Mardi 9 juillet 2024

- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente -

Présentation étude d'opinion CSA

Mme Françoise Gatel, présidente. - Chers collègues, merci à tous d'être présents aujourd'hui. Je rappelle que nous avons lancé à l'automne 2023 trois missions sur le statut de l'élu local à partir de l'analyse et du constat des difficultés de l'engagement des élus, de leur insécurité et de la complexité de leur mandat. En 2020, nous avions 345 conseils municipaux incomplets, 106 communes sans candidat et 13 000 démissions d'élus municipaux. Nous avons donc décidé de travailler sur la facilitation et la sécurisation de l'engagement des citoyens, sachant que le Sénat place les élus locaux et la commune au coeur de sa conception de la démocratie et de la République.

Nous avons conduit plusieurs travaux visant à améliorer les conditions d'exercice du mandat des élus locaux. En premier lieu, nous avons réalisé, je l'ai dit, une première séquence sur le statut de l'élu local qui a conduit à l'adoption au Sénat, le 7 mars 2024, d'une proposition de loi, transmise depuis à l'Assemblée nationale. En deuxième lieu, le Sénat est à l'origine de la loi de protection des élus et de renforcement de la sécurité, promulguée le 24 mars 2024. La troisième séquence, que nous abordons aujourd'hui avec Didier Rambaud, Nadine Bellurot, Éric Kerrouche et moi-même, concerne le fonctionnement et l'organisation des conseils municipaux. Nous avons recueilli plusieurs propositions à partir des travaux de deux associations : l'Association des maires de France (AMF) et l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

Nous disposons aussi de deux propositions de loi, dont l'une a été débattue en commission des Lois mais n'a pas pu prospérer en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale. Ces deux propositions visent à réduire le nombre de conseillers municipaux, idée corroborée par le rapport d'Éric Woerth, qui propose une diminution de 20 % pour toutes les strates démographiques. À cela s'ajoute la question de la parité. Nous venons d'auditionner l'AMRF. Demain, nous auditionnerons l'AMF et Intercommunalité de France. Nous avons souhaité recueillir l'opinion des élus municipaux. C'est pourquoi une étude d'opinion a été réalisée par le CSA à notre demande. Je remercie le représentant du CSA présent aujourd'hui, qui va maintenant nous présenter les résultats de cette enquête menée auprès des élus municipaux.

M. Quentin Llewellyn, directeur conseil à CSA. - Bonjour à toutes et à tous. Cette étude comporte deux enjeux. Le premier concerne la question de savoir s'il faut uniformiser les modes de scrutin en étendant le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Le second, face notamment aux difficultés croissantes à recueillir des candidatures pour les élections municipales, est de déterminer s'il faut réduire le nombre de conseillers municipaux, en particulier pour les communes allant de 500 à 3 499 habitants.

Concernant la méthodologie de cette enquête d'opinion, nous avons mené des entretiens téléphoniques entre le 5 et le 19 juin derniers auprès d'un échantillon national de plus de 500 élus municipaux exerçant dans des communes de moins de 3 500 habitants. Cet échantillon comprenait une grande majorité de maires (401 au total), ainsi que 98 maires adjoints et quelques conseillers municipaux (autour de 5).

Parmi les 500 élus interrogés, 15 % exerçaient leur premier mandat au moment de l'enquête. Concernant la répartition homme-femme, 74 % des élus interrogés étaient des hommes et 26 % des femmes. Pour rappel, sur l'ensemble des élus municipaux, toutes tailles de communes confondues, la répartition est de 58 % d'hommes et 42 % de femmes. La surreprésentation des hommes dans notre échantillon s'explique en partie par le fait que la majorité des répondants étaient des maires, qui composent plus de 80 % de l'échantillon.

Avant de discuter des résultats de cette enquête, deux points importants méritent d'être soulignés. Tout d'abord, nous avons reçu un accueil favorable sur le terrain, malgré l'agenda chargé des élus en raison des élections européennes et de la dissolution de l'Assemblée nationale impliquant une nouvelle élection. Leur disponibilité témoigne de leur intérêt pour le sujet de l'enquête. Ensuite, il est important de noter que cette enquête se concentre uniquement sur des opinions. Les données collectées expriment des jugements, des ressentis et des perceptions, et les résultats doivent être interprétés en conséquence.

Les élus locaux interrogés se montrent très sensibles à la question du fonctionnement des conseils municipaux. Environ 90 % déclarent s'intéresser au mode de scrutin et 62 % montrent un grand intérêt. De même, 83 % des élus portent une attention particulière au nombre de conseillers municipaux, près de la moitié montrant un fort intérêt.

En ce qui concerne leur propre expérience, une majorité écrasante des élus se dit à l'aise avec les règles du scrutin municipal. Pour 91 % d'entre eux, ces règles sont claires et 40 % les considèrent même comme très claires.

Enfin, les règles fixant le nombre de conseillers municipaux paraissent également limpides à une vaste majorité des élus interrogés, avec des résultats très similaires à ceux observés pour les modes de scrutin.

Nous avons donc des élus qui se montrent à l'aise avec les règles régissant les élections municipales. Mais comment vivent-ils concrètement ces élections ? Il ne s'agit pas ici de parler de la campagne elle-même ou des enjeux politiques, mais bien de la manière dont l'organisation se déroule, notamment pour constituer une équipe.

La constitution des équipes municipales présente des défis pour de nombreux élus. Environ la moitié des élus interrogés a rencontré des difficultés à cet égard et 17 % ont indiqué avoir éprouvé beaucoup de difficultés lors des élections municipales de 2020. Ces obstacles sont plus fréquents dans les communes de 100 à moins de 2 500 habitants, où 16 % à 20 % des élus mentionnent avoir rencontré d'importantes difficultés. Dans les communes moins peuplées (moins de 100 habitants) ou plus peuplées (2 500 à 3 499 habitants), les difficultés sont également présentes, bien que moins fréquemment.

Pour mieux comprendre la nature de ces difficultés, nous avons posé une question totalement ouverte, permettant ainsi aux élus de s'exprimer librement.

La principale difficulté est de trouver des candidats. En outre, un manque de motivation ou de disponibilité est également évoqué. Environ 86 % des élus qui ont rencontré des difficultés ont mentionné celle de trouver les ressources nécessaires pour former leur équipe.

Ensuite, un peu plus d'un cinquième des élus concernés fait part de difficultés à atteindre la parité entre les femmes et les hommes lors de la constitution de leur équipe.

De manière plus marginale, parmi les ressources limitées disponibles, certains soulignent un manque de compétences, un manque de technicité ou de qualité pour bien remplir la mission de conseiller municipal.

La crise des vocations touche toutes les communes, mais les difficultés liées à la parité sont particulièrement ressenties dans les communes de 1 500 à moins de 2 500 habitants et de 2 500 à moins de 3 500 habitants, dépassant les 50 %.

Lorsqu'on demande aux élus s'il est facile de trouver des femmes candidates aux élections municipales, près de la moitié indique que c'est difficile et 11 % que c'est très difficile. Il est intéressant de noter la différence de perception entre hommes et femmes : 49 % des hommes élus interrogés trouvent difficile de trouver des candidates, contre seulement 33 % des femmes élues interrogées.

Malgré ces difficultés, la quasi-totalité des élus indique que leur Conseil municipal était complet lors de l'élection de 2020. Les avis contraires sont un peu plus présents dans les petites communes de moins de 500 habitants, mais restent limités à 4-5 % des élus de ces communes.

Examinons maintenant la question plus précise du nombre de conseillers municipaux par strate de population. Lorsque nous demandons aux élus leur avis sur le nombre de conseillers municipaux prévu par la loi actuellement, 66 % estiment que ce nombre est adapté. Cependant, près d'un tiers des élus juge ce nombre trop élevé et pense qu'il devrait être réduit. Une minorité (4 %) évoque un manque de conseillers municipaux.

Ce jugement est particulièrement fort dans les communes de 2 500 à moins de 3 500 habitants, où 41 % des élus considèrent le nombre de conseillers trop élevé. À l'inverse, 70 % des élus des très petites communes (moins de 100 habitants) estiment que le nombre de conseillers municipaux est adapté et 19 % affirment qu'il n'est pas suffisant.

Dans leur réponse concernant le nombre idéal de conseillers municipaux par rapport à la taille de leur commune, les élus expriment des préférences variées. Pour les communes de moins de 100 habitants, la loi en prévoit 7 mais idéalement, les élus souhaiteraient en avoir 8. En revanche, pour toutes les autres strates de population, le nombre idéalement souhaité est toujours sensiblement inférieur au nombre actuel de conseillers municipaux. Pour les communes de 100 à moins de 500 habitants qui en ont 11 actuellement, 9 constituerait le nombre idéal. De 500 à 1 499 habitants avec 15 conseillers, idéalement les élus en voudraient 11. Pour les communes de 1 500 à moins de 2 500 habitants avec 19 conseillers, ils se contenteraient de 15. Enfin, pour les communes de 2 500 à moins de 3 500 habitants où la loi autorise 23 conseillers, idéalement 18 suffiraient.

Un test sur la notoriété du régime dérogatoire dans les communes de moins de 500 habitants indique une connaissance assez limitée de ce dispositif. Pour les communes de moins de 100 habitants, où un Conseil municipal peut être considéré complet avec au moins 5 membres au lieu de 7, 46 % des élus disent en avoir connaissance, mais seulement 7 % déclarent y avoir déjà eu recours. Il convient de noter que cette mesure date de 2019, donc les élus n'ont pu expérimenter ce régime qu'une seule fois, lors des élections de 2020.

Les résultats sont similaires pour les communes de 100 à 499 habitants, qui ont un régime dérogatoire légèrement différent (passant de 11 à 9 membres). Dans ce cas également, la connaissance et l'application de ce régime sont limitées, avec seulement 7 % des élus déclarant y avoir déjà eu recours.

Il est intéressant de noter que le régime dérogatoire dans les communes de moins de 500 habitants est globalement bien accueilli. Ainsi, 74 % des élus estiment qu'il s'agit d'une bonne chose et 20 % le considèrent même comme une très bonne chose.

En revanche, l'idée d'étendre le régime dérogatoire aux communes actuellement non concernées (c'est-à-dire aux communes de plus 500 habitants) divise fortement les élus. 53 % estiment que cette extension est utile et 21 % la considèrent comme très utile, tandis que 47 % sont d'un avis contraire, dont 18 % ne la jugent pas du tout utile.

Concernant le nombre d'adjoints au maire au sein d'un Conseil municipal, 94 % des élus locaux déclarent être satisfaits de ce nombre, dont 42 % se disent très satisfaits. Cette satisfaction reste élevée, quelle que soit la taille de la commune. Dans ce contexte, les élus sont largement opposés à l'augmentation du nombre d'adjoints si le nombre de conseillers municipaux reste le même. Cette opposition est particulièrement marquée dans les petites communes, où 77 % des élus interrogés sont défavorables à cette augmentation, atteignant 81 % dans les communes de moins de 100 habitants et jusqu'à 85 % dans celles de 100 à 499 habitants. Dans ces deux strates en particulier, la part des élus pas du tout favorables est à plus de 50 %.

Dans le cas d'une réduction du nombre de conseillers municipaux, les élus préfèrent en général conserver le même nombre d'adjoints maximum, le distinguant clairement de la question du nombre de conseillers. 68 % préfèrent maintenir le nombre d'adjoints maximum, ce qui nécessiterait d'augmenter la limite, actuellement fixée à 30 % de l'effectif légal du Conseil municipal.

Enfin, les élus ont généralement une bonne compréhension de la coexistence des deux modes de scrutin selon la taille des communes. 89 % des élus interrogés savent qu'il y a cette distinction de mode de scrutin avec le seuil de 1 000 habitants. Cependant, ceux qui exercent dans des communes de moins de 500 habitants sont moins informés que la moyenne.

En général, la majorité des élus se montre plutôt hostile à la généralisation du scrutin de liste à toutes les communes, avec 58 % qui ne sont pas favorables à cette idée. Parmi ceux-ci, 35 % déclarent ne pas du tout être favorables.

Pour expliquer cette relative hostilité, on peut observer que les élus manifestent une certaine perplexité quant à la capacité du scrutin de liste à améliorer la cohésion des équipes dans les communes de moins de 1 000 habitants. 53 % des élus ne croient pas que l'élection par scrutin de liste favoriserait la cohésion des équipes municipales dans ces communes, un pourcentage qui monte à 58 % dans les communes de moins de 1 000 habitants.

On note également que la majorité des élus (62 %) est opposée à la fin du panachage dans les communes de moins de 1 000 habitants. 65 % des élus des communes directement touchées par le panachage, c'est-à-dire les élus des communes de moins de 1000 habitants, expriment cette opposition avec plus de force. En revanche, dans les communes de 1000 habitants et plus, les avis sont plus partagés, avec 55 % défavorables à la fin du panachage et 45 % favorables.

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, l'idée d'un scrutin de liste paritaire semble peu réalisable. 59 % des élus estiment que ce n'est pas faisable dans ces communes, et 27 % vont même jusqu'à affirmer que c'est totalement irréalisable. Lorsqu'on examine spécifiquement les réponses des femmes élues interrogées dans le cadre de cette enquête, on remarque que l'écart se réduit considérablement. Si seulement 39 % de l'ensemble des élus considèrent que c'est réalisable, ce pourcentage monte à 45 % parmi les femmes élues interrogées, même si 55 % des femmes élues sont tout de même d'avis contraire.

57 % des élus des communes de moins de 1 000 habitants sont plutôt en faveur de la possibilité de déposer des listes incomplètes dans l'optique d'une généralisation du scrutin de liste. Il est à souligner qu'environ 22 % des élus sont totalement opposés à cette idée.

En résumé, les élus se montrent à l'aise avec les règles existantes, mais ils rencontrent des difficultés pratiques lors des élections, telles que le manque de ressources, une crise des vocations, des lacunes en compétences, et des exigences de parité. Environ un tiers estime que le nombre de conseillers municipaux est trop élevé. Les régimes dérogatoires sont peu connus à ce stade. La plupart des élus sont satisfaits du nombre actuel d'adjoints et ne souhaitent pas qu'il soit réduit, même si le nombre de conseillers municipaux venait à être abaissé. En ce qui concerne la généralisation du scrutin de liste, les élus locaux se montrent plutôt réticents, quelle que soit la taille de leur commune.

Merci pour votre attention.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Naturellement, ces documents vous seront transmis avec des éléments complémentaires concernant la part de femmes dans les conseils municipaux, en fonction de la taille de la commune et de la fonction exercée.

Dans les communes de moins de 100 habitants, 22,3 % des maires sont des femmes. Pour les communes de 100 à 999 habitants, ce pourcentage est de 21,4 %, et de 26,2 % dans les communes de 100 000 habitants ou plus. L'exercice de la parité est donc déjà initié.

Concernant les adjoints et conseillers, dans les communes de moins de 100 habitants, 35 % sont des femmes. Pour les communes jusqu'à 999 habitants, ce pourcentage atteint 42 %.

Chers collègues, nous passons maintenant à vos questions.

Mme Nadine Bellurot. - Je souligne que la commission des lois a adopté, le 5 juin 2024, la proposition suivante : nous avons maintenu le nombre actuel de conseillers municipaux pour les communes de moins de 100 habitants (7 ou 5) mais nous avons réduit le nombre de conseillers :

- de 11 à 9 dans les communes de moins de 100 à 499 habitants ;

- de 15 à 11 dans les communes de moins de 500 à 1499 habitants ;

- de 19 à 15 dans les communes de moins de 1500 à 2499 habitants ;

- de 23 à 19 dans les communes de 2 500 à 3 499 habitants.

Ainsi, nous nous sommes rapprochés du nombre souhaité de conseillers municipaux pour les communes de moins de 3 500 habitants.

Nous avons souhaité que le nombre d'adjoints soit conservé. Bien que nous n'ayons pas pu l'intégrer dans la proposition de loi en raison de l'article 40 de la Constitution, nous avions demandé au gouvernement de s'engager à maintenir le nombre de conseillers municipaux. En revanche, nous avons pu inscrire dans ce texte que le corps électoral resterait inchangé pour les élections sénatoriales.

Le scrutin de liste entraîne davantage de débats. L'AMF et l'AMRF, que nous avons réauditionnées, sont absolument favorables à l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Cette mesure, combinée à la réduction du nombre de conseillers municipaux, permettrait de faciliter la constitution des listes et le respect de la parité.

La demande de réduction du nombre de conseillers municipaux provient essentiellement des zones rurales. Je n'ai pas rencontré un seul maire qui ne souhaitait pas une diminution du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 1 000 habitants. Ils sont également favorables à un scrutin de liste pour éviter les difficultés de constitution des équipes municipales.

Nous avons délibérément séparé une proposition de loi concernant le nombre de conseillers municipaux d'une autre proposition de loi portant sur le scrutin de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants. L'AMRF avait sollicité la fusion des deux propositions, mais comme celle sur le scrutin de liste était une initiative de nos amis centristes, il n'était pas question de la dénaturer totalement. Il y a en tout cas une véritable demande des maires ruraux sur ce sujet.

M. Cédric Vial. - Je n'ai pas tout à fait la même réalité dans mon département. J'ai testé cette proposition, et les avis sont plus mitigés. Réduire le nombre d'élus dans les petites communes pourrait mener à des élections partielles tous les dimanches. Il est nécessaire de modifier les conditions de complétude.

Nous avons des particularités à prendre en compte. Par exemple, certaines communes, chefs-lieux de canton, peuvent avoir moins de 1 000 habitants ou entre
1 000 et 1 500 habitants, mais leurs besoins ressemblent à ceux de communes de 3 000 ou 4 000 habitants ailleurs. Pour elles, 11 élus ne sont pas suffisants. J'ai moi-même été maire d'une commune chef-lieu de canton de 1 200 habitants avec 15 élus ; ce n'était déjà pas assez. Il faut donc envisager des dérogations pour certaines communes.

Dans mon département, j'ai des communes de 150 habitants avec des budgets de 15 millions d'euros et 20 000 lits touristiques, qui ne sont même pas classées comme communes touristiques. Sans aller dans ces extrêmes, nous avons de nombreuses communes où les élus gèrent une activité importante. Il serait donc injustifié de réduire leur nombre à mi-mandat. Une trop grande réduction du nombre d'élus pose aussi problème dans les très petites communes.

Je ne nie pas les difficultés, mais le manque de candidats pourrait être le symptôme d'un dysfonctionnement plus profond. Peut-être qu'au lieu de simplement abaisser le seuil, il serait pertinent de se poser des questions fondamentales sur le mode de gestion. L'engagement des habitants est essentiel. Autoriser certaines communes à dépasser les seuils établis pourrait être une solution, mais cela nécessiterait de briser l'uniformité.

Le seuil de 1 000 habitants pose problème, car il ne correspond pas aux seuils pour la détermination de l'effectif légal des conseils municipaux, seuils prévus dans le code général des collectivités territoriales. Entre 500 et 1 500 habitants, le nombre d'élus (15) demeure le même malgré le changement de mode de scrutin à 1 000 habitants. Cette situation crée une disparité, car le maintien du même nombre d'élus tout en changeant le mode de scrutin conduit, dans communes de 1 000 à 1 500 habitants, à une diminution du nombre d'élus de la majorité. Avec la généralisation du scrutin proportionnel, il est probable que tous les conseils municipaux deviennent politisés, car une personne avec seulement 20 % des voix pourrait être élue. Cette évolution pourrait politiser l'ensemble des conseils municipaux, même les plus petits.

Il serait préférable d'aligner le nombre d'élus avec le mode de scrutin. Il faut soit passer le seuil à 1 000 habitants, soit changer le mode de scrutin à 1 000 habitants pour résoudre ces incohérences et assurer une représentativité équitable.

Concernant le nombre d'adjoints, je considère que ce devrait être un maximum. Une petite commune composée de 15 élus, qui a le droit de nommer 4 adjoints mais préfère n'en avoir que 2, devrait pouvoir faire ce choix. Le véritable sujet, qui n'est pas traité ici, concerne plutôt les conseillers délégués, de plus en plus utilisés dans une enveloppe prédéfinie. À mon avis, c'est un enjeu plus important que celui du nombre d'adjoints.

Enfin, je soulève un dernier problème qui n'a pas forcément de réponse immédiate, mais qui est bien réel : les élus sont de plus en plus sollicités pour participer aux commissions des intercommunalités. Plus le nombre d'élus est réduit, plus il est difficile pour une commune d'être correctement représentée. Cela compliquera également le fonctionnement des intercommunalités, car toutes les communes doivent y participer. Nous risquons d'exclure encore davantage certaines petites communes.

M. Rémy Pointereau. - Initialement opposé à la réduction du nombre d'élus pour les communes de moins de 1 000 habitants et à l'adoption du scrutin de liste dans ces mêmes communes, j'ai changé d'avis. Il apparaît que les maires préfèrent une équipe solide pour assurer le bon fonctionnement de la commune. Les élections municipales de 2020 ont été particulièrement ardues pour les maires des communes rurales.

Passer au scrutin de liste pour toutes les communes pourrait encourager davantage de maires à se représenter, car ils sont nombreux à ne pas vouloir le faire en 2026. L'un des problèmes majeurs est souvent lié à l'unité du Conseil municipal. Le panachage entraîne souvent des règlements de comptes internes, et je pense qu'adopter le scrutin de liste pourrait être une solution pour améliorer la cohésion et la stabilité des conseils municipaux.

Je souligne une erreur dans le graphique : les 18 conseillers pour les communes de 2 500 à 3 400 habitants devraient être 19, nombre impair. Par ailleurs, avez-vous envisagé d'inclure une liste complémentaire dans les scrutins de liste en cas de démissions, départs ou absences inattendus, afin de pourvoir les sièges vacants et éviter des réélections ?

M. Éric Kerrouche. - L'enquête est intéressante, mais je ne comprends pas le choix de regrouper les maires et les adjoints, qui ont des rôles distincts. En période électorale, ils n'ont pas les mêmes responsabilités. C'est généralement le maire qui prend les décisions importantes, et qui rencontre donc plus de difficulté.

M. Quentin Llewellyn. - Pour clarifier, le processus d'interrogation n'était pas spécifiquement ciblé sur le maire ou l'adjoint. À chaque fois qu'une commune était contactée, un courrier du Sénat était disponible, et l'interlocuteur sollicité était systématiquement le maire. Il est parfois arrivé que le maire délègue cette réponse à des adjoints ou même à des conseillers municipaux.

M. Éric Kerrouche. - Si vous pouviez transmettre le fichier de données, il serait intéressant de procéder à un classement ciblé exclusivement sur les maires.

Dans l'ensemble, on observe des tendances similaires à celles des autres enquêtes. Lorsqu'une pratique institutionnelle est solidement établie, comme l'élection au panachage dans les communes de moins de 1 000 habitants, il est souvent difficile de s'en défaire. Concernant la parité, on constate la même tendance dans l'ensemble des enquêtes. Si je caricature, ce sont essentiellement les hommes qui s'inquiètent du manque de représentation des femmes. Il est important de rester vigilant, car cette préoccupation n'est pas toujours partagée de manière uniforme entre les hommes et les femmes.

Le passage au scrutin de liste peut avoir un impact positif sur la cohésion de l'équipe. Bien qu'il améliore la visibilité politique, il peut également présenter des défis liés aux seuils, comme mentionné précédemment. L'unification, soutenue par la majorité des associations d'élus, permettrait d'appliquer une règle standardisée pour toutes les communes, quelle que soit leur taille ou leur configuration.

Mme Agnès Canayer. - La réduction du nombre d'élus par commune est souvent justifiée par des difficultés de recrutement. Cependant, une problématique fréquente est celle de garantir l'implication et la valorisation des élus, certains pouvant se sentir dépassés et sous-estimés, ce qui peut entraîner un découragement et un sentiment d'inutilité.

M. Daniel Gueret. - Un problème se pose avec les conseillers délégués dans un certain nombre de communes, à la fois en ce qui concerne leur statut, leur disponibilité et leur rôle. De plus, je comprends mal l'abandon du principe de différenciation selon les communes.

Je fais preuve de réserve quant à l'introduction du scrutin de liste dans les petites communes, car cela risque effectivement d'entraîner une politisation, avec des répercussions sur la gouvernance des intercommunalités. L'accent mis sur la gestion de projets pourrait évoluer vers une gestion politique. Cela pourrait déséquilibrer nos territoires. Il n'est peut-être pas inapproprié de laisser la population s'exprimer à travers un panachage, quelles qu'en soient les raisons, même s'il s'agit parfois de régler des comptes. Si la dimension politique prend trop de place, elle risque de freiner la culture de projet et de favoriser l'émergence d'une culture politique.

M. Jean-Claude Anglars. - Dans l'étude, avez-vous différencié entre les élus selon qu'ils soient en premier, deuxième, troisième mandat, etc. ? Je souligne un point crucial qui est la constitution des communautés de communes et le transfert de compétences vers ces entités qui conduit à de nombreux conseils municipaux devenant moins actifs. Cette situation représente un danger pour la démocratie, les gens se sentant dépossédés des réalités locales. N'oublions pas que nous sommes la chambre des territoires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous sommes quatre à travailler sur ce sujet : Nadine Bellurot, Éric Kerrouche, Didier Rambaud, et moi-même, et nous devons rendre un rapport en octobre, avant le congrès des maires. Je crois que nos expériences individuelles apportent des nuances et qu'il n'existe pas de vérité absolue, car les attentes varient en fonction des élections passées. Cependant, il est impératif de respecter la Constitution et de considérer la norme démographique pour le nombre d'élus.

Le scrutin de liste est un sujet délicat. Bien que la transition vers un scrutin de liste pour 1 000 habitants puisse sembler difficile, notamment en termes de parité, des progrès ont été réalisés. La question de la complétude est un vrai sujet, surtout lorsqu'il y a des élections générales en cours de mandat, ce qui peut causer de l'instabilité.

Une autre difficulté concerne les EPCI : suite au recours devant le Conseil constitutionnel, en 2014, de la commune de Salbris mettant fin à l'accord local permettant à certaines petites communes d'avoir au moins deux représentants, une obligation de représentation proportionnelle à la population a été mise en place. Cela a conduit de nombreuses petites communes à n'avoir qu'un seul représentant, surtout au sein de grandes intercommunalités. Nous avions envisagé que le maire soit de facto le représentant unique de ces communes, avec la possibilité d'inclure un autre élu selon le choix du maire. Nous avons également ouvert la possibilité pour les intercommunalités d'inviter à des réunions de commissions des élus non délégués communautaires.

La question de la parité est un vrai sujet qui divise le Sénat en deux positions distinctes. Certains estiment que l'intercommunalité est un espace de coopération similaire à des syndicats, et non une collectivité à part entière, laissant ainsi aux communes le choix en vertu du principe de libre administration. Une autre position met l'accent sur la parité obligatoire. Aucun arbitrage définitif n'a été trouvé au Sénat. Il a été mentionné qu'il serait difficile d'imposer la parité au sein des conseils communautaires étant donné qu'ils émanent des élections municipales, et qu'il n'est pas envisageable de remettre en question les résultats de ces élections.

Cependant, il est important d'avoir des exécutifs communautaires au moins paritaires. Une proposition était que la composition de l'exécutif communautaire reflète la parité observée au sein du conseil communautaire. Par exemple, si 20 % ou 30 % des conseillers communautaires sont des femmes, l'exécutif devrait refléter ce pourcentage. Mais cette proposition n'a pas été retenue dans le cadre de la loi « Engagement et proximité » en 2019. Cela dit, si toutes les élections se déroulent au scrutin proportionnel, les exécutifs communautaires vont nécessairement devenir plus paritaires.

L'AMRF est favorable à l'extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1000 habitants mais refuse le fléchage des conseillers communautaires.

M. Laurent Burgoa. - Il serait judicieux de consulter les élus locaux sur ce sujet, notamment concernant l'avenir des intercommunalités. Dans le département du Gard, de nombreux maires font confiance au Sénat pour que l'intercommunalité n'ait pas un statut de collectivité. Je pense qu'il faut être prudent dans nos démarches, car les positions prises pourraient créer des tensions avec les maires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - La position majoritaire au Sénat est que l'intercommunalité est un espace de coopération mais n'est pas actuellement une collectivité. Intercommunalités de France demande cette évolution, mais je pense que ce n'est pas la tendance, étant donné la position du gouvernement actuel.

Mes chers collègues, je vous remercie.