- Lundi 3 février 2025
- Mercredi 5 février
2025
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 - Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et de M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
- Bilan du développement de l'hôtel hospitalier - Audition de Mme Anne Hegoburu, sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital à la direction générale de l'offre de soins et de M. Ayden Tajahmady, directeur de la stratégie et de la transformation à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris
- Bilan de l'application de la loi du 11 février 2005 - Examen du rapport d'information
Lundi 3 février 2025
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 14 h 30.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'urgence pour Mayotte - Examen des amendements aux articles délégués
M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen des amendements aux articles du texte de la commission des affaires économiques sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte qui ont été délégués à notre commission.
À cet égard, je vous rappelle que la commission des affaires économiques, saisie au fond, nous a délégué l'examen des articles 18 à 22, auxquels se sont ajoutés, après les apports de l'Assemblée nationale, les articles 18 bis, 27, 32 et 33.
Dans la même logique que la semaine dernière, la commission des affaires économiques, saisie au fond, devrait simplement avaliser les avis que nous donnerons sur les amendements lors de sa réunion de ce jour.
Ce projet de loi sera examiné en séance aujourd'hui, à 16 h 30 et le soir et, si nécessaire, demain.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DE LA RAPPORTEUR
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 68 que je vous propose est d'ordre rédactionnel.
L'amendement n° 68 rectifié est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 159 du Gouvernement réécrit les dispositions prévoyant la conclusion de plans d'apurements entre les redevables mahorais et les organismes de recouvrement, afin de les adapter au dispositif de suspension du recouvrement de cotisations prévu au paragraphe I du même article. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 159.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - C'est un avis défavorable aux amendements identiques nos 43 et 96 rectifié ainsi qu'à l'amendement n° 49 qui étendent la période de suspension du recouvrement au 31 décembre 2025 avec, pour les amendements identiques, la possibilité de reporter cette échéance au 31 décembre 2026.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 43 et 96 rectifié, de même qu'à l'amendement n° 49.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Je vous propose un avis défavorable aux amendements nos 62 et 97 rectifié qui visent à exonérer de cotisations et contributions sociales les redevables mahorais, jusqu'au 31 mars 2025 pour l'amendement n° 62 et jusqu'au 31 décembre 2025 pour l'amendement n° 97 rectifié.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 62 et 97 rectifié.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - J'émets un avis favorable à l'amendement n° 80 qui lève un gage introduit par l'Assemblée nationale.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 80.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Je suis défavorable à l'amendement n° 94 rectifié, qui réintroduit l'article 18 bis que nous avons supprimé en commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 94 rectifié.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 20 porte sur les parcours emploi compétence (PEC) qui ne présentent pas de lien avec le texte déposé.
L'amendement n° 20 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 21 est une demande de rapport sur les PEC.
L'amendement n° 21 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Je vous propose un avis défavorable à l'amendement n° 22 qui vise à étendre la durée de renouvellement automatique des prestations sociales au 30 juin 2025 au lieu du 31 mars 2025.
L'article 21 prévoit déjà que la date du 31 mars 2025 puisse être reportée par décret au plus tard au 31 décembre 2025. Ce dispositif offre plus de souplesse.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Les amendements nos 25, 26 et 27 sont des demandes de rapport sur des sujets qui ne sont pas dans le périmètre du texte initial.
Les amendements nos 25, 26 et 27 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 142 vise à demander un rapport sur la gestion des crises affectant Mayotte et la coordination des secours. J'y suis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 142.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - Les amendements nos 23, 24 rectifié, 65 rectifié et 115 rectifié bis visent à rétablir l'article 27, qui tend à solliciter un rapport sur la convergence sociale. C'est un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 23, 24 rectifié, 65 rectifié et 115 rectifié bis.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 6 est une nouvelle demande de rapport sans lien avec les dispositions initiales du projet de loi.
L'amendement n° 6 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 95 rectifié vise à rétablir l'article 32, qui tend à demander un rapport au Gouvernement et qui a été supprimé par la commission. Je vous propose donc logiquement d'émettre un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 95 rectifié.
TABLEAU DES AVIS
Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote - Désignation d'un rapporteur
M. Philippe Mouiller, président. - Le groupe RDSE a demandé l'inscription, dans sa niche du jeudi 6 mars après-midi, de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote, présentée par notre collègue Ahmed Laouedj.
Nous l'examinerons en commission lors de notre réunion du mercredi 19 février.
La commission désigne Mme Maryse Carrère rapporteure sur la proposition de loi n° 222 (2024-2025) visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote, déposée par M. Ahmed Laouedj.
La réunion est close à 14 h 40.
Mercredi 5 février 2025
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 8 h 15.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 - Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et de M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.
Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est diffusée en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande.
Madame la ministre, monsieur le ministre, l'Assemblée nationale est saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Le Gouvernement a engagé lundi sa responsabilité sur l'article liminaire et la première partie de ce texte. Si la motion de censure examinée cet après-midi n'est pas adoptée, il est vraisemblable que le Gouvernement procède de la même façon sur les deuxième puis troisième parties du PLFSS. Dès lors, le Gouvernement dispose dès à présent d'une vision claire du texte dont devrait être saisi le Sénat la semaine prochaine si aucune motion de censure n'est adoptée d'ici là.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je vais sans plus attendre vous laisser la parole pour nous présenter l'équilibre de ce PLFSS. Vous pourrez notamment nous préciser en quoi il se rapproche ou diffère des conclusions de la commission mixte paritaire du 27 novembre dernier. Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, en commençant par Élisabeth Doineau, rapporteure générale, et les rapporteurs de branche qui le souhaiteront.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons dire que ce PLFSS a vécu un parcours quelque peu inédit. Vous aviez pu adopter ce texte, qui a ensuite fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. La censure a conduit l'Assemblée nationale à réexaminer ce texte à partir de la copie issue du Sénat. L'ensemble du PLFSS devrait faire l'objet d'un recours au 49.3.
Nous sommes le 5 février et nous avons besoin que notre pays se dote des documents financiers dont il a besoin pour fonctionner. Plutôt que de faire un long propos introductif, il me semble important de retracer avec vous les apports et les évolutions qui sont intervenus tout au long de ces différentes étapes. Yannick Neuder abordera plus particulièrement la partie santé.
Nous gardons une partie très substantielle de vos travaux. Pour ne citer que cinq points importants, je mentionnerai d'abord la taxe soda : vous aviez adopté un barème plus incitatif et inspiré de ce qui fonctionne au Royaume-Uni ; nous conservons cette logique.
Ensuite, si nous voulons préserver notre modèle, il est important de lutter contre la fraude. Vous avez adopté de nombreux amendements - je pense notamment à ceux de la sénatrice Goulet -, et nous en retenons plusieurs. La carte Vitale sera sécurisée avec une accélération du déploiement de l'application électronique « carte Vitale sécurisée » d'ici au 31 octobre 2025.
Par ailleurs, les contrôles liés au versement de pension de retraite à l'étranger seront renforcés, et les échanges de données entre l'assurance maladie et les complémentaires santé seront simplifiés. Les professionnels des établissements de santé seront fortement incités à l'utilisation du dossier médical partagé et nous conservons l'amendement de Mme la rapporteure Corinne Imbert sur ce sujet.
Vous avez porté plusieurs réformes clés, en soutien des acteurs de l'autonomie que sont les départements et les Ehpad, notamment la réforme des concours d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH). Nous franchissons une première étape de simplification et de convergence des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements. Nous réduisons le nombre de concours de 13 à 9, l'objectif étant d'alléger la charge administrative de 200 millions d'euros supplémentaires en 2025, afin de maintenir le taux de compensation de l'APA et de la PCH et d'accompagner la dynamique démographique, ainsi que le soutien aux aides à domicile. Nous prévoyons un effort particulier sur les outre-mer, avec une hausse du taux de compensation de l'APA de 5 % dès 2025 pour faire face au défi du vieillissement. Nous poursuivons les discussions avec les départements pour fixer dès 2026 un taux cible de convergence qui tienne compte des spécificités de chaque territoire.
J'en viens à la fusion des sections soins et dépendance en Ehpad. Nous savons combien cette réforme est importante pour harmoniser le financement de ces structures et assurer un traitement égal des résidences sur l'ensemble du territoire. La censure a repoussé son application, initialement prévue en janvier 2025, mais le Gouvernement s'engage à la mettre en oeuvre dès juillet 2025. En d'autres termes, nous maintenons une expérimentation de deux ans avant la généralisation en 2027. C'est donc la durée de l'expérimentation qui sera un peu réduite.
Vous aviez souhaité rendre plus progressive l'augmentation nécessaire des cotisations employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Nous vous suivons, avec une augmentation lissée sur quatre ans et non plus sur trois ans. Cela donne un peu d'air aux hôpitaux, aux Ehpad et aux collectivités locales concernées.
Vous avez identifié des niches sociales à réformer pour rendre l'effort de chacun plus juste. Je pense aux attributions gratuites d'actions. Nous retenons la disposition.
Le travail que vous avez mené conduisait à un déficit de sécurité sociale pour 2025 inférieur à 16 milliards d'euros.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire (CMP), au-delà d'un certain nombre d'ajustements partagés, il y a eu deux évolutions importantes que nous conservons. Sur les allégements généraux de cotisations, vous aviez proposé une réforme conduisant à un rendement de 3 milliards d'euros. La commission mixte a abouti à un compromis, avec un rendement de 1,6 milliard d'euros. Nous n'avons pas touché à cette approche, compte tenu de la situation actuelle du marché de l'emploi.
Vous aviez en outre proposé sept heures de travail supplémentaires par mois pour financer la branche autonomie. Je comprends évidemment l'esprit de cette proposition, mais le débat n'est pas mûr et nous ne la reprendrons donc pas. Le financement de l'autonomie à long terme reste néanmoins un sujet majeur sur lequel nous avons à travailler.
Toutes ces évolutions conduisaient, à l'issue de la CMP, à un déficit pour 2025 autour de 18 milliards d'euros.
Mais c'était au début du mois de décembre, nous sommes au début du mois de février et la censure a eu un coût. D'abord, les retraites ont été revalorisées au 1er janvier dernier à hauteur de 2,2 %, pour un coût de 2,5 milliards d'euros. Il avait été acté juste avant la censure l'abandon du ticket modérateur sur les médicaments, pour un coût de 500 millions d'euros. Un certain nombre de mesures d'économie ou de freinage de la dépense devaient intervenir au 1er janvier, mais elles ont été décalées, ce qui explique une partie de l'augmentation mécanique de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) que vous aviez adopté. Compte tenu de ce que je viens de décrire, cette augmentation aurait dû mécaniquement se situer entre 2,9 % et 3 %, mais nous avons, comme vous le savez, mené des discussions pour mettre en place un texte de compromis qui nous a conduits à vous proposer des évolutions supplémentaires.
L'ensemble des ministres du pôle santé et Amélie de Montchalin ont écouté chacun des groupes représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous avons décidé d'abandonner la hausse du ticket modérateur sur les consultations médicales, pour un coût de 400 millions d'euros. Cela nous conduira à demander une contribution aux organismes complémentaires qui ont augmenté leurs tarifs en anticipant légitimement cette hausse prévue à l'origine. Cette demande ne sera pas dans le PLFSS à cause de la règle de l'entonnoir, mais elle devrait faire l'objet d'un texte ad hoc. Nous avons également décidé d'augmenter l'Ondam pour donner davantage de moyens aux hôpitaux et aux Ehpad : il sera ainsi en hausse de 3,4 %, soit 9 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2024, l'Ondam hospitalier augmentant, lui, de 3,8 %.
Cette augmentation des moyens de 1 milliard d'euros permettra d'améliorer la situation financière des hôpitaux et leur capacité à offrir les soins de qualité que nos concitoyens attendent. Vous aviez fait le premier pas avec le lissage de l'augmentation des cotisations à la CNRACL et nous allons un peu plus loin avec ce milliard supplémentaire. Nous avons également renforcé l'effort que vous aviez engagé en faveur des Ehpad en proposant 300 millions d'euros. Vous le savez tous, 66 % des Ehpad sont en déficit en 2023, contre 27 % en 2020. C'est un signal d'alerte très fort.
J'ajoute que, avec le rapporteur général de l'Assemblée nationale, et en lien avec votre président et Mme la rapporteure générale, j'ai fait porter un effort supplémentaire sur un certain nombre d'opérateurs et d'agents sanitaires dans une logique de gel des dépenses par rapport à 2024.
En 2024, le déficit de la sécurité sociale était de 18 milliards d'euros. Avec ce texte, compte tenu des effets de la censure et compte tenu des compromis que nous avons collectivement faits, le déficit devrait se situer aux alentours de 22,1 milliards d'euros. Évidemment, je ne vais pas vous dire que nous pouvons nous satisfaire de cette situation, mais si nous ne votions pas le PLFSS, nous aurions 30 milliards d'euros de déficit.
Nous devons collectivement trouver des solutions pour pérenniser le financement de notre système de protection sociale. Aussi, dès ce PLFSS définitivement adopté, je vous proposerai d'engager un travail de fond sur le virage démographique, de la naissance à la fin de vie. Alors que nous venons de célébrer le quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale, de grands défis se présentent devant nous.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. - J'ai eu la grande chance de participer à la commission mixte paritaire en tant que rapporteur général du budget de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, ce qui me donne une bonne vision de l'évolution de ce texte.
Il y a pour moi un sujet fondamental, qui a été évoqué dans le discours de politique générale du Premier ministre, c'est la pluriannualité. Nous avons tous bien conscience que le trou de la sécu ne va pas pouvoir se résorber sur un seul exercice budgétaire. Il en faudra plusieurs, si et seulement si nous réussissons à mener un certain nombre de réformes structurelles aussi compliquées les unes que les autres. J'espère néanmoins que nous allons pouvoir assez rapidement décliner cette pluriannualité avec les établissements de santé.
Par ailleurs, en tant que sénateurs, vous êtes sensibles, je le sais, au rôle d'employeurs des collectivités locales et des structures hospitalières. L'allongement du délai pour la réforme des cotisations CNRACL permettra de ne pas trop affecter les soins. Le milliard d'euros supplémentaires constituera une vraie bouffée d'oxygène pour le système hospitalier.
Il faut néanmoins faire des économies : à cet égard, les sénateurs sont en général plus raisonnables que les députés. Mais prenons garde de créer des usines à gaz, notamment avec les prescriptions. Nous aurons une loi de simplification, d'ici à l'été, qui aura vocation à simplifier la vie des professionnels, pour un meilleur accès aux soins de nos concitoyens.
Nous devrons porter une attention particulière au problème des transports, mais la question ne se pose pas dans les mêmes termes pour la ruralité et pour la ville. Dans un certain nombre de territoires, le transport est fondamental pour l'accès à la chimiothérapie, à la radiologie, à la dialyse. Soyons vigilants et n'hésitons pas à mener des expérimentations avec les collectivités, car le budget de la sécurité sociale ne peut supporter à lui seul ces coûts induits.
Toujours en ce qui concerne la territorialisation des actions, il y a un travail à mener sur les laboratoires de biologie et la radiologie de proximité, avec en filigrane les risques de financiarisation. Votre commission a fait un rapport sur le sujet qui nous a beaucoup inspirés. Nous travaillons avec la Caisse nationale d'assurance maladie sur la territorialisation de ces structures en prenant l'exemple des pharmacies, qui peuvent jouer un rôle structurant important dans certains territoires.
Je regrette pour ma part l'abandon de l'Ondam prévention, qui nous permettrait d'avoir une vision précise de ce que nous consacrons à la prévention. Il est bien évident que les retours sur investissements ne seront pas visibles demain, mais il faut s'inscrire, encore une fois, dans le temps long, dans la pluriannualité. C'est valable pour les grandes pathologies cardiovasculaires, mais également pour la santé mentale ou le cancer, qui représentent deux tiers de nos dépenses d'assurance maladie.
La journée mondiale contre le cancer a rappelé hier ces axes stratégiques. Nous poursuivons ces efforts avec la vaccination contre le papillomavirus - il faut porter le fer contre tous les obscurantismes à cet égard -, et la prise en charge à 100 % pour le cancer du sein. Il faut bien entendu trouver les financements adéquats. Je pense aussi à la prise en charge de la maladie de Charcot, qui concerne plus le médico-social, mais qui reste un sujet fondamental.
Il y a enfin le sujet des ratios : 2027, c'est demain, et ces trois ans correspondent au temps de formation d'une promotion d'infirmiers. Ne perdons pas de temps pour travailler avec les régions sur la formation paramédicale.
Sur la prévention, nous devons engager les mutuelles, en distinguant ces dernières et le système assurantiel. Il faut être prudent pour que ce ne soit pas un grand fourre-tout. Il s'agit d'identifier précisément les structures les plus à même d'exercer ce rôle de prévention.
Les élus locaux sont également conscients de l'importance de l'accès aux soins pour l'attractivité de leurs territoires. On ne trouve pas un maire ou un président d'établissement public de coopération intercommunale qui s'en désintéresse.
Vous le savez, certains envisagent d'appréhender le grand âge dans le cadre assurantiel. Cela fait partie des pistes de travail de la Mutualité française.
Nous avons abandonné l'idée de toucher aux tickets modérateurs, renonçant à 1 milliard d'euros d'économies sur la santé des Français. En contrepartie, nous nous engageons à être beaucoup plus efficaces dans la lutte contre les fraudes. Le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale évalue le coût du phénomène à 13,5 milliards d'euros. Avec un fort engagement des caisses primaires d'assurance maladie et des caisses d'allocations familiales, il s'agit de déployer dans tous les territoires des pôles d'appui pour s'attaquer à ces fraudes. L'idée est non pas d'embêter les professionnels de santé, mais de traquer les filières organisées sur internet qui proposent des ordonnances ou des bons de transport falsifiés.
L'option biométrique n'a pas été retenue pour la carte Vitale. Peut-être devons-nous nous inspirer de ce qui a été fait pour les cartes bancaires avec les applications pour smartphones, un dispositif assez sécurisé. Une expérimentation de carte Vitale digitalisée est déjà menée dans certains territoires.
Le sujet de la santé mentale avait été mis en avant par Michel Barnier. Nous souhaitons poursuivre cet engagement en trouvant des financements, là encore sur une base pluriannuelle.
Enfin, le Premier ministre a affirmé sa volonté de développer les soins palliatifs. Dans un premier temps, une enveloppe de 1 milliard d'euros sur dix ans sera débloquée. Mais les moyens financiers ne sont pas tout : il faut une véritable politique de formation des professionnels en appui. L'accent sera particulièrement mis sur les outre-mer, qui vivent une situation difficile à cet égard.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Ma première question porte sur l'atterrissage. On devait être à 16 milliards d'euros avec Michel Barnier ; en sortie de commission mixte paritaire, on était à 18,3 milliards d'euros. Madame la ministre, à combien évaluez-vous le déficit prévisible aujourd'hui ?
Ensuite, estimez-vous que le mécanisme de l'Ondam est encore crédible ? L'Ondam est censé être un outil de pilotage, mais nous ne pilotons rien en réalité. À la veille de nous pencher sur ce PLFSS en novembre au Sénat, on nous annonçait même une hausse supplémentaire de dépenses de 1 milliard d'euros sur les médicaments.
Enfin, quelle est votre analyse du déficit global des hôpitaux, qui continue à se creuser ? La Fédération hospitalière de France (FHF) nous a encore alertés sur ce point la semaine dernière.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche maladie. - Comment justifier auprès des Français cette augmentation de l'Ondam pour 2025 ? Comment faire en sorte que ces dépenses supplémentaires soient réellement efficaces ? Vous avez parlé d'efficience, il y a des dispositions dans ce texte pour la ville : peut-on envisager plus d'efficience à l'hôpital ?
Sur la situation financière des établissements de santé, entendez-vous réétudier les modalités de compensation des charges, qui pèsent chaque année à hauteur de 11 milliards d'euros sur les établissements de santé et qui alimentent un déficit hospitalier jamais vu ?
L'évolution du déficit de la branche maladie montre que le Ségur de la santé n'a pas été financé et continue de peser sur les équilibres. Quelle stratégie de redressement envisagez-vous ?
Sur la régulation, comment comptez-vous faire appliquer les mesures portées par l'article 15 du texte, environ 600 millions d'euros, sur les secteurs de l'imagerie médicale et du transport, alors que la période pour la mettre en oeuvre est plus réduite ? En clair, est-ce que les baisses de prix risquent d'être plus importantes que prévu ?
Par ailleurs, à la veille de la discussion du PLFSS, vous avez découvert que nous aurions moins de recettes sur les remises de médicaments, à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Est-ce que les discussions ont repris avec les industriels ? Où en est-on à ce sujet ?
Enfin, y a-t-il des mesures réglementaires cachées dans ce PLFSS ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - La participation des retraités à l'effort budgétaire, initialement prévue dans ce PLFSS, a finalement été rejetée du fait de l'adoption de la motion de censure. Avez-vous définitivement renoncé à toute mesure en ce sens ?
Est-ce que le Gouvernement compte revenir sur la réforme des retraites de 2023 après la mission flash annoncée par le Premier ministre ? Quelles marges de manoeuvre avons-nous avec ce niveau de déficit ?
Enfin, concernant la retraite des agriculteurs, il faut avoir en tête la date du 1er janvier 2026. La clause de sauvegarde pour le mois de mars 2028 ne doit être que très exceptionnelle.
M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Ce n'est pas parce que la branche famille ne connaît pas de déficit qu'il faut éluder toute réforme structurelle. Au-delà du PLFSS, quel est votre agenda sur la réforme des modes de garde, sur l'attractivité du métier d'assistante maternelle, sur le recrutement dans les crèches ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - Quelle date envisagez-vous désormais pour la fusion des sections soins et dépendance des Ehpad, qui devait intervenir le 1er janvier 2025 ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Pour être très concrète sur les questions de Mme Doineau, l'atterrissage est à 22,1 milliards d'euros, même s'il faut toujours rester prudent sur les grands équilibres.
En ce qui concerne l'Ondam, tout est fait pour qu'il soit le plus sincère possible. Comme l'a dit Yannick Neuder, il faut se placer dans une logique de pluriannualité. C'est absolument indispensable.
La FHF a raison de vous alerter sur les déficits hospitaliers importants, avec notamment 1 milliard d'euros pour l'oxygène.
Soyez rassurée, madame Imbert, il n'y a pas de mesures réglementaires cachées. Le décret sur la CNRACL a été pris et le décret sur les indemnités journalières interviendra bientôt. Nous sommes totalement transparents. Par ailleurs, nous sommes en discussion avec Les entreprises du médicament (Leem), car nous avons clairement un problème avec les prix.
En ce qui concerne la retraite des agriculteurs, madame Gruny, nous sommes très vigilants. Nous avons bien pris soin d'intégrer le coût de la loi du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses, dite Dive, dans le PLFSS. L'achèvement de la mise en oeuvre de cette réforme est bien prévu pour 2028.
Sur la branche famille, l'enfance, les modes de garde, nous devons nous atteler à une réforme d'ensemble. J'en profite pour dire un mot sur le décret concernant les microcrèches. Nous souhaitons qu'elles obéissent aux mêmes règles que les crèches de petite taille et je m'insurge contre le communiqué de presse qui laisse entendre qu'il y aurait des licenciements. Il n'y aura aucun licenciement, puisque ces mesures ne concernent que les nouvelles recrues à partir de 2026.
Enfin, madame Deseyne, la fusion des sections se mettra en place le 1er juillet 2025, ce qui occasionnera, je le reconnais, quelques difficultés de double comptabilité.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cette revalorisation de l'Ondam répond à une exigence de sincérité. Les efforts potentiels à hauteur de 10 milliards d'euros auraient sans doute été trop durs à digérer, notamment pour les assurés. Il faut toujours avoir à l'esprit l'acceptabilité des réformes que nous proposons.
J'ai un autre chiffre à vous donner : sans PLFSS depuis le 1er janvier, ce sont quelque 30 millions d'euros que nous perdons chaque jour. Plus vite nous aurons un PLFSS, mieux ce sera, même si certaines mesures ont dû être repoussées dans le temps. Il faut que le dialogue puisse se mettre en place, notamment avec la Cnam.
Le déficit hospitalier cumulé se monte à 3,5 milliards d'euros. Ne revenons pas sur le Ségur, qui est arrivé à un moment opportun, en pleine crise du covid-19. Grâce à ces revalorisations de nos professionnels, nous avons rattrapé notre retard par rapport à nos partenaires européens, mais la compensation a été probablement insuffisante, ce qui explique en grande partie ces déficits structurels. Et quand le taux de marge est dégradé, c'est toute la capacité d'investissement qui en pâtit.
Enfin, les discussions vont naturellement reprendre avec les industriels et le Leem, en lien avec Matignon, qui souhaite s'impliquer fortement sur ces sujets. Vous avez raison, le dépassement de 1,2 milliard d'euros pour les médicaments que nous avons appris en pleine discussion du PLFSS est tout à fait anormal. Aussi, une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances a été diligentée pour faire la lumière sur ce dérapage et la fiabilité des chiffres et des projections dont nous disposons. Sans cela, aucun pilotage n'est possible.
M. Khalifé Khalifé. - Le Ségur a été étendu à beaucoup de structures du médico-social. Où en êtes-vous de vos discussions avec les départements pour compenser ces coûts ?
Par ailleurs, la prévention a un coût astronomique pour des résultats par définition peu visibles. Il importe sans doute de remettre ce sujet à plat et d'imaginer une politique que la population puisse s'approprier.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Je veux revenir sur les soins palliatifs. Une stratégie décennale est mise en place avec, à terme, la présence d'une unité de soins par département. Nous partons de loin : des dizaines de personnes meurent chaque jour sans avoir pu bénéficier de tels soins. Pensez-vous avoir les moyens de vos ambitions ?
Mme Anne-Sophie Romagny. - Où en est la revalorisation des actes infirmiers libéraux ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez des objectifs de dépenses revus à la baisse pour vous caler sur des données macroéconomiques différentes en matière d'inflation. Avez-vous également révisé la donnée macroéconomique de croissance et tenu compte de l'effet récessif des deux budgets sur celle-ci ?
Est-ce que le milliard d'euros supplémentaires dont vous parlez intègre les 300 millions d'euros libérés par l'étalement des paiements à la CNRACL ? Il faut bien voir qu'il s'agit juste d'un décalage de trésorerie sur quatre ans.
Par ailleurs, nous nous félicitons vraiment de l'augmentation de l'aide pour les Ehpad en grande difficulté financière. C'est beaucoup plus réaliste par rapport à la situation. Cependant, vous le dites vous-même, ceux qui ne sont pas encore en grande difficulté aujourd'hui le seront certainement demain. Le problème est devant nous. J'aimerais en outre savoir si vous avez estimé les besoins des services à domicile. À ce sujet, avez-vous un calendrier pour une loi de programmation pour l'autonomie ?
Mme Brigitte Micouleau. - J'aimerais savoir si une réflexion pourrait être menée sur un abattement supplémentaire sur la clause de sauvegarde des médicaments.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Pour faire suite à ma question d'actualité au Gouvernement, mercredi dernier, sur les crédits covid, pouvez-vous me dire quels crédits seront consacrés aux covid longs sur l'ensemble des crédits et m'indiquer la manière dont ils seront ventilés sur le territoire ?
Mme Céline Brulin. - Quand le coût des exonérations de cotisations sociales atteint quatre fois le déficit que vous annoncez, est-ce que vous pensez soutenable que l'effort demandé aux entreprises ne soit que de 1,6 milliard d'euros ? J'ai des arguments pour récuser ce que vous expliquez sur le coût du travail, mais le temps imparti ne me permet pas de les développer.
Vous avez déclaré souhaiter que l'augmentation du taux de cotisation de la CNRACL pour les hôpitaux ne vienne pas en conflit avec le soin. Pensez-vous que cela soit possible compte tenu des déficits que connaissent nos établissements hospitaliers ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Sur le sujet du Ségur et du coût de l'accord, soit 600 millions d'euros, 300 millions sont pris sur l'objectif général de dépenses (OGD), 130 millions sont versés par l'État et 170 millions relèvent des départements, avec lesquels nous discutons dans le cadre d'un comité des financeurs à venir. Nous comprenons leurs difficultés, mais cette discussion doit se dérouler dans le cadre plus global des relations de l'État avec les départements.
Sur la question des soins palliatifs, j'assume totalement l'engagement du Gouvernement, à savoir 1 milliard d'euros sur dix ans, soit 100 millions d'euros par an. Effectivement, nous souhaitons qu'il y ait une unité de soins palliatifs pour adultes par département. Très concrètement, voilà quinze jours, j'étais à l'hôpital de Flers, dans l'Orne, qui n'a pas de service spécifique et où nous avons un projet de création de dix lits de soins palliatifs. Yannick Neuder est très engagé sur ce sujet. Quinze départements supplémentaires seront concernés en 2025.
Madame Poncet Monge, vous avez raison, il y a bien 250 millions d'euros en plus grâce à l'étalement des versements CNRACL.
Enfin, madame Brulin, vous ouvrez un débat de fond qui traverse le champ politique. Nous sommes plutôt partisans d'un allégement des charges pour aider les entreprises. Par ailleurs, nous ne sommes pas là pour opposer la CNRACL et le soin. Je suis à l'origine de l'enquête Igas-IGF qui a mis en lumière ce problème de ressources pour les retraites des agents des hôpitaux et de la fonction publique territoriale. C'est le minimum que nous leur devons et, j'y insiste, cela n'enlève rien au problème structurel de financement de l'hôpital. Une enquête récente nous montre que les petits hôpitaux, c'est-à-dire à moins de 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, n'ont pas retrouvé la situation d'avant-covid, quand ceux à plus de 150 millions d'euros l'ont retrouvée voire dépassée. Nous devons mener un travail de fond sur cette question.
Je le répète, le bien-vieillir ne doit pas être notre seule préoccupation ; nous devons mener une réflexion d'ensemble sur tout le cycle de la vie, de la naissance à la mort.
M. Yannick Neuder, ministre. - Monsieur Khalifé, on peut estimer le coût annuel de la prévention à 8 milliards d'euros, mais, là encore, les effets des grands programmes, par exemple sur le risque cardiovasculaire, et les économies réalisées ne peuvent se mesurer que sur la durée.
Sur les soins palliatifs, il y a un engagement financier, mais un effort doit être fait sur la formation, notamment la formation continue, avec des passerelles à créer. Je ne pense pas que ces métiers apparaissent comme une vocation chez les jeunes, donc il faut réussir à attirer progressivement les professionnels dans cette voie. C'était l'objet d'une proposition de loi que j'avais déposée en 2023 et qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les revalorisations, nous sommes globalement sur un montant de 10,9 milliards d'euros. Nous travaillons plus spécifiquement avec les syndicats sur les revalorisations des infirmières et infirmiers libéraux. C'est absolument indispensable si nous voulons réussir les virages domiciliaires et ambulatoires et diminuer ainsi les durées moyennes d'hospitalisation. N'oublions pas les exigences du maillage territorial. Nous devons être transparents avec cette profession. La loi de 2023 sur l'accès direct aux soins infirmiers ne servira à rien si elle ne s'accompagne pas de revalorisation des tarifs. Par exemple, la prise de sang à domicile est à 6,90 euros, la deuxième étant à 50 % et la troisième gratuite. C'est trop peu attractif, et cela peut expliquer que 50 % des infirmières libérales envisagent de changer de métier dans les cinq ans.
Sur la croissance, madame Poncet Monge, nous avons retenu un taux de 0,9 %.
Sur les covid longs, nous apprenons en marchant. Il y a plus de 200 symptômes et la physiopathologie de cette maladie est encore mal connue. Il y a des enveloppes d'amorçage et des dispositifs d'appui à la coordination (DAC) ont été créés. Chacune des ARS s'est emparée du sujet pour assurer un juste accès aux soins. Ces dispositifs tendent à s'éteindre, mais normalement, chaque patient ou chaque professionnel de santé trouve une solution a minima dans son département pour une prise en charge du covid long, qui est une prise en charge pluridisciplinaire compte tenu de ses symptômes, multiples et variés.
Au niveau de la prise en charge, j'ai interrogé précisément le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy. Le patient est hospitalisé sous le régime de la tarification à l'activité (T2A) et selon le principe du groupe homogène de séjours (GHS). Il n'y a pas besoin de tarification particulière. C'est le droit commun qui s'applique. Après, il faut sans doute former des professionnels sur cette pathologie spécifique, mais c'est un autre sujet.
Mme Florence Lassarade. - Avez-vous un budget pour communiquer auprès de la population sur le PLFSS ? Je crois que nos concitoyens n'appréhendent pas la santé de façon financière et ont besoin de voir comment tout cela s'articule.
Par ailleurs, je me réjouis que la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) travaille sur la iatrogénie médicamenteuse. À ce sujet, envisagez-vous d'harmoniser les logiciels hospitaliers, dont l'hétérogénéité est dangereuse ? Je l'ai constaté à titre personnel.
Enfin, c'est aussi en tant que pédiatre que je vous adresse ma troisième question : peut-on se résoudre à figurer au vingt-deuxième rang européen en matière de mortalité infantile ? En d'autres termes, ne trouvez-vous pas dangereux d'abandonner peu à peu le recrutement et la formation de spécialistes de la néonatologie et de la petite enfance ? Cette dernière question ne concerne pas le PLFSS, mais elle me paraît essentielle.
Mme Monique Lubin. - Quid du projet de transformation du service du contrôle médical, très contesté par les salariés ? Bien que cette mesure ait été rejetée par l'Assemblée nationale, elle semble faire sa réapparition.
Faites-vous vôtres les propos de la ministre du travail sur la fiscalisation de la sécurité sociale ? Nous y sommes fortement opposés, car cela tendrait à revenir sur le travail des partenaires sociaux et serait très dangereux en « période de vaches maigres ».
Faites-vous vôtre la théorie de la dette cachée de notre régime de retraite ? Le danger vient du vieillissement de la population, qui augmentera les dépenses de santé. Tout le monde parle de ce déficit depuis des années, mais aucune mesure n'est prise !
Mme Émilienne Poumirol. - La durée prévue pour cette audition me paraît un peu juste compte tenu des enjeux du texte.
M. Philippe Mouiller, président. - L'examen par l'Assemblée nationale d'une motion de censure aujourd'hui même a emporté l'audition prévue cet après-midi...
Mme Émilienne Poumirol. - Il me semble regrettable d'examiner des sujets comme la santé, l'autonomie ou le vieillissement uniquement sous l'angle du PLFSS. Il faudrait pouvoir discuter sur le fond. Quant à la censure du précédent gouvernement évoquée trois fois par Mme la ministre, elle n'aurait pas eu lieu sans la dissolution !
Sur le déficit de la sécurité sociale, des négociations ont bien eu lieu et nous avons obtenu quelques avancées. Nous n'y aurions pas participé si nous n'avions eu aucun espoir à cet égard... La réduction de la trajectoire financière ne se profile pas pour les années à venir, car vous n'envisagez jamais de recettes nouvelles. Comme je l'ai dit à la commission mixte paritaire, je regrette que l'on n'ait pas tenu l'objectif des 4 milliards d'euros d'allégements de cotisations, qui a été ramené à 1,6 milliard d'euros. Quand abordera-t-on vraiment le problème essentiel, à savoir l'équilibre entre les dépenses et les recettes ?
Mme Annick Petrus. - Lors de l'examen du PLFSS au Sénat, j'ai porté un amendement visant à protéger le régime Lodeom d'exonération des charges sociales patronales en outre-mer, des effets indirects de la refonte des allégements généraux. Pouvez-vous nous garantir que cette disposition sera maintenue au cours de la discussion parlementaire ? Sinon, quelles solutions envisagez-vous pour protéger les entreprises ultramarines d'un choc économique non anticipé ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Madame Lassarade, nous avons évidemment une direction de la communication au ministère. Mais pour le PLFSS proprement dit, les informations proviennent de la sécurité sociale. Je suis prête à faire le relais à ce sujet.
J'avais pris un engagement sur les métiers du « Prendre soin » - vous êtes plusieurs à l'avoir abordé en filigrane -, car nous manquons de bras. À ce propos, j'ai été interpellée par des professionnels, qui réclamaient la mise en valeur de leurs missions.
Le recrutement des internes en médecine soulève des difficultés. Lors de mon déplacement à Strasbourg dans un service consacré à la natalité et à l'infertilité - je suis, tout comme vous, très soucieuse de la mortalité infantile -, le personnel a notamment évoqué l'épineux problème du choix des étudiants sur des spécialités qui exigent des gardes.
Madame Lubin, les propos de la ministre chargée du travail et de l'emploi concernant la fiscalisation lui appartiennent ; il n'y a pas de fiscalisation. Au demeurant, nous devons engager une vraie réflexion de fond sur notre modèle. Avec tout le respect que j'ai pour votre commission, une audition d'une heure trente ne suffit pas... Je veux que nous travaillions sur tous les aspects qui nous intéressent, de la natalité au vieillissement. À ceux qui dénoncent notre immobilisme, je rappellerai qu'une vaste consultation sur le grand âge a été organisée en 2020. Or, sur les 13 milliards d'euros attendus à l'échéance de 2030, nous sommes à 11 milliards d'euros. Figurent notamment dans la trajectoire actuelle les équivalents temps plein (ETP) en Ehpad, la fusion des sections, la réforme des concours, la hausse des salaires, etc. Il faut évidemment aller plus loin, en commençant par apporter dès maintenant des réponses et en s'attelant au sujet de fond.
En ce qui concerne les retraites, nous avons confié la mission aux partenaires sociaux. Si d'aucuns commencent à dire qu'il faudrait faire ceci ou cela...
Mme Monique Lubin. - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - J'entends bien, mais je me permets de vous répondre. La Cour des comptes rendra ses conclusions le 19 février, puis nous travaillerons sur le sujet.
Madame Petrus, nous garderons votre amendement sur le dispositif Lodeom, qui est important.
Pour ce qui est des allégements de charges des entreprises, le Gouvernement a opté pour les 1,6 milliard d'euros au lieu des 4 milliards d'euros.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Plus exactement 3 milliards d'euros.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - C'est ce que vous avez voté.
M. Yannick Neuder, ministre. - Sur la formation, il ne faut surtout pas entrer dans une compétition entre la médecine générale et les autres spécialités, et entre celles-ci en fonction de la lourdeur de la spécialité, la permanence des soins et les gardes. Comme l'ont montré mes travaux à la fin de 2023, les gouvernements successifs n'ont jamais pris conscience que le rapport au travail avait changé dans le monde médical et paramédical. Pour remplacer un généraliste, il faut désormais 2,3 nouveaux médecins. Or le nombre de professionnels formés n'a pas changé depuis 1970.
Par conséquent, former plus et mieux fait partie des travaux que je mène depuis longtemps avec Philippe Mouiller. J'espère que nous pourrons faire bouger les lignes en fonction des besoins des territoires et des capacités de nos universités. À cet égard, nous travaillons en collaboration avec Élisabeth Borne et Philippe Baptiste.
Sur la mortalité infantile et néonatale, nous ne pouvons nous satisfaire de la situation. Je serai très vigilant sur l'accès aux soins pour les plus jeunes - y compris les enfants à naître - et les plus âgés. Des marges de progression existent, notamment pour le diagnostic néonatal. Les demandes des différentes associations sont toutes légitimes, mais il faudra mettre en oeuvre des réformes structurelles pour envisager les financements.
La mesure qui porte sur les CPAM, en particulier leurs services médicaux, avait été adoptée par le Sénat. Nombre de mes confrères m'ont ensuite alerté, craignant que leur dépendance à l'égard d'un directeur de caisse ne nuise à leur libre arbitre. Or un rapport de l'Igas a montré qu'un tel risque n'était pas fondé. De plus, ce modèle existe déjà pour les MSA. Cela nous permettra d'apporter une meilleure réponse aux usagers et d'effectuer des contrôles plus efficaces ; la fraude s'élève tout de même à 13,5 milliards d'euros et provient de filières très organisées. Pourquoi recentraliser le dispositif alors que nous voulons tous plus de services publics dans les territoires ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je conclurai en abordant le handicap, à quelques jours du 11 février et du vingtième anniversaire de la loi de 2005. Une communication en conseil des ministres portera sur le bilan des actions menées et sur le long chemin qui reste à parcourir. En fin de semaine, le Gouvernement fera une annonce sur la prise en charge des fauteuils roulants.
M. Philippe Mouiller, président. - Merci à tous ! Nous entendons vos regrets concernant la durée de cette audition. Sachez que les ministres sont d'accord pour revenir après le PLFSS afin de réaborder un certain nombre de sujets.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo, qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Bilan du développement de l'hôtel hospitalier - Audition de Mme Anne Hegoburu, sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital à la direction générale de l'offre de soins et de M. Ayden Tajahmady, directeur de la stratégie et de la transformation à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris
M. Philippe Mouiller, président. - Nous recevons à présent Mme Anne Hegoburu, sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital à la direction générale de l'offre de soins (DGOS), et M. Ayden Tajahmady, directeur de la stratégie et de la transformation à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), afin de dresser un bilan du développement de l'hôtel hospitalier. Cette audition nous a largement été inspirée par nos collègues Alain Milon et Khalifé Khalifé.
Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est diffusée en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande.
Je vous rappelle que les hôtels hospitaliers sont des hébergements temporaires non médicalisés (HTNM), qui ont fait l'objet d'une expérimentation de trois ans à partir de 2017 en application d'une mesure de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2015. Une quarantaine d'établissements de santé, publics et privés, y avaient participé. La généralisation du dispositif avait été décidée dans le cadre du Ségur de la santé.
Après quelques années de recul, il est temps de dresser un bilan de ce dispositif, en croisant le regard d'ensemble dont dispose le ministère de la santé et l'expérience d'un acteur de terrain tel que l'AP-HP.
Mme Anne Hegoburu, sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital à la direction générale de l'offre de soins. - L'hébergement temporaire non médicalisé, communément appelé « hôtel hospitalier », permet - M. le président l'a rappelé - l'accueil de patients en amont ou en aval de leur séjour hospitalier, ou entre des séquences de soins. Il est proposé à des personnes dont l'état de santé justifie non pas une surveillance médicale continue, mais des soins itératifs ou spécifiques pendant une certaine durée, et dont le maintien à proximité de l'établissement de santé est nécessaire du fait de l'éloignement du domicile du patient, de son inadaptation temporaire ou de son isolement social.
Concrètement, ce dispositif peut être mis en place au sein des établissements hospitaliers ou par voie de contractualisation avec un hôtel commercial à proximité. Il a été testé à titre expérimental, puis généralisé dans le cadre du Ségur de la santé par l'article 59 de la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 avant d'être complété par un décret et un arrêté en 2021 en vue d'en cadrer le fonctionnement.
Vous le savez, le financement de l'HTNM est couvert par l'assurance maladie à hauteur de 80 euros la nuitée, tarif sur lequel il conviendra sans doute de se réinterroger.
Le dispositif est monté en charge significativement au cours des dernières années.
Au-delà de la période d'expérimentation, c'est-à-dire à compter de 2021, le nombre d'établissements de santé l'ayant mis en place a cru de manière considérable, passant, entre 2021 et 2023, de 47 à 145 établissements de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) et de 3 à 20 établissements de soins médicaux et de réadaptation (SMR).
Le nombre de nuitées, pour les établissements de médecine, chirurgie, obstétrique, a évolué de près de 37 000 en 2021 à plus de 90 000 en 2023. Nous ne disposons pas encore des chiffres consolidés pour l'année 2024, mais nous nous attendons à une stabilité de ce nombre de nuitées. Celui-ci est logiquement plus faible pour les établissements de soins médicaux et de réadaptation : autour de 7 000 en 2023.
La montée en charge se traduit enfin par une progression du montant de délégation, lequel passe de 2,6 millions d'euros en 2021 à 7,8 millions d'euros en 2024.
On peut donc voir que le dispositif intéresse les établissements. Il avait, au départ, entraîné une forte mobilisation des centres de lutte contre le cancer, mais s'est depuis étendu à d'autres types de structures, en particulier aux centres hospitaliers universitaires (CHU), qui l'ont pour la plupart mis en place. Parallèlement, les premiers bilans montrent une grande satisfaction des patients, ainsi qu'un intérêt économique, lié notamment aux économies engendrées pour l'assurance maladie sur les dépenses de transport sanitaire.
Ce bilan, positif, va être actualisé. Le ministère de la santé a mandaté le cabinet Veltys pour reprendre l'évaluation réalisée dans le cadre du rapport au Parlement de 2023 et mettre à jour les chiffres au regard de la montée en charge.
De notre côté, nous mettrons à profit l'année 2025 pour revoir le modèle de financement des hôtels hospitaliers. Un certain nombre de questions sont ouvertes, notamment autour du tarif unique de 80 euros la nuitée. Ne faut-il pas tenir compte du lieu de prise en charge pour fixer ce tarif ? Ne faut-il pas le faire varier, en valorisant mieux les nuitées de début de séjour, puis en appliquant un tarif dégressif ?
Pour conclure, ce dispositif présente un intérêt majeur, pour le patient lui-même, mais aussi pour l'efficience des établissements de santé et du système de santé en général. Il nous reste à engager des discussions, en 2025, pour construire le modèle médico-économique des HTNM.
M. Ayden Tajahmady, directeur de la stratégie et de la transformation à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. - En complément de la présentation du bilan national, permettez-moi de vous livrer le retour d'expérience de l'AP-HP.
Nous avons mis en place un dispositif d'hébergement temporaire non médicalisé dès que celui-ci est passé dans le droit commun. Il est monté en charge progressivement, avec environ 4 700 nuitées comptabilisées en 2024, réparties de manière assez inégale entre les services - trois sites et trois activités en représentent les deux tiers. Cela me fait dire que le développement du recours à l'HTNM s'inscrit souvent dans un projet médical ou de service.
Ces nuitées sont prises autour de séjours d'hospitalisation, souvent en amont. Nous prévoyons un maximum de trois nuitées, mais, pour l'essentiel, nos prises en charge sont d'une ou deux nuitées. Les patients concernés résident, pour 60 %, en dehors de l'Île-de-France.
Nous pouvons accueillir les patients pour ces nuitées au sein même d'un établissement de santé ou dans des établissements hôteliers - on parle alors de dispositifs intra-muros ou extra-muros. Cela n'implique évidemment pas les mêmes contraintes organisationnelles. Compte tenu de l'étendue de notre implantation, il est parfois difficile d'avoir des hôtels à proximité immédiate de chacun de nos établissements, ce qui engendre des contraintes de transport. Mais les hôtels intra-muros, qui pourraient constituer une piste intéressante, créent d'autres contraintes : le patient en HTNM n'étant pas considéré comme hospitalisé sur le plan juridique, ce sont en effet les conditions d'accueil et de sécurité d'un établissement hôtelier, et non d'un établissement hospitalier, qui doivent s'appliquer. C'est la raison pour laquelle cette solution, probablement la plus pratique et la plus avantageuse sur le plan économique, n'a pas pu être développée autant que souhaité.
S'agissant du modèle économique, chacun connaît les prix pratiqués dans les hôtels parisiens et peut en déduire que le tarif de 80 euros ne couvre pas les coûts engendrés. Pour le groupe hospitalier universitaire (GHU) Centre - regroupant les hôpitaux Necker, Cochin et Pompidou -, le coût moyen est de 114 euros la nuit d'hôtel, auxquels s'ajoutent tous les autres coûts. Il y a donc, à ce niveau, un différentiel économique défavorable aux établissements. Par ailleurs, ces nuitées sont soumises aux taxes de séjour touristique, ce qui renchérit le coût.
Malgré tout, nous constatons un taux de 90 % à 95 % de satisfaction des usagers bénéficiaires du dispositif.
M. Philippe Mouiller, président. - Permettez-moi de réagir tout de suite à votre intervention : vous évoquez un coût de revient de 120 euros pour une prise en charge de 80 euros, la différence étant assumée par vos établissements. Je suis étonné que vous fassiez le choix de mettre en place un outil, répondant certes à un besoin, mais intégrant un principe de déficit dans le fonctionnement.
M. Khalifé Khalifé. - Merci pour la clarté de ces présentations. Après tous les freins que nous avons connus sur les villages ambulatoires, nous sommes aujourd'hui face à un dispositif dont vous nous avez retracé l'évolution - celle-ci démontrant, en soi, l'intérêt des HTNM.
L'expérience a-t-elle fait émerger une distance minimale à respecter pour que la nuit à l'hôtel soit fructueuse ? En mettant de côté les centres anticancéreux ou les établissements très spécialisés, c'est-à-dire en se cantonnant aux hôpitaux généraux, comment le modèle pourrait-il être efficient sur le plan économique et attractif pour le patient ?
Quels liens entre ces hôtels non médicalisés et le service d'aide médicale urgente (Samu), qui devait être partie prenante pour la prise en charge éventuelle de ces patients ?
Vous mentionnez un taux correct de satisfaction. Ne faut-il pas prévoir une adhésion préalable du patient à ce type de séjour ? Qu'en est-il de la responsabilité juridique dans ce cadre ?
M. Ayden Tajahmady. - Sur la question de l'intégration d'une activité déficitaire, j'ai donné les chiffres sur un seul GHU. Nous n'avons pas d'évaluation complète sur l'ensemble des GHU et, cela a été dit, les tarifs varient selon le lieu.
Sur l'ensemble de notre périmètre d'implantation, le coût complet des nuitées est en général supérieur aux 80 euros. Pour autant, le HTNM permet à certains services de prendre en charge plus de patients. Il faut donc ne pas restreindre la réflexion au seul coût de la nuitée et considérer la totalité de la prise en charge, d'autant que nos équipes sont motivées d'abord et avant tout par la prise en charge des patients. Certains des services auxquels je fais référence sont des services de maternité proposant des prises en charges particulières ou des activités de procréation médicalement assistée (PMA), ou encore des services de chirurgie cardiaque. On voit donc l'intérêt que représente le HTNM au regard de l'augmentation de la file active dans ces services.
S'agissant de la question de la responsabilité, je répète que le patient n'est pas hospitalisé pendant la nuitée. C'est justement une difficulté pour les hébergements intra-muros : le patient est physiquement dans l'hôpital, sans être administrativement hospitalisé... Il en découle également qu'en cas de problème de santé, il est pris en charge comme n'importe quelle autre personne.
Le HTNM n'est pas imposé aux patients. C'est une proposition qui leur est faite par l'équipe médicale.
Mme Anne Hegoburu. - Sur le modèle économique et son efficience, il faut en effet élargir le raisonnement au-delà du seul coût de la nuitée, en tenant compte, comme cela vient d'être dit, de l'impact de la réduction de la durée de séjour hospitalier. Un séjour plus court, c'est un séjour qui fait peser moins de charges sur l'établissement hospitalier et qui permet de libérer des places pour accueillir de nouveaux patients, avec une rémunération associée. Au-delà de la situation propre à l'établissement, s'y ajoutent des économies substantielles en matière de transport.
L'étude actualisée, dont nous devrions disposer dans les prochaines semaines ou prochains mois, mettra ces gains médico-économiques en évidence.
Le HTNM permet également à l'établissement de prendre en charge des patients qui n'auraient pas fait le déplacement sans cela, du fait de l'éloignement géographique. C'est très visible sur certaines activités de niche - par exemple la protonthérapie -, pour lesquelles nous disposons d'un nombre limité de centres de prise en charge sur le territoire.
L'adhésion du patient est évidemment un élément indispensable, tout comme la satisfaction qui y est liée. La discussion entre médecin et patient est la clé de la poursuite de la montée en charge du dispositif. C'est dans ce contexte que la prise en charge en HTNM est proposée et c'est de la relation de confiance établie avec le praticien que dépend l'adhésion du patient.
Mme Corinne Imbert. - Merci pour ces premiers retours. Je vous livre une série de questions diverses, dont certaines ont déjà reçu une réponse.
Les établissements ayant participé à l'expérimentation ont-ils tous continué à développer l'activité engagée ? Les hôpitaux de recours, en particulier les CHU, sont-ils suffisamment mobilisés autour de ce type de solutions d'hébergement ? Au-delà de la question du coût, d'autres blocages sont-ils identifiés ? Observez-vous certaines réticences de patients lorsque la proposition de HTNM leur est faite ? Qu'en est-il de la prise en charge des patients ultramarins soignés dans l'Hexagone, notamment compte tenu de la limitation du nombre de nuitées ?
Prévoit-on des évaluations médico-économiques régulières ? D'ailleurs, vous annoncez la publication prochaine de chiffres : quand y aurons-nous accès ? Comment la France se situe-t-elle, notamment par rapport aux modèles des pays scandinaves ?
Enfin - je sors légèrement du sujet, mais la question des maternités a été évoquée -quel bilan tirez-vous du dispositif « engagement maternité » et comment expliquez-vous la sous-consommation de l'enveloppe correspondante, que la mission d'information sénatoriale sur la santé périnatale avait mise en évidence ?
Mme Anne Hegoburu. - Nous vérifierons si tous les établissements expérimentateurs se sont engagés dans la procédure de généralisation. Je n'ai pas d'information précise à vous livrer aujourd'hui sur ce point. Mais notre sentiment, c'est qu'ils l'ont tous fait.
La mobilisation des CHU est bonne. Elle a beaucoup évolué depuis 2021. Aujourd'hui, près de 80 % des CHU, comme des centres de lutte contre le cancer (CLCC) proposent ce type de prises en charge. La progression nous semble donc satisfaisante.
S'agissant des blocages, dès lors que la prise en charge est proposée par le médecin, il faut que les professionnels eux-mêmes soient convaincus de l'intérêt du dispositif, et du fait qu'il est sûr. C'est un travail de conviction qu'il nous appartient de soutenir et de poursuivre, notamment en mettant en avant les débuts très convaincants et en s'appuyant sur la littérature.
Le décret de généralisation prévoit des dispositifs spécifiques à l'outre-mer. En particulier, la limite de 21 jours ne s'applique pas dans ce cadre.
Le rapport d'évaluation attendu sera disponible, nous l'espérons, au printemps. Nous souhaitons qu'il porte sur la totalité de l'année 2024 et les établissements ont encore quelques jours pour faire remonter leurs données consolidées sur cet exercice. La méthodologie utilisée sera la même que celle qui a servi à la précédente évaluation, ayant nourri le rapport au Parlement, mais nous disposons d'une base plus importante d'analyse. Nous espérons donc aller plus loin dans les résultats.
Pour finir, le dispositif « engagement maternité » est assez proche du dispositif HTNM, avec parfois une confusion entre les deux. Pour autant, ils sont distincts. En particulier, l'« engagement maternité » doit être obligatoirement mis en place dans les maternités desservant une ou plusieurs communes situées à plus de 45 minutes. Autre nuance, les frais de transport sont pris en charge à 100 % et aucune contribution supplémentaire ne peut être demandée à la patiente pour la nuitée, alors que la prise en charge du différentiel par l'établissement, dont a témoigné le représentant de l'AP-HP, n'est absolument pas obligatoire dans le cadre du dispositif HTNM.
On constate en effet un développement frileux du dispositif « engagement maternité », qui reste limité à quelques territoires. Quels sont les freins ? Est-ce lié à un refus des femmes enceintes d'être hébergées loin de leur famille à quelques jours de l'accouchement, à un problème de communication autour de cette mesure ou à d'autres facteurs ? Nous allons essayer de traiter toutes ces questions.
Mme Jocelyne Guidez. - Les hôtels hospitaliers ont pour objectif d'améliorer le confort et la qualité de la prise en charge des patients. Pour ceux qui sont en situation de handicap, l'accessibilité physique et fonctionnelle de ces établissements est un enjeu crucial. Disposez-vous de mesures statistiques ou de garanties quant à l'accessibilité des chambres ? Au-delà des aménagements matériels, quels dispositifs d'accompagnement spécifiques sont prévus pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, notamment celles qui nécessitent une assistance pour les actes de la vie quotidienne et les personnes atteintes d'un handicap psychique ou mental ? Avez-vous identifié des freins particuliers à l'accès des hôtels hospitaliers pour ces publics ? Quelles pistes de réflexion pour y remédier ?
Mme Annie Le Houérou. - Ma première question porte sur la répartition géographique. Ces hôtels hospitaliers ont-ils été développés de manière harmonieuse sur le territoire ou se limitent-ils à des CHU pour des traitements très spécifiques ? De même, avez-vous des éléments sur le profil des patients qui y ont recours ?
Par ailleurs, qu'en est-il des familles accompagnantes ? Comment les choses se passent-elles pour elles ? Puisqu'il a été question de l'« engagement maternité », je crois voir, derrière le développement de ces hôtels, une stratégie pour supprimer les maternités en proximité. D'où cette question à propos des familles.
Vous faites état d'une satisfaction élevée des patients. On peut tout à fait l'imaginer dès lors qu'il s'agit d'accéder à des traitements très pointus, que l'on ne pratique pas sur tout le territoire. Mais, en dehors de cela, ne peut-on voir dans le développement de ce mode d'hébergement une stratégie qui porterait préjudice aux prises en charge de proximité ?
Mme Laurence Muller-Bronn. - Lorsque vous avez recours à des établissements privés d'hébergement, disposez-vous d'allotements ? Le fait de travailler avec des hôtels ou des résidences tenues par des bailleurs comme Domitys ne fait-il pas courir un risque de dérapage, avec de possibles situations d'enrichissement avec de l'argent public ?
Je rejoins par ailleurs ma collègue qui vient tout juste de s'exprimer : avec ce dispositif, est-ce une stratégie de fermeture de lits que l'on met en oeuvre ? Je me pose par exemple la question de la sécurité, dès lors que le patient doit se préparer seul à une opération. Je me pose également celle de la prise en charge des accompagnants, notamment dans le cas où le patient est un enfant.
Quelle est la situation par département ? Dans le Bas-Rhin, nous disposons d'une seule maison d'accueil, avec des tarifs - entre 12,5 euros et 37 euros par personne en 2020 - établis en fonction du quotient familial et n'ayant rien à voir avec ceux que vous avez avancés. Je m'étonne donc quand vous parlez du succès de la démarche...
Mme Viviane Malet. - Je serai brève, puisque je souhaitais poser la question des ultramarins en situation de rapatriement sanitaire, qui a déjà été évoquée. Existe-t-il des hôtels hospitaliers en outre-mer ? Le dispositif fonctionne-t-il en inter-îles ? Qui paie le supplément pour l'accompagnant ? Tient-on compte du fait que le séjour peut être réellement long et atteindre un mois ou un mois et demi ? Je suis étonnée, enfin, de la différence de prise en charge avec les lits halte soins santé (LHSS). Qu'en est-il ?
M. Jean-Luc Fichet. - En matière de pratiques hospitalières, le recours aux pratiques ambulatoires est aujourd'hui fortement développé. Dans ce contexte, ce système d'hébergement semble s'imposer par défaut. Mais l'on peut tout de même s'interroger pour savoir s'il apporte réellement un plus aux patients. A-t-on une idée de l'efficacité médicale de cette prise en charge, de son efficacité au regard de la guérison ?
En province, nous subissons des temps d'attente avant hospitalisation qui sont très longs, y compris pour des pathologies lourdes, ce qui peut conduire les patients à solliciter les hôpitaux parisiens. Cela leur donne-t-il une priorité dans l'accès à ces prises en charge ? Que sait-on de la population fréquentant ce type d'hébergements ?
Mme Véronique Guillotin. - Je souhaite rebondir sur la question posée, à la suite de la mission sur la santé périnatale, concernant le dispositif « engagement maternité » qui, vous l'avez dit, ne se développe pas particulièrement bien. On peut comprendre que le fait d'héberger uniquement la parturiente constitue un frein. Y a-t-il une réflexion sur une organisation différente de cet accueil, avec, notamment, un accueil de la famille entière, comme dans certains pays du Nord de l'Europe ?
M. Khalifé Khalifé. - J'ai eu écho d'une autre expérimentation, ayant inclus des experts de la Haute Autorité de santé (HAS). Celle-ci travaille-t-elle actuellement sur un référentiel pour le dispositif HTNM ? Cette prise en charge fera-t-elle partie, demain, des critères de qualité retenus par la HAS pour un hôpital ?
Mme Anne Hegoburu. - La question de l'accessibilité des hôtels hospitaliers pour les personnes en situation de handicap ne se pose pas vraiment, je pense, pour ceux qui se situent à l'intérieur des établissements de santé. Pour les autres, c'est le droit applicable aux hôtels commerciaux qui s'applique, sans disposition spécifique.
Je rappelle par ailleurs que 145 établissements ont mis en place le dispositif en 2023 - ce nombre démontrant qu'il n'y a pas restriction aux seuls CHU ou centres de lutte contre le cancer. Nous pourrons vous transmettre une cartographie par département. Mais la montée en charge du dispositif va de pair, évidemment, avec une amélioration du maillage territorial.
Avec les maisons d'accueil, nous ne sommes pas sur le même type de dispositif. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un hôtel hospitalier au sens où nous l'entendons. Mais nous regarderons la question, qui mérite d'être creusée.
Par ailleurs, les textes prévoient que le patient hébergé en hôtel hospitalier peut être accompagné, à raison d'un accompagnant, et ce sans supplément au forfait de 80 euros par nuitée. Pour les mineurs, jusqu'à deux accompagnants peuvent bénéficier de la prise en charge.
S'agissant de la remarque selon laquelle le développement de ce dispositif pourrait venir accompagner une stratégie de fermeture de lits, la position du ministère de la santé est claire : nous ne déployons aucune politique volontariste de fermeture de maternités. Celles qui ferment sont des établissements ne pouvant plus recruter suffisamment de professionnels pour faire face aux normes imposées afin de garantir un fonctionnement dans de bonnes conditions de sécurité et de prise en charge. Par ailleurs, le dispositif HTNM n'est pas ciblé sur les maternités, et ce n'est pas elles qui ressortent en premier lorsque l'on analyse les nuitées.
M. Ayden Tajahmady. - S'agissant de la contractualisation avec les hôtels, nous sommes soumis au code de la commande publique. Nous passons donc des marchés publics, précisant notamment le nombre de nuitées ou les critères liés aux besoins spécifiques des patients.
Cela répond partiellement à la question sur les personnes atteintes de handicap. J'insiste sur le fait que la décision est prise par l'équipe médicale, dans le cadre du projet médical. Le service se tourne ensuite vers la structure au sein de l'établissement chargée de rechercher la nuitée, ce qui se fera en tenant compte de la situation du patient.
Aujourd'hui, nous n'avons pas de dispositif intra-muros qui fonctionne. Pour autant, cette piste pourrait encourager le recours à l'hébergement temporaire non médicalisé car elle apporte de la simplification sur le plan organisationnel.
Je précise que les patients qui y accèdent sont en général des patients ayant l'expérience de l'AP-HP, mais habitant loin, et les services où le dispositif se développe sont ceux qui accueillent une patientèle de recours, issue parfois de territoires extérieurs à la région, avec des enjeux en termes d'accès aux spécialités.
Il n'y a clairement pas de politique de fermeture de lits en lien avec les hôtels hospitaliers. Il s'agit vraiment d'améliorer l'accès aux équipes dans le cadre d'un projet médical.
L'hébergement en HTNM n'est pas la seule modalité existante. Certaines prises en charge, notamment en pédiatrie, se font dans le cadre de maisons de famille, qui répondent à des besoins spécifiques.
À cet égard, je ne peux pas vous donner de chiffres sur le handicap, mais je peux vous apporter cette précision : environ un quart des nuitées concernent des patients âgés de plus de 65 ans et nous n'avons que très rarement des patients pédiatriques.
Mme Anne Hegoburu. - Il existe des HTNM en outre-mer, et les patients peuvent bénéficier du dispositif en inter-îles. J'ai notamment en tête le cas de La Réunion, où de nombreux patients de Mayotte sont accueillis dans ce cadre.
Comme je l'indiquais, il nous semble nécessaire de reprendre l'analyse du dispositif « engagement maternité » pour essayer de mieux comprendre les freins à son développement. À l'occasion de ce travail, nous nous pencherons à nouveau sur les modalités d'accueil de la famille.
Le rôle de la HAS est important. La Haute Autorité aurait toute sa place, notamment pour nous permettre d'identifier les profils de patients susceptibles de bénéficier de la prise en charge en HTNM en toute sécurité. La montée en charge du dispositif remettra sans doute cette question sur la table.
Enfin, je crois que vous allez auditionner prochainement des médecins et des chirurgiens ; ils pourront mieux répondre que moi à la question de savoir si le dispositif accélère, ou non, la guérison. Nous savons néanmoins que des conditions satisfaisantes de prise en charge, au-delà de la stricte prise en charge hospitalière, ne peuvent avoir qu'un effet positif dans le processus de guérison.
M. Philippe Mouiller, président. - Merci de ces éléments d'information sur un sujet qui était peut-être mal connu de certains de nos collègues. Je remercie Khalifé Khalifé d'avoir proposé que nous l'examinions. Nous attendons maintenant avec impatience les évaluations à venir, à la fois sur les impacts du dispositif en matière de santé et sur sa dimension économique.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo, qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Bilan de l'application de la loi du 11 février 2005 - Examen du rapport d'information
M. Philippe Mouiller, président. - Nous allons à présent entendre la communication de Mmes Marie-Pierre Richer, Chantal Deseyne et Corinne Féret à l'issue des travaux de la mission d'information qu'elles ont conduite sur le bilan de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Je vous rappelle que le vingtième anniversaire de cette loi donnera lieu, la semaine prochaine, à un grand colloque au Sénat, au cours duquel l'ensemble des commissions concernées livreront leur vision et leur bilan de cette loi. Marie-Pierre Richer a coordonné ces travaux en sa qualité de présidente du groupe d'études Handicap.
La communication que nous allons entendre constitue donc la contribution de notre commission à ces travaux plus larges. Elle donnera lieu, si vous l'autorisez, à la publication d'un rapport d'information.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Nous sommes très heureuses, à quelques jours de l'anniversaire de la loi du 11 février 2005, de vous présenter les conclusions de nos travaux. Ce texte a été l'aboutissement d'un travail long de dix-huit mois, mené en concertation approfondie avec les associations. Il a suscité, pour reprendre les mots du rapporteur Paul Blanc, « l'immense espoir, pour les personnes en situation de handicap et leurs proches, d'une compensation enfin effective du handicap et d'une intégration pleine et entière dans tous les aspects de la vie sociale et politique ».
Vingt ans plus tard, cinq commissions du Sénat sont mobilisées pour en dresser le bilan, ce qui témoigne de la diversité des thématiques embrassées. Nous nous sommes, pour notre part, intéressées aux dispositions relatives au droit à compensation, aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et à l'emploi.
Tout d'abord, la loi s'est fixé comme objectif de garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie, en donnant une traduction concrète au droit à la compensation.
Cette ambition s'est tout d'abord traduite par la création de la prestation de compensation du handicap (PCH), dispositif aussi innovant qu'ambitieux. Un dispositif innovant, d'abord, car son attribution est entièrement personnalisée. Au sein des MDPH, ce sont des équipes pluridisciplinaires, constituées de professionnels aux compétences variées - médecins, ergothérapeutes, psychologues ou encore travailleurs sociaux -, qui sont chargées d'évaluer les besoins de la personne en tenant compte de ses aspirations et de son projet de vie. Un dispositif ambitieux, ensuite, car cette prestation, qui est attribuée sans condition de ressources, a vocation à couvrir des charges de nature très diverse : aide humaine, aides techniques, aide animalière ou encore aménagement du logement et du véhicule.
Il ne fait nul doute que la PCH, dont bénéficient aujourd'hui plus de 350 000 personnes, dont près de 33 000 enfants, a permis d'améliorer les conditions de vie des personnes handicapées. Elle a été réformée à plusieurs reprises depuis 2005, toujours dans le sens d'une meilleure compensation. Par exemple, en 2021, la « PCH parentalité » a été créée pour financer des aides humaines et techniques pour les parents en situation de handicap. Autre exemple, en 2023, les critères d'attribution de la PCH ont été élargis pour améliorer l'accès à cette prestation des personnes atteintes de troubles mentaux, psychiques, cognitifs ou du neurodéveloppement.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Néanmoins, si nous revenons aux ambitions de la loi de 2005, le bilan de la PCH n'est pas pleinement satisfaisant.
Le premier constat est celui du maintien de la barrière d'âge à 60 ans, alors que l'article 13 de la loi prévoyait sa suppression dans un délai de cinq ans. La situation actuelle est la suivante : une personne dont le handicap est survenu après l'âge de 60 ans n'est pas éligible à la PCH, mais peut bénéficier de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Or il existe, comme vous le savez, des différences de prise en charge entre ces deux prestations. L'APA est attribuée en fonction du degré de perte d'autonomie uniquement, alors que la PCH regarde l'ensemble des besoins de la personne, qui sont intimement liés à son type de handicap et à son cadre de vie. Sur le plan des charges couvertes, l'APA est également moins ambitieuse. Pour les handicaps qui nécessitent une présence quasi continue d'intervenants, elle ne permet pas de financer l'intégralité de l'aide humaine ; et les aides techniques, lorsqu'elles sont coûteuses, ne sont que partiellement couvertes.
Nous avons eu ce débat il y a peu de temps lors de l'examen de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et d'autres maladies évolutives graves : le différentiel de prise en charge entre PCH et APA représente une inégalité de traitement peu supportable pour les personnes concernées. Et il faut avoir à l'esprit que, avec le vieillissement de la population et l'allongement de l'espérance de vie, de plus en plus de personnes déclareront un handicap après l'âge de 60 ans.
Il est donc nécessaire de conduire une réflexion globale sur l'articulation des dispositifs de compensation de la perte d'autonomie, qu'elle soit liée au handicap ou au grand âge, et sur les moyens alloués par l'État ou la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Notre deuxième constat, toujours sur la PCH, porte sur le droit à compensation applicable aux enfants. Depuis 2008, les parents d'un enfant handicapé disposent d'un droit d'option entre bénéfice de la PCH et du complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), selon des règles complexes, pour ne pas dire illisibles. Non seulement le droit existant est difficile à appréhender pour les familles, mais aucune des deux options n'est satisfaisante du point de vue de la compensation du handicap. Le complément d'AEEH est forfaitaire, il ne s'adapte donc pas aux spécificités de chaque enfant ; et les critères de la PCH n'ont pas été adaptés aux particularités du handicap chez les plus jeunes. Il nous semble donc impératif de simplifier le dispositif de compensation pour les enfants, tout en le renforçant.
Notre troisième et dernier constat est le suivant : certaines personnes, surtout celles qui présentent un handicap lourd, continuent d'assumer un reste à charge important. D'une part, le niveau de prise en charge des aides techniques n'a connu aucune revalorisation depuis 2006. D'autre part, la PCH ne couvre pas les aides ménagères et les assistants de communication, qui sont pourtant des aides essentielles. Il faut néanmoins reconnaître que des mesures ont été prises pour réduire le reste à charge : en 2024, le niveau de remboursement des frais liés à l'emploi direct d'une aide à domicile a été rehaussé, et comme nous l'a confirmé la ministre la semaine dernière, la mise en oeuvre du remboursement intégral des fauteuils roulants ne saurait tarder.
Pour terminer sur la PCH, nous avons été interpellées par les départements qui en assurent le versement. Ils doivent faire face à la montée en charge constante de cette prestation depuis 2006, dans un contexte budgétaire toujours plus restreint. En parallèle, la compensation assurée par l'État a chuté de 60,4 % en 2009 à 30 % en 2024. Il est impératif que l'État cesse de se désinvestir. À ce titre, la réforme des concours versés par la CNSA aux départements prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 représente une première étape importante.
Mme Corinne Féret, rapporteure. - Le droit à compensation est aussi intimement lié à la problématique des revenus, souvent affectés par les limitations dues au handicap.
Sur ce plan, la loi de 2005 n'apporte qu'une réponse incomplète. Elle permet le cumul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) avec les revenus du travail, et instaure deux compléments à l'AAH, non cumulables : le complément de ressources, pour assurer un revenu égal à 85 % du Smic net aux personnes très gravement handicapées dans l'incapacité de travailler, et la majoration pour la vie autonome (MVA), une aide mensuelle qui permet aux personnes atteintes de 80 % d'incapacité de financer des dépenses d'aménagement de leur logement.
Les associations que nous avons auditionnées déplorent la suppression, en 2019, du complément de ressources : il s'élevait à 179 euros par mois, soit 75 euros de plus que la MVA, et certaines personnes qui auraient pu y prétendre ne sont pas éligibles à la MVA. Néanmoins, en parallèle, l'AAH a été revalorisée à plusieurs reprises et son attribution a été déconjugalisée. Nous nous souvenons que cette question avait été fortement relayée au Sénat et que suite avait été donnée à une pétition sur ce thème, qui avait recueilli plus de 100 000 signatures.
Toujours est-il qu'en 2025, malgré les dispositifs existants, le handicap reste un facteur de précarité : 25,8 % des personnes handicapées âgées de 15 à 59 ans sont pauvres, contre 14,4 % des personnes de la même tranche d'âge sans handicap.
Enfin, si la thématique de l'offre médico-sociale n'est qu'indirectement traitée par la loi de 2005, il nous a semblé important de l'aborder, car elle conditionne également l'effectivité du droit à compensation.
Comme vous le savez, l'augmentation de l'offre depuis 2005 n'a pas permis de combler les besoins ni d'empêcher les ruptures de prise en charge. Dans certains territoires, les délais d'attente sont très longs et de nombreuses familles restent sans solution. Nous avons tous en tête le sujet des départs en Belgique, mais aussi celui de l'amendement Creton, qui permet aujourd'hui à près de 6 000 jeunes adultes d'être accueillis dans des établissements pour enfants, non sans conséquences sur la qualité de l'accompagnement et l'organisation des établissements concernés.
Nous ne pouvons donc que saluer les plans récemment lancés pour renforcer et transformer l'offre médico-sociale. Le déploiement des 50 000 solutions doit notamment se poursuivre, cibler les territoires les plus en tension et les publics les plus en difficulté. Il est aussi nécessaire de développer l'accueil de jour, d'ouvrir des places en foyer d'accueil médicalisé et en maison d'accueil spécialisée. Enfin, il ne faut pas oublier les solutions de vie à domicile, comme l'habitat inclusif : elles contribuent au maintien de l'autonomie des personnes handicapées et doivent aller de pair avec le renforcement des services d'aide et de soins à domicile.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Le deuxième volet de nos travaux porte sur les maisons départementales des personnes handicapées, qui ont été créées par la loi de 2005.
Les 104 maisons maillant le territoire sont les premiers interlocuteurs administratifs des personnes en situation de handicap, et près de 5,9 millions de personnes bénéficient d'au moins un droit ouvert en MDPH.
Sur le plan de la simplification des démarches, les MDPH sont une réussite. En réunissant en un même lieu la quasi-totalité des démarches relatives aux droits et prestations des personnes handicapées, elles ont mis fin au parcours du combattant qui les précédait. Surtout, le processus d'évaluation des demandes, répondant à une approche par les besoins, permet de garantir la pertinence des droits et prestations attribués. D'après les enquêtes de satisfaction menées par la CNSA, 68 % des usagers sont satisfaits du service rendu par leur MDPH, tandis que 81,6 % estiment avoir pu y exprimer leurs besoins et leurs souhaits.
Pour autant, la simplification des démarches doit se poursuivre. Le formulaire à adresser à la MDPH, d'une trentaine de pages, est mal compris et donc mal renseigné par de nombreux usagers. En fin de processus, les courriers de notification de droits sont inintelligibles et n'exposent même pas les motifs précis de la décision. Une simplification de ces documents s'impose, et ce constat est partagé de tous. L'enjeu de la simplification ne concerne d'ailleurs pas que les usagers : côté personnel, le traitement des demandes implique le maniement de règles et de notions très complexes.
Les pouvoirs publics n'ignorent pas la nécessité de simplifier encore davantage les démarches. Depuis 2019, certains droits peuvent être attribués sans limitation de durée, tandis que la durée d'attribution de l'AEEH a été allongée de sorte qu'elle puisse être ouverte par cycle scolaire. Depuis 2020, les MDPH ont aussi la possibilité de proroger des droits ouverts aux personnes sans nouvelle demande de leur part, si leur situation n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Des marges de manoeuvre existent sûrement encore, et la ministre nous a annoncé la semaine dernière la mise en place d'une « task force » pour réfléchir sur le sujet.
Toutefois, c'est davantage l'augmentation des demandes, combinée au manque de moyens humains, qui compromet la qualité de service des MDPH.
D'abord, l'inflation du nombre de demandes. Celles-ci ont augmenté de 12 % entre 2015 et 2022, tirées à la hausse par l'ouverture de droits relatifs aux enfants et à la PCH. De manière plus générale, il est évident que l'augmentation des demandes est intimement liée aux retards en matière d'accessibilité. Lorsque la cité, les loisirs, l'école ou encore le milieu professionnel sont inaccessibles, les personnes handicapées recourent à des aides dont elles n'auraient pas nécessairement besoin dans un monde parfaitement accessible.
En parallèle, certaines MDPH doivent composer avec d'importantes difficultés sur le plan des ressources humaines. Non seulement elles manquent de moyens humains, mais le taux de rotation des équipes est particulièrement important. Il s'explique en partie par des conditions de travail difficiles, notamment pour les équipes chargées de l'accueil et de l'instruction des dossiers, qui doivent traiter un nombre croissant de demandes et sont exposées à des situations souvent difficiles sur le plan émotionnel. À cela s'ajoute, dans les déserts médicaux, la faible disponibilité des médecins et des ergothérapeutes pour constituer les équipes pluridisciplinaires.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Ces deux enjeux cumulés, hausse des demandes et manque des moyens, concourent à l'allongement des délais de traitement, principal motif d'insatisfaction des usagers. Nous sommes d'ailleurs nombreux à recevoir, dans nos territoires respectifs, des plaintes à ce sujet.
La loi donne 4 mois aux MDPH pour rendre une décision. En 2022, le délai moyen est de 4,3 mois pour les demandes enfants et de 4,5 mois pour les demandes adultes. Mais, vous vous en doutez, cette moyenne cache d'importantes disparités : en fonction des départements bien sûr - certains affichent des délais supérieurs à 6, voire 7 mois -, mais aussi en fonction des droits et des prestations concernés. Par exemple, le délai de traitement moyen pour la PCH est de 5,7 mois, contre 3,3 mois pour les orientations scolaires. Or de longs délais peuvent avoir de lourdes conséquences. Pour les personnes dont le handicap évolue rapidement, la décision rendue peut être inadaptée à leurs besoins. Plus grave encore, certaines personnes peuvent finir par renoncer à leurs droits, la cellule familiale étant alors amenée à se substituer à la solidarité nationale.
En cascade, l'inflation des demandes, doublée de l'exigence de réduire les délais, nuit à la qualité de service. Nous déplorons notamment les conséquences sur le processus d'évaluation des besoins, qui est pourtant central pour établir des plans de compensation pertinents. Entre la difficulté à se réunir et la nécessité d'aller vite, les évaluateurs tendent à privilégier l'approche médicale, à rebours de l'approche pluridisciplinaire prévue par la loi. De plus, l'évaluation des besoins et la prise de décision par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) se font essentiellement sur la base du dossier, laissant peu de place à l'échange avec les personnes concernées et encore moins aux visites à domicile.
L'autre grand chantier concernant les MDPH concerne l'harmonisation des pratiques. Certes, les spécificités territoriales et le principe de libre administration peuvent induire des différences de fonctionnement. En revanche, les discordances observées sur le plan de l'interprétation de la loi nuisent à l'égalité de traitement des citoyens. Ces écarts d'interprétation résultent en grande partie de la complexité du corpus juridique des droits et prestations, dans un contexte où, comme nous venons de l'évoquer, certaines MDPH connaissent un taux de rotation du personnel important. Les associations mettent également en avant la tentation, pour certains départements, d'adapter les plans de compensation à leurs contraintes budgétaires.
Mme Corinne Féret, rapporteure. - Quoi qu'il en soit, il est nécessaire d'harmoniser les pratiques. C'est justement le rôle que confère la loi à la CNSA, qui est plus largement chargée du pilotage national des MDPH. Cette mission n'est pas aisée, puisqu'elle se déploie dans un champ en partie décentralisé. Malgré tout, la CNSA entreprend un certain nombre d'actions pour homogénéiser le fonctionnement et les pratiques des MDPH. Sur le plan des méthodes de travail, elle élabore des référentiels d'évaluation, anime le réseau et soutient la formation des professionnels. Elle vient également en aide aux MDPH en difficulté : entre 2021 et 2024, la mission d'appui opérationnel a accompagné 24 structures. Les résultats sont encourageants, les MDPH ayant dans leur quasi-totalité identifié la source de leurs difficultés et réduit leurs délais de traitement. Concernant les outils de travail, la CNSA accompagne la dématérialisation des demandes. Elle veille également, depuis 2015, à l'harmonisation des systèmes d'information.
En somme, il nous semble qu'à bien des égards le rôle de pilote confié à la CNSA répond à de vrais besoins, à condition que la Caisse dispose de moyens suffisants et qu'elle n'empiète pas de manière indue sur les compétences des départements.
Enfin, en matière d'emploi et d'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, nos auditions ont permis de constater que la dynamique lancée par la loi du 11 février 2005 a conduit à de réels progrès. Cependant, les objectifs ambitieux fixés par cette loi ne sont toujours pas atteints, et les efforts en la matière ne doivent pas être relâchés.
Pour rendre effectif l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap, la loi de 2005 a modifié le mécanisme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH). Elle l'a renforcé, en pénalisant davantage les entreprises qui n'emploient aucun travailleur handicapé, et en a simplifié la mise en oeuvre pour les employeurs en supprimant la pondération des emplois selon la lourdeur du handicap. Par ailleurs, elle a étendu le périmètre de l'OETH aux employeurs publics, considérant à juste titre qu'ils se devaient d'être exemplaires. Ces derniers sont donc, comme les entreprises, contraints de verser une contribution financière lorsqu'ils n'atteignent pas le taux de 6 % de travailleurs handicapés rapporté à leur effectif total.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Quels résultats pour cette politique de quotas ?
En 2023, le taux d'atteinte directe de l'OETH était de 3,6 % dans le privé, et de 5,66 % dans le public, dépassant même la cible de 6 % pour les collectivités territoriales. Ces chiffres laissent une marge de progression, mais ils sont plus d'un point au-dessus des moyennes de 2006, alors même que les modalités de calcul sont plus exigeantes désormais.
Ces avancées ne doivent pas masquer les difficultés auxquelles font face les personnes en situation de handicap sur le marché du travail : le taux de chômage des bénéficiaires de l'obligation d'emploi (BOE) demeure deux fois supérieur à celui de l'ensemble de la population ; leur taux d'emploi est de 39 %, contre 68 % pour l'ensemble de la population.
Pourtant, la loi de 2005 a multiplié les dispositifs permettant de renforcer l'inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail.
Elle a d'abord érigé une obligation d'aménagement de poste pour les employeurs, traduisant le principe de non-discrimination des travailleurs handicapés de manière concrète. Ces aménagements de postes peuvent passer par un renforcement de l'accessibilité bâtimentaire ou numérique, par des équipements ergonomiques ou même par des dérogations au temps de travail. Bien sûr, ces aménagements représentent une réelle charge financière pour l'employeur. C'est pourquoi des opérateurs de l'État se voient affecter les contributions financières des employeurs ne respectant pas l'OETH, afin de solvabiliser les projets d'aménagements et de formation des entreprises qui embauchent ou maintiennent dans l'emploi des personnes en situation de handicap. La loi de 2005 a créé, à l'image de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) afin de tirer les conséquences de l'extension de l'OETH au secteur public. En 2023, l'Agefiph et le FIPHFP ont respectivement mobilisé 577 et 111 millions d'euros au bénéfice du maintien dans l'emploi des salariés et des agents publics en situation de handicap.
Un autre chantier concerne plus précisément l'accès à l'emploi des travailleurs handicapés. Là encore, la loi de 2005 a fait preuve d'innovation, en rapprochant les différents acteurs du service public de l'emploi dans l'intérêt des personnes en situation de handicap. Cet objectif s'est trouvé concrétisé dans la récente réforme pour le plein emploi, qui a porté le rapprochement du réseau des Cap emploi et de Pôle emploi, renommé France Travail. Ce rapprochement a, entre autres, permis la création de « lieux uniques d'accompagnement », où des équipes mixtes de France travail et de Cap emploi procèdent à une orientation unique des demandeurs d'emploi en situation de handicap. Cet accompagnement rénové doit aussi permettre de faciliter l'accès des demandeurs d'emploi en situation de handicap aux formations professionnelles, puisque le niveau de formation demeure leur premier frein à l'emploi.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - La loi de 2005 a également eu un fort impact sur les secteurs protégés et adaptés, qui nous semblent être des modèles uniques à préserver.
Les entreprises adaptées, créées sous leur forme actuelle par cette loi, sont tenues d'employer au moins 55 % de travailleurs handicapés, et visent à soutenir le projet professionnel de ces travailleurs. Elles connaissent un grand succès, puisqu'il en existe plus de 800 de nos jours, et qu'elles offrent un positionnement intermédiaire entre le milieu protégé et le milieu ordinaire, permettant ainsi des logiques de parcours progressifs pour certains travailleurs.
La loi de 2005 a par ailleurs porté une réforme des établissements et services d'accompagnement par le travail (Ésat), en mettant en place une garantie de rémunération du travailleur handicapé. Ces établissements sociaux et médico-sociaux qui placent le travail au coeur du projet d'accompagnement des personnes en situation de handicap sont ainsi tenus de financer au moins 5 % de la garantie, qui varie entre 55 % et 110 % du Smic, par leur activité de production - le reste étant abondé par l'État.
Cette mesure a initié un mouvement de rapprochement des droits des travailleurs du milieu protégé de ceux du milieu ordinaire, récemment accentué par la loi pour le plein emploi : complémentaire santé, titres-restaurant, droits syndicaux, etc. Dans cet élan, l'hypothèse de la mise en place d'un « statut de quasi salarié » a récemment été évoquée par les ministres de tutelle de ces établissements. Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) a expertisé le scénario d'une garantie de rémunération rehaussée au niveau du Smic. Il ressort de ces travaux qu'une telle évolution aurait un effet assez inégal sur le niveau de vie des travailleurs d'Ésat du fait du caractère différentiel de l'AAH, et qu'elle conduirait plus de 55 % de ces établissements à être déficitaires dès la première année. Par conséquent, nous vous proposons d'appeler le Gouvernement à ne pas envisager d'augmentation de la rémunération des travailleurs d'Ésat sans mettre en oeuvre une réforme globale du système de financement de ces établissements.
Mme Corinne Féret, rapporteure. - En définitive, vous l'aurez compris, le résultat de nos travaux invite, non pas à proposer une nouvelle loi pour le handicap, mais plutôt à continuer de s'emparer des outils et des principes posés par la loi du 11 février 2005.
Celle-ci a permis de nombreuses avancées, mais les efforts ne doivent pas être relâchés, avec toujours la conviction, énoncée dans la déclaration de Madrid, que « ce qui se réalise aujourd'hui au nom des personnes handicapées prendra sens pour chacun dans le monde de demain ».
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je salue le travail de nos collègues. Votre communication sur le bilan de la loi de 2005 nous conduit à constater que des progrès ont été réalisés, mais que des marges de progression sont encore possibles.
Vos propos rejoignent ceux que nous avons entendus hier lors du colloque avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) : il est nécessaire de changer les mentalités. Il faut passer d'une injonction à un réflexe, puis à une normalité. On ne devrait plus s'interroger sur les marges de progression à faire dans les politiques publiques ; il faudrait passer de la démarche inclusive au vivre ensemble, et cela passe par l'éducation et la formation.
Au cours de ces dernières années, j'ai le sentiment que nous avons un peu perdu le sens des priorités. En effet, pour le football amateur, par exemple, dans le cadre de la construction des vestiaires, les communes sont obligées de prévoir des vestiaires pour les arbitres handicapés - les cas sont plutôt rares -, alors qu'elles pourraient contribuer à améliorer la mobilité pour l'ensemble des personnes handicapées.
Par ailleurs, je note que la tarification des établissements médicosociaux n'a pas été augmentée depuis des années, ce qui a des conséquences sur leurs investissements.
Enfin, je déplore les temps d'attente insupportables dans certains départements. Un compteur avait été prévu dans chaque MDPH ou maison départementale de l'autonomie (MDA) pour améliorer le temps d'attente. Il était de nature à inciter les départements à faire mieux d'année en année.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Le président Gérard Larcher et le président Philippe Mouiller ont souhaité que le bilan de la loi de 2005 soit transversal, ce qui est inédit. Cela a permis d'organiser des auditions différenciées de plusieurs associations au sein des différentes commissions. Aussi, c'est la commission des affaires économiques qui traite de l'accessibilité des bâtiments.
Nous avons envoyé un questionnaire aux MDPH concernant le temps d'attente. Nous vous faisons part du constat tiré de la trentaine de réponses que nous avons reçues. Toute amélioration est évidemment bienvenue.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - En matière d'amélioration des délais, il faut souligner que la CNSA vient en appui des MDPH par le biais de la mission d'appui opérationnel pour identifier les difficultés et proposer des pistes d'amélioration.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je remercie nos trois rapporteurs pour leur rapport, qui est fidèle à la réalité. Dans le cadre du groupe d'études Handicap, la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq a évoqué la création de places d'hébergement, les délais d'instruction des dossiers, la question de l'inclusion. À cet égard, je veux saluer l'action du milieu associatif, qui a permis d'obtenir des avancées significatives, intervenant auprès du Gouvernement pour défendre les personnes en situation de handicap.
Je veux vous rendre attentifs au problème rencontré par les élus municipaux ou les présidents d'associations en situation de handicap, qui a été soulevé par le président de la délégation départementale du Pas-de-Calais de l'Association des paralysés de France (APF), M. Stéphane Joly, que j'ai rencontré. Alors qu'il est en fauteuil roulant et vit dans une structure pour personnes handicapées, il n'est pas remboursé de ses frais de déplacement. Si le directeur de la structure d'hébergement ne mettait pas gracieusement à sa disposition un aide-soignant pour l'emmener, il ne pourrait pas assister aux réunions de la délégation départementale de l'APF ni à celles du conseil municipal où il siège. C'est un véritable sujet sur lequel nous devons pencher.
Mme Frédérique Puissat. - Je remercie nos rapporteurs de ne pas solliciter financièrement plus encore les départements dans leurs préconisations. Dans nos territoires, les présidents des conseils départementaux nous demandent d'arrêter de voter des lois qu'ils ne peuvent plus appliquer !
Vous n'avez pas évoqué le manque de places dans les instituts médico-éducatifs (IME), notamment pour les enfants. Il manquerait 600 places dans le département de l'Isère. Tout ne relève pas de l'inclusion et ces familles sont dans la détresse.
Mme Annick Petrus. - Je remercie les rapporteurs de ce travail remarquable. Je m'inspirerai de leur rapport d'information en tant que co-rapporteur d'une mission sur le handicap en outre-mer, au titre de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Je souhaite mettre en lumière les défis spécifiques rencontrés dans nos territoires pour ce qui concerne l'application de la loi du 11 février 2005. À ce titre, je veux poser une question sur l'inclusion scolaire et l'accompagnement des élèves en situation de handicap.
L'accès à l'éducation des enfants en situation de handicap est encore trop souvent un parcours du combattant en outre-mer. Le manque des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et l'absence de structures adaptées obligent certaines familles à quitter leur territoire pour garantir une scolarité digne à leur enfant. Comment assurer une meilleure répartition des AESH et garantir un accompagnement pérenne et efficace de ces élèves ?
Mme Jocelyne Guidez. - Merci pour ce rapport très intéressant, qui est sans surprise. Même si des avancées ont été réalisées, il faut continuer à progresser.
Si l'on construit de moins en moins d'IME, c'est parce que l'on veut inclure absolument tous les enfants, quels que soient la nature et le degré du handicap. Mon propos va peut-être choquer certains d'entre vous, mais il n'est pas possible de suivre cette logique. Cette inclusion à tout prix a des conséquences sur les enfants, qui ont besoin de bienveillance et d'un suivi adapté ; mais aussi pour les parents et pour les professeurs des écoles qui ne sont pas formés pour cela. Arrêtons avec l'inclusion à tout prix ! Construisons des IME et accueillons nos enfants lourdement handicapés dans des structures bienveillantes !
J'évoquerai également la question de l'emploi des personnes handicapées, qui exige des avancées. On peut employer, sans aucun problème, les personnes mal entendantes, par exemple.
Mme Raymonde Poncet Monge. - N'oublions pas les possibilités hybrides : des enfants peuvent être accueillis durant des demi-journées. Développons les accueils de jour, car ces structures voient leurs moyens diminuer, au prétexte de l'inclusion.
Mme Patricia Demas. - Je remercie également les rapporteurs de leur travail.
Je veux vous alerter sur la question de l'accès aux droits des personnes handicapées qui travaillent. Les bénéficiaires de l'AAH qui souhaitent percevoir la prime d'activité doivent remplir deux formulaires différents, avec des montants sociaux différents à déclarer. Il importe de faciliter l'accès aux droits de ces personnes en simplifiant la base des ressources, car il est plus difficile encore pour une personne handicapée de solliciter une prime d'activité.
Mme Émilienne Poumirol. - N'oublions pas les personnes handicapées vieillissantes, car il y a là un trou dans la raquette. On manque de structures pour ces personnes à partir de cinquante-cinq ans qui ont des problèmes d'autonomie très importants. Je travaille sur un projet de construction d'une telle structure et je me heurte à la lourdeur de la bureaucratie. Comment faciliter la création de ces structures ?
Mme Anne-Sophie Romagny. - Merci pour cet excellent rapport.
Je veux attirer votre attention sur les âges charnières des personnes handicapées. Les parents ne savent pas comment leur enfant handicapé va évoluer à l'âge adulte. On se focalise sur le handicap, mais l'accompagnement des parents est également important, car ils s'interrogent sur l'avenir de leur enfant quand eux-mêmes seront âgés.
J'ai évoqué avec la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq la possibilité de dématérialiser les cartes d'invalidité, source d'économies. Toutefois, ne faisons pas d'amalgame avec la dématérialisation des demandes formulées auprès des MDPH.
Mon troisième point de vigilance porte sur les évolutions législatives ou réglementaires. Veillons à ne pas alourdir trop les charges financières des départements ; je pense à la PCH attribuée dorénavant sans condition de ressources.
Mme Corinne Imbert. - Je partage vos propos sur la question des places en IME. La ministre est attentive à la création de places.
Permettez-moi de faire un lien entre la protection de l'enfance et la santé. Certains enfants confiés au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ont un dossier à la MDPH pour des troubles psychologiques plus ou moins graves. Les départements sont confrontés au problème de la sectorisation en psychiatrie. Considérant les difficultés que rencontrent la psychiatrie et la pédopsychiatrie, il faut lever cette contrainte de sectorisation dans l'intérêt de ces enfants.
M. Philippe Mouiller, président. - Pour finir, j'aurais également une question qui me semble importante : quel est le sentiment des personnes, et notamment des associations, que vous avez auditionnées sur la loi de 2005 ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Nous l'avons dit en préambule, nous nous sommes cantonnées aux questions relatives aux affaires sociales. Soyez assurés que les autres problématiques sont examinées.
La question des mandats électoraux est traitée par la commission des lois. Notre collègue Marie Mercier a pris en considération cette demande, ainsi que celle de la dématérialisation de la carte d'invalidité. Le colloque nous permettra d'avoir une restitution des travaux des quatre autres commissions qui travaillent sur le bilan de l'application de la loi de 2005.
De la même façon, les questions relatives à l'éducation et aux AESH sont traitées par la commission de la culture.
Les acteurs que nous avons rencontrés estiment que la loi de 2005 est un acte fondateur dans la mesure où, pour la première fois, les élus ont travaillé en collaboration avec les associations. Il faut continuer à cheminer pour obtenir de nouveaux progrès.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Nous avons abordé dans notre rapport d'information la nécessité d'avoir des IME, mais sans nous y attarder, car la loi de 2005 n'en traite pas. Rien ne nous empêche de faire des propositions sur ce sujet.
Des personnes auditionnées nous ont fait part de la souffrance des enseignants, se sentant quelquefois démunis pour prendre en charge des enfants souffrant de handicaps différents et multiples et déplorant le manque de formation.
Certes, les personnes souffrant de handicaps rencontrent des difficultés pour faire une demande de prestations sociales du fait des revenus de référence retenus, mais cela est vrai pour toute personne. Il faut faire un travail de simplification et de convergence afin d'harmoniser les bases, et le déploiement de la solidarité à la source nous semble être une opportunité en ce sens.
Les associations ont reconnu que la loi de 2005 constitue une avancée exceptionnelle, avec la reconnaissance du handicap dans la vie quotidienne, même si elles portent d'autres revendications.
Mme Corinne Féret, rapporteure. - La CNSA dispose d'une cellule de soutien aux MDPH, qui a montré son efficacité. Nous déplorons toutefois qu'elle ne soit pas reconduite à partir de cette année, et qu'elle soit remplacée par la mise à disposition des MDPH d'un kit d'autodiagnostic. On enlève de l'humain là où c'est précisément nécessaire. Démonstration sera faite que rien ne vaut la présence de personnes.
Madame Apourceau-Poly, vous avez raison d'insister sur le rôle des associations. La loi de 2005 a été élaborée avec les associations. Toutes ont reconnu cet atout essentiel, tout en indiquant qu'il fallait poursuivre le travail pour s'adapter à l'évolution de la société.
Madame Petrus, nous avons évoqué la situation des outre-mer dans notre rapport, en insistant sur le fait que la délégation aux outre-mer travaille sur le sujet.
Lors de l'audition avec la ministre Catherine Vautrin, nous avons parlé du vieillissement de la population, mais n'avons pas eu le temps de parler des personnes vieillissantes en situation de handicap ; il faudra y revenir.
Les associations ont eu à coeur de nous faire part de ce qu'elles vivent sur le terrain depuis vingt ans. Elles ne remettent pas en question la loi de 2005, mais estiment que des marges de progrès sont possibles.
M. Philippe Mouiller, président. - Madame Petrus, lors du colloque, nous annoncerons les travaux que vous faites au titre de la délégation aux outre-mer. Lorsque vous aurez terminé vos travaux, nous vous inviterons à nous présenter votre rapport.
Madame Poumirol, peut-être pourriez-vous vous rapprocher de l'agence régionale de santé pour obtenir quelques crédits.
Concernant les problématiques rencontrées par les départements, je vous rends attentifs au fait que les représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF) siègent au sein du conseil d'administration de la CNSA, mais que leur parole n'est pas toujours suffisamment entendue. Nous auditionnerons dans les semaines qui viennent le directeur de la CNSA.
Les recommandations sont adoptées à l'unanimité.
La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
La réunion est close à 11 h 35.