Jeudi 16 janvier 2025

- Présidence de M. Stéphane Piednoir, sénateur, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Présentation du projet de règlement intérieur de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais adresser mes voeux à nos invités, auxquels je souhaite beaucoup de succès dans la mise en place de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), défi majeur et inédit. Il s'agit pour vous à la fois de maintenir le niveau très élevé de la sûreté nucléaire dans notre pays et de faire face aux nouveaux développements du nucléaire promis pour les prochaines années.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) est réuni aujourd'hui en application de l'article 5 de la loi du 21 mai 2024, pour se voir présenter par l'ASNR son projet de règlement intérieur. Cette disposition a été introduite en première lecture au Sénat, par amendement des rapporteurs des deux commissions saisies au fond et pour avis, Pascal Martin et Patrick Chaize, alors que le Gouvernement se montrait plus que réservé. L'Assemblée nationale avait ensuite supprimé cet ajout, mais la commission mixte paritaire l'a rétabli, de sorte qu'il figure bien dans la loi en vigueur.

Nous devons, en tant que parlementaires, nous assurer de la conformité du nouveau règlement intérieur de l'ASNR à l'intention du législateur.

Plusieurs points revêtaient à nos yeux une importance cruciale : la séparation de l'expertise et de la décision, la publication des résultats d'expertise, des décisions et des avis, la création d'un conseil scientifique, la déontologie et l'intégrité scientifique.

Tous ces points avaient d'ailleurs été mis en avant dans le rapport de l'Office de juillet 2023, dont j'étais le rapporteur avec Jean-Luc Fugit.

Avant d'entendre les représentants de l'ASNR, je tiens à saluer leur décision d'attendre la présentation du règlement intérieur devant l'Office pour procéder à son adoption formelle. Nous y voyons un respect de l'intention du législateur, et surtout une reconnaissance du sérieux de l'OPECST en matière de sûreté nucléaire, un sujet inscrit dans son ADN depuis sa création voici une quarantaine d'années. L'Office avait d'ailleurs suggéré et accompagné la création de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Il entend chaque année les responsables de la sûreté nucléaire pour établir un point précis de la situation en France. La loi de 2024 prévoit que la transmission à l'Office du rapport annuel de l'ASNR a lieu avant sa publication. Nous y voyons matière à satisfaction.

Ce matin, l'Office souhaiterait également entendre le président de l'ASNR présenter la façon dont est mise en place cette nouvelle autorité et les conséquences de l'absence de budget pour 2025 sur son fonctionnement. Il apparaît essentiel d'éviter toute rupture dans le contrôle de la sûreté nucléaire au cours des prochaines semaines.

M. Pierre-Marie Abadie, président de l'ASNR. - L'audition de ce jour s'annonce comme le premier d'une série de rendez-vous dans le cadre du suivi de la mise en oeuvre de la nouvelle ASNR. Je remercie l'OPECST de l'attention qu'il accorde à cette mise en place. Il nous importe que la représentation nationale suive celle-ci, dans la mesure où ce suivi garantit l'indépendance de l'ASNR.

M'accompagnent aujourd'hui Stéphanie Guénot Bresson, Géraldine Pina, Jean-Luc Lachaume et Olivier Dubois qui composent avec moi le collège de l'ASNR, qui s'est beaucoup impliqué dans l'élaboration du règlement intérieur. Le directeur général des services, Olivier Gupta, est également présent, aux côtés du directeur général chargé des questions de radioprotection, de santé, d'expertise et de recherche, Jean-Christophe Gariel, et du directeur des affaires juridiques, Andy Contesso.

Je présenterai un point de situation sur la mise en place de l'ASNR avant de me pencher sur le projet de règlement intérieur et sur les modifications intégrées à celui-ci en réponse aux remarques émises lors des consultations. Je vous livrerai enfin quelques perspectives sur les étapes à venir.

Depuis ma dernière audition par votre Office, voici deux mois, en tant que président désigné de l'ASNR, celle-ci s'est dotée d'une équipe de direction qui regroupe à la fois des directeurs de l'ASN et de l'IRSN. Tous les décrets attendus ont été publiés en temps voulu, de sorte que l'ASNR apparaît bien comme une organisation opérante, quoique selon des modalités transitoires. Les transferts de biens, droits et obligations ont pris effet. Des directions conjointes des fonctions transverses essentielles, telles que les ressources humaines, la communication, le dialogue, les relations internationales, la comptabilité et les finances, ont d'ores et déjà vu le jour. Le dispositif de paie a été testé avec succès à la fin de l'année 2024. L'ensemble des personnels a été affecté. Les délégations HSE (hygiène, sécurité et environnement) ont été adaptées au statut administratif de l'ASNR, en assurant la continuité des principes et de leur fonctionnement. À rebours de ce que d'aucuns craignaient, l'ASNR fonctionne depuis le 1er janvier, assurant la continuité du service public. La nouvelle organisation de crise a été testée à la fin 2024 lors de plusieurs exercices. Elle est aujourd'hui en place et fonctionne de manière intégrée à partir d'un centre de crise unique, sur le site de Fontenay-aux-Roses.

De premières prises de parole nationales et internationales ont eu lieu. Dominique Voynet a assisté à la dernière réunion du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). J'ai fait part à cette occasion de ma volonté d'associer étroitement le HCTISN à l'établissement de la feuille de route de l'ASNR en matière de dialogue avec les parties prenantes. De premiers séminaires ont d'ores et déjà réuni l'équipe de direction en vue de la construction d'un collectif de travail. Le collège s'est, lui aussi, réuni pour préparer cette feuille de route, que je présenterai au personnel à la fin du mois de janvier 2025.

Vous évoquiez les questions budgétaires. À l'instar du secteur public et de l'administration dans leur ensemble, l'ASNR fait face à une situation contrastée. Si le projet de loi de finances (PLF) est voté dans les termes prévus, l'ASNR disposera de tous les moyens nécessaires. Fin 2024, nous nous sommes réjouis de l'approbation du rescrit fiscal qui réglait les dernières questions alors en suspens, notamment le traitement de la taxe sur la valeur ajoutée. Pour autant, l'ASNR est pour l'heure soumise au régime des services votés. Nous resterons vigilants, durant les semaines à venir, sur le traitement réservé à l'ASNR en la matière.

La principale difficulté vient de ce que l'ASNR ne s'inscrit pas dans la stricte continuité de l'IRSN et de l'ASN. Au rebasage d'une vingtaine de millions d'euros se sont ajoutées des mesures de revalorisation salariale de 15,7 millions d'euros. Certains financements propres à l'IRSN, correspondant à des taxes affectées, ne sont pas prolongés dans le régime des services votés. Pour ces raisons, il manque à l'ASNR un montant important, essentiellement dévolu à son fonctionnement. Bien que gérable, ce manque pourrait assez rapidement conduire à certaines tensions. Le paiement des salaires ne posera cependant pas de difficulté. Des leviers pourraient être actionnés, dès le mois de février, pour libérer une part plus élevée des sommes indispensables au fonctionnement de l'ASNR, dans l'attente du vote d'une loi de finances. À la demande des membres de l'OPECST, une fiche vous a été communiquée sur ce sujet.

Le règlement intérieur de l'ASNR, en tant que document structurant, a fait l'objet de nombreuses consultations auprès des instances de représentation du personnel. Celles-ci ont rendu un avis sur sa première version. La presse s'en est d'ailleurs fait l'écho. Conformément à notre engagement, nous avons substantiellement modifié le projet de règlement, en réponse aux remarques exprimées lors de ces consultations. Je vais revenir plus précisément sur ces changements. Le comité exécutif de l'ASNR a travaillé sur le règlement intérieur et en a approuvé les modifications.

La rédaction de ce règlement n'a pas été un exercice aisé, dans la mesure où il existe peu de documents comparables dont nous aurions pu nous inspirer. Le règlement intérieur de l'ASNR répond à une première injonction : celle des statuts généraux des autorités administratives indépendantes, tels que définis par la loi du 20 janvier 2017. Il s'agit essentiellement de déterminer les règles de délibération du collège et de prise de décision, ainsi que les règles de déontologie encadrant le fonctionnement des instances. Ceci explique l'importance accordée à ces questions dans le règlement intérieur de l'ASNR, comme d'ailleurs dans celui de l'ancienne ASN. Il importe de garantir la sécurité juridique des décisions de l'Autorité.

La deuxième injonction résulte de la loi de 2024. Celle-ci a en effet prévu que ce règlement précise les conditions de délégation de pouvoir et de signature, l'organisation des expertises, les règles en matière d'éthique et de déontologie applicables à l'ensemble du personnel, le fonctionnement des groupes permanents d'experts, les modalités de publication des expertises et des avis, ainsi que la mise en place du conseil scientifique.

Du fait de ces deux injonctions, le règlement intérieur de l'ASNR se situe à mi-chemin entre celui d'une autorité administrative indépendante et un guide de management du personnel. Sa rédaction a dû tenir compte des enjeux de pédagogie interne, ce qui explique l'aridité de certains passages, tandis que d'autres peuvent sembler disproportionnés par rapport aux sujets qu'ils traitent.

J'aimerais commenter sept sujets ayant donné lieu à des discussions, tant avec les instances de représentation du personnel qu'au sein même du collège ou de l'équipe de direction de l'ASNR.

Le premier sujet est le sentiment d'invisibilisation de certains métiers, pourtant essentiels à l'ASNR. De par son objet même, le règlement intérieur de l'ASNR traite peu de la recherche, malgré l'importance de cette activité. Olivier Gupta et moi-même avons d'ailleurs passé plusieurs journées dans les laboratoires, afin d'installer pleinement l'ASNR dans son environnement de recherche. Pour corriger l'impression d'un manque de considération envers les métiers de la recherche, un préambule a été ajouté au règlement intérieur. Il rappelle que tous les personnels de l'ASNR, chercheurs, experts, chargés d'affaires ou d'instruction, contribuent à ses missions. Le règlement intérieur précise d'ailleurs que ces personnels agissent avec compétence, rigueur technique et scientifique, ouverture, écoute, et attention aux signaux faibles - en somme, tout ce qui contribue à la culture de sûreté. En outre, les enjeux liés à la science ont été mieux mis en valeur dans la partie relative à la déontologie. Celle-ci comporte désormais un chapitre consacré à l'intégrité scientifique.

Le deuxième sujet ayant soulevé de nombreuses questions est la clarification de la gouvernance de l'ASNR. Il s'agit là d'un sujet nouveau, tant pour les personnels issus de l'ancienne ASN, puisque la nouvelle autorité intègre des métiers différents, que pour les experts et les chercheurs, accoutumés à dépendre d'une entité dotée d'un conseil d'administration et d'un directeur général. À l'ASNR, un collège prend les décisions et définit la stratégie, sans exercer de fonction opérationnelle ; celles-ci reviennent au président et au directeur général des services. Afin d'améliorer la dimension pédagogique du règlement intérieur, quelques articles ont été ajoutés pour préciser les domaines d'intervention du collège et expliciter que celui-ci n'est pas un conseil d'administration. Les missions du président et du directeur général des services ont également été clarifiées. L'équipe de direction obéira à un fonctionnement collégial, comme en attestent les premiers séminaires déjà organisés.

Le troisième sujet touche à l'articulation entre expertise et décision. Il a suscité de nombreuses questions, d'ailleurs légitimes. La première version du règlement intérieur, trop complexe, laissait l'impression d'un dispositif corseté, voire rigide. L'expression « commandes d'expertise », répétée six fois, ne traduisait pas la réalité des pratiques à maintenir, laissant entendre à tort que ces commandes n'émanaient que des demandeurs, c'est-à-dire des services en instruction. Ceci vient du fait que le projet de règlement s'inspirait de la norme générale en matière d'expertise, s'appliquant aux expertises sollicitées par un demandeur auprès d'un prestataire. La première version du règlement intérieur ne satisfaisait personne. Les modifications apportées, validées par les instances de représentants du personnel comme par l'équipe de direction, ont permis de définir les notions d'expertise et de décision. Il a été précisé ce qu'il fallait entendre par expertise et par instruction, et en quoi les chercheurs, les experts et les instructeurs contribuent à la qualité des décisions prises à l'ASNR. De plus, les articles désignant les acteurs des expertises et instructions ont été mieux articulés. Ces acteurs ne sont autres que le coordinateur de l'instruction, le pilote de l'expertise, ceux qui contribuent d'une part à l'expertise, d'autre part à l'instruction, enfin ceux qui valident l'expertise ou l'instruction.

Les conditions de saisine de l'ASNR - saisine parfois appelée « commande » - ont été également précisées. Toute saisine est discutée entre le pilote de l'expertise et le coordinateur de l'instruction, qui échangent des informations tout au long de la démarche. La nouvelle version du règlement intérieur a paru convenir aux équipes consultées.

Le quatrième sujet touche à la publication des avis. Seule s'est posée la question de la temporalité des publications, qui a évolué à la faveur de la législation. Par souci de pédagogie et de lisibilité de l'action de l'ASNR, ses avis d'expertise seront en principe publiés en même temps que ses décisions, sauf dans le cas où une publication au fil de l'eau apparaîtrait plus pertinente. Il n'est en aucun cas question de faire régresser la transparence. Ceci n'aurait pas de sens et ne correspondrait pas aux principes fondamentaux d'une autorité indépendante tenue de rendre des comptes aux parties prenantes. La première version du règlement intérieur se concentrait sur les expertises pour instruction, négligeant celles que justifient d'autres circonstances. De fait, certaines expertises ne sont pas rattachées à des instructions. Tel est le cas des expertises rendues pour des administrations tierces. Sous réserve de l'accord de ces dernières, ces expertises seront publiées. Comme auparavant, les expertises rendues hors de toute procédure d'instruction, par exemple à propos d'un retour d'expérience, ont également vocation à être publiées.

Le cinquième sujet concerne la possibilité d'une auto-saisine, qui soulève des enjeux multiples, aussi bien pour l'expertise que pour le conseil scientifique. Il importe que les « sachants », qu'il s'agisse d'experts ou de membres du conseil scientifique, puissent interpeller l'ASNR sur des sujets à enjeu de sûreté ou de radioprotection. Cette possibilité s'inscrit dans une culture de sûreté développée, à l'écoute des signaux faibles. Évidemment, il convient d'user avec pertinence de cette capacité d'interpellation, au risque de disperser l'action collective. La révision du règlement intérieur, avec l'ajout d'un alinéa spécifique, a envoyé un message fort : celui d'un engagement à prendre en compte les signaux faibles.

Le sixième sujet porte sur la diversité des statuts au sein de l'ASNR. Certaines organisations syndicales, représentant principalement les agents publics qui sont aujourd'hui minoritaires au sein de l'Autorité, exprimaient des inquiétudes quant à l'équilibre entre ces agents et le personnel de droit privé. Ils redoutaient que leur part dans l'effectif, voire leur effectif absolu, diminue au fil du temps. La diversité des statuts doit être une force pour l'ASNR. L'enjeu ne consiste pas à opter pour le statut le moins-disant - sachant que la comparaison des statuts apparaît difficile à objectiver, à l'échelle d'une carrière. En réalité, tout dépend des attentes de chacun. L'ASNR offre aux candidats à l'embauche une gamme d'options de recrutement élargie. Ceci revêt d'autant plus d'importance que le marché de l'emploi apparaît actuellement favorable aux demandeurs d'emploi et non aux employeurs. Il est néanmoins compréhensible que les agents publics se questionnent sur leur avenir, au sein d'une structure où 75 % des personnels relèvent du droit privé. Il leur a été dit que le règlement intérieur ne saurait définir une stratégie en matière de ressources humaines. Les syndicats du secteur public ont demandé que la direction s'engage à maintenir constante la proportion d'agents publics. Une telle démarche risquant de rigidifier les processus de recrutement, elle n'a pas été retenue. En conséquence, ces organisations syndicales ont refusé de rendre un avis sur le règlement intérieur. Pour autant, il n'y a aucune raison que la politique de recrutement de la direction privilégie l'un ou l'autre des statuts. A contrario, le maintien par principe des proportions actuelles d'agents de statut public et de droit privé ne repose sur aucun argument recevable. Certaines fonctions, par exemple d'inspection, parce qu'elles nécessitent une prestation de serment ou l'exercice de pouvoirs de police, ne peuvent revenir qu'à des agents publics. Le dialogue social permettra de débattre, dans les mois à venir, de l'équilibre entre agents de statut privé et public dans l'effectif de l'ASNR, ainsi que des enjeux liés aux parcours professionnels des personnels relevant de l'un ou l'autre statut.

Le dernier point est lié à des interrogations sur la déontologie, sujet occupant une part plus que substantielle du règlement intérieur et de ses deux annexes. Les salariés de droit privé se sont beaucoup interrogés à ce propos. Il a fallu rappeler que les grands principes de déontologie s'appliquaient déjà à l'IRSN et à l'ASN, dans la mesure où leurs personnels exerçaient, indépendamment de leur statut, des missions de service public. La jurisprudence ne laisse aucune place au doute : qu'un agent soit de statut public ou privé ne change rien aux principes qu'il est tenu de respecter, tels que la laïcité, le devoir de réserve, la loyauté, etc. La capacité des salariés de droit privé à s'engager en politique ou dans une association a été questionnée. Nous avons rappelé que la jurisprudence se caractérise par une application pragmatique et proportionnée des principes. Ils ne s'appliquent pas de la même manière à un simple salarié et à un directeur aux lourdes responsabilités. Il importera de faire preuve de pédagogie vis-à-vis des personnels et de leur préciser les conséquences de ces principes de déontologie dans leur vie quotidienne. Le comité de déontologie est en cours de constitution. Ses membres pourront éclairer la direction de l'ASNR sur l'application des règles de déontologie.

En conclusion, j'aimerais vous annoncer les prochaines étapes. Nous aurons à travailler, au cours des mois à venir, sur l'animation du collectif de direction, avec le collège et l'ensemble de la chaîne managériale. De premiers séminaires se sont déjà tenus, portant sur l'ambition de l'ASNR et sa finalité. Un partage des changements de paradigmes en cours dans notre environnement est prévu dans ce cadre. L'enjeu ne consiste pas à justifier la réforme ex post, mais à réfléchir aux défis que doit relever l'ASNR, aux risques et aux opportunités qui se présentent à elle.

Nous engagerons un processus professionnel et rigoureux de recherche d'un directeur scientifique. J'ai choisi de recourir à un comité de recherche présidé par un ancien président du conseil scientifique de l'IRSN, Pierre Toulhoat. Il importe de sélectionner le candidat le mieux à même d'incarner la science et qui dispose d'une hauteur de vue suffisante en matière d'évaluation, de programmation scientifique et de programmation des partenariats.

Nous construirons une feuille de route du dialogue en nous appuyant sur le HCTISN, avec lequel je souhaite nouer une collaboration étroite. Cette feuille de route devra être mise en oeuvre par l'ASNR.

Un autre rendez-vous, avec un point d'étape devant votre Office, aura lieu vers la fin du premier semestre ou le début du second et portera sur les questions budgétaires et de moyens. Nous devons engager l'élaboration d'un plan budgétaire et d'effectif à moyen terme.

Au cours des prochains mois, un travail portera sur les futures instances de représentation du personnel, afin de les rendre opérantes dès mars 2026. Un protocole électoral verra le jour en vue d'élections en fin d'année 2025 ou en début d'année 2026.

Enfin, et j'y tiens beaucoup, un travail portera sur les valeurs communes aux personnels de l'ASNR, issus de deux institutions fortes de leur propre culture. Des ateliers organisés en 2024, rassemblant des personnels de l'ASN et de l'IRSN, ont rapidement mis en évidence l'existence de telles valeurs communes. Il conviendra d'identifier ces valeurs partagées par tous, dont beaucoup relèvent de la culture de sûreté, comme la posture interrogative, l'écoute des signaux faibles, la capacité à débattre, le leadership, sans oublier la capacité à faire preuve de transparence et à dialoguer avec les parties prenantes.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Je vous remercie. Nous mesurons mieux, grâce à votre présentation, l'ampleur du travail déjà mené par l'ASNR. L'absence d'adoption d'un budget pour l'État a bien des conséquences, pour les citoyens mais pas seulement. Assurer la sûreté nucléaire dans notre pays n'en reste pas moins essentiel.

M. Jean-Luc Fugit, député, vice-président de l'Office. - Merci pour cette présentation aussi complète qu'utile pour mieux appréhender les démarches engagées à l'ASNR. L'intérêt de l'OPECST pour son règlement intérieur traduit sa volonté d'effectuer un suivi régulier de la mise en place de cette nouvelle autorité, issue de la réforme qui découle en partie du travail mené par l'Office.

J'aimerais revenir sur plusieurs points. Le projet de règlement intérieur ne fait référence ni à un département de l'ASNR consacré à la recherche, ni à la personne responsable de cette mission. Mais vous avez dit qu'un comité ad hoc vous aidera à sélectionner le futur directeur scientifique.

Pourriez-vous nous préciser comment les observations des instances de représentation du personnel ont conduit à modifier le règlement intérieur ? De quelle façon ces instances ont réagi à la prise en compte de leurs avis et remarques ?

Les articles 39 à 41 traitent des conditions de publication des décisions de l'ASNR, des avis des groupes permanents d'experts et des avis d'expertise, mais ils ne mentionnent pas explicitement les conditions de publication des rapports dont découlent ces avis. Ne serait-il pas opportun de les compléter en ce sens ?

Le projet de règlement intérieur décrit les conditions de nomination au sein des groupes permanents d'experts et leur fonctionnement. Leur rôle sera-t-il modifié par rapport à celui qui était le leur au sein de l'ASN ?

Existe-t-il une différence entre les « axes stratégiques » mentionnés à l'article 21 et les « orientations stratégiques » évoquées à l'article premier ?

Les délibérations du conseil scientifique de l'ASNR seront-elles rendues publiques ?

M. Pierre-Marie Abadie. - Nous ne cherchons pas un directeur scientifique spécialiste de toutes les disciplines relatives à la sûreté nucléaire et à la radioprotection, mais quelqu'un d'assez curieux pour s'intéresser à d'autres disciplines que la sienne, qui dispose d'une crédibilité académique et scientifique avérée en France et à l'étranger, compte tenu de la dimension au moins européenne de l'ASNR, et, enfin, dont la hauteur de vue lui permette de construire une vision stratégique et d'évaluation. Le directeur scientifique ne dirigera pas les chercheurs, qui relèveront d'une direction de la recherche. La proximité entre les deux domaines n'en reste pas moins précieuse, chacun se nourrissant de l'autre. Je suis convaincu que le futur directeur scientifique exercera une belle fonction, compte tenu de la diversité des thématiques qu'il devra aborder et de leur ouverture sur d'autres communautés liées à l'environnement ou aux risques industriels.

Les instances de représentation du personnel ont été consultées dans le cadre des dispositions spécifiques prévues par la loi. Elles n'ont pas à émettre un avis sur le document que nous vous présentons aujourd'hui. J'ai présenté à la CCPF - commission conjointe de suivi de la réforme du projet de fusion, instance commune ayant fonctionné en 2023 et 2024 - les modifications apportées au projet initial de règlement intérieur. Les membres de cette commission - plus précisément, les représentants de l'intersyndicale des personnels de droit privé - ont rendu un avis défavorable sur le projet de règlement intérieur, bien qu'ils aient approuvé les changements apportés à sa première version, considérant qu'ils ne devaient se prononcer que sur le texte de départ. Les représentants du personnel de droit public n'ont quant à eux pas rendu d'avis, pour des raisons touchant aux interrogations sur l'équilibre statutaire.

M. Olivier Dubois, commissaire de l'ASNR. - Un avis d'expertise se présente comme la synthèse d'un rapport d'expertise, tout en comportant suffisamment de précisions pour permettre d'en saisir les tenants et aboutissants. L'ASNR, comme autrefois l'IRSN, a besoin en interne de documents d'analyse technique plus détaillés, tels que des rapports d'expertise. De tels rapports sont publiés quand ils concernent des dossiers d'intérêt majeur, par exemple les déchets nucléaires. L'IRSN rendait 200 à 300 avis d'expertise chaque année. Tous n'avaient pas vocation à être publiés. Certains s'avèrent particulièrement techniques, notamment ceux qui concernent les demandes de modification temporaire des règles générales d'exploitation, émises par un exploitant. L'ASNR s'inscrit dans la continuité des pratiques existantes quant à ces avis et rapports. Elle compte donc systématiquement publier ses avis d'expertise. Certains sujets sont débattus au sein du HCTISN. Les rapports d'expertise correspondants sont publiés.

Le fonctionnement des groupes permanents d'experts n'a pas été modifié par rapport à ce que stipulait le règlement intérieur de l'ASN.

M. Jean-Luc Lachaume, commissaire de l'ASNR. - La composition de ces groupes ne changera pas avant la fin de leur mandat.

M. Pierre-Marie Abadie. - Les notions d'axes et d'orientations stratégiques renvoient à la même réalité. Les deux articles les évoquant n'ont pas été rédigés en même temps, d'où une terminologie distincte. La formulation de l'article 21 est reprise du règlement intérieur de l'ASN ; elle ne préjuge pas de la forme que revêtira le plan stratégique pluriannuel de l'ASNR que cet article prévoit, ni de la fréquence de son actualisation.

Le conseil scientifique élaborera son propre règlement définissant les modalités de son fonctionnement et de la publicité de ses travaux. Le principe d'une publication de ses avis relèverait du bon sens. Un travail portera sur ce point avec le président du conseil scientifique et ses membres, ainsi qu'avec le futur directeur scientifique.

L'ASN et l'IRSN disposaient chacun d'un conseil ou comité scientifique, dont les missions et finalités différaient. Le comité scientifique de l'ASN se penchait sur les besoins de science au service de la sûreté et de la radioprotection, l'ASN ne produisant pas elle-même de connaissances scientifiques en la matière. Ce comité avait pour habitude de mener un travail sur un sujet avant de rendre un avis, par exemple sur les besoins de connaissances liés à l'allongement de la durée de vie des réacteurs. Le conseil scientifique de l'IRSN s'apparentait plus à un conseil classique d'établissement. Depuis l'instauration d'un dispositif d'évaluation propre, il avait été dessaisi de cette fonction, de sorte qu'il contribuait peu à la définition de la stratégie de recherche de l'IRSN. Le conseil scientifique de l'ASNR devra porter l'évaluation, piloter et suivre les visiting committees chargés d'évaluer les entités de recherche. Cependant, il n'a pas vocation à réunir toutes les compétences en son sein, ce qui risquerait d'en faire un conseil pléthorique. De plus, il devra être pleinement impliqué dans la définition de la stratégie scientifique et de recherche de l'ASNR. Sa composition sera adaptée en conséquence et une attention particulière sera portée à cet ajustement, une fois le directeur scientifique recruté.

M. Maxime Laisney, député. - Le règlement intérieur de l'ASNR a beaucoup évolué depuis le 17 octobre 2024. Il y a lieu de s'en féliciter. Sa nouvelle version tient compte de nombreuses remarques de l'ancienne direction de l'IRSN, en particulier de son directeur général Jean-Christophe Niel, mais aussi des représentants du personnel, voire de membres de l'OPECST. J'en profite pour saluer le travail et la bataille menés par l'intersyndicale de l'IRSN. Je reste quand même convaincu qu'il aurait mieux valu maintenir le système dual qui avait fait ses preuves.

Dans le règlement intérieur modifié subsistent deux points ayant motivé notre opposition à la réforme dont est issue l'ANSR.

Le premier concerne la séparation entre expertise et instruction, même si les améliorations apportées doivent être saluées. Cette séparation s'effectuera par dossier et par personne, de sorte qu'une même personne pourra être experte ou instructrice selon les dossiers. Ceci pose problème de mon point de vue. Je m'interroge sur la capacité de chacun à s'inscrire, au fil du temps, dans deux cultures différentes. Un autre problème touche au maintien de la confiance des exploitants contrôlés, car ceux-ci hésitent peut-être plus à s'ouvrir à un instructeur qu'à un expert. Pourquoi ne pas séparer les unités d'expertise et d'instruction en les reliant à des chaînes hiérarchiques distinctes ? N'existerait-il pas un moyen de garantir la séparation entre expertise et instruction dans les groupes permanents d'experts ?

Le deuxième point qui me gêne porte sur la transparence, même si, là encore, des améliorations sont à saluer. Le règlement intérieur prévoit une publication des avis simultanément à la décision. Quelques dérogations sont certes envisagées, mais sans que soit spécifié le délai de publication des avis non suivis d'une décision. Il conviendrait d'y remédier. Il me semble en effet plus prudent de maîtriser la communication des avis que de s'exposer à un risque de fuite dans les médias. À titre d'exemple, la presse s'est récemment fait l'écho de vibrations du réacteur de Flamanville. Le public aura-t-il toujours connaissance des expertises conduites par l'ASNR si celles-ci ne donnent pas lieu à une décision ?

À propos de transparence, il existait à l'IRSN un service d'ouverture à la société. Au sein de l'ASNR, celui-ci sera intégré à la direction des relations, de la participation et de la communication. Faire participer le public n'est pourtant pas la même chose que lui communiquer des résultats.

L'extension des règles de déontologie aux chercheurs et aux stagiaires ne risque-t-elle pas de dissuader certains candidats de postuler à l'ASNR ?

Le règlement intérieur se réfère à plusieurs reprises à des décisions unilatérales prises, soit par le président, soit par le directeur général. Les décisions relevant de la science ou de l'éthique ne pourraient-elles pas plutôt être prises collégialement ?

En tant qu'ancien président de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), vous avez indiqué que vous comptez vous déporter des questions touchant à la gestion des déchets, de sorte que seuls quatre membres du collège de l'ANSR, sur les cinq qu'il compte, se prononceront sur ces sujets. Qu'adviendra-t-il si aucune majorité ne s'y dégage ?

M. Pierre-Marie Abadie. - Nous ne séparerons pas les activités d'instruction et d'expertise dans des entités distinctes. Ces activités ne seront distinguées que lors de leur réalisation. L'enjeu consiste à ne pas créer des compartiments hermétiques qui ne communiqueraient pas entre eux, si ce n'est, éventuellement, par des processus formels et organisés. La posture d'expertise n'est certes pas assimilable à la posture d'instruction. Pour autant, elles sont assumées, l'une et l'autre, par des ingénieurs dotés des mêmes compétences techniques. L'enjeu consiste à définir des processus rigoureux tout en animant les équipes autour de problématiques techniques et stratégiques. Autrement dit, la rigueur des processus, inscrits dans le temps de l'expertise ou de l'instruction, doit se conjuguer avec l'animation des populations constituées par métiers techniques, autour des enjeux stratégiques, des sujets émergents et des priorités opérationnelles. Il reste à voir ce qui relèvera du management hiérarchique des équipes, de leur encadrement technique ou fonctionnel, ou encore de l'autorité technique en cas d'arbitrage, lors de l'expertise elle-même ou de la décision qui y fera suite. Nous aborderons la question en bon ordre, quitte à devoir prendre du recul en nous interrogeant sur les défis à venir. Les activités d'expertise et de recherche ont déjà été juxtaposées, tout en préservant la distinction entre le management hiérarchique et le management fonctionnel de l'une et de l'autre. Certains services sont dotés d'un bureau s'occupant soit de recherche, soit d'expertise dans le domaine de la sûreté. Le directeur de l'expertise et le directeur de la recherche exerceront leur autorité hiérarchique sur un certain nombre de services, tout en détenant une autorité fonctionnelle dans chacun de leurs domaines respectifs. Pour autant, je ne souhaite pas forcément étendre un tel modèle à l'ensemble de l'ASNR. Je tenais simplement à vous montrer la richesse des outils de management dont nous disposons. Le travail restant à mener sur la distinction entre autorité hiérarchique et autorité fonctionnelle dans les champs de l'expertise et de l'instruction ne devra pas perdre de vue la finalité de ces activités. Certaines communautés de métiers apparaissent trop petites pour être réparties entre différentes entités. Tel est le cas de celle qui traite des FSOH (facteurs sociaux, organisationnels et humains).

Les groupes permanents d'experts tirent leur force de la réunion, en leur sein, d'expériences d'une grande variété, allant de connaissances techniques pointues jusqu'à un savoir de terrain. Des exploitants y côtoient des instructeurs ou des chercheurs. Certains de leurs membres, issus de la société civile, n'oeuvrent pas dans le champ de l'expertise institutionnelle. Ils se déportent des sujets sur lesquels ils ont parfois été partie prenante.

Le règlement intérieur édicte des principes de publication et renvoie à des procédures qui restent à définir. Ces publications seront-elles attachées à des décisions, et donc concomitantes, de manière à gagner en lisibilité, ou groupées comme le faisait l'IRSN ? La question reste à trancher.

La nécessité pour l'ASNR de nouer un dialogue avec la société ne peut pas susciter de débat. Je crois avoir laissé le souvenir, à l'issue de mon passage à la tête de l'ANDRA, d'une institution attachée au dialogue avec les parties prenantes, n'hésitant pas à innover par l'instauration de conférences citoyennes. Un débat récurrent porte néanmoins sur l'organisation des services. Le dialogue relève de l'information et de la mobilisation de l'ensemble des publics. Il suppose des interactions, de la concertation, voire de la co-construction sur certains sujets. Il n'est pas question de faire de « l'acceptologie », comme d'aucuns oeuvrant dans le champ des sciences sociales tendent à le craindre, mais de mobiliser tous les outils au service du dialogue avec les parties prenantes. D'excellentes initiatives ont déjà été prises en la matière, bien que certaines aient buté contre des pierres d'achoppement.

Je me suis replongé, avant d'assumer la présidence de l'ASNR, dans les documents fondateurs d'un tel dialogue avec la société, notamment dans un rapport rédigé par Georges Mercadal, qui fut vice-président de la Commission nationale du débat public (CNDP) - rapport auquel avait contribué Yves Marignac. Si un travail concluant s'est noué avec l'expertise non institutionnelle dans une optique de dialogue technique, le dialogue s'est heurté aux limites de l'entre-soi, alors qu'il aurait été préférable de mobiliser d'autres publics, au-delà du cercle des acteurs habituels. Sont en jeu la relève des acteurs de la participation et la capacité à toucher d'autres publics, afin d'élargir nos horizons de réflexion. Ce que j'appelle la direction du dialogue et de la communication de l'ASNR - elle porte un nom différent dans l'organigramme - doit informer le public, contribuer à sa mobilisation et construire des enceintes de dialogue. Nous comptons travailler avec le HCTISN, via une commission ad hoc ou un groupe de travail, sur les modalités d'un dialogue réussi et les rendez-vous qui le scanderont. De fait, si le dialogue avec la société doit s'inscrire dans un continuum, il reste plus aisé d'en mobiliser les acteurs lors de rendez-vous marquants, tels que les concertations sur le réexamen à quarante ans des réacteurs. L'ASNR restera quand même maître de son dialogue. Il lui reviendra de le conduire.

La déontologie appliquée aux experts et chercheurs est pour eux un sujet d'inquiétude. Nous nous sommes efforcés de faire preuve de pédagogie en améliorant la rédaction des articles du règlement intérieur qui en traitent. Nous avons choisi de préserver l'expert chercheur des questions de conflits d'intérêt en confiant la signature des contrats et conventions à un acteur tiers, à savoir le directeur scientifique et, dans l'attente de son recrutement, un directeur général, non exposé aux enjeux d'expertise et de recherche.

L'une de vos questions portait sur le caractère collégial ou personnel des décisions prises au nom de l'ASNR. La loi stipule que le chef de service de l'ASNR, au sens administratif du terme, n'est autre que son président. Un directeur général des services le seconde. L'ASNR ne comporte donc pas de directoire soumis à un conseil de surveillance. Le Collège peut déléguer ses pouvoirs au président, autorisé pour sa part à déléguer ses pouvoirs de signature au directeur général. Dans la pratique, l'équipe de direction travaillera en collégialité, comme elle a d'ailleurs déjà commencé à le faire à l'occasion de plusieurs séminaires.

Au regard de mes anciennes fonctions, j'ai tenu mes engagements, dès la première délégation de pouvoir. En cas de déport du président, une décision ne pourra être prise par le collège qu'à condition de susciter un consensus. Le règlement intérieur prévoit que, quand le vote du collège est partagé de façon égale, le point correspondant de l'ordre du jour est reporté. Une telle disposition me semble plutôt rassurante.

Mme Stéphanie Guénot Bresson, commissaire de l'ASNR. - Vous avez soulevé la question de la réaction des exploitants à la visite d'une équipe mixte. Sachez que les membres du collège de l'ASNR visitent les installations pour lesquelles ils ont à prendre des décisions. Il importe en effet de s'entretenir avec les opérateurs sur le terrain pour saisir les enjeux de ces décisions. Depuis notre dernière audition par l'OPECST, nous avons systématiquement demandé aux exploitants ce que leur inspirait la perspective d'équipes de visite mixtes. Ils n'ont pas du tout paru inquiets. Jusqu'à présent, lorsqu'une décision complexe devait être prise, des réunions communes entre exploitants, experts et instructeurs se tenaient, afin de mieux cerner le contexte. L'instructeur était présent tout au long de ces réunions, pour contextualiser la décision à prendre. À vrai dire, les grands exploitants que nous avons rencontrés ces deux derniers mois ont été surpris que la question de la composition des équipes de visite ait été abordée à l'OPECST. Dès à présent, les réunions préalables à la décision finale rassemblent experts et instructeurs. Nous sommes attachés à une culture de la transparence, celle-ci étant gage de sûreté. Il y aurait plutôt lieu de s'inquiéter si les exploitants s'interrogeaient sur la réponse à apporter aux demandes d'expertise. Conformément à la réglementation, chaque décision de l'ASNR fait l'objet d'une consultation du public, mais aussi de l'exploitant, pour éviter un défaut de sûreté qui résulterait de mesures impossibles à traduire dans la réalité.

Mme Dominique Voynet, députée. - Je ne suis pas entièrement convaincue par vos exemples à propos de la séparation entre l'expertise et la décision. Ne serait-il pas nécessaire que le règlement intérieur réaffirme cette séparation plus strictement, par des objectifs et des moyens concrets ?

L'article premier indique que le collège « peut approuver » un certain nombre de décisions. Je préférerais lire que le collège « les approuve », tout simplement. Qui d'autre pourrait le faire ?

Dans l'article 39, relatif à la publication des avis et, éventuellement, des rapports d'expertise de l'ASNR, la mention « selon des modalités adaptées » ne me convient pas. Il faudrait convenir de modalités et, surtout, d'un délai de publication précis et raisonnable pour éviter toute suspicion du public.

L'ouverture à la société présente des difficultés dans bien d'autres domaines que celui de la sûreté nucléaire, certes confronté à l'écueil d'un trop grand entre-soi. Des enjeux de formation et de relève se posent dans le petit milieu de la sûreté nucléaire, où l'argument d'autorité n'apparaît pas recevable. Des règles doivent garantir au citoyen d'être reconnu comme un expert, loin de toute posture condescendante de la part des « sachants ». D'ici un ou deux ans, nous pourrions revenir sur l'expertise citoyenne, lors d'une évaluation des dispositifs en place, afin d'aller plus loin dans cette voie.

Concernant la déontologie, tant le règlement intérieur que ses annexes comportent des éléments intéressants. En tant que parlementaires, nous constatons que le corpus de déontologie a évolué au fur et à mesure des abus, des scandales et des suspicions citoyennes. Je serais très intéressée par des précisions sur les moyens à la disposition du déontologue pour détecter, traiter et suivre les cas de manquement à la déontologie. Suffit-il d'édicter des règles en espérant que ceux auxquelles elles s'appliquent les respecteront ? Avez-vous déjà eu affaire à des violations manifestes de la déontologie ? Comment passer de la théorie affichée à la pratique ? Bien sûr, la question se pose dans d'autres secteurs également.

M. Pierre-Marie Abadie. - La formulation de l'article premier s'explique par des raisons de formalisme juridique. Dans l'article 39, l'expression « selon des modalités adaptées » s'applique, au cas particulier, quand un avis d'expertise n'est lié à aucune décision. Il reste à déterminer si la publication de ces avis de l'ASNR aura lieu par paquets, à un rythme mensuel, ou non. Nous avons volontairement omis de préciser ces modalités de publication, car la moindre modification du règlement intérieur s'annonce complexe, devant obéir à un formalisme strict.

Je partage vos remarques sur l'ouverture de l'ASNR à la société. L'enjeu est en effet la mobilisation des publics les plus divers, loin de toute posture condescendante. Comme vous l'avez souligné, un enjeu de relève générationnelle se fait jour parmi les parties prenantes. L'évaluation de l'ouverture de l'ASNR à la société s'effectuera d'elle-même. Je souhaite que nous collaborions étroitement avec le HCTISN sur ce plan et que nos institutions gagnent en lisibilité. De nombreux comités avaient été créés dans cette optique de dialogue et les missions de certains se recouvrent. Lorsque j'étais directeur de l'énergie, j'ai pu apprécier la qualité du HCTISN. Indépendamment des opinions des uns et des autres sur le nucléaire, tous se montrent attachés à une exigence de transparence sur le sujet. Nous reviendrons devant l'OPECST vous présenter les grands axes de notre dialogue avec la société.

Le comité d'éthique et de déontologie contribuera avant tout à créer et diffuser une jurisprudence. Avec la direction des ressources humaines et celle du personnel, il contribuera à faire connaître les décisions de justice et les recommandations en matière de déontologie, afin d'éclairer l'application concrète des règles. Le déontologue rend des avis préalables au recrutement de personnels de l'ASNR venus de l'industrie ou au départ de personnels de l'ASNR vers l'industrie. Chaque cas est traité indépendamment des autres. La plupart des questions soumises au comité de déontologie ne relèvent pas réellement des sujets que vous avez abordés. Au-delà de l'incidence des principes de déontologie sur l'activité des chercheurs et experts, un certain étonnement, voire une incompréhension, s'est manifesté à l'égard des principes s'appliquant aux personnels, indépendamment de leur statut, dans l'exercice de missions d'intérêt général. Je songe ici à la laïcité ou encore au devoir de réserve.

M. Gérard Leseul, député, vice-président de l'Office. - Je vous remercie de l'ajout au règlement intérieur d'un préambule précisant certains points.

Qui définit les orientations stratégiques de l'ASNR ? Le collège ? Auquel cas, il conviendrait de modifier la formulation du règlement intérieur en remplaçant, comme l'a suggéré Mme Voynet, la formule « peut approuver » par le simple verbe « approuve ».

Ne serait-il pas pertinent de définir un délai de publication des avis de l'ASNR, comme l'ont proposé plusieurs de mes collègues de l'Office ?

Enfin, les règles de déontologie s'appliquent-elles aussi aux stagiaires et aux apprentis ? Valent-elles pour l'ensemble des personnels ?

M. Pierre-Marie Abadie. - J'insiste sur le caractère hybride du règlement intérieur, document juridique prescriptif d'une autorité administrative indépendante. Certaines formulations ont été imposées par l'équipe juridique. Nous avons parfois préféré renvoyer à des procédures internes, non par facilité, pour laisser dans l'ombre notre mode de fonctionnement, mais parce que nous ne voulions pas qu'une éventuelle opposabilité du règlement intérieur nous confronte à des difficultés. Nous ne voyons aucune objection à préciser le délai ou les modalités de publication des avis de l'ASNR. Simplement, nous préférons ne pas inscrire ces points dans le règlement intérieur.

Les autorités administratives classiques comportent un collège tenu de prendre des décisions touchant à leurs missions. Ces autorités comptent par ailleurs un effectif réduit. L'ASNR, en revanche, emploie deux mille personnes se livrant à des activités d'une extrême diversité, allant de la recherche opérationnelle à la définition de politiques de recherche, en passant par l'expertise, sans oublier des activités d'instruction et de contrôle. Sa gouvernance reste à construire. Nous avons commencé à nous y atteler. Il importe de distinguer la gouvernance de l'institution, au sens de la définition de sa stratégie, de celle des services, y compris dans leur dimension opérationnelle. Nous veillerons, dans cet esprit, à distinguer les sujets stratégiques, qui devront être présentés au collège, des sujets relevant des services. Nous avons affaire, en quelque sorte, à un problème à trois corps ; ces trois corps n'étant autres que le collège, les services et le président de l'ASNR. La stratégie scientifique ou de recherche de l'ASNR intéressera son collège, tandis que le fonctionnement du système de management intégré, par exemple, intéressera les services. Si le collège ne devrait certainement pas se pencher sur la stratégie du système d'information, il examinera quand même les investissements qu'une telle stratégie suppose, dans la mesure où elle structurera le plan d'investissement à moyen terme. Le collège s'intéressera aussi à des outils structurants pour l'expertise et les connaissances.

M. Daniel Salmon, sénateur. - Je salue l'important travail préalable à la nouvelle version du règlement intérieur, qui a le mérite de renforcer la séparation entre expertise et décision. La distinction entre l'une et l'autre se révèle toutefois ardue, au sein d'une même entité. L'article 28 sur les sollicitations de saisine impose un échange préalable avec les autres responsables. Un tel échange ne risque-t-il pas d'étouffer certains questionnements ? Il vise manifestement à éviter des conflits, mais il arrive qu'un conflit soit salutaire. Nous resterons vigilants quant à l'indépendance de l'expertise et de la décision, dans la pratique.

Par ailleurs, il me semble qu'un minimum de transparence quant aux délais de publication des avis constitue une condition sine qua non de la confiance. Les interactions avec les commissions locales d'information donnaient jusqu'ici satisfaction. La co-construction est génératrice de confiance, dans la mesure où elle mêle plusieurs niveaux d'expertise.

M. Pierre-Marie Abadie. - Je rebondis sur votre très bon exemple des injonctions contradictoires auxquelles nous devons répondre. D'un côté, nous devons séparer expertise et instruction, de l'autre nous devons laisser ces deux activités interagir. La partie du règlement intérieur que vous évoquez ne résulte pas d'une demande du monde de l'instruction, mais de celui de l'expertise. Ce dernier tenait à ce que la saisine ne soit pas unilatéralement imposée par l'instructeur, mais fasse l'objet d'un travail collectif tenant compte des enjeux techniques liés à l'instruction. Nous avons insisté sur les échanges indispensables entre experts et instructeurs tout au long de la démarche, pour adapter la saisine au besoin. L'exigence d'indépendance entre les activités d'expertise et d'instruction se conjugue ainsi à celle du maintien d'un niveau élevé d'interactions.

M. Olivier Dubois. - Une saisine, ainsi que la liste des questions de sûreté à traiter dans un tel cadre, est toujours co-construite entre les équipes d'expertise et d'instruction. Cette pratique, en vigueur à l'IRSN, où j'ai travaillé pendant une dizaine d'années en interaction avec l'ASN, doit perdurer. L'article 28 relatif aux avis d'alerte vise les cas où tous ne s'accorderaient pas sur les enjeux prioritaires de sûreté ou encore ceux où les experts identifieraient un enjeu prioritaire de sûreté non traité par une saisine. Dans une telle configuration, une saisine reste envisageable. Dans l'hypothèse d'une divergence persistante des points de vue, les équipes d'expertise pourraient décider elles-mêmes de mener une expertise, dans le cadre d'une saine culture de sûreté.

Nous avons employé le terme de « modalités adaptées » pour la publication des résultats des expertises internes ne donnant pas lieu à une décision de l'ASNR par souci de couvrir une variété d'expertises assez importante. Si un événement survient dans une installation nucléaire et ne nécessite pas d'avis ni de décision de l'ASNR, il n'y pas lieu de retarder la publication de l'expertise. En revanche, si l'expertise correspond à un travail de fond en vue d'orienter les réflexions sur un sujet de doctrine ou l'évolution des objectifs de sûreté sur le long terme, autant publier ses résultats au bout d'un certain temps seulement.

M. Pierre-Marie Abadie. - Il ne s'agit pas de contourner les exigences du règlement intérieur, mais de s'adapter à la diversité des situations de publication d'avis en évitant des contraintes de formalisme inadaptées.

Les commissions locales d'information font figure d'acteurs d'importance pour notre institution. J'y vois pour ma part des opportunités à saisir. Leur proximité de terrain avec les installations peut les amener à servir de levier de mobilisation collective - des exploitants, des inspecteurs, des instructeurs et des experts. L'ASNR a tout intérêt à mobiliser ces commissions locales, y compris dans une perspective de dialogue.

M. Arnaud Saint-Martin, député. - Je souhaiterais des précisions sur la prise en charge des alertes, évoquée dans l'annexe. Ces alertes sont susceptibles de porter sur une grande variété de situations, allant d'une configuration critique à des failles organisationnelles en passant par des dysfonctionnements techniques ou encore des problèmes de management. Comment ces alertes seront-elles recueillies ? Comment seront protégés les lanceurs d'alerte ? Comment les alertes seront-elles traitées et suivies ? Certaines alertes pourraient déstabiliser le fonctionnement de l'institution. Qu'en est-il des éventuelles tentatives de les neutraliser ? Des lanceurs d'alerte pourraient s'adresser à des entités tierces, telles que le Défenseur des droits ou les médias. Des alertes pourraient émaner de chercheurs voyant leur autonomie contrariée. Leur prise en charge, telle qu'évoquée dans le règlement intérieur, me paraît encore trop allusive.

M. Pierre-Marie Abadie. - Les dispositifs d'alerte qu'évoque le règlement intérieur ne sont pas spécifiques à l'ASNR. Diverses institutions en ont mis de semblables en place. La multiplication des dispositifs d'alerte apparaît source de confusion. Certains relèvent de la loi Sapin relative à la lutte contre la corruption, notamment dans le cadre des marchés publics, d'autres de la loi Blandin sur l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement, d'autres encore ont trait à l'intégrité scientifique, pour ne citer que ces sujets-là. Des dispositifs de recueil d'alertes et de protection des lanceurs d'alerte ont bien été mis en place à l'ASNR. Le personnel suivra des formations à ce propos. Les enjeux de marchés publics prendront une dimension particulière à la faveur du changement d'échelle que suppose la création de l'ASNR. Les problématiques de plagiat ou d'embellissement des données relèvent de l'intégrité scientifique, encore plus prégnante à l'ASNR que dans les institutions qu'elle remplace. Dans l'institution dont je relevais auparavant, le traitement des alertes était confié au responsable de l'audit interne.

M. Olivier Gupta, directeur général de l'ANSR chargé des questions de radioprotection, de santé, d'expertise et de recherche. - Le règlement intérieur n'a pas vocation à entrer dans le détail des procédures pratiques de recueil d'alerte. De telles procédures, en cours d'élaboration, n'en seront pas moins communiquées au personnel. Une fonction de recueil d'alerte reste à identifier au sein de l'ASNR, mais ce point déborde du cadre du règlement intérieur. En tant que directeur général, ma priorité est de m'assurer qu'à l'abri de toute pression, chacun se sente libre de dire ce qu'il a à dire quand cela est nécessaire. Il convient que tous se sentent en droit d'exprimer ce qui doit l'être au moment opportun du processus de recherche, d'expertise ou de décision. Il s'agit là d'un élément phare de la culture de sûreté.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Envisagez-vous de définir des règles pour encadrer le recours, éventuellement systématique, à une expertise externe pour les activités nucléaires réalisées en propre par l'ASNR ?

Les articles 30 et 31 assurent une forme d'étanchéité asymétrique entre les fonctions d'expertise et d'instruction. Une évolution de la séparation entre les unes et les autres est-elle envisagée ? Le règlement intérieur répond à une contrainte urgente, puisqu'il devait s'appliquer dès la création effective de l'ASNR, début 2025. Je suppose qu'il est susceptible d'évoluer.

Quelques internautes s'interrogent sur les modalités de décision au sein de l'ASNR, sur le profil des futurs membres de la commission d'éthique et de déontologie ou encore sur les enjeux économiques de la sûreté nucléaire. Pourriez-vous nous en dire plus ? Si la sûreté fait figure d'impératif, elle n'en doit pas moins rester acceptable au regard des capacités financières des organismes concernés.

Enfin, un internaute affirme que les activités d'expertise ne font plus référence à « l'environnement » mais seulement à la sûreté et à la radioprotection.

M. Pierre-Marie Abadie. - L'ASNR n'exploite pas d'installation nucléaire, bien qu'elle mène des activités réglementées sur ses plateformes et dans ses laboratoires. Un dispositif de contrôle interne les encadrera, sans faire appel à de l'expertise au sens où on l'entend dans un processus d'expertise et de décision relatif à une installation nucléaire de base.

M. Olivier Gupta. - L'ASNR se livrera à des activités nucléaires de proximité, telles que la détention de sources ou l'utilisation de radioéléments réglementés, au titre du code de la santé publique. Nous nous sommes inspirés, pour ce qui est des modalités de leur contrôle, de ce qu'ont mis en place des autorités étrangères semblables à la nôtre, en Finlande notamment. La loi autorise l'ASNR à exercer de telles activités nucléaires de proximité. Leur inspection obéira aux mêmes modalités que lorsqu'elles sont exercées par des tiers. Dans la pratique, des inspecteurs de l'ASNR se rendront dans les laboratoires de recherche de l'ASNR, qui doivent se montrer exemplaire en la matière. Chercheurs et inspecteurs ne relèvent pas de la même ligne hiérarchique. Il appartient à l'ASNR d'encadrer ses activités nucléaires de proximité comme elle encadre celles des responsables d'activités nucléaires.

Mme Stéphanie Guénot Bresson. - Nous devons débattre la semaine prochaine au sein du collège de la procédure de contrôle des activités nucléaires de proximité de l'ASNR. Les services proposent d'appliquer aux activités nucléaires de l'ASNR un même niveau de transparence que pour les autres activités nucléaires. Ainsi, les lettres de suite après inspection seront publiées, de même que les événements significatifs de radioprotection, le cas échéant. Par souci d'exemplarité, nous mettrons en place des contrôles internes préalablement aux inspections.

M. Pierre-Marie Abadie. - Je ne vois pas d'asymétrie dans les articles 30 et 31. Ils traitent d'un processus. Comme je l'ai déjà dit, nous distinguerons le management hiérarchique des équipes de leur organisation opérationnelle. Quoi qu'il en soit, les équipes d'experts sont attachées au caractère collectif des expertises.

Le comité d'éthique réunira des profils divers, probablement un conseiller d'État et des praticiens.

M. Andy Contesso, directeur des affaires juridiques de l'ASNR. - Il est prévu qu'y siègent des experts compétents en matière de déontologie, tels que des magistrats de la Cour de cassation ou du Conseil d'État, mais aussi des profils techniques, comme le précise d'ailleurs le chapitre 3 du règlement intérieur. Certains seront choisis en fonction des nouvelles activités de l'ASNR.

M. Pierre-Marie Abadie. - Aucune ambiguïté n'existe quant au mandat confié à l'ASNR, à savoir la sûreté et la radioprotection. La question du coût économique n'entre pas en compte dans ce mandat. Pour autant, l'ASNR aura à connaître de contraintes économiques. L'autorité de sûreté nucléaire défense et l'ASN avaient demandé au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de revoir la programmation de son propre démantèlement, en tenant compte de ses contraintes budgétaires. La question du coût économique de la sûreté nucléaire renvoie généralement à la volonté d'améliorer la sûreté à chaque examen plutôt que de se contenter d'un contrôle de la conformité. Une telle volonté relève d'un principe élémentaire de culture de sûreté. Il importe de tenir compte des retours d'expérience et de l'acquisition de nouvelles connaissances. Un exemple emblématique de cette démarche n'est autre que la prise en compte, dans les réexamens à quarante ans postérieurs à la catastrophe de Fukushima, des retours d'expérience sur cette catastrophe, mais aussi des améliorations de sûreté apportées par les réacteurs dits de troisième génération. Toute prolongation de la durée d'utilisation d'installations nucléaires suppose une comparaison de leurs performances avec celles d'installations neuves. Le nucléaire fait système en France, 70 % de l'électricité étant d'origine nucléaire. La question de l'arrêt d'une centrale ne se pose donc pas de la même façon qu'aux États-Unis. Je n'ai jamais eu d'état d'âme, en tant que directeur de l'énergie, à prendre des décisions à ce propos.

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'Office. - Les quelques évolutions que j'ai relevées depuis la présentation de votre projet de règlement intérieur semblent donner satisfaction à l'Office, malgré quelques frustrations ponctuelles de certains de ses membres. Je suppose que le règlement intérieur de l'ASNR sera adopté à la fin du mois en cours. Nous serons amenés à nous revoir à l'occasion de points d'étapes sur la mise en place effective de l'ASNR. Il nous revient maintenant de voter un budget dans les meilleurs délais. Je vous remercie de toutes les informations que vous avez délivrées à l'Office.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo, qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 00.