Mercredi 16 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 - Examen du rapport

M. Claude Raynal, président. - Nous démarrons notre matinée par l'examen du rapport sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 est le premier dans cette forme, issue de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) adoptée en décembre 2021.

Nous examinons ce texte, rejeté par l'Assemblée nationale, bien plus tardivement que prévu, en raison de la dissolution du 9 juin dernier. Nous nous étions cependant saisis dès mars dernier du sujet du dérapage budgétaire en 2023, qui a des répercussions majeures sur l'année 2024.

Pour commencer, l'activité en France a atterri en douceur, avec une croissance de 1,1 % en 2023 contre 2,6 % en 2022 - un niveau modeste, mais en ligne avec les prévisions initiales du Gouvernement, qui envisageait une croissance de 1 % dans le projet de loi de finances pour 2023. C'est une performance supérieure à celle qui a été enregistrée au niveau de la zone euro dans son ensemble - 0,5 point -, mais ce taux a fortement pâti de la récession allemande. L'Espagne, par exemple, a fait beaucoup mieux que la France, avec une croissance de 2,5 points. La croissance française cumulée entre 2017 et 2023, à savoir 8,4 %, est bien inférieure à celle de la zone euro, qui atteint 9,8 %.

L'activité a évolué sous l'influence de vents contraires : d'un côté, le début de décrue de l'inflation a permis une reprise de la consommation et une amélioration de la balance commerciale liée à la baisse des prix de l'énergie ; de l'autre, le durcissement de la politique monétaire a pesé sur l'investissement. La décrue de l'inflation - elle s'est tout de même élevée à 4,9 % en 2023 - s'est observée surtout en fin d'année : elle a eu pour effet de muscler la consommation, mais a conduit à minorer fortement les recettes de TVA.

Si la balance commerciale s'est améliorée - elle a contribué à la croissance du PIB -, elle demeure fortement déficitaire, sous l'effet de la poursuite de la désindustrialisation, qu'elle accentue en retour. L'amélioration en 2023 n'est que le contrecoup du niveau exceptionnellement bas atteint en 2022. Pour autant, il est difficile de déterminer s'il s'agit de l'amorce d'un retour à des niveaux moins critiques ou de la poursuite de la détérioration structurelle du solde commercial français depuis deux décennies, que n'ont pas réussi à endiguer les mesures en faveur de la compétitivité mises en place à partir de 2012.

Venons-en au trait marquant de cette année. Malgré une prévision de croissance respectée, le déficit public a largement dérapé. Prévu à 5 points de PIB dans la loi de finances initiale, à 4,9 points dans le projet de loi de fin de gestion pour 2023, il s'est finalement élevé à 5,5 points de PIB. Dans les conclusions de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques, nous avons largement expliqué ce dérapage tenant en grande partie à des erreurs inédites de prévisions de recettes, concernant en particulier l'État, et à une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB historiquement faible.

Résultat : 2023 est l'année où le déficit public a été le plus élevé hors période de crise, aussi loin que remontent les données de l'Insee à ce sujet, soit le début de la Ve République. J'utiliserai l'image d'une sortie de route budgétaire dès la première année de la période de programmation déterminée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027. Les conséquences sur les années suivantes, nous les connaissons désormais assez bien : un déficit encore plus historique en 2024.

Les administrations publiques locales accusent bien un déficit de 0,4 point de PIB en 2023 - pour la moitié dû aux organismes divers d'administration locale et non aux collectivités territoriales -, mais le déficit public est essentiellement dû à l'État. C'est une constante depuis 2017 : à part en 2020 et 2021, les variations du déficit public s'expliquent presque entièrement par celles du déficit de l'État.

Paradoxalement, ce déficit inédit n'a pas creusé le ratio d'endettement, qui a même légèrement diminué, passant de 111,2 points de PIB en 2022 à 109,9 points de PIB en 2023. Mais il ne faut pas s'y tromper, cette décrue ne sera que de courte durée et s'explique par un effet « boule de neige » momentanément favorable, du fait d'une croissance du PIB nominal largement alimentée par l'inflation. La décrue de l'inflation en cours mettra rapidement fin à cet effet apparemment positif.

J'en viens à présent aux comptes de l'État, dont l'approbation est l'objet principal du projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer.

Le déficit budgétaire constaté, à un niveau de 173 milliards d'euros, est supérieur de 8 milliards d'euros au montant prévu en loi de finances initiale (LFI) pour 2023, rejoignant le niveau atteint pendant les années 2020 et 2021, en pleine crise sanitaire. Ce n'est pas acceptable. La chute des recettes invoquée par le Gouvernement en fin d'année n'est qu'un paravent : nous avons montré que ce sont les prévisions de recettes qui avaient été fixées à un niveau trop élevé.

Cet héritage de ce qu'on peut appeler, en matière de finances publiques, le « septennat Macron - Le Maire », s'est traduit par une explosion de l'endettement : il faut emprunter toujours plus pour rembourser toujours plus, tout en finançant un déficit toujours croissant. Bientôt nous devrons rembourser plus de 200 milliards d'euros de dette chaque année !

Or, la rigidité des lois de programmation contraint les dépenses : elles ajoutent 5,2 milliards d'euros de dépenses en 2024 et 27,3 milliards d'euros à l'horizon 2030. Le Premier ministre a raison de refuser les tabous, toutes les dépenses doivent être examinées. Nous devons revenir à l'esprit de la Lolf, c'est-à-dire justifier chaque dépense « au premier euro ».

En 2021 et 2022, le gouvernement précédent se réjouissait de recettes supérieures aux prévisions ... En 2023, le temps des bonnes surprises a pris fin, avec une diminution des recettes de plus de 6 milliards d'euros.

Les recettes de tous les grands impôts connaissent une baisse en 2023 plus ou moins marquée : -0,4 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu, pour atteindre 88,6 milliards d'euros, en raison de certaines mesures relatives aux crédits d'impôt ; -5,3 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés (IS) qui avait fait l'objet en cours d'année d'estimations de produit très exagérées. Depuis 2017, le produit de l'IS a connu des variations annuelles parfois importantes, mais autour d'un niveau en réalité assez stable, si l'on considère que celui-ci a été réduit pendant des années par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Les montants d'IS en 2017, 2019, 2021 et 2023 sont assez similaires en euros constants. La baisse du taux, que nous avons soutenue pour la compétitivité de la France, n'a donc pas eu pour effet d'augmenter les recettes, contrairement à ce que prétendait le précédent ministre de l'économie.

La TVA, à hauteur de 95,2 milliards d'euros, diminue de 5,6 milliards d'euros par rapport à 2022, en raison d'un nouveau transfert de part de TVA. L'État s'est ainsi progressivement privé de ce qui était sa recette prépondérante, sans compenser cette diminution par un effort sur les dépenses.

En conséquence, le niveau des recettes fiscales nettes, en euros constants, reste stable sur le moyen terme et en diminution de plus de 9 % par rapport à 2017. Elles auraient augmenté de manière assez nette si la TVA était restée affectée à l'État.

S'agissant enfin du respect de l'autorisation budgétaire, qui fait aussi l'objet du projet de loi, la chute des recettes par rapport à la loi de fin de gestion est considérable et inédite : -7,7 milliards d'euros. Elle fait suite à trois années d'erreurs en sens inverse, qui ne s'expliquaient que partiellement par la crise. La France a un véritable problème de prévision des recettes fiscales. Le ministre de l'économie et des finances nous a dit qu'il souhaitait s'en saisir et nous l'approuvons, même si, tout particulièrement en 2023 et au début de 2024, les éventuelles erreurs des modèles techniques ont été amplifiées par les arbitrages et une communication suractive du précédent gouvernement.

Si le déficit est aussi élevé, c'est qu'aucun effort en matière de dépenses n'est venu compenser les chutes de recettes, et que la gestion budgétaire est restée en 2023 toujours aussi laxiste.

Les dépenses nettes du budget général de l'État ont encore progressé de 1,9 milliard d'euros entre 2022 et 2023, malgré la fin de plusieurs dispositifs d'urgence, qui sont les seuls à diminuer de manière significative.

Les principaux postes d'augmentation sont les remboursements et dégrèvements de l'État, qui ont augmenté - excusez du peu - de 50 milliards d'euros depuis 2013, et les engagements financiers de l'État.

Malgré la sortie de crise, aucune économie budgétaire n'a été proposée en 2023 par le gouvernement d'alors. Pire encore, les dépenses exceptionnelles ont été plus que remplacées par des dépenses courantes, de manière inconsciente par rapport à l'évolution des recettes que nous venons d'analyser. Les dépenses ont en effet augmenté de plus de 16 % en euros constants par rapport à 2017, alors que les années 2007 à 2012 avaient montré qu'il était possible de les maintenir à un niveau relativement stable.

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit un niveau de dépenses en baisse de 3 % en euros constants par rapport à 2023 : l'effort est significatif, il est nécessaire et il devra se poursuivre. Il devra aussi concerner la masse salariale, qui a augmenté de près de 5 milliards d'euros entre 2022 et 2023, en particulier à cause de la revalorisation du point de la fonction publique.

Enfin, l'année 2023 a vu la poursuite de l'application de techniques budgétaires anormales que nous dénonçons depuis plusieurs années maintenant, telles que les reports de crédits, d'un montant de 16,1 milliards d'euros, pour un grand nombre de programmes. Je note que le ministre des comptes publics s'est engagé devant nous, vendredi dernier, à limiter strictement ces reports l'an prochain.

Une autre manière d'envisager ce problème est de comparer les crédits ouverts aux crédits consommés. L'écart considérable depuis quelques années témoigne d'une volonté de soustraire une quantité importante de crédits à l'autorisation parlementaire, par l'ouverture de poches de budgétisation qui seront finalement annulées ou reportées l'année suivante. Un cas extrême est le programme 367, qui est censé financer des opérations patrimoniales : il a disposé de 2 milliards d'euros en 2023, exclusivement par report de crédits, qui n'ont d'ailleurs pas été utilisés, mais reportés à 2024.

Enfin, l'examen de ce projet de loi est également l'occasion de porter une appréciation sur le dispositif budgétaire de suivi de la performance. Nous sommes ici en présence d'un cas clinique, et malheureusement pathologique, des processus bureaucratiques dans notre pays.

Lors du vote de la Lolf en 2001, le suivi de la performance avait été présenté comme une avancée majeure. Les plus optimistes pensaient alors que les indicateurs de performance allaient entraîner une dynamique de rationalisation de nos dépenses. Les chiffres que je viens de rappeler sur l'état de nos finances publiques suffisent à démontrer qu'elle n'a pas eu lieu.

Mais, au-delà du contenu de la dépense, il est regrettable que l'instrument de suivi ait connu un processus de bureaucratisation qui l'éloigne des enjeux réels que nous examinons lors des débats sur le PLF. Nous avons ainsi donné raison aux craintes formulées par le président Jean Arthuis qui pointait du doigt la création d'une « bureaucratie lolfienne » de la performance. Dans la situation actuelle, les indicateurs sont à la fois trop nombreux, inadaptés et largement inexploitables.

Il n'y avait pas moins de 1 941 sous-indicateurs en 2023, ce qui représente un travail très lourd de suivi au regard de leur utilité réduite. Beaucoup d'indicateurs n'ont pas de lien direct avec la dépense. Nous prétendons ainsi mesurer l'efficacité de la diplomatie française par le nombre d'opérations de maintien de la paix lancé par l'ONU sur une année. Même si notre diplomatie peut et fait beaucoup, il semble un peu prétentieux d'exclure les nombreuses causes extérieures à la France qui expliquent l'évolution des opérations de l'ONU.

Beaucoup de sous-indicateurs ne sont assortis d'aucune cible quantitative exploitable, ce qui neutralise leur utilité. En 2023, ce fut le cas d'un indicateur sur trois. C'est du temps gâché alors que nous devons concentrer notre effort sur les économies à réaliser en priorité.

J'appelle donc de mes voeux une remise à plat de cet instrument. La bureaucratisation de la performance n'est pas une fatalité. Nous devons concevoir un dispositif allégé, mieux coordonné avec les priorités politiques du Gouvernement et pleinement intégré dans le pilotage stratégique des dépenses ; ce serait un retour à l'esprit de la Lolf. Cela permettrait d'alléger la charge de travail de la direction du budget et des responsables de programme et leur dégagerait du temps utile pour le pilotage stratégique de la dépense qui nous fait tant défaut.

En conclusion, cela ne vous étonnera pas que je vous propose de ne pas adopter ce projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

Certes, comme les précédents, ce projet de loi de règlement ne fait que constater les résultats d'une gestion budgétaire passée. Toutefois, le niveau des déficits, injustifiable hors période de crise, et surtout l'ampleur de l'écart entre l'autorisation parlementaire et l'exécution budgétaire, ainsi que l'usage inconsidéré de procédures d'exception doivent, me semble-t-il, être sanctionnés par le Parlement. Il faudra bien un jour que le Parlement renoue avec l'adoption des projets de loi relatifs aux résultats de la gestion des années passées, mais je doute que la gestion 2024 le permette.

Permettez-moi d'en dire un mot. Tout le monde semble découvrir l'écart entre la prévision initiale de déficit, à savoir 4,4 %, et celle qui est finalement attendue, à hauteur de plus de 6 %. Or cette dégradation n'est pourtant pas une surprise. Les travaux de notre mission d'information l'avaient déjà identifiée. Qui plus est, une note du Trésor prévoyait, dès le 16 février dernier, que le déficit s'établirait à 5,7 %.

Nous avons dit et écrit que la dégradation des comptes en 2023 aurait un impact majeur sur ceux de l'année 2024. Mais il est vrai qu'à l'époque l'autosatisfaction du ministre et la poursuite d'une communication très active et sans rapport avec la réalité du creusement des déficits rendaient nos paroles peu audibles.

Rien n'ayant été fait au cours de l'exercice 2024 pour répondre aux signaux d'alerte envoyés dès l'été 2023, la dégradation va maintenant dépasser 50 milliards d'euros. Voilà qui va nous contraindre si fortement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

M. Vincent Delahaye. - Disposerons-nous de prévisions de recettes plus documentées pour 2025 ?

Dans votre présentation, pourriez-vous distinguer les dépenses exceptionnelles de celles qui ne le sont pas entre 2020 et 2023 ?

M. Pascal Savoldelli. - Dans votre présentation, que recouvre le chiffre de 0,8 point concernant l'exportation parmi les postes de demande de PIB ?

Si l'on calcule sur toute la période, le CICE aurait représenté 125 milliards d'euros : ai-je bien compris ?

J'ai été un peu perdu lorsque vous avez parlé d'une performance bureaucratisée largement inexploitable. Mais si, comme vous le dites, 70 % des indicateurs sont exploitables, quelles sont les conséquences à en tirer ?

Mme Isabelle Briquet. - Ce projet de loi s'inscrit dans le droit fil des lois de règlement 2021 et 2022 qui n'ont pas été adoptées. Le déficit n'est pas creusé par la hausse des dépenses, mais bien par la baisse des recettes. L'écart par rapport à la prévision est très important, entraînant une dégradation des finances publiques.

Nous pourrions approuver les comptes, tout en nous opposant fermement à la politique budgétaire menée, mais il faudrait pour cela que l'exécution ait été conforme à la prévision, ce qui n'est pas le cas.

Le niveau de report de crédits est encore élevé, à hauteur de 16 milliards d'euros - ce n'est pas rien. La Cour des comptes note un cycle de sous-consommation des reports qui porte atteinte au principe de l'annualité budgétaire. Le groupe socialiste ne votera donc pas ce texte.

M. Michel Canévet. - Cela fait trois ans que le Parlement ne vote pas la loi de règlement - cinq ans pour notre part. Peut-il y avoir des incidences sur les exercices à venir ? Le groupe Union Centriste, pour l'essentiel, s'abstiendra.

Je regrette que la baisse des dépenses ne soit pas aussi forte que la baisse des recettes observée ; partagez-vous cet avis ?

Mme Nathalie Goulet. - La faiblesse des outils dont dispose le Parlement est notable. Cette fois-ci, on peut presque parler de dol ! Nous orientons-nous vers une modification de la Lolf ? On ne peut plus continuer comme cela !

M. Christian Bilhac. - La comparaison entre les crédits ouverts et les crédits consommés est édifiante. Ma question est simple : y a-t-il à Bercy un fonctionnaire qui, de temps en temps, regarde où en est la dépense ?

Mme Christine Lavarde. - Nous non plus, nous ne voterons pas ce projet de loi. Nous avons entendu les critiques très précises du rapporteur général sur l'exécution. Je poserai la même question que Michel Canévet sur les conséquences éventuelles d'un vote négatif sur plusieurs exercices successifs. Les ministres avaient parlé l'année dernière d'un effet sur le versement des fonds européens, mais aussi sur des comptes d'affectation spéciale (CAS)...

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les documents dont nous disposons à ce stade pour la prévision des recettes sont les mêmes. Si d'autres étaient mis à notre disposition, au regard du caractère inédit de l'examen du PLF qui s'annonce, nous les partagerions avec vous.

Nous n'avons pas consolidé les dépenses exceptionnelles sur plusieurs années ; mais nous allons le faire.

Le chiffre de 0,8 point correspond à la contribution des exportations à la croissance du PIB, s'expliquant notamment par le dynamisme du secteur aéronautique. Mais c'est un rattrapage ponctuel par rapport à l'année précédente, puisque la balance commerciale reste dans une situation préoccupante.

Pour les indicateurs qui était exploitables pour l'exercice 2023, la cible a été atteinte pour 659 indicateurs, soit 49 % d'entre eux. Des précisions sur l'atteinte des cibles fixées pour les indicateurs figurent dans le rapport.

Madame Briquet, je suis d'accord avec vous sur les recettes, mais je ne partage pas votre diagnostic sur les dépenses publiques car elles continuent d'augmenter et l'écart entre les unes et les autres conduit à l'impasse budgétaire.

La non-adoption de la loi de règlement n'a que peu de conséquences, sauf sur les nomenclatures comptables. Mais les ministres nous ayant mis en garde par le passé, nous allons demander à l'administration des précisions juridiques sur les fonds européens.

Je ne pense pas qu'il faille réviser la Lolf, mais il importe plutôt de respecter sa lettre et son esprit. La mission d'information à ce sujet avait établi une liste de recommandations visant à améliorer l'information du Parlement. La révision des règles budgétaires européennes nécessitera de toute façon une révision de la Lolf : nous pourrons en profiter pour les y intégrer.

M. Claude Raynal, président. - Je rappelle que nous avions demandé le report de la récente modification de la Lolf pour y intégrer les nouvelles règles budgétaires européennes, en vain...

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023. En conséquence, elle décide de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023 - Examen du rapport pour avis

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) de l'année 2023.

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - Cette deuxième édition constitue le pendant pour les comptes sociaux de ce que représente la loi d'approbation des comptes de l'État. Comme l'année dernière, la commission des finances s'est saisie pour avis de ce texte afin de donner son appréciation de la situation de la sécurité sociale en 2023.

Comme pour l'examen de la loi de règlement, l'examen du Placss survient bien tard dans l'année, le calendrier ayant été bousculé par la dissolution de l'Assemblée nationale. Nous disposons ainsi déjà du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dont les comptes participent de l'état catastrophique des finances publiques en France, avec un déficit anticipé à 18 milliards d'euros en 2024 et à 16 milliards d'euros en 2025.

Or cette situation n'est pas nouvelle. La situation financière de la sécurité sociale était déjà mauvaise en 2023, comme le démontre ce projet de loi. Il a d'ailleurs été rejeté par l'Assemblée nationale, après un rejet de chacun de ses articles en commission.

L'article liminaire vise l'approbation des recettes, des dépenses et du solde des administrations de sécurité sociale (Asso) au sens de la comptabilité nationale. Si le solde est légèrement positif, à hauteur de 0,5 % du produit intérieur brut, c'est en trompe-l'oeil : le périmètre des Asso comprend en effet les recettes de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à hauteur de 18 milliards d'euros, alors que ces recettes sont destinées au remboursement de la dette sociale. Sans la Cades, les comptes des Asso seraient en déficit de 5,1 milliards d'euros.

L'article 1er, qui présente les comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), confirme la situation financière dramatique de la sécurité sociale, dont le déficit total s'élève à 10,8 milliards d'euros, essentiellement porté par la branche maladie et par la branche vieillesse. Même s'il a diminué de 9 milliards d'euros par rapport à 2022, il demeure très inquiétant parce qu'il reflète un déséquilibre structurel entre les dépenses et les recettes.

Les deux explications habituellement apportées au déficit des administrations publiques en 2023, soit les crises sanitaire et inflationniste, ne permettent pas de justifier la situation des comptes de la sécurité sociale. En effet, d'une part, en 2023, les dépenses liées à la crise du covid n'ont été que de 1 milliard d'euros, contre 12 milliards en 2022 - pour information, au total, la crise du covid aura coûté 50 milliards d'euros à la sécurité sociale entre 2020 et 2023.

D'autre part, l'inflation, à hauteur de 4,9 % en 2023, ne constitue pas non plus une explication satisfaisante, car elle a un effet à la hausse aussi bien sur les recettes que sur les dépenses. Malgré une dynamique plus faible de la hausse des recettes que de celle des dépenses sous l'effet de l'inflation, le différentiel ne justifie pas un déficit de 10,8 milliards d'euros.

Or l'état des comptes de la sécurité sociale est d'autant plus inquiétant qu'il devrait continuer à s'aggraver dans les années à venir, s'établissant selon les prévisions à 18 milliards d'euros en 2026 et 17,2 milliards d'euros en 2027. Mais ces prévisions sont sous-estimées parce qu'elles se fondaient sur une hypothèse de croissance de 1,4 % en 2024, alors qu'il est probable que la croissance ne s'élève qu'à 1,1 %, d'après les dernières estimations de l'Insee.

L'explosion des déficits de la sécurité sociale implique bien entendu une hausse très forte de la dette sociale, qui s'élevait à 161,7 milliards d'euros en 2023 - 41 % de plus qu'en 2019 - portée en majeure partie par la Cades, qui, malgré sa gestion satisfaisante, n'a pu trouver à financer la dette qu'à des taux de 2,3 % en mai 2023, contre 0,8 % en mai 2022. Le coût de la dette sociale pourrait donc être encore aggravé dans les années à venir.

De plus, la loi organique du 7 août 2020 ne prévoyait une reprise de la dette par la Cades que de 136 milliards d'euros, un montant déjà atteint en 2024 : aucun nouveau transfert de dette à la Cades n'est donc possible à partir de 2025 sans une nouvelle loi organique. Cela ne serait toutefois pas souhaitable, car cela validerait la pérennisation d'une dette sociale extrêmement élevée. Il est surtout urgent de baisser structurellement les déficits de la sécurité sociale, pour éviter la poursuite de l'accumulation de la dette.

Le déficit élevé était lié en 2023 en partie à des recettes moins importantes que prévu, et pour l'essentiel à des dépenses en hausse structurelle.

Si les recettes ont augmenté de 4,8 % entre 2022 et 2023, elles sont inférieures de 2,3 milliards d'euros aux prévisions présentées par le Gouvernement dans le PLFSS pour 2024. Une telle erreur dans les prévisions de recettes, alors qu'une partie d'entre elles a déjà été recouvrée, est particulièrement surprenante et questionne quant à la fiabilité des prévisions - elle est d'autant plus sujette à caution que la Cour des comptes a refusé pour la seconde année consécutive de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

Les dépenses ont augmenté de 3,1 % entre 2022 et 2023, et même de 5 % si l'on exclut les dépenses dues à la crise du Covid. Or elles sont liées essentiellement à la branche maladie et à la branche vieillesse.

Le déficit de la branche maladie est particulièrement inquiétant. L'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (Ondam) pour 2023 a été dépassé de 3,7 milliards d'euros essentiellement à cause de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et du Ségur de la santé, qui, avec ses hausses de salaire non financées, a entraîné 13,4 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. L'Ondam augmente tendanciellement chaque année d'environ 5,4 % depuis 2019. En 2024, la hausse prévue par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) était de 2,9 %, mais a été révisée à 3,3 % pour 2024 et à 2,8 % pour 2025. Les dépenses de la branche maladie ne sont donc pas du tout maîtrisées, et son déficit devrait se maintenir à des niveaux élevés, proches de 15 milliards d'euros jusqu'en 2027 au moins.

Le poids de la branche retraite dans les déficits de la sécurité sociale augmentera dans les années à venir, avec un déficit de 6,3 milliards d'euros en 2024 et de 6,1 milliards d'euros en 2027, selon le PLFSS pour 2025. La revalorisation de 5,3 % des pensions de retraite explique pour partie la hausse des déficits en 2024, mais aussi la situation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), dont le déficit s'élevait en 2023 à 2,5 milliards d'euros et qui s'aggravera fortement dans les années à venir, représentant par exemple près de 4 milliards d'euros en 2024, à tel point que le Gouvernement envisage d'augmenter les cotisations des employeurs - collectivités et hôpitaux.

En résumé, on a : des recettes plus faibles que prévu, des dépenses mal maîtrisées en constante augmentation, un solde qui demeure fermement négatif, un endettement social inédit et un refus par la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf. Dans ces conditions, je vous propose que la commission des finances se prononce défavorablement sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ni Vincent Delahaye ni moi-même ne pouvons nous habituer à la non-certification des comptes de la sécurité sociale par la Cour des comptes. Une hausse des dépenses accompagnée d'une évolution des recettes qui ne suit pas, voire de leur baisse, c'est intenable. Il faut y mettre fin. Je partage donc l'avis du rapporteur.

M. Michel Canévet. - Quels effets aurait le rejet de ce projet de loi sur les comptes de la sécurité sociale ?

Pourquoi comptabilise-t-on les recettes de la Cades, destinées à financer une dette passée, dans le solde positif des Asso ?

Les dépenses sociales ont beaucoup augmenté, mais l'insatisfaction grandit dans le pays. Comment arrive-t-on à une si mauvaise allocation des moyens ?

M. Rémi Féraud. - Sans partager tout votre argumentaire, nous voterons nous aussi contre ce texte. L'année 2024 ne sera-t-elle pas encore plus cruelle ? Combien pèsent les augmentations d'exonérations non compensées ? Il est parfois difficile de faire le tri entre celles qui sont compensées et celles qui ne le sont pas.

M. Christian Bilhac. - Je regrette, année après année, qu'aucune réforme d'ampleur de la sécurité sociale ne soit envisagée. On se contente de traitements homéopathiques consistant à dérembourser tel ou tel médicament... C'est du bricolage ! La sécurité sociale ressemble à une feuille morte balayée par le vent.

La CNRACL a été ponctionnée plusieurs années durant. Ayant été maire, je me souviens de ses alertes concernant le départ à la retraite des gros contingents recrutés dans les années 1980 à la suite des grandes lois de décentralisation. De quel montant ont été ces ponctions, et quelle est leur part dans le déficit actuel ? Autrement dit, sans ces prélèvements, serait-elle autant montrée du doigt aujourd'hui ?

Mme Nathalie Goulet. - Ma question est simple : où en est la lutte contre la fraude ?

M. Michel Canévet. - Excellente question !

M. Jean-Marie Mizzon. - Je me pose la même question que M. Bilhac : quid du déficit de la CNRACL sans les ponctions du passé ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - Le rejet de ce projet de loi n'aura aucun effet.

C'est une convention comptable qui considère la Cades comme une administration de sécurité sociale depuis 2005. Ses dépenses de remboursement de la dette ne figurent pas dans le solde alors que ses recettes l'améliorent artificiellement, pour des raisons comptables.

L'année 2024 sera-t-elle plus cruelle ? Oui, je le pense, puisqu'on anticipe un déficit de 18,5 milliards d'euros sans les nouvelles mesures possibles du PLFSS et que cela peut encore se dégrader.

Les exonérations pèsent 89 milliards d'euros, dont 80 milliards non compensées.

Les ponctions sur la CNRACL s'élèvent au total à plus de 100 milliards d'euros, prélevées au titre de la compensation démographique depuis 1974. On pourrait considérer que les régimes qui en ont bénéficié pourraient les rembourser. Il est en tout cas injuste d'augmenter le point d'indice, les cotisations des collectivités et ensuite de leur reprocher une augmentation de leurs dépenses.

Nous n'avons pas de bilan de la lutte contre la fraude, ce qui est regrettable. Le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes des branches maladie et famille montre qu'il y a un enjeu. La part des prestations discutables ou sur lesquelles portent des erreurs non détectées augmente, passant de 7,1 % à 7,4 % - sans doute le signe qu'on les suit de plus près. Mais je suis incapable de dire si elles sont corrigées ou non. J'en saurai plus dans quelque temps.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption du projet de loi.

Proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Je salue la présence parmi nous de Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - La proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de nos travaux le 2 octobre dernier et je n'ai été nommé rapporteur que le 9 octobre. Elle sera examinée en séance publique le 23 octobre prochain - cela fait quinze jours pour s'interroger sur la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf)...

La situation acrobatique dans laquelle se trouve le Parlement démontre une fois de plus l'impéritie du précédent gouvernement sur le sujet, alors que nous nous préoccupons de ce sujet depuis l'été 2022. Le Parlement doit encore légiférer dans l'urgence.

Dès 2022, le Président de la République a annoncé la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. J'avais salué cette idée, car la contribution devenait obsolète avec la suppression de la taxe d'habitation. Mais le gouvernement d'alors n'a rien anticipé. Nous avons donc dû trouver en toute hâte une solution de substitution, passant par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ce qui avait l'inconvénient de peser sur tous les consommateurs, y compris les contribuables les moins favorisés. Par ailleurs, cette solution disperse encore le produit de la TVA, alors que l'État perçoit désormais moins de la moitié de son produit.

Le Sénat avait souligné dès l'été 2022 que cette solution ne pouvait être que temporaire. En effet, la réforme de la Lolf cette même année avait établi une condition de lien entre une ressource et la mission de service public qu'elle finance.

Cette modification est entrée en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Désormais, les organismes publics ne peuvent bénéficier d'une taxe affectée que si celle-ci est en lien avec les missions exercées par les organisations en question. L'affectation de TVA, qui est un impôt de grande consommation, ne satisfait pas cette condition : sans révision de la loi organique, le mécanisme de financement retenu depuis 2022 ne pourrait donc être reconduit.

C'est la raison pour laquelle les auteurs de la présente proposition de loi organique (PPLO) ont pris la décision l'été dernier de déposer un texte permettant de sortir, dans l'urgence, de cette impasse.

À défaut, le Gouvernement serait contraint de financer l'audiovisuel public par des crédits budgétaires. C'est d'ailleurs le cas dans le PLF tel qu'il vient d'être déposé, en attendant la possible adoption de la PPLO. Ce type de financement permet au gouvernement de mettre en place une régulation budgétaire infra-annuelle sans texte financier. Les sociétés de l'audiovisuel public perçoivent donc le système de financement par crédits budgétaires comme moins protecteur, et soulèvent des inquiétudes sur les enjeux symboliques qui en découleraient, notamment sur le plan international. Au vu de l'urgence à trouver un mécanisme satisfaisant, la budgétisation ne paraît donc pas souhaitable.

J'en viens maintenant au contenu de la PPLO : l'article 1er modifie l'article 2 de la Lolf afin d'inclure les sociétés d'audiovisuel public parmi les organismes pouvant bénéficier d'une affectation directe d'impôts d'État. Il devrait permettre de prolonger l'affectation d'un montant de TVA lors de l'examen du PLF pour 2025 : cette solution a pour avantage d'être déjà expérimentée par les sociétés d'audiovisuel public depuis deux ans, sans avoir suscité de difficultés majeures.

Je note ici que le vocable de « pérennisation » du financement de l'audiovisuel public, fréquemment utilisé dans le débat, ne saurait s'appliquer au montant des ressources accordées. Vous le savez, il n'est bien sûr pas possible, sur le plan constitutionnel, de fixer une trajectoire pluriannuelle contraignante : le Parlement doit voter annuellement - et c'est heureux - le montant des ressources accordées aux sociétés d'audiovisuel public, dans le respect des garanties constitutionnelles d'indépendance des médias et de préservation du pluralisme. Le mécanisme d'un financement par une fraction de TVA affectée ne fait bien entendu pas exception.

Certaines analyses émises au cours des auditions que j'ai menées ont évoqué le risque que la rédaction initiale de l'article 1er conduise à mettre en place non pas l'affectation d'un montant de TVA, comme c'est le cas depuis deux ans, mais une fraction en proportion de TVA. Il peut être utile de clarifier que le mécanisme actuel doit être reconduit intégralement, en affectant un montant d'impôt d'État à l'audiovisuel public.

Je vous propose donc un amendement COM-1 en ce sens. Cette précision permettra d'éviter une évolution automatique, à la hausse comme à la baisse, du montant versé chaque année à l'audiovisuel public.

L'article 2, quant à lui, prévoit la possibilité de mettre en place un prélèvement sur recettes (PSR) à destination d'Arte France, qui est financée par une fraction de TVA depuis 2022. Cet article soulève plusieurs difficultés.

Tout d'abord, le mécanisme des prélèvements sur recettes est actuellement limité à l'Union européenne et aux collectivités territoriales : nous avons régulièrement l'occasion d'examiner en PLF des amendements portants sur des PSR à destination des collectivités, en premier lieu la célèbre dotation globale de fonctionnement (DGF). La modification proposée par le présent article reviendrait à mettre sur le même plan les collectivités territoriales, l'Union européenne et Arte France.

Ce mécanisme dérogatoire est en outre strictement encadré par la jurisprudence constitutionnelle, il n'apparaît donc pas opportun de l'étendre à d'autres organismes. Il n'existe en effet pas de raisons de considérer que l'audiovisuel public pourrait seul se voir attribuer un PSR quand d'autres entités pourraient bientôt avancer, elles aussi, la protection de leur indépendance pour bénéficier d'un tel mécanisme. De surcroît, les PSR n'apportent aucune garantie supplémentaire pour les sociétés d'audiovisuel public par rapport à une part de fiscalité affectée : en effet, le montant d'un PSR n'est qu'évaluatif et peut être minoré en loi de finances, tout comme un montant de taxe affectée.

La jurisprudence constitutionnelle impose également de définir strictement les critères d'attribution du PSR. À titre d'exemple, cette commission est souvent confrontée à la suppression d'impôts locaux, les collectivités préférant généralement se voir attribuer une fraction de TVA par rapport à un PSR, alors même que le PSR lui-même peut être dynamique.

Il faut également noter que le PSR ne répond pas plus aux engagements internationaux d'Arte que l'affectation d'une fraction de TVA. Le système actuel n'a d'ailleurs pas soulevé de difficultés spécifiques, il n'y a donc pas lieu de prévoir la mise en place d'une dérogation par rapport aux autres organismes.

C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter l'amendement COM-3 de suppression de l'article 2. Arte France bénéficierait donc, au même titre que les autres sociétés d'audiovisuel public, du mode de financement ouvert par l'article 1er.

Je vous propose enfin d'adopter deux amendements rédactionnels, l'un pour l'article 1er, l'autre pour l'article 3.

L'audiovisuel public doit, selon moi, se réorganiser très rapidement et je regrette que la fusion envisagée avant juin dernier ait été interrompue sine die par la dissolution de l'Assemblée nationale. Néanmoins, nous devons assumer nos responsabilités pour assurer à court terme un financement pérenne et lisible pour l'audiovisuel public.

Je vous propose donc d'adopter cette PPLO modifiée par les amendements que je vous ai présentés. Si le texte parvient au terme de son parcours législatif avant l'adoption du PLF pour 2025, nous pourrons en tirer les conséquences lors de son examen au Sénat.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'audiovisuel public est un sujet extrêmement sensible, auquel nous sommes très nombreux à nous intéresser, et je salue le travail d'orfèvre qui a caractérisé la préparation de nos discussions.

Nous n'étions en 2022 majoritairement pas favorables à la suppression de la redevance audiovisuelle, ni au financement par de la TVA. La proposition tenant cependant compte du fait que le mode de financement est désormais acquis, je pense qu'il convient d'éviter une nouvelle modification susceptible de créer des incertitudes. Il faut garder une ligne directrice en conservant une seule et même source de financement, à savoir l'affectation d'une fraction de la TVA, avec les précautions qui ont été rappelées.

Cette proposition de loi organique est sage en ce qu'elle évite de créer de nouvelles perturbations, le secteur de l'audiovisuel étant attaché à son indépendance et à la pérennité de son financement. Je remercie Jean-François Hugonet pour son travail minutieux, qui a contribué à lever les doutes dans ce dossier, lequel a pu susciter des débats assez vifs. Si cette PPLO recueille une large majorité, j'estime que ce sera de bon augure pour l'audiovisuel et plus largement pour le travail parlementaire.

Mme Sylvie Vermeillet. - Cette PPLO vient à point nommé. Le groupe Union Centriste s'était opposé à la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), une recette qui nous fait aujourd'hui cruellement défaut. Ce texte a le mérite de sécuriser le financement de l'audiovisuel public au moyen d'une fraction de la TVA - en quelque sorte plafonnée.

Je m'interroge cependant sur l'amendement COM-3 relatif au financement d'Arte, qui prévoit de la même façon une fraction de TVA à la place d'un PSR. Arte n'étant pas une chaîne comme les autres et relevant d'un traité international, j'aimerais que vous précisiez les répercussions de cette modification du financement et la manière dont elle pourrait être perçue par les autres financeurs de la chaîne.

M. Thomas Dossus. - Merci pour ce rapport très clair. Il existe un réel besoin d'un audiovisuel public fort et indépendant, le financement devant assurer l'effectivité de ces deux principes. Peu progressive, la redevance n'était pas juste ; elle était également obsolète en raison des changements des modes de consommation puisqu'elle restait attachée à la possession d'un écran de télévision.

Pour autant, la fraction de TVA n'est guère plus juste. Il n'est pas inutile de rappeler que la suppression de la redevance est intervenue à la hâte dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR) en 2022, alors que l'urgence n'était pas véritablement démontrée. Aucun mode de financement alternatif n'existait au moment de cette suppression, avant qu'un dispositif bancal ne soit proposé.

Je me suis replongé dans les débats d'alors : le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, disait déjà que la suppression de la redevance serait financée par la dette, tandis que plusieurs sénateurs avaient interrogé le ministre des comptes publics d'alors, Gabriel Attal. Ce dernier avait répondu que la suppression serait compensée par des réductions de dépenses, cet échange symbolisant bien ces sept années de mandat.

Nous continuons à faire du bricolage avec cette PPLO, que nous devrions adopter avant le vote définitif du PLF pour 2025 afin que le financement soit viable pour l'année prochaine, sans quoi nous irions vers une budgétisation. Nous ne partageons pas l'idée que nous devrions nous satisfaire du mode de financement proposé et le pérenniser. Nous proposerons donc un autre mode de financement en séance et nous abstiendrons sur ce rapport, même s'il a le mérite de proposer une solution pour l'audiovisuel public.

M. Thierry Cozic. - L'objectif de cette PPLO est de sortir de l'impasse dans laquelle le Gouvernement nous a placés, personne ne souhaitant aboutir à la budgétisation. Vous connaissez l'attachement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à un audiovisuel indépendant et financé de manière équilibrée, ainsi qu'à un financement par une redevance progressive, ma collègue Sylvie Robert ayant déposé une proposition de loi en ce sens.

Si nous ne nous opposerons pas à la proposition qui est faite compte tenu de l'urgence de la situation, nous souhaitons qu'elle ne soit que provisoire et nous avancerons une autre solution afin de revenir à la redevance.

Je m'associe également à l'interrogation de Sylvie Vermeillet sur le financement d'Arte, ne comprenant pas bien le choix initial des rédacteurs de retenir un financement par un PSR.

Mme Catherine Morin-Desailly, coauteure de la proposition de loi organique. - Extrêmement importante, cette PPLO a été déposée dans l'urgence, à l'été, lorsque le Sénat était la seule assemblée en mesure de représenter la Nation.

J'aurais préféré un tout autre scénario : ayant été rapporteure pour avis des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et ayant commis de nombreux rapports sur le sujet, j'ai toujours plaidé en faveur d'une réforme de la redevance et je peux témoigner du fait que, gouvernement après gouvernement, Bercy s'est toujours opposé à une réforme qui aurait consisté à l'élargissement de l'assiette et qui aurait tenu compte du fait que la télévision ne se regardait plus uniquement sur l'écran du salon. Nous aurions pourtant pu nous inspirer de la réforme allemande, qui a permis de percevoir une contribution par foyer prenant en compte tous les supports et d'augmenter le produit de la redevance, diminuant ainsi les contributions individuelles.

Le concept de « contribution à l'audiovisuel public » a été introduit par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision : il avait alors été considéré que la redevance était non pas un impôt comme les autres, mais plutôt une contribution, au même titre qu'un abonnement.

Cela étant dit, le groupe Union Centriste s'était opposé en 2022 à la suppression de la redevance en l'absence d'une solution de substitution. Je rappelle qu'un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) laissait déjà apparaître, même s'il avait écarté la piste d'une modernisation de la redevance, la solution de la TVA. Dans l'urgence, nous avons considéré que nous pourrions conserver ce mode de financement - il a le mérite de fonctionner -, à la condition d'échapper à la dotation budgétaire. En réalité, les rapporteurs et moi-même n'avons pas de doctrine précise sur ce sujet et laissons ce choix à votre sagacité, dès lors que la dotation budgétaire est évitée.

Par ailleurs, le PSR pour Arte s'inspirait d'une proposition de loi organique déposée par l'ancien président de la commission de la culture de l'Assemblée nationale, Bruno Struder, au moment de la suppression de la redevance. Par la suite, le rapport d'information des députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier a repris cette proposition pour Arte.

Quelle que soit la solution retenue, il faudra qu'elle apporte des garanties du point de vue du financement de cette chaîne européenne et des engagements contractuels avec nos partenaires allemands. Arte étant le fruit d'un traité international, nous devons être très respectueux des engagements pris et devons apporter chaque année une réponse adaptée aux besoins de la chaîne franco-allemande.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Saluons la prise de conscience collective quant à l'urgence de la situation, car le PLF pour 2025 déposé par le Gouvernement prévoit une budgétisation. Je souscris à l'avis de Thomas Dossus selon lequel notre proposition peut s'apparenter à une forme de « bricolage », celui-ci s'expliquant par l'impéritie et le manque d'anticipation des gouvernements précédents dans ce domaine. La question du financement de la CAP était en effet posée dès 2017, puisqu'elle était adossée à la taxe d'habitation, qui était elle-même amenée à disparaître. Les personnes habilitées auraient pu identifier un nouveau mode de financement, ce qui n'a malheureusement pas été fait.

La problématique autour d'Arte se décline sur trois plans, à la fois financier, juridique et diplomatique. Pour ce qui est du financement, nous parlons en effet d'une chaîne européenne, mais n'oublions pas que l'État détient intégralement, non pas le groupe Arte, mais son entité française, la société « Arte France », qui concerne notre commission au premier chef. Bruno Patino, président d'Arte France, me disait hier que le PSR était la meilleure des solutions selon lui. Or, comme je l'ai déjà indiqué, le PSR ne constitue pas une garantie supplémentaire : au contraire, le ministère du budget, qui privilégiait la budgétisation, peut brandir dans le même temps le PSR comme une garantie absolue, ce qui peut susciter la méfiance.

L'organisation de l'audiovisuel est totalement différente en Allemagne. Je conçois que nos partenaires puissent s'inquiéter des évolutions côté français, mais je constate que le système de la ressource affectée par une fraction de TVA n'a posé aucun problème depuis 2022.

J'ajoute que j'avais corédigé un rapport avec Roger Karoutchi dans lequel nous avions préconisé la fusion de l'audiovisuel public. Alors que cette fusion a failli revenir à l'ordre du jour - avant que la dissolution ne l'éloigne -, il ne s'agit pas de faire une exception pour Arte, même si la qualité de ses programmes fait consensus.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum relatif aux irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 16 octobre 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public.

Ce périmètre inclut toutes les dispositions prévoyant d'inscrire au sein de la loi organique relative aux lois de finances les mécanismes de financement par l'État des organismes du service public de la communication audiovisuelle.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à préciser que le système actuel est intégralement pérennisé par l'affectation d'un montant d'impôt d'État, et non d'une fraction dynamique, aux sociétés d'audiovisuel public. .

L'amendement COM-1 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-3 permettra de traiter Arte comme les autres organismes, en lui accordant une fraction de TVA.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-4 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. HUGONET, rapporteur

1

Clarification sur l'affectation d'un montant de TVA aux organismes de l'audiovisuel public

Adopté

M. HUGONET, rapporteur

2

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. HUGONET, rapporteur

3

Suppression de la possibilité de mettre en place un prélèvement sur recettes à destination de la Chaîne culturelle européenne

Adopté

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. HUGONET, rapporteur

4

Amendement rédactionnel 

Adopté

Proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Michel Canévet rapporteur sur la proposition de loi n° 628 (2023-2024) visant à limiter le paiement en espèces, présentée par M. Christian Bilhac et plusieurs de ses collègues.

Proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur

M. Claude Raynal, président. - Notre collègue Vanina Paoli-Gagin a déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques, et qui, selon la procédure normale, a été, comme toute révision constitutionnelle, renvoyée à la commission des lois. Dans la mesure où ce texte contient des sujets qui intéressent tout particulièrement la commission des finances, il vous est proposé de nous en saisir également pour avis.

La commission demande à être saisie pour avis sur la proposition de loi constitutionnelle n° 783 (2023-2024) visant à accélérer le redressement des finances publiques et désigne M. Stéphane Sautarel rapporteur pour avis.

Désignation d'un rapporteur spécial

La commission désigne M. Stéphane Fouassin rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », en remplacement de M. Teva Rohfritsch.

Réactivation de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France - Actualisation du programme de contrôle

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le 21 mars dernier, le rapporteur général a réalisé un contrôle sur pièces et sur place à la suite de révélations dévoilées dans la presse selon lesquelles le déficit public pourrait atteindre 5,6 % du PIB en 2023. Une semaine plus tard, l'Insee publiait le chiffre de 5,5 %.

Dans la foulée, nous avons décidé de créer une mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, sur son suivi par l'administration et le gouvernement et sur les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France. Nous souhaitions réaliser une mission « flash », et elle a en effet rendu ses conclusions deux mois et demi plus tard, dès le 12 juin.

L'analyse de la situation sur les premiers mois de l'année 2024 avait également été réalisée à cette occasion, et nous avions alerté sur le risque que faisait peser un tel niveau de déficit en 2023 sur les finances publiques en 2024, mais force est de constater que la dégradation des comptes s'est poursuivie et que le flou qui entoure la gestion budgétaire par le précédent gouvernement, comme les difficultés d'information du Parlement, restent identiques.

Le phénomène est inédit hors situation de crise : le déficit public de l'année en cours, prévu à 4,4 % dans la loi de finances initiale, puis à 5,1 % dans le programme de stabilité du mois d'avril, se dégradait encore à 5,6 % dans les prévisions du Trésor en juillet, et le projet de loi de finances (PLF) présenté la semaine dernière table finalement sur un déficit à 6,1 %... pour le moment. Il s'agit d'un dérapage d'environ 50 milliards d'euros, encore plus massif que celui de 2023.

Le ministre de l'économie et des finances nouvellement nommé nous a dit qu'il lançait des études sur les raisons pour lesquelles les prévisions de recettes et de dépenses sont ainsi démenties si rapidement et dans de telles proportions, en promettant de nous associer à ces travaux.

Je crois, après en avoir discuté avec le rapporteur général, que la meilleure manière d'être associés est encore que nous prenions nous-mêmes l'initiative, en réactivant la mission « flash » déjà conduite au printemps. Il s'agira de faire la lumière sur tout ce qui s'est passé au cours de l'année 2024 sur les prévisions de solde public, en recettes comme en dépenses, et de clarifier la chaîne de responsabilité entre les prévisions techniques et les arbitrages gouvernementaux, qu'il s'agisse des estimations relatives à l'exercice 2024 ou des prévisions pour 2025.

Le Gouvernement devra par exemple, et à brève échéance, mieux nous informer sur les hypothèses sous-jacentes au plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) 2025-2028, actuellement très peu documenté : le manque de transparence sur les hypothèses du programme de stabilité, que nous avons constaté l'an dernier et cette année, ne doit pas se renouveler.

Il faut le dire : le flou considérable qui entoure la gestion budgétaire depuis un an entame le lien de confiance entre les citoyens et les autorités publiques, alors même qu'est présenté un PLF qui demande un effort plus qu'important aux Français. Seul un exercice de transparence peut restaurer, nous l'espérons, ce lien de confiance. C'est pourquoi nous devons conduire ces travaux très rapidement et en parallèle avec les travaux sur le PLF, qui pourra s'en nourrir.

En l'état actuel de nos connaissances, plusieurs hypothèses sont sur la table : on peut sérieusement envisager l'hypothèse que le gouvernement précédent, en novembre-décembre 2023, savait que le déficit public pour 2024 serait supérieur à 4,4 % du PIB et même qu'il faudrait probablement ou bien un décret d'annulation ou bien un projet de loi de finances rectificative (PLFR), ou bien les deux, pour corriger la trajectoire. On peut aussi penser que l'appareil de prévision est à ce point défectueux qu'il s'est trompé de 50 milliards d'euros, ou encore que ces deux explications se mélangent et se croisent. En tout cas, il nous faut poursuivre nos investigations afin de comprendre au mieux comment une telle erreur de prévision du solde public a pu advenir.

Je vous propose donc de réactiver la mission en retenant les mêmes principes : une mission « flash » qui travaillerait en quelques semaines, le rapporteur général en serait rapporteur et je la présiderais. Enfin, des auditions seront évidemment organisées très rapidement, certaines devant la commission en réunion plénière, d'autres par le rapporteur général et moi-même, comme nous l'avons fait durant la première partie de la mission.

Mme Nathalie Goulet. - Pourrons-nous assister aux auditions organisées par le rapporteur ?

M. Claude Raynal, président. - Par principe, celles-ci sont conduites par le rapporteur et par le président, et sont de nature non publique dans la mesure où nous entendrons des responsables d'administrations centrales. Cela étant rappelé, nous pourrons accueillir les membres de la commission qui le souhaitent.

M. Michel Canévet. - Outre l'aspect relatif à l'investigation, y aura-t-il un suivi de la mise en oeuvre des recommandations déjà émises, afin d'éviter que les errements que nous avons connus ne perdurent ?

M. Claude Raynal, président. - Nous rappellerons au ministre ces recommandations, dont on peut dire qu'elles ont été peu écoutées au cours des derniers mois.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Leur mise en oeuvre a été à la fois insuffisante et sélective. Cette « saison 2 » de la mission d'information, si je puis dire, va nous permettre d'assurer ce travail de suivi et d'exercer notre pouvoir de contrôle de manière très approfondie.

Il importe d'établir clairement les responsabilités afin de bien comprendre ce qui s'est passé, en particulier dans le contexte politique actuel. Nous recueillerons des éléments d'appréciation qui feront sans doute évoluer nos opinions, tant celles-ci se sont construites sur des données insuffisantes ou peu conformes aux annonces qui avaient été faites précédemment. Il y a là un véritable enjeu du point de vue de la crédibilité de la parole politique.

M. Éric Bocquet. - La commission des finances de l'Assemblée nationale va demander la création d'une commission d'enquête sur ce sujet. N'y a-t-il pas un risque de doublon, d'autant qu'une commission d'enquête dispose de davantage de moyens ?

M. Claude Raynal, président. - Cette commission d'enquête ne va pas démarrer tout de suite. De plus, nous menons cette mission d'information depuis le début du mois de mars.

De surcroît, la mission du Sénat a bien pour objet le contrôle de l'action du gouvernement, l'Assemblée nationale va le pratiquer aussi à cette occasion, ce qui est une bonne chose. Sa démarche viendra compléter nos travaux et je ne pense pas que nous parviendrons à des conclusions séparées. Plus on mettra ce sujet sur la table, mieux les Français comprendront les causes des efforts que l'on s'apprête à leur demander dans le cadre du PLF, en particulier sur les recettes. Si l'Assemblée nationale se joint à ce travail, je n'y vois aucune difficulté.

Il me semble difficile d'envisager le fait que les ministres adaptent leurs réponses qu'ils ont apportées en raison de l'absence de la prestation de serment qui prévaut dans le cadre d'une commission d'enquête : je crois que l'on peut encore espérer de notre démocratie que les ministres s'expriment clairement lorsqu'ils y sont invités et qu'il n'est pas nécessaire de leur imposer une telle prestation. Cela étant dit, le rapporteur général et moi-même ne nous interdisons pas, s'il le fallait, de solliciter les pouvoirs de commission d'enquête auprès du Sénat si cela s'avérait nécessaire.

M. Michel Canévet. - Une démarche similaire ne devrait-elle pas valoir aussi pour les lois de financement de la sécurité sociale, caractérisées par les mêmes problématiques de variations de déficit ?

M. Claude Raynal, président. - Tout travail sur le solde public conduit à se pencher sur des questions relatives au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je vous demande donc formellement d'accepter la poursuite de cette mission d'information.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 11h20.