Mercredi 10 juillet 2024
- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Audition de M. Nicolas Scotté, préalable à sa nomination en tant que directeur général de l'Institut national du cancer (INCa)
M. Philippe Mouiller, président. - Nous entendons ce matin M. Nicolas Scotté, candidat proposé par le Gouvernement aux fonctions de directeur général de l'Institut national du cancer (INCa).
En application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, sa nomination doit être précédée de son audition par les commissions compétentes du Parlement sans que celle-ci soit suivie d'un vote.
En dépit du contexte particulier que nous connaissons actuellement, nous avons inscrit cette audition au programme de la commission, car le mandat de l'actuel directeur général de l'INCa s'achèvera à la fin du mois d'août.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est retransmise en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande.
L'INCa est un groupement d'intérêt public (GIP) constitué entre l'État et des personnes morales publiques et privées intervenant dans les domaines de la santé et de la recherche sur le cancer. Il est chargé de coordonner les actions de lutte contre le cancer et a pour missions, notamment, de proposer une stratégie décennale de lutte contre le cancer, définie par décret, d'observer et d'évaluer le dispositif de lutte contre le cancer, de définir des référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge en cancérologie ainsi que des critères d'agrément des établissements et des professionnels de santé pratiquant la cancérologie, ou encore d'informer le public et les professionnels de santé.
Monsieur Scotté, je vous propose de débuter cette audition par un propos liminaire, afin de présenter votre parcours ainsi que la vision que vous avez de votre futur mandat à la direction générale de l'INCa.
Vous pourriez notamment présenter un état des lieux intermédiaire de la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030 et vos priorités pour les cinq années à venir. De plus, le Gouvernement ayant annoncé une hausse de 20 % du budget consacré à la mise en oeuvre de cette stratégie par rapport au plan précédent, vous pourriez également exposer les grandes orientations de ce budget et ce que permettrait, selon vous, de financer cette enveloppe supplémentaire.
Les membres de la commission vous poseront ensuite leurs questions, à commencer par Khalifé Khalifé, qui représente le Sénat au sein du conseil d'administration de l'INCa, et par Florence Lassarade, présidente du groupe d'études Cancer du Sénat.
M. Nicolas Scotté, candidat proposé par le Gouvernement aux fonctions de directeur général de l'Institut national du cancer (INCa). - En tant que haut fonctionnaire, particulièrement attaché à faire vivre le modèle social, je suis très honoré d'être devant vous aujourd'hui. Je connais l'engagement de la commission des affaires sociales du Sénat en matière de lutte contre le cancer ; j'en ai été le témoin en suivant, à la position qui était alors la mienne, l'examen du budget de la sécurité sociale pendant plusieurs années.
Au cours de cet exposé, je reviendrai sur les principes qui ont forgé l'identité de l'INCa, avant de présenter mon parcours et mes motivations pour rejoindre sa direction générale, puis d'évoquer les défis à venir en matière de lutte contre le cancer. Je le ferai avec beaucoup de modestie, car ces sujets sont importants et ont trait à des enjeux humains et sociaux profonds, mais aussi parce que je ne connais pas encore l'Institut « de l'intérieur ». Je souhaite d'ailleurs saluer le travail accompli par Thierry Breton au cours de ses deux mandats ; j'ai pu récemment échanger avec lui et ainsi bénéficier de précieux conseils.
En guise d'introduction, quelques chiffres marquants montrent que notre société fait encore face à un véritable défi, au-delà des aspects de santé publique.
Avec quelque 160 000 décès par an, le cancer reste la première cause de mortalité en France. Son incidence a doublé ces trente dernières années : chaque jour, 1 200 personnes se voient diagnostiquer un cancer et leur vie en est bouleversée. Cette maladie du vieillissement de la population et des sociétés modernes est liée à nos modes de vie, à la consommation de tabac ou d'alcool, à notre alimentation ou encore à l'environnement.
C'est un sujet majeur de préoccupation pour les Français. Selon le baromètre cancer réalisé chaque année par l'INCa, deux Français sur trois estiment courir le risque d'être un jour atteints d'un cancer, ce qui dépasse la prévalence constatée, et 96 % d'entre eux citent le cancer comme la maladie la plus grave, loin devant d'autres maladies tout aussi sévères.
Fort heureusement, la mortalité liée au cancer diminue, en raison d'un dépistage plus précoce et de l'amélioration des thérapies. Toutefois, certains cancers progressent, comme celui du poumon chez les femmes, et une partie des cancers connaissent encore de mauvais pronostics de survie : pour sept d'entre eux, le pronostic de survie à cinq ans est inférieur à 33 %.
L'amélioration des pronostics de survie à un cancer implique désormais d'aider les 4 millions de personnes, subissant cette maladie ou l'ayant vaincue, qui sont confrontées à des enjeux de réinsertion et d'autodétermination, mais aussi à des séquelles physiques et psychologiques, et qui ont besoin d'accompagnement.
Par conséquent, la mobilisation doit être collective. Depuis 2019, le Parlement a inscrit l'action des pouvoirs publics dans une stratégie décennale, qui est donc de plus long terme que les précédents plans Cancer, dotée d'un budget en hausse de 20 %, ce qui est significatif dans un contexte de finances publiques contraintes, et dont le pilotage a été confié à l'INCa.
L'INCa est une agence à part entière dans le paysage institutionnel. Créée en 2004 sous l'impulsion de Jacques Chirac, qui souhaitait disposer d'une « structure d'impulsion et de pilotage stratégique » capable de « réduire le cloisonnement actuel entre recherche, prévention et soins »1(*), elle a été conçue comme une agence à la fois sanitaire et scientifique, placée sous la double tutelle des ministères chargés de la santé et de la recherche.
La plus-value de l'INCa est d'adopter une approche transversale et de disposer d'une vision intégrée sur le cancer, mais aussi d'avoir un rôle d'expert en matière de prévention et de dépistage, d'orientation de la recherche et de structuration de l'offre de soins, en articulation avec les autres agences sanitaires avec lesquelles elle entretient des liens étroits et en partenariat avec les associations, l'assurance maladie et les organismes de recherche parties prenantes du GIP de l'INCa. L'ensemble des rapports parlementaires ou d'inspection, notamment les bilans des plans Cancer précédents, montrent le bien-fondé d'une telle gouvernance.
Tout d'abord, ce modèle est fondé sur une forte légitimité scientifique, due en grande partie à son président Norbert Ifrah et à son conseil scientifique international. Son objectif est de développer un environnement d'expertise et de rayonnement académique dans les territoires, au travers des cancéropôles et des centres d'excellence en matière de recherche ou de soins cliniques pour les cancers de mauvais pronostic ou pédiatriques, mais aussi au niveau européen et international. L'Europe a déployé un plan européen de lutte contre le cancer, presque concomitamment à la mise en place de la stratégie décennale. L'INCa incarne la position française et soutient les initiatives européennes ou mondiales. Ainsi le G7 Cancer a-t-il été créé en 2023 sur l'initiative de Norbert Ifrah, ce qui nous positionne parmi les pays les plus avancés en matière de lutte contre le cancer.
Ensuite, ce modèle d'agence dispose d'une capacité d'adaptation. C'est une structure à taille humaine - elle compte 150 salariés, ce qui est un effectif inférieur à celui des autres agences -, agile, souple et adaptable, ce qu'elle a démontré pendant la crise sanitaire et en s'emparant de sujets d'actualité, également soulevés par les parlementaires, comme les cancers des enfants, l'intelligence artificielle ou les pénuries de médicaments.
Quelle contribution pourrai-je apporter aux actions de l'INCa en tant que directeur général ?
J'ai suivi une formation académique pluridisciplinaire : diplômé de Sciences Po Paris et de HEC Paris, j'ai également obtenu une licence de sciences et technologies à l'université Pierre et Marie Curie (UPMC). Ce double cursus, conçu par le sociologue des sciences Bruno Latour afin de former les acteurs de demain aux problématiques associant les sciences et les politiques publiques, m'a donné l'envie de croiser les disciplines et les approches. Or les politiques de santé et sociales mêlent des sujets d'économie et de finances publiques, ainsi qu'une expertise sociale et scientifique.
Depuis ma sortie de l'École nationale d'administration (ENA) voilà dix ans, j'ai occupé des postes dans le champ de la protection sociale. Formé à la direction de la sécurité sociale, où j'ai travaillé sur l'universalisation de la protection sociale au travers de la protection universelle maladie (PUMa) et du 100 % santé, j'ai ensuite assuré le pilotage de nos finances sociales, aussi bien des dépenses que des recettes, dont les taxes liées aux objectifs de santé publique, comme celle appliquée au tabac. Au sein de l'inspection générale des finances (IGF), j'ai acquis une méthode de travail et des compétences techniques : j'ai notamment travaillé avec Jean Arthuis sur la dette publique post-covid et j'ai été corapporteur avec Laurent Vachey du rapport La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement, rédigé en vue de la création de la cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l'autonomie.
Depuis trois ans, en tant que conseiller protection sociale à Matignon, j'ai développé une approche plus stratégique et une orientation interministérielle sur des enjeux importants. Je me suis notamment spécialisé dans les questions ayant trait au grand âge et au vieillissement : l'emploi des seniors, l'usure professionnelle et les politiques du grand âge, comme la prévention, le repérage des fragilités et les métiers du grand âge.
J'ai également eu l'honneur de travailler sur les politiques du handicap : j'ai piloté la Conférence nationale du handicap (CNH), assuré le suivi des feuilles de route sur l'emploi, l'éducation, l'accessibilité, et j'ai participé au renouvellement de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement. Nombre de problématiques sont d'ailleurs communes au handicap et à la lutte contre le cancer : recherche, repérage précoce, structuration des filières, reconnaissance des droits des personnes et de leurs aidants.
Rejoindre l'INCa s'inscrirait dans une continuité et constituerait une étape supplémentaire de mon parcours professionnel. Le directeur général forme un binôme avec le président de l'INCa, Norbert Ifrah, reconnu pour son excellence scientifique et médicale. La fonction consiste à assister celui-ci sur les plans administratif, financier, stratégique et opérationnel. Il s'agit d'un rôle de garant de la diversité des métiers que compte l'INCa, de la qualité des travaux sur les plans financier, juridique et déontologique, mais aussi d'un engagement à « servir la cause ».
Vingt ans après le premier plan Cancer, les enjeux restent importants. À ce jour, 75 % des 234 actions de la stratégie décennale ont déjà été lancées, ce qui est très encourageant. Celle-ci arrivera bientôt à mi-parcours, ce qui est un moment charnière puisque le législateur a prévu une évaluation scientifique à ce stade. Ma première tâche sera donc de l'organiser.
Trois axes retiennent mon attention : la prévention, le soutien à l'innovation et l'accès aux droits.
Pour ce qui concerne la prévention, premier axe et mère de toutes les batailles, la France est légèrement en retard par rapport à ses voisins. Or c'est dans ce domaine que les progrès peuvent être enregistrés le plus facilement : 40 % des cancers, voire 50 % pour certains, pourraient être évités grâce à un changement de nos comportements. Chaque année, on dénombre 45 000 décès dus à un cancer lié au tabac. L'objectif du programme national de lutte contre le tabac (PNLT) est de parvenir à une « génération sans tabac ». Pour cela, il s'agit de modifier la communication, également appelée marketing social, afin de toucher les plus jeunes et de moins culpabiliser les personnes concernées, en orientant davantage leurs opinions et en leur fixant des repères. Il faut également moderniser les programmes de dépistage. Si la campagne de vaccination contre le papillomavirus menée cette année a permis de protéger 48 % des jeunes filles âgées de 12 ans, une feuille de route est à déployer en la matière. Des avancées ont été réalisées grâce à la gestion par l'assurance maladie des invitations et des relances envoyées dans le cadre du dépistage des cancers du sein, colorectal et de l'utérus, mais aussi grâce à des dispositifs innovants comme la commande en ligne de kits de dépistage ou l'utilisation de la 3D et de la tomosynthèse pour les cancers du sein. L'amélioration du dépistage du cancer du poumon est un enjeu de l'année 2024.
Le deuxième axe a trait au soutien à l'innovation. Les thérapies ciblées et l'immunothérapie connaissent un boom exceptionnel. L'INCa a pour mission de favoriser la recherche et l'innovation. Pour cela, il dispose d'un budget de 630 millions d'euros pour les cinq premières années, qui est en hausse, et conduit des appels à projets en matière de recherche fondamentale ou clinique. L'INCa a été un précurseur pour ce qui concerne l'idée d'« agence de programmes », qui serait plus spécialisée et tournée vers l'innovation au service du patient, au travers d'une filière d'accès aux essais cliniques progressivement mise en place et de programmes innovants.
Le dernier axe, pour lequel mon apport pourrait être le plus important, est celui de l'accès aux droits. L'INCa a piloté l'expertise sur la réforme du régime d'autorisation en oncologie et sera chargé de son déploiement. L'après-cancer est également un enjeu en la matière et revêt plusieurs dimensions : le droit à l'oubli, la réduction des séquelles post-cancer, le retour à l'emploi et aux études, l'autodétermination des personnes dans le domaine du handicap - terme aisément transposable à celui du cancer.
Pour conclure, j'ajoute que des inégalités sociales et territoriales se cachent derrière le cancer. Par conséquent, en luttant contre le cancer, nous luttons aussi contre les inégalités de santé. L'INCa porte ce combat qui me sera cher en tant que directeur général.
M. Khalifé Khalifé. - Représentant du Sénat au conseil d'administration de l'Institut national du cancer, j'ai pu mesurer l'intérêt de cette institution que j'avais côtoyée de loin en tant que cardiologue. Votre parcours correspond parfaitement à la fonction de directeur général de l'INCa.
Il existe un hiatus entre les moyens importants consacrés à la prévention et au dépistage et l'adhésion des personnes à ces programmes. Je ne suis pas certain que confier le pilotage de ces actions à l'assurance maladie soit une excellente idée.
Pour ce qui concerne le cancer du poumon, la présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes nous a présenté l'enquête que nous avions demandée sur la santé respiratoire. Le retour probable d'un dépistage systématique, notamment grâce à des scanners thoraciques faible dose, a été évoqué. L'INCa joue aussi un rôle en la matière. Quelle est votre vision à cet égard ?
Vous avez évoqué les innovations thérapeutiques, notamment celles liées à la médecine nucléaire et aux thérapies ciblées pour les tumeurs neuroendocrines ou le cancer de la prostate. Or nombre de professionnels de la médecine nucléaire nous ont indiqué avoir beaucoup de mal à mettre en place ces thérapeutiques sur l'ensemble du territoire faute de moyens humains. Le rôle de l'INCa est-il d'émettre des directives ou des conseils ? Est-ce celui de l'Académie nationale de médecine ? Comment les parlementaires peuvent-ils réagir à cette demande ?
M. Nicolas Scotté. - Au sujet de la prévention et du dépistage, vous avez raison : selon les enquêtes d'opinion, l'adhésion des personnes aux programmes de dépistage généralisé est massive, mais au regard des dépistages effectivement réalisés, la situation est plus compliquée. Pour le cancer du sein, le taux de participation à ces programmes est de 50 %, un peu plus de 60 % en y ajoutant les dépistages individuels. Or l'Europe recommande d'atteindre un taux de 70 %. Pour le cancer colorectal, un tiers des personnes éligibles réalisent un dépistage, alors que neuf personnes sur dix peuvent guérir de ce cancer s'il est détecté précocement. C'est peut-être pour les infections à papillomavirus humains (HPV) et pour le cancer du col de l'utérus que les progrès ont été les plus nombreux.
À mon sens, plusieurs actions peuvent être menées. Il faut modifier la communication, ce que l'INCa fait très bien : elle doit être moins culpabilisatrice et susciter davantage l'adhésion des personnes concernées. Il faut aussi mener des actions de prévention ciblées et personnalisées. Ainsi, pour le cancer du sein, un travail sur la personnalisation du dépistage est conduit afin de toucher les personnes éloignées de l'emploi ou vivant dans des zones d'intervention prioritaire (ZIP), qui ont moins accès aux soins et que l'on atteindra en développant des démarches « d'aller vers » dans les territoires.
La décision relative au pilotage des invitations au dépistage organisé par l'assurance maladie a été prise en 2024. L'atout indéniable de l'assurance maladie par rapport aux centres de dépistage régionaux, c'est qu'elle dispose d'un système d'information opérationnel qui permet d'accéder rapidement aux populations concernées. Laissons d'abord le dispositif se mettre en place, puis nous évaluerons collectivement si c'est un succès ; j'y serai vigilant. Nous verrons alors s'il est nécessaire de procéder à des adaptations.
Concernant le cancer du poumon, plus de 50 000 cas et 33 000 décès sont recensés chaque année. Ce cancer connaît de très mauvais pronostics de survie à cinq ans, de l'ordre de 20 %. Il est évidemment lié à la prévalence du tabac ; il s'agit donc, d'abord, de changer les comportements en matière de consommation du tabac. Ensuite, l'étude Nelson a montré que l'utilisation du scanner à faible dose améliorait l'efficacité du dépistage, ce que souligne également l'étude Cascade de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). L'INCa réalise actuellement des expérimentations afin d'effectuer de premiers dépistages dès cette année.
En matière d'innovation thérapeutique, on observe un boom des thérapies ciblées et de l'immunothérapie. Dans le secteur privé, ces médicaments représentent un marché mondial de près de 180 milliards d'euros, qui augmente de 10 % par an sous l'effet d'innovations comme les cellules CAR-T (Chimeric Antigenic Receptor - T), lesquelles transforment génétiquement le système immunitaire afin de mieux cibler les tumeurs et de s'adapter aux patients. L'enjeu, pour nous, est de développer la génétique cellulaire afin d'identifier les biomarqueurs et d'avoir une démarche la plus personnalisée possible : il s'agit de connaître l'ADN des tumeurs pour adapter la stratégie thérapeutique, la rendre plus efficace et moins invasive, avec moins de séquelles. Nous devrons veiller au déploiement de ces innovations dans les territoires.
Pour ce qui concerne les cancers pédiatriques ou de mauvais pronostic, en matière de soins cliniques, des réseaux se créent et sont labellisés afin d'optimiser la ressource et de faciliter l'accès des patients aux thérapies innovantes. Un travail est également mené dans le domaine des essais cliniques, auxquels participent quelque 60 000 personnes chaque année. Le programme AcSé, qui a trait aux innovations de rupture, a ainsi été relancé en 2023. Toutefois, nous devons avancer sur ce sujet pour disposer d'une filière d'innovation et favoriser l'accès aux thérapies innovantes.
Mme Florence Lassarade. - Je vous remercie de votre implication dans ce domaine. Nous sommes heureux de savoir que vous êtes aussi un scientifique et non pas seulement un spécialiste des questions politiques.
Tout d'abord, je voudrais partager quelques réflexions sur le dépistage.
En matière d'égalité d'accès aux soins, la Ligue contre le cancer insiste sur le fait que les personnes vivant dans la rue ou désocialisées, lesquelles sont souvent consommatrices d'alcool ou de tabac, demeurent totalement hors du champ du dépistage et du traitement. Lorsqu'elles sont atteintes de cancer, elles sont souvent soignées à un stade avancé et ont peu de chances de survivre. Ne pourrait-on pas améliorer la situation en impliquant, par exemple, Les Restos du Coeur ou d'autres associations qui travaillent au plus près de ceux qui connaissent de grandes difficultés personnelles et sociales ? Toucher ce public est la première chose à faire et une source de progrès en la matière.
En tant que pédiatre, je considère que la politique de vaccination contre les papillomavirus est un échec total : seulement 40 % des filles âgées de 11 et 12 ans sont vaccinées. Certains pays ont éradiqué le cancer du col de l'utérus. Ne faudrait-il pas avoir le courage de rendre cette vaccination obligatoire ?
Alors que le mélanome, cancer cutané, doit être dépisté précocement, nous sommes confrontés à une pénurie de dermatologues. L'intelligence artificielle peut-elle-permettre de résoudre ce problème ?
Ensuite, au sujet de la recherche en cancérologie, la France concentre environ 15 % des essais cliniques mondiaux et compte de grands centres d'excellence, comme l'Institut Gustave Roussy qui inclut 40 % de ses patients dans une étude clinique. Toutefois, la position de la France s'affaiblit depuis plusieurs années ; elle se situe désormais derrière l'Espagne pour le nombre d'inclusions de patients. L'excessive complexification de l'environnement administratif, dont tous les chercheurs se plaignent, liée à la multiplication des règles européennes et nationales portant sur la qualité et la protection des données, contribue-t-elle à cet affaiblissement ? Les acteurs du secteur réclament une simplification des démarches. Quelles seraient les préconisations de l'INCa en la matière ? Les centres de lutte contre le cancer connaissent aussi des difficultés liées aux délais d'accès au remboursement des médicaments après l'autorisation de mise sur le marché (AMM). Comment comptez-vous travailler sur ce sujet ?
Enfin, tous les champs de la santé manquent de registres. Nous avions proposé un registre national des cancers, mais l'INCa n'y était pas favorable pour des raisons de coût, et parce que cela risquait de créer des déséquilibres entre différents registres ou secteurs. Avez-vous pour ambition d'homogénéiser les différents registres relatifs au cancer ? Cela doit-il être réalisé au niveau régional ou national ?
M. Nicolas Scotté. - En matière de prévention, les très larges dépistages programmés doivent être plus efficaces et nous devons développer parallèlement « l'aller vers ». Avec Santé publique France (SPF), l'INCa a adopté une démarche consistant à vérifier l'efficacité des actions menées à destination de publics spécifiques, et à en dresser ensuite un catalogue. Certaines actions sont soutenues par l'INCa, comme le programme Tabado qui s'adresse aux jeunes lycéens professionnels afin de favoriser l'arrêt du tabac. Pour ce qui est lié au rôle du tissu associatif, les opérations « d'aller vers » sont conduites par les agences régionales de santé (ARS) et les collectivités territoriales. L'INCa a développé un club « collectivités et prévention des cancers » qui doit servir au développement de ces démarches, car ce sont les communes et les centres communaux d'action sociale (CCAS) qui connaissent le mieux leur tissu associatif et les zones de leur territoire où les conditions de vie sont les plus précaires.
S'agissant des cancers liés aux HPV, certains pays sont proches de leur éradication. L'Australie et plusieurs pays nordiques ont un taux de vaccination de près de 80 % ; nous sommes donc très en retard. Toutefois, grâce à la campagne menée dans les collèges, nous avons atteint un taux de 48 % de jeunes filles vaccinées, soit 400 000 personnes en une année. Je salue cette initiative et les progrès accomplis. L'INCa tient également à vacciner les jeunes garçons ; 41 % de ceux qui sont âgés de 12 ans le sont. Nous sommes en retard, mais nous progressons.
Au sujet des mélanomes, vous avez raison : ce sont les cancers qui se développent le plus du fait d'un manque de prévention sur les dangers de l'exposition aux rayonnements ultraviolets (UV). Les plans Zéro exposition, notamment à l'école, doivent être encouragés. Nous devrons avancer en la matière.
Mme Florence Lassarade. - Et pour le nombre de dermatologues ?
M. Nicolas Scotté. - Je ne peux pas répondre sur le manque de ces spécialistes. L'intelligence artificielle, les outils d'innovation ou d'aide à la décision et à la prévention, peuvent-ils nous aider ? Certainement. Permettraient-ils de procéder à des identifications massives de mélanomes ? Je l'ignore.
Concernant l'accès aux innovations et aux essais cliniques, l'INCa développe l'accès aux essais cliniques au travers de seize centres labellisés répartis sur l'ensemble du territoire. Il dispose également du programme AcSé sur les innovations émergentes ou de rupture, qui a été relancé cette année avec Unicancer et qui permet d'avancer sur deux innovations. L'Institut a mis en oeuvre un projet d'horizon scanning, à savoir un travail d'identification des thérapies émergentes, afin d'anticiper sur ce qui prendra de l'importance en termes d'innovation et qu'il faudra tester très rapidement. Cette démarche est préalable aux essais cliniques et permet de réduire les délais.
En matière d'accès précoce et d'accès direct aux médicaments, des réponses ont été apportées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, dans le sens d'une stabilisation de la démarche et des procédures d'accès précoce et d'accès direct. Cela s'est révélé efficace pour les médicaments anticancéreux : de mémoire, près de cinquante d'entre eux ont bénéficié d'un dispositif d'accès précoce. Ces éléments améliorent les délais de traitement et d'accès aux soins.
Enfin, pour ce qui concerne les registres, j'ai suivi l'examen de la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, adoptée à l'unanimité au Sénat. J'ai également noté les propos tenus par le président Norbert Ifrah avant l'examen de ce texte : il défendait une position plus modérée en soulignant l'existence de 27 registres, aussi bien territoriaux que spécialisés pour certains cancers, l'inclusion de l'ensemble des enfants dans ces registres et, finalement, le taux de couverture de 21 à 24 % de la population. Telle était la position de l'INCa, mais le législateur est libre d'améliorer les choses à l'aune du rapport bénéfice-coût.
Le travail de l'INCa en vue de constituer le premier entrepôt de données sur le cancer doit être salué. En effet, l'Institut souhaite avancer en matière de qualité et de profondeur des données afin de disposer de données de prévalence, mais aussi de celles relatives à l'après-cancer ou encore à l'anatomopathologie. Il s'agit d'enrichir la donnée plutôt que de constituer un registre national. Néanmoins, le législateur est maître de ces décisions.
M. Bernard Jomier. - Tout le monde convient qu'il est nécessaire de prendre le virage de la prévention. La Cour des comptes le rappelle et souligne le rôle majeur de l'INCa dans ce domaine. Au-delà de ce qui a été expliqué sur le dépistage, sur les inégalités sociales de santé, sur les difficultés d'accès aux soins de certaines populations, quelles seraient les deux ou trois mesures à prendre pour assurer ce virage préventif en oncologie ? En outre, j'ai été quelque peu étonné de l'absence du mot « alcool » dans votre exposé liminaire. Le rapport rédigé par Élisabeth Doineau et Cathy Apourceau-Poly sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé n'a pas encore été lu par les membres de l'INCa, mais cela viendra...
Unicancer et l'INCa sont étroitement associés au plan européen de lutte contre le cancer présenté par la Commission européenne en 2021. Si l'essentiel des 4 milliards d'euros qui lui sont consacrés est fléché en direction de la recherche, ce plan qui est assez complet prévoit néanmoins des évolutions de la législation de l'Union : la révision de la directive sur les produits du tabac et celle de la législation européenne relative à la taxation sur l'alcool. Quelles positions l'INCa défendra-t-elle ?
Mme Corinne Imbert. - Mes trois questions ont trait au traitement et à la prise en charge des patients.
La France a fait le choix de l'innovation ; l'immunothérapie a ainsi permis de réaliser des progrès importants dans la lutte contre le cancer et l'amélioration de la vie des patients. Mais ces traitements sont très coûteux. Dans son rapport sur la santé respiratoire, la Cour des comptes souligne que la dépense de soins pour les cancers du poumon a progressé quatre fois plus vite que le nombre de patients pris en charge entre 2017 et 2021, pour s'établir à 2,9 milliards d'euros. En tant que rapporteur de la branche maladie, je suis sensible aux chiffres. Comment soutenir l'égal accès des patients aux innovations thérapeutiques, qui est l'un des axes de la stratégie décennale ? Est-il possible de ne pas « trier » les patients et d'éviter de faire bénéficier certains d'un traitement innovant au détriment d'autres en raison d'un manque de moyens ?
Aujourd'hui, sous l'effet du développement des thérapies ciblées et de la médecine de précision, le parcours des patients évolue, ce qui constitue toujours un enjeu d'efficience des coûts pour les établissements de santé. L'hospitalisation à domicile (HAD), qui est peu accessible en oncologie, peut-elle être une source d'économies et offrir un meilleur confort aux patients ? L'HAD et, plus largement, l'adaptation des parcours dans un objectif d'efficience sont-ils une priorité à vos yeux et comment comptez-vous y travailler ?
Les pénuries de médicaments agacent - c'est un euphémisme - les patients et les professionnels de santé. Chez les malades atteints d'un cancer, elles suscitent angoisse, incompréhension et colère. Comment l'INCa participe-t-il à la lutte contre les ruptures de médicaments anticancéreux ?
Mme Nadia Sollogoub. - C'est désormais à l'Assemblée nationale de se prononcer sur la proposition de loi visant à créer un registre national des cancers, que le Sénat a adoptée. L'Académie nationale de médecine a préconisé la création de ce registre. Il convient donc d'améliorer le recueil et l'exploitation des données, qui jusqu'à présent concernaient seulement 24 % de la population française, ce qui occultait l'existence de sites sensibles, notamment ceux classés Seveso. Pour autant, nous avons écouté avec attention le point de vue du professeur Norbert Ifrah.
M. Nicolas Scotté. - Concernant le virage préventif, je précise qu'un tiers des actions prévues dans la stratégie décennale portent sur la prévention, ce qui représente une mobilisation très importante. Il convient de mettre en place le repérage précoce des fragilités chez les plus jeunes. Quant à la réflexion sur la vaccination obligatoire, elle est sur la table. De même que l'on a progressé dans la lutte contre la bronchiolite, il faut avancer sur la vaccination contre les infections à HPV.
Le cancer est une maladie du vieillissement : l'âge moyen d'apparition de ces pathologies est de 70 ans. Une réflexion est donc à mener sur ce sujet en englobant celui de l'emploi des seniors et du rôle des employeurs dans les démarches de prévention. Les caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) mènent ainsi des actions de prévention dans le cadre du départ en retraite.
La problématique de l'alcool figure dans la stratégie décennale et je n'ai aucun tabou à cet égard. Dans ce domaine, il est important de fixer des repères dans la mesure où la France est au troisième rang en Europe pour la consommation d'alcool et où sa taxation y est relativement limitée. Il faut donc réfléchir à une augmentation des taxes, dont l'intégralité du produit devra bénéficier aux démarches de prévention.
La cellule Europe de l'INCa est très mobilisée sur les questions de l'amélioration du partage des données, de la prévention, des centres d'excellence. Le sujet des cancers pédiatriques, par exemple, ne peut être traité qu'au niveau européen puisqu'il nécessite de travailler sur des cohortes très importantes.
Madame Imbert, il nous revient chaque année, à la fois, de respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et de faciliter l'innovation, ce qui n'est pas simple. Les thérapies nouvelles ont un coût très élevé, à hauteur parfois de plusieurs centaines de milliers d'euros, mais cette nécessaire innovation de rupture est un investissement qui pourra se déployer par la suite de façon moins onéreuse et plus efficiente. Des améliorations ont ainsi été apportées au référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) afin de favoriser l'innovation sans bloquer les hôpitaux qui doivent financer certains tests moléculaires.
L'innovation dont nous parlons doit être réelle et apporter un gain en termes de rentabilité pour la santé publique. Il revient à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et à la Haute Autorité de santé (HAS) de se prononcer sur sa plus-value, le service médical rendu et la tarification.
Dans le cadre des politiques du vieillissement, j'ai beaucoup oeuvré pour favoriser le virage domiciliaire, notamment l'hospitalisation à domicile. Celle-ci est fondamentale en cas de cancer, d'autant que le nombre de chimiothérapies orales augmente. La stratégie décennale prévoit également un développement de l'offre de soins palliatifs à domicile.
J'en viens aux pénuries de médicaments : 5 000 signalements de risques d'approvisionnement faits en 2023 ont concerné des médicaments anticancéreux. La feuille de route du ministère de la santé relative aux pénuries inclut ainsi 43 traitements anticancéreux, dont les stocks font l'objet d'une vigilance particulière. S'agissant du méthotréxate, la sécurisation de son approvisionnement est assurée grâce à un mécanisme européen ; nous avons ainsi été aidés par la Slovénie. Cette démarche, portée par l'ANSM et les agences du médicament, doit être renforcée. À cet égard, l'INCa a un rôle d'expertise permettant de dresser la liste des médicaments essentiels et de définir des stratégies thérapeutiques alternatives en cas de pénurie.
Mme Sollogoub a évoqué le registre national des cancers ; je partage sa préoccupation. Il convient en effet d'améliorer le recueil des données en tenant compte des bassins de vie industriels et de ceux exposés aux risques chimiques.
Mme Jocelyne Guidez. - Le dépistage du cancer colorectal n'est pas toujours accepté, et les pharmacies manquent parfois de tests ; quant à la prévention, elle n'est recommandée qu'à partir de l'âge de 50 ans. Ne faudrait-il pas qu'elle soit plus précoce, dès l'âge de 40 ans, notamment pour tenir compte des conséquences de la « malbouffe »?
Mme Émilienne Poumirol. - On constate que les pénuries portent sur des médicaments matures, comme le méthotrexate. L'INCa peut-il jouer un rôle à cet égard, afin de limiter les pertes de chances ?
Mme Viviane Malet. - Un problème d'égalité se pose : les patients des départements d'outre-mer ont moins de chances de bénéficier des essais cliniques prévus par l'INCa, notamment à cause des surcoûts induits par l'octroi de mer. Même offerts par les laboratoires, ces médicaments sont taxés à leur arrivée - un traitement contre les leucémies infantiles est ainsi taxé à hauteur de 17 %. Que peut faire l'INCa pour résoudre ce problème ?
Mme Laurence Muller-Bronn. - Les maladies ainsi que les traitements destinés à les combattre ont un impact significatif sur la qualité de vie des patients. Dénuée d'effets secondaires invalidants et ne présentant aucun risque d'interaction médicamenteuse connu à ce jour, l'homéopathie est une thérapeutique complémentaire pertinente dans la gestion des effets secondaires de la maladie et des traitements anticancéreux. Selon l'INCa, il s'agit de la première médecine complémentaire utilisée en France par les patients atteints de cancer. Seriez-vous favorable à la suppression du déremboursement de l'homéopathie prescrite par un médecin généraliste homéopathe en oncologie, et au-delà pour les traitements lourds ? Dans le Bas-Rhin, les patients se rendent en Allemagne ou en Suisse pour obtenir ces médicaments...
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous conseille la lecture du rapport d'information relatif à la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé que Cathy Apourceau-Poly et moi-même avons rédigé. Le programme national de lutte contre le tabac, par exemple, est insuffisant sur le plan fiscal pour éviter le tabagisme des jeunes.
L'absence de plan national de lutte contre l'alcoolisme est incompréhensible. Pour lutter contre le tabagisme, la consommation excessive d'alcool et la mauvaise alimentation, l'éducation et la prévention sont essentielles. À cet égard, les personnes qui ont été atteintes de cancer ont des choses à nous dire, et leurs témoignages sont précieux. En France, on n'aime pas être malade, mais on ne veut pas se priver de grand-chose... Il faudrait apprendre à consommer avec modération.
M. Nicolas Scotté. - La force du témoignage est en effet très importante et les conseils personnalisés sont parfois plus éloquents que certains documents d'information technocratiques. Le concept de précédence, utilisé dans le domaine du handicap, pourrait être élargi.
Je suis convaincu que l'augmentation du prix du tabac est nécessaire. La fiscalité du tabac à chauffer a été alignée sur celle du paquet de cigarettes. Les puffs, qui représentent un danger grave pour les plus jeunes, ont été interdites. Il faut y ajouter des mesures d'ordre public, qui sont prévues dans la stratégie décennale : plages sans tabac ; interdiction de fumer à proximité des écoles et des crèches, etc. Et pour ce qui concerne la consommation d'alcool, il convient de cibler les plus jeunes.
Dans le domaine de la prévention du cancer colorectal, des innovations sont apparues au cours des dernières années ; les tests sont ainsi plus efficaces et il est possible de les commander en ligne. L'INCa est ouvert à la réflexion sur l'adaptation des seuils d'âge. Je rappelle que l'on recense 47 000 personnes atteintes de cancer colorectal par an. Lorsqu'il est diagnostiqué précocement, ce cancer est guéri dans neuf cas sur dix. Le dépistage et la prévention sont donc essentiels.
Pour ce qui concerne les pénuries de médicaments, je compte beaucoup sur la démarche de réindustrialisation et de relocalisation : il faut produire des médicaments en France ou en Europe à proximité de notre territoire. Six sites sont ainsi prévus dans le cadre du déploiement de cette filière industrielle et technologique.
Un volet entier de la stratégie décennale est consacré aux outre-mer. Il est vrai que l'on constate une inégalité d'accès aux essais thérapeutiques. Des actions sont menées pour développer la recherche dans ces territoires via des essais cliniques, des financements consacrés aux centres de recherche et des appels à projets. L'INCa, dans le cadre de sa mission d'expertise, a également dressé un bilan de la filière oncologique dans les outre-mer, qui donnera lieu à des recommandations. Je propose qu'un bilan soit fait à mi-parcours de la stratégie décennale pour améliorer la situation. Je crois beaucoup à la déclinaison territoriale et régionale de la stratégie : les préconisations doivent être adaptées à la réalité de ces territoires.
Madame Muller-Bronn, j'étais pour ma part plutôt favorable au déremboursement de l'homéopathie, mais toute décision en la matière relève des experts et des médecins ; je botte donc en touche. En revanche, concernant la qualité de vie des patients, le rôle de l'INCa est de soutenir les démarches de reconstruction, notamment mammaire, de soins esthétiques - les prothèses capillaires sont remboursées à 100 % -, de suivi psychologique ainsi que de gestion de la douleur, de la nutrition et de la fertilité post-cancer. Deux tiers des patients en rémission souffrent de séquelles et il faut avancer dans ces domaines. Quant au panier de soins de support, il fait l'objet d'une expertise scientifique et médicale.
Mme Viviane Malet. - Vous n'avez pas répondu à ma question sur l'octroi de mer. L'INCa peut-il intervenir auprès de la région Réunion pour annuler cette taxe ?
M. Nicolas Scotté. - Cette question n'est pas de mon ressort.
M. Philippe Mouiller, président. - Vous pourrez échanger ultérieurement sur ce sujet. Nous vous remercions, monsieur Scotté, pour ce temps d'échange et votre regard sur le fonctionnement de l'INCa.
La réunion est close à 11 h 50.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
* 1 Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les raisons qui justifient sa décision de lancer « une mobilisation nationale » contre le cancer et sur les grands axes du plan national de lutte contre le cancer présenté par le gouvernement, à Paris le 24 mars 2003.