentation de ce dispositif et de l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires et les DPH, en retenant la date unique du 15 avril 2028.

En outre, il tire les conséquences du fait que les sanctions applicables aujourd'hui en cas d'absence de remontées d'informations de la part des distributeurs sont insuffisantes. Les niveaux votés par l'Assemblée nationale nous semblent, en revanche, excessifs. Nous proposons que ces sanctions aillent jusqu'à 100 000 euros pour une personne physique et 500 000 euros pour une personne morale. Les obligations ne continueront de peser que sur les seuls distributeurs - je rappelle que les industriels ne sont pas capables de donner des chiffres relatifs au SRP+ 10.

Par conséquent, nous demandons le retrait des amendements COM-3, COM-1, COM-4 et COM-5, au profit du nôtre.

L'amendement COM-3 est plus que satisfait, de même que l'amendement COM-4, qui est un amendement de repli. Ces deux amendements, dont le champ est le même que celui de notre amendement, visent en effet à conserver le dispositif d'encadrement des promotions, soit le dispositif en vigueur dans ses règles actuelles pour ce qui concerne l'amendement COM-3 - 34 % en valeur et 25 % en volume -, soit le dispositif modifié par l'Assemblée nationale pour l'amendement COM-4 - 40 % en valeur.

L'adoption de notre amendement ferait tomber les amendements COM-1 et COM-5. Nous demandons donc le retrait de ces deux amendements, auxquels nous sommes défavorables sur le fond : l'amendement COM-1 répond à une demande de la grande distribution pour réduire l'encadrement des promotions et l'amendement COM-5 apporte une précision inutile d'un point de vue juridique s'agissant de la formule « encourir une sanction ».

M. Jean-Claude Tissot. - Vous dites que nos amendements COM-3 et COM-4 sont satisfaits. Ils ne le sont que pour partie par rapport au champ des dispositifs : vous avez oublié de dire que nous proposons 2026.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Vous avez raison : ils sont satisfaits dans la reconduction du SRP+ 10 et de l'encadrement des promotions, mais pas sur la date, nous allons plus loin en proposant 2028.

L'amendement COM-7 est adopté. En conséquence, les amendements COM-3, COM-1, COM-4 et COM-5 deviennent sans objet.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - L'amendement COM-2 concerne la méthodologie fournie par le Gouvernement pour l'élaboration des documents relatifs à la mise en oeuvre du SRP+ 10 par les distributeurs. Nous demandons le retrait de cet amendement, qui a lui aussi été préparé par les distributeurs.

Si nous sommes favorables au fait que l'administration, la DGCCRF par exemple, fournisse une méthodologie pour l'élaboration des documents relatifs à la mise en oeuvre du SRP+ 10 - j'ai parlé de l'importance de cette méthodologie -, il n'est pas pertinent de l'inscrire dans la loi.

Mme Marie-Lise Housseau. - Il est vrai que j'ai rencontré des représentants de la grande distribution, mais je trouvais tout de même logique qu'il y ait une méthode. Pour l'heure, quand on demande les résultats, personne n'est capable de répondre. Chacun fournit les informations comme il l'entend, et il n'y a aucune synthèse.

Si l'on veut pérenniser le système, il nous semblerait tout de même logique que l'on ait une méthodologie commune et que l'on puisse en faire état, puisque cela doit normalement être communiqué aux présidents des commissions des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale. Cela nous permettrait d'être plus pertinents dans nos décisions futures.

Cela dit, je retire volontiers l'amendement.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Le besoin est bien identifié, mais ce n'est pas du domaine de la loi. Vous pouvez rassurer les distributeurs, chère collègue : ils auront bien une méthodologie, et nous y serons très attentifs.

L'amendement COM-2 est retiré.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er bis (nouveau)

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Avec l'amendement de suppression COM-8, nous vous proposons de supprimer l'article 1er bis, qui porte sur l'encadrement des marges.

Tout d'abord, nous n'avons aucune évaluation des effets du dispositif, les conséquences réelles d'un encadrement des marges restant très incertaines.

Ensuite, les conditions de définition des taux de marges recommandés par filière ne sont pas précisées : tout est renvoyé au Gouvernement, alors que les acteurs économiques - agriculteurs, industriels et distributeurs - ont besoin de stabilité normative.

Il faut ajouter que le dispositif sera excessivement complexe à mettre en oeuvre, puisque la définition de deux coefficients par filière chaque année conduira, en pratique, à l'adoption de très nombreux coefficients.

En outre, l'application de l'encadrement des marges à la seule vente de produits agricoles ou alimentaires pose un problème de principe.

N'oublions pas que le marché est européen ! Donner tous nos éléments fragiliserait déjà l'ensemble des acteurs par rapport à leurs concurrents.

Notre proposition est très simple, mais très forte, notamment compte tenu de ce qui a été voté à l'Assemblée nationale.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Nous avons omis de préciser que, en plus, nos collègues députés lèvent la confidentialité des informations recueillies. Tout cela est donc susceptible de circuler partout !

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 1er bis est supprimé.

Article 2 (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - L'amendement COM-9 concerne la majoration des pénalités quant à l'absence de respect du SRP, que nous proposons de fixer à hauteur de 100 000 euros pour une personne physique et de 500 000 euros pour une personne morale.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - L'amendement COM-10 vise à revenir sur l'extension du SRP+ 10 aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD).

Puisque les effets attendus du SRP+ 10 n'ont pas été démontrés, étendre cette majoration n'est pas opportun, surtout que les effets inflationnistes pour les produits en MDD pourraient se faire rapidement sentir pour les consommateurs, notamment les plus modestes.

J'ajoute que la revente à perte suppose, en règle générale, l'existence d'un contrat de vente. Or, pour l'ensemble des MDD, il n'y a pas forcément vente : c'est souvent un travail à façon qui est réalisé, raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 (nouveau)

L'article 3 est adopté sans modification.

Après l'article 3 (nouveau)

L'amendement COM-6 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GREMILLET, rapporteur

7

Recentrer l'article autour de la prolongation du SRP+10, harmoniser les durées d'expérimentation et préciser certaines sanctions

Adopté

M. TISSOT

3

Conserver le dispositif en vigueur d'encadrement des promotions

Satisfait ou sans objet

Mme HOUSSEAU

1

Modification du dispositif d'encadrement des promotions

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

4

Harmoniser les durées d'expérimentation du SRP+10 et de l'encadrement des promotions jusqu'à 2026

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

5

Amendement de précision rédactionnelle

Satisfait ou sans objet

Mme HOUSSEAU

2

 Méthodologie fournie par le Gouvernement pour l'élaboration des documents relatifs à la mise en oeuvre du SRP+10 par les distributeurs

Retiré

Article 1er bis (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GREMILLET, rapporteur

8

Suppression de l'article

Adopté

Article 2 (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GREMILLET, rapporteur

9

Montant de l'amende en cas de violation de l'interdiction de revente à perte

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

10

Suppression de l'extension du SRP+10 aux produits vendus sous MDD

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 3 (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DUPLOMB

6

Plancher d'amende en cas de non-respect de la date butoir du calendrier légal des négociations commerciales

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés, plus communément connue sous l'appellation « PPL drones en agriculture », ou encore « PPL Fugit », du nom du député qui en est l'auteur.

Avant de laisser la parole à notre rapporteur, Henri Cabanel, il me semble important de porter à votre connaissance les engagements que le Gouvernement a pris vis-à-vis du monde agricole et que m'a confirmés le ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Mignola, que j'interrogeais encore à ce sujet la semaine dernière en conférence des présidents, quant à l'inscription à l'Assemblée nationale de la proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.

Ce texte devait être débattu à l'Assemblée nationale la semaine prochaine, mais son examen a été retiré de l'ordre du jour pour être renvoyé à la fin du mois de mai. Entretemps, nous avons appris qu'il pouvait être inscrit dès la semaine suivant la suspension des travaux parlementaires, soit la semaine du 28 avril - c'est ce que souhaitait le Gouvernement et la ministre de l'agriculture. Cela allait plutôt dans le bon sens, mais la conférence des présidents de l'Assemblée nationale qui s'est réunie hier en a décidé autrement - la semaine du 28 avril est une semaine d'initiative parlementaire. Le texte sera donc bien inscrit à l'ordre du jour de la semaine du 26 mai, qui, elle, est une semaine d'initiative gouvernementale.

D'après ce que j'ai compris, l'examen de la proposition de loi, que nous considérons comme importante pour le monde agricole, sera prioritaire sur celui d'un certain nombre d'autres textes, ce qui permettra de prolonger les débats si besoin.

Dans le programme qui nous a été communiqué la semaine dernière en conférence des présidents, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire est annoncée pour le mois de juin. Nous espérons donc vivement que le texte sera voté avant la fin de la session ordinaire.

Le vote aujourd'hui de la proposition de loi sur les drones en agriculture, qu'Henri Cabanel va nous présenter, n'affaiblira pas le travail de nos collègues ; il viendra, au contraire, le conforter. En effet, la question des drones en agriculture a déjà été traitée dans la proposition de loi Duplomb-Menonville. C'est donc aussi un signal que nous enverrons en votant cette proposition de loi. Cela montrera une nouvelle fois que nous sommes au rendez-vous et que nous prenons nos responsabilités, en lien avec la ministre de l'agriculture, Annie Genevard, pour trouver des solutions concrètes à la crise profonde et multiforme que connaît le monde agricole.

Je cède tout de suite la parole à Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Mes chers collègues, il me revient de conclure cette matinée dense en vous présentant le fruit de mes réflexions sur la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés de notre collègue député Jean-Luc Fugit. Je tiens à vous remercier, madame la présidente, de m'avoir confié ce rapport.

Ce texte court a fait l'objet de débats particulièrement nourris à l'Assemblée nationale, puisque ce ne sont pas moins de 67 amendements qui ont été déposés au stade de la commission, et 81 en séance publique, alors même que le dispositif proposé tient en un article unique. Je pense qu'au Sénat nous saurons, comme à l'habitude, être plus mesurés, en débattant du fond.

J'ai moi-même souhaité, dans le court laps de temps séparant ma désignation en tant que rapporteur de notre réunion de ce jour, aller au fond des choses. Le sujet est loin de nous être inconnu, puisque notre assemblée s'est déjà prononcée à deux reprises sur l'opportunité d'utiliser les drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques en agriculture : à l'occasion du vote, en mai 2023, de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou ; mais aussi, tout récemment, lors du vote, en janvier dernier, de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, déposée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville.

Et c'est bien le dispositif adopté dans le cadre du compromis trouvé entre le rapporteur de ce texte, Pierre Cuypers, et le Gouvernement que l'on retrouve, à une nuance près, dans le texte que nous étudions ce matin. Autrement dit, le Sénat s'est d'ores et déjà prononcé favorablement sur un dispositif quasi identique.

Dans ces conditions, faut-il soit un rejet pur et simple de la proposition de loi, au motif qu'un dispositif similaire figure dans la « PPL Contraintes », dont nous savons désormais qu'elle sera débattue fin mai à l'Assemblée nationale, soit, au contraire, une adoption conforme, de manière à sécuriser définitivement cet acquis pour nos agriculteurs ?

Pour ce qui me concerne, je souhaite nous inviter collectivement à appliquer cette vieille maxime paysanne voulant qu'« un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », « Bal melhor tenir que esperar » comme on dit en occitan, et à adopter la présente proposition de loi. C'est d'ailleurs également la position de l'essentiel de la profession agricole, dont j'ai auditionné les représentants la semaine dernière.

Ces auditions m'ont permis de me forger la conviction que, si ce texte pouvait être amélioré sur certains points - j'y reviendrai -, il constitue un point de départ nécessaire pour « cranter » enfin, après des années de débats, la possibilité de réaliser des épandages au moyen de drones.

Bien entendu, cet usage est encadré et limité : nous ne parlons pas ici d'utiliser des hélicoptères, pratique qui a pu avoir cours par le passé, mais qui a ensuite été interdite. Il est encadré par les prescriptions générales d'usage des drones et d'emploi des produits phytopharmaceutiques. Il est aussi encadré dans la mesure où seuls les produits les moins dangereux pourront être épandus par drone et par le fait que seules les parcelles en pente, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes seront susceptibles de recevoir des traitements avec ce mode d'administration.

Notons que la seule différence entre le texte qui nous est soumis et le dispositif adopté dans le cadre de la « PPL Contraintes » réside dans le pourcentage minimal de pente nécessaire à l'autorisation de l'épandage par drone : alors qu'il était de 30 % dans le cadre de l'accord global avec le Gouvernement portant sur la proposition de loi, les députés ont préféré l'établir à 20 %, ce qui me semble tout à fait pertinent. Cela permettra à davantage d'agriculteurs de bénéficier de cette technique.

En réalité, le dispositif proposé dans ce texte recoupe l'expérimentation menée jusqu'en 2021 dans le cadre de l'article 82 de la loi Égalim de 2018 et évaluée en 2022 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'évaluation portait en effet essentiellement sur des vignes en pente, mais aussi, de façon plus marginale, sur des bananeraies et des champs de pommiers.

Beaucoup de débats ont déjà eu lieu autour des quarante-quatre pages de conclusions de l'agence, dont nous avons bien entendu auditionné les représentants. Pour ma part, je retiens de ses conclusions qu'il est indéniable que les drones présentent des avantages manifestes pour certains usages, principalement pour les applicateurs, avec des taux d'exposition jusqu'à deux cents fois inférieurs. Il est vrai que, sur d'autres paramètres, les résultats de l'Anses sont prudents. Ainsi, l'Anses indique que les conditions d'utilisation ont fort logiquement un impact très important sur le niveau de la dérive, qui, suivant les cas, est soit inférieur, soit supérieur à la dérive observée avec du matériel classique.

Ce sont les quelques incertitudes qui demeurent qui ont motivé le choix de n'autoriser que les produits les moins dangereux pour un usage par drone, contrairement à l'expérimentation menée de 2018 à 2021, qui concernait l'ensemble des produits. Je considère ce choix judicieux, dans la mesure où le cadre européen entourant l'usage d'aéronefs demeure particulièrement strict dans la définition des conditions pouvant justifier une dérogation à l'interdiction générale de pulvérisation aérienne.

En revanche, je formulerai une remarque à propos de la filière banane, dont nous avons aussi auditionné certains représentants. Cette filière est confrontée à une baisse tendancielle de ses rendements en raison du retrait progressif des produits phytopharmaceutiques disponibles, ainsi que de l'interdiction des traitements aériens depuis plus de dix ans. Elle fait notamment face à la cercosporiose noire, un champignon dévastateur contre lequel un traitement fongicide sur les feuilles du dessus des bananiers est nécessaire. Ce traitement est actuellement administré par voie terrestre, par des opérateurs équipés d'un pulvérisateur à dos d'une trentaine de kilos et qui, bien souvent, ne portent pas la combinaison de protection en raison du climat tropical sur place - quand je pense que c'est déjà difficilement supportable quand je suis dans mon tracteur... Si ce texte ouvre bien la possibilité de pulvériser des produits de biocontrôle par drone, il ne permettra pas de soulager les travailleurs administrant depuis le sol le fongicide conventionnel utilisé dans la lutte contre ce champignon. Aussi, je pense que nous n'avons pas épuisé la question posée par les enjeux spécifiques de cette filière et qu'il faudra sans doute y revenir.

Pour conclure, j'ajoute que, tout comme le dispositif que nous avons récemment voté, ce texte prévoit un mécanisme d'expérimentation du drone sur d'autres cultures, qui devront faire l'objet d'une évaluation de la part de l'Anses avant de pouvoir être pérennisés, si des bénéfices manifestes pour la santé humaine et pour l'environnement sont observés.

En votant ce texte, nous mettrons donc fin, pour une bonne partie, à une surtransposition franco-française, en permettant, comme d'autres pays européens, d'utiliser l'innovation permise par les drones, qui n'en sont qu'à leurs débuts, au service de la réduction de l'exposition des opérateurs, mais aussi de la quantité globale de produits phytopharmaceutiques utilisés ou encore de l'attractivité du métier agricole, par la réduction des contraintes et de la pénibilité.

Pour ce qui concerne le périmètre de la proposition de loi, je vous propose de considérer que, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la conférence des présidents, sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives à l'usage d'aéronefs circulant sans personne à bord pour l'application de produits phytopharmaceutiques en agriculture.

M. Bernard Buis. - Je veux remercier Mme la présidente pour ses propos liminaires et M. le rapporteur pour son rapport très documenté.

Partant du principe qu'il vaut mieux tenir que courir, je pense qu'il est préférable que l'on vote rapidement cette proposition de loi. Ainsi, nous pourrons continuer l'expérimentation et, peut-être, avancer sur l'utilisation des drones, demain, pour d'autres produits et d'autres secteurs. Ce dispositif est attendu par nos agriculteurs. Un vote conforme sera le bienvenu.

M. Daniel Salmon. - Merci au rapporteur de son travail.

Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 1er, compte tenu de l'insuffisance des données dont nous disposons aujourd'hui.

Ainsi, selon l'Anses, « l'analyse des données ne permet pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées. Il conviendrait de poursuivre les expérimentations pour consolider les résultats et confirmer les tendances observées. » J'ai participé à l'audition de l'Anses, qui était très intéressante. L'agence appelle à ce que nous croisions nos données avec celles d'autres pays européens qui travaillent sur le sujet, comme l'Allemagne et l'Espagne. Pour l'instant, cela n'a pas été fait. Nous devons continuer à travailler. Effectivement, certains apports technologiques peuvent être intéressants.

D'aucuns semblent découvrir aujourd'hui la dangerosité de certains pesticides. Vouloir protéger les opérateurs est une très bonne chose, mais on sait que la volatilisation peut être beaucoup plus importante avec les drones ! C'est ce qui a justifié l'interdiction totale qui a prévalu durant longtemps avant la première loi Égalim.

Les évolutions technologiques doivent être prises en compte, mais nous estimons qu'il faut en rester à une expérimentation et, surtout, ne pas l'étendre à d'autres cultures, car nous avons besoin de beaucoup plus d'informations. Nous sommes donc, en l'état, pour la prolongation de l'expérimentation, mais surtout pas pour un élargissement.

De même, l'Anses ne dit pas forcément non aux drones, mais considère qu'il faut de la formation - ces appareils ne se pilotent pas n'importe comment -, de la maintenance et un contrôle de ces appareils. De fait, il convient de contrôler que la facilitation de l'utilisation des pesticides ne va pas engendrer une augmentation de leur volume.

Tout cela nous amène à proposer la suppression du dispositif de cette proposition de loi.

M. Gérard Lahellec. - Merci, monsieur le rapporteur. Je dois avouer mon grand embarras, qui tient au fait que, en ma qualité de petit paysan du centre Bretagne, je ne connais du sujet que des applications très limitées. Chez moi, c'était le blé d'hiver et les pommes de terre !

D'ailleurs, grâce notamment au travail de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), on a découvert une nouvelle variété de pomme de terre, la zen, qui est peu sensible au mildiou. Par conséquent, je me suis mis à cultiver de la zen - il paraît qu'il n'est pas mauvais d'être zen de temps en temps...

À l'époque, on apprenait que la projection des produits phytosanitaires n'a pas la même efficacité selon la distance qui la sépare de la plante. La déperdition était proscrite pour éviter une moindre efficacité du traitement. Depuis, les choses ont évolué, tant et si bien que beaucoup d'agriculteurs interdisent à leurs enfants de manipuler les produits.

Par conséquent, je considère que le sujet est sensible et qu'il faut des avis scientifiques un peu élaborés sur le sujet. À cet égard, l'Anses ne nie pas le progrès que peut constituer l'usage des drones, mais elle est assez prudente sur les prescriptions d'usage. S'agissant des manipulations, il ne faut pas faire n'importe quoi... Le niveau d'inconnu qui entoure le sujet m'incite à être prudent sur la généralisation des usages.

Je n'ai pas parlé de la vigne. Nous n'en produisons pas.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Pas encore !

M. Gérard Lahellec. - Cela pourrait arriver, et ce ne serait pas forcément une bonne nouvelle...

M. Henri Cabanel, rapporteur. - En tout cas pas pour nous !

M. Gérard Lahellec. - À la faveur du réchauffement climatique, certains ont commencé à planter quelques vignes chez nous, ce qui n'est pas rassurant.

Très clairement, nous sommes, à ce stade, hostiles à la généralisation, raison pour laquelle nous ne voterons pas cette proposition de loi.

M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie le rapporteur du travail effectué.

Cette proposition de loi entend déroger au principe général d'interdiction de pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques.

Nous considérons qu'il faut dissocier l'usage de la technique, d'une part, et les produits utilisés, d'autre part. Jamais nous ne refuserons le progrès quand celui-ci vient améliorer les conditions de travail. En revanche, jamais nous ne défendrons l'usage des pesticides.

Nous allons nous aussi nous appuyer sur l'Anses, qui, contrairement à ce qu'avance l'auteur de la proposition de loi, ne formule aucun avis tranché dans son rapport d'évaluation et semble même plutôt réservée, notamment au regard des dérives.

Nous sommes conscients qu'il existe une réelle difficulté liée à la spécificité de certains territoires à la topologie particulière. C'est surtout vrai dans les territoires ultramarins. Aussi, ce sujet mériterait une réflexion spécifique pour que des aménagements puissent être trouvés dès lors que toutes les garanties de sécurité pour l'homme et l'environnement ne seraient pas réunies.

Je termine par le droit à l'essai. La proposition de loi pourrait ouvrir l'autorisation d'épandage par drone pour toutes les cultures et toutes les parcelles en cas d'« avantages manifestes » à l'issue de l'expérimentation, et ce sans que l'on ait jamais à repasser devant le Parlement. Cela nous paraît dangereux.

Nous n'avons volontairement pas déposé d'amendements dans le cadre de l'examen en commission, mais nous en déposerons en séance publique. Pour l'heure, nous sommes contre ce texte, mais je ne doute pas de l'ouverture de notre rapporteur pour que nous puissions le voter en séance.

M. Pierre Cuypers. - Cette proposition de loi est vertueuse. Je suis agriculteur. Quand je me suis installé, on utilisait autour de 600 à 700 litres d'eau pour traiter un hectare de pommes de terre, soit entre 2 000 et 3 000 points d'impact de matière active au centimètre carré recto verso sur une feuille de pomme de terre.

Le mildiou se traite en fonction de la pluviométrie : quand elle est excessive, on ne peut pas protéger la plante, raison pour laquelle j'utilisais un hélicoptère d'une société du département voisin. On traitait alors à moins de cinquante litres d'eau à l'hectare.

Aujourd'hui, il est bien évident que l'on ne va pas traiter un champ de dix hectares de pommes de terre avec un drone ! Cela étant, il y a drone et drone. Les drones dont nous parlons aujourd'hui sont des drones professionnels. Ce ne sont pas des gadgets. On peut aujourd'hui, avec un drone, traiter à moins de cinquante litres d'eau à l'hectare, en utilisant des produits antidérive qui permettent justement que la molécule traite ces 2 000 à 3 000 points d'impact dont j'ai parlé, grâce à la turbulence et à la proximité de l'aéronef par rapport au sol.

Au-delà de la vigne, j'ai fait traiter les toitures des églises avec de l'antimousse, et cela marche ! On est alors à moins de dix litres.

Il me paraît exceptionnel que l'on puisse à la fois protéger l'individu, protéger la plante et éviter des coûts extraordinaires. Ce système est donc, pour moi, très vertueux.

Je voterai des deux mains ce texte. Ne refusons pas les innovations qui sont porteuses de progrès et de santé tant pour la plante que pour les hommes !

M. Patrick Chauvet. - Je veux, à mon tour, saluer le travail du rapporteur. Le groupe Union Centriste votera ce texte. De façon générale, il faut être très ouvert au principe de l'expérimentation ; le cas échéant, elle permet de montrer que ce que l'on a testé doit être abandonné.

Je suis persuadé, comme mon collègue Pierre Cuypers, que les nouvelles technologies amènent un progrès humain, sanitaire et environnemental.

Grâce à l'agriculture de précision, nous avons aujourd'hui des outils qui permettent de cartographier les départs de foyer de maladies sur les végétaux. Je pense que certains font un amalgame avec ce qui a pu exister à une certaine époque. Les technologies n'ont plus rien à voir avec ce qu'elles étaient ! Regardons de près ce qu'un drone peut apporter aujourd'hui.

Si l'on observe un départ de foyer sur cinquante ares d'une parcelle d'une dizaine d'hectares, il est très efficient économiquement de n'épandre les produits que sur cette surface, et cela sert l'environnement et l'humain.

On peut débattre ici des conditions d'application, mais il faut aussi penser à celles et à ceux qui pratiquent ces traitements tous les jours. Aucun jeune ne s'engagera si l'on revient aux pratiques pénibles ou dangereuses du passé !

Le développement durable, c'est l'équilibre entre le social, l'humain, l'économique et l'environnemental. Quand ces différentes causes sont servies, on est en plein dans le développement durable. Nous y sommes !

M. Vincent Louault. - Le rapporteur a très bien présenté les choses.

Le problème est que l'on part d'une législation aérienne. Or, aujourd'hui, une rampe de pulvérisateur de traitement n'est pas plus haute que le seuil de vol d'un drone. C'est aussi cela le paradoxe !

Aucun agriculteur ne prend plaisir à traiter ! Il faut remplir le pulvérisateur, s'habiller comme un cosmonaute, enfiler un masque, nettoyer l'appareil, prendre une douche... On ne le fait pas par plaisir ; on le fait par nécessité. En outre, tout cela coûte de l'argent.

La technologie du futur, c'est l'identification des maladies dès qu'elles arrivent. Ce qu'il faudra, demain, c'est être capable de traiter la première infection de pucerons cendrés, sur la surface concernée, pour éviter que tout le champ n'y passe.

L'expérimentation proposée est évidemment une nécessité, mais il faudra aller plus loin. Comme d'habitude, nous allons voter sur une proposition a minima. Sans mauvais jeu de mots, je dirais que cela ne vole pas bien haut !

M. Daniel Gremillet. - Je rejoins beaucoup de ce qui a été dit, en particulier par Vincent Louault, Patrick Chauvet ou Pierre Cuypers, et je veux remercier le rapporteur.

Le vote de ce texte donnera un signal très fort sur la recherche et l'innovation. C'est cela qu'il faut retenir ! Si l'on ne donne pas ce signal, on n'avancera pas.

Il convient d'apporter des réponses à toutes les questions légitimes qui ont été posées, mais la proposition de loi me semble vraiment essentielle pour l'évolution de notre agriculture et la sécurité alimentaire et environnementale. Je la soutiens sans réserve.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Ce texte, qui a suscité beaucoup de débats à l'Assemblée nationale, est un compromis. Je comprends qu'il puisse y avoir des réticences, mais évoquons le contexte.

Nous ne voulons pas généraliser l'expérimentation. Seules des parcelles à forte pente sont concernées, de 20 % ou plus, avec des produits de biocontrôle, des produits autorisés en agriculture biologique et à faible risque. Il n'est pas question de généraliser, même s'il faudra réfléchir plus avant pour les bananeraies, car se pose un vrai problème de rentabilité à terme.

Sont donc concernées des pentes très abruptes, avec des produits autorisés ; nous n'autorisons pas tout. Je ne comprends pas le rejet exprimé par certains, car l'Assemblée nationale a trouvé un bon compromis. Le rapport de l'Anses montre l'intérêt de poursuivre l'expérimentation, notamment dans ses conclusions générales. On ne peut pas se priver de l'opportunité que représentent les drones, il faut continuer à innover.

Qui va piloter ces engins ? La réglementation exige une formation adéquate. Celui qui réalisera le traitement devra disposer d'un certificat individuel de produits phytopharmaceutiques, dit Certiphyto. Il s'agira certainement d'entreprises spécialisées. Le ministère de l'agriculture prendra par arrêté les mesures nécessaires afin d'assurer ces formations.

Traiter par drone permettra en outre d'économiser des volumes par rapport au traitement terrestre.

Force est de constater qu'une amélioration des buses antidérive et une altitude moindre engendreraient moins de dérives. Actuellement, les drones peuvent épandre à des hauteurs faibles, inférieures à 3 mètres.

Nous avons interrogé les viticulteurs en bio. Ils demandent eux-mêmes que l'on puisse traiter par drone dans les pentes à 20 %. Rendez-vous compte de la dangerosité des traitements terrestres, notamment en cas de mauvaises conditions météorologiques. Pour le bio, seuls les traitements préventifs sont possibles, si bien qu'après un fort épisode de pluie, qui lessive les produits, il faut automatiquement « recouvrir » les végétaux. Cependant, après un orage, quand la terre est meuble, se rendre dans des parcelles avec 20 % de pente est très dangereux. Ne nous privons pas de l'opportunité d'utiliser un drone, et ainsi de sécuriser l'opérateur.

Ceux qui s'opposent à cette mesure me semblent avoir une position dogmatique... Je le dis d'autant plus facilement que je travaille en bio.

Comme l'a dit Patrick Chauvet, il faut trouver une position équilibrée entre économie, environnement et santé, en particulier la santé des opérateurs.

Il nous faudra faire des efforts pour les bananeraies. Les traitements se font encore à dos d'hommes, dans des pentes de 20 %, avec une combinaison étanche, des gants, des bottes, un masque, avec trente kilos sur le dos ; il faut asperger les feuilles des bananiers sur leur partie supérieure. Résultat : malheureusement, les opérateurs traitent sans protection, mettant leur santé en jeu.

Nous aurons le débat en séance. Mon cher collègue Tissot, vous voulez proposer des amendements, mais, pour ma part, je souhaite un vote conforme. Je refuserai donc tous les amendements, car l'Assemblée nationale a trouvé un bon compromis ; et étant donné le calendrier politique, n'oublions pas qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras...

M. Jean-Claude Tissot. - Nous ne sommes pas contre le progrès et contre l'utilisation de nouveaux matériels, mais tout dépend du produit projeté. Si j'ai bien compris, il ne sera pas possible d'utiliser les drones dans des pentes à moins de 20 %.

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Tout à fait.

M. Franck Montaugé. - Dans mon département, la topographie est très diversifiée, à l'intérieur même de parcelles uniques. Dans certaines parcelles, il y a des parties plates comme des pentes de plus de 20 %. Comment fait-on ? Chez moi, c'est le Piémont !

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Une pente à 20 %, c'est une pente très importante ! Il faut avant tout assurer la sécurité des opérateurs. Je ne sais pas, pour parler du cas précis de M. Montaugé, comment la mesure sera interprétée.

M. Franck Montaugé. - Tout cela sera décliné réglementairement... Nous ne sommes pas sortis de l'auberge.

Connaissons-nous l'accidentologie ? Dans mon département, régulièrement, des tracteurs se renversent.

Avons-nous des connaissances précises sur les maladies - souvent des cancers - causées par les produits de traitement ? Disposons-nous de statistiques, avec une évolution dans le temps ?

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Nous n'avons pas de chiffres sur l'accidentologie, mais nous pouvons facilement imaginer le danger que court celui qui traite avec des engins mécanisés sur des pentes à plus de 20 %.

Au sujet des maladies, il s'agit là d'autoriser les produits phytopharmaceutiques les moins dangereux.

M. Daniel Salmon. - Le droit à l'essai concerne-t-il toutes les parcelles ?

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Le droit à l'essai concerne certaines cultures pour lesquelles l'usage de drone présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement. Une éventuelle généralisation n'interviendrait qu'après une évaluation des résultats par l'Anses.

M. Daniel Salmon. - Merci pour ce beau plaidoyer pour la bio et les produits de biocontrôle, certes, mais on sent bien la volonté d'étendre l'expérimentation, quelles que soient les pentes, quels que soient les produits. Cela viendra dans un deuxième temps, car il en va toujours ainsi.

J'en viens aux entreprises spécialisées. On parle beaucoup de partage de la valeur et de revenu : qui va encore capter une partie de la valeur ? La technologie, oui, mais il faut examiner qui est gagnant.

M. Vincent Louault. - Le principe dérogatoire à l'interdiction d'épandage aérien n'existe que pour un cas : la démoustication. Ainsi, pour les humains, on démoustique, avec des pyrèthres soi-disant naturels, alors qu'ils ne le sont pas du tout : et de traiter par avion et par drone autour de zones habitées ! Qu'en est-il du principe de précaution ?

J'ai un peu de mal à comprendre que l'on refuse cette expérimentation aux agriculteurs, alors qu'on l'autorise sur des populations dans le sud.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En séance, les débats seront riches. Nous en avons eu la preuve.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement de suppression COM-1 et je souhaite que cette proposition de loi soit votée conforme.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 demeure supprimé.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

La réunion est close à 11 h 15.