Mercredi 18 septembre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 10 h 00.
Contrôle budgétaire - Haut-commissariat au Plan - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous allons entendre une communication de M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », sur le Haut-commissariat au Plan.
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - En tant que rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », j'ai choisi, pour ma première année au sein de la commission des finances du Sénat, de mener un contrôle budgétaire sur une institution relativement récente, le Haut-commissariat au Plan (HCP).
Créée en septembre 2020 et confiée depuis cette date à M. François Bayrou, cette instance a été chargée d'une mission très étendue en matière de prospective et de planification. Cependant, son action suscite des critiques récurrentes ; en témoigne le débat organisé au Sénat le 10 avril dernier, sur le thème : « Haut-commissariat au Plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? ». Par ailleurs, des questions sont régulièrement posées à ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances.
Aussi, le rapport que je vous présente aujourd'hui vise à faire le point sur les questions soulevées par l'organisation, le fonctionnement et les travaux de cette institution spécifique.
Je commencerai par un rappel du contexte de création et du champ de la mission confiée au HCP en septembre 2020. La mise en place de cette nouvelle instance résulte de la volonté affichée de l'exécutif de renouer avec une démarche de réflexion et de planification sur le long terme, après le choc de la première vague de l'épidémie de covid-19 au printemps 2020.
En effet, la crise sanitaire a mis en évidence des vulnérabilités majeures pour notre pays, en particulier une forte dépendance aux importations et l'absence de stocks suffisants pour certains produits de santé essentiels, à l'image des masques de protection.
Dans ce contexte, la nécessité d'une vision à long terme de la gestion des risques a rapidement été affirmée par l'exécutif. C'est ainsi que, dans son allocution du 13 avril 2020, le Président de la République appelait à l'élaboration d'une « stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier » afin de pouvoir « faire face aux crises à venir ».
Instituée par un décret du 1er septembre 2020, la fonction de Haut-commissaire au Plan est confiée, par décret du 3 septembre 2020, à M. François Bayrou. Le HCP est chargé d'une mission très étendue en théorie, consistant à « animer et coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l'État ».
De fait, la dénomination de cette nouvelle instance et les termes mêmes de sa mission font expressément référence à la démarche du Commissariat général au Plan (CGP), créé en 1946 par le Général de Gaulle, tombé en désuétude et privé de son importance au fur et à mesure, avant d'être remplacé en 2006 par le Conseil d'analyse stratégique, devenu depuis France Stratégie.
Cependant, l'action du HCP est dès l'origine significativement limitée par la multiplicité des organes administratifs intervenant dans le domaine de la prospective et de la planification, dont plusieurs préexistaient largement à la création de celui-ci : France Stratégie, le Conseil d'analyse économique (CAE), le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI)...
Plus fondamentalement, et contrairement à sa dénomination, le Haut-commissariat n'exerce pas de fonction réelle de planification et de pilotage opérationnel. Ainsi, à la différence de l'ancien Commissariat général au Plan, le HCP ne dispose d'aucun levier financier et son action ne peut donc pas se traduire en la définition, par exemple, de grands plans quinquennaux, comme le plan Monnet, plan d'investissement qui trouva une partie de ses fonds dans le plan Marshall.
C'est ainsi que le Haut-commissariat n'a contribué ni à l'élaboration ni à l'évaluation du plan France 2030, doté de 54 milliards d'euros, dont la mise en oeuvre et le suivi ont été confiés au SGPI. Or, comme France Stratégie le relevait à propos du programme des investissements d'avenir (PIA), précurseur du plan France 2030, ce grand plan d'investissement est sans doute ce qui, de nos jours, se rapproche le plus de la logique de l'ancien Plan. On peut donc évoquer à ce propos une forme de « rendez-vous manqué » entre le HCP et le plan France 2030.
Je voudrais à présent aborder plus précisément les modalités d'organisation et de fonctionnement du Haut-commissariat.
Avec un budget de 1,9 million d'euros en 2023 et en 2024, pour 14 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2023, le HCP dispose de ressources modestes par rapport aux autres organismes intervenant dans le domaine de la prospective et de la planification au sens large, ce qui s'explique par son rôle d'animation et de coordination.
Les moyens du HCP sont ainsi dix fois inférieurs à ceux de France Stratégie, qui comptait 135 ETP fin 2023 et bénéficiait d'une dotation budgétaire de 23,1 millions d'euros pour 2024.
Il convient également de noter que le Haut-commissaire a choisi d'exercer ses fonctions à titre bénévole, souhaitant que cela soit mentionné dans son décret de nomination. Il ne perçoit donc à ce titre aucune rémunération ou indemnité.
Les moyens du HCP ont connu une augmentation notable entre 2022 et 2023, passant de 1,4 million à 1,9 million d'euros en crédits exécutés. Cette évolution s'explique par la nouvelle responsabilité de secrétariat général du Conseil national de la refondation (CNR) qui a été confiée au HCP en septembre 2022. Cependant, depuis le mois de février dernier, les emplois du secrétariat général du CNR relèvent non plus du HCP, mais de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), avec le transfert de 3 ETPT.
Si la gestion de la dotation budgétaire et des ressources humaines du HCP, assurée par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre (DSAF), ne présente pas de difficulté particulière, l'organisation et le statut du HCP sont marqués par une forte personnalisation de la fonction du Haut-commissaire, qui cristallise fatalement les critiques et peut détourner d'une évaluation objective, en plus de la soumettre potentiellement aux contingences politiques et médiatiques.
Ainsi, le HCP revendique un portage plus puissant que des profils administratifs classiques, tels que le Commissaire général de France Stratégie ou le Secrétaire général à la planification écologique. Cependant, les responsabilités politiques importantes que le Haut-commissaire continue d'assumer, en parallèle de son mandat, interrogent fortement : celui-ci exerce toujours la présidence du parti du Mouvement Démocrate (MoDem) ; il continue également d'exercer le mandat de maire de la ville de Pau ; enfin, il était présent - certes à titre symbolique - sur la liste Renaissance aux élections européennes de juin 2024.
Au-delà de la question des responsabilités politiques, cette dimension personnelle se retrouve dans l'organisation et le fonctionnement du HCP, à plusieurs titres : certains agents du HCP exercent des emplois ou fonctions au sein du MoDem ou de la ville de Pau ; le Haut-commissariat compte, en plus de son siège à Paris, une antenne située à Pau, dans un local mis à disposition, contre loyer, par la préfecture des Pyrénées-Atlantiques ; la programmation des travaux du HCP, soit le choix des sujets traités et des angles d'étude pour les notes stratégiques, est à l'entière discrétion du Haut-commissaire. En soi, évidemment rien d'illégal, mais cela peut poser question s'agissant d'une fonction qui nécessite certes une vision politique, mais aussi un détachement face à l'instantanéité d'une activité politique en cours.
À titre personnel, et si je n'en fais pas forcément une recommandation dans ce rapport, je considère que, si une personnalité politique d'expérience peut être chargée d'une telle mission de prospective, qui ne saurait être réservée à des techniciens - si brillants soient-ils - et qui revêt forcément une forte dimension politique, le HCP ne présente pas à ce jour de garantie suffisante d'indépendance et de disponibilité.
De même, concernant l'existence d'une antenne locale, si celle-ci ne présente pas de difficulté de principe ou de légalité, ni d'enjeu budgétaire particulier, le choix précis de cette implantation, située à Pau, s'explique par un motif de convenance personnelle pour le Haut-commissaire, qui renforce encore un peu plus l'incarnation très forte de la fonction.
Pour autant, l'écueil dans lequel je ne souhaite pas tomber à titre personnel serait justement de condamner le Haut-commissaire uniquement parce qu'il est François Bayrou et proche d'un Président de la République dont je combats la politique et le bilan. Aussi, les critiques que j'adresserai ne seront pas ad hominem...
J'en viens à la contribution du HCP aux politiques publiques. À l'évidence et d'un constat largement partagé, cette contribution, très mitigée, n'a pas pleinement répondu aux attentes importantes qui avaient été placées dans le Haut-commissariat à sa création en 2020.
En quatre ans d'activité, le HCP a publié 18 études en propre, appelées « notes stratégiques ». À ces travaux s'ajoutent un rapport corédigé avec un think tank et deux rapports rédigés par des tiers sur commande, l'un par une mission d'appui conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET), l'autre par le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
Pour l'essentiel, les notes stratégiques du HCP ne se distinguent pas des travaux d'autres services administratifs chargés de missions d'expertise et de conseil, tels que les inspections, les administrations parlementaires ou France Stratégie. Pour une partie, ces notes peuvent même apparaître beaucoup moins approfondies.
Or, si des synthèses rédigées de manière accessible pour un large public peuvent certainement être utiles à la diffusion des études du HCP, un tel travail ne saurait correspondre à une mission ambitieuse de prospective et de planification visant à influer sur les choix de politiques publiques.
Au-delà du caractère peu détaillé de certaines publications, les travaux du HCP présentent plusieurs lacunes importantes : l'absence de publication sur les enjeux du numérique, un intérêt limité pour les problématiques spécifiques à la jeunesse et, pour certaines notes, un défaut dans la démarche de planification se traduisant par des recommandations peu opérationnelles.
Face aux risques de redondance et d'éclatement des moyens et des compétences, une rationalisation de l'organisation des services chargés de prospective et de planification apparaît donc nécessaire. Ainsi, il importe de clarifier la répartition des compétences entre les instances rattachées au Premier ministre, en confiant expressément la responsabilité de la réflexion prospective au Haut-commissariat, celle de la planification des ressources physiques et financières au Secrétariat général à la planification écologique et celle de l'évaluation à France Stratégie. Dans ce cadre, le HCP serait renommé en Haut-commissariat à la prospective.
De même, afin de donner une plus-value accrue à ses travaux, la démarche prospective du HCP pourrait se déployer sur un horizon de plus long terme et explorer des scénarios radicaux, suivant le modèle de l'initiative Red Team développée par l'Agence de l'innovation de défense (AID) qui associe auteurs d'oeuvres littéraires d'anticipation - de science-fiction -, universitaires et professionnels.
Par ailleurs, cette rationalisation des missions du HCP doit s'accompagner de garanties renforcées en matière d'indépendance, d'expertise et de « redevabilité ». Ainsi, la programmation des travaux du HCP pourrait être consolidée à travers le recours à l'avis consultatif d'un collège restreint composé de personnalités qualifiées. De même, il est proposé de fixer à six ans, renouvelables, la durée du mandat de Haut-commissaire et de prévoir son inamovibilité.
Mes chers collègues, face aux risques et aux défis majeurs de notre époque, la réflexion prospective dans le domaine de la décision publique est particulièrement essentielle et paraît justement insuffisante. À ce titre, le HCP pourrait apporter une contribution utile, à condition de veiller à une plus grande rigueur dans son action et son organisation. C'est la raison pour laquelle je ne propose pas sa suppression comme certains ont été tentés de le faire. Aucun outil n'est fondamentalement mauvais, pourvu qu'il ne se saborde pas lui-même, et il faut clairement entendre des critiques adressées de longue date. Il faut aussi que l'exécutif permette au HCP de vivre et ne lui crée pas lui-même une concurrence.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Ce travail était attendu et s'inscrit dans le prolongement d'amendements qui avaient été déposés par le rapporteur spécial peu après son entrée au Sénat. À cet égard, j'avais souhaité qu'un travail plus en profondeur soit mené pour trier le bon grain de l'ivraie. De manière générale, le Sénat déplore la multiplication des organismes, opérateurs de l'État.
S'agissant du Haut-commissariat au Plan, plusieurs compétences sont mal définies ou croisées avec d'autres autorités. En ces temps d'impasse budgétaire où les comptes publics sont profondément dégradés, un diagnostic est utile. Il nous appartiendra ensuite d'examiner la nécessaire rationalisation des dispositifs mis en place pour la prévision et la planification. À mon sens, des ajustements seront requis. Et il est bien légitime que le Sénat continue de se pencher sur ces questions et qu'il formule des propositions.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Monsieur le rapporteur spécial, à l'heure où l'on assiste au retour des empires pour lesquels la planification est de longue date un outil de conquête des marchés et des esprits, ne pensez-vous pas qu'une refonte intégrale de la fonction et des missions du HCP devrait être opérée ? C'est un organe qui devrait être en surplomb et qui devrait maîtriser l'amont et l'aval, pour être un outil au service d'une stratégie nationale. Comment peut-on piloter des politiques publiques sans avoir un continuum de la vision prospective et des moyens opérationnels ?
M. Grégory Blanc. - Merci, monsieur le rapporteur spécial. J'ai lu avec attention la note de synthèse du rapport et écouté la présentation qui vient d'en être faite. Si l'on envisage le Haut-commissariat au Plan comme un outil supplémentaire de prospective, on peut alors débattre de la nécessaire rationalisation des structures existantes. Mais il me semble que, depuis quelque temps, le HCP a aussi pour objectif de faire vivre le Conseil national de la refondation, outil favorisant le dialogue entre les différentes composantes de notre société afin de faire émerger des compromis. Tel est d'ailleurs le sens historique du Plan dans notre pays : engager un débat démocratique sur la trajectoire d'industrialisation et de développement. La prospective ne suffit pas ; encore faut-il une clarification et une volonté politique en plus haut lieu. Si le CNR n'a pas obtenu les résultats escomptés, c'est aussi parce que des freins ont entravé le dialogue. Il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain...
Mme Christine Lavarde. - Merci beaucoup pour ce contrôle qui intervient à la suite des questions que nous avions posées au moment de la discussion budgétaire, notamment en ce qui concernait l'organisation des moyens immobiliers des trois instances - le Haut-commissariat au Plan, le Secrétariat général à la planification écologique et France Stratégie - évoquées dans son rapport par le rapporteur spécial.
S'agissant de la recommandation de s'inspirer du modèle de l'initiative Red Team de l'Agence de l'Innovation de Défense, la délégation sénatoriale à la prospective a eu la chance d'engager des échanges avec les divers intervenants de cette initiative. Il faut savoir que, dans leur structure, les équipes projet sont constituées en fonction d'une action précise et préalablement définie. Or, si l'on suit cet exemple, ne faudrait-il pas revoir la politique de ressources humaines des trois instances précitées - le Haut-commissariat au Plan, le Secrétariat général à la planification écologique et France Stratégie ?
M. Claude Raynal, président. - À titre personnel, les questions d'incarnation ne m'intéressent pas, mais je dois dire que je n'ai jamais trouvé particulièrement passionnante - pour le dire ainsi... - la lecture des documents publiés par le HCP. Aussi, même si elle est justifiée, je trouve la recommandation n° 1 « Rapprocher la réflexion prospective et le pilotage des investissements publics stratégiques » modérée dans son expression. Nous avons un organisme qui fonctionne, qui a des moyens, c'est France Stratégie. Alors, concentrons nos forces ! S'il s'agit uniquement de maintenir une structure sans objectif réel derrière, nous ne serons jamais capables de rien faire !
Par conséquent, je suis un peu en désaccord avec la recommandation n° 7, « Fixer à six ans, renouvelables, la durée du mandat de Haut-commissaire et prévoir son inamovibilité », car j'estime qu'il ne faut pas conserver cette structure en l'état. Si on veut vraiment garder le nom de « Plan », on peut rebaptiser France Stratégie, mais on ne doit pas maintenir deux structures de ce type. Ce n'est d'ailleurs pas vraiment une question budgétaire, puisque le budget du HCP reste modéré, mais une question d'organisation globale de la réflexion stratégique en France.
En tout cas, pendant que nous tergiversons, notamment sur la politique industrielle, d'autres pays, à toute vitesse, en sont déjà revenus au Plan du Général de Gaulle, comme nous l'avons vu lors d'un déplacement récent dont nous vous rendrons bientôt compte. Nous n'allons pas au bon rythme et nous avons trop d'organismes qui produisent peu !
Mme Nathalie Goulet. - Je tiens à faire un parallèle avec un sujet qui fâche : l'utilisation incontrôlée des cabinets de conseil. Là aussi, il n'existe aucune coordination, comme l'a montré la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dont la rapporteure était Éliane Assassi, et comme le montrait hier encore une émission télévisée. Il faut choisir : nous ne pouvons pas dépenser des millions dans des cabinets privés et en même temps disposer d'organismes comme ceux dont nous parlons aujourd'hui.
Le Sénat cherche des économies et, manifestement, il y en a en la matière. Je relève d'ailleurs que la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques a été quelque peu vidée de sa substance par l'Assemblée nationale en première lecture et qu'elle y est toujours en instance.
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - Je n'ai pas voulu proposer une suppression pure et simple du Haut-commissariat au Plan, car, pour des raisons stratégiques, nous avons réellement besoin de planification en France. Puisque cette structure n'est pas en mesure d'assumer pour l'instant cet objectif, les recommandations visent à renforcer et à rationaliser son action en la recentrant sur la prospective, plutôt qu'à l'affaiblir.
Je ne suis pas convaincu que la rationalisation s'oppose à la clarification. Par « rationalisation », je parlais non pas de baisse des moyens, mais de définir qui fait quoi. À ce titre, le Secrétariat général à la planification écologique a toute sa place. Je ne propose ni sa mise sous tutelle par le HCP ni sa suppression.
Le HCP n'est plus en charge en pratique du Conseil national de la refondation, celui-ci relevant désormais de la direction interministérielle de la transformation publique. Il est apparu pendant les auditions, de l'aveu même des services du Haut-commissaire au Plan, que le CNR joue un rôle positif quand il fonctionne de manière ascendante, c'est-à-dire quand les acteurs peuvent s'exprimer. Quand il fonctionne de manière descendante, c'est-à-dire quand quelqu'un arrive avec une série de recommandations qu'il espère voir validées, le Conseil n'échappe pas à la critique politique, car tout paraît dirigé d'en haut, écueil qu'il faut éviter en matière de démocratie participative.
Au sein du Haut-commissariat au Plan, la part de contractuels est forte, comme dans beaucoup de services similaires, car il existe généralement des difficultés de recrutement sur les postes de fonctionnaire. En matière de performance, je n'ai pas de religion concernant le choix entre des agents aux missions limitées dans le temps et des agents présents sur le long terme, disposant de hauteur de vue. Cela explique l'absence de recommandations à ce sujet, à l'exception de la recommandation n° 7, limitée au Haut-commissaire, afin de détacher ce dernier rôle du calendrier électoral.
Par définition, la planification est relativement étatiste et directive. Ne nous mentons pas : l'inspiration est soviétique ! Tandis que certains pays élaborent des scénarios et les mettent en oeuvre, d'autres subissent. Je crains que cette dernière situation soit la nôtre actuellement. L'incertitude budgétaire à court et à moyen terme nous rend incapables de développer des plans sur des décennies.
La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
Contrôle budgétaire - Centre des monuments nationaux - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de MM. Vincent Éblé et Didier Rambaud, rapporteurs spéciaux de la mission « Culture », sur le Centre des monuments nationaux (CMN).
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. - Mes chers collègues, la mission « Culture » est riche en opérateurs de l'État ; on en dénombre près d'une vingtaine dans le seul domaine du patrimoine. Vincent Éblé et moi avons souhaité consacrer notre travail de contrôle budgétaire annuel au Centre des monuments nationaux, qui est le plus important d'entre eux.
Le CMN, ancienne Caisse nationale des monuments historiques, est un établissement public à caractère administratif. Il regroupe une centaine de monuments dont les fonctions « support », « métiers » ainsi que le budget sont mutualisés à l'échelle nationale. De façon curieusement redondante, le CMN est compétent pour la gestion des monuments historiques nationaux, qui sont eux-mêmes définis comme ceux dont la gestion est attribuée au CMN.
Le Centre gère un ensemble de 110 monuments, qui se caractérisent surtout par leur grande diversité et par leur répartition sur l'ensemble du territoire national. On compte ainsi dans le parc du CMN des sites connus internationalement, en particulier à Paris : Arc de Triomphe, Panthéon ou Sainte-Chapelle, pour ne citer qu'eux. S'y ajoutent d'autres lieux symboliques pour le patrimoine français, comme la cité de Carcassonne ou le Mont-Saint-Michel.
Le CMN gère également de nombreux monuments de petite taille, parfois nettement moins connus, allant de sites préhistoriques jusqu'à la villa Savoye, construite à Poissy par Le Corbusier. Depuis 1998, le Centre est aussi chargé de la gestion domaniale des cathédrales, y compris de l'exploitation des tours de Notre-Dame de Paris.
Tous les monuments gérés par le Centre n'appartiennent pas à l'État, même si c'est le cas de la majorité d'entre eux. Six appartiennent en propre à l'établissement, d'autres à des collectivités territoriales et deux sites gérés par le CMN appartiennent même à des personnes privées.
Les missions du Centre sont toujours plus étendues. Celui-ci est chargé d'entretenir les monuments nationaux dont il a la gestion, mais également de conserver d'importantes collections - pas moins de 64 000 objets -, de développer sa maison d'édition et, surtout, de présenter au public les sites, y compris au travers du développement d'une offre culturelle.
À l'issue de notre travail, le constat que Vincent Éblé et moi avons dressé est dans l'ensemble positif. Si le Centre a traversé au début des années 2010 une période de turbulences, il est désormais un établissement qui fonctionne sans trop de difficultés.
Le CMN se félicite ainsi de la croissance continue de la fréquentation de ses monuments. Celle-ci a atteint des niveaux inédits en 2023 avec plus de 11,6 millions de visiteurs, contre seulement 9,2 millions dix ans plus tôt. Le trou d'air consécutif à la crise sanitaire a été de courte durée : dès 2023, la fréquentation a été supérieure de 13 % à celle observée en 2019.
Des points de vigilance demeurent. Ainsi, la croissance du nombre de visiteurs est tirée par un petit nombre de monuments. Les six les plus visités ont contribué en dix ans à la croissance de la fréquentation à hauteur de 1,5 million de visiteurs. Certains sites peuvent ainsi approcher de la saturation à certaines périodes de l'année, comme le Mont-Saint-Michel ou les remparts de Carcassonne.
Autre point de satisfaction, le CMN dispose d'une part importante de ressources propres, notamment grâce aux recettes de billetterie. Ses recettes propres ont augmenté de 55 % en dix ans et lui permettent de s'autofinancer à hauteur de 70 % de son budget de fonctionnement et de 50 % du total de son budget. À ce titre, le Centre constitue un bon élève dans le domaine des opérateurs culturels.
Il faut cependant être prudent dans le satisfecit : les financements annuels de l'État ont augmenté beaucoup plus rapidement que les ressources propres. Ils représentaient seulement 17 % des recettes du Centre en 2014, mais un peu plus de la moitié dix ans plus tard. La subvention pour charges de service public s'élève en 2024 à près de 45 millions d'euros.
L'État est, en outre, fortement intervenu en 2021 et 2022 à la suite de la crise sanitaire pour compenser la fermeture des monuments. Cette subvention d'équilibre s'est élevée à 80 millions d'euros en 2021 et à 32 millions d'euros en 2022. Ces montants ont été largement supérieurs aux pertes subies du fait de la crise sanitaire. Une part de ces crédits relève donc d'une surcompensation et a constitué une hausse nette des recettes du Centre. Celui-ci a ainsi été, avec le Louvre et le château de Versailles, parmi les établissements culturels les plus soutenus.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Outre ces crédits d'urgence, le CMN a largement bénéficié de financements dits exceptionnels, notamment de crédits du troisième programme d'investissements d'avenir et du plan de relance. Le Centre a reçu 160 millions d'euros entre 2020 et 2022 au seul titre de celui-ci, dont 124 millions pour le château de Villers-Cotterêts. Le choix de ces financements relève de la pure opportunité dans la mesure où les crédits du plan de relance ont été utilisés pour combler le déficit d'un chantier commencé dès 2018. Cela ne vous étonnera pas, car nous avons pu entendre récemment la présentation de la Cour des comptes sur les financements exceptionnels de la culture ; j'étais déjà intervenu sur le sujet de Villers-Cotterêts.
Nous nous sommes rendus dans cette ville, à la Cité internationale de la langue française. Nous avons pu constater la réussite du projet, qui s'est fait en lien avec un territoire pourtant complexe. Les premiers mois de fréquentation sont encourageants : entre novembre 2023 et juin 2024, 100 000 visiteurs ont été accueillis sur ce site, ce qui devrait permettre d'atteindre la cible annuelle de 200 000 visiteurs. L'enjeu des temps à venir consistera à maintenir cette fréquentation au-delà d'un premier succès dû à la curiosité. Toutefois, il est peu probable, si l'on est réaliste, que ce projet soit rentable au cours des prochaines années.
Le sujet de Villers-Cotterêts rejoint celui, plus large, de la multiplication des chantiers de grande ampleur menés par le CMN au cours des dernières années. Je pense notamment à celui de l'Hôtel de la Marine, place de la Concorde. Il faut toutefois noter que la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont les tours sont exploitées par le Centre, a été réalisée par un établissement public ad hoc et financée par des souscriptions ainsi que par des avantages fiscaux.
Les grands chantiers ont lourdement pesé sur le budget du CMN. Si les recettes de l'établissement sont très dynamiques, elles peinent à suivre l'évolution des dépenses du réseau : le montant total annuel a doublé entre 2017 et 2023. Une grande part de cette hausse découle d'une accélération des investissements et de la mise en place de divers grands chantiers. Ainsi, les dépenses annuelles d'investissement ont augmenté de 72,3 % en dix ans.
En conséquence, il existe un risque d'éviction des financements liés à l'entretien courant, les moyens étant concentrés sur les opérations les plus importantes. Les enjeux pour la conservation sont pourtant élevés : le Centre estime à 270 millions d'euros les besoins pour l'entretien des monuments en situation de péril ou de mauvais état.
Le risque le plus important est que la hausse des dépenses fragilise le principe fondateur du CMN, à savoir la solidarité financière entre les sites du réseau. De fait, les recettes sont versées dans une caisse commune, laquelle est ensuite répartie selon les besoins du parc.
Or les monuments déficitaires constituent l'écrasante majorité du patrimoine du CMN. En 2022, les monuments excédentaires n'étaient qu'au nombre de quatre sur la centaine du réseau, trois de ces quatre sites étant d'ailleurs parisiens. Il s'agit, dans l'ordre, de l'Arc de Triomphe, de la Sainte-Chapelle, du Mont-Saint-Michel et du Panthéon. Les monuments parisiens représentent à eux seuls la moitié de la fréquentation totale du CMN en 2023.
Par conséquent, le Centre est très dépendant des flux de visiteurs internationaux dans la capitale. C'est pourquoi nous allons suivre de près les conséquences des jeux Olympiques sur la billetterie des grands sites de la ville. Les chiffres sont pour l'instant peu positifs. La fréquentation a diminué au mois de juillet de 38 % pour l'Arc de Triomphe, de 56 % pour l'Hôtel de la Marine ou de 61 % pour la Conciergerie, ces deux derniers monuments étant situés en plein coeur du périmètre de sécurité.
Le CMN est toutefois optimiste sur l'effet à moyen terme des jeux Olympiques, la fréquentation ayant retrouvé, voire dépassé, à la fin du mois d'août des niveaux comparables à ceux d'une année normale. L'enjeu est de convertir en nombre de visites l'intérêt marqué du public pour les monuments mis en avant pendant les jeux, notamment pendant la cérémonie d'ouverture.
En tout état de cause, ces données mettent en avant une fragilité pour le CMN. Afin de ne pas ébranler davantage le modèle de péréquation, la priorité semble de consolider les récents succès en matière de fréquentation après une période d'extension de l'établissement. La stabilisation du parc de monuments devrait permettre de réorienter une partie des dépenses vers l'investissement courant et l'animation culturelle. Celle-ci contribue à fidéliser un public local et à améliorer la visibilité du Centre, encore trop peu connu du grand public.
C'est le sens général des neuf recommandations que nous vous proposons à l'issue de nos travaux.
M. Antoine Lefèvre. - Pour revenir sur la recommandation n° 5, la « communication à l'échelle locale » n'est pas assez soutenue. Les liaisons avec les acteurs du territoire manquent de force, en particulier avec les collectivités.
L'Aisne est concernée par le château des sires de Coucy, en gestion commune avec le château de Pierrefonds, et par la Cité internationale de la langue française, où se tiendra le 4 octobre prochain le sommet de la francophonie. Concernant les craintes exprimées sur les coûts et sur le budget de fonctionnement de cet équipement, il faut travailler localement à augmenter la capacité d'hébergement, presque nulle sur place. Il y a des réserves sur le site pour développer un projet utile au renforcement de la fréquentation. Le comité de pilotage de la Cité, auquel je suis associé en tant que sénateur, au même titre que les autres représentants des collectivités, travaille sur cette piste.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Existe-t-il des chiffres sur la pertinence des avantages fiscaux qui sont accordés dans le domaine de la conservation des monuments nationaux ?
Pourquoi une telle hausse de 151 % des financements depuis 2014 ? Ne faut-il pas mettre ce chiffre en regard d'un moindre souci que nous avons eu dans le passé de conservation du patrimoine, renchérissant la note ? Dans le département de l'Aube, nous rencontrons ces problèmes de financement avec la reconversion actuelle du site de l'abbaye de Clairvaux.
M. Albéric de Montgolfier. - L'originalité du CMN repose sur la péréquation entre monuments n'atteignant pas l'équilibre financier, comme le château de Bouges, et ceux qui l'atteignent. Actuellement, le CMN gère deux sites privés, dont le château d'Haroué près de Nancy : a-t-il l'intention de s'ouvrir à d'autres monuments privés ? À d'autres qui relèvent de l'État et dont la gestion n'est pas florissante, comme le château de Compiègne ? Un rapport de la Cour des comptes montre que les chiffres de fréquentation de ce dernier sont catastrophiques.
M. Vincent Delahaye. - Les chiffres sur l'évolution des dépenses et des recettes depuis 2014 permettent de s'apercevoir que la subvention pour charges de service public augmente parfois de plus de 10 % par an sur les derniers exercices. Un tel rythme peut-il durer ?
En 2023, les dépenses excèdent de 48 millions d'euros les recettes. L'établissement doit donc bénéficier de réserves : quel est leur montant ?
Les entrées sont gratuites pour 35 % des visiteurs. Quelles sont les marges de manoeuvre tarifaire ? Suffiront-elles à couvrir les besoins, notamment sur les cinq prochaines années ?
M. Rémi Féraud. - Je ne vois pas de recommandations par rapport au périmètre du CMN. Les entrées et sorties de monuments vous semblent-elles rationnelles ? Quelles évolutions peuvent être envisagées ?
M. Claude Raynal, président. - Notre politique en matière de patrimoine découle non seulement de la volonté légitime des pouvoirs publics de sauvegarder les monuments, mais aussi de la nécessité de conserver et d'accroître notre attractivité touristique.
Dans cette perspective, les rapporteurs spéciaux n'abordent pas l'évolution des recettes touristiques liées au patrimoine à proprement parler. Il me semble pourtant qu'il serait pertinent de s'y intéresser, au-delà du seul équilibre financier interne du CMN.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce sujet passionne de plus en plus de Français et fait l'objet d'efforts constants de la part des pouvoirs publics. À côté de la mission Bern et du lancement d'une souscription nationale pour la sauvegarde des églises des communes de moins de 10 000 habitants, je pense qu'il est indispensable de louer la gestion du CMN, un organisme public qui exerce ses missions selon un modèle original et particulièrement intéressant.
J'observe que la mutualisation des moyens entre les différents monuments contribue à la mise en place d'une solidarité bienvenue, qui bénéficie au premier chef aux territoires ruraux.
Dans votre rapport, mes chers collègues, vous pointez du doigt une certaine rigidité des règles de gestion des personnels du Centre des monuments nationaux, lesquelles ne permettent pas une adaptation satisfaisante face aux pics de fréquentation. Quelles pistes envisagez-vous pour résoudre cette difficulté ?
Par ailleurs, vous nous alertez sur le fait que le prix moyen d'un billet est sensiblement inférieur à celui du marché : faudrait-il rééquilibrer les choses, compte tenu notamment de la situation budgétaire actuelle du CMN ? Je suis pour ma part plutôt favorable à une tarification plus conforme aux réalités du moment ; je précise en outre que je ne suis pas un adepte de la gratuité systématique.
Pour conclure, et si vous en êtes d'accord, je propose un déplacement au château d'Haroué, situé dans mon département, à la fois pour faire écho à votre rapport et pour évaluer quelques années après la pertinence du dispositif dont ce monument a bénéficié.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Antoine Lefèvre attire notre attention sur la recommandation n° 5 du rapport, à savoir le renforcement de la communication locale pour renforcer le tourisme de proximité. Pour Didier Rambaud et moi-même, il va de soi que cette recommandation s'articule avec la recommandation n° 3 relative à l'offre d'animation dans les territoires. Nos deux recommandations, si elles se révèlent efficaces, contribueront à l'augmentation des recettes touristiques de proximité.
De ce point de vue, la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, est quelque peu atypique, puisque le monument est affecté à une mission de nature muséographique, mais développe en parallèle une programmation artistique importante, qui favorise une attractivité renouvelée.
J'ajoute que dans les communs du château de Villers-Cotterêts est envisagée la création d'un complexe hôtelier, qui devrait prendre la forme d'une concession privée et compléter l'ensemble du dispositif. Cet hôtel pourrait servir à attirer des touristes effectuant des voyages de moyenne ou de longue distance. Cela étant, la superficie des bâtiments figurant dans l'appel à projets nous semble trop importante si l'on s'en tient à des prévisions de fréquentation raisonnables, ce qui explique la difficulté à trouver des investisseurs. D'autant plus que les liaisons en train avec Paris sont rapides et faciles.
Vanina Paoli-Gagin aborde un sujet qui excède le cadre de notre contrôle budgétaire dans la mesure où le CMN n'a pas vocation à gérer l'ensemble du patrimoine français ni même les monuments les plus importants appartenant à l'État, qui sont souvent gérés par des établissements publics autonomes - citons à ce titre les châteaux de Versailles et de Fontainebleau, mais aussi le musée du Louvre. Pour une large part, les avantages fiscaux accordés le sont soit au titre du mécénat, soit pour l'entretien courant de monuments détenus par des propriétaires privés, qui ne relèvent pas de la gestion du CMN. Pour l'essentiel, les charges d'exploitation du CMN n'ont donc pas partie liée avec des dispositifs fiscaux spécifiques.
Cela dit, la question de l'entretien des grands monuments se pose : pour ce qui est plus particulièrement de l'abbaye de Clairvaux, les coûts de restauration sont effectivement colossaux ; quant aux charges d'exploitation, telles qu'elles résulteront du projet culturel qui reste à définir, elles risquent également d'être considérables. Le CMN mesure bien quels seraient pour lui les effets budgétaires de la gestion d'un tel monument ; c'est pourquoi il n'est pas particulièrement demandeur.
Albéric de Montgolfier nous interroge sur les perspectives d'évolution du CMN. Nous estimons qu'il n'est pas urgent de modifier à nouveau son périmètre, lequel a évolué récemment, puisqu'il intègre désormais l'Hôtel de la Marine et la Cité internationale de Villers-Cotterêts. Pour nous, la priorité est davantage à la stabilisation du parc du CMN, ainsi qu'au réinvestissement dans l'entretien courant des monuments, qui doit nous prémunir de gigantesques travaux de réhabilitation à terme : le Centre n'a pas vocation à s'occuper uniquement de la restauration de nos monuments phares.
Jean-François Husson propose un déplacement au château d'Haroué : celui-ci serait parfaitement justifié tant les points de vue divergent sur la pertinence du dispositif et surtout sur son caractère généralisable. Il conviendrait que les propriétaires privés de ce type de monument acceptent, dans le cadre de la convention signée avec le CMN, un léger dessaisissement de certaines de leurs prérogatives.
Le château de Compiègne est actuellement géré par un service à compétence nationale, et non par le CMN qui ne fait qu'en exploiter une partie. . Dans un tel cadre, les monuments sont autonomes pour ce qui concerne notamment leur développement culturel et touristique.
Comme l'a relevé Claude Raynal, et en réponse à Vincent Delahaye, il ne faut évidemment pas s'intéresser uniquement à l'équilibre financier interne du CMN, et alors même que son périmètre est d'ailleurs en constante évolution : ce sont bien souvent les monuments les plus rémunérateurs qui sortent du parc du Centre national pour être gérés par des collectivités locales - je pense notamment au château du Haut-Koenigsbourg au début des années 2000. En conséquence, il reste peu de monuments très fréquentés dans le dispositif du CMN, ce qui pèse évidemment sur le dispositif de péréquation.
Nous estimons que le CMN conserve des marges de manoeuvre tarifaires. Pour autant, les principales marges que peuvent dégager ces monuments en termes de recettes propres découlent de leur exploitation domaniale - mécénat, location pour des tournages, événementiel - et non du prix des billets à l'entrée, même si celui-ci était rehaussé d'un ou deux euros.
M. Vincent Delahaye. - Le CMN dispose-t-il de réserves financières ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Très peu eu égard aux investissements importants qui ont eu lieu au cours des dernières années.
Rémi Féraud s'interroge sur l'absence de recommandations concernant le périmètre d'action du CMN. Il s'agit d'une question très complexe, tant et si bien que Didier Rambaud et moi-même sommes plutôt favorables à la stabilisation de ce parc.
Claude Raynal a parfaitement raison d'insister sur les recettes touristiques directement liées à notre patrimoine, d'autant qu'elles n'apparaissent pas en tant que telles dans les comptes du CMN. Atout France évalue ainsi les retombées économiques liées au tourisme patrimonial à près de 15 milliards d'euros par an, ce qui est considérable. Il convient de ne pas négliger cette contribution à l'attractivité de notre pays.
Jean-François Husson a, à juste titre, abordé la question de la gestion des personnels du CMN. De fait, le système en place dans cet établissement public administratif (EPA) manque de souplesse. Sans doute aurions-nous tout à gagner à en introduire davantage, tant en ce qui concerne les plafonds d'emplois que pour ce qui est de résoudre la problématique des horaires d'ouverture des monuments. Il existe de nombreux monuments, je pense notamment à l'Arc de Triomphe, pour lesquels le public, en particulier international, pourrait être accueilli en horaires décalés. Cela suppose cependant la mobilisation de personnels supplémentaires.
Pour autant, je précise que nous ne recommandons pas la transformation de cet EPA en établissement public industriel et commercial (Épic).
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. - J'apporterai simplement trois précisions.
La première concerne les difficultés d'hébergement à Villers-Cotterêts. À l'évidence, il est difficile de trouver des investisseurs dans ce que l'on appelle la France périphérique et dans les territoires considérés, à tort ou à raison, comme abandonnés. D'où les difficultés rencontrées pour accueillir un hôtel dans les communs du château.
La deuxième concerne la tarification : Vincent Éblé l'a reconnu, il existe des marges de manoeuvre. Je citerai l'exemple du musée du Louvre où le billet d'entrée est passé de 17 à 22 euros, quand le prix du billet pour accéder à l'Arc de Triomphe n'est, lui, que de 13 euros.
La troisième, pour répondre à Vanina Paoli-Gagin, a trait au montant des dépenses fiscales sur le patrimoine : ce dernier représenterait 241 millions d'euros en 2024.
La commission adopte les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorise la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est close à 11 h 20.