Jeudi 3 octobre 2024
Désignation des lauréats du Prix 2024 et échange de vues sur le programme de travail de la délégation pour la session 2024-2025
Mme Dominique Vérien, présidente. - Mes chers collègues, nous avons deux points à l'ordre du jour : premièrement, la désignation finale des lauréats du Prix 2024 de notre délégation ; et deuxièmement, le choix de notre programme de travail pour la session 2024-2025, dans le prolongement de la réunion du Bureau qui a eu lieu ce matin à 8 heures.
S'agissant des lauréats de la sixième promotion du Prix de la délégation, un premier tour de table lors de notre réunion plénière du 9 juillet dernier avait permis de faire émerger plusieurs noms qu'il nous faut désormais confirmer.
Je rappelle que nous devons choisir trois personnalités et une association.
Nous nous étions, dans un premier temps, mis d'accord sur les noms suivants :
- Judith Godrèche, au titre de nos travaux sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma ;
- Aurélie Tinland, psychiatre à l'AP-HM, que nous avions rencontrée lors d'un déplacement à Marseille dans le cadre de nos travaux sur les femmes dans la rue ;
- le Samusocial de Paris, à travers sa directrice générale, Vanessa Benoit, pour l'action menée par ce groupement d'intérêt public en faveur des personnes sans abri.
Il nous reste donc à désigner une personnalité, et il me semble important de la choisir parmi les personnes que nous avons entendues ou rencontrées dans le cadre de nos travaux sur l'accès à l'avortement dans le monde et la défense du droit à l'IVG.
C'est pourquoi je vous propose de choisir :
- Neil Datta, directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF), qui avait participé à notre colloque du 23 novembre dernier sur l'accès à l'IVG dans le monde, et dont j'ai trouvé les travaux très précieux au moment des débats autour de la constitutionnalisation de l'IVG ;
- et Sandra Vizzavona, avocate et auteure du livre Interruption, l'avortement par celles qui l'ont vécu, qui a fait l'objet d'une adaptation au théâtre, que nous étions allés voir le 11 décembre 2023.
Je vous laisse réagir à ces deux dernières propositions.
Mme Annick Billon. - Pour ma part, dans le souci de respecter un certain équilibre, je me prononcerai en faveur de Neil Datta, le milieu artistique étant déjà représenté par Judith Godrèche.
Cependant, pour nous éviter un choix difficile, ne serait-il pas envisageable de décerner un prix spécial à Sandra Vizzavona, ce qui a déjà été fait par le passé ?
Mme Olivia Richard. - En ce qui concerne la proposition, déjà actée précédemment, de décerner le prix à Judith Godrèche, cela donnera sans nul doute de la visibilité à notre événement. S'agissant de Neil Datta, j'avais particulièrement apprécié sa précieuse contribution à notre colloque sur l'IVG à travers le monde en novembre 2023.
Mme Dominique Vérien, présidente. - Je vous propose de récompenser Neil Datta pour son travail sur l'IVG et d'attribuer un prix spécial à Sandra Vizzavona pour l'adaptation de son livre sur l'avortement au théâtre.
La cérémonie de remise des médailles aura lieu le mardi 22 octobre. J'ai proposé au Président Larcher de se joindre à nous pour cet événement.
Avant d'aborder le deuxième point à l'ordre du jour, je veux aussi faire un point sur notre projet de salle Olympe de Gouges dans l'immeuble rue Casimir Delavigne.
Comme vous le savez, notre délégation fête cette année son 25e anniversaire. À cette occasion, j'ai proposé de nommer la grande salle de réunion des délégations située rue Casimir Delavigne du nom d'une figure historique de la lutte pour les droits des femmes : Olympe de Gouges.
Cette proposition a recueilli l'assentiment du Président du Sénat, du collège des Questeurs et de l'ensemble de nos collègues présidents de délégation. Elle devrait donc être actée sans difficulté lors du Bureau du Sénat du 24 octobre et l'inauguration aura lieu le jeudi 28 novembre matin en présence du Président du Sénat, des membres du Bureau du Sénat et de nos collègues présidents de délégation notamment.
Je vous propose de passer au dernier point à l'ordre du jour qui concerne le choix de nos thématiques de travail pour la session 2024-2025.
Notre réunion de Bureau de ce matin a acté comme thématique annuelle principale « Femmes et sciences » afin de mener une réflexion sur l'entrée des filles dans les sciences et sur la valorisation des parcours féminins scientifiques. Plusieurs volets pourront être traités : formation, éducation, parcours universitaires, place des femmes dans les carrières scientifiques et académiques. Nous devrons toutefois préciser le champ de ce sujet qui est très vaste. Je vous propose notamment de nous pencher sur la formation des petites filles, dès l'école primaire, puisque les études montrent que, si les filles et les garçons ont un niveau en maths comparable en CP, une distinction commence à s'opérer chez les filles dès le CE1, sous l'effet de phénomènes inconscients de blocages.
Sur cette thématique, les quatre rapporteures proposées sont nos collègues Marie-Do Aeschlimann, Jocelyne Antoine, Laure Darcos et Marie-Pierre Monier.
En écho à l'actualité nous avons hélas décidé de reporter « Femmes et jeux vidéo », qui devait être notre second rapport, afin d'engager, dès à présent, une mission spécifique sur la prévention de la récidive en matière de viol et d'agressions sexuelles, préoccupation qui anime le débat public depuis le meurtre de la jeune Philippine. Les rapporteures envisagées sont Annick Billon, Evelyne Corbière Naminzo, Marie Mercier et Laurence Rossignol.
Mme Marie Mercier. - Je pense que nous devrons aborder le sujet de la santé mentale pour essayer de comprendre les mécanismes psychiques à l'oeuvre dans le comportement du violeur.
Mme Dominique Vérien, présidente. - En effet, si nous souhaitons travailler sur la récidive, ce volet est important. Il existe d'ailleurs des centres de recherches psychiatriques spécialisés.
En parallèle de ces rapports et dans le cadre des événements organisés par notre délégation autour de dates symboliques pour les droits des femmes, nous avons décidé de consacrer la matinée du 21 novembre, en lien avec la Journée du 25 novembre - Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes - à une réflexion sur la problématique du consentement et la définition pénale du viol, sujet qui devrait, au même moment, figurer à l'agenda législatif. Cet événement prendra la forme de tables rondes et devrait notamment nous permettre de dresser un panorama mondial des définitions du viol.
Nous organiserons également un événement à l'occasion du 8 mars sur une thématique qui reste à déterminer.
Pour ces deux événements, nous pourrons désigner deux ou trois sénateurs référents.
Nous allons également prévoir des auditions ponctuelles :
- le 24 octobre, à 8h30, nous recevrons l'athlète afghane Marzieh Hamidi, championne de taekwondo, aujourd'hui réfugiée en France ;
- nous entendrons également la nouvelle secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, Salima Saa ; la nouvelle présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), Bérangère Couillard ; et d'autres personnalités influentes en matière de droits des femmes. N'hésitez pas à me faire part de vos suggestions !
Avant de nous quitter, je vous rappelle que nous examinerons mardi 8 octobre le rapport sur les femmes dans la rue mené par nos quatre rapporteures, Agnès Evren, Marie-Laure Phinera-Horth, Olivia Richard et Laurence Rossignol.
Ce rapport sera ensuite présenté à la presse mercredi 9 octobre à 11h30, veille de la Journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, qui a lieu tous les ans le 10 octobre.
Mme Laurence Rossignol. - Je m'interrogeais sur la possibilité de proposer un débat en séance publique sur le rapport « Femmes dans la rue », en présence du ministre des solidarités, Paul Christophe.
Mme Dominique Vérien, présidente. - Il faudrait, dans ce cas, que soit également présente Valérie Létard, ministre du logement, car c'est une problématique très importante du rapport.
Mme Annick Billon. - Lorsque le sujet est consensuel, le dépôt d'une proposition de résolution permet de porter le rapport dans l'hémicycle et d'engager le Sénat dans son ensemble sur les préconisations des rapporteures.
Mme Dominique Vérien. - Passons, dans un premier temps, l'étape de l'examen en délégation le 8 octobre !
Mme Marie-Pierre Monier. - Je souhaiterais évoquer notre rencontre avec la Mutualité sociale agricole (MSA), prévue le 15 octobre à l'occasion de la Journée de la femme rurale, qui nous présentera son livre blanc comportant quinze propositions visant à faciliter l'exercice des métiers agricoles pour les femmes. La MSA a vraiment fourni un très gros travail de fond, pas seulement sur les femmes agricultrices mais aussi auprès des femmes victimes de violences dans les territoires ruraux, en mettant en place des lignes d'écoute, des formations, etc. Elle s'est vraiment saisie du sujet au plan local et au plan national et il me semble important d'entendre ses représentants.
Mme Dominique Vérien, présidente. - Vous êtes en effet toutes et tous conviés à cette rencontre, qui fait d'ailleurs écho à deux rapports de la délégation, « Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires » en 2017, et « Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité » en 2021, dont certaines des rapporteures sont présentes parmi nous aujourd'hui.
Mme Marie-Pierre Richer. - Même s'il ne traitait pas spécifiquement du milieu agricole, notre rapport « Santé des femmes au travail : des maux invisibles » nous avait aussi conduit, lors d'un déplacement en Bretagne, à la rencontre de femmes agricultrices qui « bricolaient » pour améliorer leurs conditions de travail, et prévenir ou soulager les troubles musculosquelettiques.
Mme Dominique Vérien, présidente. - Je note à ce propos que nous devrons programmer la remise de ce rapport à la nouvelle ministre de la santé, Geneviève Darrieussecq.
Mme Jocelyne Antoine. - Pour compléter les propos de Marie-Pierre Monier, l'an dernier à l'occasion du Salon de l'agriculture, j'ai remis des exemplaires du rapport Femmes et ruralités à la chambre d'agriculture. Dans la Meuse, j'ai d'ailleurs pu constater combien ce travail, largement diffusé par la section femmes de la chambre d'agriculture, a été apprécié. Aujourd'hui, ce Livre blanc s'appuie sur certaines préconisations du rapport, procédant d'une dynamique à mon sens très positive.
Mme Marie-Claude Varaillas. - L'Association des Maires ruraux de France (AMRF) s'en est également saisie afin de mettre en place son réseau Erre (Élus ruraux relais égalité) pour lutter contre les violences en milieu rural. Dans mon département, une grande réunion a même été organisée, avec 80 élus référents sur le territoire, en présence du préfet et du procureur de la République.
Mme Marie-Pierre Monier. - J'avais d'ailleurs reçu au Sénat le directeur de l'AMRF, Cédric Szabo, à ce sujet. Ce rapport a eu un fort retentissement dans nos territoires et il est toujours d'actualité car la situation localement ne s'est pas améliorée.
Mme Marie Mercier. - Pour revenir à la salle Olympe de Gouges, les statues des femmes illustres réalisées pour la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris sont en ce moment même exposés à l'Assemblée nationale. Ne serait-il pas envisageable de faire imprimer un poster du buste d'Olympe de Gouges pour en orner la salle et ainsi faire le lien avec ces JOP, qui ont constitué, pour nous tous, un moment très fort ?
Mme Anne Souyris. - Le fait que les bustes représentés dans le Palais du Luxembourg soient exclusivement masculins a-t-il été déjà évoqué ?
Mme Dominique Vérien, présidente. - Je l'ignore, mais pourquoi en effet ne pas ajouter des bustes de femmes au Sénat... Nous pourrions en parler à notre collègue Questeure Marie-Arlette Carlotti.
Je souhaiterais revenir un instant sur l'objet de la mission sur la prévention de la récidive du viol. Il me semble important de préciser qu'il faudra éviter de l'aborder à travers le prisme des obligations de quitter le territoire français (OQTF), car le viol n'est pas une question de territoire. Le vrai coeur du sujet sera comment empêcher les viols, que faire des violeurs et comment faire en sorte qu'ils ne violent plus ? Il est important que la délégation se saisisse dès à présent de ce sujet, et de manière transpartisane comme elle en a l'habitude, sans attendre la potentielle création d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête sur ce thème.
Mme Laurence Rossignol. - L'intitulé de cette mission devra mentionner les viols mais aussi les agressions sexuelles afin d'inclure dans nos travaux le volet correctionnel.
Mme Dominique Vérien, présidente. - Absolument, d'autant que le taux de récidive en matière criminelle globale semble très faible, de l'ordre d'un ou deux pourcents. En revanche, avec le développement ces dernières années de la « correctionnalisation » du viol, on peut supposer que le taux de récidive des affaires correctionnelles a beaucoup augmenté.
En outre, au regard du grand nombre de dépôts de plaintes pour viol déclarées sans suite, il y a forcément une part importante de récidives non identifiées comme telles. Il faudra bien parler de récidive et de réitération.
Mme Marie Mercier. - Nous n'aborderons donc pas le sujet des OQTF ?
Mme Laurence Rossignol. - On ne peut pas exclure que nous soyons amenées, à un moment de nos travaux, à nous interroger sur l'exécution des OQTF de personnes déjà condamnées pour violences sexuelles : doivent-elles être traitées comme les OQTF de personnes non-délinquantes, dont le seul tort est d'être en situation irrégulière ? Nous verrons !
Mme Marie Mercier. - À mon sens, il ne faudra pas négliger l'effet déclencheur que peut avoir le déracinement sur des personnes par ailleurs déjà victimes de blessures d'enfance. Car, si tous les enfants ayant subi une violence ne deviennent pas violeurs, tous les violeurs ont subi une violence.
Mme Laurence Rossignol. - Il faudra que nous regardions toutes les statistiques et études. Je pense qu'il ne faut pas négliger non plus ce que l'on peut qualifier de « viol d'opportunité » - comme l'évoque une tribune de la sociologue Irène Théry publiée dans Le Monde hier à propos du procès des viols de Mazan.
Mme Dominique Vérien, présidente. - Nous avons un beau programme de travail devant nous. Je vous annonce que nous lancerons officiellement le rapport « Femmes et sciences », qui m'est cher, le 11 février 2025, à l'occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science !