Mardi 14 janvier 2025

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à prolonger la dérogation d'usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire - Examen des amendements au texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, en ce début d'année, je vous présente mes meilleurs voeux.

Permettez-moi de faire un point sur l'organisation de nos travaux pour les semaines à venir. Le 23 janvier après-midi, le Sénat examinera les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS), considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale du fait de l'adoption de la motion de censure. L'Assemblée nationale examinera donc en nouvelle lecture le texte issu des travaux du Sénat, puis le Sénat poursuivra cette nouvelle lecture la semaine du 15 février. Je rappelle que s'applique, pour toute nouvelle lecture, la règle de l'entonnoir, c'est-à-dire que seuls peuvent être déposés les amendements ayant une relation directe avec les dispositions en discussion.

Par ailleurs, devrait être inscrite à l'ordre du jour de nos travaux la suite de l'examen de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Nous nous sommes également saisis pour avis du projet de loi d'urgence pour Mayotte et du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. Nous examinerons aussi la proposition de loi déposée par des collègues du groupe CRCE visant à indexer les salaires sur l'inflation.

Nous en venons à présent à l'examen des amendements portant sur le texte de la commission sur la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d'usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire ; cinq amendements ont été déposés. Ce texte sera examiné en séance publique ce jour, après la déclaration du Gouvernement.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Avant l'article unique

Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. - Je présente également tous mes voeux de bonne et heureuse année à chacun d'entre vous.

La mise en place d'un plafond d'utilisation de titres-restaurant spécifique pour les restaurants prévu par l'amendement n°  1 rectifié est une idée prometteuse. Il est vrai que le coût d'un repas au restaurant est nécessairement plus élevé que celui d'un repas préparé chez soi. Un mécanisme similaire a d'ailleurs été mis en place durant la crise sanitaire. Cependant, cette disposition ne semble pas adaptée au texte qui nous est soumis.

En effet, l'adoption de cet amendement reviendrait à retarder l'entrée en vigueur du dispositif dérogatoire. En outre, il conviendrait d'organiser une large concertation avec les différents acteurs concernés afin d'aboutir à un équilibre consensuel. Enfin et surtout, le Conseil d'État a estimé que le risque de rupture du principe d'égalité entre commerces et restaurants était avéré. Une étude approfondie est donc nécessaire avant d'envisager un tel dispositif. C'est pourquoi mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié.

Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. - Pour les mêmes raisons, mon avis est défavorable à l'amendement n°  5 rectifié, qui vise à supprimer le plafond d'utilisation des titres-restaurant. Le risque constitutionnel me semble encore plus important.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié.

Article unique

Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. - Les amendements identiques nos  2 rectifié, 3 rectifié quater et 4 tendent à rétablir la durée de dérogation de deux ans, adoptée par l'Assemblée nationale. Vous le savez, la commission des affaires sociales a choisi de réduire à un an la prolongation du régime dérogatoire d'utilisation des titres-restaurant pour les produits alimentaires non directement consommables, conformément à la rédaction initiale de la proposition de loi. Nous avons estimé que la durée d'un an permettait d'engager une concertation en vue de procéder à la réforme que tous les acteurs appellent de leurs voeux.

Nous n'avons pas changé d'avis, mais le contexte politique inédit que nous connaissons n'a pas permis l'adoption de ce texte avant le 1er janvier. Aussi, il importe de clarifier rapidement la situation en permettant aux salariés d'utiliser leurs titres-restaurant.

C'est pourquoi je vous propose un vote conforme avec l'Assemblée nationale afin de permettre une application immédiate de ce texte. En conséquence, j'émets un avis de sagesse sur ces amendements identiques.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous étions convenus de porter la durée de la dérogation à un an pour obliger le Gouvernement à mettre fin à ce système dérogatoire et à clarifier la situation. Vu le contexte, il convient aujourd'hui de ne pas retarder la mise en application de cette proposition de loi, tout en rappelant au Gouvernement qu'il importe d'ouvrir le débat avant la fin de cette année.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je suis étonnée de ce revirement. En 2023 déjà, ces dispositions avaient été examinées en fin d'année, nous obligeant à un vote conforme. En décembre dernier, nous avons résisté en retenant une durée de dérogation d'un an, comme le prévoyait le texte initial. Le Gouvernement devait engager une concertation. Le 4 décembre dernier, lorsque nous avons examiné ce texte en commission, on nous a dit qu'une réforme pourrait être adoptée d'ici à la fin du mois de décembre. Ce qui était possible en moins d'un mois en décembre doit également l'être en janvier.

Accepter une dérogation de deux ans risque de conduire à la pérennisation de ce régime. Il faut engager une réforme, en préservant le caractère social du ticket-restaurant. La Cour des comptes l'a souligné, la pérennisation de ce régime menace la justification de l'exonération de charges sociales et fiscales, un coût supporté par la sécurité sociale, car cette exemption n'est pas compensée.

À la fin de l'année, les moyennes et grandes surfaces deviendront sans doute les premières bénéficiaires de ce dispositif. Les restaurateurs ne peuvent pas attendre deux ans ; ils sont fragilisés ! Ne cédons pas au vote conforme et réitérons en janvier notre demande formulée en décembre.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous rappelle que ce sont vos collègues de l'Assemblée nationale qui ont voté la motion de censure. Nous devons modifier l'avis de la commission parce qu'un certain nombre de Français attendent cette disposition avec impatience.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 4.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article additionnel avant l'article unique

M. CAMBIER

1 rect.

Mise en place de plafonds d'utilisation différenciés selon les types de commerce

Défavorable

M. JOYANDET

5 rect.

Suppression du plafond d'utilisation des titres auprès des restaurateurs

Défavorable

Article unique

Mme GUILLOTIN

2 rect.

Rétablissement d'une durée de dérogation de deux ans

Sagesse

Mme SOLLOGOUB

3 rect. quater

Rétablissement d'une durée de dérogation de deux ans

Sagesse

M. IACOVELLI

4

Rétablissement d'une durée de dérogation de deux ans

Sagesse

La réunion est close à 14 h 50.

Mercredi 15 janvier 2025

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Accès aux études de santé - Audition des conférences des doyens des universités

M. Philippe Mouiller, président, rapporteur. - Mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous souhaiter une belle année 2025, tout en espérant davantage de stabilité pour notre pays.

Dans le prolongement du rapport de la Cour des comptes consacré à la réforme de l'accès aux études de santé publié en décembre 2024, nous souhaitons échanger avec ceux qui connaissent bien le sujet pour avoir été amenés à la mettre en place, car ils disposent déjà de recul sur ses points forts et sur ses difficultés.

À cette fin, sont présents autour de la table : M. Benoît Veber, président de la conférence des doyens des facultés de médecine ; M. Vincent Lisowski, président de la conférence nationale des doyens de pharmacie ; M. Assem Soueidan, représentant de la conférence des doyens des facultés d'odontologie ; Mme Fabienne Darcet, présidente de la conférence nationale des enseignants en maïeutique.

Je vous indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est retransmise en direct sur le site du Sénat et sera disponible en vidéo à la demande.

Je vais vous céder à chacun la parole pour un propos introductif d'environ cinq minutes.

Mme Corinne Imbert, M. Khalifé Khalifé, Mme Véronique Guillotin et moi-même, rapporteurs de la mission d'information sur l'accès aux études de santé, vous poserons ensuite les premières questions. Enfin, les commissaires qui le souhaiteront pourront également vous interroger.

M. Vincent Lisowski, président de la conférence nationale des doyens de pharmacie. -Je vous adresse tous mes voeux en ce début d'année. Nous avons pris connaissance de ce rapport de la Cour des comptes, auquel nous avons contribué.

J'aimerais d'abord rappeler quelques spécificités de la pharmacie. Depuis 2022, notre filière a, du fait de la mise en place de cette réforme parcours d'accès spécifiques santé (Pass)-licences accès santé (LAS), enregistré 1 800 places vacantes en deuxième année, soit environ 50 % du recrutement annuel dans les facultés de pharmacie de France.

Ensuite, la démographie pharmaceutique, à l'instar de celle des différentes filières de santé, est en berne. Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a ainsi récemment présenté des chiffres inquiétants, avec plus de 20 % de postes vacants en biologie médicale, 15 % de postes vacants en pharmacie hospitalière et 10 % de postes vacants dans les officines. Les entreprises du médicament (Leem) ont, quant à elles, exprimé leurs vives inquiétudes quant aux recrutements des futurs pharmaciens responsables, indispensables au bon fonctionnement de l'industrie.

Un troisième point de contexte a trait à la hiérarchisation des études de santé, entretenue par le système Pass-LAS, comme la première année commune aux études de santé (Paces) en son temps. Si ladite hiérarchisation est bénéfique pour les étudiants, qui ont le choix entre quatre filières - voire davantage en fonction des universités -, ce phénomène les conduit souvent à choisir la filière pharmacie par défaut, par manque de connaissance des métiers de la pharmacie ou parce que nombre d'entre eux souhaitent s'orienter vers des métiers du soin - la pharmacie en est un, mais peut-être pas au même titre que d'autres filières de santé.

Plus de 60 % des étudiants en deuxième année ne souhaitaient ainsi pas venir en pharmacie en premier voeu, voire en deuxième voeu. Il en résulte des problèmes d'engagement étudiant pour les équipes pédagogiques des vingt-quatre facultés de pharmacie de France. Très rapidement - dès la troisième année -, des étudiants nous demandent des passerelles vers d'autres filières de santé ; nous observons un phénomène d'abandon assez significatif avec des départs à l'étranger d'étudiants tentant leurs chances ailleurs, sur d'autres filières de santé. S'y ajoutent, dès la deuxième année, des demandes de césure pour tenter leur deuxième chance via le système Pass-LAS afin d'accéder à leur filière de premier voeu, tout en conservant une place « au chaud » en pharmacie.

Cette situation est inacceptable pour nous, car nous avons besoin de pharmaciens et donc de recruter des étudiants motivés par les études de santé, en particulier dans la filière pharmacie : cette hiérarchisation constitue donc un problème.

En résumé, la « sélection par la douleur » pour l'entrée dans les études de santé reste la règle, le Pass étant une sorte de Paces déguisée, et la souffrance mentale des étudiants persiste. S'agissant des LAS, j'estime que nous avons tous un mea culpa à faire dans les universités, car elles n'ont pas toujours été construites avec le souhait d'en faire un vecteur de recrutement, certaines universités ayant privilégié le Pass. Nous n'avons ainsi pas toujours su réunir les ingrédients pédagogiques permettant d'aborder ces études de façon convenable, d'où un certain nombre de redoublements, comme vous avez pu le constater à la lecture du rapport de la Cour des comptes.

Néanmoins, plusieurs points positifs de la réforme sont relevés par la Cour, dont la territorialisation du recrutement des étudiants. Il est en effet essentiel - les sénateurs sont sensibles à ce sujet - de recruter les étudiants les plus susceptibles de revenir exercer à terme dans les territoires. Nous croyons qu'il faut tenter de maintenir cette territorialisation, les LAS territoriales telles que celles de Montpellier ou de Nîmes permettant d'enrichir les promotions et de recruter les étudiants à même de revenir exercer dans ces mêmes territoires.

Le deuxième point positif réside dans le quasi-doublement du taux d'accès aux filières médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie (MMOP) dès la première candidature, là où la Paces s'avérait assez catastrophique puisqu'il fallait redoubler afin d'avoir de bonnes chances de les intégrer.

Enfin, la marche en avant des étudiants dans leur cursus fait partie des points positifs, avec très peu de redoublements. La Cour des comptes recommande de soutenir cette tendance, opinion que nous partageons à la condition que cette marche en avant s'effectue dans le cadre d'un parcours choisi et non pas subi par les étudiants, car certains n'ont pas véritablement eu le choix d'aller dans les LAS de réorientation qu'ils auraient souhaitées.

Parmi les points d'amélioration de la réforme, tous s'accordent à regretter une trop grande complexité de mise en oeuvre et un manque de lisibilité pour les étudiants et les familles, ce qui explique l'essor des prépas privées. Présentes dès l'époque de la Paces, ces dernières ont connu un développement exponentiel depuis la mise en place du système Pass-LAS, d'où une sélection par l'argent et une concurrence directe de ces structures avec nos tutorats universitaires gratuits.

Par ailleurs, nous notons une hétérogénéité des niveaux entre les étudiants venant de Pass et de LAS, que nous avons appris à gérer par le biais de réorientations et d'aides à la réussite en fonction des profils des étudiants.

Sur la base de ce diagnostic, la conférence nationale des doyens de pharmacie souhaite suivre la recommandation nº 1 de la Cour des comptes relative à « une simplification de l'accès aux études de santé centrée sur l'étudiant, le développement territorial et [...] le principe de la progression dans les études », c'est-à-dire la marche en avant que nous évoquions.

Il nous reste cependant à déterminer la forme concrète à donner à cette recommandation. Notre conférence est persuadée qu'il faut en terminer avec le dogmatisme de la sélection par la douleur et souhaite aller vers un système plus pragmatique, simple et lisible pour les étudiants.

Nous souhaitons ainsi retrouver la maîtrise de notre recrutement, en priorisant le recrutement d'étudiants qui sont avant tout motivés par la pharmacie, d'où les propositions que nous avons formulées depuis janvier 2023 : nous demandons ainsi l'expérimentation de l'ouverture d'un recrutement partiel selon une voie spécifique et complémentaire au système Pass-LAS, avec un recrutement direct via Parcoursup.

Vous pourriez m'objecter qu'une telle proposition va à l'encontre des propos tenus par le Premier ministre à ce sujet, mais tel n'est pas le cas. Nous savons en effet qu'il existe deux catégories d'étudiants à la sortie du lycée : d'une part, ceux qui savent à quoi ils aspirent et qui vont pouvoir formuler un voeu sur Parcoursup ; d'autre part, ceux qui ont besoin de mûrir leur projet professionnel et peut-être d'affiner leur projet d'orientation dans les filières de santé.

Nous sommes partisans d'un double système qui permettrait, grâce à un clic sur Parcoursup, de s'inscrire en pharmacie, ce qui nous donnerait la capacité de ne pas « manquer » les étudiants qui sont nombreux lors de nos journées « portes ouvertes », mais que nous ne retrouvons pas ensuite dans nos promotions. La recommandation nº 2 de la Cour des comptes porte sur ce point.

Nous préconisons, en outre, un élargissement du bassin de recrutement du dispositif des passerelles, actuellement ouvert aux étudiants de santé à partir de la troisième année, ainsi qu'à tous les étudiants issus de master 2. Nous rédigeons actuellement un texte en lien avec la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip), afin d'ouvrir le recrutement à des niveaux bac + 3, L3 et bachelor universitaire de technologie (BUT) + 3 pour certaines mentions proches des sciences et compatibles avec une entrée dans les études de santé. Nous avons en effet la ferme conviction que la diversité des profils se développe principalement par le biais des passerelles.

En conclusion, je tiens à préciser que nos propositions sont soutenues par l'ensemble de la branche professionnelle de la pharmacie, dont les syndicats de pharmaciens - hospitaliers ou d'officines -, l'Académie de pharmacie ou encore un certain nombre d'unions régionales des professionnels de santé (URPS). En lien avec la Dgesip et avec les parlementaires, je souhaite que nous puissions avancer dans les prochains mois sur ces propositions et trouver un chemin pour résoudre ces problématiques.

M. Benoît Veber, président de la conférence des doyens des facultés de médecine. - Professeur d'anesthésie et de réanimation, je suis doyen de l'unité de formation et de recherche (UFR) santé de Rouen et président de la conférence des doyens des facultés de médecine.

L'accès aux études de santé est un sujet prioritaire pour ces derniers. Depuis plusieurs années, nous appelons de nos voeux une refonte de la réforme de l'accès aux études de santé, déployée depuis maintenant plus de trois ans. Les différents ministres de l'enseignement supérieur nous ont répondu qu'il fallait attendre le rapport de la Cour des comptes : celui-ci étant disponible, j'espère que nous allons pouvoir avancer.

Nous partageons l'avis de la Cour des comptes quant à la trop grande complexité des modalités d'accès aux études, cette lisibilité insuffisante créant beaucoup d'anxiété chez les lycéens et leurs familles, comme l'attestent de multiples témoignages.

Tout d'abord, il faudrait donner aux universités la possibilité de choisir un système en première année : la coexistence de deux systèmes est source d'un flou considérable et les futurs étudiants veulent à tout prix rentrer en Pass et se sentent dévalorisés lorsqu'ils suivent une LAS. Par conséquent, la première proposition des doyens des facultés de médecine consiste à laisser cette liberté de choix aux universités, entre un système « tout LAS » et un système Pass en première année, tout en laissant deux chances aux étudiants. Les universités qui retiendraient un système Pass devraient donc disposer de LAS en deuxième année afin de maintenir le principe de la marche en avant, qui est l'un des points positifs majeurs de cette réforme. En effet, un étudiant qui rentre dans les études de santé intègre un parcours de licence et, s'il n'accède pas à une formation en santé pour une raison ou pour une autre, il n'aura pas perdu son temps. Il serait donc très dommageable de revenir en arrière sur ce point.

Précisons qu'il faudrait cependant limiter le nombre de LAS : à Rouen, nous ne comptons pas moins de treize licences, et une quatorzième vient d'ouvrir, ce qui n'est pas raisonnable. Quelle est la cohérence entre une LAS de coréen et la perspective de suivre une formation en santé ? Les doyens demandent donc un minimum de cohérence en retenant des LAS pertinentes pour des études de santé - biologie, physique-chimie par exemple -, car s'inscrire dans des disciplines trop éloignées correspond alors à un double cursus. Il n'y a ainsi aucune cohérence à faire une première année de droit avant de s'orienter vers la médecine, la pharmacie, la maïeutique ou l'odontologie, d'autant que l'on ne forme pas un juriste en une année.

Ensuite, nos étudiants doivent disposer du même corpus de connaissances, du même nombre d'ECTS et du même volume horaire de formation en sciences biomédicales lorsqu'ils rentrent en deuxième année. Actuellement, il existe un écart considérable entre les étudiants en Pass, qui ont suivi 400 heures d'enseignement, et les étudiants en LAS, qui n'ont suivi que 100 heures de formation en sciences biomédicales. Les seconds se sentent ainsi dévalorisés en deuxième année et peinent à rattraper leur retard, ce qui les conduit à redoubler plus souvent. Ce point majeur a été souligné par la Cour des comptes et doit être réglé en harmonisant le corpus de connaissances.

Un autre objectif de la réforme a trait à la diversification des profils, ce qui constitue un objectif tout à fait louable, même si je m'inscris en faux contre la vision selon laquelle un scientifique serait forcément un mauvais communiquant et un littéraire nécessairement doué dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, la diversité des profils est intéressante du point de vue de l'« irrigation » territoriale : à ce stade, l'objectif n'est que partiellement atteint, car nous n'avons que peu d'étudiants issus d'un parcours uniquement LAS.

Je rejoins M. Lisowski lorsqu'il souligne l'intérêt des passerelles tardives afin de diversifier les profils. Les projets professionnels qui sont construits au bout de cinq années de formation sont ainsi bien plus matures que ceux qui sont déposés à 18 ans. D'après notre expérience, ces étudiants qui s'intègrent cinq années après le bac sont d'excellents éléments et peut-être pourrions-nous augmenter le nombre d'étudiants accueillis par ce canal.

Enfin, les étudiants disposent bien de deux opportunités pour réussir le concours d'accès aux formations en santé, et la deuxième chance doit garantir l'équité.

M. Assem Soueidan, représentant de la conférence des doyens des facultés d'odontologie. - La première année qu'était la Paces constituait un socle commun aux différentes filières. Depuis la mise en place du système Pass-LAS, l'hétérogénéité s'est accrue, même si nous peinons à mesurer la diversification de la provenance territoriale des étudiants dans la mesure où il n'existe que seize UFR d'odontologie. À Nantes, les étudiants venaient, dès avant le déploiement du nouveau système, de Tours, d'Angers, de Poitiers, de Guyane et de Nouvelle-Calédonie. Il est sans doute trop tôt pour mesurer cet impact de la réforme, alors que les étudiants arrivés depuis sa mise en place sont aujourd'hui en cinquième année.

Pour ce qui est des phénomènes à l'oeuvre en odontologie, les étudiants en LAS éprouvent davantage de difficultés que les étudiants en Pass en deuxième année, mais rattrapent leur retard au second semestre dans la plupart des cas et nous observons un rapprochement des résultats, du moins sur les examens écrits. Tel n'est pas le cas en médecine, filière dans laquelle un écart de 1,5 point à 2 points continue à s'observer en cinquième année entre les deux catégories. Pour ma part, je ne distingue plus les Pass des LAS en cinquième année, en précisant que les études d'odontologie présentent un caractère très professionnalisant dès la deuxième année.

Par ailleurs, nous observons que certaines familles suffisamment dotées envoient leurs enfants en Espagne ou au Portugal pendant cinq ans, pour un coût moyen de 100 000 euros. Ces étudiants reviennent ensuite pour être chirurgiens-dentistes. Un chiffre est particulièrement frappant : 50 % des nouveaux inscrits au Conseil de l'ordre national des chirurgiens-dentistes sont formés en dehors de l'Hexagone, le problème étant qu'ils ne s'installent pas dans les territoires qui ont le plus besoin de praticiens, mais dans les milieux urbains dans lesquels des chirurgiens-dentistes sont déjà présents.

Afin d'assurer le maillage du territoire, il faudra sans doute envisager, au-delà de l'incitation, de recourir en partie à la coercition, en prévenant les entrants qu'ils devront s'installer là où des besoins existent.

Pour en revenir à la réforme Pass-LAS, la principale difficulté a trait au manque de lisibilité pour les étudiants et les parents, sans oublier le fait que les premiers développent des stratégies et ne choisissent pas nécessairement leur filière par affinité. Pour reprendre l'exemple de Nantes, ils choisiront ainsi des filières telles que la chimie, la psychologie ou encore l'économie-gestion, les plus susceptibles de leur ouvrir l'accès aux filières de santé.

Pour autant, nous ne déplorons aucun problème d'attractivité et comptons toujours autant de candidats pour la filière d'odontologie. De surcroît, nous n'enregistrons pas de demandes d'années de césure et quasiment aucun abandon. Selon nous, le véritable enjeu réside dans la simplification, afin de ne pas mettre les étudiants en difficulté.

Sans me faire l'avocat de la réforme, je rappelle aussi qu'elle a été percutée par la crise du covid.

Mme Fabienne Darcet, présidente de la conférence nationale des enseignants en maïeutique. - Directrice de l'école de sages-femmes de Rouen, j'ai la chance de travailler aux côtés de M. Veber et je préside la conférence nationale des enseignants en maïeutique.

À première vue, la maïeutique pourrait paraître manquer d'attractivité, mais notre profession est en fait assez peu connue du jeune public, les lycéens connaissant bien les médecins, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes, mais bien moins les sages-femmes. Souvent, la première année des études de santé permet d'informer et de sensibiliser les jeunes étudiants et de les orienter vers la maïeutique.

Nous n'enregistrons que moins de 10 % de places vacantes, et c'est surtout dans les DROM-COM que nous peinons à recruter, la métropole présentant moins de difficultés. Nos problématiques sont donc bien distinctes de celles de la pharmacie et nous ne sommes pas favorables à l'expérimentation proposée par la Cour des comptes visant à ajouter une voie de sélection, car elle nous semble aller à l'encontre de la simplification que tous appellent de leurs voeux. Pour tenir les journées « portes ouvertes » de l'université, je peux confirmer que les parents ne connaissent souvent pas la réforme Pass-LAS et qu'il est possible de parler de « choix stratégiques » pour accéder aux études de santé.

Nous avons d'ailleurs été très étonnés d'être associés à cette expérimentation et souhaitons surtout davantage de lisibilité pour les choix des étudiants, ce qui permettrait de renforcer notre attractivité. J'ajoute que nous sommes actuellement en pleine réforme de la formation avec la mise en place d'une sixième année, ce qui m'amène, une fois encore, à ne pas soutenir l'ajout d'une complexité supplémentaire par le biais d'une expérimentation qui ne serait pas judicieuse pour les études de maïeutique. Dans la perspective d'une simplification, une première année identique pour tous les étudiants nous conviendrait, tandis que nous soutenons l'idée d'un comité de suivi avancée par la Cour des comptes.

S'agissant du contenu des mineures santé, il faudrait insister davantage sur les parcours professionnels des quatre filières afin que le choix des étudiants soit correctement éclairé. Je pense qu'il conviendrait de renforcer les liens avec les conseillers d'orientation, des informations erronées circulant au sujet de la profession de sage-femme. Nous souhaiterions donc qu'une plus grande place soit accordée à la maïeutique au cours de la première année.

À l'instar de M. Veber, nous pensons également qu'il faut éviter de multiplier les LAS afin de ne pas créer de confusion et de difficultés pour les étudiants.

La fongibilité des accès n'a, quant à elle, pas été évoquée jusqu'à présent. S'il était possible de rebasculer des places non prises en LAS dans les Pass, tel ne sera plus le cas cette année, ce qui est regrettable. Pour prendre le cas de l'université catholique de Lille, dix places n'ont pas été pourvues en maïeutique au motif que le quota des bascules des places en LAS vers le Pass avait été dépassé. Les universités devraient avoir la maîtrise de cette fongibilité, sous peine de pénaliser des étudiants désireux de suivre ces études.

Nous partageons également le constat de l'intérêt des passerelles tardives, dispositif utile qui contribue à diversifier les profils et permet d'accueillir des étudiants motivés. En outre, l'écart de résultats entre les étudiants en LAS et en Pass s'estompe également dans notre filière, car nous adoptons une démarche très professionnalisante.

M. Philippe Mouiller, président, rapporteur. - Il me semble que vos interventions contrastent assez nettement avec le ton employé par la Cour des comptes, plus alarmiste quant aux conséquences de la réforme.

Le principal écueil de cette dernière réside dans la complexité et le manque de lisibilité de l'accès aux études de santé, chaque université ayant de fait mené sa propre réforme en raison de l'autonomie dont disposent les établissements. Comment pourrions-nous redonner de la cohérence à l'échelle nationale tout en conservant le principe de l'autonomie ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - J'ai le sentiment que nous sommes collectivement tombés dans l'absurde, avec des objectifs qui ne sont clairement pas atteints et des étudiants qui font des choix par défaut ou qui vont étudier à l'étranger, ce tableau m'inspirant un sentiment de gâchis, sans oublier l'insatisfaction exprimée par les étudiants et les familles.

Sans vous demander de formuler un jugement, comment expliquer que la réforme ne s'applique pas partout de la même manière ? Dans certaines universités avec UFR de santé, le « tout LAS » l'emporte, avec parfois des manques de cohérence que vous avez soulignés et qui nourrissent la confusion et la frustration des étudiants : comment pourraient-ils comprendre qu'on les oblige à redoubler parce qu'ils n'ont pas eu la moyenne dans une discipline extérieure à la santé alors qu'ils souhaitent suivre des études dans ce domaine précis ? S'y ajoute l'impossibilité de redoubler en Pass, ce qui aboutit à un fonctionnement incompréhensible.

Qui choisit le nombre de LAS et les disciplines proposées ? Ces décisions sont-elles dictées par la volonté d'attirer davantage d'étudiants ?

Par ailleurs, comment pourrions-nous favoriser la réussite des étudiants venant d'un milieu rural ?

Jugez-vous, comme la Cour des comptes, qu'il est nécessaire de revenir sur la réforme en envisageant de supprimer la première année de LAS ?

Enfin, vous avez évoqué à juste titre une sélection par la douleur, car la Paces n'était pas très bien vécue. Pour autant, le Pass peut-il être attractif s'il n'existe pas de deuxième chance ? Comment pourrions-nous redonner de la cohérence au dispositif ?

M. Benoît Veber. - Les doyens ne sont pas les architectes de la réforme, on leur a simplement demandé de la mettre en oeuvre. Je rappelle qu'elle est issue du constat d'une Paces difficile pour les étudiants, à tel point qu'elle a pu être qualifiée de « broyeuse », et qu'un simple retour à la Paces représenterait à la fois un retour en arrière et un échec total alors qu'il existe malgré tout quelques points positifs, dont ce principe de marche en avant des étudiants. À ce titre, je rappelle qu'un étudiant inscrit dans un parcours licence disposera d'un diplôme même s'il n'intègre pas des études en santé, ce qui lui permettra d'ailleurs d'y postuler éventuellement via une passerelle tardive.

Le système « tout LAS » a été mis en place dans six UFR, vingt-huit autres ayant opté pour un système Pass/LAS. Je vous rejoins complètement sur la complexité du premier et, pour être tout à fait honnête, je ne réponds jamais moi-même à des questions précises sur la réforme avant d'avoir vérifié tous les détails avec les enseignants responsables, alors que je suis doyen.

La complexité de la situation pour les LAS tient également au fait qu'il faut « interclasser » les étudiants des différentes licences, alors qu'il existe plus de 100 LAS à Paris, dans des disciplines très variées. Or, comment expliquer qu'une note de 12 en chimie équivaut à une note de 12 en anglais ou en droit ? Un calcul mathématique s'applique donc : il s'agit d'une moyenne centrée réduite - « Z-score » - qui entraîne des plaintes des parents puisqu'elle aboutit à transformer un 12 en un 11 ou un 13, ce qui est incompréhensible pour les étudiants, ainsi que pour nous d'ailleurs. Il faut, selon moi, arrêter d'interclasser des étudiants qui ne suivent pas les mêmes formations et s'assurer qu'ils valident leur année de licence, tout en les classant par rapport à un examen commun, à savoir l'examen de la mineure santé.

Un autre obstacle à l'évolution du système tient à l'impossibilité, dans un certain nombre d'universités, de basculer en « tout LAS », ne serait-ce que pour des questions de capacités d'accueil des étudiants dans les licences : il faut donc avoir conscience que ce qui a été possible pour six UFR de taille modeste ne l'est pas pour d'autres établissements, qui ne peuvent que répartir leurs étudiants entre Pass et LAS.

Je vous rejoins quant à la nécessité d'uniformiser les processus. Un mouvement en ce sens est d'ailleurs intervenu pour l'oral au printemps dernier, avec un décret qui a permis de mieux structurer cet examen à l'échelon national, alors qu'il était trop laissé à la main des universités et que son poids dans la notation variait considérablement en fonction des établissements, de 25 % à 70 %. Le texte a défini un intervalle compris entre 25 % et 35 %.

Il est d'ailleurs intéressant de s'interroger sur les attentes placées dans cet oral : s'agit-il de repérer les étudiants qui sont de bons communicants ou d'intégrer cet examen dans la sélection sur la base des matières biomédicales ? Le choix qui a été effectué consiste plutôt à repérer les étudiants capables d'une bonne synthèse orale et d'une bonne communication, ce qui explique que nombre d'oraux ne portaient pas sur les matières biomédicales. Ce mode de fonctionnement a logiquement choqué les étudiants qui avaient travaillé ces matières pendant la première année, surtout lorsque cet oral portant sur une discipline en dehors du champ biomédical pesait pour 70 % de la note.

Je rejoins Mme Darcet sur les risques à venir : si la filière médicale reste très attractive en 2025, l'impossibilité de « reverser » les étudiants de LAS vers le Pass à compter du mois de juin pourrait conduire à ne pas remplir les filières médicales, ce qui serait une absurdité. Mettez-vous à la place d'un jury qui serait obligé d'aller chercher des étudiants ayant une moyenne inférieure à 10 sur 20 tandis que d'autres seraient bloqués avec 14 sur 20 ! Merci de nous aider sur ce point.

M. Vincent Lisowski. - Il me semble qu'aucun d'entre nous n'était présent lors des discussions initiales sur cette réforme, même si nos conférences ont été représentées au cours de son processus d'élaboration. Je rappelle que ladite réforme visait initialement un modèle « tout LAS », un peu sur le modèle anglo-saxon, le Pass ayant été instauré en dernière minute, ce qui a suscité bien des crispations chez certains collègues et nous a conduits à l'actuel modèle hybride. Les étudiants de LAS ne sont d'ailleurs pas de mauvais étudiants : bien au contraire, j'estime que nous n'avons pas mis en place un système qui leur aurait permis de disposer du niveau requis, ne serait-ce qu'en termes de volume d'enseignements.

En ce qui concerne la cohérence nationale, les textes réglementaires nous contraignent, notamment sur la question des flux, ce qui risque d'avoir également des répercussions pour notre filière si nous n'obtenons pas à nouveau une dérogation.

J'imagine que vous auditionnerez aussi les présidents d'universités, qui aspirent désormais à une certaine stabilité après la mise en place de ce système complexe et manquant d'agilité. Je pense qu'il faudrait trouver davantage de souplesse, en conciliant l'autonomie des établissements avec un cadrage national, par exemple, des mentions de licence éligibles pour créer des LAS.

M. Assem Soueidan. - Pourquoi existe-t-il autant de LAS ? Lorsque la réforme est tombée d'en haut, nous avons sollicité les différentes UFR afin de sonder la possibilité de mettre en place des LAS, ce qui a d'abord suscité des interrogations et des réticences puisque leurs représentants y voyaient une charge supplémentaire. Nous avons fait au mieux, car il nous avait été indiqué qu'il fallait offrir un maximum de possibilités aux étudiants, afin qu'ils ne se retrouvent pas bloqués.

Pour ce qui est des oraux, il est exact que ce type d'examen a été très décrié par les étudiants et par les parents tant il avait acquis un poids considérable : un étudiant pouvait ainsi dégringoler de 100 places à la suite d'un oral. II existe un débat sur ce point, car il s'agissait d'éviter de retenir des étudiants brillants au bac, mais incapables de tenir un discours devant un patient et de montrer de l'empathie, d'où ce passage devant des professionnels. Là aussi, nous ne pourrons mesurer l'impact de ce mode de fonctionnement que dans sept à huit ans, lorsque cette cohorte rejoindra le milieu professionnel : nous pourrons alors évaluer si les étudiants sont meilleurs qu'à l'époque de la Paces.

Globalement, cette réforme a été bâtie avec beaucoup d'idéalisme et s'est heurtée à la complexité du terrain : du fait de la multiplicité des LAS et des épreuves, sa cohérence a été complément diluée.

Mme Fabienne Darcet. - Pour prendre l'exemple de la Normandie, nous disposons de deux types d'entrées avec des Pass à Rouen et uniquement des LAS à Caen. Les familles m'interrogent afin de savoir dans quelle université il vaut mieux inscrire leurs enfants, avec des parents plus ou moins bien informés. Je peux citer le cas d'une étudiante de Cherbourg qui suit ses études de maïeutique à Rouen, car elle souhaitait intégrer le Pass. Tout cela reste très compliqué et nous laisse plutôt démunis pour répondre aux parents, d'où la nécessité de simplifier le dispositif.

Nous devons renforcer l'information dispensée aux lycéens, aux rectorats et aux conseillers d'orientation, les étudiants étant les meilleurs vecteurs pour présenter leur formation dans les lycées dont ils sont issus.

J'ajoute un point : dans les LAS, les mineures santé ne sont pas toutes égales en termes d'ECTS et il faudrait sans doute harmoniser l'enseignement en relevant le minimum de 12 à 20 ECTS, de façon à garantir la cohérence de l'enseignement.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Concernant les places vacantes, pensez-vous qu'une troisième voie d'accès via Parcoursup pourrait être pertinente ?

Ayant moi-même suivi des études médicales, je ne peux que confirmer l'extrême complexité du dispositif et des choix à opérer, ce qui a creusé les inégalités entre les familles en fonction de leur niveau d'information.

Par ailleurs, j'ai cru identifier des opinions différentes au sujet de la diversification des profils : là où la Cour des comptes pose un constat d'échec, il me semble que certains d'entre vous ont évoqué une tendance favorable. Mettez-vous en relation cette diversification des profils avec l'ouverture de possibilités d'étudier dans des UFR situées en dehors des grandes métropoles ? Il semble que les étudiants issus de zones rurales et de milieux socio-économiques moins favorisés n'ont pas aisément accès à ces études.

Enfin, il me semble que des études ont été menées sur des dispositifs tels qu'« Ambition Paces », qui permettait de préparer les lycéens non pas dans des prépas privées, mais dans le cadre de lycées situés en zone rurale. Ce type de dispositif permettrait d'améliorer le recrutement d'étudiants ruraux, les plus susceptibles de revenir ensuite dans leurs territoires : avez-vous déjà évoqué le sujet ? La loi Valletoux l'aborde avec la mise en place d'options santé dans certains lycées.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - La complexité des études de santé est telle qu'elle a pu aboutir, dans la région dont je suis élu, à des démarches judiciaires assez poussées de la part de collectifs de parents. À l'instar de mes collègues, je suis un peu perplexe dans la mesure où il existe un décalage entre la tonalité de vos interventions et celle qui a été employée par la Cour des comptes.

Chaque université a pu agir à sa guise dans la mise en oeuvre de cette réforme et j'estime que le numerus clausus était moins stressant, malgré tout, que le dispositif actuel, qui crée beaucoup d'angoisse chez les jeunes.

Quels sont, selon vous, les obstacles rencontrés par les UFR dans le renforcement du recrutement dans les différentes filières ? Quelles sont vos propositions afin de favoriser des recrutements dans les territoires qui en ont le plus besoin, à la fois quantitativement et qualitativement ?

Enfin, vous avez évoqué à juste titre le nombre de LAS qui ne sont pas adaptées : pourquoi les universités ne proposent-elles pas une offre cohérente de LAS et de passerelles tardives ?

Mme Florence Lassarade. - Ayant exercé le métier de pédiatre, j'ai été choquée d'apprendre que la France occupe la vingt-deuxième place en termes de mortalité infantile. N'y a-t-il pas d'urgence à former bien plus massivement des étudiants ? Les facultés en ont-elles la capacité ?

Par ailleurs, le président de l'université de Bordeaux m'a alertée sur le fait que la territorialisation des études pourrait poser problème, car des villes telles que Dax ou Agen n'ont plus les moyens de financer ces formations.

M. Benoît Veber. - Nous avons tous exprimé des réserves sur la réforme, le système actuel restant insatisfaisant. Concernant la diversification des profils, je précise qu'il convient de différencier les LAS des passerelles tardives, ces dernières concernant des étudiants qui ont pu avoir des parcours très variés, dont certains peuvent être issus, par exemple, d'écoles d'ingénieurs. Pour ce qui est des LAS, nous ne pourrons diversifier les profils qu'à la condition de recruter plus tardivement, c'est-à-dire en permettant aux étudiants d'obtenir un niveau licence avant de passer un concours de type passerelle.

La réforme a abouti à un fonctionnement bien différent, puisque les étudiants tentent leur chance en fin de première et en fin de deuxième année, ce qui limite la coloration liée à leur formation spécifique en licence. Voilà qui explique l'échec de la diversification des profils à ce niveau : si l'on souhaite atteindre cet objectif, il faut permettre aux étudiants d'avoir une première formation en licence et de tenter l'accès plus tardivement, mais en sachant qu'il en résultera un allongement des études, ce qui est un véritable problème.

Pour ce qui concerne les lycées, personne n'ignore la disparité de leurs résultats. Nous avons ouvert une antenne Pass au Havre, alimentée par un ou deux très bons établissements de cette ville, les résultats de cette antenne étant identiques à ceux des étudiants de Rouen inscrits en Pass.

Cette piste de la délocalisation de la première année mérite d'être travaillée : à l'âge de 18 ans, il est important d'être protégé par le cocon familial afin de pouvoir se consacrer au concours. Dans le prolongement de cette action, nous envisageons d'ouvrir une antenne Pass à Évreux, ce qui permettrait de diversifier les profils en donnant l'opportunité à des jeunes qui n'auraient pas osé rejoindre une grande ville universitaire de suivre ces études, même s'ils devront ensuite se déplacer en deuxième année.

Précédemment, l'État fixait, par le biais du numerus clausus, le nombre d'étudiants à admettre en deuxième année ; désormais, le nombre de places est déterminé dans le cadre d'une discussion pluriannuelle entre le doyen de médecine de l'université d'un côté et le directeur de l'ARS de l'autre, le premier faisant état des capacités de formation de la faculté, le second des besoins en professionnels de santé dans la région concernée. Cette évolution a abouti à une augmentation du nombre d'étudiants admis de 20 % : autrement dit, il est plus facile aujourd'hui de rentrer en médecine qu'à l'époque de la Paces, même si la situation n'est pas vécue ainsi par les étudiants.

Enfin, il existe bien des limites à la capacité de formation : à Rouen, la bibliothèque universitaire ne compte que 400 places et le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) ne sert que 380 couverts pour 2 000 étudiants, tandis que les amphithéâtres sont trop petits pour accueillir une promotion. Cela étant, nous connaissons la faible performance pédagogique des cours magistraux - un étudiant retient environ 10 % d'une heure dispensée dans ce format - et nous avons privilégié les enseignements par petits groupes. Je précise cependant que très peu d'emplois d'enseignants ont été créés en médecine depuis vingt ans, alors que nous avons besoin de professeurs pour assurer ces cours.

J'ajoute que nous évoquons là le premier et le deuxième cycles. Quant au troisième cycle, très professionnalisant, on comprend aisément qu'un chirurgien fera participer plus facilement les internes lorsqu'ils sont en nombre limité.

Vous avez évoqué la nécessité de former des pédiatres, question tout à fait pertinente alors que nous manquons cruellement de médecins. La médecine s'apprête à connaître de profondes mutations : les professionnels qui sont formés aujourd'hui n'exerceront qu'à partir de 2035, date à partir de laquelle les médecins qui ont été formés lors du plus bas étiage du numerus clausus - 3 500 places - partiront à la retraite, étant donné qu'il y aura environ 12 000 entrées. Les courbes vont donc se croiser très rapidement.

De surcroît, l'intelligence artificielle bouleversera la médecine. Globalement, nous ne répondrons pas au défi de l'accès aux soins uniquement en augmentant le nombre de médecins formés, et il nous faudrait d'ailleurs une étude démographique fine, discipline par discipline et région par région, dont nous ne disposons pas.

J'en reviens aux étudiants accueillis en deuxième année, en rappelant qu'ils ne s'installeront pas nécessairement sur le territoire de la ville qui les a formés. En effet, le système de l'internat, organisé à l'échelon national, vient rebattre complètement les cartes. Nous avons là une véritable difficulté puisqu'il est demandé à certaines universités de faire plus à moyens constants. Pour imager mon propos, je parlerais d'un système hydraulique souffrant de fuites : malgré la forte pression exercée à l'entrée, seules quelques gouttes ressortent du tuyau en raison de nombreux trous latéraux. En résumé, l'augmentation du nombre d'étudiants en deuxième année ne suffit pas, car les capacités de formation des universités sont limitées.

Les doyens pensent qu'il faudrait travailler différemment et viennent de faire une proposition relative à l'assistanat territorial, qui pourrait répondre aux difficultés. D'autres réponses - telles que les infirmiers en pratique avancée (IPA) - sont envisageables, dans l'attente de l'arrivée des promotions d'ampleur à partir de 2035.

M. Vincent Lisowski. - Tous les enseignants-chercheurs des facultés de pharmacie plaident en faveur d'une solution qui ferait disparaître la hiérarchisation des études. Sans avancée sur ce point, le risque est de créer un blocage du côté des facultés, qui pourraient ne plus participer à la formation. Les enseignants-chercheurs des facultés de pharmacie contribuent en effet à la formation des meilleurs étudiants, sans que la filière réussisse à les recruter ensuite : vous comprendrez aisément que ce système ne peut plus nous convenir. L'expérimentation s'impose donc compte tenu de la situation actuelle, mais nous serons très vigilants quant à la prise en compte des particularités de notre filière.

Pour ce qui est de la diversité, distinguons plusieurs aspects : la diversité académique est favorisée par le dispositif des passerelles tardives, outil fort intéressant ; la diversité géographique et sociale peut, quant à elle, être encouragée par des LAS territoriales ou par les antennes évoquées par M. Veber. Elle pourrait également passer par l'instauration, sur Parcoursup, de modalités de recrutement en fonction de l'origine géographique des lycéens.

Sur un autre point, les options santé existant dans certains lycées publics sont une bonne chose, mais j'invite à ne pas fantasmer les études de santé par rapport à d'autres disciplines telles que le droit : nous sommes confrontés à des enjeux démographiques et devons informer correctement les lycéens sur les métiers vers lesquels ils pourraient s'orienter. J'ai récemment inauguré une option de ce type à Alès, afin d'aider les jeunes à réussir dans le système des études de santé.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Il ne s'agissait pas tant de la réussite que de la volonté de lutter contre le déterminisme social.

M. Vincent Lisowski. - Les deux dimensions existent. Il faut en effet dédramatiser et lever les inhibitions qui peuvent empêcher certains étudiants de tenter des études de santé, qui sont certes difficiles, mais qui ne sont pas les seules à reposer sur la sélection.

Pour ce qui est des obstacles à l'augmentation du nombre d'étudiants, nous sommes tous concernés par une problématique de moyens, mais nous avons également besoin de chiffres et d'orientations. Si l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) nous aide à définir nos besoins de formation, les doyens de la filière pharmacie manquent encore de données solides qui leur permettraient de déterminer les capacités d'accueil : je me sens ainsi démuni lorsque l'ARS m'interroge sur le nombre de professionnels à former.

Par ailleurs, nous avons nous aussi rénové nos enseignements face au très fort absentéisme constaté dans les filières de santé, le cours magistral n'étant en effet plus adapté à nos publics. Cela étant, prenons garde à ne pas céder à la facilité de l'enseignement à distance, la crise du covid ayant montré qu'il n'était pas la panacée.

Enfin, je n'ai pas de solution arrêtée afin de favoriser le retour dans les territoires. Pour la pharmacie, une répartition territoriale s'impose à nous au regard de l'implantation des pharmacies d'officine, mais encore faut-il donner l'envie aux étudiants d'y aller. La loi Valletoux a proposé un outil intéressant avec le contrat d'engagement de service public (CESP), qui existe déjà dans certaines filières et qui doit s'étendre à la pharmacie. En revanche, je ne me prononcerai pas sur la pertinence de la coercition.

M. Assem Soueidan. - Les prépas privées existaient déjà à l'époque de la Paces, mais ont effectivement explosé avec le système Pass-LAS, les parents ayant accepté de payer quelques milliers d'euros pour être rassurés de voir leurs enfants accompagnés dans un contexte d'incertitude.

S'agissant de l'augmentation du nombre de professionnels formés, nous sommes très contraints dès la quatrième année, car les étudiants en odontologie commencent alors à soigner des patients. Or nous ne disposons que d'un nombre limité de fauteuils et d'encadrants, et nous ne disposons pas de baguette magique pour élargir nos promotions.

J'attire également votre attention sur l'existence d'un effet ciseaux : si la réforme a permis une augmentation du nombre d'étudiants à hauteur de 15 % à 20 %, le manque d'attractivité de la carrière hospitalo-universitaire reste un problème du point de vue de la formation d'encadrants et de seniors qui pourraient accompagner la réforme.

J'y ajoute un changement notable du rapport au travail des jeunes, qui travaillent moins - ce n'est pas un jugement de valeur - et privilégient le salariat à l'exercice libéral. Pour remplacer un dentiste partant à la retraite, il faudra ainsi sans doute deux à trois jeunes.

En ce qui concerne la territorialisation, quelques difficultés sont à signaler : j'ai ainsi reçu une étudiante venant de Vitry-sur-Seine que Parcoursup a envoyée au Mans, puis à Angers et enfin à Nantes, loin de sa famille.

Sur un autre point, n'oublions pas que la suppression du numerus clausus ne signifie pas que le parcours n'est plus sélectif. J'estime qu'il ne faut pas gommer le fait que les études de santé sont exigeantes.

La piste d'imposer le lieu d'exercice pendant une durée donnée demeure un sujet très controversé. En aval, il faudrait nous accompagner dans l'installation de services délocalisés dans les territoires, qui ont démontré leur efficacité : les étudiants envoyés au Mans ou à Angers pendant un an trouvent le plus souvent des collaborations et finissent par se fixer dans ces territoires.

Mme Fabienne Darcet. - Au sujet des capacités de formation, nous avions augmenté en 2021 les places de maïeutique, sans pour autant bénéficier d'une hausse des budgets de fonctionnement des structures de formation, qui dépendaient jusqu'à présent des régions. Or la loi de janvier 2023 prévoit que ces budgets dépendront de l'État à compter du 1er septembre 2027, ce qui nourrit une série d'interrogations de notre part quant au maintien d'une formation de qualité.

J'ajoute que nous disposons de capacités de formation pratique grâce aux maternités, même si les chiffres de la natalité sont en baisse avec 663 000 naissances en 2024, contre 677 000 naissances l'année précédente. Certes, quelques structures de formation ne font pas le plein, mais nous formons des sages-femmes en nombre à peu près suffisant.

Pour autant, les compétences des sages-femmes ne font que s'étoffer dans la mesure où la prise en charge des femmes leur est de plus en plus dévolue. C'est pourquoi nous réorganisons notre formation et créons une sixième année de formation.

S'agissant du lieu d'exercice, les sages-femmes doivent respecter un zonage. Certains endroits sont plus attractifs que d'autres, dont le littoral et le sud de la France, mais il faut attendre qu'une place se libère pour s'y installer. Pourquoi n'appliquer ce mécanisme qu'aux sages-femmes ? La question est posée.

En outre, la délocalisation est un enjeu important pour nous, l'antenne du Havre nous permettant de recruter nombre d'étudiantes ; plutôt sédentaires, les sages-femmes retournent ensuite s'installer sur leur territoire d'origine.

Quant aux places vacantes, je pense que Parcoursup intervient trop précocement pour des jeunes qui n'ont pas encore décidé de leur avenir : la première année est donc essentielle afin qu'ils affinent leurs choix. Certains envisageant par exemple de devenir sages-femmes au motif qu'ils souhaitent s'occuper d'enfants, je leur explique alors qu'il ne s'agit pas de la voie la plus appropriée.

Mme Pascale Gruny. - Les antennes délocalisées sont-elles réellement utiles ? Les facultés de médecine de Reims et d'Amiens refusent que leurs étudiants viennent faire leur stage dans le département de l'Aisne, dont je suis élue. Si celui-ci est dépourvu de faculté de médecine, des médecins sont toutefois prêts à accueillir des stagiaires qui pourraient ensuite choisir de s'installer sur le territoire. Comment remédier à cette difficulté ?

Mme Céline Brulin. - Quels sont les effets concrets des échecs en termes de démographie médicale ? Nous formons certes des étudiants plus nombreux, mais aurons-nous réellement davantage de professionnels de santé ?

Avez-vous les moyens d'augmenter le nombre d'heures de cours dans les LAS ? Confirmez-vous que les universités disposant déjà des formations les plus nombreuses se voient proposer l'ouverture de plus de formations nouvelles, comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport ? J'estime qu'en dépit des phénomènes de « fuite », la répartition géographique des formations est l'une des clés pour lutter contre la désertification médicale.

Mme Annie Le Houerou. - Dans le département des Côtes-d'Armor, les antennes universitaires délocalisées fonctionnent plutôt bien. Pourriez-vous nous donner une évaluation plus précise de ces antennes délocalisées ?

Vous avez indiqué qu'il y avait 15 % à 20 % d'étudiants supplémentaires, ce qui ne sera pas suffisant pour répondre à la situation de la démographie médicale. Ne pourrait-on pas envisager d'autres manières d'utiliser la visioconférence, en l'associant à des compléments de professionnalisation dans les hôpitaux de proximité ? Mon département est dépourvu d'hôpital universitaire, mais il compte des maîtres de stage universitaires.

Quelque 5 000 étudiants français font leurs études de santé à l'étranger. Comment pourrions-nous les raccrocher à notre système de santé au stade de l'internat, ou même des stages ? Nous avons notamment entendu des étudiants partis en Roumanie qui rencontrent des difficultés sans nom pour venir faire leur internat ou leur stage en France.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Esther Kellenberger, doyenne de la faculté de pharmacie de l'université de Strasbourg, m'indiquait qu'il manque des étudiants dans les premières années de formation. En Allemagne, les études de pharmacie durent cinq ans, contre six ans en France, et les étudiants n'ont pas à choisir entre trois filières, ce qui paraît être plus attractif.

L'accès aux études de pharmacie directement via Parcoursup et la possibilité d'instaurer des passerelles interprofessionnelles et entre filières sont également très attendus dans cette faculté. En Allemagne et au Canada, des diplômes universitaires d'orthopédie, de micronutrition diététique ou de phytothérapie sont intégrés dans les études de pharmacie. Qu'en pensez-vous ? Que répondez-vous aux remarques d'Esther Kellenberger ?

M. Benoît Veber. - Il convient de distinguer les antennes délocalisées qui concernent le début des études de médecine et les antennes délocalisées permettant l'accueil d'étudiants en 2e ou en 3e cycle.

Les premières, qui sont des Pass et des LAS délocalisés, ont connu des succès - au Havre -, mais aussi des échecs - à Boulogne-sur-Mer. L'installation de telles antennes nécessite des infrastructures et un savoir-faire universitaires, mais sous réserve que les étudiants soient correctement accueillis, le fait de commencer leur formation à proximité de chez eux est un facteur de réussite.

Les doyens de médecine ont par ailleurs pris conscience de la nécessité d'installer des antennes universitaires pour les étudiants de 2e et 3e cycles. Il est indispensable que les UFR et les centres hospitaliers universitaires (CHU) sortent de leur mur, mais cela ne peut pas se faire d'un coup de baguette magique, d'autant que la formation à la maîtrise de stage prend du temps. Nous travaillons à rattraper ce retard.

Au sein de l'hôpital général du Havre, nous disposons désormais d'une antenne universitaire très solide, et nous venons de nommer un professeur associé à Dieppe qui est spécifiquement formé pour accueillir des étudiants, ce qui ne se résume pas à enseigner une discipline.

Ce maillage territorial dans les hôpitaux généraux et pour la médecine libérale est en cours. Il nous faut poursuivre dans ce sens.

M. Vincent Lisowski. - J'estime que nous avons les moyens d'augmenter le volume horaire de la mineure santé. La véritable question se joue toutefois au niveau, non pas des UFR, mais des universités elles-mêmes, car l'ajout d'ECTS dans un cursus de formation aurait certes pour effet d'améliorer le bassin de recrutement et le niveau des nouveaux élèves, mais il emporterait aussi une dégradation des perspectives pour les étudiants ayant commencé leurs études. Les directeurs d'université ne l'accepteront pas.

En ce qui concerne le nombre de professionnels de santé que nous formons, je crois que nous serons tous d'accord pour dire que nous aurons des difficultés pour répondre aux besoins nationaux dans les années qui viennent. La solution est le déploiement de professionnels aux missions toujours plus nombreuses, comme c'est le cas des pharmaciens d'officine ou des IPA qui assistent les médecins généralistes. Au-delà de la formation, il nous faut optimiser les compétences de tous les professionnels de santé.

Une récente étude du conseil national de l'ordre des pharmaciens indique qu'au cours des dernières années, plus de 1 000 pharmaciens titulaires d'un diplôme européen ont tenté de revenir en France. La reconnaissance des diplômes européens permet à ces personnes de revenir travailler en France sans difficulté.

Les études de pharmacie durent effectivement cinq ans en Allemagne. Dans les faits, de nombreux étudiants finissent toutefois leurs études en six ans, voire sept ans, par exemple parce qu'ils doivent commencer à rembourser l'emprunt qu'ils ont contracté.

Nous avons en effet trois filières en pharmacie, mais toutes trois mènent au même diplôme. Pour autant, les pharmaciens hospitaliers, les pharmaciens d'officine et les sapeurs-pompiers pharmaciens font des métiers très différents - je vous déconseille d'affirmer le contraire à leur syndicat respectif !

Le modèle québécois se distingue des modèles français et allemand, qui sont assez proches : la formation à l'exercice officinal clinique est en effet totalement déconnectée de la formation à la pharmacie industrielle. Est-il opportun de casser notre modèle de diplôme unique pour s'approcher de ce modèle ? La branche professionnelle ne le souhaite pas. Le Québec manque du reste d'étudiants en pharmacie et cherche à attirer des étudiants français. Il vient d'ailleurs d'ouvrir une troisième faculté de pharmacie pour tenter de remédier aux trous démographiques.

S'il nous faut réformer légèrement les études en pharmacie, j'estime que le diplôme de pharmacie n'est pas le problème, et qu'il serait dommage de remettre en cause nos trois filières.

M. Assem Soueidan. - En odontologie, nous constatons la grande hétérogénéité des étudiants formés en Europe, dont certains n'ont quasiment pas exercé sur des patients. Si certains ont reçu une très bonne formation, d'autres ont étudié dans l'une des nombreuses écoles d'odontologie qui ont vu le jour en Espagne et en Roumanie, avec un business model reposant sur des tarifs de scolarité très élevés. Leur diplôme étant européen, il est pourtant pleinement reconnu. Pour assurer la sécurité des soins, il nous faut donc mettre en place une période probatoire durant laquelle les praticiens seront encadrés par des maîtres de stage.

Il y a trois ans, M. Castex a annoncé à Angoulême la création de cinq nouvelles facultés d'odontologie dans la diagonale du vide - à Caen, Rouen, Besançon, Dijon et Tours. Les locaux existent, les fauteuils sont beaux, mais de même que les facultés historiques, ces nouvelles facultés manquent de moyens humains. Il nous faut donc d'abord régler le problème d'attractivité des carrières hospitalo-universitaires.

Mme Fabienne Darcet. - De nombreux étudiants en maïeutique français font leurs études en Belgique, en Suisse ou au Luxembourg. Environ 200 étudiants reviennent chaque année, et nous les accueillons sur les terrains de stage dans la mesure du possible, les étudiants ayant étudié en France étant naturellement prioritaires.

Nous observons toutefois des différences dans les apprentissages. Au Luxembourg, la gynécologie, la pathologie et le code de déontologie ne sont pas inclus dans le cursus de sage-femme. Lors de l'inscription, l'ordre des sages-femmes peut prendre acte d'éventuelles insuffisances, mais il faut avouer que la libre circulation européenne nous pose des difficultés. Une sage-femme titulaire d'un diplôme belge est tutorée pendant plus d'un an dans un établissement de santé, ce qui a un coût.

S'il est bon que les étudiants en maïeutique, et plus largement en médecine fassent leur stage dans des hôpitaux périphériques, ils rencontrent des difficultés financières pour se loger, car les hôpitaux ne leur proposent pas d'hébergement. Si l'on veut imposer aux étudiants de faire des stages dans les territoires, encore faut-il que les mairies ou les hôpitaux puissent leur proposer un logement.

Compte tenu de la précarité étudiante, j'estime de plus que les frais de déplacement des étudiants en maïeutique devraient être pris en charge au même titre que ceux des étudiants infirmiers.

M. Benoît Veber. - À Paris, plus de 50 % des médecins généralistes tout juste diplômés s'installent dans un autre exercice que celui de la médecine générale.

Les étudiants qui partent faire leurs études à l'étranger, notamment en Roumanie, peuvent passer le concours de l'internat en France, mais ils doivent pour être reçus obtenir une note supérieure à la note plancher - l'année dernière sur les 70 étudiants européens inscrits, seuls 20 étudiants ont réussi. Les étudiants sont de ce fait enclins à revenir en début de deuxième cycle, de manière à se préparer correctement à l'internat.

Parmi les étudiants qui échouent le Pass-Las, seuls ceux qui ont les moyens peuvent poursuivre leurs études en Roumanie. Est-il légitime de réintégrer ensuite dans le système les seuls étudiants qui ont eu les moyens de partir en Roumanie ?

Par ailleurs, puisqu'on nous impose de reprendre ces élèves en quatrième année, n'aurait-il pas fallu les prendre en deuxième année ? La réalité est qu'à l'heure actuelle, nous n'avons pas suffisamment de places pour le faire.

M. Philippe Mouiller, président, rapporteur. - Je vous remercie vivement pour ces échanges.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de Mme Valérie Delahaye-Guillocheau, candidate aux fonctions de présidente du conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous entendons ce matin, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, Mme Valérie Delahaye-Guillocheau, candidate au renouvellement de son mandat de présidente de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.

Madame Delahaye-Guillocheau, au regard de votre premier mandat, selon quelles perspectives aborderez-vous votre nouveau mandat ? Compte tenu des évolutions récentes, certaines missions de l'ANSM devront-elles évoluer ?

Mme Valérie Delahaye-Guillocheau, candidate au renouvellement de son mandat de présidente de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. - C'est un honneur pour moi d'être entendue par votre commission dans le cadre de la procédure de nomination pour un second mandat à la tête du conseil d'administration de l'Agence de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Je ferai un exposé introductif en trois temps. Je présenterai d'abord mon parcours professionnel et j'indiquerai les raisons qui m'ont conduite à solliciter le renouvellement de ce mandat. Je partagerai ensuite mon retour d'expérience des trois années que j'ai passées à la tête du conseil d'administration. Je décrirai enfin les enjeux auxquels l'Agence est, selon moi, confrontée aujourd'hui.

Depuis plus de trente-cinq ans, mon parcours professionnel est marqué par l'engagement au service des politiques sociales et des ministères sociaux. Permettez-moi de mettre en avant quelques-unes des compétences acquises au fil de ma carrière.

J'ai acquis une bonne connaissance de l'écosystème de santé grâce à ma carrière au sein de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) - pilotage des dépenses hospitalières, dans les secteurs public et privé, création des agences régionales d'hospitalisation (ARH), ancêtres des agences régionales de santé (ARS), à la fin des années 1990 -, et plus largement, une bonne connaissance de la galaxie santé.

J'ai ensuite élargi mes compétences à la sphère travail-emploi, notamment grâce à mon expérience de quatre années à la direction générale du travail (DGT), en tant que cheffe de service. J'ai développé des compétences de pilotage et de management d'équipe, combinées à des compétences d'inspection, d'audit et de contrôle éprouvées grâce à mes années passées à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et à la Cour des comptes.

J'ai également acquis des compétences financières et juridiques plus transverses, notamment lors des six années que j'ai passées à la tête de la direction financière au secrétariat général des ministères sociaux. Depuis plus de trois ans, dans l'exercice de mes fonctions de conseillère d'État en service extraordinaire au sein de la section sociale, j'ai développé des compétences juridiques et mené un suivi de l'actualité des politiques sociales au travers de l'ensemble des textes soumis à l'examen obligatoire de cette instance.

J'en viens aux raisons pour lesquelles je suis aujourd'hui candidate à un second mandat de présidente du conseil d'administration.

Dans le prolongement de mon engagement ancien dans le champ des politiques sociales, j'éprouve un intérêt marqué pour les missions de santé publique portées par l'Agence. Après trois années d'investissement au sein de ce conseil, et après avoir participé à l'élaboration du dernier contrat d'objectifs et de performance (COP) adopté l'été dernier, je souhaiterais naturellement pouvoir suivre le déploiement de ce dernier au cours des trois prochaines années. Je suis en effet convaincue qu'une relative stabilité et une continuité de la gouvernance de l'Agence peuvent être précieuses pour la poursuite de son déploiement.

Je me présente aujourd'hui avec un recul de trois ans dans les fonctions de présidente du conseil d'administration de cet opérateur majeur de santé publique, établissement public sous tutelle du ministère de la santé qui assure au nom de l'État la sécurité des produits de santé et favorise l'accès à l'innovation thérapeutique.

L'Agence agit à tous les stades de la vie des produits de santé : depuis les essais cliniques jusqu'à la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ou de l'autorisation d'accès précoce. L'Agence assure également le suivi de la vie de ces produits en vie réelle.

Permettez-moi de vous livrer mon retour d'expérience et de vous exposer les enseignements que je tire de mon mandat.

En vertu des dispositions du code de la santé publique, le président du conseil d'administration de l'Agence exerce une fonction non exécutive. Il a donc une mission de bonne organisation des travaux du conseil. Il doit s'assurer que cette instance exerce son office de manière éclairée et transparente, vote le budget et en assure le suivi, fixe les orientations à la fois annuelles et pluriannuelles de la politique de l'Agence conformément à son programme de travail.

Tout au long de mon mandat, j'ai partagé avec les administrateurs l'idée que le rôle de chacun, avec son prisme d'analyse, son positionnement professionnel ou institutionnel et son expertise, était aussi de veiller aux signaux faibles et d'identifier les mutations à l'oeuvre dans l'écosystème des produits de santé susceptibles d'impacter les missions de l'Agence, de manière à anticiper au mieux les choix stratégiques et les virages éventuels à opérer.

Je suis en mesure d'indiquer devant la représentation nationale que le conseil d'administration de l'Agence a pu mener ses missions dans de très bonnes conditions. Je salue, du reste, la qualité des dossiers préparés par la direction générale de l'Agence et ses équipes, ainsi que la qualité de l'information qui nous a été délivrée lors de chaque séance du conseil sur des sujets aussi variés que le centre d'appui aux situations d'urgence, aux alertes sanitaires et à la gestion des risques (Casar), la gestion de l'innovation, les pénuries de médicaments, le bilan de l'activité du groupement d'intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare, dans le champ de la pharmaco-épidémiologie, ou le bilan de l'application des nouveaux règlements européens sur les dispositifs médicaux.

Les relations entre l'Agence et le ministère de la santé ainsi que les autres ministères représentés au conseil d'administration ont toujours été fluides et aidantes pour l'Agence.

Durant mon mandat, j'ai veillé à ce que l'ensemble des administrateurs puissent s'exprimer et débattre lors des séances du conseil au sein duquel, à l'image des valeurs portées par l'Agence, la place de toutes les parties prenantes est reconnue : médecins, pharmaciens, représentants des patients, personnalités qualifiées, députés, sénateurs, représentants du personnel. Chacun, je crois, a pu s'exprimer, apporter son regard et enrichir les débats.

Tout cela s'est naturellement déroulé dans le respect du cadre déontologique transparent qui prévaut au sein de cette instance, comme dans toutes les instances de l'Agence.

J'ajoute qu'à chaque réunion du conseil d'administration, le président du conseil scientifique de l'Agence rend compte des travaux actifs de ce conseil pluridisciplinaire aux administrateurs. À titre d'exemple, en amont d'une délibération du conseil d'administration sur le montant d'une subvention accordée à un partenaire du groupement Epi-Phare, les travaux du conseil scientifique ont apporté aux administrateurs un éclairage scientifique qui leur a permis de statuer en toute connaissance de cause.

Le conseil d'administration a pris toute sa part dans la définition des priorités annuelles de travail et dans le suivi annuel de l'exécution du précédent COP, ainsi que dans la préparation, en lien avec la direction générale de la santé (DGS) et le ministère de la santé, du nouveau COP 2024- 2028 qui a été signé l'été dernier entre le ministre de la santé et l'Agence. Construit en cohérence avec la stratégie nationale de santé 2023- 2033, ce COP participe à l'atteinte des trois objectifs majeurs de ce plan, en articulation avec le plan d'investissement France 2030 porté par le Président de la République.

En l'espace de quelques années, l'ANSM a changé d'échelle. Le rapport d'évaluation du précédent COP par l'Igas, rendu public à l'automne dernier, confirme cette évolution. L'enquête de satisfaction menée par l'Agence auprès de ses parties prenantes en 2021 le confirme également. La place et la légitimité de l'ANSM sont aujourd'hui pleinement reconnues. Je ne fais pas de ce constat l'objet d'une autosatisfaction béate : il constitue à mes yeux l'ancrage à partir duquel l'Agence pourra relever les défis inscrits dans le nouveau COP.

Ayant pu échanger régulièrement au fil de mon mandat avec les représentants du personnel de l'Agence qui siègent au conseil d'administration, j'ai pu constater que cette évolution constitue un puissant facteur de motivation pour les équipes en place, mais aussi d'attractivité de l'Agence pour ses futurs collaborateurs. Quelque 1 000 hommes et femmes font vivre l'Agence. Leur expertise pointue et leur savoir-faire permettent chaque jour à l'Agence de conduire et de mener à bien les missions de service public qui lui sont confiées.

J'ai porté une attention particulière à la question de l'adéquation entre les moyens de l'Agence et ses missions. Au cours des trois dernières années, les moyens de l'Agence ont connu une stabilisation, des créations d'emplois hors plafond ayant pu être gagées par des ressources liées à l'engagement européen important de l'Agence. Depuis le budget 2024, grâce aux priorités issues de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) votée par le Parlement et du soutien constant des ministres de la santé, des moyens dédiés ont été octroyés pour accompagner la forte charge de travail liée à la gestion des pénuries de produits de santé, ce qui a conduit à des autorisations de créations d'emplois l'an dernier.

Pour 2025, le conseil d'administration a certes voté son budget en novembre dernier, mais le contexte particulier l'oblige à attendre l'issue des débats parlementaires en cours pour l'ajuster si nécessaire, en fonction de la dotation de l'assurance maladie qui en découlera.

Je tiens toutefois à souligner que l'amplification de la charge de travail liée à la gestion des pénuries de produits de santé doit s'accompagner de moyens supplémentaires, et que l'implication forte de l'Agence dans les travaux européens sous l'égide de l'Agence européenne des médicaments (EMA), autofinancée par les ressources que ces travaux génèrent, pourrait permettre de continuer à créer des emplois hors plafond.

J'en viens aux enjeux et aux défis de l'Agence pour les prochaines années tels que je les identifie.

La préparation des travaux du COP 2024-2028 ainsi que les sujets traités par l'Agence au cours des trois dernières années montrent que le contexte et l'environnement de son action ont profondément et structurellement changé, la crise covid ayant sinon catalysé, du moins accéléré et révélé ces changements, dont certains sont sans doute à l'oeuvre à bas bruit depuis plusieurs décennies : la rareté, voire la pénurie de certains produits de santé et de certains médicaments, qui ne sont pas des produits ordinaires ; les effets d'une mondialisation qui, en trente ans, a transformé l'écosystème du médicament, avec la place prise par des pays émergents comme la Chine ou l'Inde dans la production de certains principes actifs et même de médicaments génériques qui rendent la France, et plus largement l'Europe plus vulnérable, cette situation étant amplifiée par les crises géopolitiques et les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient ; l'accélération de l'innovation technologique, notamment dans le champ des dispositifs médicaux, avec le développement du numérique, des algorithmes et bien sûr de l'intelligence artificielle ; la prise en compte, enfin, des enjeux environnementaux, de la transition écologique et de la décarbonation de l'écosystème des produits de santé.

L'écosystème du médicament et des produits de santé a changé et il continuera de changer. Ces éléments de contexte structurels pèsent à l'évidence sur les priorités de l'Agence et ils pèseront sur son action durant les prochaines années. Le COP qui vient d'être signé prend pleinement en compte ces nouveaux enjeux.

La réponse doit être portée à l'échelon non pas strictement national mais aussi européen. L'action de l'Agence est, du reste, résolument ancrée au niveau européen, puisqu'elle contribue au fonctionnement de l'EMA en participant à l'évaluation des dossiers en vue des AMM européennes. Elle travaille en outre de façon coordonnée avec l'ensemble des autorités réglementaires des autres États membres au service de la sécurité sanitaire des Européens.

Permettez-moi de rappeler les quatre axes de travail du COP, qui constitue la feuille de route et le cadrage stratégique de l'Agence : garantir la sécurité des patients dans le cadre de l'utilisation des produits de santé ; accompagner l'innovation ; être à l'écoute et au service des citoyens ; être performante et engagée.

À défaut d'évoquer en détail chacun de ces axes, je terminerai en abordant quelques points majeurs.

La question des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux est évidemment au coeur des préoccupations de l'Agence - votre commission a produit plusieurs rapports sur le sujet. En 2023, l'ANSM a traité plus de 5 000 signalements de rupture ou de risque de rupture, soit un tiers de plus qu'en 2022 et six fois plus qu'en 2018.

Dans le cadre des LFSS successives, les travaux du Parlement ont contribué à renforcer l'arsenal législatif de manière à nous doter des leviers d'action les plus appropriés. L'ANSM dispose aujourd'hui de certains leviers pour atténuer l'impact de ces ruptures pour les patients. Je rappelle toutefois que, dès lors qu'ils disposent d'une AMM, les laboratoires sont responsables de la couverture et de l'approvisionnement des médicaments en due quantité au regard de la population cible qu'ils ont estimée.

Selon les produits de santé et les périodes de l'année, le risque de rupture ne se situe pas nécessairement au même niveau. Ses causes peuvent être multifactorielles : problème de production, répartition des stocks sur le territoire, notamment à l'image de ce qui s'est passé pour l'amoxicilline à l'hiver 2023.

Les leviers d'action de l'Agence reposent sur la stratégie suivante : identifier, prévenir, anticiper et en cas de crise, optimiser la gestion de la situation. En lien avec l'ensemble des parties prenantes - laboratoires, grossistes-répartiteurs, officines, médecins et représentants des patients - et en cohérence avec la feuille de route interministérielle adoptée en février 2024, l'ANSM, d'ores et déjà très engagée, va amplifier son action, notamment par des mesures d'anticipation.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit à ce stade l'élargissement de l'usage du portail DP-Ruptures, ainsi que le préconise l'ordre des pharmaciens. L'ANSM déploie également à son niveau et dans son champ de compétences tout l'arsenal réglementaire dont elle dispose : la requalification de certains produits en médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), les ajustements des stocks de sécurité, les sanctions financières, dont l'Agence a amplifié le potentiel l'année dernière, le pilotage, le cas échéant, d'une chaîne de production publique, l'identification d'alternatives thérapeutiques, la promotion du bon usage.

Les risques de pénurie de dispositifs médicaux se posent en des termes spécifiques, la question de leur substituabilité, qui est beaucoup plus délicate, étant aujourd'hui pleinement intégrée dans le COP.

L'Agence est par ailleurs d'ores et déjà fortement impliquée pour l'accès à l'innovation et continuera son action en ce sens durant les prochaines années.

Plus de 300 dossiers sont désormais examinés par le guichet innovation et orientation. Celui-ci, créé il y a quatre ans, est appelé à être renforcé. Ce dispositif, unique en Europe dans son format, offre aux petites entreprises innovantes un accompagnement scientifique et réglementaire à un stade précoce du développement.

L'accès précoce doit également se déployer en coopération avec la Haute Autorité de santé (HAS) dans le cadre instauré par la LFSS pour 2021. Celui-ci doit se faire dans l'intérêt des patients, qui se trouvent parfois en situation d'impasse thérapeutique, mais de manière pleinement sécurisée.

Un autre axe majeur de développement des performances de l'Agence en matière d'innovation est l'amélioration de l'accès et de la potentialisation des données.

En ce qui concerne l'amélioration de la sécurité et du bon usage des produits de santé, les priorités de l'Agence sont le suivi en vie réelle, la lutte contre le mésusage, le renforcement du bon usage et la lutte contre l'antibiorésistance. Ces efforts auront par ailleurs des effets sur les volumes consommés, la France s'illustrant toujours par un niveau de consommation de médicaments bien supérieur à la moyenne européenne.

L'action de l'Agence en la matière doit se poursuivre de manière résolue. Dans un contexte de mise en doute de la parole experte par les réseaux sociaux, elle doit passer par une communication renforcée et adéquatement ciblée. L'Agence doit continuer d'adapter son mode et ses vecteurs de communication pour toucher au mieux les patients et les usagers des produits de santé, ainsi que les professionnels de santé.

En lien avec les parties prenantes et de manière transparente, elle a montré sa capacité à créer des comités scientifiques temporaires, comme elle l'a fait pour l'usage des analogues du GLP- 1 Wegovy et Ozempic. Afin d'appréhender au mieux tous les aspects de cette problématique et d'adapter adéquatement les moyens d'action et de communication, l'ANSM a convié des spécialistes en sciences humaines à se joindre à ce comité scientifique.

J'évoquerai enfin la territorialisation de l'action de l'Agence, qui est un axe nouveau du COP, potentiellement porteur d'une approche intéressante. Le travail engagé avec les agences régionales de santé et les acteurs de santé dans les territoires permettra d'accroître les synergies avec les structures existantes - les observatoires des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (Omedit), les centres régionaux en antibiothérapie, les centres régionaux de pharmacovigilance et les associations de patients.

Le déploiement fructueux, ces dernières années, d'une cinquantaine de binômes médecin-pharmacien a permis d'accroître encore le lien avec le terrain. L'Agence poursuivra donc son action dans ce sens.

L'ensemble de ces actions ne pourra être mené sans le professionnalisme, l'expertise et la mobilisation constante des femmes et des hommes qui travaillent à l'Agence. Il est donc crucial de préserver l'attractivité de leurs métiers. Si ma nomination est confirmée, je continuerai de porter une attention particulière à l'adéquation entre les missions et les moyens et à la qualité du débat au sein du conseil d'administration.

Le travail avec les parties prenantes - professionnels de santé, associations de patients, etc. - est aujourd'hui pleinement intégré par l'Agence, la transparence de l'Agence à tous les stades des processus qu'elle gère constituant un point d'appui majeur pour légitimer son action et accroître la confiance des citoyens.

C'est donc avec une profonde motivation et beaucoup d'enthousiasme que je suis prête à m'engager pour un deuxième mandat à la tête du conseil d'administration de cette agence essentielle pour la politique de santé de notre pays.

Mme Corinne Imbert. - Comme cela était rappelé la semaine dernière dans une émission diffusée sur France 2, nous rencontrons des difficultés à anticiper les ruptures de médicaments du fait de l'imprécision de notre connaissance des stocks à l'instant t. Je vous remercie donc d'avoir cité l'outil DP-Ruptures, dont le Sénat a voté l'élargissement dans le cadre du PLFSS - j'espère du reste que cette disposition sera conservée dans le texte final.

Comment l'ANSM anticipe-t-elle les risques de rupture, qui sont hélas ! de plus en plus nombreux ? Quels progrès a-t-elle réalisés, selon vous, ces dernières années ? Quelles sont les marges d'amélioration ? La dimension territoriale des pénuries est-elle suffisamment prise en compte ? Comment l'ANSM travaille-t-elle avec les ARS et les professionnels de santé pour recenser et anticiper au mieux les risques de rupture localement ?

Par ailleurs, une évolution du modèle d'évaluation du médicament vous semble-t-elle nécessaire, notamment quand ces médicaments visent des cohortes restreintes de patients ?

L'expérimentation du cannabis thérapeutique est terminée depuis le 31 décembre 2024, mais le dispositif a été provisoirement prolongé pour les patients. Quelles sont, selon vous, les suites souhaitables, sachant que les conclusions de l'expérimentation sont a priori plutôt positives ?

Mme Florence Lassarade. - L'ANSM a récemment annoncé une modification des conditions de prescription des médicaments antiépileptiques à base de valproate de sodium, molécule qui est au coeur du scandale de la dépakine. Dans cette affaire, l'ANSM avait été mise en examen pour blessures et homicides involontaires, et le laboratoire Sanofi pour tromperie aggravée et homicides involontaires.

Alors que seul le risque d'une exposition in utero était reconnu, une étude de l'Agence européenne des médicaments suggère l'existence d'un risque pour les enfants nés d'un père ayant reçu un traitement à base de valproate de sodium dans les trois mois précédant la conception. Pourquoi les nouvelles restrictions des conditions de prescription de l'ANSM sont-elles prises seulement maintenant, alors que cette étude a été publiée à l'été 2023 ? Quelles conséquences les autres pays européens ont-ils tirées de cette étude ? Les critères d'indemnisation des victimes doivent-ils évoluer pour intégrer ces nouvelles connaissances ?

Par ailleurs, la France est l'un des pays les plus consommateurs de médicaments au monde, ce qui pose des difficultés nombreuses - interactions médicamenteuses, enjeux financiers, disponibilité de certains médicaments. Quel bilan tirez-vous de la campagne d'information et de sensibilisation entreprise à l'été 2023 par l'ANSM pour favoriser le bon usage des médicaments ?

Mme Valérie Delahaye-Guillocheau. - La prise en compte de la dimension territoriale des ruptures est effectivement devant nous. Dans le cadre des plans de gestion des pénuries qu'ils sont tenus d'élaborer, les laboratoires doivent signaler à l'Agence tout risque de rupture et toute rupture avérée en indiquant leur stratégie pour y répondre. L'Agence dispose aussi des informations renseignées dans l'outil DP-Ruptures, ainsi que dans l'outil que le syndicat Les entreprises du médicament (Leem) a développé.

L'enjeu est aujourd'hui d'améliorer la contemporanéité des informations et nos capacités d'anticipation en identifiant les facteurs de risques. Le fait de rendre obligatoire l'alimentation d'un outil interfacé entre l'ensemble des acteurs est une voie d'amélioration évidente.

Depuis deux ans, dans le cadre de sa stratégie de gestion du risque, l'Agence établit un plan hivernal. Le dernier suivi publié il y a quelques jours montre que, s'agissant de l'amoxicilline, la situation est bien plus satisfaisante que l'année dernière. Ces résultats sont le fruit du travail commun qui a été mené et de la signature, en novembre 2023, de la charte d'engagement incitant les acteurs à adopter une attitude éthique. Je rappelle en effet que, en 2023, les tensions sur ce médicament étaient liées à des difficultés non pas de production, mais de répartition sur le territoire, celles-ci étant amplifiées par les achats que les pharmaciens pouvaient effectuer directement auprès des laboratoires, ces derniers ayant tendance à faire de l'amoxicilline un « produit d'appel ».

À partir de cette année, la responsabilité du contrôle des grossistes-répartiteurs, qui sont les seuls acteurs soumis à des obligations de fourniture, sera par ailleurs transférée des ARS à l'ANSM. 

Le travail de territorialisation que l'Agence a engagé, au travers notamment des binômes médecin-pharmacien, nous permet de disposer de capteurs, et partant, de signaux pour apprécier des situations territoriales, qui peuvent être contrastées. Un dialogue plus poussé avec les ARS nous permettra sans doute de progresser encore.

La réforme de l'accès précoce qui est intervenue en 2021 a permis d'élargir ce dispositif. L'année dernière, l'Agence a rendu près de 30 000 décisions d'accès précoce en lien avec la HAS.

Dans le cadre du plan national maladies rares, l'ANSM élabore des protocoles de prescription compassionnelle afin de proposer une prise en charge adaptée à certaines cohortes de faible volume. Les laboratoires inclus dans ces dispositifs doivent élaborer des protocoles d'utilisation thérapeutique, par lesquels ils effectuent un suivi. Nous avons en la matière des marges de progression.

Sur de petites cohortes, il est souvent difficile d'effectuer des comparaisons avec les effets placebo. Je m'en remets aux experts sur ce sujet technique, mais je crois que, par la production de jumeaux numériques, l'intelligence artificielle (IA) pourrait nous aider à effectuer de telles comparaisons.

L'expérimentation du cannabis thérapeutique s'est terminée le 31 décembre 2024, mais le ministre chargé de la santé a permis aux 1 700 patients inclus dans cette expérimentation de bénéficier des produits pendant quelques mois ou quelques semaines supplémentaires, afin d'entamer un sevrage. Les évaluations intermédiaires semblent en effet montrer que cette prise en charge permet de répondre à des situations d'impasse thérapeutique.

Je ne me prononcerai pas sur les procédures judiciaires en cours concernant la dépakine, qui ont connu des développements récents. La décision de renforcer le cadre de prescription du valproate de sodium s'appuie sur des analyses menées en France et en Europe sous l'égide de l'EMA, mais aussi sur des données en vie réelle - le GIS Epi-Phare a mis en évidence des effets inattendus ou graves de certains médicaments grâce à de telles données. Cette décision contribue, à mon sens, à renforcer la sécurité des patients. Je ne dispose pas des éléments pour vous répondre concernant le délai qu'il a fallu pour la prendre, mais sans doute un temps d'analyse a-t-il été nécessaire pour stabiliser et conforter les résultats des différentes études avec des experts.

J'en viens à la surconsommation de médicaments. Les enjeux de santé publique se conjuguent aux enjeux de l'assurance maladie. Dans son rapport intitulé Charges et produits, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) souligne les coûts et les risques d'iatrogénie médicamenteuse qu'emporte l'hyperpolymédication des personnes de plus de 65 ans.

Je ne dispose pas d'éléments sur la perception par l'ensemble des acteurs de la campagne menée par l'Agence en 2023. En tout état de cause, l'Agence est engagée dans la diversification de ses canaux de communication et l'amélioration du ciblage de ses campagnes d'information.

M. Alain Milon. - Le 9 décembre, l'ANSM a interdit la vente libre de huit vasoconstricteurs utilisés contre les symptômes du rhume en raison de potentiels effets secondaires, notamment vasculaires. Ces médicaments sont donc désormais subordonnés à une prescription médicale. En 2023, à la suite d'une saisine de l'ANSM, l'EMA avait, pour sa part, maintenu l'autorisation de mise sur le marché de ces médicaments, se bornant à définir de nouvelles contre-indications. Comment expliquez-vous cette divergence d'appréciation entre l'ANSM et l'EMA ? Est-elle, selon vous, susceptible d'entamer la confiance de nos concitoyens dans les autorités sanitaires ?

Votre intervention, que j'ai beaucoup appréciée, est une leçon pour ceux qui souhaitent supprimer des agences. Vous avez montré à quel point l'ANSM est nécessaire.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Quelles actions l'ANSM a-t-elle engagées pour améliorer la transparence envers les usagers ?

Lors de l'audition qui a précédé votre première nomination, vous aviez évoqué le plan France 2030 et le rôle de l'Agence en matière d'innovation. La France est-elle devenue le leader européen des essais cliniques ?

Mme Anne Souyris. - J'espère que l'expérimentation du cannabis thérapeutique permettra l'autorisation de celui-ci - les arguments contraires ne me paraissent pas très rationnels d'un point de vue sanitaire.

La santé mentale sera la grande cause nationale 2025. Prévoyez-vous, à ce titre, de mener une enquête sur la surconsommation et la surprescription de psychotropes et d'antidépresseurs ?

Le fentanyl est un puissant opioïde utilisé pour soulager les douleurs chroniques, notamment cancéreuses. Ce médicament fait aujourd'hui l'objet de détournements et de trafics, notamment dans le Bas-Rhin et en Bretagne. En 2025, le Sénat mènera une mission flash sur ce médicament. Comment l'ANSM surveille-t-elle les cas d'abus et de dépendance ? Quel travail mène-t-elle en amont, concernant la délivrance des opioïdes ? Le rapport d'activité de l'ANSM indique que 21 enquêtes d'addictovigilance ont été conduites en 2023. Pouvez-vous nous indiquer sur quoi portent principalement ces enquêtes et quels travaux ont été menés en 2024 ?

Mme Valérie Delahaye-Guillocheau. - Les vasoconstricteurs que vous évoquez disposent d'une AMM européenne. Dès 2023, compte tenu des éléments de pharmacovigilance dont elle dispose, l'ANSM a tenté de convaincre l'EMA de restreindre l'accès à ces médicaments, mais nous n'avons pas été soutenus par une majorité d'États membres. Au sein des différents groupes de travail de l'EMA, l'ANSM continue toutefois d'agir de manière très proactive dans le sens d'un renforcement de la sécurité des produits de santé.

J'en viens à la transparence. Toutes les instances, tous les groupes de travail, tous les comités scientifiques permanents ou temporaires, ainsi naturellement que le conseil d'administration de l'Agence, comptent des représentants des associations d'usagers. Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai été frappée par la qualité des échanges que cela rend possible.

Une représentante d'une association d'usagers siégeant au conseil d'administration est, par exemple, très engagée sur le sujet de la galénique des médicaments pédiatriques. Nos échanges ont progressivement conduit l'Agence à s'engager dans le virage populationnel, qui concerne non seulement les enfants, mais aussi les personnes de plus de 85 ans, car les médicaments n'ont pas les mêmes effets sur ces populations que sur la population générale.

Lorsque j'ai commencé mon premier mandat, nous étions à la fin de la crise du covid. L'Agence avait organisé un webinaire sur les respirateurs Phillips auxquels étaient conviés tant les sociétés savantes de pneumologie que les représentants des associations, car l'un des enjeux était que les patients comprennent l'intérêt de ne pas interrompre leur traitement.

S'il y a toujours des marges de progrès, l'Agence a donc déjà beaucoup fait pour aller vers plus de transparence.

La France est très fortement engagée dans les essais cliniques menés au niveau européen, notamment en oncologie. En tant que co-rapporteur pour les autorisations de mise sur le marché européennes, elle fait partie des deux ou trois pays leaders. Il nous faut renforcer cette dynamique positive, ce que nous pourrons faire grâce aux moyens supplémentaires qui reviendront à l'ANSM du fait de l'évolution de la législation pharmaceutique européenne et de la révision des fees alloués aux pays rapporteurs.

Je n'ai pas connaissance d'une étude particulière sur la consommation de psychotropes. Ce sujet doit toutefois être abordé dans le rapport intitulé Charges et produits de la Cnam.

En ce qui concerne les opioïdes, l'ANSM a pris plusieurs dispositions : des restrictions progressives ont été apportées en matière de dimensionnement des boîtes, et un système d'ordonnance sécurisée sera prochainement instauré. L'application de cette dernière disposition a été décalée du fait d'une difficulté de compatibilité des systèmes d'information, notamment dans les officines, mais elle devrait s'appliquer à compter du 1er mars 2025 et elle devrait permettre de limiter les trafics.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie de vos réponses.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mission d'information en Allemagne et au Danemark sur la prise en charge des personnes âgées et l'organisation des hôpitaux- Communication

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, le Bureau de la commission avait décidé pour 2024 la tenue d'une mission d'information en Europe. Celle-ci a été menée en avril dernier sur deux sujets - l'hôpital et la prise en charge des personnes âgées -, et dans deux pays différents - l'Allemagne et le Danemark.

Je tiens à remercier les cinq sénatrices que j'ai accompagnées lors de cette mission : Mme Florence Lassarade, Mme Laurence Muller-Bronn, Mme Corinne Féret, Mme Anne-Sophie Romagny et Mme Solanges Nadille.

J'aborderai d'abord la thématique santé, c'est-à-dire l'organisation de l'hôpital.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a porté une réforme du financement de l'hôpital dont la rapporteure Corinne Imbert n'avait pas manqué de souligner les effets en matière de réorganisation de l'offre hospitalière. Deux pays paraissaient pouvoir éclairer nos réflexions : l'Allemagne, qui a engagé une réforme comparable à la France, et le Danemark, qui, après une profonde réforme menée en 2007, réfléchissait en 2024 à son prolongement ou son adaptation.

Je commencerai par notre voisin, l'Allemagne, dont le système de santé est marqué par le fédéralisme et par le principe d'autogestion.

À première impression, le système hospitalier allemand paraît légèrement anachronique par rapport aux évolutions constatées dans le reste de l'Europe.

La structure de l'offre en est la démonstration : quand la France en compte 5,2 lits d'hospitalisation complète pour 1 000 habitants, l'Allemagne en compte 7,8, soit 50 % de plus, avec un faible taux d'occupation, sans que cette offre importante paraisse répondre efficacement aux besoins de santé de la population.

Le système allemand ne conduit pas à de meilleurs résultats en matière d'espérance de vie, et il est aujourd'hui confronté aux mêmes difficultés que le système français en matière de vieillissement de la population, de développement des maladies chroniques ou encore de pénuries de personnels médicaux et soignants. Surtout, bien que consacrant 3,2 % de son PIB aux soins hospitaliers, l'Allemagne ne parvient à éviter ni la fragilité financière des caisses d'assurance maladie ni le lourd déficit des hôpitaux.

Comme en France, la tarification à l'activité (T2A) a montré ses limites, tant en termes de soutenabilité du maillage territorial pour certaines activités que de lacunes de financement de l'investissement et de l'innovation.

Enfin, le modèle actuel n'a permis ni d'accompagner le virage ambulatoire ni de clarifier la place de l'hôpital, qui semble mal définie, avec une gradation des soins peu lisible et, surtout, une coordination avec la médecine de ville particulièrement lacunaire. Nous avons pu évoquer ces sujets dans un hôpital du Brandebourg, ainsi qu'à la Charité, très réputé centre hospitalier universitaire (CHU) de Berlin.

En 2022, alors que de nombreux établissements étaient au bord de la faillite, le ministre fédéral Karl Lauterbach de la santé a engagé une réforme présentée comme inévitable.

La réforme globale vise principalement à renforcer la spécialisation des hôpitaux. Elle comprend une transformation des modalités de financement, notamment une révision du modèle de la T2A, en prévoyant la constitution de « réserves » permettant de financer les activités sur un modèle de dotation socle.

En corollaire immédiat, les activités autorisées sont redéfinies. Le gouvernement propose de rationaliser l'offre en définissant des « groupes de prestations » (Leistungsgruppen). Chaque hôpital se verra attribuer par le Land certains groupes de prestations, pour lesquels il devra impérativement respecter de nouveaux critères de qualité et de sécurité des soins.

Enfin, un dernier volet de la réforme vise à redéfinir une gradation des hôpitaux selon leur champ de recours et à constituer un premier niveau d'hôpitaux de proximité mieux articulés avec la médecine de ville.

Cette réforme a été précédée d'une loi sur la transparence adoptée au début de l'année 2024, obligeant les hôpitaux à publier des indicateurs sur leur activité, les complications survenues, leurs finances et leur personnel.

En réformant les règles d'autorisation, de sécurité et de financement des activités hospitalières, le Gouvernement contraint de fait la politique de planification et d'organisation de la carte hospitalière des Länder, qui relève pourtant de la compétence de ces derniers. Les élus locaux ont manifesté des réticences, y compris au sein de partis de la coalition gouvernementale.

Dans le Brandebourg, très vaste Land situé autour de Berlin, l'opposition classique entre proximité et sécurité des soins a cristallisé le débat. Le sujet est d'autant plus sensible en ex-Allemagne de l'Est qu'au moment de la réunification, les Länder de l'Est ont conduit une rationalisation de leur offre de soins que n'ont pas engagée les Länder de l'Ouest.

Le gouvernement allemand a prévu un fonds de transformation de 50 milliards d'euros en dix ans, dont la prise en charge a fait débat.

Lorsque nous nous sommes rendus à Berlin en avril, le gouvernement fédéral n'avait pas encore finalisé formellement son projet. Après une concertation lancée en 2022, la loi sur l'amélioration des soins hospitaliers a été adoptée à l'automne, et elle est entrée en vigueur au 1er janvier 2025.

Cet éclairage allemand montre que si la transformation et la concentration des systèmes hospitaliers face aux nouveaux besoins et aux contraintes actuelles sont incontournables, elles ne peuvent se faire sans concertation, sans étude d'impact, sans expérimentation et sans une transition aménagée et financièrement accompagnée.

Le système hospitalier danois, bien différent, a connu un tournant avec la réforme de 2007. Fait singulier, le royaume a conduit une réforme de santé structurelle en menant de concert une rationalisation des collectivités territoriales. Le nombre de municipalités a été réduit de 271 à 98, et le nombre de régions de 14 à 5.

Le Danemark a profondément décentralisé l'organisation des soins, le niveau national conservant un rôle d'encadrement réglementaire et d'impulsion de lignes directrices. Le cadre de financement général ressort d'un accord de financement négocié chaque année.

La gestion locale résultant de la réforme de 2007 est duale : aux régions nouvellement créées, la responsabilité des hôpitaux et le financement des soins primaires et secondaires ; aux municipalités, celle de la prévention, ainsi que des soins infirmiers, de suite et à domicile.

Cette décentralisation a été accompagnée d'une redéfinition de la place de l'hôpital, conçu comme un recours plus que comme un accès aux soins parmi d'autres acteurs. L'hôpital se destine ainsi aux actes techniques, sans héberger au-delà du strict nécessaire les soins postopératoires.

Cette politique s'est concrétisée par une très forte concentration de l'offre hospitalière. Le nombre d'hôpitaux de soins aigus a été réduit de 40 à 21 entre 2007 et 2020, chaque établissement desservant une population de 200 000 à 400 000 personnes. Je vous laisse mesurer ce que représenterait une telle réforme structurelle dans notre pays...

Le nombre de lits par habitant a suivi une trajectoire analogue, atteignant 2,6 pour 1 000 habitants en 2019, contre 5,8 en France à la même date. La durée moyenne de séjour a également continué de baisser, pour s'établir aujourd'hui à 3,5 jours.

Je souhaite souligner deux particularités.

D'une part, la forte régulation dans l'accès et la gradation du système de santé. Le médecin généraliste joue un rôle déterminant de point d'entrée comme de « garde-barrière » : le patient ne décide pas lui-même de sa venue à l'hôpital, sauf urgence évidente. Cela a un impact immédiat sur la saturation des services hospitaliers comme sur la pertinence des actes.

D'autre part, la très forte coordination des soignants, au moyen de systèmes de données de santé très performants, mais aussi des responsables publics : en cas de réhospitalisation, les municipalités payent une pénalité dont le produit revient en partie aux régions. L'amont comme l'aval sont ainsi mobilisés et financièrement incités à réserver l'hôpital aux besoins réels.

À l'heure du bilan, nous avons constaté que cette réforme n'est pas remise en cause. Cette décentralisation a fonctionné, même si certains soulignent que la prise en charge des patients peut se perdre dans le « triangle » d'acteurs qui en sont responsables. Par ailleurs, l'éloignement des structures, y compris d'urgences ou de maternité, au bénéfice de structures plus importantes et techniquement plus sûres, n'a pas conduit à une dégradation des indicateurs de santé.

Le système de santé danois semble aujourd'hui particulièrement efficace tout en étant économe en ressources : au total, les dépenses de santé représentent 10,6 % du PIB.

Le Danemark connaît toutefois ces dernières années des difficultés de recrutement, au point qu'en 2022, les listes d'attente, notamment pour les patients atteints de cancer, sont devenues préoccupantes. Comme la Suède, le Danemark garantit pourtant des délais de prise en charge médicale.

Un « plan d'urgence » assorti d'une enveloppe de 2 milliards de couronnes - soit 270 millions d'euros - a été dévoilé, renforçant l'attractivité et les recrutements ainsi que la participation des établissements privés. Nous avions évoqué ce sujet avec la ministre de la santé du Danemark, en mai 2023, au Sénat.

Le Danemark anticipe sans doute mieux que nous ne savons le faire les transformations qui seront à mener. Les conclusions de commissions ad hoc servent de base à des accords larges, en vue de réformes profondes et, surtout, durables.

Une commission sur la résilience du système de santé a formulé en septembre 2023 des recommandations concernant la priorisation des tâches, la formation des professionnels ou l'attractivité des métiers.

En 2024, une commission sur la structure du système de santé a rendu ses conclusions concernant l'adaptation ou le prolongement de la réforme de 2007, en proposant différents scénarios d'évolution structurelle.

Le gouvernement a par la suite présenté son projet de réforme : il consiste à renforcer l'échelon régional et à fusionner deux régions, avec pour objectif affiché de mieux répartir les médecins sur le territoire, certaines compétences des municipalités remontant au niveau régional. Dans le même temps, 17 conseils de santé seront créés afin de disposer d'un échelon de pilotage plus fin.

En novembre 2024, le gouvernement de Mette Frederiksen est parvenu à obtenir un accord réunissant les principaux partis politiques, dont quatre au-delà de sa coalition. Si le Danemark est un plus petit pays que le nôtre, je retiens que les appréhensions de départ ont été contredites.

J'en viens au second thème de notre déplacement : la prise en charge des personnes âgées dépendantes. En la matière, les deux pays que nous avons visités ont des approches divergentes d'un défi commun à toute l'Europe, même s'ils affichent une même préférence pour le maintien à domicile.

En Allemagne, une branche de la sécurité sociale dédiée à la dépendance a été créée dès 1995. À la différence de notre branche autonomie, elle est financée par des cotisations sociales payées par les salariés et les employeurs et gérée par les caisses d'assurance maladie.

Le financement de l'assurance dépendance est une compétence fédérale. Face à l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, le taux de cotisation a augmenté en juillet 2023, pour atteindre 3,4 % du salaire brut, dont la moitié à la charge de l'employeur. Ce taux est modulé en fonction du nombre d'enfants.

L'assurance dépendance allemande prend notamment en charge une allocation dépendance, sans équivalent dans le système français de protection sociale, qui consiste en une prestation en espèces versée sous condition de degré de dépendance. Celle-ci peut se cumuler partiellement avec des aides en nature, notamment pour la prise en charge de services d'aide et de soins à domicile.

En 2023, les dépenses au titre de l'allocation dépendance s'élevaient à 16 milliards d'euros, pour des dépenses totales de 56 milliards d'euros.

Entre 2017 et 2021, le nombre de personnes âgées dépendantes en Allemagne a augmenté de 42 %. Le nombre total de personnes dépendantes devrait augmenter fortement dans les années 2030 et 2040, pour atteindre 6,8 à 7,6 millions en 2055. L'assurance dépendance sera donc mise sous forte pression au cours des prochaines décennies, ce qui devrait rendre nécessaires de nouvelles réformes.

En ce qui concerne les modes de prise en charge, l'Allemagne donne la priorité au maintien à domicile et aux soins informels.

En 2023, les dépenses d'assurance dépendance liées aux modes de prise en charge à domicile s'élevaient à 36 milliards d'euros, contre 20 milliards d'euros pour les prises en charge en établissement. Sur les quelque 80 % de personnes âgées dépendantes vivant à domicile, 46 % sont prises en charge par des proches aidants et bénéficient de la totalité de l'allocation dépendance en espèces.

Si elle présente l'avantage de la simplicité et de la souplesse, cette allocation dépendance tend à laisser prospérer des modes d'accompagnement informels et ne garantit pas nécessairement la qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Elle apporte cependant un soutien important aux familles concernées, qu'elle contribue à responsabiliser.

Les proches aidants jouent donc un rôle essentiel dans le maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie. L'Allemagne compte 7,1 millions de proches aidants, dont les deux tiers ont plus de 50 ans et 57 % sont des femmes.

Plus de 4 millions d'entre eux doivent cumuler cette charge avec un emploi. Il existe actuellement deux dispositifs de congé destinés à permettre cette conciliation. S'ils n'obéissent pas aux mêmes règles, ils peuvent se combiner pour permettre une indemnisation pendant une période maximale de 24 mois. La coalition gouvernementale avait pour projet d'unifier et d'assouplir les deux formes de congé existantes, auxquels seules 100 000 personnes par an environ ont recours.

À Berlin, nous avons rencontré une fédération représentant les aidants familiaux. Celle-ci a insisté sur l'insuffisance des prestations de l'assurance dépendance, sur le reste à charge pour les familles, sur l'évaluation trop restrictive de la dépendance et sur la nécessité d'une meilleure valorisation du rôle des aidants.

Quant aux établissements spécialisés, ils sont de taille très variable, allant de petites unités à des établissements de 300 places. L'offre est à 95 % privée et, en majorité, à but non lucratif.

Si la majorité des établissements proposent un hébergement permanent, certaines structures offrent des modes d'accueil plus flexibles. En tout état de cause, le cadre réglementaire allemand offre beaucoup de souplesse et permet un niveau de financement adéquat.

En cohérence avec le système fédéral allemand, les Länder sont responsables de l'organisation de l'offre sur leur territoire, ainsi que du financement et du contrôle des structures. Les communes disposent également d'une certaine autonomie pour coordonner l'offre de soins aux personnes dépendantes sur leur territoire. Le manque de places au regard de la demande a toutefois été signalé au cours de nos entretiens.

Pour sa part, le système danois repose sur une approche universaliste de la prise en charge de la dépendance.

Le Danemark est, avec les Pays-Bas, la Norvège et la Suède, l'un des pays qui consacrent la part la plus importante de sa richesse nationale aux dépenses liées à la dépendance. Il est aussi l'un des pays où les financements publics sont les plus élevés et le reste à charge le plus faible pour les usagers.

Le modèle danois se caractérise par une forte professionnalisation et une large couverture de la population. Les prestations sont essentiellement délivrées en nature et permettent notamment la prise en charge des services à domicile. Elles sont pour la plupart offertes sans participation financière des bénéficiaires.

Le système danois est fortement décentralisé. Les 98 communes sont compétentes pour financer, organiser et mettre en oeuvre les soins et les aides aux personnes âgées, que ce soit à domicile ou en établissement spécialisé.

Les services sont généralement publics et assurés par le personnel des communes. Une partie de ces services est toutefois déléguée à des opérateurs privés.

L'approche danoise est fondée sur l'idée qu'il est plus efficace et plus économique d'aider les personnes âgées à rester autonomes à domicile. Les prestations fournies par les communes incluent notamment des mesures de prévention telles qu'une visite de prévention à domicile pour toute personne de 75 ans et une visite annuelle à partir de 80 ans.

Afin de prévenir la perte d'autonomie et l'isolement social, les communes proposent des activités aux personnes âgées. Nous avons visité le centre d'activités pour seniors de Dragør, une commune de la région de Copenhague, qui propose une large gamme d'activités animées par des bénévoles.

Depuis 1987, le Danemark a transformé son offre résidentielle pour personnes âgées dépendantes selon une approche domiciliaire. Les Ehpad danois se distinguent par le fort attachement au principe selon lequel leurs résidents occupent des logements privés, au sein desquels ils sont considérés comme des citoyens à part entière.

À Copenhague, nous avons visité le plus grand établissement pour personnes âgées du Danemark, qui compte 193 logements. Il s'agit non pas de chambres, mais de véritables petits appartements de deux pièces équipés d'un coin cuisine. L'organisation de l'établissement concilie liberté individuelle et surveillance médicale.

Le financement des établissements tend à les inciter à la prévention : quel que soit l'état de santé des résidents, un établissement dispose des mêmes ressources, sachant que le reste à charge des résidents est modique.

Les personnes sont libres de choisir leur résidence. Les communes sont tenues de proposer une place en établissement dans un délai de huit semaines, mais il est possible d'attendre plus longtemps pour obtenir le logement de son choix.

Le fait que les communes gèrent à la fois les services à domicile et les résidences pour personnes âgées facilite l'articulation et les mutualisations entre les deux secteurs. Les communes proposent également des logements intermédiaires dans des résidences adaptées sans personnel permanent.

Il y a un an, le gouvernement danois a présenté un projet de réforme de la prise en charge des personnes âgées intitulé « On n'est jamais trop vieux pour se sentir bien ». Ce projet est en passe d'être définitivement adopté. Motivé par un objectif d'amélioration de la qualité et par la trajectoire de vieillissement de la population, il se décline en trois thèmes principaux.

Le premier est l'« autodétermination » des personnes âgées, qui pourront choisir plus librement leur mode de prise en charge. À partir de 2025, les communes pourront créer des maisons de retraite « de proximité », au fonctionnement inspiré du secteur privé. En outre, les personnes âgées seront orientées non plus vers de multiples services, mais vers un « programme complet de prise en charge ». Les équipes d'intervenants devront être de taille plus réduite et changer moins fréquemment de composition.

Le deuxième thème est la confiance dans le personnel et les services : afin de mettre fin à la suradministration du secteur, les programmes de contrôle seront unifiés et simplifiés. Le personnel pourra ainsi consacrer plus de temps aux soins et à l'accompagnement. Sur ce point, le Danemark prend le contrepied de la France, où les contrôles ont eu tendance à s'alourdir au cours des dernières années.

Le troisième thème est le renforcement des interactions avec les familles et la société civile, l'objectif du gouvernement étant d'augmenter le nombre de bénévoles.

Le Danemark et l'Allemagne sont en effet confrontés à des difficultés de recrutement de professionnels du grand âge. Comme en France, le déficit de personnel qualifié devrait s'aggraver sous le double effet du vieillissement de la population et du vieillissement des personnels actuels, dont un grand nombre partira à la retraite dans les prochaines années.

En Allemagne, qui fait face à une pénurie plus générale de main-d'oeuvre, l'attractivité du secteur médico-social pâtit des conditions de travail et de l'évolution défavorable des rémunérations, pourtant présentées comme relativement élevées dans les maisons de retraite.

Au Danemark, les communes ne sont déjà plus en mesure de satisfaire tous les besoins en raison du manque de main-d'oeuvre : le personnel est surchargé, ce qui contribue à dégrader les conditions de travail et accroît les risques de négligence et de maltraitance.

Pour faire face à ce défi, le gouvernement allemand envisageait au printemps dernier le déploiement d'une stratégie axée sur les qualifications. Compte tenu de la démographie allemande, il projetait également d'assouplir les conditions dans lesquelles les travailleurs étrangers engagés dans une démarche d'intégration peuvent bénéficier d'une reconnaissance de leur diplôme.

Au Danemark, le projet de réforme prévoit de libérer du temps pour les soins et de développer le bénévolat, mais il ne traite pas directement le problème de l'attractivité des métiers. Les parlementaires danois que la délégation a rencontrés ont toutefois affirmé qu'ils se fixaient l'objectif de former davantage d'aides-soignants et d'assistants de vie.

Les Danois sont enfin volontaristes en matière de numérique. À Copenhague, environ 10 % des citoyens reçoivent des prestations à domicile par le biais d'un écran, et la municipalité souhaite augmenter ce taux. Même si ces technologies ne constituent pas une panacée, l'audace du Danemark dans ce domaine pourrait constituer une source d'inspiration.

Telles sont, mes chers collègues, les principales observations et conclusions que nous avons pu tirer de cette double mission.

La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

Désignation de rapporteurs

M. Philippe Mouiller, président. - Nous devons à présent désigner des rapporteurs pour de nombreux travaux, qu'il s'agisse de travaux de contrôle ou de textes législatifs. Les propositions qui suivent tiennent compte des propositions des différents groupes.

Pour la mission d'information sur l'organisation et le financement de la prévention dans le domaine de la santé, je vous propose de désigner Mme Marie-Do Aeschlimann, Mme Marion Canalès et Mme Nadia Sollogoub.

Il en est ainsi décidé.

M. Philippe Mouiller, président. - Pour la mission flash sur les dangers liés aux médicaments opioïdes, je vous propose de désigner Mme Patricia Demas, Mme Anne-Sophie Romagny et Mme Anne Souyris.

Il en est ainsi décidé.

M. Philippe Mouiller, président. - Pour la mission sur l'accès aux soins à La Réunion, je vous propose de désigner, outre moi-même, M. Laurent Burgoa, M. Khalifé Khalifé, Mme Élisabeth Doineau, Mme Marion Canalès et Mme Marie-Claude Lermytte. Mme Viviane Malet sera en outre naturellement associée à nos travaux sur place pendant tout ce déplacement et elle participera à l'élaboration du rapport qui suivra.

Il en est ainsi décidé.

M. Philippe Mouiller, président. - Pour la mission d'information sur la santé mentale, M. Jean Sol et Mme Céline Brulin ont déjà été désignés. Je vous propose de leur adjoindre M. Daniel Chasseing.

Il en est ainsi décidé.

Projet de loi d'urgence pour Mayotte - Désignation d'un rapporteur pour avis

M. Philippe Mouiller, président. - La commission des affaires économiques est saisie au fond du projet de loi d'urgence pour Mayotte, mais elle en a délégué plusieurs articles à notre commission. Je propose de désigner Mme Christine Bonfanti-Dossat rapporteure pour avis de ce texte que nous examinerons le 28 janvier en commission et le 3 février en séance publique.

La commission désigne Mme Christine Bonfanti-Dossat rapporteure pour avis sur le projet de loi n° 772 (A.N., XVIIe lég.) d'urgence pour Mayotte, sous réserve de sa transmission.

Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Silvana Silvani rapporteure sur la proposition de loi n° 208 (2024- 2025) visant à indexer les salaires sur l'inflation, présentée par Mme Cathy Apourceau-Poly, Mme Silvana Silvani, Mme  Céline Brulin et plusieurs de leurs collègues.

Proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique - Désignation des candidats à une commission mixte paritaire

M. Philippe Mouiller, président. - Nous devons enfin désigner des candidats pour la commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, adoptée par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2023 et par le Sénat le 7 février 2024.

Une CMP s'est déjà tenue sur ce texte le 21 mars dernier. La dissolution de l'Assemblée nationale étant toutefois intervenue alors que le gouvernement attendait la réponse de la Commission européenne, à laquelle le texte de la commission mixte paritaire avait été notifié, le texte de la CMP est devenu caduc. Une nouvelle CMP a donc été convoquée par le gouvernement.

Cette CMP se réunira jeudi 23 janvier, à 10 heures 30, au Sénat, dans notre salle de commission.

La commission soumet au Sénat la nomination de M. Philippe Mouiller, M. Khalifé Khalifé, Mme Pascale Gruny, Mme Élisabeth Doineau, M. Jean-Luc Fichet, Mme Corinne Féret et Mme Solanges Nadille comme membres titulaires, et de Mme Florence Lassarade, Mme Marie-Pierre Richer, M. Olivier Henno, Mme Émilienne Poumirol, Mme Silvana Silvani, M. Daniel Chasseing et Mme Véronique Guillotin comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

La réunion est close à 12 h 40