Mercredi 19 février 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

« Solutions hors marché, grand emprunt national : des modes de financement à envisager pour notre dette publique ? » - Audition de Mme Agnès Bénassy-Quéré, économiste et seconde sous-gouverneure de la Banque de France, MM. Antoine Deruennes, directeur général de l'Agence France Trésor, Benjamin Lemoine, sociologue, chercheur au CNRS et à l'Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO - université Paris-Dauphine), et Éric Monnet, économiste, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur à l'École d'économie de Paris

M. Claude Raynal, président.  - Nous nous retrouvons ce matin pour une table ronde sur les modes de financement de la dette publique.

Elle vise, d'une part, à comprendre les modalités actuelles de financement du déficit et, d'autre part, à s'interroger sur les alternatives possibles et leur pertinence dans le contexte que nous connaissons tous : celui d'une hausse de l'écart de taux avec l'Allemagne depuis la dissolution décidée le 9 juin dernier par le Président de la République. Celle-ci a entraîné avec elle une forte instabilité politique et a contribué à la dégradation de nos comptes publics : nous en avons fait la démonstration en novembre dernier avec le rapporteur général dans le cadre de la mission d'information sur le sujet. Ces facteurs alimentent la défiance chez nos prêteurs puisque le spread entre les taux français et allemands, qui peut être considéré comme la prime de risque sur la dette française, est passé d'un niveau compris entre 40 et 50 points de base avant la dissolution à un niveau qui semble maintenant de l'ordre de 80 points de base.

S'il est vrai que l'adoption du budget a permis de surmonter quelques inquiétudes et, pour une part, de faire baisser ce spread, la situation politique, économique et budgétaire demeure incertaine et expose à de possibles nouvelles hausses de taux à l'avenir, qui se répercuteraient sur la charge de la dette.

L'enjeu - et je crois restituer fidèlement les préoccupations du rapporteur général qui a tout particulièrement souhaité cette table ronde - est d'éviter un cercle vicieux entre la dégradation de la situation budgétaire et la dégradation de nos conditions d'emprunt.

Plusieurs aspects semblent liés pour déterminer la capacité d'un État à emprunter. La stabilité politique comme la perspective d'un assainissement budgétaire sont sans aucun doute de nature à rassurer nos prêteurs. Mais la banque centrale peut aussi jouer un rôle modérateur lorsque c'est nécessaire, et comme ce fut le cas lors de la crise des dettes souveraines en Europe. Ce rôle est-il suffisant pour garantir de bonnes conditions d'emprunt ? Plus largement, au-delà du financement de la dette de l'État opéré par l'Agence France Trésor auprès des marchés, quels autres modes pourraient être envisagés, notamment pour gérer les situations de crise ? L'histoire économique de la France est riche d'enseignements à cet égard, entre le circuit du Trésor et les grands emprunts effectués périodiquement (Pinay, Giscard, Balladur).

La grande question sous-jacente à ces interrogations est celle de notre souveraineté et de notre capacité à mettre en oeuvre les politiques publiques que nous souhaitons collectivement, sans que nous soit imposée de l'extérieur une consolidation budgétaire précipitée et, comme toujours dans ces cas-là, très douloureuse.

Pour nous éclairer sur ces enjeux, nous avons donc le plaisir d'accueillir Mme Agnès Bénassy-Quéré, économiste et sous-gouverneure de la Banque de France, M. Antoine Deruennes, directeur général de l'Agence France Trésor, M. Benjamin Lemoine, sociologue, chercheur au CNRS et à l'Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales et M. Éric Monnet, économiste, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et professeur à l'École d'économie de Paris.

Sans plus tarder, je cède la parole à M. Antoine Deruennes, pour qu'il nous présente la façon dont l'Agence France Trésor agit actuellement pour permettre à la France d'emprunter dans les meilleures conditions. Comment vous adaptez-vous aux circonstances politiques, économiques et budgétaires pour continuer de permettre à la France d'emprunter à des taux avantageux ? Quel regard portez-vous sur des pistes de financement complémentaires comme un grand emprunt ?

M. Antoine Deruennes. -Tout d'abord, je vais rappeler le rôle de l'Agence France Trésor (AFT). L'objectif est de permettre à l'État d'honorer chaque jour de l'année ses engagements financiers. Pour ce faire, l'AFT gère la trésorerie et la dette de l'État.

Dans le cadre de la gestion de la dette, l'AFT poursuit un double objectif : réaliser les émissions au meilleur taux pour le contribuable et dans les meilleures conditions de sécurité. Pour atteindre ces objectifs, nous cherchons notamment à obtenir le plus de demande potentielle possible de la part des investisseurs.

La logique est simple : plus il y a d'offre, plus il y a d'investisseurs potentiellement intéressés, plus les taux payés par l'État et donc in fine par le contribuable sont faibles. C'est le premier objectif.

Plus les investisseurs qui peuvent prêter à l'État sont nombreux, plus ils sont variés, plus l'émission de dette est sécurisée. C'est le deuxième objectif.

L'idée est de chercher à répondre au mieux à la demande des investisseurs qui prêtent à l'État. C'est pour cela que nous proposons une gamme de produits très large, puisque les maturités vont de trois mois pour le plus court des bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) à 50 ans. Nous proposons aussi deux autres gammes de produits spécifiques. Tout d'abord, les obligations vertes, qui répondent à une demande des investisseurs de verdir leur portefeuille et de verdir l'épargne, mais aussi les obligations indexées sur l'inflation européenne ou française, qui répondent aux besoins des épargnants de protéger leur épargne contre l'inflation, et notamment, dans le cas de la France, pour répondre aux besoins de couverture des livrets d'épargne réglementée, qui offrent une protection contre l'inflation.

Ce que recherchent aussi les investisseurs, c'est la liquidité, c'est-à-dire la capacité à acheter et vendre des titres sans influer sur le prix. Cette caractéristique est très importante car pour l'État émetteur, c'est une caractéristique que les investisseurs sont prêts à payer, ce qui signifie que le taux de financement est plus faible, ce qui nous permet au final d'émettre moins cher.

La stratégie de l'AFT repose sur trois grands principes : la prévisibilité, la régularité et la flexibilité.

La prévisibilité : en décembre de chaque année, nous publions notre programme indicatif de financement et indiquons les nouveaux titres de dette qui vont être émis.

La régularité : nous avons des enchères - des adjudications - qui ont lieu tous les lundis pour les BTF et deux jeudis par mois pour les obligations de moyen et long terme.

Enfin, la flexibilité, puisque chaque semaine, avant l'adjudication, nous adaptons l'offre de titres à la demande, en fonction de la demande qui est exprimée à ce moment-là. Mieux on répond à la demande, plus les taux sont intéressants pour le contribuable.

Ces principes ont fait leur preuve depuis 2001, date de création de l'AFT. Au cours de ces 25 dernières années, la stratégie et le mode d'émission de l'AFT ont été stables et ont permis à l'État de financer son déficit en toutes circonstances. En 2024, par exemple, la loi de finances avait fixé un programme de financement de 285 milliards d'euros d'obligations de moyen et long terme net de rachats. C'est ce que nous avons fait l'année dernière.

Ce modèle n'est pas une spécificité française. C'est un mode d'émission que nous partageons avec tous les autres grands émetteurs souverains, que ce soit nos partenaires européens, le Royaume-Uni, les États-Unis ou le Japon. Ils procèdent de la même manière, en grande partie par enchères, pour maximiser la demande et minimiser les taux à l'émission. Leur objectif constant, quand nous en parlons avec eux, est d'avoir les titres les plus liquides possibles et qui répondent au mieux à la demande des investisseurs. Ce sont des partenaires avec qui nous échangeons dans des enceintes internationales, tout d'abord, au niveau de l'Union européenne, dans un groupe qui s'appelle l'European Union Sovereign Debt Markets (ESDM), qui se réunit à Bruxelles plusieurs fois par an, mais aussi au sein de l'Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE), à Paris, où nous échangeons sur les bonnes pratiques d'émission de dette souveraine.

La stabilité des méthodes que nous utilisons n'empêche pas l'innovation. Les équipes de l'AFT travaillent régulièrement pour améliorer les émissions de dette et répondre au mieux à nos missions, et l'AFT est reconnue pour avoir su innover dans le passé. Un exemple d'innovation a été suivi par beaucoup d'autres : la création des obligations souveraines vertes. En 2017, la France a été pionnière au niveau mondial en émettant la première obligation souveraine verte et en démontrant qu'il était possible pour un émetteur souverain d'émettre une obligation verte. La France reste encore aujourd'hui le premier émetteur mondial souverain d'obligations vertes avec 75 milliards d'euros de dettes vertes émises à date.

Voilà en quelques mots comment fonctionne le système actuel de financement de la dette par l'AFT.

Je me permets de rebondir sur un sujet évoqué par le Président en introduction, à savoir un potentiel grand emprunt auprès des particuliers. J'aimerais donner quelques éléments de contexte qui, j'espère, pourront aider à éclairer le débat.

Premier élément, les particuliers peuvent déjà acheter directement des obligations d'État. Mais ce n'est clairement pas le mode de détention favorisé par les ménages en France. En fait, la détention est essentiellement indirecte. Les ménages épargnent notamment dans des livrets d'épargne réglementée ou dans l'assurance vie. Ce sont les banques ou les assureurs qui investissent ensuite dans des obligations d'État, notamment des obligations françaises.

Deuxième élément de contexte qui me semble intéressant, le passage par le livret A ou par l'assurance vie a un avantage du point de vue de l'épargnant : cela le protège du risque de taux. En effet, une obligation est un produit très sûr avec une garantie en capital. Mais elle ne s'applique qu'à l'échéance du titre. Au moment où vous achetez une obligation, son prix peut varier jusqu'à son remboursement. Autrement dit, il y a un risque de plus-value ou de moins-value jusqu'au moment du remboursement, ce qu'on peut appeler le risque de taux. C'est un risque qu'un épargnant, en général, ne veut pas prendre. L'intermédiation financière permet de transférer ce risque de l'épargnant vers la banque qui commercialise le livret A ou l'assureur qui commercialise l'assurance vie.

Troisième point de contexte : aujourd'hui les obligations sont déjà disponibles pour les ménages. Chercher à augmenter la détention directe supposerait probablement d'offrir un produit avec un bonus, qui peut, par exemple, se traduire par un taux de rendement supérieur. La question qui se pose, c'est que c'est au bénéfice de l'épargnant, mais au détriment de l'État et, in fine, du contribuable.

Le dernier point de contexte, mais qui dépasse le cadre de l'AFT, est la question de l'épargne. Inciter à la détention directe, c'est déplacer de l'épargne. C'est très positif de mon point de vue quand cela va sur la dette de l'État, mais cela veut dire que cette épargne est prélevée ailleurs. Or l'obligation assimilable du Trésor -(OAT) pour les particuliers est un produit qui est très proche des livrets ou de l'assurance vie, et donc cela se traduirait par un transfert d'épargne.

Pour ce qui est de l'épargne qui est déjà investie en OAT, l'effet est probablement relativement neutre. En revanche, d'autres missions sont financées, par exemple le logement social dans le cadre du livret A. Le déplacement d'épargne induit poserait la question du financement de l'économie, ce qui, au-delà simplement du financement de l'État, concernerait aussi le reste de l'économie réelle.

M. Claude Raynal, président. -Je vais donner la parole maintenant à Agnès Bénassy-Quéré, qui va nous faire une double analyse en tant qu'économiste, mais également comme représentante de la Banque de France. S'il y a une sorte d'emballement sur la dette souveraine française, quels sont les instruments que pourrait utiliser la Banque centrale européenne (BCE) pour modérer ses effets et à quelles conditions de tels instruments pourraient-ils être utilisés ?

Mme Agnès Bénassy-Quéré. -Antoine Deruennes a déjà présenté de manière extrêmement concrète et claire, le rôle de l'AFT et comment la dette est émise sur les marchés et achetée par des investisseurs qui, in fine, peuvent être des ménages ou d'autres agents. Je vais essayer de compléter sans répéter, dans une perspective peut-être plus macroéconomique et financière.

La charge de la dette est croissante. Elle était de l'ordre de 30 milliards d'euros en 2020. Pour 2025, on l'estime à environ 67 milliards d'euros. On a été un petit peu endormi par la baisse de la charge d'intérêt en points de PIB depuis 2010, avec la baisse des taux. Alors que la dette en pourcentage du PIB augmentait, la charge de la dette diminuait. Cela donnait une espèce d'illusion que cette dette était sans pleur et sans risque d'emballement. Évidemment, c'était lié à la baisse historique des taux d'intérêt, liée elle-même à un niveau de désinflation très important.

Aujourd'hui, cette charge de la dette en points de PIB rebondit. On s'attend à ce que cela continue, puisque la maturité de la dette est relativement longue en France, supérieure à 8 ans. Cela prend du temps pour que l'ensemble de la dette soit réémise aux nouveau taux, même si les taux d'intérêt directeurs se sont retournés : les taux longs sont aussi influencés par ce qui se passe dans le reste du monde, mais ils ont baissé. À partir du moment où l'ancienne dette est remplacée par une nouvelle dette à un taux d'intérêt supérieur, le taux d'intérêt apparent, qui correspond à la charge de la dette divisée par la dette elle-même, augmente. En 2023, ce taux apparent était de 1,8 % et on s'attend à ce qu'il passe à 2,7 % à l'horizon de 2029. Cela paraît peu, mais un point de plus de taux d'intérêt, à terme, c'est 30 milliards d'euros de plus de charge de la dette.

Cette hausse des taux a été vécue par tous les pays européens. Elle a été très rapide sur 2022-2023, mais le niveau atteint au pic des taux d'intérêt directeurs, 4 %, n'a rien d'extraordinaire par rapport à l'histoire récente. On a déjà eu deux vagues de hausse des taux depuis la création de l'euro, où les taux ont été à 4 % ou autour de 4 %.

Je me permets, puisque je représente la Banque de France, de rappeler pourquoi les taux ont augmenté de manière extrêmement vigoureuse sur cette période. Le but était de juguler l'inflation.

À la Banque de France, on a effectué un exercice contrefactuel pour voir ce qui se serait passé si la politique monétaire était restée comme elle était anticipée juste avant la vague inflationniste. Dans ce cas, l'inflation aurait été plus élevée de deux points de pourcentage en 2023, et de presque trois points de pourcentage en 2024, et ce sans considérer que les anticipations d'inflation auraient pu être désancrées. On a observé dans les enquêtes que, aussi bien les marchés que les ménages et les entreprises, à court terme, avaient été un peu perturbés par l'inflation, mais que sur le moyen terme, ils n'ont jamais douté que l'inflation allait revenir à 2 %. C'est extrêmement précieux. C'est un atout, un acquis de l'indépendance des banques centrales.

Comme la banque centrale a un instrument et un objectif, à savoir l'objectif de l'inflation faible, elle est crédible, puisqu'elle peut utiliser cet instrument de manière optimale pour atteindre son objectif. Ceci est su par les marchés et les entreprises. Concrètement, une entreprise qui revoit ses tarifs va éviter de faire des augmentations trop fortes, car elle a peur de perdre des parts de marché. Si elle pense que l'inflation va revenir à 2 %, elle va hésiter à faire des hausses de tarifs supérieures, ce qui a donc un caractère auto-réalisateur et va ramener l'inflation à 2 %. C'est vraiment important.

La hausse des taux touche évidemment tous les emprunteurs de la zone euro, mais les taux à long terme peuvent varier selon les perspectives budgétaires. Vous l'avez rappelé, monsieur le Président, le spread de l'OAT à 10 ans a augmenté depuis la deuxième moitié de l'année 2024. Aujourd'hui, il tourne autour de 75 à 80 points de base, c'est-à-dire 0,75 à 0,8 point de pourcentage. Cela s'ajoute aux taux de nos partenaires européens, notamment allemands. On a vu à la fin de l'année dernière les taux longs baisser chez nos partenaires alors que pour nous ils restaient à un niveau stable, ce qui reflète cette augmentation du spread.

À la Banque de France, nous voyons les adjudications de dettes du côté des investisseurs, puisque nous faisons l'interface entre l'AFT et les marchés, pour maintenir notamment l'anonymat dans les enchères qui sont réalisées. Nous sommes un bon poste d'observation pour l'appétit du marché pour la dette publique française, et nous n'avons pas observé de changement majeur de comportement en 2024, que l'on regarde des indicateurs de quantité, de demande de titres par rapport à l'offre que l'État veut mettre sur le marché, ou bien des indicateurs de prix, d'évolution et de dispersion des prix. Ces indicateurs sont relativement stables par rapport à ce qu'on a connu par le passé. On a eu sur 2022-2023 des perturbations parce qu'il y a eu un changement drastique de politique monétaire, mais depuis on est revenu à des comportements habituels.

Les investisseurs avec lesquels nous échangeons mettent en évidence notamment la résilience de l'économie française qui est diversifiée et donc relativement stable. Elle a reçu des chocs, mais ces chocs ne sont jamais assez gros pour la renverser complètement parce qu'il y a cette diversification. Ils ont donc une confiance dans la stabilité de l'économie française. Ils ont une confiance dans la qualité de l'administration, l'AFT notamment, mais aussi la capacité de l'administration française à lever des impôts. Et ils sont évidemment intéressés par la liquidité, la profondeur et la diversité des produits mis sur le marché par l'AFT. Pour cela, il n'y a pas tellement d'équivalent parmi les pays avancés. Bien sûr, il y a la dette américaine, mais on ne peut pas détenir que de cette dette. Les investisseurs restent attirés par la dette française. Il n'y a donc pas de substitut évident, ce qui explique une certaine résilience malgré les turbulences qu'on a observées.

Qui achète la dette souveraine française ? Les ménages, bien sûr, de manière indirecte. Mais on a observé une augmentation récente de la part des investisseurs étrangers depuis 2023. Ceci est lié mécaniquement à la réduction du bilan de l'Eurosystème, qui a cessé de faire des achats, d'abord en net, ensuite en brut. Cette réduction du bilan conduit à ce que la dette soit rachetée par des investisseurs diversifiés dont une part évidemment non résidente.

Cette évolution est mécanique, ce n'est pas spécialement inquiétant. La part des investisseurs étrangers a augmenté autant en Allemagne qu'en France. Le niveau aujourd'hui est à peu près le même : la part des investisseurs étrangers dans la détention de la dette allemande et française est à peu près identique. Le fait que cette part augmente est un indicateur d'attractivité de la dette française, puisque les investisseurs, partout dans le monde, continuent d'investir dans la dette française. C'est plutôt à mettre au crédit de la qualité de cette dette.

Hors investisseurs étrangers, on voit une certaine diversité des investisseurs : les banques, notamment pour répondre à la réglementation bancaire, mais également les assureurs, les fonds monétaires ou non monétaires. Cette diversité participe à la résilience, puisque cela veut dire qu'ils n'ont pas forcément les mêmes comportements en cas de turbulence.

J'en viens pour finir à la question de l'emprunt éventuel hors marché auprès des ménages, à savoir un grand emprunt national. Je répondrai aussi à votre question sur la banque centrale que vous avez indiquée à l'instant.

Comme l'a rappelé Antoine Deruennes, les ménages détiennent déjà de la dette publique française, de manière indirecte. Lorsqu'ils ont un compte bancaire, c'est le passif de la banque, mais à son actif, celle-ci fait non seulement des crédits, mais elle achète également de la dette publique. Si les ménages prenaient leurs dépôts pour aller acheter de la dette française, la liquidité reviendrait dans les banques, mais par d'autres agents sur le marché. Cela changerait la nature des dépôts, mais pas nécessairement la quantité de liquidité dans l'économie.

En revanche, une substitution par rapport à l'assurance vie est possible. C'est ce qu'on a vu en Italie en 2023 - mais il n'y a pas de livret A donc c'est un peu différent : le gouvernement italien a fait un emprunt direct auprès des ménages, et les encours d'assurance vie ont diminué. L'hypothèse d'une substitution par rapport à l'assurance vie est donc tout à fait réaliste. L'impact sur le marché n'est pas évident du tout, puisque la décollecte des fonds euros signifierait que les assureurs demanderaient moins d'OAT, mais il y aurait également moins d'offre de dette puisque l'État aurait emprunté directement auprès des ménages. L'impact net sur les taux n'est pas totalement évident. En revanche, sur les assureurs, il peut y avoir un impact déstabilisant, car ils sont encore en phase d'adaptation aux nouveaux taux d'intérêt.

L'impact d'un grand emprunt concernant le livret A est plus simple, puisque l'ensemble des livrets d'épargne est investi en dette publique, donc la substitution est neutre.

Enfin, l'impact sur le marché : s'il y a moins de dette de marché, la part des investisseurs étrangers dans la détention de cette dette de marché augmenterait, puisque les ménages ne passeraient plus par le marché pour détenir la dette publique.

L'avantage en termes de stabilité qui paraît relativement clair doit être mis en regard avec les conditions pour attirer les épargnants vers ce placement. Antoine Deruennes en a parlé : si c'est un placement relativement illiquide, qu'on ne peut pas vendre avant son échéance, c'est un inconvénient. Si les ménages aiment le livret A, c'est notamment parce qu'il est liquide et sans risque. Dans le cas de la détention directe de la dette, il y a un risque de taux. Cela devrait être compensé par une rémunération plus élevée, un avantage fiscal ou une combinaison des deux.

Par ailleurs, l'État devrait fixer à l'avance le taux pour faire de la publicité sur cet emprunt, ce qui génèrerait un risque de taux pour l'État, c'est-à-dire un risque que le taux annoncé soit supérieur au taux de marché au moment de l'émission.

De surcroît, pour commercialiser cette dette, il faudrait nécessairement passer par des intermédiaires, ce qui pose la question de leur rémunération. Serait-elle vraiment plus faible que celle des intermédiaires actuels ?

Enfin, je voudrais mentionner le fait que la France, classiquement, affiche des déficits courants. Cela signifie qu'elle a une épargne inférieure à l'investissement. Pour financer son investissement, elle a besoin de faire appel à l'épargne étrangère et donc à des entrées de capitaux. Non seulement il y a des questions de substitution entre la dette publique de marché et la dette publique hors marché, mais également entre la dette publique et la dette privée, voire les actions privées. Tant que la France a un déficit extérieur courant, elle doit en contrepartie être financée partiellement par des capitaux étrangers. La proportion d'actifs publics et privés peut varier, mais la somme totale des capitaux entrants doit compenser le déficit. Il faut faire attention à l'articulation entre un tel projet et celui que pousse beaucoup la France, qui est l'union pour l'épargne et l'investissement, notamment pour favoriser le financement des entreprises, en particulier des entreprises innovantes, par des capitaux européens et pour offrir aux ménages un meilleur couple risque-rendement grâce à une diversification accrue des produits d'épargne.

Je reviens pour finir sur les instruments à la main de l'Eurosystème. Il y en a deux dans la boîte à outils. Premièrement, les Outright Monetary Transactions (OMT), créées en 2012 et jamais utilisées jusqu'à présent, sont un instrument d'achat d'actifs par la BCE en cas de trouble majeur sur la dette publique. L'achat est conditionné à un programme du Mécanisme européen de stabilité, un programme d'ajustement. On n'est pas du tout dans ce cas-là. Le deuxième instrument, introduit en 2022, qui n'a également pas été utilisé, est le Transmission Protection Instrument (TPI). L'éligibilité est liée au respect des règles budgétaires, à la soutenabilité budgétaire, à l'absence de déséquilibre macroéconomique sévère et à la bonne politique macroéconomique. Le fond de l'affaire, c'est quand même de suivre les nouvelles règles budgétaires de manière très rigoureuse. Les marchés et les investisseurs étrangers vont être extrêmement attentifs, au déroulement de l'année budgétaire 2025 et à la préparation de 2026, ainsi qu'au respect des nouvelles règles budgétaires. Ces instruments sont donc conçus pour un pays qui subirait un choc sur les marchés sans rapport avec les fondamentaux, c'est-à-dire que bien que ses fondamentaux soient bons, on aurait un écartement du spread.

On sort d'une période où l'inflation était trop basse. L'Eurosystème a déployé de nouveaux instruments, notamment l'assouplissement quantitatif et des achats d'actifs, mais dans une perspective de politique monétaire pour remonter à l'époque le taux d'inflation. On pourra parler éventuellement des perspectives en termes d'inflation. Mais cette période est révolue. De manière très logique, l'Eurosystème a réduit son bilan. On n'est plus du tout dans la même perspective que dans les années 2010.

M. Claude Raynal, président.  - Je vous propose maintenant d'entendre deux universitaires, deux autres points de vue sur ces questions. D'abord, monsieur Benjamin Lemoine. Vous êtes l'auteur d'un ouvrage intitulé L'Ordre de la dette, où vous avez notamment analysé le circuit du Trésor mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. De cette réflexion, tirez-vous des enseignements s'agissant de la gestion actuelle de la dette ?

M. Benjamin Lemoine. - Merci de me donner l'occasion d'évoquer quelques éléments sur la consistance technique, financière et politique de la dette hors marché. Je vais brièvement évoquer ce que cette dette hors marché a représenté par le passé et la façon dont, à la fin des années 1960, les choix politiques et administratifs se sont orientés exclusivement vers la technologie de marché.

Mon propos consiste à montrer que chaque système, ou plus précisément le dosage de l'émission et de la détention de dettes selon des procédures marchandes ou non marchandes, véhicule un coût, des contreparties et signale la présence d'une certaine forme d'État, d'un rapport de l'administration publique, y compris dans ses modes d'organisation propres, aux secteurs en charge de la banque, du crédit et de la finance (cette analyse ne vaut pas dans le seul cas de la France mais s'applique à l'échelle du monde). Chaque système induit également un certain rapport à la notion d'investissement, mais aussi à la démocratie en instaurant différentes façons d'obtenir et de définir la confiance légitime dans les titres et valeurs du Trésor.

En effet, la confiance que le service de financement de l'État cherche à obtenir est aujourd'hui celle des investisseurs résidents et non-résidents, d'abord les spécialistes en valeurs du Trésor qui achètent la dette sur le marché primaire, en gros, puis la revendent aux clients finals, à savoir les investisseurs institutionnels, les compagnies d'assurance, les fonds obligataires et les grandes banques centrales étrangères.

À ce titre, soulignant à quel point la stabilisation de la confiance est aussi une affaire politique, on a coutume de dire que ces investisseurs expriment leur désir de liquidité et d'adhésion « en votant avec leurs pieds », c'est-à-dire en décidant de se rendre à échéance régulière aux séances de vente aux enchères, les adjudications, et en faisant évaluer les cours de la dette sur le marché secondaire via des échanges et des pratiques de vente et rachat.

Mais cette confiance, les services chargés de financer le déficit public peuvent aussi chercher à l'obtenir auprès des citoyens épargnants qui peuvent y souscrire directement auprès des guichets des banques commerciales ou du Trésor. Le poids politique des rentiers de la dette au XIXe siècle est à ce titre un phénomène bien connu. Cette souscription massive est comprise comme l'expression d'une mobilisation populaire, de la confiance dans un gouvernement ou d'une nation face à une situation inédite et particulière. En outre, la confiance des citoyens épargnants peut aussi être recherchée de façon indirecte via la souscription de supports d'épargne.

Cette confiance, il s'agissait aussi de l'obtenir auprès des représentants parlementaires, tout particulièrement dans des situations où le plafond des avances directes de la banque centrale et la définition de son niveau étaient des enjeux cruciaux, incertains et exposant le Trésor et la direction du Trésor à la vulnérabilité, pour reprendre l'expression d'un témoin de l'époque, « une véritable maison de cristal ».

Enfin, je mettrai en parallèle ces situations historiques avec la situation contemporaine où, dans un passé très récent, une portion de la dette était mise ou placée hors marché avec la transformation progressive à partir de 2010 du rôle de la BCE.

Schématiquement, en l'espace d'une cinquantaine d'années, après la Seconde Guerre mondiale jusqu'au milieu des années 1990, on passe d'un État banquier et investisseur à un État que l'on pourrait qualifier d'investi et emprunteur.

Ce qui s'est imposé, c'est une histoire de la mise en marché de la dette, de sa financiarisation et de la conquête par les pouvoirs publics de la liquidité sur les marchés de capitaux globaux. La différenciation entre « hors marché », ou « non marchand », et marchand recoupe aussi la distinction entre dette dite négociable et non négociable. Elle renvoie au recours ou non à des procédures marchandes, une adjudication, à l'existence ou non d'un marché secondaire et au mode de souscription sur le marché primaire, contrainte ou non, à taux réglementaire ou non, par adjudication ou syndication.

Ce qui importe, ce sont donc les caractéristiques de la souscription de la dette et de l'obtention des financements. Ainsi, l'un des moyens principaux au sortir de la Seconde Guerre mondiale ne fut pas la dette sous sa forme marchande, mais un système d'adduction des liquidités internes à la puissance publique. Ce système n'a pas entièrement disparu. Nous en connaissons des résidus qui constituent, pour citer M. Anthony Requin, directeur de l'AFT entre 2005 et 2021, auditionné en janvier 2020 par la Commission des finances de l'Assemblée nationale, « un bien public que nous envient beaucoup de Trésors dans le monde », « un véritable trésor national, puisque nous avons une pratique historique en la matière ». De fait, l'AFT fait du cash pooling, c'est-à-dire de la mutualisation des caisses. En effet, la France dispose d'un système de centralisation de la trésorerie publique qui permet de mutualiser les caisses de l'État, des opérateurs de l'État ou des collectivités territoriales et ainsi de centraliser la gestion des flux financiers. Si l'on reprend la grammaire d'entreprise, une telle centralisation entre plusieurs filiales d'un même groupe permet d'équilibrer facilement les différents comptes tout en gardant une vision globale de la trésorerie du groupe.

La mobilisation de ces différentes caisses en une caisse de trésorerie commune permet, je cite à nouveau M. Anthony Requin, de « diminuer le besoin d'emprunts sur les marchés ». En 2020, l'AFT avait ainsi calculé que cette mutualisation avait permis de diminuer de 200 milliards d'euros notre niveau d'endettement, à la fois par la centralisation des trésoreries qui réduit le besoin de financement, ainsi que par la réduction des appels nets au marché, qui permet de limiter la facture de la charge d'intérêt acquittée tous les ans. À l'époque, de grands rapatriements de trésorerie publique avaient concerné la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface), pour l'action d'assurance-crédit couverte par l'État, la Banque publique d'investissement (BPI), pour ce qui relevait des fonds de garantie de l'État, et en dernier lieu la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à l'occasion du rapprochement de ses équipes avec celles de l'AFT.

Ce système, plus que résiduel, est ainsi en mouvement permanent. Après la Seconde Guerre mondiale, il faut imaginer que ce réseau de caisses communes, que j'ai qualifié de système d'adduction des liquidités, est encore plus étendu. Les dépôts des correspondants du Trésor, publics, parapublics, collectivités locales, entreprises publiques, hôpitaux, caisses des dépôts, etc., sont massifs. Ces établissements ont l'obligation de déposer leurs liquidités sur un compte spécial du Trésor, ce dernier fonctionnant comme leur banque.

Les comptes chèques postaux, souscrits par des particuliers, en faisaient également partie, si bien qu'encourager le recours aux chèques a indirectement contribué à alimenter les caisses de l'État. L'enjeu d'un tel système de dette à vue est d'organiser le moins de fuites possibles et que l'argent public dépensé revienne au maximum dans les caisses du Trésor.

Des restrictions sont mises en place, passant par le renforcement du contrôle des changes pour éviter les sorties de billets et par des mesures de contrôle des salaires, des investissements et des marchés financiers en général. Le secteur bancaire, très largement public ou parapublic, est également fortement réglementé.

L'État instaure en 1948 un plancher obligatoire de bons du Trésor, c'est-à-dire un quota minimum que les banques doivent détenir dans leur portefeuille. Ce seuil évolue en fonction des dépôts qu'elles détiennent et donc augmente naturellement avec l'inflation. C'est un système dit à « robinets ouverts », autrement dit, l'État émet en continu ses bons dont il fixe les taux. Il n'y a pas en soi de séance d'adjudication et le Trésor reste « maître de la manoeuvre en matière de taux », pour citer François Bloch-Lainé dans un livre témoignage.

L'outil évite les adjudications et, en quelque sorte, permet de suspendre ou de clore les séances d'appel au marché, à tel point qu'il faudra les réinstaller au milieu des années 1960 par expérimentations successives et y « rééduquer » au sens propre l'État. L'outil est considéré comme un moyen de coordonner, en les arrimant, politiques du crédit, politiques prudentielles, politiques monétaires et financement de la trésorerie de l'État.

Il s'agit de contrôler l'inflation en contrôlant l'allocation de crédit par les banques en ayant un droit de regard sur la gestion de leurs actifs. Parallèlement, le contrôle par l'État du calendrier et du volume des émissions de titres sur les marchés financiers mis en place en 1941 est prolongé en 1946.

Nous avons donc bien affaire à un « rapport administratif particulier », comme je l'avais annoncé au début de mon intervention, à travers la mise en place d'un réseau de contrôle du crédit et de la monnaie formé notamment par le Trésor, la Banque de France et le Conseil national du crédit. Ces institutions usent de la réglementation bancaire pour instaurer une « sélectivité du crédit » et un contrôle de l'inflation.

L'objectif à l'époque était de favoriser ces dispositifs technocratiques pour éviter - je cite Maurice Pérouse, ancien directeur du Trésor - de « se confronter au risque de réaction de la presse et de l'opinion difficilement contrôlable ». Il est inutile de rappeler que sous la IVRépublique, la France connaissait une période d'instabilité politique avec seize ministres des Finances différents qui ont alterné entre eux à vingt-deux reprises. Le circuit du Trésor a alors offert un outil de stabilisation. Si l'on regarde la seule année 1952, le financement des 706 milliards de francs de déficit budgétaire a été assuré à hauteur de 67 % par le cumul des dépôts des correspondants financiers non monétaires (204 milliards de francs), les souscriptions réglementaires des banques, les comptes chèques postaux et enfin, ce qui n'est pas négligeable, pour 113 milliards de Francs via les concours directs de la Banque de France. En 1955, ces avances sont remboursées.

Ce système est démantelé très tôt, à partir des années 1960, alors que la croissance est soutenue, en moyenne à près de 6 %, et l'inflation contenue autour de 4 %. Les outils comme le plancher sont accusés de nourrir l'inflation. En somme, on a favorisé l'aspect « financement du Trésor » au détriment de la fonction monétaire et prudentielle de cet outil. Les ressources de l'État, au terme de ce circuit, sont indexées sur l'inflation et sur l'évolution de la masse monétaire. L'inflation et le financement du Trésor sont donc liés positivement par la circulation d'actifs monétaires publics et non négativement - je veux faire référence ici aux importants débats autour des obligations indexées sur l'inflation, qui arriment en partie la charge de la dette à l'évolution de l'inflation et se traduisent par des formes d'accumulation privée.

Le recours aux adjudications, sur le modèle britannique, scruté par une partie de la haute fonction publique, est réintroduit progressivement. Puis, dans les années 1970 et 1980, on recherche « l'épargne déjà là », considérée comme plus saine que ces modes de financement bancaire à court terme. C'est au milieu des années 1980 que les dispositifs de marché font leur percée majeure. Sur le modèle des États-Unis, on standardise les titres, met en place un système de primary dealers, c'est-à-dire de spécialistes en valeurs du Trésor, pour conquérir et assurer la liquidité. « Y compris la dette socialiste, qui n'est pas une référence en la matière, s'exporte à travers le monde » - là encore, je cite un ancien directeur du Trésor. Les road shows, la promotion de ces titres à l'étranger, sont incontournables, aussi bien à l'international qu'auprès des investisseurs français. En 1987, pendant un road show, la banque JP Morgan peut écrire dans sa présentation aux investisseurs : « Quel que soit le vainqueur de la prochaine élection présidentielle, le marché obligataire n'en souffrira pas ». Et la banque de poursuivre : « je rappelle d'ailleurs que c'est un gouvernement socialiste en France, sous la présidence Mitterrand, qui a entamé la déréglementation et la libéralisation des marchés financiers français en 1984 ».

De la même façon que le circuit du Trésor avait déconnecté les enjeux de financement du péril de l'opinion, ici la conquête des marchés se veut une technologie neutre, au sens où elle est censée neutraliser les risques d'alternance politique ou de grande bascule de politique économique. Le système de financement signale, je l'évoquais, un certain rapport à l'administration dans son organisation même :ce mouvement de mise en marché trouve une forme de point culminant au début des années 2000, quand il est envisagé de créer une agence de financement du trésor indépendante du ministère des Finances, sur le modèle allemand de la société anonyme et de la Bundesrepublik Deutschland Finanzagentur, localisée non pas à Berlin auprès du ministère des Finances et du pouvoir exécutif, mais à Francfort.

Cette option est évacuée rapidement et l'AFT n'ira pas dans le 8e arrondissement de Paris, comme cela a été envisagé à l'époque, mais restera à Bercy sous l'autorité du ministre.

Je conclurai en évoquant le fait que les transformations de l'action des banques centrales ont construit un rapport spécifique à cette frontière entre le marchand et le non marchand en plaçant une partie de la dette souveraine française hors marché, cet outil étant même utilisé pendant la pandémie de Covid-19 de façon indiscriminée et on pourrait dire de façon inconditionnelle politiquement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, comme cela a été évoqué par Agnès Bénassy-Quéré, avec l'outil anti-fragmentation, dit de transmission de la politique monétaire, introduit depuis, qui pose explicitement des conditions budgétaires aux États pour sa mobilisation. Chaque système de financement emporte donc avec lui un certain rapport à la démocratie parlementaire, ou plus généralement à l'espace public et à la citoyenneté, ainsi qu'à des formes de souveraineté financière. Je me réjouis que cette question des arbitrages et dosages entre une pluralité de techniques soit posée par cette commission.

M. Claude Raynal, président. - Merci pour ce « retour vers le futur », monsieur Lemoine. Monsieur Monnet, vous pouvez poursuivre.

M. Éric Monnet. - Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir rappelé que je suis économiste et spécialiste de finances, mais aussi spécialiste d'histoire économique. Vous ne m'en voudrez donc pas de retenir cette perspective historique qui, je pense, est très intéressante sur le thème des « solutions hors marché » et du recours à un grand emprunt national.

Non pas, je préfère le signaler tout de suite, et vous n'en serez pas surpris, qu'il y aurait des solutions miracles dans l'histoire, ça se saurait. Il n'y en a absolument pas. Mon propos est plutôt de souligner l'intérêt d'une perspective historique. Il s'agit de voir toutes les solutions qui ont été offertes par le passé. Sans surprise, c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de changements. Une telle approche permet aussi de penser que ce qui existe aujourd'hui n'est pas immuable. Nous connaîtrons encore des changements, comme il y en a eu dans le passé. Ces changements, comme on le verra, ne se manifestent pas par des ruptures fortes, mais plutôt par des évolutions progressives, comme c'est le cas actuellement. On assiste à une mutation de certains financements, sans rupture forte.

Le deuxième point sur lequel j'insisterai, ce sont les spécificités du moment présent. Deux éléments me paraissent absolument fondamentaux dès qu'on parle de dette publique. Bien qu'étant assez simples, ils me semblent souvent avoir disparu du débat public.

En premier lieu, il s'agit déjà de comprendre pourquoi aujourd'hui un pays comme la France arrive à avoir une dette publique très élevée. On le voit souvent : avoir une dette publique élevée est un privilège de riches. De nombreux pays dans le monde aimeraient avoir, ne serait-ce que 20 % de leur PIB en dette publique.

Pourquoi un pays peut-il avoir une dette publique si élevée ? Quel est ce phénomène ? Comment est-on arrivé là ?

C'est avant tout le cas lorsqu'il y a beaucoup d'épargne. Même si le compte courant est négatif, on est dans des sociétés riches. La richesse peut certes être inégalement distribuée, mais au total, les sociétés sont plus riches qu'elles ne l'ont jamais été. Beaucoup d'épargne signifie beaucoup de dettes. C'est comptable : il faut bien que cette épargne aille quelque part, donc il faut que des gens s'endettent pour absorber l'épargne. La question, du point de vue d'un macroéconomiste comme moi, est finalement la répartition entre la dette privée et la dette publique. C'est ça qui compte aujourd'hui quand on raisonne à un niveau macroéconomique, c'est plus de dette privée ou plus de dette publique.

Il y a des exemples, et on voit que ça peut être complémentaire ou substituable. Je donne souvent celui de la dette des étudiants. Si vous étiez parlementaire aux États-Unis ou en Angleterre, vous seriez sans doute en train de débattre de cette question, parce que les étudiants sont trop endettés, ce qui crée un risque. S'il n'y a pas suffisamment d'investissement de l'État dans les universités, les étudiants s'endettent pour les frais d'inscription, donc on augmente la dette privée. Il y a une substituabilité entre dette publique et dette privée. Dans certains cas, c'est plutôt une bonne chose que ce soit la dette publique qui soit le réceptacle de l'épargne. Dans d'autres, ce qu'on appelle l'effet d'éviction, au contraire, on pense que c'est aux entreprises de s'endetter. Mais ça s'équilibre. En tout cas, la dette privée et la dette publique sont très importantes.

On sait par ailleurs que dans l'Histoire, la plupart des crises bancaires et financières viennent davantage de la dette privée, bien plus que de la dette publique. La dette publique, au final, est plus sûre qu'une grande partie de la dette privée.

Ceci explique assez bien pourquoi on a aujourd'hui une dette publique élevée. Plus les États sont riches, plus ils investissent dans l'éducation, la santé, etc. Donc plus les États sont riches, plus il y a d'État-providence. Cela explique pourquoi la dette, aujourd'hui, et les dépenses sociales sont assez élevées. Mais il y a aussi une demande, parce que justement les États et les gens sont aussi plus riches. Nombreux sont ceux qui ont besoin d'épargner pour leur retraite, ou pour tout un tas d'autres choses. L'espérance de vie s'étant allongée, il faut que cette épargne soit placée quelque part.

Aujourd'hui, on n'a toujours pas trouvé un placement plus sûr que la dette publique, ce qui explique pourquoi les pays comme les nôtres peuvent avoir une dette publique très élevée. Donc la dette publique reste aujourd'hui, et ça a été soulevé mais je pense qu'il faut toujours le rappeler, le moyen principal d'épargne de long terme pour les citoyennes et les citoyens. C'est aussi ce côté de l'offre qui est très important à prendre en compte.

Le deuxième point qui, je pense, est évident ici, mais je me permets quand même de le rappeler, c'est le triptyque des finances publiques. Soit l'État dépense moins, soit l'État augmente les impôts, soit il augmente la dette.

Historiquement, le lien entre impôts et dette publique a été formalisé de manière bien plus claire qu'aujourd'hui. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on perçoit le sens civique attaché à l'impôt. Très longtemps, cette caractéristique civique a aussi été associée à la dette. Pour un contribuable, en fait, c'est quoi la différence entre l'impôt et la dette ? La dette, c'est un peu mieux, parce qu'en fait, vous gagnez quelque chose en plus de payer l'impôt. Mais il y a une substituabilité entre les deux qui a été beaucoup plus claire à certains moments dans l'histoire, évidemment pendant les guerres, mais pas seulement.

Une particularité intéressante de la situation actuelle, si l'on se place dans une perspective historique, c'est qu'une grande partie de ce que je viens de vous dire n'est plus une évidence aujourd'hui : les gens investissent dans la dette publique pour une épargne à long terme, pour leur retraite - on le sait, les spécialistes le savent, mais où est-ce que cela apparaît de manière claire dans le débat public ?

Le lien entre impôts et dette publique est pourtant clair, il y a un geste civique. Finalement, la dette publique est un moyen de payer l'impôt, mais qui rapporte aux gens.

On insiste beaucoup sur les intérêts de la dette, qui certes sont importants. Mais si une partie de cette dette est détenue de manière domestique, c'est en fait une rémunération des contribuables. Cet argent ne va pas nulle part, il n'est pas gâché dans la nature, il va à une partie des contribuables. Ce lien a été beaucoup plus explicite par le passé qu'il ne l'est aujourd'hui. Pourquoi ? Je vais tenter de l'expliquer brièvement.

Je vais commencer à la Révolution française. Depuis la Révolution et Napoléon, il y a eu trois grands modes de financement de la dette publique.

Le premier, de Napoléon à la Première Guerre mondiale, reposait sur un financement direct et de marché. Dans ce fonctionnement, les contribuables détiennent en grande partie directement la dette publique, entièrement émise sur les marchés. L'État étant perçu comme infini, cette dette n'est pas à 10 ans ou à 30 ans, mais est uniquement perpétuelle. On parle d'ailleurs de « rente perpétuelle », appellation qui montre bien qu'elle est détenue dans l'objectif de s'assurer une rente.

Concrètement, soit les gens détiennent de la dette chez eux au travers d'obligations en papier gardées dans un coffre, soit, à partir du milieu du 19e siècle, les épargnants, pour leur retraite, passent par les caisses d'épargne, dont tous les fonds sont gérés par la Caisse des dépôts et sont entièrement investis dans de la dette publique, ce qui est bien connu à l'époque. Jusqu'à 20 % ou 30 % de la dette publique est directement détenue par les livrets des caisses d'épargne. Il s'agit donc d'une dette de marché, mais où l'on constate un rapport direct entre les détenteurs de la dette et le Trésor public. Cela s'est notamment avéré très utile pendant les guerres.

À la suite de la Première guerre mondiale, le financement évolue vers le système dit « du circuit du Trésor » ou du hors-marché. Dans la continuité du système précédent, les caisses d'épargne n'achètent pas de dette émise sur le marché mais prêtent désormais directement au Trésor ou aux communes. On sort complètement du marché une partie du système précédent, mais il y a une continuité. Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, 70 % à 80 % de la dette publique n'est plus émise sur les marchés. La dette devient également détenue de manière de plus en plus indirecte par des intermédiaires comme les caisses d'épargne et dans la mesure où celles-ci peuvent investir dans beaucoup plus de choses, l'orientation de l'épargne devient moins claire.

En parallèle, les épargnants déposent plus fréquemment leur argent directement dans les banques, qui depuis les années 1950 en France, investissent dans de la dette publique. Au contraire de la dette hors marché, c'est-à-dire des dépôts dans les caisses d'épargne qui étaient ensuite prêtés, les grands emprunts, comme l'emprunt Pinay, reposaient sur des obligations dont le prix était coté sur les marchés.

Le troisième système, mis en place à partir de la fin des années 1980, est une sorte de synthèse des deux modes de financement précédents, et l'on peut se demander si c'était la meilleure synthèse possible. Il repose, d'une part et comme au 19e siècle, sur le marché et, d'autre part et depuis l'extension de la dette hors marché, sur la détention indirecte. Ce système a des avantages. Le premier est de lisser le risque de taux pour les épargnants : c'est plus sûr que de détenir des obligations, même perpétuelles. Cela correspond donc à nos sociétés où des épargnants, avec une expérience de vie allongée, investissent de plus en plus pour leur retraite.

Cela a également permis une détention plus internationale de la dette, et a donc contribué à son augmentation. Si la dette était uniquement résidente, elle pourrait peut-être être moins importante, surtout pour un pays comme la France n'ayant pas de gros surplus de comptes courants.

Cela a contribué à dépolitiser en partie le débat sur la dette publique. Les débats parlementaires sur la dette publique antérieurs aux années 1980 étaient autrement plus virulents qu'aujourd'hui, notamment parce qu'on ne passait pas par le marché. Il fallait donc vraiment discuter très concrètement d'où allait cette dette et de comment elle était financée.

Je pense toutefois que nous avons perdu en lisibilité. Toutes les questions que j'ai évoquées plus tôt, c'est-à-dire le fait de savoir où va la dette, qui en perçoit les intérêts, en quoi détenir de la dette publique pouvait être associé à une forme de civisme ou d'épargne de long terme, etc. ne constituent plus des axes de débat très clairs.

La deuxième question que pose le système actuel est de savoir qui est principalement chargé de la réponse à une crise de la dette publique. Pendant longtemps, il s'agissait de la Banque de France pendant les guerres, et, en temps normal, de la Caisse des dépôts au travers des caisses d'épargne. On perd aujourd'hui de vue les institutions qui, en dernier ressort, pourraient promettre aux Français qu'elles interviendraient pour stabiliser la dette publique.

Pour conclure, étant donné que des évolutions historiques ne peuvent s'effectuer en quelques jours, le retour à une détention directe de la dette me paraît quelque peu illusoire. Je pense par contre qu'il serait utile de rendre beaucoup plus lisible le circuit de l'épargne et de la dette. Dans quelle mesure détient-on de la dette française ou étrangère ?

Dans le cas du livret A par exemple, les organismes de logement social se plaignent si son taux est trop haut mais dans le même temps cela rémunère mieux les épargnants. Le débat similaire a en revanche complètement disparu sur la dette française. Il est donc important de rendre aujourd'hui la détention de dette un peu plus lisible. Je pense à des mécanismes qui peuvent s'appuyer sur du marché, par exemple sur les assurances vie, et hors marché via le livret A, notamment pour les communes. Cela pourrait permettre de redonner un peu plus de lisibilité et de compréhension politique à notre système actuel.

M. Claude Raynal, président. - Merci pour cette utile remise en perspective, à côté d'interventions que nous avions déjà pu entendre dans cette commission. Vous avez raison de dire que nous nous exprimons sur la dette de manière trop caricaturale. La lisibilité est effectivement un élément qui manque, non seulement dans le débat sur la dette, mais également pour répondre à nombre de nos questionnements actuels.

M. Jean-François Husson, rapporteur général- Il me semble important d'aborder ce sujet alors que les tensions autour de l'adoption du budget retombent. Je reviendrai simplement sur le sujet de la lisibilité de la dette. Nous pouvons avoir le sentiment que la dette est indolore. Nous avons perdu en partie l'idée que la dette engage une responsabilité individuelle et collective.

Le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) anticipait une charge de la dette représentant 3 % du PIB en 2028. Or, plus la charge de la dette augmente, plus la réduction du déficit est difficile, et plus le déficit se maintient, plus la réduction de la charge de la dette est difficile. Comment interrompre ce cercle ?

Vous avez évoqué les mesures qui existent aujourd'hui, mais qui n'ont jusqu'à maintenant jamais été utilisées pour faire face à ces difficultés. Néanmoins, pour aller un peu plus loin, pensez-vous qu'il y ait un risque d'emballement et surtout quelles solutions faudrait-il privilégier ?

La BCE dispose d'un certain nombre d'instruments. Concernant la France, il est parfois évoqué la possibilité d'une attaque d'investisseurs sur sa dette publique. Mme Bénassy-Quéré, pourriez-vous détailler les scénarios envisagés par l'Eurosystème dans cette optique ?

Il me semble également que les critères d'intervention de la banque centrale, en cas de crise de la dette publique sur les marchés financiers, ne sont pas aussi clairs qu'il n'y paraît. Certains gouverneurs des banques centrales nationales européennes suggéraient, l'été dernier à Sintra, que le soutien de la BCE à la France en cas de problème ne serait pas forcément automatique, et qu'il fallait préserver le rôle disciplinaire des marchés sur la France. Je n'ai heureusement rien vu qui ait été formalisé, mais ne s'agit-il pas d'une décision qui relève du politique ? Quelle place aurait le Parlement dans une telle décision ? Je ne vous cache pas que cela me préoccupe.

Monsieur Lemoine, vous avez parlé du circuit du Trésor. Est-ce qu'un circuit identique serait aujourd'hui conforme au droit de l'Union européenne ? Pourrait-il être compatible avec l'appartenance à la zone euro ?

Je m'interroge enfin concernant le débat autour d'un grand emprunt. Dans la situation actuelle des finances publiques, il y a trois possibilités : soit on dépense moins, ce qui perçu comme douloureux, en particulier quand les dépenses ont beaucoup augmenté comme ces dernières années. Il est possible autrement soit d'émettre de la dette, soit d'augmenter les impôts.

Or, l'intérêt du grand emprunt, c'est justement de permettre de lever moins d'impôts, et d'utiliser à la place l'épargne qui est disponible. Je sais que cette épargne est déjà utilisée aujourd'hui. La situation actuelle du budget de l'État n'est toutefois pas tenable à long terme. Un changement est nécessaire, et il existe des volumes d'épargne qui pourraient être utilisés à cette fin.

Ainsi, on peut penser qu'il est moins douloureux d'orienter l'épargne détenue par un certain nombre de Français vers le financement de la dette publique que de faire appel à l'impôt, dont l'effort n'est pas supporté de façon équitable par la population. Je vois un intérêt supplémentaire à cette solution, qui est son effet psychologique. Cela permettrait d'appeler les Français à un sursaut concernant la dette, qui ne peut pas continuer à se dégrader. Or malgré les efforts que l'on fait aujourd'hui, c'est ce qui va se produire. Christine Lavarde l'a encore redit à la tribune récemment. Malheureusement, comme le disait M. Monnet, il y a un problème de lisibilité et de compréhension quant aux risques que représente une dette publique élevée. Si cette question n'est pas posée dans le débat public, je crains qu'on entretienne un système finalement assez confortable, qui serait le privilège des pays riches, accoutumés à une forte dette.

Je rappelle pourtant que cette dette s'ajoute à une dette environnementale et climatique, qui est loin d'être mineure. Une telle situation en appelle à notre responsabilité.

C'est la raison pour laquelle j'appelle à s'interroger sur la possibilité d'une reprise en main par les Français de leur dette.

Aujourd'hui, le taux d'intérêt du livret A est de 2,4 %, alors que le taux des OAT à 10 ans est supérieur à 3 %. Dans cette situation, un grand emprunt ne pourrait-il pas être attractif pour les Français ? J'admets la nécessité d'une rémunération attractive de la dette française, même s'il faut éviter une dégradation trop forte de la situation des finances publiques. Un équilibre entre ces deux impératifs devrait pouvoir être trouvé.

M.  Albéric de Montgolfier. - Monsieur le président, ma première question va porter sur la perception qu'ont les investisseurs de la dette française, notamment les investisseurs étrangers. Vous avez dit que la dette française est attractive, notamment parce qu'elle est liquide et qu'elle est accessible sous forme d'une diversité de produits.

À quel moment les investisseurs prennent-ils en compte d'autres critères, notamment les fondamentaux de l'économie ? Si l'on prend le dernier rapport de la Cour des comptes, la dette française pourrait atteindre un coût évalué à 115 milliards d'euros, d'ici quatre ans. Cela représente un tiers des recettes fiscales de la France. Il s'agit d'un scénario relativement pessimiste, mais qui correspond à l'actualité, c'est-à-dire à une faible croissance et à des objectifs budgétaires qui ne sont pas respectés. Donc, si l'on arrivait à une charge de la dette française de 115 milliards d'euros, soit le tiers de nos recettes fiscales, les investisseurs continueraient-ils à la considérer comme attractive ?

Ma deuxième question concerne les investisseurs, notamment japonais et américains. Ainsi, au Japon, les investisseurs cessent d'acheter de la dette française, dont le rendement est moins élevé que celui des obligations japonaises. Un risque similaire ne se pose-t-il pas avec les investisseurs des Etats-Unis ? Une obligation du Trésor américain à 10 ans a un taux d'intérêt de 4,5 %, qui est donc plus attractif que celui de la dette française. N'y a-t-il pas un risque d'effet d'éviction vers ces deux autres marchés, au détriment de la dette française ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je remercie les intervenants pour ce tour d'horizon à la fois historique et actuel concernant notre dette. Il me semble qu'une problématique essentielle sur ce sujet est celle de l'utilisation de l'épargne de nos concitoyens.

En effet, l'épargne française finance dans une large mesure des dépôts à vue. Par ailleurs, plus de 50 % de cette épargne, sauf erreur de ma part, finance des économies étrangères, par exemple en abondant des fonds de pension américains, et se porte sur des produits dont le retour sur investissement est bien supérieur à celui qu'on peut trouver en France et en Europe. C'est, je pense, à ce problème qu'il faudrait trouver une solution en premier lieu. J'aimerais avoir votre retour sur ce point.

Je voulais également rappeler que, lorsque j'ai été élue sénateur en 2021, j'avais déposé une proposition de loi pour abonder via le livret A des fonds souverains régionaux. J'avais reçu un accueil assez frileux à ce moment-là. Les temps ont bien changé. L'idée d'orienter une partie de l'épargne de nos concitoyens vers le financement de nos industries et de nos territoires, afin de permettre l'autonomie des chaînes de valeur, n'est plus aussi fantasque qu'elle l'était il y a quelques années.

Je voulais aussi revenir sur l'idée du grand emprunt défendue par le rapporteur général. Une telle solution permettrait de rallumer une forme d'appétence, de prise de conscience et de responsabilité chez nos concitoyens. Cette idée n'est pas contraire à celle du fléchage de l'épargne vers le financement des industries et des territoires. Les deux solutions pourraient se combiner.

Mme  Christine Lavarde. - Ma première question porte sur la détention de notre dette. Aujourd'hui, en gros, 53 % de la dette française est détenue par des investisseurs étrangers. C'est 23 % seulement pour la dette américaine. La Banque de France détient 20 % de la dette française. Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager d'aller plus loin dans la détention propriétaire par la Banque de France pour renforcer notre souveraineté ? C'est ma première question.

Ensuite, j'ai deux propositions. En premier lieu, le rapport Pisani-Ferry a montré qu'il fallait trouver 800 milliards par an à l'échelle européenne pour financer la transition. Aux États-Unis, le président Biden avait trouvé une solution simple pour financer son Inflation Reduction Act (IRA) et son plan d'investissement dans les infrastructures : la création monétaire. Dans l'Union européenne, ce n'est pas la voie qui a été choisie jusqu'à présent, notamment parce que les frugaux, pour ne pas citer l'Allemagne, pensent que la création de monnaie va être source d'inflation.

Si on regarde les chiffres, entre 1990 et 2023, la monnaie en circulation a augmenté. Pour autant, on ne peut pas dire qu'il y ait eu une inflation galopante sur cette période-là, hors périodes de crise et effets de la conjoncture. Ma question est donc : ne serait-il pas opportun de repenser la politique monétaire européenne ?

En second lieu, dans la suite de ce que disait Vanina Paoli-Gagin, dans les années 2000, la région Limousin avait pratiqué l'emprunt populaire pour renforcer la participation des habitants de la région à la politique d'investissement local. Qu'en pensez-vous ? Est-ce que c'est un vrai moyen, un vrai levier pour le financement des collectivités qu'on devrait déployer dans le futur ?

M. Michel Canévet. - Monsieur le Professeur Monnet, vous avez évoqué le triptyque des finances publiques. Les dépenses, nous sommes quasiment champions du monde en la matière. Les impôts, nous sommes également champions du monde en la matière. Et puis, la dette, nous sommes aussi, hélas, parmi les pays, au moins au niveau de l'Union européenne, où nous sommes parmi les champions. On a de quoi s'inquiéter.

Je me suis également inquiété, Madame la sous-gouverneure, sur le fait qu'on se fixe des trajectoires publiques de dépenses qu'on ne respecte pas, puisqu'à chaque fois, il faut les corriger.

J'ai deux questions. D'abord, au regard du constat d'une épargne privée extrêmement importante en France - plus de 6 000 milliards d'euros à comparer aux 3 000 milliards d'euros de dette publique -, n'y a-t-il pas une part qui aujourd'hui n'est pas vraiment affectée à quelque chose et que l'on pourrait mobiliser justement pour la dette publique ?

Seconde question, nous avons au niveau de la BCE un taux de base qui nous sert pour nos actions financières. Et nous faisons face à des enjeux de transition écologique et énergétique. D'ailleurs, la France, vous l'avez rappelé tout à l'heure, a déjà un stock de dette verte assez conséquent, vous aviez dit 75 milliards. N'y a-t-il pas là quelque chose à faire pour que la dette soit à l'avenir plus orientée sur la transition écologique ? C'est-à-dire qu'il faudrait peut-être avoir un taux de base au niveau de la BCE qui soit fixe pour un certain nombre de dates et puis un taux de base un peu plus attractif pour la dette verte qui permette d'orienter davantage la dette sur cet objectif que nous partageons tous. Merci.

M. Claude Raynal, président. - C'est un retour vers le taux vert.

Mme Florence Blatrix Contat. - Les intérêts de la dette sont pour nos parlementaires une préoccupation. Chaque année, ils deviennent plus importants. Ils sont même en passe de devenir la première mission budgétaire de l'État en termes de montant. Vous nous avez finalement donné une vision un peu différente des intérêts de la dette qui sont une forme de redistribution. Vous avez aussi fait le pendant entre impôts et dette.

Se pose bien la question du niveau de l'impôt sur les plus aisés puisque le taux d'épargne est élevé en France, mais il est encore plus élevé, évidemment, sur les plus hauts déciles, qui, ces dernières années, ont été particulièrement épargnés. Pour eux, ce n'est pas la double peine, mais le double gain, puisqu'ils paient moins d'impôts et reçoivent finalement une redistribution sous forme d'intérêts de la dette.

Par ailleurs, hier à Bruxelles, Mario Draghi a exhorté l'Union européenne à passer à l'action. Ma collègue Christine Lavarde l'a évoqué avec le niveau d'investissement nécessaire, sans doute au-delà de 800 milliards par an. Il a dit aux parlementaires : vous dites non à la dette publique, vous dites non au marché unique et vous dites non au marché des capitaux. Mais vous ne pouvez pas dire non à tout.

Partagez-vous le constat que l'Europe semble aujourd'hui bloquée sur la question de l'endettement commun et qu'il faut aller vite sur le marché de l'épargne et de l'investissement ? Je vous remercie.

M. Arnaud Bazin. - Merci à tous nos intervenants pour ces introductions passionnantes. J'ai entendu plusieurs fois le terme de grand emprunt, mais personne ne lui a collé l'horrible adjectif d'obligatoire. N'y a-t-il pas pour autant quelques exemples ou quelques précédents, notamment adossés à l'impôt sur le revenu ? Est-ce que ces pistes-là ont été explorées, même si ce sont évidemment des décisions politiques ?

M. Claude Raynal, président. - J'ai une dernière question. Vanina Paoli-Gagin a d'ailleurs donné un chiffre que je ne connaissais pas, donc je voulais vous poser la question là-dessus et le vérifier. Il portait sur l'épargne française, et je ne parle pas de l'épargne européenne, mais bien de l'épargne française qui est investie à l'étranger. Vous aviez évoqué chère collègue le chiffre de 50%, dont je n'avais pas connaissance. Est-ce que vous pouvez nous le confirmer ? Est-ce bien aussi important ?

En tout cas, l'un des sujets qui se pose à nous est celui de la liberté d'investir où l'on veut dans le monde. Aujourd'hui, c'est la règle en France, comme en Europe d'ailleurs : la liberté. Mais le problème c'est qu'aujourd'hui, si on laisse la liberté totale, on va avoir une tendance à ce que l'épargne européenne se place de manière massive aux États-Unis, parce que le rendement est meilleur, que ce soit le rendement d'État, avec les obligations d'État, ou les rendements plus à risque, liés aux obligations industrielles privées.

Comment voyez-vous tout cela ? Quelles sont les solutions que l'on pourrait avoir pour faire en sorte qu'effectivement plus d'épargne européenne serve l'Europe ? Non seulement parce que c'est le bon sens, même si je n'aime pas trop cette expression, puisque c'est une question de protection du territoire, mais c'est également un double bug, puisque l'épargne qui s'investit aux États-Unis revient sous forme, finalement, de rachat d'entreprises françaises, ce qui laisse quand même perplexe : on est auteur, ou cofinanceur, de notre propre destruction industrielle.

À un moment donné, il faudra quand même trouver une réponse, et je compte sur vous pour m'en donner une.

M. Éric Monnet. - En réponse à la question de Monsieur Canévet, j'insiste sur le lien entre la dette privée et la dette publique. La France n'est pas championne du monde des ménages surendettés, contrairement aux États-Unis, et c'est en partie parce que nous avons des dépenses publiques aussi élevées. Inversement, aux États-Unis la dette privée est très élevée, mais les dépenses publiques sont assez faibles.

Un autre avantage d'une dette publique plus lisible et détenue par des nationaux, parce qu'elle est associée à une confiance plus forte des investissements qui sont effectués avec la dette émise et détenue par les contribuables, est qu'elle constitue un « coussin » qui démontre aux détenteurs de dette étrangers que l'épargne nationale est abondante. Il s'agit d'un critère pris en compte, au-delà du service de la dette qui est une donnée fondamentale, par les investisseurs : quel est le « réservoir » d'épargne dans un pays qui peut éventuellement absorber un retrait partiel de certains investisseurs étrangers ?

C'est l'une des raisons pour lesquelles les pays émergents sont régulièrement confrontés à des crises de dette publique qui sont essentiellement des crises de dette externes, liées à un reflux des capitaux. Inversement, des pays comme l'Italie, qui n'ont pas des fondamentaux exceptionnels, obtiennent des taux d'intérêt relativement modestes. Il y a sans doute aussi un effet zone euro, mais le fait que la dette italienne soit détenue en grande partie par des résidents, le fait qu'il s'agisse de l'épargne d'une grande partie des Italiens, démontre aux investisseurs étrangers que la dette italienne est fondée sur un socle solide.

J'en viens à la grande question que vous avez toutes et tous formulée du fléchage de l'épargne vers le financement de la dette publique : comment y parvenir si les ménages font un arbitrage de taux d'intérêt avec l'étranger ? Idéalement les produits financiers seraient plus identifiables pour les ménages ; chacun aurait conscience d'investir dans des applications vertes, par exemple, même indirectement. Mais la question est la suivante : les Français vont-ils accepter de voir leurs placements rémunérés à hauteur de 3 % - leur sens civique sera-t-il assez grand ? - plutôt que de réaliser un placement chez un intermédiaire qui les rémunèrera à un taux de 4 % ?

Une solution extrême consisterait à rétablir le contrôle des capitaux, d'interdire aux français d'investir à l'étranger. Mais avant d'en arriver là, il existe toute une gradation de solutions qui peuvent favoriser - au-delà du simple civisme - une détention nationale de la dette publique. C'est la raison d'être de la Caisse des dépôts, et c'est le sens de la création des banques publiques : leur portefeuille peut être suffisamment large pour investir à la fois dans des prêts aux collectivités territoriales à des taux d'intérêt assez faibles et dans des actifs à plus haut rendement. Cet équilibre permet d'offrir aux épargnants un taux d'intérêt qui, sans être le plus élevé qu'on trouve aujourd'hui sur les marchés, soit relativement raisonnable, surtout par rapport à la liquidité. L'autre avantage de ces banques, contrairement à de grands intermédiaires financiers, est qu'elles pratiquent des frais très modestes. De telles institutions peuvent donc permettre, sans revenir à une économie fermée, de conférer un avantage financier à une dette sous forme d'épargne fléchée.

Je termine sur la banque centrale, je réfute la notion selon laquelle l'Inflation Reduction Act (IRA) du président Biden aurait été financé par de la création monétaire. Il s'agissait principalement d'un financement par crédit d'impôt, donc par la dette. À mon sens, il n'y a pas eu de divergence d'impression monétaire ou de financement direct par la Réserve fédérale américaine du plan Biden.

Cela ne signifie pas que la zone euro soit démunie vis-à-vis des États-Unis. Comme l'indique très bien le rapport Draghi - revoilà mon obsession pour les banques publiques, mais c'est bien Monsieur Draghi qui l'écrit - la Banque européenne d'investissement (BEI) a une capacité d'émission de dettes qui constituent une dette commune européenne. La différence entre une dette émise par la Commission européenne ou une dette émise par la Banque publique d'investissement n'est pas énorme : dans les deux cas c'est de la dette européenne.

La question du financement monétaire est réglée aujourd'hui car les traités européens l'excluent fortement. Mais sur la question des taux, j'ai défendu dans plusieurs écrits - sans prétendre que cela fasse consensus parmi les économistes ni les banques centrales - l'application par la banque centrale, dans certaines conditions et lorsqu'il existe un besoin identifié, de taux différents pour le refinancement d'investissements verts qui nécessitent d'investir fortement en capital à leurs débuts ; dans des moments où les taux remontent ou restent à un niveau assez élevé, on pourrait avantager ces entreprises parce que l'on sait qu'elle produiront à long-terme une énergie moins inflationniste.

Une telle différenciation me semble donc justifiée même avec une banque centrale dont le mandat concerne la stabilité des prix. J'avais pris l'exemple de ce qui était fait pour les crédits à l'exportation en France ou en Allemagne jusqu'aux années 1990 où la banque centrale refinançait les crédits à l'exportation à un taux plus faible, en le justifiant par l'objectif de stabilité, à l'époque, du taux de change - et non de la dette. Il s'agit en tout cas d'un débat légitime.

M. Benjamin Lemoine. - Je vais répondre en trois points.

Sur la compatibilité au droit européen, j'avais délibérément fait un clin d'oeil en citant Monsieur Requin sur le « cash pooling », cette pratique de mutualisation des caisses, pour indiquer que le circuit du Trésor n'était qu'une extrapolation, qu'une extension de ce système-là et renvoyait à un simple changement des tuyaux d'affectation et de collecte de l'épargne dans l'économie nationale. Il s'agirait donc d'une réactivation, d'une extension de ce « déjà-là », d'un élargissement de ce secteur bancaire public ; cela renverrait en somme à une forme d'arbitrage entre puissance publique et puissance privée. Ça a été évoqué par Agnès Bénassy-Quéré, par exemple, avec l'arbitrage entre assurance-vie et plus d'OAT souscrites directement par des particuliers. On est dans le même type d'arbitrage sur le mode d'organisation que l'on se donne quant à la collecte et à l'affectation de l'épargne.

Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c'est le terme de dépolitisation - Éric Monnet l'a évoqué avec des pincettes - car je ne crois pas que l'on assiste à une dépolitisation de la dette. Je partage l'idée qu'en termes de lisibilité, la situation est beaucoup plus complexe - et nous avons eu beaucoup d'éléments aujourd'hui pour comprendre ce déficit de lisibilité. Mais il me semble que les technologies actuelles, y compris les plus sophistiquées, de vente de titres de dette auprès des investisseurs étrangers, se joue beaucoup de politique. On le voit indirectement à travers, par exemple, l'analyse des « roadshows » dans lesquels on ne vend pas aux investisseurs que des caractéristiques techniques, mais on vend aussi des fondamentaux de politique économique, des grands choix de politique économique.

Il en va ainsi du consensus social dans les entreprises. Dans les années 1980, on pouvait évoquer un haut taux de chômage comme un gage de compétitivité salariale et donc comme quelque chose de plutôt positif. De la même façon, l'AFT considère qu'elle a un avantage comparatif par rapport à son homologue allemande, puisqu'il s'agit en Allemagne d'une société anonyme basée à Francfort qui ne peut pas évoquer dans les « roadshows » certains sujets politiques. Par contraste, l'AFT peut évoquer de larges sujets transversaux de politique budgétaire, de politique économique. Dans cette technologie de marché, le politique s'est donc déplacé ; il n'a pas complètement disparu - on ne peut donc pas réellement parler de dépolitisation. En revanche, le « tuyau » démocratique est devenu plus complexe pour rendre explicite ces choix qui sont souscrits auprès des investisseurs étrangers de manière très indirecte.

Je conclus en évoquant la lisibilité des liens entre dette souveraine et banque centrale. Vous avez fait une allusion, Monsieur Husson, à cette conférence à Sintra où l'on indiquait qu'un peu de discipline de marché ne ferait pas de mal à la France. Évidemment, nous sommes dans une situation très particulière, avec de fortes incertitudes politiques, où les marchés de capitaux anticipaient les résultats électoraux à l'issue de la dissolution et, où planait un doute quant aux conditions auxquelles serait déployé - ou non - l'instrument de transmission de la politique monétaire et de sécurisation des dettes souveraines.

Il me semble qu'il y a là vraiment une question à poser sur les critères politiques d'activation de cet instrument et les liens entre dette et stabilité financière, puisque comme l'a très bien théorisé Benoît Coeuré en 2016, la dette joue un rôle de monnaie sur les places financières en tant que collatéral. Elle joue donc quasiment un rôle de service public pour les marchés financiers. Pour Benoît Coeuré, il est très important de maintenir la stabilité et la sécurité de ces dettes souveraines, non pas en les considérant comme acquises, mais en les atteignant par un travail politique et budgétaire, par une forme d'alignement des politiques économiques, budgétaires et sociales. Je pense donc qu'il y a là une véritable problématique européenne sur la lisibilité politique des liens entre stabilité financière et sécurisation des dettes souveraines.

Mme Agnès Bénassy Quéré. - Je pense qu'un certain nombre de vos questions m'étaient particulièrement destinées, je vais commencer par vos questions, monsieur le rapporteur général.

Que peut faire la BCE en cas d'attaque d'investisseurs sur la dette publique ? On peut parler de l'instrument de protection de la transmission de la politique monétaire. Ses règles de mobilisation sont extrêmement claires. Cela vise une attaque déconnectée des fondamentaux. Il s'agit typiquement d'une contagion d'un autre pays, ce qui a pu arriver par le passé. Pour que la France soit éligible, il faut qu'elle respecte les règles budgétaires. La condition est l'exécution du budget 2025, tel qu'approuvé par la Commission européenne, et un budget 2026 qui soit aussi conforme au programme de moyen terme. C'est l'élément déterminant. Il n'y a pas d'automaticité, c'est le Conseil des gouverneurs qui décide de la mise en oeuvre de l'instrument en examinant le respect des critères. Il n'y a pas que le critère budgétaire, mais c'est celui qui est le plus important pour la France. Je regrette de dire qu'il n'y a pas de place pour le Parlement, si ce n'est pour surveiller l'exécution du budget.

Pourquoi est-ce comme cela ? Je rappelle que ce qui est absolument fondamental, c'est que la banque centrale garde à sa main les instruments qui peuvent influencer l'inflation. Si elle perd le contrôle de ses instruments, alors elle perd le contrôle de l'inflation. L'inflation a été violente, atteignant 7 % en France puis il y a eu une décrue extrêmement rapide. Cela n'a rien à voir avec la situation des années 1970. Nous sommes sortis de là à toute allure grâce en grande partie à la crédibilité de la Banque centrale.

Cette crédibilité est assise sur le fait que la banque centrale a à sa main toute la politique monétaire sans contraintes politiques. C'est l'intérêt du politique d'avoir confié ce mandat à la banque centrale de manière indépendante, afin de pouvoir atteindre cet objectif. Comme nous le savons, l'inflation a des implications extrêmement fortes sur les concitoyens.

Par ailleurs, l'inflation ne résout pas les problèmes budgétaires. Il peut y avoir un petit impact à court terme, mais ça s'arrête là.

La deuxième question portait sur l'arbitrage entre la part respective des impôts et des emprunts : est-ce qu'au fond il ne serait pas possible d'avoir moins d'impôts et un peu plus d'emprunts ?

Il y a ce rêve de la courbe de Laffer, selon laquelle une baisse la fiscalité va augmenter l'assiette fiscale au point où, à la fin, il y aura plus de recettes fiscales. Je pense qu'il y a un certain nombre d'exemples dans le monde qui nous montrent que ça marche rarement.

M. Claude Raynal, président. - Nous aimons bien vous entendre sur ce sujet ! Nous l'avons beaucoup dit.

Mme Agnès Bénassy-Quéré. - Je vais préciser, ça marche rarement de manière globale. Ça peut fonctionner de manière ponctuelle. Ça a pu fonctionner sur certains impôts, portant sur les revenus du capital, pour ne pas les nommer. Cependant, ce que je voulais dire, c'est qu'il n'est pas possible de compter là-dessus de manière massive.

Il y a eu des interventions sur l'existence d'une épargne abondante et comment mieux la mobiliser, etc. Cette épargne est une enveloppe globale donnée en termes nets. Si elle est plus utilisée pour le financement de la dette publique, elle ira moins au financement des entreprises. Ces entreprises doivent alors être financées par d'autres investisseurs et le reste du monde.

Christine Lavarde a mentionné l'idée de souveraineté, les fonds régionaux, etc. Il s'agit d'un outil pour le financement d'entreprises et le débat est légitime : faut-il donner des incitations aux ménages pour de l'épargne à plus long terme et en faveur du financement des entreprises, de manière directe ou indirecte ? Ce débat doit cependant, là aussi, s'inscrire dans le cadre de l'enveloppe globale d'épargne disponible.

Je vais peut-être vous surprendre, mais il y a un biais domestique. Au regard d'une allocation optimale de l'épargne des ménages, ceux-ci investissent trop en France. Ils pourraient obtenir un meilleur couple rendement-risque en investissant davantage à l'étranger.

Comment cela est-il possible alors qu'il y ait un déficit courant ? Parce qu'il s'agit du brut et non pas du net. Il est tout à fait légitime que les ménages investissent à l'étranger et que les étrangers investissent en France. C'est gagnant-gagnant pour tout le monde. Pour financer le déficit, il faut qu'en termes nets il y ait plus d'entrées que de sorties.

Pour le livret A, effectivement, le taux est bas, mais c'est plafonné. Il s'agit d'un produit conçu pour la protection du pouvoir d'achat à court terme, qui doit aider les ménages modestes à lisser leur consommation. Il ne s'agit pas d'une épargne à long terme. S'appuyer sur le livret A pour financer la transition me paraît décalé, parce qu'il faut de l'investissement à long terme, qui ne soit pas totalement liquide pour les ménages, pour la financer.

Vous m'avez demandé des chiffres sur l'allocation d'épargne des ménages. L'épargne financière des ménages est de presque 7 000 milliards d'euros. 30 % sont des dépôts bancaires au sens large, c'est-à-dire des dépôts à vue, des comptes sur livrets ou des dépôts à terme. 25 à 30 % sont des actifs d'assurance et de fonds de pension, et 20 à 25 % sont des titres de capital - il s'agit essentiellement ici des entreprises individuelles et donc de la possession de l'outil de travail. 5 à 10 % sont des parts dans des fonds essentiellement non monétaires.

L'investissement des ménages à l'étranger est essentiellement indirect. Les ménages investissent dans des assurances vie qui ont, à raison, une stratégie d'investissement diversifiée. Il s'agit, de mon point de vue, d'une bonne chose.

Que peuvent faire la Banque de France et l'Eurosystème en général sur le verdissement de l'économie ? La Banque de France est extrêmement engagée sur ce sujet, mais d'une manière qui va peut-être vous décevoir.

Financer la transition écologique par de la création monétaire n'est pas, de notre point de vue, une bonne réponse. Ce qui est important pour avoir un financement de la transition écologique, c'est d'avoir un taux d'intérêt réel qui reste bas. La banque centrale contribue à garder un taux d'intérêt réel bas en maintenant une inflation basse et peu volatile en réduisant l'incertitude et en évitant que les taux longs ne décollent par rapport aux taux courts en dépit des chocs, notamment climatiques, qui peuvent survenir. À ce titre, l'existence d'une politique monétaire crédible est capitale pour maitriser la volatilité des prix. Cette action est parfaitement compatible avec le mandat de la banque centrale.

Il commence à y avoir des études sur l'impact de la transition sur l'inflation. Il en ressort que la transition pourrait être légèrement inflationniste et surtout rendre l'inflation plus volatile. La BCE étudie ces effets dans le cadre du mandat de l'Eurosystème et sur le plan de la stabilité financière. En effet, le système financier recèle en son sein à la fois des actifs bruns qui vont être soumis aux risques de transition et des actifs qui sont soumis aux risques climatiques et physiques, ce qui peut susciter de l'instabilité financière. Le superviseur doit réaliser des stress tests et exercer une vigilance particulière sur le reporting des banques pour mettre à jour ces expositions.

De notre point de vue, le rôle de la banque centrale n'est pas de réaliser la transition mais de protéger l'économie pendant la transition, en termes d'inflation et en termes de stabilité financière. Les incitations, la tarification carbone, les subventions, etc. relèvent de la décision politique.

J'en viens au taux d'intérêt brun et au taux d'intérêt vert. Aujourd'hui, le système financier finance de manière indifférenciée, au même prix, ses prêts verts et bruns. L'objectif, avec le déploiement de toute la réglementation financière verte et les stress tests, est de faire en sorte que dans les années à venir le système financier discrimine lui-même, par le marché, les financements et applique des tarifs différents à ses prêts verts et bruns. Le rôle de la banque centrale se situe à la marge.

Avant de conclure, je souligne qu'existe une épargne privée est abondante. Elle est mobilisée puisqu'elle est toujours placée quelque part. Il est possible de vouloir changer les incitations fiscales pour qu'elles soient plus efficaces.

Cependant, je suis toujours un petit peu gênée par les expressions du type « il faut flécher, il faut mobiliser ». Les épargnants sont libres et ils réagissent - très bien - à des incitations. Si le Parlement souhaite favoriser l'investissement à long terme des ménages, il y a des outils incitatifs pour le faire. Cela est légitime mais ne doit pas être dirigiste.

Je finirai avec l'outil européen et les propositions d'augmentation du budget européen. Il y a eu l'initiative NextGeneration EU, pas tout à fait finie, dont on est encore en train de faire un peu un bilan.

Que l'emprunt soit national ou étranger, il sera toujours assis sur une recette fiscale. Si celle-ci adosse un emprunt européen, elle ne peut pas adosser en même temps un emprunt français. La dette reste de la dette. La France est partie prenante de la dette européenne, il ne s'agit pas d'une dette extérieure pour laquelle nous n'aurions rien à voir. Ce sont toujours les mêmes recettes fiscales qui vont devoir servir cette dette. Il y a eu quelques avancées timides sur la question des ressources propres au niveau européen. Tant que ce sujet n'aura pas véritablement été réglé, je resterai assez prudente sur ce point. En tout cas, cela ne résout pas le problème des finances publiques françaises.

M. Claude Raynal, président. - Juste pour que vous me reprécisiez bien ce point. J'ai entendu hier, à Bruxelles, Mario Draghi soulever une question déjà présente dans son rapport selon laquelle, en vertu d'un discours classique, l'Europe doit encadrer strictement sa dette, tandis que l'on observe que les États-Unis l'augmentent librement. Si cela s'explique par le rôle du dollar et le fait que d'autres pays financent une partie de la dette, les Américains creusent les écarts de compétitivité grâce à l'endettement, alors que l'Europe, plus prudente, s'en prive.

C'est Mario Draghi, ancien président de la BCE, qui le dit. L'idée d'être capable d'augmenter notre niveau de dette plus globalement et sur des objectifs très clarifiés, bien sûr, n'est peut-être donc pas totalement insupportable.

Mme Agnès Bénassy-Quéré. - Je l'ai effectivement entendu faire un discours similaire à Paris et un peu surprenant. Ce n'était pas tant le discours en soi qui l'était que le fait qu'il le dise à Paris. Je pense que nous avons un niveau de dette tout à fait honorable par rapport aux États-Unis, en France, en points de PIB bien sûr, pas en milliards. C'est un débat qui, à mon avis, est un peu passé, sur l'idée qu'en mettant l'économie en surchauffe, avec trop de demande et de l'inflation, cela produirait des gains de productivité. Je pense que la preuve n'a pas encore été apportée de cela, même s'il y a une coïncidence aux États-Unis entre une économie en surchauffe et des gains de productivité. Mais c'est une coïncidence, aujourd'hui, sans relation de causalité avérée.

Maintenant, si on repartait d'une page blanche, et là, je vais vous rejoindre complètement, l'Europe aurait, si on avait vraiment le pouvoir de tout changer, une dette fédérale beaucoup plus importante et des dettes nationales beaucoup plus faibles voire nulles, comme aux États-Unis où les États ont l'obligation d'équilibre. La politique budgétaire au sens contracyclique, au sens des biens publics fédéraux, est faite au niveau fédéral. L'avantage, c'est que cela produit ce qu'on appelle un actif sûr, utilisé massivement par le système financier pour mettre de l'huile dans les rouages et qui permet aussi de financer des biens publics communs.

Ça ne marche pas forcément aussi bien que cela aux États-Unis. Mais en Europe, on a par exemple beaucoup reproché à NextGeneration EU de financer essentiellement des programmes nationaux et pas beaucoup transfrontières. On voit bien qu'on n'est pas tout à fait dans le bon équilibre. Il faudrait plus de dette fédérale, mais moins de dette nationale, pas plus des deux.

M. Claude Raynal, président. - D'accord. Ce n'était pas vraiment le point de Mario Draghi.

M. Antoine Deruennes. - Juste pour recentrer mon propos, il y a une trajectoire de déficit public, c'est celle qui est décidée par le Parlement au cours des différentes lois de finances. Moi, je ne m'occupe que de la question suivante : étant donné le déficit qui est inscrit, comment le financer ? La question qui est posée est de savoir comment assurer la meilleure stabilité de ces émissions de dettes. Comme je l'ai dit en introduction, mais c'est important de le répéter, je pense que cela s'obtient aussi en s'adressant à une grande diversité d'investisseurs et en n'étant pas dépendant d'une seule catégorie d'investisseurs.

Typiquement, ce que tout à l'heure le sénateur Albéric de Montgolfier a cité sur la baisse de détention de dette française par les Japonais est un fait. C'est essentiellement lié au fait que la politique monétaire japonaise est dans une direction différente de la politique monétaire européenne, puisqu'ils sont en phase de hausse des taux alors que nous sommes en phase de baisse des taux. Sans surprise, leur propre dette devient plus attractive et donc ils délaissent les dettes étrangères. Ce qui se passe en France se passe aussi sur les autres dettes de la zone euro, aux Pays-Bas, par exemple. Ce sont des données qui ont été publiées la semaine dernière par le ministère des Finances japonais. Mais nous ne sommes pas dépendants de cet investisseur parce que, comme nous nous adressons à l'ensemble des investisseurs, d'autres prennent le relais. C'est important justement pour assurer la sécurité.

Ces investisseurs, il y a eu beaucoup de remarques de M. Lemoine sur le fait qu'on les rencontre. Et en effet, on le fait pour deux raisons. La première, c'est parce qu'ils ont des questions sur la France et nous essayons d'y répondre avec de l'information publique. La France publie énormément de documentation. Beaucoup d'informations sont disponibles et on ne peut pas reprocher aux investisseurs de ne pas intégralement tout lire. Donc nous sommes là pour dire ce que nous faisons, quelles sont les perspectives de croissance et de finances publiques, etc. L'autre intérêt de rencontrer ces investisseurs, c'est de comprendre leur mode de fonctionnement et ce qui les intéresse. Quand on crée un nouveau produit ou qu'on cherche à savoir où se trouve la demande, il est important de comprendre quels sont les déterminants de cette demande. En général, les investisseurs, comme le font aussi les agences de notation, regardent l'ensemble des forces et des faiblesses de la France.

Ces forces, il y en a une dont nous avons parlé tout au long de cette matinée, c'est le niveau d'épargne. Le niveau d'épargne domestique est une force, comme c'est une force aussi au Japon. Mais le fait qu'elle soit essentiellement investie en France n'est pas nécessairement vu, par les investisseurs, comme une force. Ainsi, certains pays, par exemple, moins bien notés, ont beaucoup plus de détention domestique. Je ne pense pas que ce soit vu comme une force par les investisseurs étrangers. En tout état de cause, ils savent qu'il y a de l'épargne qui existe et qui pourrait être mobilisée au cas où. L'élément déterminant est le niveau d'épargne, c'est-à-dire la richesse du pays dans son ensemble, à savoir les ménages, les entreprises et l'État.

Un dernier point que je voudrais mentionner et qui a aussi été abordé à plusieurs moments dans la discussion, c'est que l'épargnant recherche un produit sûr, liquide et plutôt à court terme. Et ça tombe bien, c'est ce qu'on propose sous la forme d'OAT. Il se trouve que, pour que ça corresponde encore mieux aux besoins de ces ménages, il y a une certaine forme d'intermédiation, mais qui me semble positive. Les enjeux de financement de l'économie, et Agnès Bénassy-Quéré l'a bien rappelé, c'est qu'il y a un stock d'épargne et donc ce qui va à un endroit ne va pas à un autre. L'enjeu souvent est plus de savoir comment financer les activités plus risquées, les activités de plus long terme, de financer l'économie là où ne va pas spontanément l'épargne, et qui, quelquefois, justifie une intervention de la part de l'État.

Ensuite, quelques chiffres sur ceux qui prêtent à la France. On rend publiques dans le rapport sur la dette, chaque année, les informations que nous avons. Voici les ordres de grandeur approximatifs sur l'ensemble de la dette émise par l'AFT : environ un quart est détenue par la Banque de France dans le cadre des politiques monétaires, un quart par les investisseurs domestiques français, et le reste est détenu par le reste du monde, avec un quart plutôt en zone euro et un quart hors zone euro - soit d'abord le reste de l'Europe avec la Grande-Bretagne et la Suisse, puis les autres pays. Ces chiffres sont relativement stables d'une année sur l'autre. Le principal changement, précisé par Agnès Bénassy-Quéré, est le fait que les politiques de quantitative easing de la BCE ont conduit à une hausse de la détention de la dette par les banques centrales, qui a écrasé les autres investisseurs traditionnels, expliquant la hausse de détention française ces dernières années qui commence à se replier justement du fait de l'arrêt des achats par la BCE.

M. Claude Raynal, président. - Merci madame, merci messieurs, pour votre participation à cette audition de notre commission et bonne fin de journée.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 05.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, contre toutes les fraudes aux aides publiques - Saisine pour avis et désignation d'un rapporteur

M. Claude Raynal, président. - Il vous est proposé que notre commission se saisisse pour avis de la proposition de loi n° 274, adoptée par l'Assemblée nationale, contre toutes les fraudes aux aides publiques et de désigner M. Antoine Lefèvre comme rapporteur.

Saisie au fond, la commission des affaires économiques devrait proposer de déléguer à la commission des finances l'examen de 7 articles : articles 2, 2 bis, 2 ter, 2 quater, 3 bis C, 3 ter et 3 quater.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 274 (2024-2025), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, contre toutes les fraudes aux aides publiques et désigne M. Antoine Lefèvre rapporteur pour avis.

Questions diverses

M. Michel Canévet- Monsieur le Président, vous avez indiqué dans vos propos conclusifs lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 en première lecture que les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances relatives aux délais et au calendrier d'examen des PLF avaient pu être appliquées avec souplesse.

En revanche, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole, j'ai été surpris par la décision d'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution que vous avez prononcée concernant un amendement dont j'étais l'auteur. Celui-ci devait permettre aux collectivités territoriales de pouvoir gérer autrement les ports de pêche. L'amendement permettait en outre de mettre des agents territoriaux à disposition des sociétés de pêche. Il me semble que rien n'oblige la collectivité à remplacer ces agents et qu'il s'agit de son libre choix.

Je constate que l'application de l'article 40 limite les possibilités pour les parlementaires de permettre aux collectivités territoriales, pourtant librement administrées, de se saisir de différents outils pour exercer leurs compétences.

M. Claude Raynal, président. - Les discussions sur l'article 40 sont courantes. Avant d'être président de la commission des finances, il m'arrivait également de ne pas comprendre certaines applications de l'article 40 par mes prédécesseurs. En tant que président, je connais désormais les mécanismes juridiques à l'oeuvre et, dans bien des cas, les incompréhensions résultent d'une lecture économique, et non purement juridique, des effets des amendements par leurs auteurs. Or, il est fait strictement application du droit.

Nous nous bornons à anticiper ce que seraient les avis du Conseil constitutionnel si ces amendements étaient adoptés. Nous allons d'ailleurs être contraints de faire nôtres certaines évolutions contraignantes qui ont été apportées par la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2025, lors de l'examen des prochains textes.

Votre amendement autorise la possibilité d'une dépense publique supplémentaire, quoique facultative, et est donc contraire à l'article 40 de la Constitution. Il pourrait être censuré à ce titre par le Conseil constitutionnel s'il était adopté. Pour ce type de disposition, il convient de privilégier le dialogue, en amont, avec le Gouvernement pour qu'il soutienne l'initiative et permette de le rendre recevable.

La réunion est close à 12 h 05.