Mercredi 20 novembre 2024

- Présidence de M. Cédric Perrin, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Audiovisuel public » - Programmes 375 (France Médias Monde), 377 (TV5 Monde) et 383 (programme de transformation) - Examen du rapport pour avis

M. Cédric Perrin, président. - Mes chers collègues, nous commençons cette matinée par l'examen de l'avis de nos collègues Roger Karoutchi et Mireille Jouve sur les crédits des programmes 375 (France Médias Monde), 377 (TV5 Monde) et 383 (programme de transformation) de la mission « Audiovisuel public ».

M. Roger Karoutchi, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, il y a un an je commençais mon intervention en expliquant que nous étions partagés. Les budgets de France Médias Monde et de TV5 Monde connaissaient une hausse significative et une enveloppe de 5 M€ était prévu pour permettre à France Médias Monde d'engager son plan de transformation numérique. On pouvait ainsi considérer que la tendance était favorable même si la hausse des moyens était aussi motivée par la nécessité de compenser des charges fiscales nouvelles consécutives à la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et que la programmation budgétaire pour 2025 et 2026, inscrite dans le bleu budgétaire, était nettement plus modérée. Nous avions néanmoins donné un avis favorable à l'adoption de crédits en attendant de pouvoir prendre connaissance des contrats d'objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 de France Médias Monde qui était en préparation.

Mais l'année 2024 ne s'est pas passée comme prévu. Le décret d'annulation de février dernier a eu pour conséquence de réduire de -1,4 M€ le montant du programme de transformation de France Médias Monde. Par ailleurs, Bercy a cessé de verser les mensualités restantes à partir de mai dernier ce qui a réduit l'enveloppe à nouveau de 2,2 M€ soit une baisse de -3,6 M€ sur les 5 M€ escomptés dédiés au plan de transformation numérique.

Le projet de COM de France Médias Monde qui a été envoyé cet été au Parlement prévoyait quant à lui une hausse limitée mais réelle de la ressource publique, la dotation socle devant s'établir à 276 M€ en 2025 avec, à nouveau, 5 M€ supplémentaires au titre du programme de transformation auxquels s'ajoutaient 4,1 M€ au titre de l'APD.

Cependant le PLF 2025 est venu contredire ce projet de COM en prévoyant une baisse des crédits de -6,9 M€ tandis que les crédits de TV5 Monde stagnaient à 83,4 M€ voire régressaient compte tenu de l'augmentation de la taxe sur les salaires alors même que la programmation budgétaire de l'année dernière prévoyait de porter la contribution française à TV5 Monde à 84,7 M€ en 2025 puis 86 M€ en 2026.

Par ailleurs, la DGMIC nous a confirmé la semaine dernière qu'un amendement viendrait amputer à nouveau les moyens de France Médias Monde de 3 M€ en 2025 pour porter la coupe budgétaire à -9,9 M€. L'enveloppe du plan de transformation numérique serait ainsi purement supprimée tandis que la dotation socle serait réduite de 1 M€.

Réduire les moyens consacrés à la « guerre des narratifs » au moment précis où nos adversaires déploient des stratégies qui s'appuient sur des moyens considérables revient à opérer un désarmement informationnel. Il aurait été tout à fait possible de faire reposer le poids de l'ajustement sur les plus gros opérateurs qui disposent de moyens bien plus importants. On ne peut pas réduire les moyens de chacun des opérateurs de manière proportionnelle car les budgets de France Télévisions et Radio France permettent davantage d'ajustements que celui de France Médias Monde.

Je terminerai en évoquant la nature de la ressource attribuée à l'audiovisuel public. Le PLF 2025 prévoit aujourd'hui de recourir à des dotations budgétaires qui présentent l'inconvénient de fragiliser l'indépendance de l'audiovisuel extérieur. Ce recours au dotations budgétaires était inévitable à défaut de modifier d'ici la fin de l'année la LOLF afin de pérenniser le financement par une fraction du produit de la TVA comme cela est le cas depuis 2022.

Avec les président Cédric Perrin et plusieurs collègues de la commission de la culture nous avons porté une proposition de loi organique modifiant la LOLF qui a été adoptée par le Sénat le 23 octobre dernier. Les députés devraient se prononcer sur ce texte aujourd'hui à 15 heures. S'ils adoptent le texte conforme, à l'issue de sa promulgation, le Gouvernement pourra rétablir un financement par le produit d'une taxe affectée pour conforter l'indépendance de l'audiovisuel extérieur.

Afin de redonner quelques moyens à France Médias Monde, nous vous proposerons avec ma collègue co-rapporteure Mireille Jouve un amendement prévoyant de redonner 5 M€ à France Médias Monde qui seraient prélevés sur les crédits de France Télévisions. Nous vous proposerons également de conditionner un avis favorable à l'adoption des crédits à l'adoption de cet amendement.

Mme Mireille Jouve, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, Je souhaite tout d'abord saluer notre ancien collègue Jean-Noël Guérini à qui j'ai l'honneur de succéder comme co-rapporteure. Je veillerai à défendre aussi bien qu'il le faisait notre attachement à un audiovisuel extérieur puissant et indépendant.

Compte tenu du contexte budgétaire particulier qui vient d'être dressé par mon collègue rapporteur Roger Karoutchi, permettez-moi de vous apporter quelques détails sur la situation de chacun des opérateurs.

Concernant France Médias Monde tout d'abord, la baisse de près de 10 M€ des crédits prévus par le Gouvernement aura un impact en 2025 mais également les années suivantes selon qu'il y aura ou non un rattrapage.

La direction de FMM estime, en effet, que si la trajectoire financière est respectée pour les années suivantes il pourrait être possible pour l'entreprise d'absorber les déficits cumulés de 2024 et 2025 sur ses capitaux propres. A contrario, si la trajectoire financière est durablement dégradée, elle sera dans l'obligation de remettre en cause le périmètre de ses actions et de ses missions tout en ayant besoin de solliciter l'actionnaire pour une recapitalisation.

Une dégradation persistante des moyens de FMM réduira d'autant sa capacité à mener sa transformation numérique mais elle constituera également un risque industriel majeur pour ses activités historiques compte tenu du besoin impératif d'investissement dans les infrastructures techniques de l'entreprise comme les régies de France 24, du fait de leur ancienneté.

Dans ce contexte maussade, nous ne pouvons que nous réjouir a contrario du maintien du soutien direct du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères via l'aide publique au développement (programme 209) qui devrait permettre de financer de nouveaux projets de proximité. La subvention du MEAE qui était de 2,5 M€ en 2024 sera portée à 4,1 M€ en 2025 puis 4,9 M€ à partir de 2026.

FMM devrait donc pouvoir développer son « hub » à Beyrouth - avec une vigilance renforcée sur le plan sécuritaire - pour enrichir la production numérique de France 24 en arabe et MCD à travers la production de contenus dans tous les formats. En Afrique, FMM prévoit de lancer une offre numérique panafricaine pour les jeunes destinée aux réseaux sociaux pour offrir des contenus constructifs et lutter contre les infox. Le pôle de Dakar poursuivra par ailleurs le développement de la production africaine de contenus. En Europe centrale et orientale, le « hub » de Bucarest poursuivra le développement de la rédaction de RFI en ukrainien tandis que le projet de rédaction en turc pourrait être reporté compte tenu du contexte budgétaire.

Le problème de la prévisibilité des ressources concerne également TV5 Monde qui a engagé le processus de rédaction de son nouveau plan stratégique quadriennal. Les grandes orientations ont été présentées au conseil d'administration du 17 octobre mais l'adoption du document devrait être reportée au mois de février 2025. Le plan stratégique de TV5 Monde ne comportant pas de programmation budgétaire, l'entreprise demeure dans l'incertitude quant aux moyens dont elle pourra disposer. Selon la DGMIC la tendance actuelle serait à la stabilité des moyens chez les différents bailleurs, ce qui revient à considérer que les marges de manoeuvre devraient dans les années à venir résulter de l'arrivée de nouveaux pays au tour de table.

L'arrivée de Monaco a permis d'apporter 4,2 M€ au fonctionnement de TV5 Monde. L'élargissement de la gouvernance à de nouveaux pays francophones demeure d'actualité avec le projet d'adhésion commune du Bénin, du Cameroun, du Congo Brazzaville, de la Côte d'Ivoire, du Gabon, de la République démocratique du Congo et du Sénégal qui contribueraient au même niveau que Monaco dans un strict respect de la charte éditoriale et déontologique de TV5 Monde.

TV5 Monde devra néanmoins continuer en 2025 les économies engagées en 2024 dans la diffusion en supprimant des sous-titrages dans certains pays, en réduisant les productions propres avec l'arrêt de plusieurs magazines, en cessant la distribution en Allemagne et en renonçant à la distribution par satellite de la chaîne Style en Afrique.

Enfin, grâce aux financements apportés par la partie canadienne, la plateforme TV5 Monde + poursuivra son développement dans les deux cents pays où elle est présente avec son modèle proposant 6000 heures de programmes financés par la publicité. L'offre Tivi5 Monde qui propose des programmes de qualité à la jeunesse africaine - ciblée par les médias russes, chinois et turcs - sera également préservée.

Sous réserve de ces remarques, je constate également que les crédits prévus pour 2025 ne sont pas à la hauteur de l'ambition nécessaire pour notre audiovisuel extérieur et je rejoins la recommandation de mon collègue rapporteur de conditionner l'adoption des crédits de l'audiovisuel extérieur à l'adoption de notre amendement visant à redonner 5 M€ de crédits à France Médias Monde.

M. Cédric Perrin, président. - Je rappelle que le chef d'état-major des armées intègre la guerre informationnelle, le numérique et le cyber dans la haute intensité pour « gagner la guerre avant la guerre ». C'est donc un contre-sens majeur de réduire les crédits de l'audiovisuel extérieur comme c'est une erreur de réduire les crédits d'autres organismes dépendant de l'ANSII, du SGDSN et de l'IHEDN.

Mme Hélène Conway-Mouret. - J'adhère complètement aux arguments des deux co-rapporteurs. Le maintien des sous-titres est essentiel en particulier en Afrique où le français recule et où il est essentiel de s'adresser aux publics dans leurs langues locales. C'est indispensable pour pouvoir s'adresser à la jeunesse. Notre modèle est obsolète et les crédits ne sont pas à la hauteur. Mon groupe votera en faveur de l'amendement et conditionnera l'avis sur les crédits à son adoption comme le proposent les rapporteurs.

Mme Michelle Gréaume. - J'aurais aimé qu'on parle davantage de la disparition de la contribution à l'audiovisuel public et de la réforme se son financement. Nous sommes favorables à la sanctuarisation de l'audiovisuel extérieur.

M. Olivier Cadic. - Je suis heureux que France Médias Monde puisse poursuivre le développement de son activité à Beyrouth. Le rapport présenté était très éloquent et je soutiendrai l'amendement de 5 M€ qui constitue un signal.

M. Roger Karoutchi, rapporteur. - Lorsque j'étais rapporteur spécial de la commission des finances pour l'ensemble de l'audiovisuel public j'ai déposé chaque année un amendement de transfert de crédits en faveur de France Médias Monde. Nous sommes partout sur la retraite. Est-ce que la France existe encore à l'extérieur ? Aujourd'hui ce n'est pas le cas.

Il n'y a pas de véritable stratégie pour l'audiovisuel extérieur. Je pense qu'il faut faire passer la part de l'audiovisuel extérieur dans la totalité des crédits de l'audiovisuel public de 8% environ aujourd'hui à 10% et arrêter de privilégier les deux plus gros opérateurs. L'amendement de 5 M€ permettrait à France Médias Monde de préserver certaines de ses actions ainsi que sa transformation numérique.

La commission a adopté à l'unanimité l'amendement visant à transférer 5 M€ du programme 372 de France Télévisions au programme 375 de France Médias Monde.

La commission a ensuite donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 375, 377 et 383 sous réserve de l'adoption de l'amendement de transfert de crédits adopté par la commission.

Audition de Mme Anne-Marie Descôtes, Secrétaire générale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Programme 129 - Coordination du travail gouvernemental (action 2 Coordination de la sécurité et de la défense, SGDSN, Cyberdéfense) - Examen du rapport pour avis (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Action extérieure de l'État »» - Programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence - Examen du rapport pour avis

Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis. - Représentant près du quart des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » hors dépenses de personnel, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » porte les crédits destinés au financement de la politique d'influence de la France dans le domaine de l'enseignement français à l'étranger et l'ensemble des moyens destinés à la diffusion culturelle, linguistique, universitaire et scientifique.

Essentiel au rayonnement de la France à l'international, ce programme verra pourtant ses crédits diminuer de manière significative en 2025, avec une baisse prévue de 45 millions d'euros.

Cette réduction tient pour partie à l'extinction de deux dispositifs en 2025 : le soutien à l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit et le plan de reconquête et de transformation du tourisme, qui représentaient 10 millions d'euros en 2024.

Au-delà de ces dispositifs arrivant à terme, la diminution sera particulièrement sensible pour les moyens de coopération du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Les échanges d'expertise, essentiels pour mobiliser des acteurs internationaux autour des priorités de la France, verront leurs crédits diminuer de 3 millions d'euros.

Dans l'enseignement supérieur, une baisse de 10 millions d'euros affectera la mise en oeuvre de programmes stratégiques, tels que les campus franco-pays, les instituts de recherche à l'étranger, et d'autres dispositifs importants pour notre image à l'international.

Par ailleurs, et nous y reviendrons avec Didier Marie, les opérateurs du programme seront mis à contribution, parfois fortement à l'effort budgétaire demandé.

J'aborderai les questions relatives à la diplomatie culturelle et à la promotion de la francophonie avant de laisser Didier Marie évoquer les crédits consacrés à l'enseignement français à l'étranger et aux mobilités étudiantes.

S'agissant de la diplomatie culturelle, l'Institut français Paris, verra le montant de subvention pour charges de service public diminuer de 1,7 million d'euros l'an prochain.

Pour faire face à cette réduction, l'opérateur a engagé une revue de ses programmes, touchant plusieurs actions. Ainsi, les crédits destinés à la politique de soutien au cinéma, aux résidences artistiques, et aux partenariats européens seront réduits. Des économies seront également réalisées sur les frais de fonctionnement, le budget de communication subissant par exemple une baisse de 23 %.

Une bonne nouvelle : dans ce contexte de restriction budgétaire, il est important de noter que les établissements à autonomie financière, c'est-à-dire les Instituts français adossés aux postes, seront globalement préservés, leur dotation de fonctionnement étant maintenue à 46 millions d'euros. Cela est crucial, compte tenu de la situation fragile dans laquelle se trouvent certains d'entre eux. Ainsi, en 2023, 57 établissements affichaient un résultat négatif.

En matière de soutien à la francophonie, force est de constater que l'ambition affichée par le Président de la République dans son discours de Villers-Cotterêts peine à se matérialiser budgétairement.

Ainsi, les dotations destinées à la promotion de la langue française diminueront de 1,4 million d'euros.

De plus, la subvention accordée aux alliances françaises baissera de 45 %, passant de 7,5 millions d'euros à 4 millions d'euros. Cette diminution pourrait compromettre la viabilité de certaines alliances, déjà fragilisées par la pandémie et confrontées à une concurrence croissante dans le secteur de l'enseignement des langues.

Mes chers collègues, avec Didier Marie nous prenons donc acte du choix du Gouvernement de diminuer les moyens consacrés à notre diplomatie culturelle et d'influence. Ce choix repose sur un constat que personne n'ignore : la situation budgétaire de notre pays, considérablement dégradée ces dernières années, impose des efforts importants et nécessaires.

La loi de finances pour 2024 avait marqué un rebond notable des crédits du programme 185. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 traduit, à ce stade, un retour aux niveaux de crédits observés en 2023.

Pour autant, nous ne pouvons que regretter la multiplication des discours présidentiels qui fixent des objectifs élevés que la diminution des moyens rend inatteignables. Qu'il s'agisse de l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme affirmée à l'Institut de France en 2018, des états généraux de la diplomatie en mars 2023, ou encore des engagements récents à Villers-Cotterêts en faveur de la francophonie, ces discours nourrissent des attentes légitimes, tant en France qu'à l'international, qui ne pourront qu'être déçues.

Aussi et sous bénéfice de ces observations et de celles qui seront présentées par Didier Marie, nous vous proposerons d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 sans modification.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Dans son discours prononcé à l'occasion de la clôture des États généraux de la diplomatie en mars 2023, le Président de la République appelait à un « réarmement complet de notre diplomatie », lequel devait passer par une augmentation régulière des crédits du ministère de l'Europe et des affaires étrangères jusqu'en 2027.

Un an et demi plus tard, force est de constater que ces moyens ne suivent pas.

Je ne reviendrai pas sur la baisse des crédits consacrés à notre diplomatie culturelle et à l'apprentissage du français, qui vient d'être évoquée par Catherine Dumas pour me concentrer sur deux sujets : les moyens dédiés à l'enseignement français à l'étranger et ceux consacrés aux mobilités étudiantes.

S'agissant de l'enseignement français à l'étranger, après deux années de hausse significative de la subvention pour charges de service public versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), celle-ci connaîtra une diminution sensible de 14 millions d'euros en 2025.

Les documents budgétaires nous expliquent que cette baisse résulterait de la fin du dispositif de soutien au réseau libanais et de la réévaluation à la baisse des coûts de la réforme des personnels détachés.

Soit. Mais cette présentation, qui laisse entendre que cette diminution serait indolore pour l'opérateur, nous semble appeler trois observations.

En premier lieu, la fin du dispositif de soutien aux établissements libanais intervient alors que le pays traverse une crise majeure. À titre d'exemple, la fermeture du lycée Abdel Kader de Beyrouth pour accueillir des réfugiés nécessitera des travaux dès 2025. Un tel désengagement pose donc question.

En deuxième lieu, le coût de la réforme des personnels détachés est certes plus faible que ce qui était initialement anticipé, mais je rappelle que l'État ne prend à sa charge que la moitié du coût de cette réforme, le reliquat restant à la charge de l'AEFE, soit près de 9 millions d'euros en 2025.

Enfin, en troisième et dernier lieu, je tiens à rappeler que l'augmentation de quatre points du taux de contribution aux pensions civiles se traduira par une charge pour l'opérateur estimée à 9 millions en 2025. Sans entrer dans le détail, la compensation versée par l'État au titre du transfert à l'opérateur de cette charge en 2009 n'a pas évolué depuis cette date.

Au total, l'AEFE connaîtra donc bien une baisse significative de ses moyens. L'opérateur prévoit ainsi de ne pas pourvoir 50 postes à la rentrée prochaine qui s'ajouteront aux 15 suppressions de postes déjà actées.

L'AEFE nous a également indiqué en audition que les subventions qu'elle verse aux établissements, qui financent des projets en matière de sécurité, d'immobilier et de développement, diminueront sensiblement, passant de 12 millions d'euros à 4 millions d'euros.

Ces restrictions budgétaires surviennent alors que le réseau fait face à des défis accrus : fermetures d'établissements au Liban, à Bakou, et interdictions d'inscriptions en Iran et en Turquie. À cela s'ajoute une nouvelle contrainte au Royaume-Uni, où les établissements privés devront s'acquitter d'une TVA de 20 % à partir de 2025, aggravant les tensions financières pour les établissements du réseau.

Dans le même temps, le Gouvernement continue d'afficher un objectif de doublement du nombre d'élèves dans le réseau d'ici 2030, mais sans moyens accrus, cet objectif semble irréaliste.

Une prise en compte des établissements non homologués, comme l'a suggéré en audition notre collègue Olivier Cadic, pourrait être envisagé, en s'appuyant sur l'expertise de l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (ANEFE), ce qui donnerait une image plus fidèle de la réalité de l'enseignement français à l'étranger.

Mais ces établissements devront en tout état de cause faire l'objet d'un accompagnement, le cas échéant jusqu'à l'homologation, ce qui nécessitera des moyens accrus.

J'ajoute que la question du financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe n'est toujours pas résolue.

Comme nous le relevions dans notre rapport l'an dernier, l'absence de solution pérenne apportée à cette question constitue en outre un frein au développement du réseau. Le mécanisme des avances de l'Agence France Trésor dont peuvent bénéficier les établissements en gestion directe (EGD), qui, en tant qu'organismes divers d'administration centrale, ne sont pas autorisés à emprunter, a certes été reconduit jusqu'en 2026, mais cette solution n'est que transitoire, comme l'a rappelé la secrétaire générale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères tout à l'heure.

Je rappelle en outre que l'augmentation du coût du transfert de la charge liée aux pensions civiles que j'évoquais tout à l'heure contraint l'AEFE à consacrer l'intégralité de la participation financière complémentaire au paiement des pensions civiles, alors que 50 % de celle-ci devaient à l'origine être consacrés au développement de projets immobiliers.

Or, le montant des travaux envisagés par l'AEFE dans ses EGD s'élève, à l'heure actuelle, à 142 millions d'euros, certaines opérations pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions d'euros.

Au total, à défaut d'une dérogation au profit de l'AEFE, qui lui permettrait de recourir de nouveau à l'emprunt, nous plaidons, comme nous l'avons fait l'an dernier, pour l'inscription, dès le PLF pour 2026, d'une subvention pour charges d'investissement, ou pour un resoclage du montant de sa subvention pour charges de service public prenant en compte la hausse du coût résultant du transfert de la charge liée aux pensions civiles.

Par parenthèse, le principe d'une subvention pour charges d'investissement aurait été rejeté au PLF 2025 sous prétexte qu'il n'était pas demandé aux EGD de contribuer au développement du réseau. Cela laisse perplexe...

En tout état de cause, nous nous opposerons à tout projet de mutualisation intégrale des trésoreries des établissements. Outre que cette solution ne permettrait pas de répondre à l'ensemble des besoins, elle ne serait pas justifiée, ces trésoreries ayant pu être constituées pour la réalisation de projets immobiliers déterminés.

J'en viens maintenant à la question de l'accueil des étudiants internationaux. Un satisfecit d'abord, la France reste une destination attractive. En particulier, un retour des étudiants asiatiques peut être constaté après une période post-covid atone.

Mais derrière cette situation apparemment favorable, que constate-t-on ? Un écart qui se creuse avec nos concurrents.

L'Allemagne figure désormais à la 3e position des pays d'accueil, alors que nous stagnons à la 7e place et que des pays comme la Turquie et les Émirats arabes unis, qui consacrent des moyens bien supérieurs aux nôtres, nous talonnent.

Le PLF pour 2025 prévoit un maintien du montant des bourses de mobilité à 70 millions d'euros. C'est une bonne nouvelle. Pour autant, nous sommes loin de l'objectif de doublement des bourses d'ici 2027 fixé dans le cadre de la Stratégie Bienvenue en France adoptée en 2018, qui aurait nécessité une croissance de l'enveloppe des bourses de 8 millions d'euros par an.

De même, le montant de la subvention pour charges de service public versée à Campus France sera quasi stable l'an prochain à 3,4 millions d'euros. C'est un moindre mal car l'opérateur connait une situation financière qui, sans être inquiétante, appelle une certaine vigilance.

Il nous semble par conséquent que la France est à la croisée des chemins. Soit elle fait le choix de rester parmi les premières destinations mondiales et doit accepter de s'en donner réellement les moyens soit elle accepte d'être reléguée en seconde division et se contente d'un budget réduit au minimum vital.

J'ajoute que la question des moyens dédiés aux bourses et à Campus France doit s'accompagner d'une amplification de ce qui a été initié dans le cadre de la Stratégie Bienvenue en France : facilitation des démarches administratives, accompagnement des établissements d'enseignement supérieur pour améliorer encore les conditions d'accueil, amélioration des conditions de logement, ou encore allongement de la durée de séjour autorisée sur le territoire après l'obtention du diplôme.

Mes chers collègues, comme vient de le rappeler Catherine Dumas, les discours présidentiels de ces dernières années ont affiché un très haut niveau d'ambition pour notre diplomatie culturelle et d'influence.

Force est malheureusement de constater que cette ambition est fortement contrariée par un projet de budget qui n'est pas à la hauteur.

Nous ne nions pas que la très forte dégradation de nos comptes publics au cours des dernières années appelle des efforts et il n'est pas anormal que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères y prenne sa part.

Lors de nos auditions, nous avons pu mesurer l'engagement exemplaire des agents du ministère et de ses opérateurs, grâce à qui les conséquences de la baisse des budgets prévus en 2025 devraient pouvoir être contenues.

Mais si cette diminution devait se poursuivre dans les années à venir, c'est bien le rayonnement de la France à l'international qui en souffrirait.

M. Ronan Le Gleut. - Dans son discours à la Sorbonne de 2018, le Président de la République avait fixé l'objectif d'un doublement du nombre d'élèves dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger, qui comptait à l'époque 350 000 élèves. Un doublement d'ici 2030 signifie le passage à 700 000 élèves. Nous sommes à mi-parcours. Or, à la rentrée 2024, le réseau de l'AEFE comptait 399 000 élèves. Il aurait fallu dépasser les 520 000 élèves pour respecter la trajectoire. On peut par conséquent acter que les objectifs ne seront pas tenus et qu'ils sont déraisonnables. Il n'est pas très sérieux de fixer des objectifs chiffrés inatteignables, même quand cela témoigne d'une ambition que nous partageons.

M. Olivier Cadic. - Je voudrais tout d'abord remercier les rapporteurs de m'avoir auditionné en tant que président de l'ANEFE, association d'écoles françaises à l'étranger, et d'avoir pu avoir un échange, un débat permettant de mieux se comprendre. Cela a été très utile.

Pour revenir sur ce qu'a dit Ronan Le Gleut, jamais le Président de la République n'a considéré que le doublement d'élèves ne devait concerner que les établissements homologués. L'AEFE ne peut pas supporter cet objectif. Il existe de nombreuses écoles qui ne sont pas homologuées mais qui proposent un enseignement français à l'étranger de qualité. Si on ne les comptabilise pas, on exclut tout un pan de cet enseignement, y compris des écoles publiques qui forment en français. Toutes ces écoles présentent des élèves au baccalauréat. Je remercie les rapporteurs d'avoir écouté ce point. L'objectif de doublement ne me semble donc pas irréalisable, selon ce que l'on retient dans le périmètre de l'enseignement français à l'étranger.

Présidence de Mme Catherine Dumas, vice-présidente -

M. François Bonneau. - Quand on voit le travail fourni par les Institut français avec le peu de moyens dont ils disposent, leur faire supporter une baisse supplémentaire de crédits me parait indécent. Pourrait-on revenir sur ce point ?

Présidence de M. Cédric Perrin, président -

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je regrette que l'éducation et la culture sont souvent une variable d'ajustement alors qu'elles sont au coeur des questions d'influence. C'est dans nos Instituts français et nos Alliances française que les étrangers apprennent le français, qu'ils ont accès à la culture et aux valeurs françaises. Dans un certain nombre de pays, cela est essentiel. J'ajoute que lorsqu'il y a des coups d'État, les premiers établissements à fermer ce sont les Instituts français ou les Alliances française car il faut éliminer cette présence culturelle et cette voix de la France, portée par les ondes mais également par une présence physique.

Pour revenir sur l'objectif du doublement du nombre d'élèves dans le réseau de l'AEFE, je déplore que ce celui-ci soit devenu le seul horizon de l'AEFE, au détriment de tout le reste. Cela tiendrait du miracle que l'agence puisse doubler les effectifs d'élèves accueillis avec moins de moyens financiers, moins de professeurs et sans pouvoir s'agrandir. Il faudra m'expliquer comment cela est possible. Or c'est l'objectif donné à l'AEFE.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Avec Catherine Dumas nous regrettons le sort réservé à l'ensemble de la politique d'influence. Mais en l'absence de moyens supplémentaires inscrits au PLF, un accroissement des crédits qui y seraient dédiés nécessiterait de ponctionner un autre programme, ce qui ne serait pas satisfaisant.

L'AEFE ce sont des établissements qui se dégradent et qui ne peuvent pas toujours être rénovés, ce sont des tensions internationales qui font que, dans certains pays, leur activité est difficile voire interdite. On ne peut donc pas se satisfaire de cette situation.

Lors des auditions que nous avons réalisées, les opérateurs nous ont expliqué que l'année à venir serait difficile, qu'ils parviendraient à faire face à la baisse des crédits mais que si celle-ci se prolongeait, cela ne serait plus possible. Nous proposons donc néanmoins d'adopter les crédits du programme.

Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis. - Pour répondre à François Bonneau, l'Institut français Paris connaîtra une baisse de sa subvention, mais les crédits de fonctionnement des Instituts français adossés à des postes seront maintenus. Je l'ai indiqué tout à l'heure tout en rappelant la situation difficile traversée par certains d'entre eux.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Action extérieure de l'État » - Programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - Examen du rapport pour avis

M. Ronan Le Gleut, rapporteur. - Le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », dont Guillaume Gontard et moi sommes les co-rapporteurs, prend sa part du nécessaire redressement de nos finances publiques. À périmètre égal, ses crédits sont en effet en baisse de 3,9 millions d'euros à périmètre égal, soit 2,4% environ.

Au sein du programme cependant, les contrastes sont forts, car la baisse est très inégalement répartie - mon collègue Guillaume Gontard reviendra plus en détail sur les aides sociales et l'aide à la scolarité. En revanche, l'effort de modernisation des services rendus aux Français à l'étranger, à travers plusieurs programmes structurants, est pleinement financé, ce dont il faut se féliciter.

Ces programmes structurants sont au nombre de trois.

D'abord, la mise en place du service France consulaire, plateforme centralisée de réponse téléphonique aux demandes des usagers du réseau consulaire, doit s'achever en 2025. Les téléconseillers apportent une réponse qui porte notamment sur la délivrance de passeports ou les actes d'état-civil.

Ainsi, France Consulaire décharge les services consulaires de la quasi-totalité des demandes téléphoniques, tout en étant plébiscité par les usagers, avec un taux de satisfaction de plus de 90%, grâce à une base de données alimentée en temps réel qui permet d'apporter des réponses pertinentes et localisées aux demandes. La plateforme, que nous avions visitée l'an dernier dans ses locaux de La Courneuve, est en cours de relocalisation à Nantes, auprès des services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Ce service couvre aujourd'hui 71 pays ; à la fin de l'année 2025, il devrait couvrir l'ensemble du monde, ce qui implique notamment une extension des horaires, des recrutements pour répondre à l'augmentation attendue des demandes et un étoffement de la base de données de réponses. Pour cette extension, les crédits alloués au projet sont portés de 3,8 à 5,9 millions d'euros, soit une augmentation très substantielle.

Deuxième projet important, le vote par internet, adopté par plus de 70 % des Français de l'étranger lors des élections législatives anticipées. Là encore les crédits sont en hausse, avec 850 000 euros en autorisations d'engagement et 1,15 million d'euros en crédits de paiement contre 750 000 euros dans la loi de finances initiale pour 2024. Ils financeront notamment la mise en place éventuelle d'une solution d'identité numérique, pour remplacer l'authentification par identifiant et mot de passe.

Enfin, le projet de registre d'état civil électronique (RECE), engagé en 2018, sous la forme d'une expérimentation, par la loi pour une société de confiance, se voit doté de 3,3 millions d'euros contre 900 000 euros l'année dernière. Je m'y arrêterai plus longuement, car c'est un projet à la fois précurseur et emblématique pour l'administration consulaire.

Le traitement des actes d'état-civil repose sur quatre composantes : l'établissement, la mise à jour, la délivrance et l'archivage.

Depuis mars 2021, le service central de l'état-civil (SCEC) peut délivrer des copies ou extraits d'actes portant une signature électronique, sans version papier, ce qui implique des délais de traitement considérablement réduits : jusqu'à 30 jours dans certains postes pour le format papier, 4 jours en format électronique. La délivrance électronique est dans le droit commun depuis juin 2024.

Les premiers actes du registre d'état civil électronique ont quant à eux été établis le 18 janvier 2024 ; enfin, la première mise à jour électronique a été effectuée au mois de juin.

2025 sera l'année de la montée en puissance pour ces deux fonctions d'établissement et de mise à jour, d'où la très forte augmentation du budget. Le projet devrait être mené à son terme en 2026, avec l'achèvement de l'archivage électronique.

Le programme, lancé sous forme d'une expérimentation dans la loi pour une société de confiance, dite Essoc, en 2018, avait pris beaucoup de retard, au point qu'il a fallu une disposition dans la loi 3DS, en 2022, puis une loi ad hoc en juin 2024, pour prolonger l'expérimentation. Ces délais s'expliquent notamment par le covid et la mobilisation non anticipée des équipes sur la plateforme de naturalisation en ligne.

Aujourd'hui, le projet approche de son rythme de croisière. Le taux de satisfaction des usagers est de 96% ; les demandes sont quasiment traitées en flux, de quoi susciter l'envie de beaucoup d'administrations...

De plus, l'économie liée au registre d'état-civil électronique est estimée à 1,3 millions d'euros par an, essentiellement en frais de courrier mais aussi en ETP : la dépense liée à ces projets est donc bien un investissement pour l'avenir.

Ces trois projets illustrent bien le caractère pionnier de notre administration consulaire, que ce soit pour le vote pour internet ou la délivrance électronique des actes, qui à terme devrait s'imposer dans l'ensemble de nos services. J'ai pu me rendre compte, lors de ma visite du site de Nantes où ces projets sont conçus et conduits, de l'implication de nos agents et de leur volonté de les mener à bien.

C'est pourquoi nous vous recommandons d'approuver les crédits du programme 151, car ils financent des projets d'utilité publique non seulement pour les Français à l'étranger, mais aussi pour tous nos concitoyens.

Je cède maintenant la parole à mon co-rapporteur, Guillaume Gontard, qui abordera les aides sociales et les aides à la scolarité.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Il faut en effet se féliciter de la poursuite de l'effort de modernisation engagé par la direction des Français à l'étranger et des affaires consulaires. En revanche, si nos compatriotes de l'étranger seront mieux servis par notre administration dans leurs démarches quotidiennes, cet effort s'est fait au détriment des dépenses sociales en leur faveur.

Pour rappel, les aides sociales directes aux Français de l'étranger relèvent d'un cadre différent de celles dont bénéficient les résidents français. Elle est régie par l'article L121-10-1 du code de l'action sociale et des familles, qui n'impose à peu près aucune obligation à l'État : il dispose simplement que les Français établis hors de France en difficulté, en particulier les personnes âgées ou handicapées, « peuvent bénéficier, sous conditions, de secours et aides prélevés sur les crédits d'assistance aux Français établis hors de France du ministère des affaires étrangères, et d'autres mesures appropriées tenant compte de la situation économique et sociale du pays de résidence. »

L'aide sociale distribuée à nos compatriotes en difficulté, qui comprend notamment l'allocation de solidarité, l'allocation adultes handicapés (AAH), l'allocation enfants handicapés (AEH) et le secours mensuel spécifique enfants (SMSE), s'inscrit donc dans un cadre très vague qui laisse à l'Etat une grande marge de manoeuvre budgétaire. Elle est ainsi en baisse de 1 million d'euros dans le PLF 2025, à 15,2 millions d'euros, après avoir été simplement reconduite l'an dernier malgré l'inflation - et alors même que l'enveloppe votée en 2024 a dû être abondée en gestion pour faire face aux besoins.

Le responsable du programme 151 justifie cette coupe par une baisse du nombre d'allocataires, passé de 4 320 en 2023 à 4 245 en 2024, et par une réduction du périmètre des allocations, certaines d'entre elles n'étant plus versées aux Français résidant dans l'Union européenne. Toutefois, les incertitudes de l'économie mondiale comme du contexte géopolitique laissent craindre une aggravation, plutôt qu'une amélioration de la situation de nos compatriotes.

Des baisses similaires ont été appliquées au dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l'étranger (STAFE), créé en 2018 pour remplacer la réserve parlementaire, dont l'enveloppe passe de 2 millions à 1,6 million d'euros, et aux organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES), dont les crédits sont réduits de 1,4 à 1,2 million d'euros. Enfin, les crédits aux centres médico-sociaux implantés dans les pays dont les structures sanitaires sont moins développées sont eux aussi en baisse.

Dans ces trois cas, le responsable du programme met en avant une diminution des demandes d'aide de la part des structures concernées. Or cette baisse peut certes témoigner de la bonne santé des associations, mais elle peut tout aussi bien refléter une dévitalisation du tissu associatif au sein de la population des Français de l'étranger, qui n'est certainement pas un motif de satisfaction.

L'enveloppe des bourses scolaires destinées aux élèves du réseau AEFE, qui constitue la plus grande partie des crédits de ce programme, est-elle aussi en diminution, de 118 millions à 111,5 millions d'euros. Là encore, la justification apportée est une baisse du nombre de boursiers, qui selon la direction des Français à l'étranger et des affaires consulaires et l'AEFE serait multifactorielle - l'un des facteurs retenus est la plus grande rigueur apportée au traitement des dossiers et au contrôle du niveau de vie des demandeurs. Cette interprétation serait confirmée par la disparité croissante entre les dossiers instruits et les bourses accordées : 28 000 dossiers instruits pour 24 000 boursiers en 2022/2023, 27 000 dossiers instruits pour 20 000 boursiers en 2023/2024. Là encore, c'est une logique quelque peu malthusienne qui semble prévaloir : le nombre total d'élèves au sein du réseau est en constante augmentation, ce dont on ne peut que se réjouir, mais celui des élèves français stagne, et celui des boursiers est en très forte baisse.

Enfin, il faut revenir sur la situation de la Caisse des Français de l'étranger, sur laquelle nous avions déjà alerté l'an dernier. Organisme de droit privé à mission de service public, la CFE joue un rôle important auprès des Français établis hors de France, car elle leur assure une protection sociale équivalente à celle de la Sécu. Mais le déficit de la Caisse s'est creusé ces dernières années, en partie à cause du financement de la catégorie dite « aidée », constituée des adhérents aux ressources les plus limitées, qui bénéficient d'un tarif préférentiel. Le coût de ce dispositif va en augmentant : en 2024, il a coûté 4,3 millions d'euros à la Caisse. Or le concours de l'État a été fixé à 380 000 euros en 2016, et il n'est complété que par de modestes abondements de fin de gestion.

Avec mon co-rapporteur et les rapporteurs du programme 105, que nous remercions de leur concours, nous déposerons, comme l'année dernière, un amendement pour doubler le concours de l'État à la CFE. C'est à la fois symbolique, car il est important que l'État prenne sa part dans la solidarité due à nos compatriotes de l'étranger les plus défavorisés, et plus lisible d'un point de vue budgétaire.

L'an dernier, le Sénat avait voté cet amendement, avec une sagesse du Gouvernement qui avait même levé le gage. Malheureusement, ce dernier a ensuite changé de position en ne le retenant pas lors de l'adoption finale du budget par le 49.3. Espérons que le Gouvernement fera preuve de davantage de cohérence cette année.

M. Olivier Cadic. - Le Pass éducation langue française (PELF) était doté d'un million d'euros de crédits dans la loi de finances pour 2024, mais il n'y a plus de crédits dans le projet de loi de finances pour 2025. Cet argent a-t-il été utilisé ? Le PELF est destiné à apprendre notre langue à un public d'enfants français qui ne le parlent.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis. - Le PELF est une expérimentation. Il nous a été indiqué qu'elle n'avait pas encore réellement commencé. Par conséquent, l'évaluation, qui suit nécessairement l'expérimentation, n'a pas encore pu être réalisée et les crédits n'ont pas été reconduits.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Le PELF a été renommé « Pass enfance langue française ». Il y avait une certaine incohérence, sous son intitulé d'origine, à l'affilier au programme 151 et non au programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». La solution trouvée a été de s'appuyer sur les instituts français et l'Alliance française. Seule une partie des crédits ayant été consommés, la mise en oeuvre de l'expérimentation se poursuit dans quatorze pays pilotes.

Nous vous proposons de voter l'amendement présenté par Guillaume Gontard et moi-même, et cosigné par les deux rapporteurs pour avis du programme 105, Jean-Baptiste Lemoyne et Valérie Boyer. Il s'agit d'un transfert de 380 000 euros destiné à abonder le financement de la catégorie aidée des adhérents de la CFE prélevé sur l'action n°05 « Contributions internationales » du programme 105. Le même amendement a été adopté par le Sénat l'année dernière.

La commission a adopté à l'unanimité l'amendement visant à transférer 380 000 euros du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » vers le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

M. Cédric Perrin, président. - Je vous remercie.

La commission a donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 151.

La réunion est close à 12h30.