- Jeudi 20 juin 2024
- Mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français - Audition de MM. Jean-Michel Aulas, vice-président délégué de la Fédération française de football, ancien président de l'Olympique Lyonnais, Jean-Pierre Caillot, président du Stade de Reims, Joseph Oughourlian, président du RC Lens, Olivier Létang, président-directeur général du Lille olympique sporting club (Losc) et Maarten Petermann, représentant du fonds Merlyn Partners, propriétaire du LOSC
- Mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français - Audition de MM. Jean-Christophe Germani, président, et Édouard Conques, managing director de CVC Capital Partners
Jeudi 20 juin 2024
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français - Audition de MM. Jean-Michel Aulas, vice-président délégué de la Fédération française de football, ancien président de l'Olympique Lyonnais, Jean-Pierre Caillot, président du Stade de Reims, Joseph Oughourlian, président du RC Lens, Olivier Létang, président-directeur général du Lille olympique sporting club (Losc) et Maarten Petermann, représentant du fonds Merlyn Partners, propriétaire du LOSC
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons les auditions publiques de notre mission d'information, dotée des pouvoirs des commissions d'enquête, sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français.
Nos invités aujourd'hui sont : M. Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique lyonnais (OL) de 1987 à 2023 et, depuis 2023, vice-président délégué de la Fédération française de football (FFF) ; M. Jean-Pierre Caillot, président et co-actionnaire du Stade de Reims, président du collège de Ligue 1 et membre du conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP) ; M. Olivier Létang, président-directeur général du Lille olympique sporting club (Losc) et M. Maarten Petermann, représentant du fonds Merlyn Partners, propriétaire du Losc ; enfin, M. Joseph Oughourlian, président et propriétaire du RC Lens, fondateur du fonds Amber Capital et membre du conseil d'administration de la LFP.
Messieurs, vous vous êtes manifestés auprès de nous pour être entendus ; c'est bien volontiers que nous vous recevons ce matin.
Comme vous le savez, nous nous intéressons à la financiarisation du football, qui touche les clubs individuellement, mais aussi la LFP. Celle-ci a conclu en 2022 un partenariat avec le fonds d'investissement CVC, dont nous entendrons d'ailleurs les représentants cet après-midi. Moyennant un apport de 1,5 milliard d'euros, le fonds CVC a acquis 13 % de la filiale commerciale de la LFP. Ce partenariat valorise donc la Ligue à 11,5 milliards d'euros environ.
Grâce à l'apport initial de CVC, les clubs ont perçu des aides de taille pendant trois saisons. Ces aides ont été d'autant plus bienvenues que la défaillance du diffuseur Mediapro avait entraîné un manque à gagner important.
La distribution de l'apport de CVC soulève toutefois plusieurs questions.
Tout d'abord, les critères de répartition de cet apport ne nous paraissent pas totalement transparents ni satisfaisants. Nous avons reçu ici M. Jean-Michel Roussier, président du club du Havre, qui s'estime lésé par cette répartition. Les critères retenus en 2022 continuent à produire leurs effets alors qu'ils sont en partie datés, au regard de la performance sportive des clubs.
Ensuite, les sommes distribuées sont normalement fléchées vers l'investissement, afin de valoriser le championnat français. Vous nous expliquerez de quelle façon.
Enfin, plus fondamentalement, nous nous interrogeons sur les conséquences de ce partenariat à long terme. En acceptant cet accord, les clubs se privent d'une partie de leurs revenus pour une durée indéterminée, dans un contexte qui reste très incertain, s'agissant de l'évolution des droits audiovisuels.
Conformément à la loi du 2 mars 2022, la filiale de la LFP s'est vu confier l'ensemble des droits d'exploitation de la Ligue 1, c'est-à-dire non seulement les droits audiovisuels, mais aussi les activités de publicité, de marketing et de sponsoring, à l'exception du droit à consentir des paris sportifs.
Dès la saison prochaine, CVC exercera son droit à dividende prioritaire sur l'ensemble de ces revenus. Le fonds doit par ailleurs récupérer deux années de dividende différé, pour un montant estimé à 105 millions d'euros.
Nous avons lu récemment dans la presse qu'un autre partenariat financier serait envisagé pour le lancement d'une chaîne consacrée à la Ligue 1. Qui dit partenariat financier dit, d'une façon ou d'une autre, endettement : le football français ne vit-il pas aujourd'hui au-dessus de ses moyens ?
Avant de vous donner la parole, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre mission d'information, dotée des pouvoirs des commissions d'enquête, serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-Michel Aulas, M. Jean-Pierre Caillot, M. Olivier Létang, M. Maarten Petermann et M. Joseph Oughourlian prêtent serment.
Je vous remercie, par ailleurs, de nous faire part de vos éventuels liens d'intérêts en relation avec l'objet de notre mission d'information, et notamment de vos liens éventuels avec le fonds d'investissement CVC.
Je rappelle à tous que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat.
Avant que vous ne répondiez à nos questions, j'invite l'un d'entre vous à prendre la parole pour un propos liminaire d'une dizaine de minutes.
M. Jean-Pierre Caillot, président du collège de Ligue 1 de la LFP, président du Stade de Reims. - Il existe dans le football divers schémas économiques ; il vous sera donc tout aussi utile d'entendre mes collègues, qui représentent d'autres types de structures capitalistiques. Si je m'exprime en premier, c'est parce que mes collègues m'ont fait l'honneur, il y a quelques années, de me nommer président du collège de Ligue 1 de la LFP ; depuis le départ de Jean-Michel Aulas de l'OL, je suis le doyen des dirigeants de clubs professionnels : cela fait vingt ans que je dirige le Stade de Reims.
Merci de nous avoir invités et de nous donner ainsi la possibilité de nous exprimer. Je suis président du Stade de Reims, mais aussi chef d'une importante entreprise de transport et de logistique. Quand j'ai commencé ma carrière dans le football, j'ai compris que ce secteur donnait lieu à beaucoup de passion. On y trouve aussi beaucoup de gens qui s'autoproclament spécialistes sans savoir de quoi ils parlent, même vingt ans après avoir brièvement dirigé un club. La société et le football ont beaucoup changé en vingt ans ! Les impératifs auxquels nous devons obéir sont maintenant bien différents.
Je suis un peu le dernier des Mohicans : il n'y a plus beaucoup de présidents de clubs qui, comme moi, ont pris leurs fonctions quand celui-ci était en National, pour le faire grandir et arriver en Ligue 1 tout en gardant un capital maîtrisé, familial et régional. Mes compétiteurs en Ligue 1 sont des milliardaires étrangers, des États, des fonds d'investissement, ou des clubs appartenant à des multipropriétés faisant jongler leurs joueurs d'un pays à l'autre.
Le Stade de Reims a la réputation d'un club très bien géré. Pour la douzième année consécutive, la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) atteste que nos comptes sont positifs, ce qui est assez atypique. Un milliardaire a moins de mal à combler un déficit qu'un petit chef d'entreprise régional...
Le championnat de France a été arrêté à cause du covid, retirant aux clubs leurs recettes de guichet et d'hospitalités et les forçant à rembourser les avances versées par les abonnés qui le réclamaient ; heureusement, les nôtres ne l'ont pas tous fait. Il n'y avait plus de droits de diffusion télévisée, à cause de l'arrêt du championnat, mais aussi parce que le diffuseur n'a pas honoré ses engagements. Aujourd'hui, le trading est un élément essentiel pour beaucoup de clubs. Quand j'ai commencé ma carrière, le premier poste, c'était les droits télé, ce qui posait problème ; c'est pourquoi nous avons développé le trading, qui est maintenant notre première recette.
Quand tout s'est arrêté à cause du covid, il a fallu faire face. On ne pouvait avoir recours au chômage partiel pour les joueurs, dans la mesure où le championnat a repris sans public. L'aide apportée aux entreprises nous bénéficiait assez peu, nos joueurs étant en général rémunérés bien au-dessus du plafond de 4,5 fois le SMIC retenu pour l'application des exonérations de charge. Le Président Macron a organisé une table ronde le 17 novembre 2020 pour bien comprendre les problématiques du milieu sportif ; en tant que représentant du football français, j'y ai souligné que bien des clubs seraient forcés de déposer le bilan si des actions n'étaient pas entreprises. Des mesures ont alors été prises par l'État - des aides aux coûts fixes et des aides à la trésorerie - mais la Ligue 1 avait d'ores et déjà plus souffert que la Ligue 2, du fait de l'ampleur de notre masse salariale.
Ce que nous demandions alors assez unanimement à la LFP, c'était des moyens de disposer de recettes suffisantes pour ne pas déposer le bilan. La Ligue a eu recours à un prêt garanti par l'État, comme nombre d'entreprises et de clubs, et contracté un emprunt bancaire pour nous permettre de finir l'année et d'affronter nos échéances, mais ce n'était que des solutions de court terme. Beaucoup de clubs ont perdu une large part de leurs fonds propres.
Pour résoudre plus durablement ce déficit, plusieurs solutions étaient possibles. On pouvait penser à un emprunt traditionnel, mais les banques sont assez frileuses vis-à-vis du monde du football, qu'elles connaissent mal. Le président de la LFP a donc songé à solliciter le marché de manière différente, par le biais d'un fonds d'investissement. Les clubs professionnels ont soutenu à l'unanimité la procédure engagée en ce sens. Je n'étais pas au fait des discussions mais j'ai été, en raison de mes fonctions, très informé. La plupart des grands fonds d'investissement ont été consultés.
Quatre fonds d'investissement ont finalement été retenus. Aux yeux du président de club que je suis, le fonds CVC avait un intérêt particulier : il apportait beaucoup d'argent - 1,5 milliard d'euros - rapidement, tout en demandant moins de capital que les trois autres concurrents - moins d'un point de différence, mais au vu des sommes en jeu, c'était quand même intéressant pour un chef d'entreprise ; surtout, cet acteur a une bonne connaissance du sport et des droits télé, il est connu pour avoir révolutionné le paysage médiatique autour de la Formule 1 et d'autres sports. Au-delà de la rentrée d'argent, nous avons donc vu un partenaire prêt à nous aider à développer la société commerciale créée par la LFP et, plus largement, à développer notre football et à lui permettre d'exister à l'échelle européenne. L'enjeu n'est pas que le championnat français : aujourd'hui, alors que l'équipe de France nous fait honneur, nos clubs perdent régulièrement lors d'échéances européennes essentielles.
M. Michel Savin, rapporteur. - Merci d'avoir répondu à notre invitation. Plusieurs d'entre vous nous ont écrit pour nous proposer d'éclairer nos travaux par le point de vue de clubs professionnels directement concernés par cette nouvelle organisation, notamment le partenariat avec CVC. Il était bien dans notre intention d'entendre les dirigeants de clubs ; nous avons un grand nombre de questions à vous poser.
Ma première interrogation porte sur ces courriers reçus, qui semblent traduire une démarche concertée, d'autant qu'ils sont presque identiques, à l'exception de celui du Stade de Reims. Expriment-ils une initiative de la LFP ou de CVC, ou bien s'agit-il d'une démarche de chaque club ?
M. Jean-Michel Aulas, vice-président délégué de la Fédération française de football, ancien président de l'Olympique lyonnais. - Nous avions évoqué par le passé une telle rencontre dans le cadre de votre mission d'information. J'ai donc été surpris de ne pas être convoqué. Par ailleurs, j'ai lu dans la presse les déclarations faites lors de précédentes auditions, en particulier celles de M. Roussier, qui m'ont semblé être en complet désaccord avec la réalité et très intéressées, par rapport au club que celui-ci dirige, mais aussi à ses opérations antérieures : rappelons que M. Roussier a été responsable de la chaîne diffusant la Ligue 2. Quand Mediapro a rencontré des difficultés, il a tenté de créer sa propre chaîne, sur le fondement d'estimations très proches de celles qui sont présentées aujourd'hui. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative de vous écrire.
M. Michel Savin, rapporteur. - Cela ne répond pas à ma question : est-ce une démarche de chaque club ou une démarche commanditée par CVC ou la LFP ?
M. Joseph Oughourlian, président du RC Lens. - C'est une démarche de chaque club et c'estune démarche concertée. Tous les présidents de club ont été émus en découvrant les premières personnes convoquées par votre commission, car on y trouvait des gens qui sont depuis longtemps hors du monde du football : un président de l'Olympique de Marseille (OM) qui ne l'a été que très peu de temps, il y a longtemps, avant d'être congédié par Robert Louis-Dreyfus, ou encore le président d'un club qui était en Ligue 2 il y a peu, et qui, surtout, a été le dirigeant de plusieurs chaînes de télévision ayant toutes en commun d'avoir fait faillite. J'ai entendu parler de Jean-Michel Roussier dès 2016, quand j'ai racheté le RC Lens devant le tribunal de commerce et que le président de l'AS Saint-Étienne m'a proposé de fermer la chaîne Onzéo. Je lui ai demandé ce qu'était la chaîne Onzéo. Celle-ci diffusait des matches de nos deux équipes...
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous ne sommes pas là pour faire le procès de quiconque...
M. Joseph Oughourlian. - ... mais semblait surtout avoir pour objet de rémunérer très grassement M. Roussier. Nous avons fermé Onzéo ; on a ensuite retrouvé M. Roussier comme dirigeant de la chaîne de Mediapro, qui a duré deux mois, avant de faire faillite. Et ce sont ces gens-là qui viennent nous donner des leçons aujourd'hui ! Ce sont eux qui prétendent que nous avons pris des décisions absurdes, et vous leur permettez de le faire avec toute l'écoute possible dans ce lieu si respectable !
Nous nous sommes donc tous émus de cette situation, nous nous sommes parlé, nous nous sommes concertés, et nous avons décidé ensemble que chacun d'entre nous enverrait un courrier. Ils sont peut-être semblables, mais l'émotion est forte.
M. Michel Savin, rapporteur. - J'entends que la démarche est concertée. Dès lors, avez-vous eu recours aux prestations d'une agence spécialisée dans les questions de conseil en media training pour préparer la présente audition ?
M. Joseph Oughourlian. - Je n'ai pas besoin de media training... La réponse est non. (MM. Jean-Michel Aulas et Jean-Pierre Caillot le confirment.)
M. Olivier Létang, président-directeur général du Losc. - Nous exerçons tous cette activité depuis longtemps. Nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui, d'autant que nous avons été surpris par les premières auditions, où l'on a pu voir comme un procès à charge, instruit par des gens qui ne sont pas dans les clubs et n'étaient pas présents pendant les discussions. Personne ne connaît bien le football, cette activité si spécifique ! Aucune demande d'intervention ne nous a été faite par CVC, nous n'avons eu aucun contact avec eux, il n'y a pas eu non plus de demande de la Ligue. Simplement, nous avons été émus, nous nous sommes dit que nous devions venir rétablir la vérité : c'est bien ce que nous faisons aujourd'hui, sous serment.
Quant à votre dernière question, non seulement il n'y a pas eu de media training, mais nous ne nous sommes pas même réunis avant cette audition.
M. Michel Savin, rapporteur. - Merci de vos réponses ; je voulais que les choses soient claires avant de rentrer dans le fond du sujet.
Concernant l'épisode Mediapro, qui est en partie à l'origine des difficultés récentes du football professionnel, le président du PSG avait alors demandé une enquête interne à la LFP sur les circonstances du départ de Mediapro. Confirmez-vous l'existence de cette demande ? Quelle a été votre position ?
M. Jean-Michel Aulas. - En 2020, j'étais le seul président à vouloir que le championnat ne s'arrête pas. Le président de l'UEFA (Union des associations européennes de football) avait écrit pour me soutenir. À l'origine de nos difficultés, il y a le covid ! Bien sûr, Mediapro n'a pas tenu ses engagements, il y a eu un enchaînement très défavorable d'événements, mais ce n'est pas le seul facteur.
En 2006, je défendais à Bruxelles l'accès à la Bourse des clubs sportifs français, comme leurs homologues européens. Il a fallu une injonction de l'Union européenne pour que nous ayons accès à des capitaux financiers, pour construire un stade par exemple. On ne peut pas s'opposer à certaines dynamiques mondiales : le football est dans une dynamique de croissance que l'on ne rencontre dans aucun autre secteur, hormis sans doute le numérique, de plus de 10 % par an.
Mediapro travaillait à cette époque dans beaucoup d'autres pays ; on ne pouvait pas imaginer ce qui s'est passé. Un seul point avait été remarqué par le conseil d'administration de la LFP d'alors : les garanties financières étaient « limite ». Néanmoins, il y avait des partenaires étrangers qui auraient pu fournir une garantie en cas d'arrêt.
Pour répondre à votre question, je n'ai pas souvenir du détail de l'enquête. Simplement, tout le monde s'est interrogé pour savoir si la prise de risques était justifiée au vu des garanties apportées. On pourrait le faire aujourd'hui, dans d'autres situations.
M. Michel Savin, rapporteur. - Au moment de la demande d'enquête, les clubs professionnels se sont-ils interrogés sur le système ? Les montants affichés correspondaient-ils à la valeur d'alors du football professionnel français ? Quand Mediapro est parti, avec une soulte de 100 millions d'euros, Canal+ a assuré la fin de la saison, pour 35 millions d'euros. Amazon a ensuite obtenu les droits domestiques pour 250 millions d'euros, très loin des sommes promises par Mediapro. La LFP et les clubs n'ont-ils pas conclu à une surévaluation de l'offre de Mediapro ? Une étude a-t-elle été réalisée sur ce montage ?
M. Jean-Michel Aulas. - Je veux insister sur un point : le grand bénéficiaire de l'arrêt du championnat a été Canal+, qui n'a pas payé la fin de la saison. C'est bizarre que personne ne le dise !
M. Michel Savin, rapporteur. - Mais cela a été validé par la Ligue, n'est-ce pas ?
M. Jean-Michel Aulas. - On a été mis devant le fait accompli de l'arrêt du championnat. Canal+ en a déduit qu'il n'avait plus à assumer les règlements prévus.
M. Jean-Pierre Caillot. - Au moment de l'appel d'offres remporté par Mediapro, les autres offres étaient assez similaires. Mediapro avait certes une offre un peu plus élevée, mais ce n'était pas trois fois plus que les autres, ce qui nous aurait alertés. L'écart était totalement raisonnable. Il y a eu des tensions avec le diffuseur, quelques rancoeurs subsistent manifestement, mais il faut rappeler que nous avons accepté de brader à 35 millions d'euros la fin du championnat, pour redonner une chance à Canal+ et repartir sur des bases saines de négociation. C'est ce qui a été fait, mais Canal+ a refusé d'intervenir au même niveau qu'auparavant. Le président de la Ligue et ses équipes ont trouvé un autre diffuseur, Amazon Prime. Je m'occupais plutôt de la Ligue 2 alors, mais j'étais partie prenante à cet appel d'offres, et le fait est que Canal+ n'imaginait pas l'arrivée d'une offre américaine, ils ne voyaient comme compétiteur potentiel que beIN, dont ils s'étaient justement rapprochés en lui rachetant des matchs. Même si les dirigeants de Canal plus aujourd'hui disent le contraire, il y a beaucoup de gens qui sont abonnés à Canal plus pour suivre le football français.
L'épisode Mediapro n'était pas si fou que cela ! Parmi les présidents de clubs, il y a peut-être des représentants de fonds d'investissement qui ont l'habitude de manier les concepts économiques, mais il y a aussi beaucoup de gens de bon sens, qui ne se seraient pas engagés là-dedans si l'on avait considéré que c'était très mauvais. Et aucun acteur de marché n'accepte d'apporter une garantie sur de telles sommes.
M. Jean-Michel Aulas. -Après avoir perdu la première adjudication, celle du lot le plus important, Canal+ a fait des enchères à 1 euro ! Clairement, ils n'en voulaient plus.
M. Laurent Lafon, président. - Nous aimerions surtout savoir quels enseignements vous tirez de l'épisode Mediapro de manière plus structurante, pour ce qui est du marché des droits audiovisuels. Peut-on exister sur ce marché sans un distributeur ? Quel est le niveau d'abonnés raisonnable que l'on peut attendre ?
M. Jean-Michel Aulas. - Il faut dépasser l'histoire et plutôt partir des technologies, passer d'un système linéaire à une approche fondée sur internet, où chacun peut avoir accès à de multiples offres. La valeur est déterminée à un instant donné par le nombre d'utilisateurs potentiels d'un certain nombre de droits. Elle n'est évidemment pas du tout la même quand on parle de 1 million ou de 100 millions d'abonnés potentiels.
M. Olivier Létang. - On ne connaîtra jamais la valorisation réelle du marché à l'époque de l'offre de Mediapro.
M. Laurent Lafon, président. - Je suis bien d'accord, on ne refait pas l'histoire, mais quels enseignements avez-vous tirés de cet épisode ? La difficulté qui s'est posée alors est celle de trouver un distributeur ; en outre, le nombre d'abonnements ne correspondait pas à ce que vous escomptiez au moment de la passation du marché. Pensez-vous que le marché a fondamentalement changé depuis lors ?
M. Olivier Létang. - Le monde change, le football aussi. On était dans une situation unique : un diffuseur connu, qui opère dans d'autres pays, mais un événement extraordinaire, le covid. Parmi les cinq grands championnats d'Europe, nous sommes le seul pays où la compétition a été arrêtée ! Cette décision a eu un impact important sur les diffuseurs, donc sur les clubs. On ne peut pas comparer cette situation avec ce qui se passe aujourd'hui. On a aussi plus de recul maintenant, on voit comment évoluent les droits télé dans les autres pays, où l'on observe aussi un certain ralentissement. La question du distributeur continue de se poser, mais de manière tout à fait différente.
M. Michel Savin, rapporteur. - Après Mediapro et Amazon, arrive la proposition du président de la LFP de créer une société commerciale dont le fonds d'investissement CVC détiendrait 13 % du capital, en contrepartie d'un investissement de 1,5 milliard d'euros. La Ligue a approuvé à l'unanimité cette proposition, ainsi qu'une nouvelle distribution des revenus récurrents, lors de son assemblée générale du 25 mars 2022. Un plan d'affaires prévisionnel a alors été présenté.
Le président de Canal+ avait déclaré au lendemain de l'attribution des droits domestiques à Mediapro, pour quelque 800 millions d'euros, que cette somme était complètement déraisonnable. Ce jugement a semblé validé par le marché conclu trois ans plus tard avec Amazon, qui a obtenu ces droits pour 250 millions d'euros.
Dès lors, quels arguments vous ont convaincus, lors de la présentation du contrat avec CVC, d'approuver un plan d'affaires prévoyant de nouveau des recettes de droits télé de l'ordre de 1,1 milliard d'euros pour la saison 2024-2025, dont 863 millions pour les droits domestiques ?
M. Jean-Michel Aulas. - Après cette déclaration de son président, de fait, Canal+ a racheté à beIN les droits pour une valeur équivalente, 360 millions d'euros. On ne peut pas dire d'un côté que ça ne vaut pas une telle somme, et de l'autre les racheter pour le même prix ! Regardez ce qui vient de se passer pour les droits européens, qui ont une place importante dans l'économie du football : sur l'insistance de la France, l'UEFA a décidé de changer son système de compétition, pour passer à un système dit « suisse », avec une vingtaine de clubs qui peuvent tous s'affronter les uns les autres. Cela permet d'augmenter la valeur des droits de 3,2 milliards à presque 4,1 milliards d'euros, soit une croissance de près de 30 %.
M. Michel Savin, rapporteur. - Vous validez donc, aujourd'hui, l'évaluation à 863 millions d'euros des droits domestiques du football français ? Il semble pourtant difficile d'arriver à ce montant validé par la Ligue en 2022, ce qui risque d'avoir de lourdes conséquences pour certains clubs.
M. Jean-Michel Aulas. - C'est le marché. L'étude est faite ; ensuite, soit il y a des acheteurs, soit il n'y en a pas.
M. Maarten Petermann, représentant du fonds Merlyn Partners, propriétaire du Losc. - Avant tout, permettez-moi de vous remercier de votre invitation et pardonnez-moi de ne pas m'exprimer en français.
Notre club va fêter ses quatre-vingts ans en novembre prochain ; il a failli mourir d'une banqueroute à l'âge de soixante-dix-sept ans, aux alentours de décembre 2020. Il avait été victime d'un mauvais management et de mauvaises décisions économiques. En outre, c'était l'époque du covid, le championnat était suspendu et 90 % de nos revenus s'étaient envolés. Mais, lors de la reprise, nous nous sommes engagés auprès de Jean-Marc Mickeler, président de la DNCG, à être des propriétaires sérieux et fiables.
Nous nous sommes efforcés de négocier les salaires de nos joueurs au nom des circonstances exceptionnelles, sans succès. En outre, le secteur souffre d'un manque structurel d'attractivité financière. La seule ouverture d'un compte bancaire peut se révéler très compliquée. Cela étant, nous avons mené à bien la restructuration et rétabli une bonne santé financière en seulement trois ans, ce qui a supposé de renoncer au versement de tout dividende.
Les nouveaux actionnaires du football français sont conscients des besoins de financement qui se font jour. Il faut en effet réduire le différentiel existant avec les ligues concurrentes.
Pour ma part, si j'ai soutenu l'offre de CVC, c'est avant tout pour la raison suivante : mieux vaut posséder un petit pourcentage d'un ensemble en expansion qu'un fort pourcentage d'un ensemble qui stagne ou décline. Je gardais de surcroît un très bon souvenir du travail mené avec CVC pour la Formule 1, lorsque je travaillais chez J.P. Morgan. Enfin - j'y insiste -, aucune banque, aucun partenaire n'acceptait de nous soutenir financièrement. Cette solution semblait donc tout à fait naturelle.
M. Laurent Lafon, président. - Vous êtes tous de grands chefs d'entreprise, forts d'une indéniable réussite professionnelle. En vertu du plan d'affaires établi, les recettes domestiques devaient être d'environ 863 millions d'euros. Or on savait que le marché n'était pas tout à fait au rendez-vous. Pis, avec le recul, on estime désormais que ces droits seront au maximum de 500 millions d'euros. La somme négociée au titre du plan d'affaires, il y a deux ans seulement, était-elle économiquement crédible ?
M. Joseph Oughourlian. - Ce fut une erreur de recourir à Mediapro. Certes, c'est facile à dire avec le recul. Je précise que je ne faisais pas partie du groupe de présidents de la Ligue qui ont pris cette décision. Malheureusement, je ne connais que trop bien Mediapro puisque je préside l'une des plus grandes sociétés de médias espagnoles, le Grupo Prisa qui contrôle notamment El Pais et des actifs en Amérique latine.
Je connais très bien la réputation de Mediapro en Espagne. Ce n'était pas une bonne idée de donner 80 % des droits à un groupe qui n'a pas une bonne réputation, qui n'offre pas de garanties et qui n'est pas solide financièrement. Si vous pensez que nos plans actuels sont trop optimistes, consultez celui qui a été élaboré en 2018 par Mediapro : il est totalement fantaisiste.
M. Laurent Lafon, président. - Pour ma part, je vous parle de CVC...
M. Joseph Oughourlian. - Ce plan prévoyait notamment 4 millions d'abonnés en l'espace de deux ou trois ans : et, aujourd'hui, Jean-Michel Roussier vient nous donner des leçons... Je veux bien tout entendre mais il faut aussi recadrer.
De plus - Jean-Michel Aulas l'a rappelé -, en 2018, Canal + n'était pas dans le paysage. Cette chaîne est sortie des enchères pour procéder de gré à gré. C'est la loi des affaires et, bien sûr, rien ne l'interdisait. Canal + a fait le pari suivant : beIN n'est pas là, RMC n'a plus d'argent, Orange a renoncé depuis longtemps. Nous sommes donc seuls : nous allons tuer l'enchère. La Ligue a choisi ce qu'il y avait à l'époque, à savoir Mediapro. La série A a peut-être été plus sage en optant pour un autre diffuseur.
M. Laurent Lafon, président. - Je le répète, nous ne parlons plus de Mediapro...
M. Joseph Oughourlian. - Monsieur le président, nous parlons ici du monde des affaires. Quels que soient les écrans de fumée que certains s'efforcent de faire surgir, on se rend bien compte que tous les chemins mènent à Canal +, qui est présent depuis trente ans et qui détient les abonnés. Nous ne sommes pas face à des enfants de choeur : les négociations sont très âpres. Il ne faut pas être naïf.
Quant au prix, il est par définition difficile à déterminer dans une situation de monopole naturel doublé d'un monopsone. Le football français est extrêmement attractif : c'est bien pourquoi les fonds entrent dans les clubs et pourquoi CVC y investit. D'ailleurs, vous devriez vous réjouir de voir des capitaux étrangers arriver, d'autant que trop peu d'investisseurs français misent sur notre football.
Quand on n'est pas en situation de monopole, on observe que Nike double le contrat de la FFF, le portant de 50 à 100 millions d'euros. McDonald's double le contrat qui était celui d'Uber Eats pour le sponsoring de la LFP. Nous ne parlons pas de petites sociétés inconséquentes, mais de grands sponsors disposant d'une réelle expertise. Selon eux, le football français a doublé de valeur en l'espace de quelques années.
Le calcul du prix juste est d'autant plus compliqué que, dans notre métier, le prix détermine le produit. C'est un point très important et c'est tout le sens du plan CVC : dès lors que les droits sont mieux rétribués, on investit davantage dans les clubs, ces derniers deviennent plus performants à l'échelle européenne, plus attractifs, et le nombre de téléspectateurs augmente.
Ce cercle vertueux, les Anglais l'ont compris il y a trente ans : Sky a misé sur la Premier League pour rendre le produit plus attractif. C'est l'idée du deal avec CVC : la spirale vertueuse. C'est ce que CVC a essayé de faire avec la Liga : il n'a pas réussi, faute de pouvoir inclure le Real et le Barça. CVC est d'ailleurs en train de négocier avec la ligue mexicaine pour des montants tout à fait comparables à ceux dont nous parlons au sujet de la Ligue 1. Peut-être que ce n'est pas une bonne affaire pour CVC : à court terme, la situation semble compliquée, mais la vie est longue.
Quand nous avons voté pour le deal avec CVC, nous n'avons pas tant voté pour le plan d'affaires. Nous avons surtout voté pour vendre 13 % de la Mediaco. Nous étions tous pris à la gorge ; les autorités politiques françaises, dans leur grande sagesse, avaient totalement arrêté la compétition de football - c'est un cas unique en Europe - ce qui a tué les droits et, par ricochet, Mediapro.
On ne peut pas regarder le plan CVC sans tenir aucun compte du contexte : on ne parle pas ici du prix du sucre ou du lait. Cela ne marche pas comme ça dans notre métier.
M. Laurent Lafon, président. - La Ligue est tout de même une subdélégation de la FFF, qui est elle-même une délégation du ministère des sports. Vous dépendez d'engagements de l'État : il est normal que vous soyez placés sous le contrôle du Parlement.
M. Joseph Oughourlian. - Bien sûr, et nous avons nous-mêmes demandé à être entendus par vous.
M. Laurent Lafon, président. - Il y a deux ans, vous vous êtes engagés sur 863 millions de recettes des droits domestiques en 2024. Le plan d'affaires aurait pu décliner différentes hypothèses : il ne précise que celle-là. Aujourd'hui, on nous dit qu'il n'y aura que 500 millions d'euros, maximum : on est en droit d'être surpris d'un tel écart. Avec le recul, validez-vous toujours ce plan d'affaires ?
M. Jean-Michel Aulas. - En réponse à vos questions, qui - je le reconnais - sont tout à fait légitimes, je tiens à apporter une précision supplémentaire : CVC n'était pas seul à retenir cette évaluation. L'un des plus grands fonds français en technologie, Silver Lake, à qui j'ai cédé mon entreprise il y a quelques années, avait opté pour cette valorisation : il n'a pas été choisi et en a été fort déçu. S'y ajoutaient deux autres fonds, parmi les meilleurs finançant de la technologie et du sport. Silver Lake, battu sur le fil par CVC, est l'actionnaire de Manchester City. Nous n'avons pas eu affaire à des néophytes.
La valorisation ne tient pas simplement au nombre d'abonnés ou à la typologie des produits proposés. Les paramètres sont multiples. Ils dépendent notamment de la technologie, qui transforme les modes de diffusion. Vous avez noté qu'Apple s'intéresse désormais aux droits américains du sport, pour des montants bien supérieurs à ceux que l'on a pu connaître par le passé. La diffusion linéaire a cédé place à une diffusion mondiale, ce qui implique un changement complet d'approche.
Ainsi, je persiste à penser que le plan d'affaires de CVC était et est rationnel. Un certain nombre d'éléments de contexte, rappelés à l'instant par Joseph Oughourlian, doivent être pris en compte. En particulier, les alliances ayant présidé à la souscription d'un tel plan d'affaires ont toute leur importance. Je n'imagine pas un instant que nous ayons fait, à l'époque, une erreur d'évaluation.
M. Michel Savin, rapporteur. - Étant donné le rythme auquel nous avançons, nous risquons de devoir vous convoquer une seconde fois...
M. Jean-Pierre Caillot. - À l'époque, Canal + a racheté à beIN les droits de deux matchs pour 360 millions d'euros. Disons les choses telles qu'elles sont : le distributeur qui, aujourd'hui, dispose du monopole en France ne fait rien pour que d'autres acteurs puissent intervenir.
Vous l'avez lu dans la presse : quand beIN, très intéressé par le football français, ou d'autres tentent d'intervenir, ils se heurtent toujours à ce monopole. Aujourd'hui, la valeur du football français n'est pas si faible que cela. Elle n'est pas inférieure à celle du football espagnol ou italien.
M. Laurent Lafon, président. - Nous prenons note de vos réponses sur ce point.
M. Olivier Létang. - Si nous sommes devant vous aujourd'hui, c'est parce que l'appel d'offres des droits télé domestiques pose problème.
Les acteurs de CVC sont de grands professionnels, reconnus comme tels et très rationnels. Le football français dispose de la meilleure formation au monde. CVC a mis 1,5 milliard d'euros sur la table ; les trois autres candidats n'ont pu entrer et l'on conçoit leur déception. Le public des stades est sans cesse plus nombreux. Nous disposons d'un spectacle de qualité. Tous ces points sont positifs. Il n'y a qu'un élément négatif : les droits télévisuels domestiques, marqués par un contexte très particulier, à savoir la situation de monopole dont dispose le diffuseur.
J'ai un profond respect pour Canal +, pour tout ce que cette chaîne a fait en faveur du football depuis trente ans et, plus largement, en faveur du sport, en prenant à la fois la Champions League et la Formule 1. Mais j'insiste sur la problématique des droits domestiques du football français et sur le fait que Canal + est devenu un acteur bloquant.
Nous ne parlons pas ici de fonds publics, mais de fonds privés, qui viennent aider les clubs à se professionnaliser, à grandir et à gagner des compétitions.
M. Michel Savin, rapporteur. - Le président de la FFF, que nous avons auditionné, est comme nous très inquiet de l'avenir économique de certains clubs en cas de défaillance, si les montants espérés ne sont pas atteints. Certains clubs conserveront des ressources importantes grâce aux droits internationaux, mais pas tous. Comment équilibrer les budgets ? Comment réduire le nombre de transferts et rester à la hauteur du championnat européen ? Voilà les questions que nous nous posons.
Les montants des droits domestiques n'étant clairement pas à la hauteur du plan d'affaires, on est en droit de s'interroger sur la vraie valeur du football professionnel français. On a l'impression que les présidents de la Ligue n'ont pas tiré les leçons de l'épisode Mediapro...
M. Joseph Oughourlian. - Nous en avons tiré les leçons puisque nous avons vendu à un très bon prix 13 % des droits de la Mediaco.
M. Michel Savin, rapporteur. - En vertu du pacte d'associés, CVC dispose tout de même d'un certain nombre de garanties.
M. Joseph Oughourlian. - In fine, si CVC revend ses droits, il peut passer de 13 % à 14 % de l'ensemble. Franchement, ce n'est pas ça qui m'empêche de dormir la nuit.
M. Michel Savin, rapporteur. - C'est le budget tout entier que CVC peut remettre en cause le cas échéant.
M. Joseph Oughourlian. - Cela fait trente ans que je suis dans les affaires : par définition, quand on vend une affaire à quelqu'un, on fait un plan ambitieux. On ne part pas du principe que les perspectives sont compliquées. Je ne crois pas que Jean-Michel Aulas ait déclaré, lors de la cession de son affaire, que la situation risquait d'être difficile...
Dans cette histoire, nous avons fait une bonne affaire. Le deal avec CVC était inespéré. Tout ce que vous venez de dire ne fait que le confirmer : c'était, finalement, un très bon deal pour les clubs. Nous aurions tous aimé que CVC fasse une bonne affaire : les droits domestiques atteindraient 1 milliard d'euros et nous serions tous contents, même si vous pourriez alors nous reprocher d'avoir vendu trop bas. Nous devrions nous défendre en conséquence, en arguant des difficultés et des incertitudes rencontrées alors par le football français... Le Racing Club de Lens risquait de mettre la clef sous la porte, ni plus ni moins.
M. Jean-Michel Aulas. - En outre, nous parlons du football de manière globale sans prendre en compte l'incroyable développement qu'a connu dans le même temps le football féminin. Canal + y a souscrit, puisque c'est le diffuseur pour six ans. Il ne faut pas être pessimiste ; il va y avoir des solutions.
M. Laurent Lafon, président. - Monsieur Oughourlian, je suis surpris du parallèle que vous dressez avec une vente, alors qu'il s'agit d'une extension du capital.
M. Joseph Oughourlian. - Je pense qu'il y a un malentendu...
M. Laurent Lafon, président. - Vous n'avez pas vendu la Ligue ?
M. Joseph Oughourlian. - Nous avons vendu 13 % de la Mediaco, des droits audiovisuels.
M. Christophe Bouchet déclare, de manière tout à fait surprenante, que nous avons vendu des droits à l'infini. À cet égard, j'ai l'impression d'une confusion entre la dette et les fonds propres. Nous avons vendu les actions d'une société ; nous avons dilué notre capital. C'est la vie quotidienne des affaires.
M. Laurent Lafon, président. - Certes, mais vous avez fait un parallèle avec M. Aulas, qui, lui, a vendu l'OL. Ce n'est pas tout à fait la même opération.
M. Joseph Oughourlian. - Dans un cas, vous vendez toute la société ; dans l'autre, vous faites entrer un actionnaire minoritaire. C'est ce que j'ai fait l'an dernier au club de Lens. Je me suis dilué.
M. Jean-Pierre Caillot. - Vous parlez des droits télé sur la base de ce que vous lisez dans les journaux, alors que des négociations sont en cours. Par définition, tous les acteurs du marché s'efforcent de défendre leurs intérêts. Un vendeur ne dépréciera jamais le bien qu'il propose. Mais, dans ce cas précis, un des opérateurs fait tout pour tirer le prix vers le bas.
Il me semble effectivement nécessaire d'organiser une seconde audition : en cet instant, personne dans cette salle ne sait quelle sera, en définitive, la valeur des droits télé. La presse et les grands spécialistes sont plutôt pessimistes, je vous l'accorde. Mon club lui-même risque d'être en difficulté, demain, si les droits télé ne sont pas à la hauteur. Mais, à ce stade, sans être utopique, je reste optimiste.
M. Adel Ziane. - Nous ne nous contentons pas de lire la presse : nous menons un travail de fond depuis plusieurs mois, sous l'égide de notre président et de notre rapporteur, en rencontrant les acteurs du football français.
Nous ne sommes certes pas dans les affaires depuis trente ans, mais nous sommes, des élus des territoires depuis de nombreuses années ; et en cette qualité nous sommes particulièrement inquiets, car, dans les territoires, les clubs de football ont une grande importance, au-delà des enjeux économiques. Ils ont une mission éducative et jouent un rôle fédérateur.
Nous tous ici sommes des amoureux du football. Il ne s'agit pas de donner davantage de crédit à tel ou tel interlocuteur, mais de comprendre où va le football français.
Je ne suis pas là pour juger le deal avec CVC sur une base économique. De votre point de vue, c'était peut-être un bon deal à court terme. Mais, je le répète, nous devons comprendre la situation actuelle. Le président de la DNCG a notamment évoqué devant nous un scénario crash avec une perte de 20 %. Comment allons-nous passer collectivement ce cap ? Je pense notamment au modèle économique de certains clubs, comme Montpellier, dont 70 % du budget repose sur les droits télé. À cet égard, monsieur Oughourlian, pourriez-vous revenir sur le budget du club de Lens, et la nécessité de vendre pour 100 millions d'euros, que vous avez évoquée récemment lors d'un entretien à la presse ?
Enfin, le deal avec CVC ne va-t-il pas aggraver les inégalités entre clubs ? Ne va-t-on pas accélérer l'évolution vers un football à plusieurs vitesses ? C'est une autre de nos inquiétudes en tant qu'élus.
M. Olivier Létang. - Nous sommes tous des individus rationnels et responsables, mais nous sommes aussi là pour la passion et pour l'émotion.
Aujourd'hui, nos concitoyens souffrent beaucoup, et de plus en plus. Crise des gilets jaunes, épidémie de covid, guerre en Ukraine, inflation, élections anticipées : notre société devient de plus en plus anxiogène. Or ce qui, dans la vie de la Nation, met des dizaines ou des centaines de milliers de personnes dans la rue pour des raisons positives, c'est le football. C'est bien sûr extraordinaire, mais nous avons, de ce fait, une véritable responsabilité, que nous nous efforçons d'honorer.
Vous le soulignez avec raison, les clubs de football sont bien plus que des entreprises de spectacle. Vous n'imaginez pas tout ce que nous pouvons faire, que ce soit par nos fonds de dotation ou par nos fondations. Nous prenons soin de nos territoires, de notre communauté.
Nous sommes tous garants de l'argent public - toutefois, je le répète, dans le cas de CVC, nous ne parlons pas d'argent public. De même, nous sommes tous inquiets. À propos du deal avec CVC, le président de la FFF a parlé d'une opération vitale dans un contexte très particulier.
J'ajoute que l'acteur qui perd aujourd'hui le plus, c'est CVC. L'inquiétude de tout le monde, aujourd'hui, notamment dans les territoires, c'est le montant des droits télé. Mais la situation est tout à fait particulière : l'appel d'offre est en cours et il exige une certaine discrétion. Les discussions se poursuivent et, dans l'attente de leur résultat, tout le monde doit revenir à la raison. Nous devons aboutir à une situation juste et équilibrée ; à une solution bonne pour tout le monde.
Je suis conscient des impacts sociétaux du football, sur lesquels vous avez raison d'insister.
M. Michel Savin, rapporteur. - Le Parlement a voté la possibilité, pour les ligues, de créer des sociétés commerciales ; nous n'y sommes donc pas opposés par principe.
J'ajoute que nous n'avons certainement pas pour but de faire le procès de la Ligue. Au début de nos travaux, en mars dernier, nous espérions tous qu'elle trouverait un partenaire et que les droits télé resteraient à la hauteur du plan d'affaires. Nous nous posons simplement un certain nombre de questions, en particulier quant à l'avenir de certains clubs.
À vous entendre, CVC serait le grand perdant. Mais quelles seront les conséquences pour la Ligue si - j'espère que ce ne sera pas le cas - les représentants de CVC ne votent pas le budget, au motif que l'écart avec le plan d'affaires est supérieur à 10 % ? Le risque pris par CVC reste très mesuré comparé à celui qu'encourt la Ligue. À l'évidence, il faut tirer les leçons de cette opération et corriger certains dispositifs en conséquence, dans une logique de vigilance.
M. Olivier Létang. - Qu'il n'y ait aucune ambiguïté : nous sommes là pour répondre à toutes vos questions, sans exception, et nous comprenons vos interrogations. Mais la problématique principale, ce sont les droits télé domestiques.
M. Maarten Petermann. - À mon sens, CVC, les clubs et la Ligue visent le même objectif : faire grandir le football français, le rendre plus compétitif et augmenter le montant des droits. Les clauses de protection des actionnaires minoritaires sont légitimes et usuelles pour contenir d'éventuelles dérives, qui plus est quand il s'agit de tels montants.
M. Laurent Lafon, président. - L'accord conclu avec CVC prévoit le versement de 1,5 milliard d'euros, pour bonifier le produit Ligue 1 et entraîner un cercle vertueux qui justifie la valorisation des droits de télévision. À peu près 1,1 milliard d'euros, réparti sur trois années, est reversé aux clubs, ce qui participe à cette valorisation du produit. Qu'avez-vous fait, en tant que présidents de club en activité, de la part de ces fonds CVC qui vous est revenue, à hauteur de 80 millions d'euros, par exemple, pour le Losc ? Je crois que le Losc n'en a pas encore perçu l'intégralité, mais qu'il attend un versement cette année.
M. Olivier Létang. - Quand Maarten Petermann et moi-même nous sommes arrivés au mois de décembre 2020, le club du Losc était mort économiquement. Je suis d'ailleurs surpris que l'on ait pu redonner un club français à une personne qui n'a toujours pas son domicile fiscal en France et qui a déjà coulé d'autres clubs à l'étranger. En tant que citoyen, payant mes impôts en France, voir quelle est la situation de ce club aujourd'hui en dépit de l'utilisation de fonds publics... C'est assez moyen !
Depuis, nous avons sauvé le Losc et lui avons permis de respirer économiquement. Le club est aujourd'hui sain financièrement. Nous avons utilisé les fonds CVC non pour réduire sa dette ou retrouver des capitaux propres positifs, mais pour investir dans la formation - celle de notre académie -, dans les infrastructures et le digital. Cela faisait cinq ans qu'aucun des joueurs de l'équipe professionnelle n'avait été formé au sein du club. Nous en avons eu huit l'année dernière, dont trois titulaires. Grâce à nos investissements dans le digital, nous battons ces deux dernières années les records de chiffre d'affaires en ticketing et en merchandising. En ce qui concerne les infrastructures, nous avons investi dans le domaine de Luchin. Nous ne pouvons en revanche pas investir dans notre stade, car nous n'en sommes pas propriétaires.
M. Laurent Lafon, président. - Quels montants précis avez-vous investis sur le total de 80 millions d'euros que vous avez reçu ?
M. Olivier Létang. - Le fléchage est difficile, peut-être 30 millions d'euros. Mais 31 millions d'euros doivent encore nous parvenir l'année prochaine, que nous utiliserons de nouveau dans la formation, les ressources humaines et les infrastructures, pour rendre le club plus fort.
M. Jean-Pierre Caillot. - Pour notre part, nous avons tout perçu, car nous avons perçu beaucoup moins : 33 millions d'euros.
Le Stade de Reims a la réputation d'être un club bien géré. Nous avons passé la crise sanitaire un peu mieux que d'autres. Vous évoquiez les actions menées pendant le covid-19. Notre club est le seul, en France, à avoir demandé à ses joueurs de consentir une diminution de 20 % de leur salaire. L'ensemble du personnel l'a acceptée. Ces actions ont contribué à ce que nous ne sortions pas de la crise avec des fonds propres négatifs, comme un certain nombre de clubs.
Quand le Président Sarkozy a inauguré à Reims le centre de formation et d'entraînement Raymond Kopa, j'étais persuadé, avec ma casquette de chef d'entreprise de la logistique, que je serais tranquille pour dix ans. Nous en sommes à la phase quatre du développement de ce plan.
Concrètement, nous avons investi environ la moitié de l'argent que nous avons reçu dans les infrastructures, dans le développement de la formation et celui de notre centre de formation. Nous sommes obligés d'être vertueux sur la préformation et la post-formation dans la mesure où ce sont des éléments essentiels de l'économie du Stade de Reims.
Le reste de ce que nous avons reçu est allé dans le quotidien de nos dépenses, c'est-à-dire dans la masse salariale, le développement et l'amélioration de l'équipe première, en renforçant les staffs, ou, à la marge, vers d'autres domaines, tel le digital.
M. Jean-Michel Aulas. - Je peux également vous répondre, parce que j'étais alors président de club en exercice. À l'Olympique lyonnais, une moitié des fonds a été investie dans le développement du football féminin, qui vient d'être revendu par mon successeur pour plus de 100 millions de dollars ; l'autre moitié dans la construction d'un équipement, une salle de 16 000 places, afin de développer d'autres activités comme le basketball. Cette salle vient également d'être revendue, pour un montant de 160 millions d'euros. L'effet de levier a donc été considérable.
M. Joseph Oughourlian. - Nous avons aussi investi dans la formation, dans l'amélioration de l'équipe première - à l'époque, le club venait de monter de la Ligue 2 à la Ligue 1 et il fallait être à la hauteur, ce que nous avons fait en finissant septième du championnat - et dans nos infrastructures, qui sont assez importantes avec le centre d'entraînement de La Gaillette créé en 2000. Quand j'ai repris le club en 2016, ces infrastructures avaient été négligées pendant plus de douze ans, le club ayant passé le plus clair de cette période en Ligue 2.
M. Olivier Létang. - Au Losc, nous utilisons ces montants sur trois saisons, mais nous anticipons l'après CVC. À partir de 2025-2026, nous ne les aurons plus dans notre compte d'exploitation et la question des droits télévisuels redeviendra centrale.
M. Michel Savin, rapporteur. - Dans son accord avec CVC sur la société commerciale, la LFP s'engage à indemniser et à tenir quittes les titulaires d'actions de préférence, en l'occurrence CVC, contre toutes les conséquences financières que ces titulaires et cette société subiraient. On voit que CVC a pris beaucoup de garanties.
Nous nous interrogeons à l'égard de ceux qui ont validé l'accord. Il y a certes les présidents de club, mais nous avons aussi demandé à la ministre alors en charge des sports si elle avait eu connaissance du pacte d'associés : elle ne l'a pas eu en sa possession. Or ce document, avec un investissement de CVC à hauteur de 13 %, peut avoir des conséquences notables sur l'ensemble des clubs et la Ligue si - ce que nous n'espérons pas - CVC faisait jouer les droits qui sont les siens en cas de difficultés.
Par ailleurs, certains clubs risquent de pâtir de la fin de l'apport de CVC, avec un troisième et dernier versement cette année, ainsi que des effets d'une nouvelle répartition des droits de retransmission si malheureusement ces droits ne sont pas à la hauteur de ceux qui ont été précédemment obtenus. Les quelques clubs français participant aux compétitions européennes bénéficieront pour leur part de droits européens en nette augmentation. Trouvez-vous la nouvelle répartition équitable ? Comment expliquer que l'ensemble des clubs en aient validé la proposition, alors qu'elle peut nous conduire à un championnat à deux vitesses avec, d'un côté, le PSG, qui dispose de moyens financiers propres, et, de l'autre, certains clubs très pénalisés ? Est-ce une bonne nouvelle pour le football français ?
M. Jean-Michel Aulas. - La répartition adoptée se fonde sur un choix d'élitisme, qui a, lui-aussi, été fait à l'unanimité. On considère qu'il s'y associe une forme de « ruissellement », bénéfique à l'ensemble des clubs, pour autant que le plan retenu réussisse. Dans le cas contraire, il y aurait probablement matière à revoir, de manière démocratique, les clés de répartition. Quoique je ne sois plus à la LFP ni président de club, la question m'intéresse beaucoup en tant que vice-président de la FFF.
Au demeurant, il n'y a pas que les répartitions de droits qui peuvent poser problème. Dans notre système, des clubs aux moyens totalement différents coexistent. Des réflexions seront sûrement à mener s'il advient que l'équilibre choisi ne convient plus.
J'ai trente-six ans d'expérience du football et jamais une telle décision n'avait été prise à l'unanimité. Rendons à Vincent Labrune ce qui lui revient : il a su mettre d'accord les acteurs de deux divisions sur un plan ambitieux et qui, pour l'heure, n'a pas échoué. Le fonds CVC est devenu actionnaire et partenaire. Ses représentants, que vous entendrez cet après-midi, ont certainement aussi des idées à faire valoir pour que le plan réussisse.
Je suis convaincu que les cartes ne sont pas jouées. En revanche, il est gênant que les travaux de la mission d'information interfèrent avec l'appel d'offres. Leur exposition médiatique perturbe nos projets.
M. Michel Savin, rapporteur. - La presse ne couvre pas tant que cela nos travaux.
M. Maarten Petermann. - Nombre d'éléments sont entrés en ligne de compte pour décider la répartition entre les clubs des sommes versées par CVC. Le Losc a perçu 80 millions d'euros, ce qui l'a placé dans le haut du classement des bénéficiaires, sans que nous n'exercions une quelconque forme de lobbying.
Qu'on le veuille ou non, il est normal que le PSG obtienne la part la plus significative car, sans lui, la Ligue 1 perdrait beaucoup de sa valeur et de son intérêt.
Dans le choix de la répartition, le nombre des supporteurs et d'abonnés a également eu son importance. Il est encore logique de valoriser le travail des clubs français sur la scène européenne. Leurs bons résultats dans les compétitions européennes permettent au football français d'obtenir des places supplémentaires en Ligue des Champions, en Ligue Europa ainsi qu'en Ligue Europa Conférence, ce qui est une bonne chose.
La question de l'équité de la répartition a toute sa place et il me semble qu'on s'en est emparé avec tout le sérieux requis.
M. Jean-Pierre Caillot. - Aujourd'hui, au commencement du championnat, on a 40 % de chances d'atteindre une place qualificative à une compétition européenne pour la saison suivante. La clé de répartition que vous évoquez retient un historique de trois années. Des clubs comme le Toulouse FC ou le FC Nantes qui, bien qu'ils aient brillé cette année, ne seront pas européens l'an prochain, conservent donc la possibilité, en poursuivant leur travail, d'accéder aux droits internationaux. C'est ce qui me motive tous les matins.
M. Joseph Oughourlian. - Délibéré, le choix a en effet été celui de l'élitisme. Tandis que, en points UEFA, nous nous faisions rattraper par les Pays-Bas et le Portugal, il importait de conforter la place de la France dans les compétitions européennes, afin que chaque club augmente ses chances de pouvoir les disputer. Nous mettons de l'argent sur les clubs européens, de sorte qu'ils investissent davantage et obtiennent de meilleurs résultats dans ces compétitions.
Sur les droits télé qui seraient répartis d'une manière inéquitable, soyons réalistes, les audiences nous montrent que le PSG est - malheureusement, parce que cela ne va pas dans l'intérêt du RC Lens - très au-dessus des autres clubs. On peut ajouter ensuite l'Olympique de Marseille ou l'Olympique lyonnais.
Une autre ligue nationale, la Liga espagnole, a essayé, dans son accord avec CVC, de se montrer plus équitable envers les petits clubs dans sa répartition des droits. Elle s'est alors confrontée au refus de ses deux principaux clubs, le Real Madrid et le FC Barcelone. Ces clubs ont saisi les tribunaux pour contester la validité de l'accord, lequel reste d'un point de vue juridique en suspens. S'ils devaient gagner leur recours, les autres clubs espagnols qui ont encaissé des droits CVC depuis quelques années pourraient être contraints de les reverser.
L'unanimité des clubs que nous avons obtenue en France ne se constate, pour l'instant, dans aucune autre ligue. Nous verrons si les Mexicains y parviennent à leur tour. Il était évident qu'il fallait donner plus aux grands clubs européens - le PSG, l'Olympique de Marseille, l'Olympique lyonnais. Nous avons finalement trouvé un compromis.
Il n'est peut-être pas le meilleur, et un problème persiste, celui des clubs qui, passant de la Ligue 2 à la Ligue 1, ne perçoivent rien, contrairement aux clubs relégués. C'est en partie ce que Jean-Michel Roussier, le président du club du Havre, met en avant. Je lui réponds que, lorsque le RC Lens est monté en Ligue 1, nous nous sommes retrouvés face à une Ligue qui s'était endettée en recourant au dispositif du prêt garanti par l'État (PGE), qu'elle a remboursé pendant trois ans. Ce PGE était destiné à payer aux clubs les droits de la fin du championnat, que la chaîne Canal+ avait refusé d'acquitter en raison de l'arrêt de la compétition. Notre club n'a alors touché aucune part de cet emprunt, tout en contribuant ensuite, avec les autres clubs, à le rembourser durant trois ans. J'en tire pour leçon, non que nous n'aurions pas dû payer, mais que nous n'aurions pas dû passer les douze années précédentes en Ligue 2.
M. Michel Savin, rapporteur. - Vous évoquez l'Espagne, nous pourrions peut-être citer aussi l'Angleterre, où les écarts entre les différents clubs sont beaucoup moins importants.
Notre inquiétude concerne des clubs comme le Stade de Reims, qui ne parviennent pas à évoluer à l'échelon européen, au moins une fois tous les trois ans, et qui, en conséquence, ne bénéficient pas des mêmes droits que d'autres clubs. Le Stade de Reims est aujourd'hui présidé par un chef d'entreprise français, mais il pourrait entrer demain, s'il devait faire face à des difficultés, dans la spirale des reprises par des fonds d'investissement étrangers.
Vous dites tous que la répartition des droits télé a été votée à l'unanimité. Au cours de nos auditions, des personnes ont indiqué que certains présidents de club avaient subi des pressions pour voter l'accord ou, à tout le moins, pour ne pas voter contre. Niez-vous cette affirmation ?
M. Olivier Létang. - C'est la première fois que je l'entends.
M. Jean-Michel Aulas. - Je représentais la FFF et n'étais donc pas directement partie prenante. Il n'y a jamais eu de pression de ce type. C'est à mettre au crédit de Vincent Labrune : il a su faire l'unanimité sur un projet d'entreprise.
Ce projet rencontre en ce moment quelques difficultés de concrétisation pour les raisons que nous connaissons. Peut-être aussi l'organisation du paysage audiovisuel est-elle ainsi faite qu'il est complexe de réussir avec un plan ambitieux.
M. Laurent Lafon, président. - Dans le procès-verbal du conseil d'administration du 25 mars 2022 de la LFP, au cours duquel vous avez décidé de signer avec CVC, nous lisons que Vincent Labrune « insiste pour expliquer à quel point cette unanimité est un élément fondamental pour CVC compte tenu des précédents observés dans d'autres pays européens pour des opérations similaires. » C'est tout de même une forme de pression !
M. Jean-Pierre Caillot. - Si c'est cela qu'on appelle de la pression...
M. Jean-Michel Aulas. - Nous ne l'avions pas compris en ce sens.
M. Jean-Pierre Caillot. - En tant que président du collège de Ligue 1 à la LFP, j'ai personnellement animé les discussions sur la répartition des droits. Chaque club a regardé l'intérêt général. Peut-être est-ce dû à la crise sanitaire, car cela n'avait jamais été le cas auparavant...
Le club de Montpellier a également touché 33 millions d'euros, ce qui correspond au versement pour des clubs moyens. Mon homologue et moi-même nous sommes d'abord demandé pourquoi un club comme le Clermont Foot 63, qui venait d'accéder à l'élite, recevait le même montant que nous. Nous aurions pu, chacun, défendre notre chapelle. Le fait est qu'un club comme le PSG, quand il vient chez nous, nous permet de jouer à guichet fermé. Trois groupes étaient prévus pour la répartition. L'unique aménagement a concerné l'Olympique lyonnais et l'Olympique de Marseille : ces clubs ont obtenu 10 millions d'euros de plus que les nouveaux clubs qui, tels que le Losc, le Stade rennais ou l'OGC Nice, atteignaient leur niveau. Cela a été la seule discussion.
Personne n'est parti de son côté en pensant « se faire avoir ». Ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs. Personne n'a eu un revolver sur la tempe pour signer.
À mon modeste niveau, j'ai jugé que la somme de 33 millions d'euros qui nous revenait, parce que nous sommes sérieux et que nous avons une gestion rigoureuse de notre club, nous permettrait d'être plus compétitifs. Si je compare mon club à ses concurrents, deux solutions sont possibles : rendre les clés et vendre à un fonds d'investissement, ou se relever les manches, créer une aventure et essayer d'exister. C'est ce combat-là que le Stade de Reims mène au quotidien, au sein du football français !
M. Maarten Petermann. - Depuis des années, de nombreux fonds d'investissements ont essayé de prendre des participations dans des championnats européens comme l'Italie ou l'Espagne - le championnat français n'a pas été leur premier choix ; il a même plutôt été le dernier -. En dépit de leurs efforts, leurs tentatives ont toujours échoué. Leur échec a précisément tenu à un défaut d'unanimité entre les clubs, particulièrement entre les petits clubs et les clubs moyens qui ne se mettaient jamais d'accord.
C'est pourquoi, face à CVC, nous avons dès le départ défendu l'idée selon laquelle, si nous voulions attirer les investisseurs, nous devions nous montrer unis et mettre de côté toutes les différences qui prévalent entre nos clubs et leurs présidents. C'est ce qui nous rendrait attractifs par rapport à d'autres championnats. Nous y sommes parvenus.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous constatons néanmoins qu'il y a des positions un peu différentes, notamment sur la répartition. Certains souhaitent la conserver pour être compétitifs à l'échelle européenne, d'autres, comme Jean-Michel Aulas, nous disent qu'il faudra peut-être envisager d'en rediscuter les modalités. Si les objectifs affichés ne sont pas atteints, une nouvelle discussion pourrait s'engager au sein de la Ligue. Rien ne l'interdit...
M. Jean-Pierre Caillot. - Vous avez raison. Nous allons être factuels et prendre les étapes une par une. Si, en fonction de nos résultats, la situation devenait inacceptable, avec des petits clubs éprouvant des difficultés, nous nous remettrions autour de la table. Ce ne sont pas de vains mots : depuis que Vincent Labrune en assure la présidence, la Ligue privilégie toujours, dans ses décisions, l'intérêt général de ses clubs.
M. Jean-Michel Aulas. - Le premier intéressé reste CVC, qui a conscience de la situation. Et ce partenaire dispose d'infiniment plus de moyens que d'autres acteurs pour dégager des solutions.
M. Michel Savin, rapporteur. - Le journal L'Équipe indique que la LFP prévoit la création d'une chaîne consacrée à 100 % à la Ligue 1, avec un abonnement de 25 euros par mois. La valorisation en serait d'un peu plus de 700 millions d'euros annuels, avec une première année à 540 millions d'euros.
Au regard de précédentes tentatives, que pensez-vous de ce projet ? La situation actuelle des droits télé ne peut que rappeler celle que nous avons connue en 2020. Mediapro annonçait alors également un abonnement mensuel de 25 euros. Ne sommes-nous pas en train de répéter les mêmes erreurs ?
M. Joseph Oughourlian. - À ma connaissance, Mediapro visait 4 millions d'abonnés. Sans dévoiler les négociations actuelles du collège Ligue 1 de la LFP, disons que le plan présenté est infiniment plus raisonnable. Il nous est évidemment délicat de le commenter plus avant.
Par ailleurs, Mediapro n'avait que 80 % des matchs de la Ligue 1 - et non les meilleurs ! -, beIN Sports puis Canal+ ayant pris la part restante. Si, pour la première fois depuis bien longtemps, une chaîne détient l'exclusivité de tous les matchs de la Ligue 1, nous pouvons espérer qu'il y ait moins de confusion, que le consommateur s'y retrouve et que nous ayons en définitive davantage d'abonnés.
M. Maarten Petermann. - J'ai eu l'occasion de dire à Vincent Labrune qu'il était primordial qu'une offre unique donne aux amateurs de football français l'accès à l'ensemble des matchs et leur permette de suivre leur équipe favorite quelle que soit la compétition dans laquelle elle est engagée. Il y a plusieurs moyens d'y parvenir.
M. Jean-Pierre Caillot. - Avoir par le passé réparti les droits audiovisuels entre différents opérateurs nous a certainement fait perdre du public. Pour les passionnés que nous sommes, parvenir à voir le football suppose que nous nous abonnions à beIN Sports, à Amazon Prime, ou à d'autres diffuseurs, pour un budget mensuel total d'environ 70 euros. Sous cet angle, le projet actuel représente une avancée. Il va ensuite falloir négocier avec les différents diffuseurs.
M. Laurent Lafon, président. - L'appel d'offres que vous aviez lancé voilà quelques mois comprenait pourtant plusieurs lots.
M. Jean-Pierre Caillot. - L'appel d'offres avait été reconstruit et il aurait en effet pu y avoir deux diffuseurs. Nombre de mes amis me disent ne plus s'y retrouver dans les abonnements. Nous allons dans le sens d'une simplification, qui nous permettra de regagner des abonnés. Il deviendra beaucoup plus simple pour tout un chacun de suivre le championnat français.
M. Laurent Lafon, président. - Vous le dites parce que l'appel d'offres a échoué. Pourquoi n'y avoir pas d'abord intégré cet objectif ? Nous ne serions peut-être pas dans la même situation.
M. Jean-Pierre Caillot. - C'était mon sentiment, mais il fallait laisser travailler les professionnels. On pouvait aussi imaginer, sans concevoir un nouveau Mediapro, qu'un seul opérateur prenne les deux ou trois lots proposés. Il en a été un moment question. Les équipes de la LFP ont été les premières surprises que certains diffuseurs ne concrétisent finalement pas une offre qui semblait leur être accessible.
M. Joseph Oughourlian. - Si nous avions pu trouver un diffuseur au prix que nous souhaitions, le marché se serait fait. C'était assurément la meilleure solution pour tout le monde. La Ligue a offert plusieurs lots parce que les diffuseurs ne disposaient pas de l'argent nécessaire à l'achat de l'intégralité des droits. Peut-être terminerons-nous avec un seul diffuseur, mais tous nous disent de manière constante qu'il leur est difficile de réunir de telles sommes.
Les fonds entrent dans les clubs français car les grandes entreprises françaises n'y investissent pas ; elles investissent dans la publicité et le sponsoring. On peut, ou non, le regretter. Celles qui l'ont tenté, comme Peugeot avec le FC Sochaux-Montbéliard, se sont retirées. En Allemagne, où le lien entre le monde des affaires et celui du football est fort, investir dans les clubs est au contraire quelque chose de très commun.
En France, les autorités publiques ne portent pas un regard bienveillant sur le football et n'aiment guère lui apporter leur aide, qu'il s'agisse des infrastructures ou d'avantages fiscaux existant pourtant partout ailleurs en Europe. N'importe quel club français paie ainsi plus d'impôts que le Bayern Munich. C'est culturel. On retrouve aussi cette attitude dans la manière dont les supporteurs sont parfois traités, notamment par les préfets.
Quant au diffuseur national, il préfère payer les 480 millions d'euros des droits de la Ligue des Champions, enrichissant ainsi les autres clubs européens, plutôt que de mettre de l'argent dans la Ligue 1. D'une certaine façon, Canal+ et nous avons échoué et nous nous sommes perdus. Comme dans un divorce, toute la faute n'en revient pas à la chaîne ou à la LFP. Pour notre part, nous devons comprendre ce qui s'est passé, en tirer les leçons et renouer une relation de confiance avec Canal+.
Dans un tel contexte, quand Merlyn Partners reprend le Losc, qui était en situation de banqueroute - ce que tout le monde savait -, c'est une très bonne nouvelle pour les supporteurs de ce club. Il en va de même quand le fonds Redbird reprend le Toulouse FC en Ligue 2, pour le ramener en Ligue 1 et lui donner après seulement un an la possibilité de jouer une compétition européenne, ou lorsque CVC apporte au football français la somme inespérée de 1,5 milliard d'euros.
Ces nouvelles sont extrêmement positives, dans la mesure où les acteurs français sont absents. C'est un sport national, dans notre pays, de dénigrer le football français, en faisant état de son opacité, de l'incompétence de ses présidents de club ou du manque de compétitivité de nos équipes en Europe. Heureusement que nous avons bénéficié de ces fonds. Je le dis d'autant plus volontiers que, comme Jean-Pierre Caillot au contact duquel j'apprends beaucoup, je ne représente pas un fonds. Je suis entré à titre personnel au RC Lens et je me suis sans doute personnellement trop exposé d'un point de vue financier...
M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie de ces réponses. J'ai oublié de préciser que le président de l'Olympique de Marseille avait souhaité être entendu par notre mission d'information. Nous lui avions proposé de s'exprimer à vos côtés, mais son emploi du temps l'en a empêché.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 40.
La réunion est ouverte à 16 heures.
Mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français - Audition de MM. Jean-Christophe Germani, président, et Édouard Conques, managing director de CVC Capital Partners
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons les auditions publiques de notre mission d'information, dotée des pouvoirs des commissions d'enquête, sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français.
Je remercie MM. Jean-Christophe Germani et Édouard Conques d'être présents aujourd'hui pour répondre à nos questions.
Messieurs, vous êtes respectivement managing partner et senior managing director du fonds d'investissement CVC Capital Partners. À ce titre, vous êtes membres du comité de supervision de la filiale de la Ligue de football professionnel (LFP), dénommée LFP Media, qui est chargée de la commercialisation et de la gestion des droits audiovisuels des compétitions organisées par la LFP.
À partir de 2022, le fonds d'investissement CVC a en effet acquis progressivement 13 % de cette filiale, moyennant un apport de 1,5 milliard d'euros. Ce partenariat valorise donc la Ligue à environ 11,5 milliards d'euros. Grâce à l'apport initial de CVC, les clubs perçoivent environ 1,2 milliard d'euros d'aides réparties sur trois saisons.
Conformément à la loi du 2 mars 2022, la filiale LFP Media s'est vu confier l'ensemble des droits d'exploitation de la Ligue 1, c'est-à-dire non seulement les droits audiovisuels, mais aussi les activités de publicité, de marketing et de sponsoring ; seules les activités liées aux paris sportifs relèvent toujours de la LFP.
Cette audition a d'abord pour objet de bien comprendre les modalités de cette opération financière complexe, dans laquelle la sophistication peut être parfois l'ennemie de la clarté, surtout pour ceux qui, comme nous, ne maîtrisent pas aussi bien que vous les mécanismes financiers.
Messieurs, vous nous expliquerez ce que CVC apporte au football français : à court terme c'est assez évident, compte tenu de l'apport de 1,5 milliard d'euros que je viens d'évoquer.
À plus long terme, l'équilibre du partenariat soulève, selon nous, davantage de questions : les clubs se sont privés d'une partie importante de leurs recettes pour une durée indéterminée. À partir de la saison prochaine, CVC exercera son droit à dividende prioritaire sur l'ensemble des revenus d'exploitation de la Ligue, tout en récupérant, par ailleurs, deux années de dividende différé.
Les clubs doivent donc construire leur budget en fonction de cette réalité nouvelle, alors même que l'évolution des droits audiovisuels reste très incertaine. Pour justifier la nécessité de ce partenariat, la LFP met en avant la valeur ajoutée stratégique des fonds d'investissement, et donc de CVC.
L'objectif est de relancer le championnat de football français pour lui permettre de rester compétitif par rapport à ses quatre grands concurrents européens. Au regard de l'évolution des droits audiovisuels et de ses conséquences, il n'est malheureusement pas certain que l'on en prenne le chemin... Les difficultés à vendre la Ligue 1 suscitent des interrogations quant à la réalité de cette valeur ajoutée apportée par CVC et à quant à la valeur même de la Ligue 1. L'équilibre du marché semble dépendre d'abord et avant tout de la situation concurrentielle, qui ne semble pas être à l'avantage de la LFP.
Je rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu publié.
Je rappelle également qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Jean-Christophe Germani et Édouard Conques prêtent serment.
Je précise également qu'il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêts en relation avec l'objet de la mission d'information, dotée des pouvoirs des commissions d'enquête, en dehors de ceux, évidents, avec CVC.
M. Jean-Christophe Germani, président de CVC Capital Partners. - Je déclare n'avoir aucun autre lien que celui, évident, que vous avez mentionné.
M. Édouard Conques, managing director de CVC Capital Partners. - Je déclare également n'avoir aucun lien d'une telle nature.
M. Laurent Lafon, président. - Messieurs, si cela vous convient, je vous donne la parole pour un propos liminaire, avant de vous poser quelques questions, en commençant par celles de notre rapporteur, M. Michel Savin.
M. Jean-Christophe Germani. - Nous sommes heureux d'être présents devant vous aujourd'hui, ce qui va nous permettre de vous éclairer sur l'activité de CVC Capital Partners et de répondre à vos questions.
À titre personnel, j'ai rejoint la société CVC voilà onze ans. Je la représente en France ; je suis donc responsable de l'ensemble des activités d'investissement de CVC sur le territoire national. Le bureau parisien de CVC a été ouvert en 1986, voilà donc presque quarante ans. Cette présence en France, qui est ancienne, atteste de l'intérêt que CVC porte à notre pays, à ses entreprises, à ses talents ; nous disposons ainsi d'une connaissance fine, à mon sens, des différents secteurs économiques du pays.
Je suis accompagné d'Édouard Conques, mon associé et collaborateur, avec qui je supervise l'investissement de CVC dans la société commerciale mise en place par la LFP, laquelle a été officialisée le 26 juillet 2022, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président. M. Conques et moi-même sommes les deux membres désignés par CVC au comité de supervision de la société commerciale.
C'est donc en notre qualité d'investisseur, et plus particulièrement d'actionnaire minoritaire de la société commerciale, que nous nous exprimons devant cette mission d'information.
En quelques mots, je rappelle que CVC est l'un des principaux acteurs du monde de l'investissement. Il s'agit d'une société cotée à la bourse d'Amsterdam depuis le mois d'avril dernier, dont l'histoire, l'héritage et la culture sont européens. Le groupe, actif au travers de nombreux bureaux, possède des équipes locales dans chacun des grands pays où il opère : en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Danemark, en Belgique, entre autres.
CVC investit des capitaux pour le compte de ses nombreux clients investisseurs, qui sont principalement des compagnies d'épargne ou d'assurance, et d'autres investisseurs institutionnels, qui visent une épargne à long terme. Par exemple, les épargnants confient leur capital à ces institutions qui, à leur tour, investissent dans les fonds de CVC. Nous sommes en quelque sorte un trait d'union entre l'argent des épargnants et l'économie réelle. Notre métier est de faire fructifier le capital des épargnants, en finançant les entreprises et les entrepreneurs, et donc la population active ; nous avons dans l'économie un rôle de transmission.
Nous choisissons des partenaires de qualité dont nous partageons l'ambition, l'objectif et le mode opératoire. Cette approche partenariale a toujours été au coeur de notre stratégie d'investissement, laquelle consiste à soutenir des sociétés aux projets ambitieux et durables. Nous les accompagnons en leur apportant de la stabilité, du temps, mais aussi des bonnes pratiques de gestion. Nous avons bâti notre réputation depuis bientôt quarante ans sur notre capacité à agir en tant que partenaire stratégique à valeur ajoutée, dans une approche collaborative et de long terme.
CVC détient actuellement des participations majoritaires ou minoritaires dans près de 125 sociétés. Ces participations sont suivies par des équipes locales, qui constituent un réseau de 29 bureaux à travers le monde. L'entité française de CVC emploie dix salariés, dont huit professionnels de l'investissement. Nous sommes fiers d'avoir accompagné le développement de nombreuses sociétés dans notre pays, relevant de secteurs économiques variés : la santé, la technologie et, bien évidemment, le sport.
Notre intérêt pour le domaine du sport est ancien. Le premier investissement de CVC dans le sport date de 1998, avec le Grand Prix moto, lequel a été suivi par un certain nombre de partenariats dans d'autres sports : la Formule 1 en 2006 ; le rugby en 2021, avec le Tournoi des six nations ; le volleyball en 2021 aussi, avec la Fédération internationale de volleyball ; le tennis féminin, enfin, en 2023, avec le circuit WTA.
Pourquoi investissons-nous dans le secteur du sport ? Nous considérons que ce secteur présente de nombreuses opportunités de développement sur le long terme et que les grandes organisations sportives ont besoin d'avoir des financements, bien sûr, mais aussi - et c'est tout aussi important - de professionnaliser leurs institutions, leurs équipes dirigeantes et leurs équipes d'accompagnement.
Comment investissons-nous auprès des acteurs du sport ? Nous le faisons habituellement sous la forme d'une prise de participation minoritaire et systématiquement partenariale à l'échelle d'une entité qui regroupe exclusivement les intérêts commerciaux des ligues ou des fédérations. J'insiste sur ce point : nous ne sommes pas impliqués dans les aspects sportifs ou régaliens, et pas plus dans le format des compétitions, la formation et le statut des sportifs, ou dans les enjeux de sécurité et de santé publique. Tous ces sujets restent sous le contrôle exclusif des ligues ou des fédérations au travers de leur propre gouvernance, qui est indépendante et au sein de laquelle nous ne sommes pas représentés. C'est le cas avec la Ligue de football professionnel et sa filiale, la société commerciale. Nous investissons toujours en qualité d'actionnaire : nous ne sommes ni prêteurs ni créanciers. Je le souligne, car cela fait partie intégrante de notre approche d'investissement, qui consiste à être aligné avec nos partenaires.
Notre objectif, c'est de réussir ensemble. Nous partageons ainsi avec les ligues ou avec les fédérations les perspectives de croissance de la valeur, comme les risques de perte. Cet alignement nous semble fondamental dans la perspective de projets qui sont, par nature, de long terme- j'aurai l'occasion de revenir sur ce point. C'est la garantie d'un engagement mutuel fort. Au-delà d'apporter des capitaux, notre rôle est également d'être un partenaire stratégique, vous l'avez rappelé, pour soutenir le développement économique.
Comme nous ne sommes liés à aucun club et que nous intervenons avec une casquette neutre, nous nous concentrons exclusivement sur la réussite du projet des ligues. Nous tenons tout particulièrement à notre rôle d'acteur neutre et de facilitateur, tout en favorisant une approche dynamique, responsable et équilibrée.
J'aborde désormais la question précise de notre investissement récent dans la société commerciale de la LFP. Pour rappel, nous avons tout d'abord répondu à un besoin exprimé par la Ligue de football professionnel.
Reprenons la chronologie et le contexte de l'opération : lorsque CVC et de nombreux autres investisseurs potentiels ont été sollicités à l'automne 2021, le football professionnel français était dans une situation financière grave après une série de crises - celle du covid ; la défaillance du principal diffuseur -, à la suite desquelles la Ligue et l'ensemble des clubs ont perdu une part significative de leurs revenus pendant deux saisons consécutives.
La LFP a ainsi pris la décision, en 2021, de solliciter un investissement en capital à hauteur de 1,5 milliard d'euros et d'associer à cet apport de capital un projet de réforme structurelle, notamment au travers de la formation d'une société commerciale, de la professionnalisation de son approche et d'une réflexion stratégique qui s'inscrit sur le long terme.
Au cours de l'hiver 2021-2022, nous nous sommes inscrits dans le cadre de ce processus, compétitif, de sélection de partenaires. Ce processus s'est étalé sur de nombreux mois durant lesquels nous avons mené nos travaux et échangé avec la Ligue et ses conseils. Pendant cette phase, nous avons été convaincus par le potentiel de développement du football professionnel français sur le long terme, malgré les nombreux défis auxquels il fait face, dont nous étions et restons pleinement conscients.
Tout au long de ce processus, les travaux d'analyse, de négociation et de finalisation ont été intenses. C'est avec l'appui de nos avocats et conseils respectifs que la Ligue et CVC ont pu concrétiser cette opération en toute transparence et dans le strict cadre de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.
Au terme de cet accord, CVC s'est engagé à apporter des fonds à hauteur de 1,5 milliard d'euros destinés à : premièrement, restaurer la solidité financière des clubs ; deuxièmement, rembourser le prêt garanti par l'État (PGE) contracté par la Ligue ; troisièmement, doter un fonds de réserve destiné à pallier d'éventuelles difficultés futures ; quatrièmement, soutenir financièrement la Fédération française de football (FFF) et le football amateur. En contrepartie de ce très important investissement, CVC a acquis une participation minoritaire de l'ordre de 13 % dans le capital de la société commerciale de la LFP. Il est important de le souligner, notre investissement est un investissement d'actionnaire, tel qu'il est prévu par le cadre législatif et réglementaire. Il ne s'agit ni d'un contrat commercial, ni d'une acquisition de droits commerciaux, ni d'un prêt avec des échéances fixes ou un horizon défini. Ainsi, nous jouons notre rôle d'actionnaire en pleine responsabilité, avec pour objectif premier de contribuer à la croissance et à la réussite de la société commerciale.
Nous sommes impliqués dans la gouvernance de cette société au travers de son comité de supervision et nous participons à ce titre à la prise de décision sur des sujets stratégiques. Nous suivons attentivement sa situation financière, tout en l'accompagnant dans l'identification d'opportunités de développement et l'évaluation des risques. Comme tout actionnaire, notre responsabilité première est de donner notre avis, de suggérer, de valider les grandes orientations stratégiques de la société.
En moins de deux ans, nombre de chantiers ont été ouverts et beaucoup ont déjà abouti, même si ce n'est pas toujours visible du grand public : renforcement de l'équipe de direction à la suite de plusieurs recrutements de profils d'expérience à tous les postes clés ; accélération de la stratégie digitale de la Ligue, via l'acquisition et l'intégration du jeu Mon Petit Gazon, communément appelé MPG ; lancement récent du premier jeu propriétaire d'une ligue domestique européenne ; signature d'un contrat commercial majeur avec l'agence Infront ; signature de plusieurs nouveaux sponsors ; refonte totale et novatrice des plateformes de marques Ligue 1 et Ligue 2, qui seront dévoilées au début de la saison prochaine.
Nous sommes fiers d'accompagner et de soutenir le développement du football français. Il dispose de nombreux atouts : des équipes nationales de tout premier plan, un réservoir de talents exceptionnel, une des meilleures formations au monde, des infrastructures de qualité, des clubs investis et, enfin et surtout, des millions de passionnés et de fans. Ce projet nous enthousiasme et l'investissement de CVC, qui prend la forme d'une injection de capitaux structurante pour l'écosystème du football français, a pour ambition d'atteindre cet objectif.
Cela dit, nous considérons que nous n'en sommes qu'à la phase initiale de ce partenariat. À l'heure où nous parlons, CVC a versé près des deux tiers de l'investissement total prévu ; le dernier tiers sera versé dans les prochains jours, conformément aux accords qui nous lient et à notre engagement. Le projet est encore dans sa phase d'amorçage ; sa réussite dépendra de nombreux éléments, dont certains ne pourront être appréciés que dans plusieurs années.
En tout état de cause, toute réussite et toute création de valeur bénéficieront à tous et avant tout à la LFP et aux clubs, qui détiennent collectivement 87 % de la société commerciale.
M. Michel Savin, rapporteur. - Messieurs, je vous remercie de votre présentation de l'organisation, du fonctionnement, et des ambitions de CVC.
Récemment CVC a réalisé la plus grosse introduction en bourse jamais effectuée par un fonds de capital investissement en Europe.
Vos capitaux proviennent de compagnies d'épargne ou d'assurance - vous les avez mentionnées -, mais ont aussi été évoqués plusieurs grands actionnaires institutionnels : le fonds souverain de Singapour, du Koweït, la société d'investissements de Hong Kong, Stratosphere Finance. Par ailleurs, l'une des personnes auditionnées a révélé des liens entre CVC et un fonds d'investissement saoudien.
Aussi, pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne CVC et quels sont les investisseurs finaux ayant acquis les 13 % du football professionnel français ?
M. Édouard Conques. - Effectivement, CVC est une société cotée, après une introduction en bourse à Amsterdam voilà quelques mois.
Il est important de distinguer les actionnaires de la société CVC et les investisseurs des fonds CVC. Nous sommes une société de gestion, c'est-à-dire que nous investissons le capital d'investisseurs. Nos investisseurs ne sont pas actionnaires de notre société gestion, qui est, à ce titre, indépendante et détenue très majoritairement par ses associés et employés. Les employés contrôlent la société à hauteur de 70 % au moins.
Pour expliquer simplement notre mode opératoire, je dirai que nous levons des fonds d'investissement qui sont comme des poches de capital dans lesquelles investissent des centaines de sociétés, lesquelles sont pour la plupart des organismes de gestion, des sociétés d'épargne, des compagnies d'assurance et, parfois, des fonds souverains. Ce sont des investisseurs passifs dans ces poches de capital ; nous avons le contrôle sur l'investissement.
La plupart de nos clients - les investisseurs - sont très fidèles à CVC. Or, de notre point de vue, cette fidélité est bien la marque du succès d'une entreprise dans notre secteur. En moyenne, nos investisseurs sont à nos côtés depuis plus de dix-sept ans. C'est très important pour nous.
Monsieur le rapporteur, vous avez posé une question spécifique sur un investisseur saoudien : il s'agit d'un investisseur très minoritaire dans une poche de capital ; ce n'est pas un actionnaire de notre société.
M. Michel Savin, rapporteur. - Autrement dit, vous disposez d'un volume d'investissements et vous placez des montants, mais il ne s'agit pas d'investissements fléchés par les investisseurs ?
M. Jean-Christophe Germani. - Absolument. Nous avons un mandat de gestion discrétionnaire, en quelque sorte. La façon dont nous investissons le capital est à notre discrétion.
Pour faire une analogie avec un dispositif réglementaire en vigueur, il s'agit en quelque sorte d'un fonds commun de placement à risques (FCPR). Il faut distinguer les souscripteurs au fonds et les actionnaires de CVC.
M. Michel Savin, rapporteur. - Quels sont les investisseurs qui ont participé au fonds finançant LFP Media ?
M. Jean-Christophe Germani. - Dans ce fonds, plus de 500 investisseurs nous ont confié leur capital dans ce que j'ai appelé un fonds commun de placement ; ils sont donc très nombreux, et aucun d'entre eux n'en représente une part significative. La liste est confidentielle, mais si vous avez des questions spécifiques à ce propos, nous pourrons y répondre dans une note explicative. Comme M. Conques l'a rappelé, il s'agit de compagnies d'assurance, de caisses d'épargne, d'investisseurs institutionnels, de fonds souverains, etc.
M. Laurent Lafon, président. - Vous engagez-vous sur un taux de rendement ?
M. Jean-Christophe Germani. - Non. Ces investisseurs, qui sont des institutions sophistiquées, nous confient la gestion d'une petite partie de leurs fonds en connaissance de cause. De fait, lorsque l'on réalise des investissements d'actionnaires en fonds propres dans des sociétés privées, il y a toujours des aléas. À ce titre nous ne pouvons garantir un retour sur l'engagement.
M. Laurent Lafon, président. - Quel a été, en 2023 par exemple, le taux de rendement des investissements dans la poche de capital ?
M. Jean-Christophe Germani. - Je n'ai pas le chiffre en tête, mais nous pourrons vous le fournir. En 2023, l'activité économique a été plutôt ralentie, j'imagine donc que le taux de rendement constaté pour cette année-là se situe entre 10 % et 12 %.
M. Laurent Lafon, président. - Cela nous donne à tout le moins un ordre de grandeur : les sociétés qui investissent dans cette poche s'attendent donc à un retour entre 10 % et 12 %...
M. Jean-Christophe Germani. - Ils s'attendent, je pense, à un retour supérieur. D'ailleurs, nous avons historiquement eu de meilleures performances. Mais il n'y a pas de garanties : on peut traverser des phases plus difficiles, être à un point bas d'un cycle économique... Dans tous les cas de figure, il y a des risques.
M. Édouard Conques. - Nous ne donnons pas de garantie à nos investisseurs et ne formulons pas d'engagement sur un rendement annuel auprès de ces derniers. Cette poche de capital investi en toute discrétion rend du capital sur de très longues périodes de temps.
M. Michel Savin, rapporteur. - N'y a-t-il pas un objectif de rendement ?
M. Édouard Conques. - Nos clients investissent dans nos poches de capital en fonction de l'expérience et des retours qu'ils ont pu avoir sur leur capital depuis que nous les accompagnons. Le jour où ils investissent, ils peuvent avoir des attentes, bien sûr, mais il n'y a pas de garantie.
M. Laurent Lafon, président. - Quel est votre taux de retour lorsque vous investissez dans une entreprise ?
M. Jean-Christophe Germani. - Un taux de retour s'apprécie à l'aune d'un risque, ou de sa perception, car nous sommes rarement capables de le mesurer scientifiquement. Nous disons à nos investisseurs que notre objectif est de faire fructifier cette épargne sur une période de temps relativement longue - six ou sept ans, parfois plus -, et de multiplier leur mise initiale par 2 ou 2,5.
M. Laurent Lafon, président. - Est-ce le raisonnement que vous avez tenu pour la filiale de la LFP ?
M. Jean-Christophe Germani. - Peut-être avec une ambition un peu inférieure...
M. Laurent Lafon, président. - Plutôt autour de 2 ?
M. Jean-Christophe Germani. - Probablement.
M. Édouard Conques. - Et probablement également sur un plus long terme. Au regard du prisme des investissements faits par CVC, il me semble que le projet auprès de la Ligue est un investissement de long terme.
M. Michel Savin, rapporteur. - Que veut dire « de long terme » pour vous ?
M. Édouard Conques. - Au moins six ou sept ans.
M. Jean-Christophe Germani. - Il n'est pas inhabituel pour nous de rester investis dans des sociétés sur de longues périodes. Nous avons ainsi des parts dans deux sociétés, dans lesquelles nous avons investi depuis respectivement sept ans et demi et dix ans. J'ai évoqué notre investissement dans la Formule 1 : nous l'avons conservé pendant quinze ans. Dans le capital-investissement, il faut savoir être patient. Nous fixons des objectifs, nous donnons aux entreprises les moyens de les atteindre, et lorsque nous estimons que le moment est venu ou opportun, nous envisageons de sortir. En aucun cas, nous ne prédéterminons notre date de sortie à l'avance.
M. Laurent Lafon, président. - Vous avez évoqué un doublement de votre mise. En l'occurrence, cela représenterait 3 milliards d'euros ?
M. Michel Savin, rapporteur. - En France, CVC est représenté par sa filiale Renaissance investissement. CVC est par ailleurs présenté comme un fonds luxembourgeois. Nous notons aussi l'existence d'une société Renaissance Luxembourg SARL. Pouvez-vous nous expliquer comment ces différentes sociétés s'imbriquent les unes dans les autres et ce qu'il advient du dividende prioritaire versé à Renaissance investissement par LFP Media ?
M. Édouard Conques. - Pour chaque investissement, on utilise une société ad hoc. La société Renaissance investissement est la société que nous avons employée pour investir dans LFP Media. Le dividende prioritaire sera versé à cette société française, et il a vocation à rester dans cette société.
M. Michel Savin, rapporteur. - Par le biais des actions de préférence, CVC détient un certain nombre de privilèges financiers. En possédant seulement 13 % du capital, le fonds a le pouvoir néanmoins d'approuver toutes les décisions stratégiques de l'entreprise. Comment justifier ces privilèges financiers et stratégiques ?
M. Édouard Conques. - Notre investissement s'élève à 1,5 milliard d'euros. C'est une somme importante. Lorsque nous investissons, nous veillons toujours à prendre des garanties pour nous assurer que le capital sera entre de bonnes mains et qu'il sera bien utilisé, dans le cours ordinaire des affaires. Nous ne sommes pas des investisseurs passifs ; on ne se contente pas de signer un chèque, puis d'attendre sans rien faire pendant plusieurs années. CVC veut participer à la gouvernance, soit en tant qu'actionnaire de contrôle, soit en tant qu'actionnaire minoritaire.
La société commerciale est pilotée par un comité de supervision de six membres : trois sont nommés par la Ligue de manière souveraine, deux par CVC - M. Germani et moi - et un par la FFF - son président. Ce dernier participe d'ailleurs activement aux discussions et à la gouvernance. Ce comité supervise une équipe de direction, qui est animée par un président et un directeur général.
Notre accord avec la Ligue prévoit que la nomination et la révocation des dirigeants doivent être décidées de manière commune. Nous devons donc nous consulter. C'est l'esprit du partenariat. Toutefois, dans certaines circonstances, lorsque l'on constate une forte sous-performance par rapport au plan d'affaires, la Ligue ou CVC peuvent demander de manière unilatérale un changement de direction. Dans tous les cas, la Ligue a le dernier mot concernant le président de la société commerciale.
M. Michel Savin, rapporteur. - Vous pouvez refuser toutefois certaines candidatures.
M. Jean-Christophe Germani. - Un mécanisme de consultation avec la Ligue est prévu, mais in fine, c'est cette dernière qui a le dernier mot en tant qu'actionnaire majoritaire.
M. Michel Savin, rapporteur. - À quel niveau estimez-vous qu'il y a une « forte sous-performance » ?
M. Édouard Conques. - Celle-ci est définie dans les accords : il s'agit d'un écart de 25 % par rapport au résultat prévisionnel - et non au chiffre d'affaires - du plan d'affaires, sur deux années consécutives. C'est une clause tout à fait usuelle dans tous nos investissements.
M. Michel Savin, rapporteur. - Il existe plusieurs seuils dans les documents : - 25 %, - 15 % et - 10 %. Pourriez-vous nous donner des précisions ?
M. Édouard Conques. - Nous avons le droit de ne pas accepter qu'un budget soit inférieur de 10 % aux prévisions. Nous pouvons demander un changement de l'équipe de direction lorsque la sous-performance par rapport au résultat est de 25 %.
M. Michel Savin, rapporteur. - Que se passerait-il si les représentants de CVC ne votaient pas le budget ?
M. Édouard Conques. - Il y a les écrits et il y a la philosophie ! Ce n'est pas parce que l'on a un droit qu'on l'exerce automatiquement. Lorsqu'on est actionnaire minoritaire, il est important de s'entendre avec l'actionnaire majoritaire. La Ligue, en réalité, a le contrôle en tant qu'actionnaire majoritaire.
Il y a deux types de décisions : les décisions importantes et les décisions réservées. Ces dernières doivent être validées par CVC : il s'agit par exemple de décisions relatives à la réalisation d'un emprunt significatif ou d'un investissement très important, ou plus généralement de toute décision qui sort du cours ordinaire des affaires. Dans ce cas, nous pouvons exercer un droit de veto, mais cela ne s'est encore jamais produit.
M. Jean-Christophe Germani. - Il s'agit d'un mode de fonctionnement très usuel dans le droit des affaires pour protéger un actionnaire minoritaire qui a investi un montant très important. Nous échangeons régulièrement avec la Ligue. En tant qu'actionnaires, nous avons la responsabilité d'assurer le bon fonctionnement de la société. Ces mécanismes contractuels n'ont d'autre fin que de garantir que les questions relatives à la société fassent bien l'objet d'une discussion entre les actionnaires. Nous avons un droit de blocage dans certains cas, mais au quotidien le pragmatisme doit prévaloir, et il prévaut.
M. Michel Savin, rapporteur. - Le contrat protège CVC, en tant qu'investisseur minoritaire. C'est normal. Le fonds a la possibilité de bloquer le budget.
Les investisseurs qui vous ont confié leur argent ne peuvent-ils pas vous demander de faire jouer les clauses du contrat que l'on vient d'évoquer s'ils estiment qu'ils n'ont pas un retour suffisant sur leur investissement, si les résultats s'écartent significativement des prévisions du plan d'affaires ?
Le mode de calcul et de versement du dividende prioritaire est très complexe. Il semble qu'une partie soit versée en avance, sur la base du budget prévisionnel, ce qui est très particulier, car un dividende est normalement versé sur la base du bénéfice réalisé. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?
M. Jean-Christophe Germani. - Je tiens à vous rassurer : nos investisseurs n'ont aucun moyen d'intervenir sur les décisions qui sont prises dans le cadre de cet investissement dans la société commerciale. Il en va d'ailleurs de même pour tous nos autres investissements. Les prérogatives juridiques sont attribuées exclusivement à CVC.
M. Édouard Conques. - Le droit que nous avons n'est pas de bloquer un budget, mais de constater que les performances sont inférieures aux prévisions et de demander à discuter de changements éventuels.
Les droits économiques qu'a acquis CVC en prenant une participation à hauteur de 13 % du capital de la société commerciale portent non pas sur le chiffre d'affaires de la société, mais sur son résultat, c'est-à-dire sur les revenus après déduction des charges, des impôts, de la taxe Buffet, etc. C'est sur cette base que les calculs sont faits. Notre quote-part est de 13 %, celle des clubs et de la Ligue est de 87 %.
M. Laurent Lafon, président. - Dans le plan d'affaires pour l'exercice 2024-2025, le résultat prévisionnel s'élevait à 1,11 milliard d'euros. Votre dividende serait donc de 130 millions ?
M. Édouard Conques. - En effet. Mais nous sommes actionnaires et nous devons assumer les risques afférents. Si le résultat effectif est inférieur aux prévisions, notre dividende sera moindre.
M. Jean-Christophe Germani. - Le montant du dividende versé à CVC et aux clubs n'est pas garanti. Il dépend du résultat constaté. Je précise d'ailleurs que CVC n'est pas prioritaire dans le versement du dividende par rapport aux clubs, même si le terme est utilisé pour des raisons techniques et contractuelles. Nous pourrons vous préciser ce point si vous le souhaitez.
M. Laurent Lafon, président. - Si les droits audiovisuels sont inférieurs au montant prévisionnel figurant dans le plan d'affaires - 863 millions d'euros pour les droits domestiques et 200 millions pour les droit internationaux -, le bénéfice sera inférieur et vos dividendes baisseront ?
M. Édouard Conques. - C'est exact.
M. Laurent Lafon, président. - Est-ce compatible avec vos exigences de rentabilité ? Vous avez évoqué tout à l'heure un taux de retour sur investissement de 12 %.
M. Jean-Christophe Germani. - C'est bien le risque que nous avons pris en tant qu'actionnaire : si les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions, nos dividendes seront réduits. Il en va de même pour les clubs.
M. Laurent Lafon, président. - Si les droits audiovisuels s'avèrent in fine bien moindres que les 863 millions d'euros escomptés, n'aurez-vous pas l'impression de vous être fait avoir ?
M. Jean-Christophe Germani. - Il est beaucoup trop tôt pour faire un bilan. CVC n'a pas encore versé à la société commerciale la totalité du capital qu'elle doit apporter aux termes des accords. Nous sommes encore dans la phase de finalisation de notre investissement. Ce projet s'inscrit dans la durée. Ce n'est qu'à terme que nous pourrons juger de son succès et apprécier la qualité de l'investissement. En tout cas, nous soutenons fortement la Ligue. Nous sommes déterminés à l'accompagner pour qu'elle réalise son ambition. Nous verserons la part de capital promise. Nous participons au comité de supervision. Nous avons des échanges permanents et nombreux avec les dirigeants, la Ligue, les clubs, etc. Nous restons profondément engagés. C'est l'esprit du partenariat : en dépit des difficultés et des déceptions provisoires, CVC restera présent aux côtés des clubs et de la Ligue, et jouera son rôle d'actionnaire minoritaire.
M. Édouard Conques. - Nos intérêts sont alignés sur ceux des clubs. Nous sommes tous en réalité dans la même barque. Nous avions conscience, lorsque nous avons investi, que ce ne serait pas un long fleuve tranquille. Nous assumons et malgré les difficultés nous allons tenir nos engagements, en versant notre dernière tranche de capital : 500 millions d'euros.
M. Michel Savin, rapporteur. - Envisagez-vous d'augmenter votre participation dans la société commerciale ?
M. Édouard Conques. - CVC est actionnaire de la société, à hauteur de 9 % environ du capital à ce jour, car nous avons versé 1 milliard d'euros. La semaine prochaine, quand nous aurons investi la dernière tranche de 500 millions, nous serons actionnaires à hauteur de 13,04 %.
M. Michel Savin, rapporteur. - La presse se fait l'écho de discussions entre la Ligue et CVC pour que le fonds augmente sa participation.
M. Jean-Christophe Germani. - CVC a investi dans un contexte difficile : il fallait renforcer les ressources de la Ligue et soutenir les clubs. Les présidents des clubs estiment d'ailleurs que cette opération est très favorable. Nous nous apprêtons à verser la dernière tranche de notre investissement, conformément à nos engagements. Nous n'envisageons pas d'augmenter notre investissement. En tant qu'actionnaires, nos intérêts sont alignés sur ceux des clubs. Nous supporterons comme eux, proportionnellement à notre quote-part, les conséquences d'une éventuelle sous-performance des résultats. Nos partenaires ont bien conscience que la Ligue pourrait se trouver dans une situation délicate si les objectifs n'étaient pas atteints. Les discussions se poursuivent. Nous restons engagés à long terme.
M. Laurent Lafon, rapporteur. - Si je comprends bien, vous investirez 1,5 milliard d'euros, mais pas plus ?
M. Édouard Conques. - Nous honorerons les engagements que nous avons pris. Ce montant est très significatif. Nous verserons bientôt la dernière tranche de 450 millions d'euros.
M. Patrick Kanner. - En tant qu'investisseurs, il est normal que vous preniez des risques. C'est bien ce que vous avez fait dans cette situation, au regard des projections pour la société commerciale et les saisons à venir.
La première proposition de cession des droits audiovisuels s'est soldée par un échec. On annonce désormais un maximum de 500 millions d'euros. On est loin de l'accord initial sur lequel vous vous étiez engagés, qui mentionnait 1 milliard d'euros !
Je m'étonne donc de votre engagement, au regard de sa rentabilité, car vous n'êtes pas des philanthropes ! Aussi, je suppose que cette part de risque repose sur un calcul, à moyen ou long terme. Sur quelles prévisions économiques repose votre espoir de voir la situation s'arranger ?
M. Jean-Christophe Germani. - Monsieur le sénateur, vous avez tout dit ! CVC est un partenaire fiable, qui honorera ses engagements, malgré la perspective. Il est préférable de ne pas spéculer sur l'issue des discussions en cours. Nous sommes pleinement derrière la LFP pour l'accompagner au mieux. Nous tiendrons nos engagements : c'est naturel, mais il est important de le rappeler dans un contexte qui peut se révéler différent de ce qui était escompté lorsque le plan d'affaires a été préparé.
M. Patrick Kanner. - Quels éléments objectifs vous laissent à penser que la valeur des droits sera supérieure à 500 millions d'euros ?
M. Édouard Conques. - Les discussions sont en cours. N'insultons pas l'avenir. Cette phase des négociations est très sensible.
M. Patrick Kanner. - Pendant l'audition de ce matin, il nous a été reproché de mener une commission d'enquête qui pourrait pénaliser ces négociations !
M. Édouard Conques. - Il est primordial de ne pas troubler le déroulement de ces discussions. Il me semble donc préférable de ne pas évoquer en détail les montants en question.
M. Laurent Lafon, président. - C'est le président de la LFP qui a évoqué le montant de 500 millions d'euros : M. Kanner ne l'a pas inventé !
M. Jean-Christophe Germani. - La commercialisation des droits domestiques sur le prochain cycle, quelle qu'en soit sa durée, n'est qu'un point d'étape, bien qu'important. Si l'inquiétude que suscite l'issue des négociations est légitime, n'oublions pas que la LFP a remporté de réels succès dans la commercialisation d'autres droits ces derniers mois, avec des augmentations très importantes. Tout le crédit en revient bien évidemment aux clubs, qui nous fournissent ce spectacle, à la LFP, qui sait le mettre en valeur, et enfin à la société commerciale, qui a pris de nombreuses initiatives pour donner de la visibilité aux droits, notamment à l'international, trouver de nouveaux sponsors et améliorer ces flux de revenus de manière significative.
Si la commercialisation des droits domestiques concentre actuellement toute l'attention, elle ne forme qu'une partie - certes importante - des revenus et qu'un point d'étape. Nous n'avons même pas encore totalement investi le capital, et certains voudraient que nous fassions déjà un bilan ! Il s'agit d'un projet de moyen à long terme : ce n'est qu'à cette échéance que nous pourrons juger de son succès.
M. Laurent Lafon, président. - Au début de votre propos, vous avez évoqué un horizon de six ans, voire un peu plus. La négociation des droits audiovisuels n'a pas lieu tous les ans : elle porte sur une durée de cinq ans - cela coïncide avec ce que vous qualifiez de moyen terme. Vous connaîtrez très prochainement la perspective de rentabilité de cette opération à horizon de cinq ou six ans, ce qui correspond à une possible échéance de sortie, comme cela est précisé dans les documents que vous avez signés avec la LFP.
M. Édouard Conques. - L'investisseur doit être prêt à confronter la réalité aux perspectives. Cinq ans, c'est la période maximale pour laquelle les droits sont vendus. Cette durée a d'ailleurs été récemment augmentée d'un an, avec l'accord du législateur.
Nous avons participé à la réflexion aux côtés de la LFP. Nous souhaiterions d'ailleurs vous donner notre point de vue sur le fonctionnement de l'économie du football en France, étant donné que nous avons désormais deux ans de recul. Il serait utile d'avoir une réflexion avec l'ensemble des parties prenantes, dont les pouvoirs publics, sur la façon dont les droits sont commercialisés dans le sport, en particulier dans le foot. Il était par exemple regrettable que les équipes passent deux ans à préparer et exécuter une vente de droits, qu'il fallait entièrement reconstruire trois ou quatre ans plus tard...
J'en reviens à notre investissement. D'abord, les clubs et la LFP avaient exprimé un besoin financier. Ensuite, nous avons constaté une prise de conscience de la part des clubs de la nécessité de réfléchir à une stratégie de plus long terme. Nous avons une petite expérience de partenariats stratégiques avec les ligues en matière de gouvernance. Au sein de la LFP, 40 clubs doivent se mettre d'accord sur une stratégie de moyen à long terme, tout en étant rattrapés par la logique sportive et l'impératif des trois points tous les week-ends : ce n'est pas simple. Nous avons beaucoup de respect pour les personnes qui investissent et participent au développement des clubs de football, car ce n'est pas un métier facile.
La période maximale de vente sera donc de cinq ans. Les discussions sont en cours. Tout dépendra des conditions de l'accord entre la LFP et le partenaire retenu. Le schéma traditionnel de cession des droits est une voie qui continuerait à ravir tout le monde, si les conditions le permettaient. Néanmoins, il est aussi important pour la LFP, ses actionnaires, les clubs et nous-mêmes d'être réalistes et d'étudier toutes les options pour prendre la meilleure décision.
M. Adel Ziane. - Il était précisé que CVC, dans le cadre de cet accord et de la création de la société commerciale, apporterait toute son expertise dans la prospection et dans la négociation auprès de potentiels partenaires. Quel est votre rôle dans la négociation avec les diffuseurs éventuels ? En effet, s'il ne faut pas prendre ce qui est écrit dans la presse pour argent comptant, j'ai l'impression que ces discussions se font directement avec la LFP.
Sur la question des droits, nous entendons que vous parliez d'un horizon à moyen ou long terme, mais l'avenir du football français se joue maintenant. Nous assistons à des situations inédites. La direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) reçoit actuellement les clubs. Pour la première fois depuis de nombreuses années, ces clubs présentent un budget prévisionnel sans avoir entièrement défini le montant des droits audiovisuels.
Les clubs doivent peut-être diversifier leurs sources de revenus. Dans une interview, la semaine dernière, le président du Montpellier Hérault Sport Club indiquait dépendre à 70 % des droits audiovisuels. Si ceux-ci venaient à décroître massivement, le club serait confronté à des difficultés majeures, qui seront d'ailleurs immédiates en matière de compétitivité.
Enfin, nous avons auditionné des présidents de clubs ce matin. Selon votre plan initial, vous pensiez tirer 1,1 milliard d'euros des recettes des ventes de droits audiovisuels. Le plan B, qui semble désormais être le vôtre, repose sur un montant largement inférieur. Certes, les négociations sont en cours. Les présidents de clubs ont expliqué que c'était le choix d'un projet élitiste en matière de répartition des droits internationaux et nationaux qui avait été retenu - mais dans le cadre d'une estimation des recettes à 1,1 milliard... Or nous en serons loin.
La répartition des droits devrait-elle être corrigée ? Il semble que c'est ce que certains des présidents de clubs appellent de leurs voeux. En effet, un véritable affaiblissement de la compétitivité de nos clubs est à craindre, car ceux-ci pourraient être amenés à diversifier leurs revenus par la vente de leurs joueurs majeurs pour équilibrer leur budget cette saison.
M. Jean-Christophe Germani. - Je ne commenterai pas les réponses des présidents des clubs. La répartition n'est pas de notre ressort. Les clubs ont adopté à l'unanimité les propositions de répartition du capital apporté par CVC et des droits internationaux et domestiques. Cela a été d'ailleurs un signal fort d'unité, ce qui n'a pas été le cas dans toutes les ligues d'Europe, où certaines opérations de recapitalisation ont échoué, faute de parvenir à créer un consensus.
En tout état de cause, ce sujet doit continuer à relever de la gouvernance de la Ligue de football professionnelle. CVC n'intervient que dans la société commerciale.
M. Adel Ziane. - Si je vous pose cette question, c'est que cette répartition a été pensée par les clubs à l'aune du contrat avec CVC et des recettes des droits audiovisuels estimées.
M. Michel Savin, rapporteur. - Vous n'avez pas répondu à ma question sur les dividendes. Le contrat évoque un dividende sur le résultat, mais la mention est suivie d'au moins trois ou quatre pages d'exceptions !
Les statuts évoquent un dividende prévisionnel versé à l'avance et un reliquat versé sur les exercices suivants en cas d'insuffisance du résultat distribuable. Pouvez-vous nous expliquer ce mécanisme ?
M. Édouard Conques. - Ces clauses ont un but précis : s'assurer que les paiements soient faits à CVC à 13 % et aux clubs à 87 %, de façon symétrique et dans la même temporalité, au fur et à mesure de la saison.
Le contrat inclut aussi des protections. L'actionnaire majoritaire de la société commerciale est la LFP. Il garantit une symétrie complète.
M. Jean-Christophe Germani. - Les spécificités juridiques de ce contrat ont été mûrement travaillées entre les conseils juridiques de la LFP et de CVC. L'esprit de ces quatre pages de définitions est de garantir le partage du dividende au même moment, à 87 % pour les clubs et à 13 % pour CVC.
M. Édouard Conques. - J'en viens à l'apport de CVC dans la prospection. Nous jouons un rôle d'actionnaire. CVC n'est pas l'équipe de direction de la société commerciale. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne soutenons pas la réflexion stratégique. Nous avons des échanges réguliers avec l'équipe de direction, mais celle-ci mène seule l'activité commerciale.
M. Michel Savin, rapporteur. - Quels éléments vous ont conduit à valider le montant de 1,1 milliard dans le plan d'affaires avec la LFP, sachant que Mediapro n'a pas réussi à tenir son engagement et qu'Amazon avait récupéré les droits audiovisuels pour 250 millions par an, une somme bien éloignée des 800 millions évoqués ?
Vous avez aussi connaissance des tensions qui existent entre la LFP et le diffuseur historique Canal+. À titre personnel, avez-vous rencontré Canal+ pour prendre connaissance des ambitions et du projet du groupe ?
M. Jean-Christophe Germani. - Concernant la valeur ajoutée de CVC, la LFP recherchait, pour son projet de création de société commerciale, l'appui d'un professionnel de l'investissement qui apporte certes du capital, mais aussi son expérience. J'ai rappelé quelques exemples de nos investissements dans le monde du sport, dans des fédérations ou des ligues. Lorsqu'une société, quelle qu'elle soit, est en quête d'un nouvel investisseur, il est naturel qu'elle s'intéresse aux profils prêts à mettre leur expertise à sa disposition.
Nous jouons donc un rôle d'accompagnement de l'équipe dirigeante de la société commerciale, dans le cadre d'échanges. Nous nous posons parfois en agitateurs, et il nous arrive de remettre en cause certaines décisions, ou de discuter des objectifs, des moyens et des ressources que nous mettons à disposition de la société.
J'ai, dans un passé récent, échangé avec le dirigeant du groupe Canal+. En tant que partenaire de la LFP, il nous a semblé naturel de contacter Canal+, qui en est un partenaire historique, depuis une quarantaine d'années, et qui a participé à la construction de la visibilité de la Ligue. Des malentendus ou des désaccords regrettables sont survenus au cours de cette histoire. Pour autant, il me semble tout à fait logique que, dans notre rôle d'accompagnateur, nous puissions témoigner auprès du dirigeant du groupe Canal+ du soutien que nous apportons à ce projet ambitieux, auquel nous allouons beaucoup de ressources et de moyens, en capital notamment.
M. Laurent Lafon, président. - Vous évoquez un contact récent, c'est-à-dire ces dernières semaines. Vous n'en aviez pas eu avant ?
M. Jean-Christophe Germani. - Nous avons souhaité, dans le contexte actuel, rappeler notre engagement en faveur du projet de la LFP.
M. Laurent Lafon, président. - Au moment où vous avez répondu à la consultation lancée par la LFP, Canal+ jouait un rôle majeur dans la distribution. C'est, du reste, ce que nous ont rappelé les présidents des clubs. Lorsque vous avez construit votre offre financière, avez-vous échangé avec Canal+ en vue d'un éventuel partenariat ?
M. Jean-Christophe Germani. - Nous n'avons pas eu de contact direct avec Canal+ lors de nos travaux. Nous avons interrogé de nombreux consultants et experts. La LFP a une expérience très riche d'échanges avec le groupe Canal+, mais nous n'avons pas rencontré son dirigeant.
M. Michel Savin, rapporteur. - C'est un peu surprenant, si l'on s'intéresse au contexte de cette période : l'épisode de Mediapro avait laissé des traces chez Canal+, et Amazon venait d'obtenir les droits audiovisuels pour trois ans au détriment de Canal+, ce qui a provoqué une forme de crispation. Et pourtant, lorsque le plan d'affaires a été validé entre CVC et la LFP, personne ne s'est demandé ce qui se passerait avec Canal+, qui était pourtant le diffuseur principal en France, ni ne s'est inquiété de se retrouver dans une situation similaire à celle de Mediapro ! Votre expertise ne vous a pas sensibilisé sur ce point ?
M. Édouard Conques. - Le plan d'affaires est celui de la LFP et des clubs.
M. Laurent Lafon, président. - Mais vous l'avez validé !
M. Édouard Conques. - Nous l'avons apprécié. Si le plan d'affaires n'est pas respecté, cela ne signifie pas que nous nous retirons.
M. Laurent Lafon, président. - Mais la valorisation de la LFP à 11,5 milliards d'euros découle aussi des revenus sur les prochaines années.
M. Édouard Conques. - Comme l'a rappelé M. Oughourlian lors de l'audition ce matin, quand une société vend tout ou partie de son capital, elle produit un plan d'affaires. Il a d'ailleurs ajouté qu'il était normal que ce plan d'affaires soit relativement ambitieux dans cette situation.
M. Laurent Lafon, président. - M. Oughourlian nous a aussi dit que CVC était le perdant de l'affaire : je m'étonne donc que vous fassiez référence à ses propos !
M. Édouard Conques. - J'ai écouté l'ensemble de ses propos lors de l'audition. En tout état de cause, les investisseurs sont conscients de l'aléa. En 2022, nous avions connaissance des crispations entre la LFP et Canal+.
Vous avez parlé de Mediapro. Nous n'étions pas présents à ce moment-là : nous ne pouvons donc pas faire de conjectures. Cependant, nous savons que dans ce cas précis, des engagements n'ont pas été tenus : l'acquéreur a récupéré les droits. Il n'était pas possible de le forcer à payer, à cause de la procédure de conciliation. La LFP a décidé de reprendre possession de son bien : il me semble que c'était une décision de bon sens.
M. Michel Savin, rapporteur. - Ce n'est pas sur le plan d'affaires que vous fondez vos résultats, mais tout de même : dans les statuts et dans le pacte d'associés, il est précisé que « la Ligue garantit et s'engage à indemniser et à tenir quittes les titulaires d'actions contre toutes les conséquences financières que ces titulaires et la société subiraient en raison d'un changement majeur, comme la résiliation de la délégation ou la contestation et la remise en cause de la quote-part revenant à la société des revenus issus de l'exploitation ».
M. Jean-Christophe Germani. - Ce qui est important, c'est la liste précise des événements majeurs qui seraient en infraction totale et inacceptables au regard de l'engagement réciproque d'association au sein de cette société commerciale que nous avons pris avec la LFP.
Ce sont des événements théoriques. Cette clause s'appliquerait par exemple si, de façon unilatérale, les statuts étaient modifiés et si les actions de CVC ne donnaient plus droit aux dividendes. Ou si un des cinq plus gros clubs français décidait de rejoindre une autre ligue, ce qui signifierait que le contrat qui lie la LFP et CVC ne serait pas honoré.
M. Michel Savin, rapporteur. - Êtes-vous protégés d'un tel risque ?
M. Édouard Conques. - Pour être très précis, les événements majeurs que vous mentionnez sont au nombre de trois.
D'abord, le format des compétitions n'est pas de notre ressort. Il reste une décision souveraine de la LFP. Néanmoins, une modification importante du format de la compétition qui aurait un impact très négatif sur sa valeur constituerait un changement majeur. Les contrats doivent protéger des scénarios théoriques. Si la LFP décidait de limiter la saison aux seuls matchs « aller », en supprimant les matchs « retour » - soit à 17 matchs au lieu de 34 -, la valeur du championnat serait fortement affectée.
Ensuite, si des clubs cessent de participer au championnat français, son attractivité et sa valeur en seraient réduites. Nous avons donc préféré nous protéger de ce risque.
Enfin, si la LFP décidait que CVC ne touche plus que 11 % des revenus de la société commerciale et non plus 13 %, la situation ne serait pas acceptable. C'est le dernier changement majeur dont il est question.
M. Michel Savin, rapporteur. - Vous évoquez des clubs qui pourraient quitter la LFP. Au sein du championnat espagnol, certains clubs vendent directement leurs droits audiovisuels. Vous êtes-vous protégés de ce risque ?
M. Édouard Conques. - C'est la ligue espagnole qui vend les droits de l'ensemble des clubs. Trois clubs ont décidé de ne pas prendre part à la transaction avec CVC. Le fonds détient entre 8 % et 9 % des droits économiques. Néanmoins, cette part n'est pas financée par 42 clubs, mais par 39 d'entre eux.
M. Michel Savin, rapporteur. - Pourrait-on se retrouver dans une situation similaire en France ?
M. Édouard Conques. - Non, car les clubs ont pris un engagement. Tous ont participé et ont touché leur quote-part de l'investissement de CVC.
M. Jean-Christophe Germani. - Comme je l'ai indiqué, nous avons perçu cette unanimité comme un signal fort d'adhésion à un projet.
M. Laurent Lafon, président. - Dans le compte rendu du conseil d'administration, le président Labrune précise que cette unanimité faisait partie des conditions que vous aviez fixées.
M. Jean-Christophe Germani. - Ce n'était pas une condition au sens juridique du terme, mais nous étions ravis de constater une adhésion unanime au projet.
M. Laurent Lafon, président. - Quelle est la valorisation du championnat de France ? Est-elle de l'ordre de 800 millions, 500 millions, 300 millions d'euros ?
M. Édouard Conques. - Dans le cadre d'une audition publique, il m'est difficile de vous répondre, car il est primordial de ne pas perturber le déroulement des discussions en cours.
M. Laurent Lafon, président. - Je vous pose la question d'une autre façon. Le dernier contrat signé avant que vous n'investissiez dans le football français l'a été avec Amazon, qui a racheté 80 % des matchs pour une valorisation de 230 millions d'euros. Si l'on fait une règle de trois, on obtient approximativement une valorisation de 300 millions d'euros. Lorsque vous avez investi, avez-vous estimé la valeur du football français en vous fondant sur ce dernier accord ?
M. Édouard Conques. - Nous n'avons pas considéré que la valeur du championnat français pouvait être calculée sur la base du contrat signé avec Amazon.
M. Michel Savin, rapporteur. - Sachant que ce contrat était complété par ceux signés avec Canal+ et beIN Sports...
M. Édouard Conques. - Tout à fait. Amazon a fait l'acquisition de huit matchs sur dix, pour trois ans. Ce sujet a fait l'objet de beaucoup de crispations entre les différentes parties.
M. Michel Savin, rapporteur. - Il semble que le plafonnement des masses salariales des clubs a été demandé par CVC. Le fonds d'investissement a-t-il des exigences concernant la gestion des clubs ? Êtes-vous en lien avec la DNCG pour définir des normes de bonne gestion au sein des clubs ?
Des clubs ont fait signer des contrats aux joueurs en fondant leurs prévisions de recettes sur le plan d'affaires. Or, au fil de nos auditions, nous avons pris conscience de l'inquiétude croissante des présidents de club face à la perspective d'une baisse de leurs recettes, qui ne seront pas à la hauteur des contrats récemment signés.
M. Jean-Christophe Germani. - Sur ce point, je laisserai M. Conques compléter ma réponse, mais je rappelle que nous ne prenons pas de décisions à la place des clubs sur leur gestion, leurs recrutements ou sur les salaires.
CVC s'assure que l'utilisation des fonds apportés par notre société soit fléchée et contrôlée, et que la gestion des clubs fasse l'objet d'un suivi rigoureux ; une bonne gestion est du reste dans l'intérêt du football français. La DNCG fait un travail de suivi remarquable et précis, même si elle n'a pas toujours la visibilité qu'elle souhaiterait. Cela dit, un tel exercice est très important pour nous.
Lorsque l'on investit une telle somme en capital dans une économie, en l'espèce l'économie du football professionnel, il est évident que la notion d'investissement, par opposition à celle de salaire, est critique. Nous avons eu l'occasion de discuter avec la DNCG à ce sujet, même si elle remplit sa mission de manière souveraine.
M. Édouard Conques. - J'ajoute que les accords prévoient une instance spécifique, la commission d'octroi de l'aide commerciale consentie par la société commerciale, qui réunit un représentant de la Ligue et un représentant de la DNCG, afin de suivre et de flécher, club par club, l'utilisation de ce capital. CVC ne peut rien imposer ; cela étant, la commission d'octroi qui a été mise en place suit de façon active l'utilisation des fonds. De plus, ce matin, les présidents de club ont pu vous expliquer comment ils les utilisaient.
M. Laurent Lafon, président. - Avec plus ou moins de flou pour certains ! D'ailleurs, nous avions déjà auditionné d'autres présidents de club : les données prévisionnelles que certains indiquent à la commission d'octroi ne reflètent pas forcément l'utilisation réelle des fonds CVC, qu'il s'agisse d'investir - parfois en fonds propres - ou de rembourser leur dette. Il peut y avoir un écart entre ce qui est annoncé et ce qui est effectué. Vous pourrez le vérifier dans quelques mois à l'aune de chiffres cette fois-ci précis...
M. Édouard Conques. - Tous les clubs n'ont pas les mêmes besoins, notamment en matière d'infrastructures. Il faut donc apprécier cette question club par club.
M. Michel Savin, rapporteur. - CVC ou l'une des sociétés dans lesquelles vous avez investi ont-elles eu des relations avec Vincent Labrune avant la conclusion du partenariat avec la Ligue en 2022 ?
M. Jean-Christophe Germani. - Monsieur le rapporteur, la réponse est non. Il n'y a pas de relations économiques entre Vincent Labrune et CVC ou l'une des sociétés de CVC, ni passées ni présentes. Je rappelle que M. Labrune, en tant que président de la LFP, est statutairement président de la société commerciale, mais il n'y a aucune relation économique.
M. Michel Savin, rapporteur. - Même avant qu'il soit président ?
M. Jean-Christophe Germani. - Même avant.
M. Laurent Lafon, président. - Cela a été rendu public : le président de la Ligue a perçu un bonus au moment de la conclusion du deal. À quel moment l'avez-vous informé qu'un bonus serait versé aux personnes participant à cette négociation ?
M. Édouard Conques. - Nous ne l'avons jamais informé.
M. Laurent Lafon, président. - Qui a versé ce bonus ?
M. Édouard Conques. - Les rémunérations du président de la Ligue ne sont pas de notre ressort.
M. Laurent Lafon, président. - Je parle du bonus.
M. Édouard Conques. - Le bonus est une rémunération. Il s'agit d'une décision de la Ligue qui a été prise souverainement par son conseil d'administration, dont nous ne faisons pas partie.
M. Laurent Lafon, président. - Je formule ma question autrement : sur les 1,5 milliard d'euros, une partie des versements revient à la FFF, une autre est fléchée vers un fonds de réserve pour la Ligue, et une autre encore est affectée à la rémunération des personnes qui ont participé aux négociations - les banquiers, les avocats - à hauteur de 37 millions. Est-ce vous qui avez fixé ce montant ?
M. Laurent Lafon, président. - Qui l'a fixé ?
M. Édouard Conques. - Lorsque nous avons participé à ce processus, nous avons reçu des informations sur la société, sur le projet et sur l'utilisation des fonds.
Cette utilisation a fait partie du cahier des charges très précis du projet qui nous a été présenté : 1,2 milliard d'euros pour les clubs, 170 millions d'euros pour le remboursement du PGE contracté par la Ligue, un montant pour soutenir le football amateur et un montant pour les frais, à hauteur de 37,5 millions d'euros. Ce montant, communiqué à CVC et aux autres investisseurs, nous a été présenté comme l'une des variables du projet. Nous l'avons pris comme tel ; et nous n'avons pas eu de discussion à ce sujet.
Le choix des conseils et leur rémunération, ainsi que celle des collaborateurs de la Ligue, relèvent exclusivement de celle-ci.
M. Laurent Lafon, président. - Avez-vous eu à donner votre avis sur cette décision ?
M. Édouard Conques. - Aucunement.
M. Jean-Christophe Germani. - Ni avis ni influence.
M. Laurent Lafon, président. - Les montants versés vous paraissent-ils normaux ?
M. Jean-Christophe Germani. - Nous n'avons pas à porter de jugement.
Monsieur le président, vous avez entendu les présidents de club ce matin. J'espère que vous avez pu constater, comme nous, que ce sont des gens très expérimentés, très responsables, pour la plupart entrepreneurs ou, à tout le moins, gestionnaires de leur club.
Nous avons trop de respect pour ces présidents et pour les organes de gouvernance de la Ligue pour porter le moindre jugement sur leurs décisions. Encore une fois, ce n'est pas de notre ressort : nous n'intervenons que sur des décisions qui touchent la société commerciale, donc sur la rémunération des collaborateurs de la société commerciale, de son directeur général, de ses cadres, même si nous n'avons pas vocation à détenir des informations particulières sur chacun d'eux.
M. Michel Savin, rapporteur. - Vous n'avez pas cité le président ; n'est-il pas également rémunéré ?
M. Jean-Christophe Germani. - Non, le président de la société commerciale n'est pas rémunéré par la société commerciale.
M. Michel Savin, rapporteur. - N'y a-t-il pas un reversement à la Ligue ?
M. Édouard Conques. - Le président de la société commerciale ne reçoit pas de rémunération, à ce titre, de la part de la société commerciale.
M. Michel Savin, rapporteur. - N'est-ce pas refacturé à la Ligue ? Sauf erreur, son salaire, qui serait passé de 400 000 euros à 1,2 million d'euros aujourd'hui, serait en partie pris en charge par la société commerciale. Or vous nous dites que ce n'est pas le cas...
M. Édouard Conques. - La rémunération du président de la Ligue est exclusivement liée à son poste...
M. Michel Savin, rapporteur. - Rien n'est refacturé à LFP Media ?
M. Édouard Conques. - Une grande partie des frais de fonctionnement de la Ligue est financée par la société commerciale. Toutefois, la décision sur la rémunération n'est pas de notre ressort. Elle relève de la Ligue, c'est-à-dire de son conseil d'administration et des clubs.
M. Michel Savin, rapporteur. - Dans la présentation qui nous a été faite, il est bien expliqué que sa rémunération est refacturée à hauteur de 50 % à LFP Media.
M. Jean-Christophe Germani. - Nous prenons connaissance de ce document de la Ligue ; nous ne le connaissions pas.
M. Édouard Conques. - La rémunération du président la Ligue est déterminée exclusivement par cette dernière. S'il y a une refacturation à la société commerciale, celle-ci figure dans les opérations de retraitement du résultat. En tout cas, cela n'est pas financé par CVC.
M. Jean-Christophe Germani. - Nous vous apporterons une réponse précise par écrit sur ce sujet.
La rémunération du président de la Ligue est fixée par le conseil d'administration de la Ligue, au sein duquel nous ne sommes pas représentés. À notre connaissance, Vincent Labrune ne reçoit aucune rémunération en dehors de celle attribuée par la Ligue. Je ne sais pas si une refacturation est opérée. En tout cas, les accords prévoient que le mandat social de président de la société commerciale n'est pas rémunéré. À ce titre, il n'est pas prévu que des éléments de la rémunération du président de la Ligue soient supportés par la société commerciale.
M. Michel Savin, rapporteur. - Comprenez toutefois notre interrogation à la lecture de ce document transmis par la Ligue, qui fait état d'une refacturation de 600 000 euros à LFP Media et de frais du président de LFP Media d'un montant de 108 000 euros.
M. Jean-Christophe Germani. - Nous vous répondrons par écrit ultérieurement.
M. Laurent Lafon, président. - Nous vous remercions pour les éclaircissements que vous nous apporterez sur ce sujet. Nous insistons, car vous avez dit que votre investissement reposait sur des critères de bonne gestion.
Je voudrais vous interroger maintenant sur le déménagement de la Ligue. L'acquisition d'un nouveau siège aurait été réalisée, si l'on en croit les comptes rendus du conseil d'administration, grâce aux fonds versés par CVC. Cela vous semble-t-il justifié compte tenu du prix - 130 millions d'euros - de cette opération immobilière ?
M. Édouard Conques. - L'acquisition de ce nouveau siège a été réalisée par la Ligue, et non par la société commerciale. Cette décision n'est pas du ressort de la société commerciale ou de CVC : elle relève de la Ligue. Elle avait d'ailleurs déjà été prise avant que nous ne décidions d'investir. Enfin, cette acquisition n'a pas été financée par des fonds de CVC : elle a été réalisée grâce à un emprunt et à un contrat de leasing.
M. Laurent Lafon, président. - Dans les comptes rendus du conseil d'administration de la Ligue, il est clairement fait mention d'un lien entre l'argent versé par CVC et l'acquisition du siège, même si l'opération était projetée depuis plusieurs mois.
M. Jean-Christophe Germani. - La Ligue pourra mieux vous répondre que nous sur ce point. Nous n'avons nullement été associés à cette décision, sur laquelle nous n'avons aucun droit de regard.
M. Édouard Conques. - Vous nous interrogez sur la répartition du capital que nous avons investi. L'important pour nous est qu'il soit utilisé pour financer le développement des clubs. Vous avez évoqué une enveloppe de 37,5 millions d'euros. Il s'agit pour nous d'une donnée du cahier des charges. Il était important que cette somme n'évolue pas. L'essentiel est que le montant octroyé aux clubs soit sanctuarisé.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous avons tous le même objectif : nous souhaitons tous que les clubs aient les moyens de fonctionner et d'être compétitifs.
Il est envisagé, dans le cadre de la création d'une nouvelle chaîne, que la société commerciale conclue un nouveau partenariat financier. Que pensez-vous de l'arrivée d'un nouveau partenaire ?
M. Édouard Conques. - Il s'agit d'une information diffusée par la presse et qui ne me semble pas fiable. Tous les acteurs sont pleinement mobilisés pour résoudre la question des droits audiovisuels. Plusieurs scénarios sont envisageables.
M. Michel Savin, rapporteur. - Ce ne sont pas les sénateurs qui parlent dans la presse ! Le président de la Ligue s'y exprime, tout comme les présidents de club.
M. Jean-Christophe Germani. - Je comprends tout à fait la question et l'intérêt que vous portez au processus de commercialisation des droits domestiques.
Différentes options s'offrent à nous. Je peux témoigner de l'important travail qui est réalisé par la LFP, avec le soutien des présidents de club, par le président de la Ligue et la direction générale de la société commerciale. Les équipes sont extrêmement mobilisées. Nous approuvons totalement cette gouvernance pour aboutir au meilleur scénario.
Des choix structurants seront peut-être opérés à l'occasion de ce cycle de commercialisation des droits. Il faudra tous les assumer. Certains sont tout à fait intéressants sur le long terme.
Il est difficile de commenter chaque nouvel article de presse ou chaque nouvelle idée qui germe dans l'esprit des uns et des autres. Vous pouvez en tout cas compter sur nous pour, si ce n'est orienter, en tout cas accompagner les prises de décision dans le meilleur sens possible.
M. Laurent Lafon, président. - Un article de L'Équipe de ce matin s'étonnait que l'horloger Breitling, dont CVC est propriétaire, n'ait pas répondu à un appel d'offres lancé par la Ligue.
M. Jean-Christophe Germani. - Nous ne sommes plus propriétaires de la société Breitling ; CVC garde cependant une participation résiduelle, très modeste. .
M. Michel Savin, rapporteur. - Le compte rendu du conseil d'administration du 25 mars 2022 précise : « Le directeur général conclut cette partie en présentant une synthèse générale de la redistribution et de l'apport initial qui permettra également le remboursement anticipé du PGE, le versement d'une contribution pour la Ligue 2 qui doit être présentée lors du collège de la Ligue 2 prévu le lendemain, le solde étant réservé pour financer le développement de la MediaCo, la création d'un fonds de réserve et la participation au financement d'un nouveau siège LFP MediaCo. »
M. Édouard Conques. - Il était peut-être question du loyer que la société commerciale paye pour occuper le siège. Les fonds et le capital apporté par CVC n'ont pas été fléchés vers l'achat de ce siège.
M. Jean-Christophe Germani. - Vous nous mettez dans une situation délicate...
M. Michel Savin, rapporteur. - Il s'agit de savoir si vous avez été informés ou non. J'entends que vous ne l'étiez pas. Nous reposerons la question à la Ligue.
M. Jean-Christophe Germani. - L'argent apporté par CVC a été fléché vers plusieurs destinations. Notre priorité est évidemment une saine allocation de ces ressources. La part qui revient à la LFP et l'utilisation qu'elle en fait est du ressort de la gouvernance de la Ligue, pas du nôtre.
M. Laurent Lafon, président. - Le montage financier étant fait pour enclencher un cycle vertueux, que vous avez vous-même précisé, et valoriser le produit, nous nous intéressons à ces questions.
Je vous remercie, Messieurs, pour vos réponses.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 5.