- Mardi 4 mars 2025
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales - Désignation d'un rapporteur
- « Assurances des collectivités territoriales : un an après le rapport du Sénat, quelles avancées ? » - Audition de M. Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier, Mme Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly, MM. Didier Lechien, maire de Dinan, Stéphane Leyenberger, maire de Saverne, Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya, et Christophe Reynier-Duval, maire de Caderousse
- Mercredi 5 mars 2025
Mardi 4 mars 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Examen du rapport pour avis
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons le rapport pour avis de M. Hervé Maurey sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (Ddadue).
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a délégué au fond à notre commission l'examen des articles 1er à 8 et 10 à 12 du projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'Assemblée nationale a adopté le 17 février dernier ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne. Il a été renvoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui nous a délégué au fond l'examen de onze articles, c'est-à-dire le premier chapitre de son titre Ier à l'exception de son article 9. Le chapitre correspond à des modifications du droit national en matière bancaire, monétaire et financière. Comme souvent pour ce type de texte, les mesures prévues par le projet de loi sont assez hétéroclites. Dans l'ensemble, elles correspondent à la nécessité d'actualiser plusieurs dispositions de notre droit national pour tenir compte des nombreux actes législatifs européens récemment entrés en vigueur.
Il s'agit notamment de plusieurs textes qui ont abouti à la fin de la neuvième législature du Parlement européen, achevée en 2024. En matière économique et financière, on peut penser au paquet législatif en matière bancaire mis en oeuvre pour traduire le cadre prudentiel de « Bâle III finalisé » ou encore au règlement MiCA - Markets in Crypto-Assets -, qui a fixé un cadre européen aux prestataires de service sur cryptoactifs.
La nouvelle Commission européenne dirigée par Ursula von der Leyen semble avoir des priorités différentes de celles de la précédente Commission, pourtant présidée par la même présidente entre 2014 et 2019. Mercredi dernier a été présenté le projet de directive « omnibus » qui devrait revenir sur certaines dispositions de la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) - Corporate Sustainability Reporting Directive - que la France avait déjà transposée, à la différence de certains de nos partenaires. Cette directive fixe un cadre commun à l'échelle de l'Union européenne en ce qui concerne l'obligation pour les entreprises de publier des informations relatives à la durabilité de leurs activités. Au regard des inégalités qui existent entre les différentes entreprises sur leur capacité à s'adapter à ces nouvelles exigences de transparence, un calendrier d'entrée en vigueur progressive selon la taille des entreprises est prévu et pourrait être amené à évoluer dans le cadre de la directive « omnibus ».
Toutefois, les négociations sur ce sujet ne font que commencer et nous ne manquerons pas de nous pencher sur ce sujet à l'occasion de futurs textes Ddadue.
J'attire votre attention sur trois dispositifs concrets du projet de loi que nous examinons ce matin, qui n'épuisent pas les articles, mais illustrent les novations récentes du droit européen.
Premièrement, l'article 2 adapte notre droit national à la nouvelle obligation faite aux banques de ne pas discriminer les virements instantanés en euros. Depuis le 9 janvier 2025, les virements instantanés en euros sont gratuits dans la quasi-totalité des cas. Cette évolution résulte du règlement (UE) du 13 mars 2024 qui interdit aux prestataires de services de paiement de facturer plus cher un virement instantané par rapport à un virement standard. Par conséquent, notre droit national évolue, notamment en habilitant les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour la recherche et la constatation des manquements à cette obligation.
Deuxièmement, l'article 4 du projet de loi tire les conséquences de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. En effet, les dispositions de la cinquième directive anti-blanchiment, qui prévoyait l'accès du grand public au registre des bénéficiaires effectifs (RBE), ont été invalidées par la décision WM c/ Luxembourg Business Register de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de novembre 2022.
Comme prévu par les dispositions de la sixième directive anti-blanchiment, l'article 4 fixe un régime déterminant les personnes qui disposent d'une présomption d'intérêt légitime pour accéder aux données du RBE.
Enfin, le règlement ESAP - European Single Access Point - prévoit la création progressive d'un « point d'accès unique européen » pour les informations financières et extrafinancières publiées par les entreprises. Sur le modèle de la base de données EDGAR - Electronic Data Gathering, Analysis, and Retrieval - tenue par la Securities and Exchange Commission (SEC), qui est l'autorité de régulation des marchés financiers aux États-Unis, la base de données ESAP a vocation à accélérer l'union des marchés de capitaux en réunissant dans un unique registre les informations financières publiées par les entreprises du marché intérieur.
La création de cette base de données unique est un levier important d'intégration de l'Union pour l'épargne et l'investissement. Au regard du nombre important d'actes législatifs européens - plus d'une trentaine - qui doivent être modifiés pour mettre en place ce point d'accès, l'article 1er prévoit notamment une habilitation pour transposer par ordonnance en droit national ces modifications.
Ces différents dispositifs, ainsi que les autres points d'adaptation au droit de l'Union européenne prévus par le projet de loi, me conduisent à vous proposer de rendre, sous réserve des amendements que je vais vous présenter, un avis favorable sur ce projet de loi.
Ces amendements sont de trois types. D'abord, deux amendements ont pour objet de compléter le projet de loi en corrigeant des oublis dans la transposition de la directive AIFM - Alternative Investment Fund Manager -, qui est la directive transversale qui fixe les règles applicables aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatif (FIA) au sein de l'Union. À ce titre, cet amendement permet, d'une part, de compléter les pouvoirs dont dispose l'Autorité des marchés financiers (AMF) vis-à-vis des gestionnaires étrangers de hedge funds, et, d'autre part, de prévoir l'obligation qu'un commissaire aux comptes soit désigné pour les fonds de la catégorie « Autres FIA ».
Ensuite, je vous propose quatre amendements de simplification. Les deux premiers reviennent sur des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qui soit ne sont pas opérationnelles, soit risquent de complexifier le droit national. Deux autres tempèrent les modalités d'application de la directive CSRD sans remettre en cause son effectivité.
Enfin, trois amendements encadrent des habilitations à légiférer par ordonnance prévues par le projet de loi. Si le recours aux ordonnances est parfois justifié, l'autorisation doit être strictement calibrée dans le temps de l'autorisation et dans son périmètre.
À ces trois catégories d'amendements s'ajoutent des amendements de précision rédactionnelle pour assurer la bonne intelligibilité du droit.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur de son travail de qualité.
Il est surprenant de voir la Commission européenne faire machine arrière sur certains dispositifs, ce qui ne manquera pas d'interpeller nos concitoyens.
Quoi qu'il en soit, nous avons besoin d'une Europe fortement coordonnée, en particulier sur les enjeux de défense, qui doit être tant nationale qu'européenne.
Ces risques d'incohérence justifient la pratique de la commission des finances de désigner le même rapporteur sur les projets de loi Ddadue, afin de voir comment les sujets évoluent et sont traités par l'Union européenne.
Mme Christine Lavarde. - La France était en avance dans la transposition de la directive CSRD par rapport à d'autres États membres. Va-t-on revenir sur ce que nous aurions pu transposer en droit français pour tenir compte des assouplissements du droit européen ?
Nous n'avons pas encore transposé la directive sur le devoir de vigilance, assez connexe de la directive CSRD dans sa philosophie et ses implications pour les entreprises. Que pouvons-nous faire avec ce véhicule législatif ? Pouvons-nous anticiper les futures décisions de la Commission ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ce projet de loi va dans le sens d'une simplification, mais jusqu'où rentrer dans cette logique ? Le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement se sont déjà saisis du sujet depuis plusieurs mois. La Commission européenne s'y met désormais. Pourquoi changer encore le cadre juridique, avant qu'il ne change à nouveau ? Je suis perplexe.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - La Commission européenne a opéré une sorte de revirement sur la durabilité, voire sur le droit de l'environnement. On était dans le « toujours plus », et malgré le maintien de la présidente de la Commission européenne à son poste, les positions de la nouvelle Commission diffèrent de celles de la précédente. Une directive « omnibus », en préparation, reviendra sur de nombreux sujets de la directive CSRD.
Je prends acte que mon rôle de rapporteur sur les projets de loi Ddadue est consacré au sein de cette commission ; j'en suis très honoré !
Madame Lavarde, certains amendements prévoient déjà d'assouplir l'application de la directive CSRD avec moins d'obligations pour les entreprises. Sur la directive « omnibus », la proposition de la Commission vient d'être publiée et les négociations sont loin d'être achevées. Il est donc prématuré d'anticiper l'issue de ces discussions et les dispositions afférentes figureront dans un prochain projet de loi Ddadue.
Le projet de loi de simplification de la vie économique, adopté par le Sénat et en attente d'examen à l'Assemblée nationale, comprend également des dispositions pour alléger certaines contraintes imposées aux entreprises dans le cadre de la directive CSRD.
Madame Carrère-Gée, ce texte ne traite pas que de la directive CSRD. Il y a aussi le registre centralisé, le point d'accès unique. Comme tout projet de loi Ddadue, ce texte est très hétéroclite. Je me suis concentré, dans ma présentation, sur les points les plus intéressants.
M. Claude Raynal, président. - Les projets de loi Ddadue deviennent des textes avec des sujets très marqués et divers, sur lesquels nous passons très rapidement alors que certains thèmes ont fait l'objet de très longues discussions au niveau européen. Dans ce texte, aux sujets très variés, est parfois remis en cause, au détour d'une mesure, ce qui avait été précédemment adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Certains dispositifs vont aussi impacter le droit de l'environnement, des transports, le droit social - ils relèvent d'autres commissions.
M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, le périmètre indicatif sur les articles qui nous sont délégués comprendrait, pour les dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne et au droit international dans le domaine du droit bancaire, monétaire et financier : les dispositions relatives à l'encadrement des services d'investissement, des gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et des activités des marchés financiers dans l'Union européenne ; les dispositions relatives aux informations susceptibles d'être transmises par l'Autorité des marchés financiers à d'autres autorités ; les dispositions relatives à l'instauration d'un point d'accès unique européen fournissant un accès centralisé aux informations publiées utiles pour les services financiers, les marchés des capitaux et la durabilité ; les dispositions relatives à la mise en oeuvre du standard européen d'obligations durables sur le plan environnemental ; les dispositions relatives aux règles de conflit de lois applicables aux opérations financières ; les dispositions relatives aux régimes de garanties sur cryptoactifs et sur actifs numériques ; les dispositions relatives à l'encadrement des transferts et des marchés de cryptoactifs ; les dispositions relatives à l'exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles fixée par le droit de l'Union européenne en matière de redressement et de résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ; les dispositions relatives à la mise en oeuvre des modifications du règlement (UE) 575/2013 par le règlement (UE) 2024/1623 ; les dispositions relatives à l'encadrement des activités des gestionnaires de crédits et des acheteurs de crédits ; les dispositions relatives aux virements instantanés en euros ; les dispositions relatives à la transposition de la directive (UE) 2023/2225 ; les dispositions relatives à la transposition de la directive (UE) 2023/2673 ; les dispositions relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité ; les dispositions relatives au pouvoir de sanction de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en matière de mise en oeuvre du règlement (UE) 2019/1238 ; les dispositions relatives aux modalités d'accès aux données relatives aux bénéficiaires effectifs ; les dispositions relatives aux modalités de recours en cas de mise en oeuvre des clauses d'actions collectives applicables aux titres d'État ; les dispositions relatives aux modalités de déclaration des paiements en nature dans le rapport annuel sur les paiements aux gouvernements des grandes entreprises extractives ; les dispositions relatives à la mise en oeuvre de la directive (UE) 2022/2464.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-91 vise à réduire la durée d'habilitation à légiférer par ordonnances - l'examen du texte ayant pris du retard.
L'amendement COM-91 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-92 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-93 tend à supprimer une disposition d'entrée en vigueur différée, prévue en l'espèce le 1er mars 2024.
L'amendement COM-93 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-101 revient sur le dispositif adopté à l'Assemblée nationale, qui prévoit, en cas de conflit de lois, l'application de la loi de l'État auquel appartient le détenteur des cryptoactifs. Le droit européen prévoit dans des situations analogues que s'applique la loi du système où la négociation intervient.
M. Claude Raynal, président. - Pourriez-vous préciser ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'acquis communautaire prévoit dans des cas analogues que, en cas de problème juridique, la loi qui s'applique est celle du système où la négociation intervient. L'Assemblée nationale, au contraire, a décidé que ce serait celle du pays du détenteur. Selon que vous êtes Français ou Italien, ce n'est pas la même règle qui s'appliquerait...
M. Claude Raynal, président. - On appliquera donc pour ces titres la règle actuellement généralement appliquée au niveau européen.
L'amendement COM-101 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-110 complète la transposition de l'article 45 de la directive AIFM - Alternative Investment Fund Manager - en autorisant l'AMF à interdire la commercialisation de certains fonds étrangers.
L'amendement COM-110 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-111 prévoit de désigner un commissaire aux comptes pour l'ensemble des fonds d'investissement alternatifs et d'inclure les commissaires aux comptes dans le régime d'obligation de transmission d'informations à l'AMF.
L'amendement COM-111 est adopté.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 1er ainsi modifié.
Article 2 (délégué)
L'amendement rédactionnel COM-94 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-112 tend à supprimer une habilitation à légiférer par ordonnance : le Gouvernement semble déjà avoir rédigé ces dispositions, et proposera un dispositif qu'on pourra directement inscrire dans la loi lors de la séance publique.
L'amendement COM-112 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-113 vise également à réduire la durée de l'habilitation à légiférer par ordonnance.
L'amendement COM-113 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-114 tend à supprimer une disposition d'entrée en vigueur différée, en l'espèce au 28 février 2025.
L'amendement COM-114 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Il en est de même pour les amendements COM-115 et COM-116.
Les amendements COM-115 et COM-116 sont adoptés.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 2 ainsi modifié.
Article 3 (délégué)
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 3 sans modification.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-95 vise à encadrer les cas dans lesquels la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes peuvent accéder aux données du RBE. Nous proposons de maintenir cette disposition, en précisant que la Cour et les chambres ne pourront accéder qu'aux informations dont elles ont besoin pour exercer leur mission : la Cour des comptes n'a pas besoin de savoir où habite tel dirigeant d'entreprise...
L'amendement COM-95 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-102 vise à supprimer un amendement de l'Assemblée nationale qui crée une redondance avec le dispositif initial de l'article.
L'amendement COM-102 est adopté.
L'amendement de coordination COM-84 est adopté.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 4 ainsi modifié.
Article 5 (délégué)
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 5 sans modification.
Article 6 (délégué)
L'amendement de précision légistique COM-96 est adopté.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 6 ainsi modifié.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Une série d'amendements visent à abroger certaines dispositions de transposition de la directive CSRD, voire à reporter leur application. J'émettrai un avis défavorable sur plusieurs d'entre eux qui sont inopérants, dans la mesure où ils prévoient de supprimer l'ordonnance de transposition alors qu'elle a déjà été codifiée.
Je propose donc un avis défavorable aux amendements COM-32 rectifié, COM-33 rectifié, COM-34 rectifié, qui sont inopérants.
Mme Christine Lavarde. - Nous avons préparé des amendements de repli...
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Effectivement, j'y viens. L'avis sera également défavorable en ce qui concerne l'amendement COM-35 rectifié, qui décale de quatre ans les obligations s'imposant aux entreprises dont les obligations de reporting s'applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025. Ces dernières ne concernent que des entreprises de taille importante, pour lesquelles ces obligations sont donc moins contraignantes que pour les plus petites, et l'année est déjà commencée.
En revanche, l'avis sera favorable sur l'amendement COM-36 rectifié, qui décale de quatre ans les obligations s'imposant notamment aux petites et moyennes entreprises (PME) cotées.
La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-32 rectifié, COM-33 rectifié, COM-34 rectifié et COM-35 rectifié.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'amendement COM-36 rectifié portant article additionnel.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-103 vise à préciser que les vérificateurs des informations de durabilité, à savoir les organismes tiers indépendants, sont des personnes morales et non des personnes physiques. La rédaction actuelle du projet de loi pourrait en effet poser des difficultés si une personne changeait de cabinet en cours de carrière.
L'amendement COM-103 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-104 et COM-19 visent à supprimer les dispositions introduites à l'Assemblée nationale qui prévoient de conditionner l'octroi des aides accordées dans le cadre du plan « France 2030 » au respect par les entreprises bénéficiaires des obligations de la directive CSRD. C'est une surtransposition et un dispositif redondant avec celui qui a été adopté dans la loi de finances de 2024, qui soumet déjà la possibilité de bénéficier des aides de France 2030 à la publication annuelle d'un bilan des entreprises en matière de gaz à effet de serre pour les entreprises qui ont l'obligation de réaliser un tel bilan.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Ne serait-il pas plus simple de conditionner les aides de France 2030 au respect de la loi plutôt que d'imposer aux entreprises de publier un bilan sur les émissions de gaz à effet de serre ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - La publication de ce bilan est déjà prévu par la loi actuelle. L'Assemblée nationale a adopté une complexité supplémentaire l'octroi des aides du plan « France 2030 » serait conditionné au respect des obligations prévues par la directive CSRD. Nous revenons sur cette complexification et sur cette surtransposition notée par l'Assemblée nationale.
Mme Christine Lavarde. - Je connais moins bien la directive CSRD que celle sur le devoir de vigilance. Le rapporteur pour avis estimait qu'il n'y avait pas matière à revenir sur ce qui était déjà entré en vigueur, car cela ne concernait que les grands groupes...
Mais quand bien même la directive sur le devoir de vigilance ne s'appliquait qu'aux grosses entreprises, par effet de ricochet, toutes les entreprises étaient concernées puisque, en fait, on demandait à l'entreprise de tête de pouvoir assurer que, sur toute sa chaîne de valeur, l'ensemble des dispositions relatives notamment aux droits des enfants, aux conditions d'exploitation des matières premières étaient vérifiées. Chacun des sous-traitants devait donc apporter la preuve qu'il respectait ces règles. Est-ce la même chose pour la directive CSRD et en matière de bilan d'émissions de gaz à effet de serre ? Le bilan d'un produit fini tient-il compte du bilan carbone des intrants ? Encore faut-il que les sous-traitants soient capables de donner ces informations. Le fait de l'imposer aux plus gros n'aboutit-il pas à l'imposer à tout le monde ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Dans le cas des consommations intermédiaires qui interviendraient dans un groupe consolidé, la directive CSRD prévoit une application au niveau de la tête de groupe et non des filiales.
Mme Christine Lavarde. - Je parle de la chaîne de valeur et non des filiales.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - De fait, les sous-traitants doivent contribuer...
Mme Christine Lavarde. - Si une entreprise de plus de 250 salariés, donc soumise à la directive CSRD, ne fait qu'assembler en France des éléments importés d'Asie, produits dans des conditions contestables, est-elle considérée comme ayant un bilan carbone faible si l'électricité provient du nucléaire ou de l'hydraulique ? Je ne comprendrais pas non plus une différence d'application entre la directive CSRD et celle sur le devoir de vigilance. Il importe de demander à toutes les entreprises de donner l'ensemble des informations.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'obligation de publication d'informations sur la durabilité de l'activité ne pèse pour l'exercice 2025 que sur les entreprises entrant dans le champ d'application de la directive CSRD. Le fait de tenir compte de la chaine de valeur dans la durabilité de l'activité correspond à la méthodologie retenue dans le cadre de la directive.
Mme Christine Lavarde. - J'entends bien, mais il s'agit de la nature des informations à publier.
M. Claude Raynal, président. - Les grandes entreprises redoutent beaucoup cette obligation.
Mme Christine Lavarde. - C'est prévu dans la directive sur le devoir de vigilance.
M. Claude Raynal, président. - Si l'on ne veut pas surtransposer, peut-être faut-il en rester là...
L'amendement COM-104 est adopté. La commission émet un avis favorable à l'amendement COM-19, identique à l'amendement COM-104.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-105 vise d'abord à assouplir les sanctions en cas de non-respect de l'obligation de désignation d'un vérificateur des informations de durabilité. Je propose de supprimer la peine d'emprisonnement de deux ans qui existe actuellement, en maintenant uniquement la sanction pécuniaire.
Ensuite, sur le délit d'entrave, je vous propose, par cohérence, de reprendre ce qui a été voté par le Sénat dans la loi de simplification de la vie économique, à savoir la suppression à la fois de la sanction pécuniaire et de la peine d'emprisonnement.
M. Thierry Cozic. - Vous maintenez l'amende ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Nous maintenons l'amende en cas de défaut de désignation d'un vérificateur de durabilité, mais supprimons la peine d'emprisonnement.
Concernant le délit d'entrave, le Sénat a voté récemment la suppression de toute sanction, tant pécuniaire que d'emprisonnement. Ce dispositif mériterait peut-être d'être amélioré d'ici à la séance publique.
M. Thierry Cozic. - Nous voterons contre l'amendement COM-105.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Vous opposer à cet amendement revient aussi à maintenir à la fois la sanction pécuniaire et la peine de prison en cas de non-désignation d'un vérificateur...
M. Thierry Cozic. - C'est lié au fait que vous ayez agrégé les deux sujets dans un même amendement...
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - En tant que rapporteur, il me semble en tout état de cause difficile de proposer autre chose que ce qu'a voté le Sénat très récemment, même si je ne trouve personnellement pas cette solution pleinement satisfaisante.
L'amendement COM-105 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement COM-18 rectifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-18 rectifié.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement COM-20.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-20.
L'amendement rédactionnel COM-85 est adopté, de même que l'amendement de correction COM-106.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-107 vise à corriger un oubli : il précise que la procédure simplifiée de sanction concernant les obligations déclaratives s'applique non seulement aux organismes tiers indépendants, mais aussi aux auditeurs de durabilité qui exercent au sein de ces structures.
L'amendement COM-107 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-86 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-97 concerne l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna.
L'amendement COM-97 est adopté.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 7 ainsi modifié.
Article 8 (délégué)
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 8 sans modification.
Article 10 (délégué)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-98 concerne l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna.
L'amendement COM-98 est adopté.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 10 ainsi modifié.
Article 11 (délégué)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-108 vise à maintenir la possibilité pour l'AMF d'imposer aux sociétés cotées sur le marché Euronext Growth de publier leur rapport sur le gouvernement d'entreprise. Dans le cadre de la refonte de l'article, cette disposition avait été supprimée.
L'amendement COM-108 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-99 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-100 concerne l'application de l'article aux îles Wallis et Futuna.
L'amendement COM-100 est adopté.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-109 vise à supprimer une disposition d'entrée en vigueur différée.
L'amendement COM-109 est adopté.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 11 ainsi modifié.
Article 12 (délégué)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable à l'amendement COM-21.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Pour quelles raisons ?
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - M. Dhersin propose une suppression totale de la consultation du comité social et économique (CSE) des filiales exemptées sur les dispositifs de durabilité au sein de l'entreprise. Mon amendement COM-117 prévoit que la consultation du CSE n'ait lieu qu'une fois par an, et non à chaque réunion tri-annuelle.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-21.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - Avis défavorable sur l'amendement COM-22.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-22.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'article 12 sans modification.
Après l'article 12 (délégué)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-117 tend à préciser que le CSE peut n'être saisi des questions relatives à la directive CSRD qu'une fois par an. La rédaction actuelle peut laisser entendre qu'il débat des normes de durabilité des entreprises à chaque réunion, soit trois fois par an.
La commission propose à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'adopter l'amendement COM-117 portant article additionnel.
Le sort des amendements sur les articles pour lesquels la commission bénéficie d'une délégation au fond examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Sylvie Vermeillet rapporteure, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, sur le projet de loi n° 706 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales.
La réunion est close à 09 h 45.
La réunion est ouverte à 17 h 30.
« Assurances des collectivités territoriales : un an après le rapport du Sénat, quelles avancées ? » - Audition de M. Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier, Mme Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly, MM. Didier Lechien, maire de Dinan, Stéphane Leyenberger, maire de Saverne, Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya, et Christophe Reynier-Duval, maire de Caderousse
M. Claude Raynal, président. - Nous avons souhaité, avec le rapporteur général, organiser aujourd'hui et demain deux tables rondes sur les difficultés assurantielles des communes, un sujet qui les affecte fortement et en nombre toujours plus important. Ce dossier a donc toute notre attention depuis l'an dernier et notre commission y a déjà consacré une mission d'information, dont le rapport, élaboré par notre rapporteur général, formulait un certain nombre de recommandations.
Depuis quelques années, les collectivités doivent faire face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain, en raison de la multiplication des aléas climatiques, mais aussi des violences urbaines. Sur ce dernier point, nous avons tous en tête le mouvement des « gilets jaunes », mais aussi, plus récemment, les émeutes de l'été 2023, qui ont engendré des dégâts importants sur les biens immobiliers des collectivités.
Face à ces épisodes, de nombreux élus dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour assurer leur collectivité. Au-delà des cas où elles ne parviennent pas du tout à s'assurer, certaines collectivités voient parfois leurs cotisations multipliées par trois ou quatre, voire leurs obligations d'assurance non respectées concernant la flotte automobile ou encore l'assurance fonctionnelle des élus.
Les travaux de la mission d'information ont montré que les difficultés assurantielles affectent l'ensemble des collectivités, qu'elles soient rurales ou urbaines, qu'elles aient été touchées ou non par des émeutes ou par des phénomènes climatiques violents.
Ces difficultés croissantes découlent de plusieurs facteurs. D'un côté, le marché de l'assurance des collectivités présente des dysfonctionnements et s'avère peu attractif pour les assureurs. Les règles de la commande publique sont particulièrement contraignantes, ce qui conduit les assureurs à ne plus répondre, ou peu, aux appels d'offres. De l'autre côté, la multiplication et l'intensité des aléas climatiques et des atteintes aux biens accroissent le coût des sinistres et fragilisent le modèle économique des contrats d'assurance « dommages aux biens ».
La situation n'est pas en passe de se résorber, bien au contraire. C'est pourquoi, un an après la publication du rapport d'information de la mission d'information de la commission des finances, nous avons souhaité entendre les principaux acteurs sur le sujet en organisant deux tables rondes.
Nous entendons tout d'abord les premiers concernés, les maires, qui vont pouvoir témoigner concrètement devant nous de leurs difficultés et des solutions qu'ils ont pu imaginer pour en sortir, avec plus ou moins de succès.
Pour cette première table ronde, nous avons convié, et je leur souhaite la bienvenue, les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Forts de ces échanges de terrain, la commission des finances entendra demain les représentants du secteur de l'assurance et les acteurs institutionnels pour envisager notamment les réponses concrètes qui doivent être apportées à cette situation.
Nous remercions donc de leur présence les six maires qui se sont rendus disponibles cet après-midi, à savoir Mme Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly ; M. Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier ; M. Didier Lechien, maire de Dinan ; M. Stéphane Leyenberger, maire de Saverne ; M. Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya ; M. Christophe Reynier-Duval, maire de Caderousse.
Dans un souci de représentativité, nous nous sommes efforcés de convier des maires de communes de tailles et de sensibilités diverses, situées sur l'ensemble du territoire français, qui ont fait face à une variété de difficultés et ont adopté différentes stratégies pour les surmonter.
Je vous rappelle que cette audition est ouverte à la presse et fait l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site du Sénat.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous souhaite à mon tour la bienvenue au Sénat, qui représente les territoires et en particulier des communes. Le sujet des difficultés assurantielles nous préoccupe depuis un certain temps et votre éclairage sera précieux, dans le prolongement des travaux que nous avons entrepris dans le cadre d'une mission d'information et d'un travail remis il y a un an. Nous avions alors établi un diagnostic précis de la situation et tâché d'y apporter des solutions appropriées.
Les recommandations de notre mission portaient sur quatre axes : garantir la concurrence sur le marché de l'assurance ; encourager la prévention et la maîtrise du patrimoine par les collectivités ; sécuriser les conditions de passation des marchés publics ; élargir le domaine d'intervention de l'État dans les situations exceptionnelles.
Je souhaite profiter de cette table ronde pour vous soumettre certaines de ces recommandations, afin de les confronter à nouveau à la réalité vécue par les principaux intéressés.
Une première recommandation vise à confier au médiateur de l'assurance une compétence d'accompagnement des collectivités qui ne trouvent pas d'assureur. L'enjeu de la mesure serait de rééquilibrer les relations entre les assureurs et les collectivités territoriales, pour des communes aux moyens souvent limités et qui ne sont pas en capacité de s'auto-assurer. Aujourd'hui, une collectivité qui ne trouve pas d'assureur est totalement démunie et n'a personne vers qui se tourner. Au regard de ses compétences et des moyens humains dont il dispose, le médiateur de l'assurance pourrait aider les collectivités se trouvant dans ce cas.
Une deuxième recommandation a trait à la systématisation des franchises dans les contrats d'assurance. J'ai conscience qu'elle peut prêter à controverse : à mes yeux, la vertu principale d'une telle recommandation est de recentrer les contrats d'assurance sur les risques majeurs, et donc de permettre une meilleure indemnisation de ces derniers. Il s'agit d'un contrat donnant-donnant, dans lequel les assureurs répondent présents en cas de crise et les collectivités sont incitées à mener des actions de prévention pour ne pas avoir à subir la multiplication du coût de petits dommages, qui seraient par nature exclus par la franchise.
Une troisième recommandation prévoit l'obligation de motiver les résiliations de contrats d'assurance. Les résiliations unilatérales, en l'absence de toute justification, sont en effet particulièrement difficiles à appréhender pour les collectivités, surtout en l'absence de sinistralité notable.
Enfin, une quatrième recommandation porte sur la création d'un mécanisme de mutualisation du risque « émeutes ». Sur le modèle du régime des catastrophes naturelles, en cas de dégradations massives du mobilier urbain, l'État prendrait un arrêté de reconnaissance d'émeutes, déclenchant une indemnisation partagée entre l'assureur et le réassureur. Le système serait financé par une « surprime » sur tous les contrats d'assurance « dommages aux biens » conclus par les collectivités.
Je vous remercie par avance pour vos témoignages et vos avis sur ces diverses propositions. Je constate malheureusement qu'à ce jour, les gouvernements successifs se sont insuffisamment saisis des conclusions du rapport d'information. Ces deux jours d'audition vont nous aider à agir de manière plus concrète pour répondre à vos attentes.
M. Bernard Delcros, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Le rapport d'information évoqué par le rapporteur général, les travaux menés par plusieurs associations représentatives des élus locaux et les nombreuses saisines des maires qui nous parviennent font état d'une aggravation préoccupante de l'assurabilité des collectivités locales.
Les montants des cotisations et des franchises connaissent une explosion : la commune de Rive-de-Gier, dans la Loire, nous a par exemple alertés sur le montant de sa franchise, qui a soudainement été porté à 2,5 millions d'euros pour les dégâts liés aux émeutes urbaines.
La pratique contractuelle agressive, avec l'introduction d'avenants en cours de contrat portant sur les tarifs, les franchises, mais aussi sur la couverture de ces interrisques qui se voient soudainement exclus des contrats, est inquiétante. Le marché public infructueux, qui était l'exception, est en passe de devenir la règle, tandis que la résiliation unilatérale pure et simple laisse des collectivités dépourvues de toute couverture des risques.
S'y ajoute une concentration importante de l'offre qui nuit à la concurrence et à la diversité des couvertures proposées, tout ceci dans un contexte de hausse du nombre de sinistres, notamment avec la multiplication des aléas naturels et des dégradations de biens publics, avec des émeutes à répétition. De ce point de vue, les perspectives en termes de risque climatique tracées récemment par MMA sont tout à fait inquiétantes.
Face à ces problématiques de mieux en mieux documentées, l'attente des collectivités est grande et nous devons impérativement leur apporter des réponses. Le Sénat est attendu sur cette question et le président Larcher entend bien répondre à l'appel des élus locaux. Il a pour cela saisi la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et je suis heureux du travail que nous menons de concert avec la commission des finances.
Nous ne pouvons en aucun cas laisser les collectivités dépourvues de solutions. Je pense en particulier aux plus petites d'entre elles, les communes de moins de 5 000 habitants, qui ne disposent souvent pas d'un service juridique pour faire face à ces situations. Il faut bien entendu prendre en compte, également, les contraintes économiques des assureurs dans nos recherches de solutions, si nous voulons que celles-ci soient pérennes.
Ce constat étant posé et partagé, comment agir concrètement ? Outre les recommandations formulées dans le rapport d'information de Jean-François Husson, quel rôle l'État peut-il jouer aux côtés des compagnies d'assurance pour sécuriser les collectivités ? Les procédures actuelles de marchés publics sont-elles bien adaptées alors que ceux-ci sont souvent infructueux ?
Est-il possible, au regard du droit européen, de durcir les conditions de résiliation unilatérale des contrats d'assurance, d'en modifier les délais ? Est-il envisageable, en cas de résiliation unilatérale, de garantir la possibilité pour une collectivité de poursuivre le marché pour la durée nécessaire à la passation d'un nouveau marché, afin d'éviter qu'elle ne se trouve dépourvue de contrat ? Cela permettrait-il d'éviter la multiplication des décisions de justice défavorables aux collectivités telles que celle du 9 décembre dernier concernant la commune de Breil-sur-Roya ?
De même, est-il possible d'encadrer plus strictement les modifications substantielles et unilatérales des contrats d'assurance des collectivités territoriales ? Une adaptation du droit applicable selon la taille des communes est-elle souhaitable afin de protéger les petites collectivités dans lesquelles les enjeux et les risques sont souvent moindres ? Enfin, comment dynamiser la concurrence au sein du marché des assurances aux collectivités locales ?
Il importe de répondre à la préoccupation légitime des élus locaux et de leur apporter rapidement des solutions concrètes. L'objectif de cette rencontre est de recueillir votre avis sur les solutions à envisager, car vous êtes confrontés directement à ces problématiques dans vos communes respectives.
Mme Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly. - Je vous remercie, tout d'abord, de nous donner la parole. Situé dans le département de la Seine-Maritime, Le Petit-Quevilly compte près de 22 500 habitants, deux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV), treize écoles, dix équipements sportifs, deux crèches municipales, un centre de loisirs, deux locaux accueillant des associations d'assistantes maternelles, une maison des associations, deux foyers pour personnes âgées et une résidence autonomie. Viennent compléter cette liste l'hôtel de ville, le centre technique municipal, deux salles des fêtes municipales, ainsi que trois bâtiments accueillant les centres sociaux et le centre communal d'action sociale (CCAS).
Ces bâtiments sont quasiment tous neufs ou rénovés depuis moins de dix ans : il me paraît difficile de ne pas assurer le fruit de tant d'investissements, même si cette solution a été évoquée.
En janvier 2023, à la suite de trois appels d'offres infructueux, nous avons fait appel à un courtier afin de trouver un assureur, avec une prime annuelle de 110 000 euros, une couverture incendie accidentelle de 19 millions d'euros, une couverture incendie en cas de mouvements sociaux à hauteur de 200 000 euros et, enfin, une franchise d'un montant de 100 000 euros.
En juin 2023, nous avons subi, à l'instar d'autres communes, les émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel, l'une de nos écoles ayant été visée et en partie incendiée. Nous avons immédiatement déclaré le sinistre à notre assureur, en précisant qu'il s'agissait bien du premier événement que nous déclarions depuis la souscription de notre contrat en janvier 2023.
Une première expertise nous a rapidement été envoyée et a fait état d'un montant des travaux de 136 000 euros ; puis, le 7 août, en plein coeur de l'été, nous avons reçu un courrier de résiliation du contrat, à effectivité au 7 septembre 2023.
Le 10 août, nous avons été informés qu'une nouvelle expertise avait été dépêchée et que le montant des travaux s'élevait désormais à 650 000 euros. Or nous avions décidé que nous ne réaliserions pas de travaux dans cette école maternelle, située dans un quartier en plein renouvellement urbain et vouée à la démolition sous trois ans, d'autant plus que nous étions capables d'accueillir les élèves dans un autre établissement.
À la fin octobre, nous avons été informés d'une nouvelle expertise réévaluant le montant des travaux à 906 000 euros.
Lorsque j'ai reçu le courrier de résiliation, j'ai communiqué sur les réseaux sociaux en exprimant - le mot est faible - ma surprise. Dans un premier temps, cette couverture médiatique, notamment dans la presse spécialisée, nous a sauvés de la résiliation du contrat, puisque l'assureur a fini par accepter de rediscuter et de renégocier les conditions de notre couverture pour une année, ce que nous avons fait. J'ajoute que nous avons aussi menacé de faire appliquer la jurisprudence du tribunal administratif de Marseille obligeant l'assureur à nous garder.
Au bout de cette année de renouvellement du contrat, nous avons de nouveau lancé un appel d'offres, qui a été dans un premier temps infructueux. Nous nous sommes donc tournés vers un courtier et avons trouvé un nouvel assureur, avec une prime annuelle qui est passée de 110 000 euros à 237 442 euros et une franchise dont le montant a atteint 1 million d'euros, contre 100 000 euros avec le précédent assureur.
L'une des propositions que je porte consiste à créer une structure publique ou parapublique qui permettrait aux collectivités se retrouvant sans solution de trouver une assurance. Si le recours à l'auto-assurance est parfois évoqué parmi les pistes envisageables, celle-ci expose les collectivités à un risque financier et je peine à imaginer un maire annonçant à ses administrés qu'il refuse d'investir dans la rénovation des bâtiments au motif qu'il entend devenir son propre assureur. Nous sommes finalement confrontés à un dilemme entre l'augmentation des primes d'assurance et des franchises, d'une part, et le renoncement à de nécessaires investissements de rénovation de nos communes, d'autre part.
M. Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier. - Merci beaucoup pour votre invitation. Au lendemain des inondations du 17 octobre 2024, après avoir sauvé des vies grâce aux sapeurs-pompiers et aux habitants, après avoir réussi à déblayer la ville rapidement pour reprendre le cours normal des choses, j'ai ressenti un très fort sentiment de double peine, une fois mon bureau regagné.
En effet, après les émeutes urbaines de 2023, Groupama - pour bien les citer - a résilié le contrat qui nous liait. Nous avons, avec effort, trouvé un nouveau contrat, le nouvel assureur nous imposant une franchise exorbitante de 2,5 millions d'euros en cas de nouvelles émeutes urbaines, sans nous prévenir que cette franchise s'appliquerait également en cas de catastrophe naturelle. Cet assureur - que je ne nommerai pas ici, mais que chacun connaît - a très bien évalué les risques dans la mesure où Rive-de-Gier, qui dispose d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), avait déjà subi une inondation catastrophique en 2008.
Au lendemain de l'inondation de 2024, l'assureur nous a donc fait part d'une réforme du régime des assurances privées pour les collectivités locales en cas de catastrophe naturelle, et nous a indiqué que la franchise de 2,5 millions d'euros allait s'appliquer. Nous estimions alors le montant des dégâts à 2 millions d'euros : ce dernier a depuis été réévalué à la hausse pour atteindre environ 4 millions d'euros.
Après avoir examiné les détails du contrat, nous nous sommes aperçus que l'assureur avait oublié d'y intégrer la réforme et que nous relevions bien du régime des 10 % de reste à charge, ce dont il a convenu. Cependant, la compagnie nous explique désormais que la Caisse centrale de réassurance (CCR) ne souhaite pas l'indemniser à hauteur des montants dus, et nous invite à traiter directement avec la CCR.
C'est totalement inacceptable, et ma première demande porte sur l'abrogation de cette réforme de l'indemnisation des collectivités locales en cas de catastrophe naturelle. Comment peut-on, en effet, appliquer une clause à un autre risque qu'à celui qui est prévu initialement ? En quoi sommes-nous responsables des émeutes urbaines qui se sont déroulées dans notre pays à l'été 2023 ? Et en quoi sommes-nous responsables d'une catastrophe naturelle climatique ? En aucune manière dans les deux cas, bien distincts.
Il convient, bien évidemment, de faire des efforts : pour ce qui nous concerne, nous sommes engagés avec l'État et la métropole pour adapter l'urbanisme de la commune, située dans une vallée encaissée et donc sujette à un risque d'inondation. Pour autant, il est exclu que nous subissions cette double peine et que l'on nous demande de fournir des efforts sans nous laisser la possibilité de disposer d'une couverture assurantielle.
Je demande donc le retour à un régime d'indemnisation des collectivités locales en cas de catastrophe naturelle qui soit acceptable, ainsi que l'accès à une couverture assurantielle digne de ce nom.
Par ailleurs, je souscris aux propos de ma collègue : si le marché n'est pas capable d'apporter une réponse aux collectivités locales, il faut s'interroger sur les manières de le moduler et de le réglementer. Faudrait-il instaurer une structure publique d'assurance dédiée aux collectivités ? Je n'y suis pour ma part pas opposé.
La recommandation, formulée dans le rapport sénatorial, sur l'élargissement des compétences du médiateur de l'assurance peut être un premier pas. Mais il faudrait selon moi aller plus loin et raisonner en termes d'obligation, car il est indispensable d'apporter une réelle protection aux collectivités locales.
En préparant cette audition, j'ai consulté le site de la Banque de France. J'y ai constaté que le secteur assurantiel - hormis le segment des collectivités locales - est loin d'être en difficulté : à fin septembre 2024, l'encours des placements financiers des assureurs et des fonds de pension atteignait 2 731 milliards d'euros, en hausse de 64 milliards d'euros par rapport au trimestre précédent. Nous avons ainsi appris, dix-sept jours avant l'inondation qui a touché l'Ardèche et la Loire, la hausse faramineuse des moyens financiers dont disposent les organismes ayant vocation à nous assurer.
À ce titre, la segmentation du marché des assurances pose problème. J'estime que nous devrions intervenir sur cet aspect. D'où proviennent les montants que je viens de citer ? Des cotisations des particuliers, des commerçants, des artisans et des chefs d'entreprise présents dans nos communes et qui ont besoin des services publics qu'elles proposent, à commencer par le coût des polices municipales, de plus en plus onéreux en raison du retrait de la police nationale.
Cette protection des biens et des personnes inclut d'ailleurs le système communal d'alerte et d'information sur le risque climatique : s'il n'avait pas été déclenché le 17 octobre, les dégâts auraient été bien plus lourds pour les particuliers, les artisans et les commerçants, ce qui aurait eu des répercussions sur les assurances concernées. Voilà pourquoi une segmentation trop poussée du marché des assurances est problématique : nous devons pouvoir bénéficier d'un marché qui prendrait en compte l'intérêt général et permettrait d'assurer des collectivités locales indispensables au système économique de notre pays, notamment par leur gestion de la voirie et des établissements scolaires.
Il nous faut maintenant dépasser le stade des recommandations, une proposition de loi pouvant être l'un des outils à utiliser. Il est impératif d'agir, car nous faisons face à un bouleversement climatique qui entraînera d'autres dégâts considérables à l'avenir, et qui exigera d'autant plus la continuité du service public local - l'une des richesses de notre pays.
M. Didier Lechien, maire de Dinan. - Dinan, avec ses 14 966 habitants, n'a connu ni émeutes urbaines ni inondation, mais c'est une ville patrimoniale riche de soixante-quinze monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ce qui explique sans doute la réticence des assureurs à nous accompagner.
Depuis le 1er janvier 2024, la commune est assurée par deux assureurs, l'un japonais, l'autre américain, aucun assureur français n'ayant souhaité couvrir nos risques.
Afin de comprendre cet état de fait, il faut remonter à mars 2023, date à laquelle notre ancien assureur nous a fait part de son souhait de résilier notre contrat « dommages aux biens ». Sa décision était parfaitement conforme au code des assurances et il n'avait pas à la motiver ; le courrier précisait néanmoins que cette résiliation intervenait dans le cadre de la fusion entre la Maif et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (Smacl).
À la suite de cette lettre de résiliation, nous avons lancé un appel d'offres qui s'est révélé infructueux à l'issue du délai de trente jours fixé pour la réception des offres. Un allongement dudit délai à quatre-vingt-dix jours n'aurait, me semble-t-il, probablement rien changé, dans la mesure où nous avions très largement relevé nos seuils de franchise au moment de la passation des marchés.
À partir de septembre 2023, nous avons entamé des négociations directes avec les assureurs par le biais de la procédure de gré à gré. Nous avons alors pris attache avec la Smacl, qui nous couvre par ailleurs pour nos risques « responsabilité civile » et « flotte automobile ». Celle-ci nous a opposé une fin de non-recevoir, tout comme les autres compagnies d'assurances, qu'il s'agisse d'Axa, de Groupama ou d'Allianz, certaines d'entre elles n'ayant d'ailleurs même pas répondu ou formulé de contre-proposition. Selon moi, l'assouplissement des procédures n'est guère susceptible de résoudre cette difficulté.
Nous avons supposé que ces refus s'expliquaient par notre sinistralité, car nous avions connu quelques dommages les années précédentes, notamment dans nos parkings. Notre prime annuelle avait pourtant sextuplé, passant de 43 000 euros en 2018 à 287 000 euros en 2020.
C'est en échangeant avec d'autres collègues que nous nous sommes rendu compte que nos difficultés n'étaient pas tant liées à notre sinistralité mais à l'atonie et à la réorganisation du marché, les compagnies d'assurances privilégiant le marché des particuliers au détriment de celui, non rentable, des collectivités territoriales.
Les compagnies d'assurances que j'ai eu l'occasion de rencontrer insistent sur ce point, déjà souligné par deux rapports publiés l'an dernier - celui du Sénat et celui de la mission conduite par Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès - ainsi que par un avis de l'Autorité de la concurrence. Le marché souffre en effet d'une situation duopolistique qui grève la concurrence.
En novembre 2023, nous avons publié, aux côtés d'autres maires de l'Association des petites villes de France (APVF), une tribune dans le journal Le Monde afin d'alerter le gouvernement de l'époque et de l'inciter à agir, arguant qu'il était inconcevable que des communes ne parviennent pas à protéger des équipements indispensables au fonctionnement des services publics.
Les compagnies d'assurances oublient parfois cette dimension lorsqu'elles nous comparent à des entreprises : nous assumons des missions de service public dont les logiques sont distinctes de celles du secteur privé.
Par ailleurs, il n'était pas question pour nous de basculer dans un régime d'auto-assurance, pour plusieurs raisons. Premièrement, les règles comptables actuelles rendent le recours à ce mécanisme complexe. Deuxièmement, l'auto-assurance aurait eu pour effet de limiter notre autonomie financière et faisait courir un risque important à la collectivité : comment provisionner, en effet, des sommes pour un risque qui n'existait pas au moment où il aurait fallu prendre la décision ?
En décembre 2023, nous avons poursuivi nos recherches en nous rapprochant d'un courtier international. Celui-ci, au regard de l'atonie du marché français, a immédiatement pris contact avec des assureurs étrangers. Deux d'entre eux se sont alors portés candidats, l'américain BHSI et le japonais MSIG, avec lesquels nous avons contractualisé jusqu'au 31 décembre 2028.
Nous nous sommes demandés, en fin d'année 2024, si nous devions renégocier les contrats et éventuellement rechercher de nouvelles compagnies d'assurance, mais notre courtier nous a fortement déconseillés de le faire, nous alertant sur une probable augmentation des primes et une diminution, dans le même temps, de la couverture des risques.
Notre situation demeure donc malgré tout extrêmement précaire : avec des surfaces à couvrir d'environ 140 000 mètres carrés, notre prime annuelle, qui était déjà très élevée en 2024, a encore progressé de 5 % en 2025 et s'élève à environ 290 000 euros, en raison notamment du taux de la surprime CatNat.
Nos franchises ont également explosé : notre franchise générale a été multipliée par cinquante par rapport à notre précédent contrat et s'élève désormais à 150 000 euros ; en outre, nous ne déclencherons probablement jamais notre couverture « dommages au parking » en raison du montant exorbitant de la franchise, fixé à 1 million d'euros.
Je ne vous cache pas non plus mes inquiétudes pour la suite, même si nous disposons d'une connaissance très fine de notre patrimoine immobilier et que nous avons déjà tout mis en oeuvre pour limiter les risques.
Dans la perspective de la révision de la directive européenne de 2014, il me semble nécessaire d'engager une réflexion sur la généralisation du marché à procédure adaptée (Mapa) afin de faciliter la passation des marchés et de favoriser le dialogue entre les collectivités et les assureurs, notamment pour ce qui est de la prise en compte des risques et de la rédaction du cahier des charges. Néanmoins, je doute qu'un simple assouplissement de la procédure des marchés publics suffise à régler tous les problèmes, notamment le caractère extrêmement restrictif des conditions de garantie actuelles.
Selon nous, il est primordial de préserver nos capacités de fonctionnement et d'investissement. Les difficultés assurantielles que nous rencontrons s'aggravent, malgré les rapports publiés et les missions mises en place : initialement, elles affectaient principalement les villes de 10 000 habitants à 20 000 habitants, mais elles se sont désormais étendues à des collectivités de plus petite taille.
Les compagnies d'assurance - notamment nationales - invoquent les risques climatiques et les émeutes pour se retirer du marché des collectivités locales, ce qui soulève des questions sur l'exercice de nos missions de service public. Cette situation expose en effet les élus à des risques extrêmement importants. Elle hypothèque, en quelque sorte, le fonctionnement de nos collectivités.
M. Stéphane Leyenberger, maire de Saverne. - Je remercie sincèrement le Sénat d'avoir saisi à bras-le-corps cette question des assurances des collectivités territoriales. Nous nous sentons moins seuls face à des courriers de résiliation unilatérale !
Ville moyenne de 12 000 habitants située en Alsace, Saverne a sans doute eu plus de chance que d'autres communes puisqu'elle n'a connu aucun aléa climatique important depuis de nombreuses décennies, ni d'émeutes, y compris au moment des « gilets jaunes ». Notre faible niveau de sinistralité a permis aux assureurs de prospérer.
À l'instar d'autres collègues, nous avons donc été extrêmement surpris de recevoir, courant 2023, des lettres de résiliation unilatérale de notre assurance « dommages aux biens », mais aussi des contrats couvrant notre responsabilité civile et notre flotte automobile. En faisant des pieds et des mains, nous avons réussi in extremis à trouver des solutions pour ces deux derniers contrats, uniquement pour une brève période. Mais nous sommes restés pendant plus d'un an dépourvus d'assurance « dommages aux biens » pour nos 90 000 mètres carrés de bâtiments, dont un nombre important de bâtiments patrimoniaux. Je pense notamment au château des Rohan, deuxième plus grand château néoclassique de France après Versailles. Savoir qu'un tel bâtiment n'est pas assuré est une source d'inquiétude.
Comme mes collègues, j'ai consulté les courtiers de la place, en particulier le plus grand courtier du Grand Est, qui pensait régler le problème en une semaine. Certes, il n'a jamais lâché l'affaire. Il lui a néanmoins fallu treize mois pour nous trouver une solution auprès d'un assureur suisse, les Assurances Helvetia. Cet assureur assure les biens de la commune, pour un montant trois fois plus élevé que celui que nous payions chez Groupama, avec une franchise de 500 000 euros pour les sinistres tels que les dégâts des eaux et l'incendie. Cela étant, cela nous permet de couvrir les risques les plus importants, non seulement la destruction de bâtiments mais également la propagation du dommage à d'autres immeubles appartenant à des tiers.
Le seul motif des refus d'assurance que l'on m'ait donné était le malheur d'être une ville de plus de 10 000 habitants ; je n'ai jamais eu d'autre explication... La solidarité entre collectivités est une bonne chose si elle permet d'obtenir quelque chose, pas si l'on en pâtit, si les assureurs nous mettent tous dans le même sac.
J'entends avec intérêt les propositions qui sont formulées. Nous devons également nous interroger sur la manière dont les pouvoirs publics pourraient être solidaires en cas d'impasse ; je ne veux plus revivre une année sans assurance. On entend également parler d'auto-assurance. Le terme est pudique, mais, selon moi, il ne veut pas dire grand-chose, il signifie simplement que nous acceptons de prendre en charge le risque nous-mêmes. Peut-être les très grandes collectivités ont-elles une assise financière suffisante pour le faire, mais une commune comme la nôtre déposerait le bilan si elle devait faire face seule à une dépense de plusieurs dizaines de millions d'euros.
M. Sébastien Olharan, maire de Breil-sur-Roya. - Breil-sur-Roya est une commune de 2 400 habitants située à l'extrémité sud-est de la France, à la frontière avec l'Italie. Elle se trouve dans la vallée de la Roya, une de celles qui ont été dévastées dans la nuit du 2 au 3 octobre 2020 par la tempête Alex. Lors de cette catastrophe, nos infrastructures communales ont subi des dégâts très importants, estimés à plus de 25 millions d'euros, dont plus de 10 millions d'euros pour les biens assurés à l'époque.
Les négociations afférentes à l'indemnisation ont été très longues. Elles ont en partie abouti en 2024, puisque nous avons perçu en mai dernier une indemnité d'assurance de 6 millions d'euros pour le volet inondations et coulées de boue. En revanche, l'autre dossier, relatif aux mouvements de terrain, fait toujours l'objet d'un refus d'indemnisation de la part de l'assureur et sera probablement tranché par le tribunal administratif.
Quelques semaines après avoir perçu cette indemnité de 6 millions d'euros, en juin 2024, la Smacl, qui nous assurait, nous a adressé un courrier nous annonçant la résiliation de l'intégralité de nos contrats à compter du 31 décembre 2024. L'argument avancé était purement juridique : notre contrat était obsolète car reconductible tacitement alors que le code de la commande publique impose à tout marché public une date de début et une date de fin. L'assureur disait donc ne résilier notre contrat que pour pouvoir repartir sur de bonnes bases, sur le fondement d'une nouvelle police.
Nous avons tout de suite eu quelques doutes quant à l'objectif de notre assureur historique et ceux-ci se sont révélés justifiés lorsqu'il a refusé de nous faire une offre en réponse à notre consultation. D'ailleurs, aucun assureur n'a fait la moindre offre. L'appel d'offres était donc infructueux.
Nous avons alors contacté directement les compagnies susceptibles d'assurer les collectivités, mais, comme cela est arrivé à mes collègues maires, soit elles n'ont pas répondu, soit elles ont refusé. Au mois de novembre, j'ai donc alerté les médias de notre situation et du risque d'atteindre la fin de l'année sans solution ; cela a été bien relayé mais c'est resté sans effets. En désespoir de cause, nous avons lancé deux initiatives parallèles : premièrement, nous avons saisi le bureau central de tarification (BCT), chargé de trouver des solutions pour les particuliers ou les entreprises ; secondement, nous avons saisi le tribunal administratif, dans le cadre d'un référé dit mesures utiles, pour obtenir que la Smacl prolonge d'un an notre contrat, afin de nous laisser le temps de trouver un autre assureur.
Nous avons été déboutés de cette demande le 31 décembre. Quelques jours auparavant, la Smacl, probablement dans la crainte de perdre la procédure administrative, avait cédé sur la responsabilité civile et la protection fonctionnelle et accepté de prolonger ces contrats pour un an. Le juge, qui n'avait plus qu'à trancher sur l'assurance « dommages aux biens », nous a déboutés.
Ainsi, je suis arrivé à la mairie le 1er janvier 2025 sans assurance « dommages aux biens ». J'avais reçu un courrier du BCT m'indiquant qu'il proposerait un contrat pour couvrir les quinze premiers jours de l'année, mais je n'avais encore reçu aucun document. Je me suis d'abord dit que je ne pouvais qu'espérer qu'il n'y ait pas de catastrophe naturelle, puis j'ai jugé préférable de l'interdire : j'ai donc signé un arrêté municipal, qui a fait un peu parler, par lequel j'interdisais toute catastrophe naturelle et tout type de sinistre susceptible de toucher les bâtiments municipaux de la commune. L'objectif était évidemment d'alerter l'opinion publique et les décideurs politiques de la difficulté que vivent nos communes ; vous vous en faites l'écho aujourd'hui et je vous en remercie. Toutefois, cet arrêté, même si nous n'avons pas été touchés par une catastrophe naturelle, n'a pas réellement produit d'effets.
Nous attendions beaucoup de notre dernière solution : le bureau central de tarification. Ce dernier m'a finalement adressé, le 14 janvier, un contrat d'assurance couvrant les quinze premiers jours de janvier ; il coûtait 5 400 euros pour quinze jours, contre 15 000 euros par an aux termes de l'ancien contrat. J'ai tout de même signé le contrat, en trouvant un peu étonnant d'être assuré de façon rétroactive, afin de jouer le jeu et dans l'espoir d'une solution plus pérenne.
Le 15 janvier, le BCT s'est de nouveau réuni et a obligé cinq assureurs à se rassembler pour partager, chacun à hauteur de 20 %, le risque de la commune de Breil-sur-Roya pendant une année, le contrat étant formellement signé avec Groupama. Les conditions de ce contrat sont très défavorables, puisque notre cotisation annuelle est passée de 15 000 à 100 000 euros - sans compter les 5 400 euros de la première quinzaine -, soit sept fois plus. En outre, les franchises sont beaucoup plus élevées qu'auparavant : elles sont toujours de 10 %, mais avec un minimum de 500 000 euros pour les catastrophes naturelles et de 100 000 euros pour les incendies. Par ailleurs, beaucoup de risques ne sont plus couverts : les dégradations, les vols, les émeutes, les dégâts des eaux et les dommages électriques.
L'équipe municipale s'est demandée s'il valait mieux ne plus s'assurer, s'auto-assurer, ou accepter ces conditions. Le souvenir de la tempête Alex étant encore très présent, nous avons décidé de souscrire à cette offre, même si, en réalité, nous payons extrêmement cher pour n'être assurés que pour la prochaine tempête Alex. En effet, si l'on met en regard ce contrat et ce qui s'est passé au cours des vingt dernières années, nous constatons que nous n'aurions jamais été indemnisés pour aucun sinistre autre que la tempête Alex. Cette solution provisoire, valable jusqu'au 31 décembre prochain, ne nous satisfait donc pas. Nous allons par conséquent relancer une procédure de mise en concurrence pour espérer trouver un assureur plus pérenne.
En tout état de cause, je ne peux pas m'empêcher de penser que le système d'assurance des collectivités est à bout de souffle ; il y avait déjà très peu de compagnies d'assurance naguère et elles ont tendance à se désengager de ce marché. Le risque est que, d'ici à quelques années, les communes, aujourd'hui relativement minoritaires, qui ne peuvent plus s'assurer deviennent la norme.
Beaucoup de solutions sont sans doute envisageables. Je pense pour ma part qu'il faudrait peut-être basculer vers un nouveau système, dans lequel le privé assure le privé et le public assure le public. On pourrait imaginer un système mutualiste, dans lequel les collectivités, au lieu de payer des cotisations à des assureurs privés, mettent dans un pot commun pour partager le risque à l'échelle nationale. Cela permettrait d'assurer les principaux risques et représenterait une économie d'autant pour la Caisse centrale de réassurance (CCR). Par ailleurs, si ce fonds nécessitait des financements supplémentaires, je ne verrais aucun inconvénient à ce que cela passe par la taxation des bénéfices des assureurs privés, puisque ceux-ci n'ont pas joué leur mission de service public en couvrant les biens des communes, qui sont finalement ceux de tous les citoyens, le patrimoine de la Nation.
M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie, ainsi que les autres orateurs, de vos propositions, notamment celle d'un système mutualisé public. Il faudra les étudier pour voir si cela peut fonctionner à grande échelle.
M. Christophe Reynier-Duval, maire de Caderousse. - Il n'y a pas eu de sinistre à Caderousse ; pourtant, en 2024, durant quatre mois, la commune n'a plus été assurée.
Caderousse est un village du Rhône de 2 600 habitants, qui a une digue de 1 730 mètres longeant le Rhône et protégeant ses 1 400 habitants.
La commune a dû subir une forte augmentation de ses cotisations d'assurance et déclarer un marché infructueux. Comme mes collègues, j'ai tâché de négocier de gré à gré, mais je n'ai trouvé personne, ce qui nous a conduits à n'être pas assurés durant quatre mois. Ce qui était choquant, c'est le courrier que j'ai reçu en juin 2023 indiquant que notre contrat d'assurance serait résilié, alors que nous n'avions eu aucun sinistre au cours des années précédentes : le dernier sinistre d'importance à Caderousse remonte aux inondations de 2003. Depuis, plus rien ou presque : 13 000 euros de sinistre depuis 2019.
Alors, que faire ? Négocier. Mais les règles du jeu ont complètement changé, en faveur de l'assureur et nous avons dû, hélas ! l'accepter. En 2022, notre cotisation d'assurance dommages aux biens s'élevait à 6 919 euros ; en 2025, elle est de 45 143 euros, soit une augmentation de 552 %. C'est difficile à absorber... La commune compte deux monuments historiques et 42 biens, représentant 14 800 mètres carrés, à assurer. Le coût de l'assurance atteint presque à 3 euros par mètre carré !
Nous avons certains biens à l'extérieur de la digue et d'autres à l'intérieur. J'ai donc proposé à notre partenaire deux contrats, puisque, à l'intérieur de la digue, où se trouvent les monuments historiques et divers bâtiments, il y a moins de sinistralité liée aux inondations. On aurait pu augmenter les franchises à l'extérieur, où se trouvent une école, une salle des fêtes, un gymnase, des terrains de sport. Cela n'a pas été possible. C'est dommage : on pourrait envisager de sélectionner, avec l'assureur, les biens à risque et ceux qui le sont moins. C'est d'autant plus vrai que nous avons deux plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) : celui qui concerne le Rhône et celui qui est relatif à l'Aigue.
On pourrait en effet envisager de faire caisse commune, d'assurer le privé d'un côté et le public d'un autre. En tout cas, il faut trouver des solutions, sans quoi, petit à petit, certains biens publics ne seront plus assurés.
M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, avant de vous passer la parole, je vous rappelle que nous entendons aujourd'hui des témoignages de maires. Demain, nous entendrons des assureurs et le médiateur de l'assurance. N'anticipons pas les questions qui concerneront notre seconde audition.
M. Thierry Cozic. - Plusieurs d'entre vous ont indiqué que certains acteurs s'étaient retirés du marché en raison de l'arrivée de nouveaux acteurs, de la faible rentabilité de l'assurance des collectivités et de la lourdeur des marchés publics. Le manque de concurrence nuit-il à nos collectivités, dont les contrats sont peu rentables ? Les dossiers d'appel d'offres vous semblent-ils trop complexes ? Est-ce un frein ?
M. Pierre Barros. - Vos collectivités, on le voit bien, ne sont pas responsables de ce qui leur arrive. Vous êtes tous victimes d'une situation historique : on a construit tel village sur une rivière, tel autre le long d'une digue, etc. C'est d'ailleurs ce qui fait le charme de ces communes et la qualité de vie que l'on y trouve. Comment permettre de continuer de vivre dans ces endroits, de façon sécurisée, sereine ? C'est un vaste sujet, et le rapport le montre bien, qui renvoie à la question de la prévention des risques en général, en soulignant que la responsabilité n'en incombe pas seulement aux élus : ce serait trop facile ! Nous devons trouver un moyen de garantir l'indemnisation du risque.
Le marché de l'assurance n'est pas assez concurrentiel pour faire son office de manière satisfaisante. Pourquoi ne compte-t-il plus que deux opérateurs ? Groupama prend les villes de moins de 10 000 habitants, et la Smacl, les autres. C'est une vraie défaillance, alors qu'il est obligatoire - et de bonne gestion - de s'assurer. J'ai été maire pendant assez longtemps et je me rappelle avoir eu du mal, le 31 décembre dernier, à trouver un assureur pour notre parc automobile. Pourtant, nous n'avons pas une accidentologie particulière, et nous gérons notre parc automobile correctement. Bref, le marché n'est plus efficace, pour des raisons structurelles. Il faut y remédier.
La mutualisation est-elle une solution ? Les maires ont les mains dans le cambouis, eux, et doivent trouver comment faire. Cela fait partie des pistes évoquées par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). On finit par trouver des opérateurs pour ce qui est facile à assurer, avec peu de risques : c'est une bonne affaire pour les assureurs. Assurer le reste doit-il incomber au secteur public ? Ce serait inquiétant. Mais nous sommes acculés, sans solution. Ce débat est révélateur d'une situation de blocage. Il faut avancer, et le Sénat fait bien de s'emparer de ce sujet, vital pour nos collectivités territoriales.
M. Michel Canévet. - Merci pour ces témoignages, qui reflètent bien la diversité et la complexité des situations sur le terrain. J'ai réagi quand M. le maire de Rive-de-Gier a évoqué les profits des assurances, car les 2 731 milliards d'euros en question comportent aussi les placements financiers, réalisés dans le cadre de l'assurance vie, qui constitue l'épargne de nos concitoyens. Une caisse commune, pourquoi pas ? Mais si les seules collectivités territoriales à y adhérer sont celles qui ont des difficultés, cela n'améliorera pas l'état des finances publiques...
Le maire de la belle commune de Dinan a eu recours à une solution originale, puisqu'il a fait appel à deux opérateurs étrangers. L'un est américain et l'autre, japonais : ce n'est pas l'étranger proche ! Y a-t-il des conditions particulières pour le faire ? Cette perspective peut intéresser d'autres collectivités territoriales. Est-elle avantageuse, ou s'agit-il simplement d'une solution intermédiaire ?
M. Jean-Marie Mizzon. - Plusieurs d'entre vous ont évoqué une solution publique, avec une structure parapublique pour pallier la défaillance du marché de l'assurance en France. On aurait alors un système dual, avec d'un côté des assureurs privés et de l'autre, pour ceux qui n'auraient pas de solution, une structure parapublique. Pourriez-vous décrire plus précisément cette solution ?
M. Claude Raynal, président. - Je n'imaginais pas que des maires aient recours à des assureurs étrangers... À la rigueur, je comprends qu'une commune frontalière se tourne vers un acteur du pays limitrophe, mais que Dinan s'adresse à un Japonais et à un Américain, cela me surprend ! Les communes sont-elles démarchées, cette solution est-elle recommandée par l'AMF, ou s'agit-il d'une initiative isolée ?
M. Christian Bilhac. - Vous avez parlé de mutualisation, de structures publiques, mais à l'origine, c'était cela, la Smacl ! Mutualiser aboutira à regrouper toutes les collectivités territoriales à fort risque sous le même assureur, dont le résultat comptable sera forcément catastrophique.
Je ne sais que penser de l'intervention des assureurs étrangers, qu'ils soient japonais, américains ou suisses. Ne serait-ce pas surtout, de leur part, un coup de casino ? Vu le montant des contributions et celui des franchises, et comme il y a de bonnes chances que la commune ne se soit pas sinistrée une année donnée, c'est un peu le jackpot. Cela représente d'ailleurs une part très modeste de leur chiffre d'affaires. À mon avis, on ne peut pas compter sur une généralisation de cette solution ; sinon, on aboutira aux mêmes problèmes.
En fait, ce ne sont pas les collectivités territoriales qui ont des problèmes d'assurance. Elles ne rencontrent aucune difficulté, par exemple, pour assurer leur flotte automobile car tous les assureurs sont capables de calculer le ratio de rentabilité, ce qui fait qu'ils ne prennent pas de risque sur ce segment. La difficulté se concentre sur les dommages aux biens et le risque statutaire.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il existe une opportunité que certaines communes n'ont pas saisie lorsqu'elles reçoivent une lettre de résiliation unilatérale de leur contrat d'assurance. Depuis la décision du Conseil d'État Grand port maritime de Marseille, une règle importante s'applique : si aucune solution n'est trouvée à l'issue de la résiliation, l'assureur a l'obligation de maintenir la couverture pendant six mois. Si, à l'issue de cette période, la commune n'a toujours pas trouvé de solution, et à condition qu'elle puisse justifier de ses démarches, cette prolongation peut être étendue de six mois supplémentaires.
Certaines communes n'ont pas évoqué ce dispositif. Ont-elles choisi d'autres modalités, renonçant ainsi à cette opportunité temporaire qui leur aurait permis d'optimiser leur cahier des charges et d'explorer différentes options ?
Nous avions eu un débat entre nous, lors des premières auditions de cette mission d'information, sur la question d'une solution d'assurance mixte, publique-privée. Nous n'avons pas retenu cette piste comme la meilleure, tout en restant ouverts à la discussion.
Aujourd'hui, il est crucial d'analyser les raisons pour lesquelles les situations varient autant d'une commune à l'autre, en particulier lorsque l'absence de sinistralité sur le long terme ne justifie pas certaines décisions des assureurs. C'est aussi pour cela que nous avons recommandé de documenter précisément ces cas, afin de permettre d'éventuels recours et d'éviter des pratiques abusives, comparables à des licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Notre objectif est maintenant de consolider nos arguments pour faire avancer ce dossier rapidement, dans l'intérêt des communes.
Mme Charlotte Goujon. - La procédure de marché est-elle trop lourde ? Y a-t-il un problème de concurrence ? La création d'un opérateur public pourrait-elle être la solution ? Il est indéniable que les opérateurs privés ne répondent plus à nos sollicitations. Les montants que j'ai évoqués ne sont peut-être pas exacts, mais nous n'avons pas affaire à des philanthropes : les assureurs recherchent avant tout la rentabilité. Et le fait est qu'ils ne nous assurent plus.
Face à cette impasse, quelles solutions s'offrent aux collectivités ? De plus en plus de maires envisagent de se tourner vers la puissance publique. Cette idée a été évoquée à plusieurs reprises, et elle semble d'autant plus pertinente que nous parlons de biens publics : écoles, crèches, équipements sportifs... Autant d'infrastructures essentielles, financées par les impôts des citoyens, et que nous avons le devoir de protéger. Or, en l'absence de solutions privées, il est impératif de garantir leur assurance.
C'est pourquoi nous sommes nombreux à proposer une alternative publique : que ce soit via l'État, une structure publique ou parapublique, il faut explorer cette piste. Je ne prétends pas être une spécialiste de ces questions, mais il me semble évident qu'il s'agit aujourd'hui d'une solution à explorer, car nous ne pouvons pas rester sans réponse.
Concernant les assureurs étrangers, je ne les ai pas mentionnés tout à l'heure, mais avant d'avoir notre nouvel assureur - lui aussi étranger -, notre contrat avait été résilié par un autre assureur privé, en l'occurrence Helvetia. Cette résiliation est intervenue après une déclaration de sinistre liée aux émeutes. Pourtant, nous n'étions pas responsables de ces événements, qui nous ont dépassés et auxquels nous avons dû faire face.
Aujourd'hui, certains assureurs étrangers acceptent de couvrir nos risques, probablement parce qu'ils y voient une opportunité financière. Mais dès qu'il s'agit d'indemniser les sinistres, ils disparaissent. C'est précisément pour cette raison que nous proposons la création d'un établissement public, sous une forme à définir, qui permettrait aux collectivités territoriales d'envisager l'avenir avec plus de sérénité.
M. Didier Lechien. - Nous avons été mis en relation avec un cabinet spécialisé en assurances internationales par notre banque locale, le Crédit Agricole. Ce cabinet, pleinement conscient des difficultés rencontrées par les collectivités locales sur le marché français, a immédiatement entrepris des recherches auprès de compagnies d'assurance internationales. C'est ainsi que nous avons trouvé une compagnie japonaise et une compagnie américaine.
Bien entendu, il y a une part d'opportunisme dans cette solution. Ces assureurs étrangers profitent du retrait des compagnies nationales du marché des collectivités territoriales. Pourquoi ces dernières se retirent-elles ? Tout simplement parce que ce secteur représente une part marginale de leur portefeuille, et que le risque est jugé trop élevé.
Cette réalité doit nous interpeller en tant qu'élus. Elle soulève des questions essentielles sur notre connaissance de notre propre patrimoine et des risques auxquels il est exposé. Il est sans doute nécessaire de repenser notre approche et d'adopter un système d'assurance à plusieurs niveaux.
D'une part, il nous faut éviter de déclarer systématiquement tous les sinistres, afin de ne pas aggraver notre taux de sinistralité et dissuader les compagnies d'assurance de nous accompagner. Les collectivités territoriales pourraient ainsi s'auto-assurer pour les petits sinistres. D'autre part, les assurances privées pourraient intervenir pour les sinistres de taille intermédiaire, tandis que pour les événements exceptionnels, je rejoins mes collègues : c'est vers la puissance publique, c'est-à-dire l'État, que nous devrions nous tourner.
Cependant, il ne me semble pas pertinent de créer une compagnie d'assurance dédiée uniquement au marché des collectivités territoriales. Ce secteur représente en effet une part infime du marché global, ce qui obère la viabilité d'un tel modèle. Il est donc peu probable que des assureurs s'engagent durablement dans cette voie ou qu'une telle structure puisse être rentable.
M. Vincent Bony. - Sur cet enjeu, la vraie question est de savoir, non pas si nous devons, ou non, créer une structure publique, mais bien quelle forme elle devrait prendre et comment garantir son financement. Il est essentiel d'éviter le piège classique d'une privatisation des profits et d'une nationalisation des déficits. C'est un écueil évident, dans lequel nous ne devons absolument pas tomber.
Cependant, puisque les acteurs privés se désengagent d'un secteur aussi crucial que celui des collectivités locales, il est légitime de leur poser la question : pourquoi se désintéressent-ils de l'intérêt général ? C'est ce que j'ai voulu souligner dans mon intervention. Ces mêmes compagnies privées qui prospèrent aujourd'hui ne le font pas sans lien avec nos territoires. Loin de là. Le marché de l'assurance se porte bien, mais où ces entreprises réalisent-elles leurs profits ? Dans nos communes, là où le service public municipal crée les conditions du développement économique. Tous les maires ont à coeur de favoriser l'emploi et la création de richesses pour faire avancer leurs territoires. Or, sans service public local solide, rien de tout cela n'est possible.
Nous devons donc créer un lien plus équilibré entre ces différents acteurs. Nous formons une communauté, un pays, une Nation. Chacun doit prendre sa part de responsabilité, et nous devons trouver des mécanismes viables pour financer la couverture assurantielle des collectivités territoriales.
D'ailleurs, lorsqu'on évoque la rentabilité du secteur de l'assurance des collectivités locales, il serait intéressant d'analyser, au moins sur les dernières années, combien celles-ci ont versé en cotisations et combien elles ont perçu en indemnités. Je ne connais pas tous les chiffres en détail, mais il est évident que cette question mérite réflexion.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ces chiffres figurent dans notre rapport.
M. Vincent Bony. - En définitive, il est crucial de déterminer comment une structure publique pourrait être à la fois efficace et utile, afin d'assurer la stabilité des collectivités territoriales. Il y a là matière à réflexion : sans couverture assurantielle, bon courage aux collègues qui nous succéderont pour rendre le service public que nos populations attendent.
M. Stéphane Leyenberger. - Je souscris pour une large part à ce qui a été indiqué. Je ne pense pas que nos difficultés soient principalement liées à la complexité des appels d'offres. Même en gré à gré, nous n'avons pas réussi à trouver d'assureur.
Au bout de trois mois de recherches à l'international, un assureur britannique a « gentiment » proposé de nous assurer pour un montant maximum de 6 millions d'euros, et ce pour des primes de 300 000 euros. Nous n'avons pas accepté.
M. Sébastien Olharan. - S'il peut être compliqué pour un plombier de répondre à un appel d'offres, c'est en revanche parfaitement dans les cordes des compagnies d'assurances. D'ailleurs, elles n'ont aucune difficulté à le faire lorsqu'une opération leur paraît rentable ! Le vrai problème, c'est l'envie. En l'occurrence, les assureurs n'ont, me semble-t-il, pas envie d'assurer les collectivités, et ils se désengagent progressivement.
J'aurais bien aimé avoir un assureur japonais ou américain. Mais nous sommes passés par des courtiers, et personne ne nous a trouvé d'offre auprès d'un assureur étranger.
Dans mon esprit, ma proposition d'un système de fonds publics ne concernerait pas seulement les communes ayant des difficultés à s'assurer. Sinon, cela reviendrait à privatiser les profits et nationaliser les pertes : ce serait encore une super-victoire pour les assureurs ! Le système mutualiste que j'envisage serait fondé sur la solidarité nationale : au lieu de payer des assurances privées, les communes n'ayant pas eu de sinistre contribueraient à financer la reconstruction de celles qui en ont subi.
Pour moi, il est bien évident que le public finira par payer si les assureurs privés ne jouent pas le jeu : les communes qui ne pourront pas se reconstruire iront chercher des subventions publiques. C'est donc bien la solidarité nationale qui interviendra in fine. Dès lors, autant opter pour un système dans lequel le public encaisse ce qui est aujourd'hui versé aux compagnies d'assurance, afin de pouvoir le redistribuer !
- Présidence de M. Christian Bilhac, vice-président -
M. Christophe Reynier-Duval. - Nous pourrions nous inspirer de ce que fait la Banque de France pour les personnes interdites bancaires : pourquoi pas une échelle des risques en contrepartie de l'obligation pour les assureurs de prendre les collectivités comme clients ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Encore une fois, comptez sur nous : nous allons nous battre pour trouver des solutions.
Dans le Val-de-Marne, il m'a été dit que les compagnies « se gavent sur le dos des assurés ». Or, avec la Smacl, il n'y a pas de dividendes ; il s'agit juste de mutualisation. Et soyons attentifs aux conflits d'intérêts : ce sont des élus, souvent cooptés, qui siègent dans les instances déterminant la politique tarifaire.
Nos auditions ont montré que les réassureurs ne sont pas inquiets. Entre 2017 et 2022, il y a eu près de 20 % de baisse des primes, et les sinistres ont augmenté de 23 %. Le marché doit retrouver sa place, mais pour garder la mutualisation.
Pour continuer à avoir des risques réellement mutualisés, il faut un équilibre entre les primes et les sinistres. Au Sénat, nous nous sommes battus pour qu'il y ait beaucoup plus dans le fonds Barnier. J'entends des parlementaires considérer que les territoires ruraux peu exposés n'ont pas à payer pour des territoires ruraux exposés. Attention ! Le principe de l'assurance, c'est la mutualisation.
Dans certaines villes, une partie du patrimoine n'est pas assurée, les collectivités préférant faire le pari, compte tenu du coût des assurances, qu'il n'y aura pas de sinistre important. Or cela peut arriver : chez moi, en Meurthe-et-Moselle, le château de Lunéville a pris feu. Si le principe de l'assurance est - j'y insiste - la mutualisation des risques, le fait que l'assurance ne soit pas toujours obligatoire dans vos communes rend cette mutualisation moins évidente, puisqu'elle ne porte pas sur tout le patrimoine.
Nous avons proposé d'élargir la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSEC) au risque « émeutes ». Certes, les maires nous ont dit que les émeutes leur échappaient. Mais l'État, autorité régalienne, doit assurer la sécurité publique ; il dit d'ailleurs parfois que cette responsabilité est partagée avec les communes.
M. Vincent Bony. - Lors des émeutes de l'été 2023, nous avons manqué de forces de police nationale pour protéger nos biens. Pendant deux nuits consécutives, le maire et les élus ont dû protéger la mairie, bâtiment patrimonial s'il en est, suite au départ de la police !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - C'est bien ce que je disais : l'État est l'autorité régalienne. Vous pouvez vous retourner contre lui.
M. Vincent Bony. - Mais la responsabilité ne saurait être « partagée » au sens où nous devrions la prendre en charge.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Vincent Bony. - L'abrogation de la règlementation réformant l'assurance en cas de catastrophe naturelle me paraît importante, car nous avons vraiment un sentiment de double peine. En plus, en l'espèce, l'assurance n'a aucun rôle.
Mme Charlotte Goujon. - Je rejoins mon collègue sur la question des émeutes. Le phénomène est national, et nous avons très peu de moyens d'action. Aujourd'hui, il manque 100 policiers nationaux sur la métropole de Rouen. Les collectivités protègent tous les jours leurs bâtiments : vidéoprotection, police municipale, etc. Mais, lors des émeutes, face à un phénomène national, nous avons dû avoir recours à des sociétés de sécurité privée pour protéger nos bâtiments, à commencer par l'hôtel de ville.
M. Jean-Baptiste Blanc. - Sur les procédures abusives, avez-vous songé à aller au contentieux ? Si oui, quel a été le résultat ? Si non, avez-vous connaissance de collectivités qui auraient tenté leur chance devant le juge ?
Mme Charlotte Goujon. - Nous avons menacé l'assureur qui nous avait informés de la résiliation du contrat d'aller au contentieux, sur la base de la décision du Conseil d'État Grand port maritime de Marseille. Finalement, il est revenu à la table des discussions et a prolongé d'un an la couverture de nos biens.
M. Jean-Baptiste Blanc. - C'est donc resté au stade de la menace. Y a-t-il eu des procédures contentieuses ?
M. Sébastien Olharan. - La commune de Breil-sur-Roya a été au contentieux contre son assureur, sur le fondement de la jurisprudence Grand port maritime de Marseille. Mais cela n'a pas abouti, le juge considérant qu'il aurait fallu contester la décision de résiliation dès son annonce. Or, très logiquement, notre première réaction avait été non pas d'attaquer notre assureur, mais d'en chercher un autre. Vous le voyez, cette jurisprudence ne garantit pas nécessairement l'obtention de délais supplémentaires.
M. Bernard Delcros, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - J'ai été maire pendant longtemps. Je souscris à tout ce que vous avez dit. Les collectivités ne sont pas responsables des émeutes ni de tout ce qui peut se passer sur leur territoire. Elles gèrent des biens et des services publics. En outre, elles exercent des missions pour le compte de l'État. Il n'est donc pas normal que des collectivités ne puissent pas s'assurer dans des conditions acceptables.
Vous avez émis un certain nombre de propositions. Il conviendra de toutes les étudier. L'alternative est la suivante : soit on trouve une solution pour que les compagnies privées puissent assurer les collectivités dans des conditions acceptables ; soit il faut créer un mécanisme d'assurance publique, dont les modalités restent à définir. Ce mécanisme vaudrait-il pour tous les risques ? S'appliquerait-il à toutes les collectivités ?
On peut aussi se demander pourquoi des assureurs étrangers, japonais ou américains par exemple, considèrent, à la différence des opérateurs français, que notre système d'assurance des collectivités est économiquement viable. La question mérite d'être posée.
Nous devons essayer de trouver des solutions ensemble. La situation actuelle ne peut plus durer. Certaines collectivités sont complètement démunies.
M. Christian Bilhac, président. - Peut-être pourrions-nous aussi réfléchir à créer un système d'assurances au niveau des régions...
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Certaines régions pourraient alors trinquer !
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 20.
Mercredi 5 mars 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 10 h 00.
« Assurances des collectivités territoriales : un an après le rapport du Sénat, quelles avancées ? » - Audition de MM. Patrick Blanchard, directeur général de SMACL Assurances, Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l'assurance, Sylvain Merlus, directeur général adjoint en charge de l'assurance dommages et vie France à Groupama Assurances Mutuelles, et Édouard Vieillefond, directeur général de la Caisse centrale de réassurance (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 10.