Mardi 14 mai 2024
- Présidence de M. Olivier Rietmann, président de la délégation aux entreprises et de M. Rémy Pointereau, président de la commission spéciale sur le projet de loi de simplification de la vie économique
La réunion est ouverte à 14 h 30.
Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation
M. Rémy Pointereau, président de la commission spéciale sur le projet de loi de simplification économique. - Nous commençons les travaux de la commission spéciale par l'audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, audition organisée en commun avec la délégation aux entreprises.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le projet de loi de simplification de la vie économique que nous devons examiner constitue l'un des piliers de la stratégie française présentée à l'Union européenne (UE). Nous ne pouvons que constater et nous réjouir qu'il s'appuie notamment sur de nombreux travaux conduits par le Sénat, ou des sénateurs et notamment par des membres de cette commission spéciale.
Nous sommes particulièrement sensibles, dans les différents domaines de l'action publique, à la question de l'empilement des normes et à la nécessité de distinguer la norme qui protège de celle qui entrave inutilement l'action. La situation est devenue anxiogène pour ceux qui veulent entreprendre aujourd'hui.
Ce sujet, monsieur le ministre, il faut le voir avec pragmatisme et au plus près du terrain. « Cela suppose un examen systémique et systématique », avez-vous écrit. Mais la commission ne dispose que de quinze jours pour l'examiner - c'est très peu. Je remercie nos deux rapporteurs, Catherine Di Folco et Yves Bleunven, pour leur investissement.
Je comprends que ce texte doive s'inscrire dans un ensemble, dans une continuité touchant plusieurs secteurs, et ce sur plusieurs années. Pour autant, la présence à la marge du secteur agricole ou des collectivités territoriales - premier investisseur public - nous interpelle. Peut-être pourrez-vous nous en dire plus ?
Le Sénat est prêt à relever le défi de la simplification avec vous, monsieur le ministre, mais sans renoncer aux prérogatives du Parlement et à exercer notre mission de législateur. Nous serons vigilants sur ce point. La simplification est une oeuvre commune, comme la complexification est une responsabilité que partagent le Gouvernement, le Parlement et l'administration. Le règlement du stock de normes, de leur flux, est un travail de longue haleine, auquel s'ajoutent les normes liées au principe de précaution.
M. Olivier Rietmann, président de la délégation aux entreprises. - Je me réjouis de cette audition organisée conjointement avec la commission spéciale sur le projet de loi de simplification de la vie économique.
Madame la ministre déléguée, nous avons l'habitude de travailler ensemble de façon constructive. Ce sujet de la simplification, nous l'avons déjà abordé à de nombreuses reprises, et la délégation aux entreprises l'a constamment porté à son agenda depuis sa création. Il est désormais partagé par le Gouvernement, ce dont nous nous réjouissons. Nous avons d'ailleurs noté les multiples références aux travaux de la délégation dans le projet de loi dont le Sénat est saisi. Je pense en particulier à l'évaluation du poids et du coût de la complexité normative que j'ai mise en évidence voilà moins d'un an dans le rapport d'information sur la sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises que j'ai présenté avec mes collègues Gilbert-Luc Devinaz et Jean-Pierre Moga.
La simplification ne va pas de soi, particulièrement en France. Bien des tentatives infructueuses ont eu lieu depuis 2011 avec les premières Assises de la simplification et le choc de simplification de 2013. Depuis vingt ans, l'incantation de la simplification a conduit au mieux à des mesures ponctuelles d'allégement.
Pourtant, nous l'avons vu lors de l'examen de la proposition de loi visant à rendre obligatoires les « tests PME » que j'ai déposée, c'est un changement de paradigme dont nous avons besoin. Le « test PME » illustre parfaitement cette révolution culturelle, avec l'examen par un haut conseil indépendant composé de représentants des TPE-PME, entreprises de taille intermédiaire (ETI) et grandes entreprises, des projets de normes pour en évaluer l'impact sur les entreprises, qu'elles soient commerciales, industrielles ou agricoles. Je ne manquerai pas de proposer à la commission spéciale de modifier l'article 27 pour y intégrer les dispositions adoptées par le Sénat le 26 mars dernier. J'ose le dire : « Tout le texte du Sénat, rien que le texte du Sénat. »
Vous avez fait vôtre cette nécessité de changer de paradigme, comme cela est indiqué dans l'exposé des motifs du projet de loi de simplification de la vie économique. Pourtant, le texte demeure une juxtaposition de mesures sectorielles. Même si elles vont dans le bon sens, il manque un virage plus structurel dans la manière dont nous concevons et appliquons la loi. À cet égard, je regrette moi aussi vivement les délais qui nous sont imposés pour examiner ce texte, alors que les enjeux sont considérables. Je le rappelle, la complexité coûte a minima 3 % du PIB. Il aurait fallu prendre le temps de définir de nouvelles méthodes permettant d'aller au-delà de mesures trop circonscrites à quelques secteurs.
Il importe d'associer pleinement les parlementaires au-delà de l'examen de ce projet de loi. En effet, vous prévoyez des habilitations du Gouvernement à agir par ordonnance. Mais gardez en tête l'exemple du guichet unique. Le Parlement avait voté sa création dans la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte). Mais par les mesures d'application, vous avez ensuite décidé de le confier à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), dans des conditions qui ont conduit à des dysfonctionnements inacceptables pour la continuité de la vie économique de notre pays. Nos alertes répétées ont fini par être entendues, et il s'agit aujourd'hui de ne plus recommencer les mêmes erreurs stratégiques. En matière de complexité, je pourrai également citer la transposition de la directive européenne CSRD - Corporate Sustainability Reporting Directive.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. -Je marque un seul point de désaccord avec Olivier Rietmann : l'Inpi nous a été imposé et je m'étais personnellement opposé à cette proposition, conscient des difficultés que cela risquait de soulever. Dont acte : les sénateurs avaient vu juste sur ce sujet.
Permettez-moi de faire quelques remarques liminaires sur la simplification.
La simplification est l'exception, une concession de l'administration ; elle doit devenir la règle et une obligation pour tous les fonctionnaires à l'égard de nos concitoyens et de nos entreprises. C'est très souvent une question de survie pour nos TPE et nos PME. En ce début d'année, nos résultats économiques sont bons et très différents de ceux que l'on nous avait annoncés. Alors que certains parlaient de récession, nous affichons 0,2 point de croissance. On nous avait parlé de destruction d'emplois, nous venons de recréer 50 000 emplois supplémentaires au cours du premier trimestre, qui s'ajoutent aux plus de 2 millions d'emplois que nous avons créés en sept ans. On nous avait dit décrochage français, nous restons la Nation la plus attractive pour les investissements étrangers en Europe. Et le sommet Choose France a montré hier que de nombreuses entreprises internationales font le choix de la France, avec 15 milliards d'euros d'investissements et plus d'une cinquantaine d'investissements qui vont irriguer de manière très concrète tous les territoires.
Quand on discute avec des patrons de TPE et de ME, des indépendants ou des présidents de grands groupes internationaux, on s'aperçoit que la complexité administrative reste un obstacle à l'investissement et à la croissance en France comme en Europe. La simplification est donc une exigence absolue : elle améliorera nos résultats économiques, elle nous donnera plus de croissance, plus de prospérité, plus d'emplois, et nous permettra de rester dans la course du monde. Il ne peut y avoir, d'un côté, la Chine et les États-Unis qui simplifient à outrance, et, de l'autre, l'UE qui ne cesse d'ajouter des normes.
C'est pourquoi je souhaite que ce texte soit un point de départ, que cet exercice de simplification soit renouvelé chaque année, et que s'engage alors un mouvement plus global européen de simplification des normes et d'allégement des obligations qui pèsent sur toutes les entreprises européennes. La Commission européenne agirait mieux en supprimant des règles plutôt qu'en en rajoutant systématiquement de nouvelles.
Le premier volet de ce projet de loi simplifie la vie des entrepreneurs et des salariés.
Nous allons d'abord supprimer les 1 800 formulaires Cerfa. Ce travail sera très fastidieux, car certains d'entre eux seront purement et simplement supprimés tandis que d'autres seront dématérialisés. À cet égard, je rends hommage aux services administratifs qui se sont attelés à ce travail de fourmi.
Ensuite, nous ferons une revue complète, sur trois ans, des 2 500 autorisations administratives et des milliers d'autres démarches obligatoires qui sont appliquées aux entreprises et qui se révèlent très souvent inutiles. Par exemple, les arrêts maladie étant déjà déclarés auprès de l'assurance maladie, 15 millions de déclarations peuvent être supprimées. Il en est de même pour les attestations d'assurance chômage : chaque année, 26 millions de formulaires sont remplis alors que l'information est déjà traitée.
Enfin, au niveau réglementaire, nous doublerons dès cette année le seuil de la déclaration DAS 2 de 1 200 à 2 400 euros. Doubler le seuil me paraît un minimum, et je suis ouvert pour aller plus loin sur ce sujet.
Le deuxième volet de ce projet de loi concerne la simplification drastique de la commande publique, notamment des collectivités locales. Cette dernière, qui est fondamentale en ce qu'elle représente plusieurs dizaines de milliards d'euros, est aujourd'hui trop complexe. Pour soumissionner à un appel d'offres, une entreprise doit le faire différemment selon qu'il s'agit de l'État, d'un hôpital ou d'un opérateur public. Notre objectif est de mettre en place une plateforme unique, intitulée « Place », pour tous les marchés publics. Si les collectivités territoriales veulent y participer, nous sommes ouverts à ce débat. Cela simplifierait la vie de nos entrepreneurs, qui pourront déposer un dossier unique avec le numéro Siret, lequel vaudra pour tous les appels d'offres.
Aujourd'hui, la compétence est dévolue au juge administratif et au juge judiciaire. Demain, elle sera exclusivement attribuée au juge administratif. Les règles d'avance de trésorerie seront simplifiées et unifiées - 30 % pour tout le monde. Depuis des années, elles variaient en fonction de la situation économique.
Par ailleurs, nous allons mettre en place le « test PME », très demandé par les entreprises. M. Olivier Rietmann a formulé des propositions qui me paraissent judicieuses sur ce sujet : outre l'intervention de représentants des PME, une approche interministérielle devra garantir la validité de la recommandation de ce test. Ce point, certes technique, est fondamental d'un point de vue politique pour s'assurer que, quels que soient le texte et son origine, les PME demeurent favorisées.
Enfin, nous allons rapprocher le droit des professionnels et celui des particuliers en matière de banque et d'assurance, aligner les règles de clôture de compte des entreprises pour que les frais soient nuls, permettre la résiliation sans frais des contrats d'assurance pour les TPE et les PME, et, enfin, imposer le respect d'un délai pour l'indemnisation des professionnels comme des particuliers, de six mois en cas d'expertise et de deux mois pour les sinistres sans expertise. Telle est la leçon que nous avons tirée des inondations intervenues dans le Nord-Pas-de-Calais.
S'agissant des salariés, nous proposons une feuille de paie simplifiée, qui passera de 55 à 15 lignes. À terme, le chef d'entreprise n'aura qu'à produire ce document, et les salariés auront une vision exacte de la réalité de notre modèle social. Une telle simplification est un gage de transparence, de lisibilité et de démocratie. En revanche, la feuille de paie complète sera mise à la disposition des salariés dans une banque des données sociales d'ici à 2027.
Je le redis, nous souhaitons que ce travail de simplification soit reconduit chaque année par les ministères pour faire l'objet de nouvelles mesures législatives.
Un autre grand volet de la simplification concerne l'information et le conseil des patrons de TPE et de PME et des entrepreneurs.
Premier outil que nous voulons généraliser : les rescrits. Ceux-ci sont unanimement salués, mais ils sont très souvent réservés au domaine fiscal et ne font l'objet d'aucun recueil. Nous proposons d'élargir les rescrits à d'autres domaines, notamment en matière de consommation ou de droit du travail, et d'établir une jurisprudence des rescrits en faveur des entreprises, de façon anonymisée.
Nous supprimerons les peines de prison encourues par les chefs d'entreprise lorsqu'elles nous apparaissent exagérées en termes de sanctions, notamment lorsqu'une déclaration a été mal remplie, à partir du moment où aucune intention de nuire n'est établie.
J'en viens au troisième grand volet, la réindustrialisation, qui est au coeur de ce que nous défendons depuis sept ans. J'insiste sur l'importance politique de refaire de la France une grande nation de production. Les grandes vagues de délocalisation constituent le plus grand drame économique et politique que notre pays a vécu depuis quarante ans. Aucun autre grand pays de l'OCDE n'a connu des vagues d'une telle ampleur, n'a sacrifié 2,5 millions d'emplois industriels, n'a fermé plus de 600 usines, n'a sacrifié des filières entières, n'a divisé par deux la part de l'industrie dans sa richesse nationale. Il s'agit d'un scandale politique, économique et financier inacceptable. Il s'agit d'une saignée humaine, culturelle,financière et de compétences qui a durablement affaibli la France et dont découlent nombre de nos problèmes : le déficit du commerce extérieur, nos difficultés à équilibrer nos comptes publics, les tensions sociales qui sévissent dans certains territoires et la montée des extrêmes. Une grande partie de nos difficultés sociales et politiques sont liées au fait que nous avons vidé la France de sa substance en la privant de sa capacité de production.
Je me bats contre ce phénomène depuis sept ans. Les décisions d'allégement de la fiscalité, sur le capital et les entreprises, constituent la base de cette bataille. Ensuite, nous oeuvrons en matière de formation, de qualification et de revalorisation de certaines filières, au premier rang desquelles figure celle du nucléaire, qui fournit des emplois et garantit à nos entreprises l'accès à une énergie compétitive et décarbonée, à bas coût. Il nous faut aussi procéder à l'accélération du déploiement des installations industrielles, dont certains disent qu'elle nuit au climat, alors que c'est le contraire. Faut-il produire des voitures, des avions ou des batteries en France, de façon décarbonée et en gardant nos emplois, ou faut-il importer depuis des pays où le coût climatique est beaucoup plus élevé, en perdant nos emplois ? Nous sommes pour l'emploi, pour les usines et pour le climat. Nous ne souhaitons pas que la France ne soit qu'un pays de consommation, qui importe les biens manufacturiers dont il a besoin.
Cette position explique la présence de mesures visant à faciliter les installations industrielles. À titre d'exemple, les grands projets industriels ne figureront plus dans le champ d'intervention de la Commission nationale du débat public (CNDP) et pourront bénéficier d'une exonération du calcul du « zéro artificialisation nette » (ZAN), profitant systématiquement du quota national ZAN de 12 500 hectares. Il s'agit d'un grand débat et d'un vrai choix politique : l'accélération du déploiement industriel français est bon pour l'emploi, pour la prospérité nationale, mais aussi pour le climat.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. - Je voudrais d'abord saluer le rapport d'information de la délégation aux entreprises, qui a nourri notre travail, notamment l'article relatif aux « tests PME ».
L'objectif de ce texte est simple : redonner du temps utile aux entrepreneurs et simplifier la vie des entreprises, notamment des plus petites. Grâce à une grande consultation, nous avons fait remonter des propositions d'entrepreneurs, mais aussi de fédérations et d'organisations professionnelles. Nombre des articles et dispositions du projet de loi peuvent être directement sourcés, et ce texte est issu non pas d'une logorrhée technocratique, mais de la vraie vie de nos acteurs économiques.
Il ne sert à rien d'appeler à la simplification si on ne la pratique pas et la confiance ne se décrète pas : elle se met en oeuvre. Ce texte démontre une volonté de changement de l'état d'esprit de l'État et de l'administration, qui doit être caractérisé par le souci de ne pas complexifier la vie des entrepreneurs.
Les deux enjeux majeurs du flux et du stock sont largement présents dans le texte. Les mesures relatives au stock sont importantes et nous proposons, par exemple, la suppression des 1 800 formulaires Cerfa. Cependant, les mesures concernant le flux sont aussi stratégiques, puisqu'elles portent l'hygiène de la simplification. Chaque année, nous devons avoir un débat sur la simplification et il est indispensable que nous passions enfin des paroles aux actes, notamment en mettant rapidement en oeuvre le « test PME », sans mettre à mal la liberté totale du législateur ni les projets de l'exécutif.
Je signale aussi que le projet de loi est accompagné d'une cinquantaine d'actions et de mesures, qui ne sont pas forcément normatives, et dont vingt-six prennent la forme d'articles législatifs. J'en donnerai deux exemples. D'abord, je mentionnerai la simplification des démarches sociales des travailleurs non salariés (TNS), qui se sentent souvent un peu perdus et peinent à rentrer dans les cases. Désormais, France Services, avec les services de l'Urssaf, pourra accompagner les indépendants et répondre à leurs sollicitations, permettant ainsi de renforcer la capacité de l'État à mieux les conseiller. Ensuite, nous envisageons d'améliorer le titre emploi service entreprise (Tese) par voie réglementaire, pour poursuivre notre chemin vers le plein emploi et permettre aux indépendants d'embaucher plus facilement.
Pour répondre à Olivier Rietmann, nous avons davantage été guidés par le bon sens que par une approche sectorielle. Les entreprises ne sont pas égales face au poids de la norme, les TPE et les PME n'ont pas les mêmes capacités que d'autres à la comprendre et à s'y conformer. Dans un souci de justice économique, le texte comprend un volet spécifique pour les acteurs les plus vulnérables face à la norme.
Enfin, le projet de loi comprend des mesures relatives à l'accompagnement des commerçants, auxquels nous rendrons du temps, mais aussi de la trésorerie, grâce aux dispositions relatives à la mensualisation des loyers et au « capage » des dépôts de garantie. De plus, nous voulons fluidifier les ouvertures de commerces et sécuriser les projets commerciaux.
M. Yves Bleunven, rapporteur. - Monsieur le ministre, l'article 1er du projet de loi prévoit de supprimer la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), présidée par le sénateur Damien Michallet et composée aux trois quarts par des parlementaires. Quelles raisons motivent ce choix ? Vous nous demandez de cautionner un affaiblissement du contrôle parlementaire, alors que votre gouvernement souhaite s'affranchir le plus possible du Parlement, faute de majorité et de culture du consensus ; c'est insensé. En 2020, le Parlement s'est déjà opposé à la suppression de la CNSP.
Votre projet est d'autant plus problématique que les secteurs concernés revêtent une importance primordiale pour les élus que nous sommes. La Poste exerce quatre missions de service public : le service universel postal, la distribution de la presse, la contribution à l'aménagement du territoire et l'accessibilité bancaire. Par ailleurs, Orange demeure attributaire du service universel des communications électroniques. Il s'agit d'autant de missions essentielles à l'aménagement de nos territoires les plus reculés, au maintien du lien social partout en France, à l'accès à l'information et à la numérisation de notre économie. Sur ces sujets, le Sénat et l'Assemblée nationale doivent effectuer un contrôle de nature politique, permanente et transpartisane.
L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) effectue un contrôle des obligations légales et réglementaires des opérateurs, mais son collège n'est composé d'aucun élu, contrairement à ceux des autres autorités indépendantes. Le Conseil national du numérique (CNNum) a une vocation plus prospective.
J'en viens à l'article 7, qui vise à modifier les informations présentes sur le bulletin de paie, dans le but de le rendre plus lisible pour les salariés et plus simple à éditer pour les employeurs. Cet article ayant fait l'objet d'une communication importante de la part du Gouvernement, nous en attendions beaucoup. Cependant, peut-on parler de simplification quand on demande aux employeurs de collecter, de conserver et de mettre à disposition des employés l'ensemble des informations qui ne figureront plus sur le bulletin ? Quel sera le coût pour les employeurs de la mise en place de ces nouvelles modalités ?
Enfin, pourquoi remettre sur le métier la réforme du code minier, engagée par la récente loi Climat et résilience ? Si la facilitation de la conversion de puits d'hydrocarbures en vue du stockage souterrain de CO2 paraît utile, quel sera le nouveau schéma de délivrance des autorisations minières en Guyane ? L'Office national des forêts (ONF) jouera-t-il toujours le même rôle ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - J'entends ce que vous dites sur la CSNP, mais la France compte, en plus de la Commission, le CNNum, un Observatoire national de la présence postale et, de façon plus générale, 313 commissions ou instances consultatives, dans lesquelles siègent de nombreux parlementaires. Au bout du compte, la multiplication de ces instances affaiblit le pouvoir de contrôle des parlementaires, auquel je suis attaché et qu'il faut renforcer. Néanmoins, je ne livrerai pas de grande bataille sur le sujet, et nous nous en remettrons à la sagesse du Parlement.
En ce qui concerne le bulletin de paie, il ne s'agit pas de doubler les obligations des entrepreneurs, mais de donner aux salariés l'accès à des informations simples : ce qu'ils payent comme cotisations et impôts, ce qui leur reste à la fin du mois et ce que paye l'entrepreneur. Nous avons un devoir de transparence et de simplification en la matière. Nous souhaitons que les informations restantes ne soient plus remplies par l'entrepreneur, mais par l'administration. Elles figureront sur le portail national des droits sociaux, qui sera mis en place au plus tard en 2027, et sur lequel le salarié pourra consulter le détail de ses cotisations. J'insiste sur ce point, soulevé par de nombreux patrons de PME : ces derniers n'auront plus à remplir un bulletin de paie de 55 lignes.
Enfin, nous souhaitons poursuivre la réforme engagée du code minier. La démarche de raccourcissement des délais n'a pas été menée dans les champs miniers. Le volet relatif à l'autorisation environnementale ne sera pas remis en cause.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je commencerai par évoquer un sujet irritant pour les parlementaires. Les articles 2, 3 et 11 autorisent le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance sur des sujets centraux pour la vie économique des entreprises. Les délais de ces habilitations sont longs, puisqu'ils sont compris entre dix-huit et vingt-quatre mois, et leur champ est vaste, ce qui conduit le Parlement à se dessaisir de sa compétence sur de larges pans de l'action publique économique. Or nous avons la capacité de débattre de textes longs et complexes. Les sujets couverts par ce projet de loi ne paraissent pas tant techniques que politiques. Qui peut penser que la simplification des démarches administratives n'intéresse pas la représentation nationale ? Nous pourrions presque imaginer que vous ne faites pas confiance au Parlement pour traiter de ces sujets ; j'espère que vous me démentirez.
L'article 23 prévoit d'intégrer l'objectif d'innovation dans le mandat de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Ni le dispositif prévu par l'article ni l'étude d'impact ne nous renseigne sur le contenu ou la portée juridique de cette mesure, lourdement critiquée par le Conseil d'État. Il pourrait s'agir d'un effet d'affichage. La définition du mandat d'une autorité administrative indépendante est importante.
L'article 6 illustre une autre limite du projet de loi. Il vise à réduire de deux à un mois le délai d'information des salariés avant tout projet de vente du fonds de commerce. Cette formalité administrative supplémentaire, imposée aux entreprises par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », était supposée favoriser les rachats par les salariés. Cependant, ces rachats sont restés très rares ; pourquoi ne pas aller au bout de votre démarche et supprimer cette mesure dont l'inefficacité semble démontrée ?
Enfin, le volet agriculture est étrangement absent de ce projet de simplification de la vie économique, alors que les agriculteurs sont des entrepreneurs ; pourquoi avoir fait ce choix ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je commencerai par apporter un démenti formel quant à la confiance que j'accorde aux parlementaires, qui est totale. J'ai moi-même été parlementaire pendant quinze ans. Nous faisons le choix de l'ordonnance quand le travail est fastidieux, long et technique, notamment dans le cas des 2 500 démarches administratives que nous voulons simplifier ou supprimer. Je tiens à ce que les textes de loi soient clairs et simples. L'ordonnance semble représenter le meilleur moyen pour aller vite et procéder à l'analyse extensive de ces démarches, ce qui n'exclut pas d'avoir recours à la voie législative pour certaines dispositions, dont celles qui sont relatives aux rescrits, sur la base de propositions qui seront faites par les parlementaires.
En ce qui concerne la Cnil, nous faisons face à des révolutions technologiques considérables. Si nous n'ajoutons pas ce volet relatif à l'innovation, lié notamment à l'intelligence artificielle (IA), j'ai peur que nous ne prenions beaucoup de retard. L'IA doit être au coeur de notre réflexion sur l'administration de demain et l'administration française, l'une des meilleures au monde, doit aussi être l'une des plus performantes et des plus innovantes en la matière. Il s'agit d'un défi considérable, mais le relever nous permettra de servir l'usager, qu'il soit entrepreneur ou citoyen. Cet article sera longuement discuté, mais je souhaite que le déploiement de l'IA soit le plus rapide possible dans notre administration. À titre d'exemple, le recours à l'IA sera utile pour les appels d'offres et il est déjà très répandu pour le conseil aux usagers, permettant de répondre plus vite, sans renoncer au conseil humain quand l'IA ne permet pas de répondre aux questions posées.
Sur le délai d'information des salariés, nous nous en remettrons à la sagesse des parlementaires. Avec le délai actuel de deux mois, le nombre de rachats d'entreprises par les salariés est passé de 40 à 50, sur 30 000 cessions. On peut donc légitimement s'interroger sur l'efficacité du dispositif.
Enfin, j'en viens à la question de l'agriculture. Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture comporte des dispositions de simplification. Nous avons choisi de scinder les sujets.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Les trois ordonnances seront-elles ratifiées ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Bien sûr.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Si elles ne le sont pas, le Parlement sera exclu.
M. Bruno Le Maire, ministre. - C'est noté, madame la sénatrice.
M. Fabien Gay. - Le texte est technique, fourre-tout selon certains, mais il s'agit surtout d'un texte très politique, ce qu'illustre l'article 7. En effet, celui-ci va complexifier la vie des entreprises et des salariés alors que vous prétendez la simplifier. Les services de paie sont complexes et il faudra que les entreprises changent leur système informatique pour répondre aux nouvelles exigences. De plus, s'ils le demandent, les salariés devront pouvoir accéder aux informations présentes sur l'ancienne fiche de paie. Il faudra donc produire deux fiches, selon deux systèmes différents, ce qui ne sera pas simple pour un entrepreneur qui fait tout lui-même. Il s'agit donc non pas de simplifier, mais de préparer une offensive politique sur la question du salaire.
Depuis sept ans, vous dites ne pas vouloir augmenter les salaires, pour vous concentrer sur le partage de la valeur, le dividende et l'actionnariat salarié. Vous allez chercher à rapprocher le salaire brut du salaire net. Je suis d'accord sur la nécessité de donner accès aux salariés à l'information relative aux composantes de son salaire et c'est d'ailleurs un vrai combat, mais je ne crois pas à la solution du portail numérisé.
J'en viens à la réindustrialisation. Certes, nous recréons de l'emploi industriel, mais nous en perdons aussi. Quelle chaîne de valeur veut-on construire en France ? Dans le secteur automobile, vous souhaitez que la France devienne leader dans le domaine de la batterie électrique. Sommes-nous condamnés à ne construire que cet élément de la chaîne, à l'heure où les fonderies et les sous-traitants ferment les uns après les autres ?
M. Michel Canévet. - Le Sénat a beaucoup travaillé sur la question de la transmission des entreprises et nous avons mis en exergue les difficultés liées à la loi Hamon ; une révision du dispositif de consultation des salariés est-elle envisageable ?
En ce qui concerne les délais de paiement, pourrait-on considérer la proposition des commissaires de justice, qui vise à éviter la judiciarisation systématique pour obtenir le paiement des factures, en ayant recours à des procédures simplifiées ?
Les tribunaux administratifs seront les interlocuteurs pour la commande publique. S'il s'agit d'une bonne mesure, il faudra faire en sorte que les délais d'instruction soient raccourcis.
Enfin, nous parvenons à réduire les délais d'instruction dans certains dossiers, mais les administrations font obstacle. Il nous faut tenir un discours clair à l'intention des entrepreneurs : quand des délais sont mis en place, ils doivent être respectés.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce projet de loi nous parvient après de nombreuses lois de simplification, dont les effets en termes d'allégement des contraintes administratives et de compétitivité n'ont jamais été évalués.
Je souhaite aussi revenir sur la feuille de paie, votre proposition étant très étonnante. Dans le back office des entreprises, on procédera toujours aux mêmes calculs des différents éléments de la paie. Par ailleurs, vous dites que les salariés auront ainsi accès à des « informations simples », ce que je trouve légèrement méprisant. Dans de nombreuses entreprises, certains employeurs et les syndicats aident les salariés à comprendre leur feuille de paie. Le nouveau dispositif les rendra incapables de comprendre à combien s'élève le salaire socialisé pour chacune des cinq branches de la sécurité sociale. Vous construisez une allergie aux cotisations en choisissant de faire figurer une somme globale, qui sera importante, et en effaçant les risques socialisés auxquels elle correspond. Il s'agit d'une mesure politique et idéologique, qui ne simplifiera rien.
Par ailleurs, le projet de loi comprend peu d'éléments liés aux TPE et aux PME. De nombreuses mesures prennent acte du fait que les administrations sont surchargées et qu'elles ne sont pas en mesure de réaliser certains actes administratifs dans des délais satisfaisants. Vous souhaitez davantage acter l'insuffisance des effectifs de fonctionnaires que simplifier la vie des entreprises. À titre d'exemple, vous évoquez les délais trop longs du traitement administratif des paiements directs des sous-traitants, pour supprimer un mécanisme qui offrait pourtant une garantie. Ce dont les TPE et les PME ont besoin, c'est d'accompagnement.
Enfin, quand mesurerez-vous le bénéfice social, sanitaire et écologique des normes ? Quand évaluerez-vous les coûts qu'elles permettent d'éviter ? Je pense notamment à la suppression de l'obligation de résultat quant à la compensation écologique.
M. Serge Mérillou. - Simplifier la vie des entreprises, c'est aussi sécuriser ces dernières et les collectivités, notamment dans le cadre des marchés publics. Or les décisions de justice peuvent intervenir de façon très tardive en la matière, annulant des autorisations pour des travaux dont la réalisation est déjà avancée, voire terminée. L'article 15 du projet de loi prévoit d'étendre le dispositif de projet d'intérêt national majeur aux data centers ; pourrions- nous étendre cette disposition aux projets d'infrastructure routière portés par les collectivités, sous réserve qu'ils soient compatibles avec le maintien de la biodiversité et positifs en matière de sécurité routière ?
M. Rémy Pointereau, président de la commission spéciale sur le projet de loi de simplification de la vie économique. - Les recours abusifs représentent un véritable sujet de préoccupation dans de nombreux domaines.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Pour répondre à Mme Poncet Monge, une compensation écologique est prévue, mais elle doit être différée dans un délai raisonnable. Aujourd'hui, quand un terrain est disponible, comme au Havre par exemple, qu'une usine souhaite s'y installer, que la réindustrialisation est possible et la perspective de création d'emplois est réelle, mais que les hectares équivalents pour compenser la construction ne sont pas immédiatement disponibles, il faudrait abandonner l'investissement. Je ne suis pas d'accord. Cependant, nous ne renonçons pas à la compensation écologique, qui est seulement reportée dans le temps.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Quel est le délai raisonnable ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Vous aurez à coeur de le définir. Mais si nous ne reportons pas, l'usine s'installera en Chine, en Inde ou en Turquie. Nous ne le souhaitons pas, et c'est la différence entre vous et nous. Nous préférons que l'usine s'ouvre en France, dans des conditions écologiques qui sont les meilleures au monde en termes d'émission de CO2 par produit manufacturier produit. Je ne reproduirai pas les erreurs commises par tous mes prédécesseurs depuis quarante ans : choisir de polluer ailleurs, importer ensuite et perdre, par ces importations, toutes les réductions de CO2 obtenues en France.
J'en viens à la réindustrialisation et à l'industrie automobile, qui constitue un enjeu stratégique pour le pays. Depuis un siècle, la France a une industrie automobile de pointe, dont les marques font partie de notre patrimoine. La bascule vers le véhicule électrique ou hybride représente donc une transformation essentielle. Je voudrais vous rassurer sur notre stratégie. D'abord, nous avons un rendez-vous en 2027 ; nous verrons où nous en sommes alors. Ensuite, la bascule définitive aura lieu en 2035, quand la vente - et non la circulation - des véhicules thermiques sera interdite.
Notre souhaitons que la France soit une nation de production et non de consommation. Si nous ne prenons pas immédiatement le tournant du véhicule électrique, de manière cohérente et volontariste, il sera trop tard, et notre retard en matière de batteries, de terres rares, de métaux critiques et de moteurs électriques sera trop grand. Nous avons donc décidé, avec le Président de la République et l'ensemble de la filière de l'industrie automobile, dont je salue l'unité, d'accélérer la transition et de maîtriser l'intégralité de la chaîne de valeur.
À cette fin, il nous faudra maîtriser l'approvisionnement en lithium, en cobalt et en terres rares, et rouvrir des mines. Il faudra aussi assurer la production de batteries, qui représentent entre un tiers et un quart de la valeur des véhicules électriques. Nous avons donc ouvert quatre giga factories, qui concentreront 20 000 emplois, et nous avons choisi de faire venir des investisseurs comme ProLogium, qui travaillent sur des batteries d'un autre type, dans l'objectif de se passer du lithium ou de l'utiliser en moindre quantité. Il faudra également recycler les matériaux des batteries et récupérer les matériaux critiques.
Enfin, nous voulons produire les véhicules en France et la discussion avec les constructeurs est parfois difficile sur ce sujet. Renault est capable de produire la R5 à Douai et des véhicules utilitaires légers à Sandouville, où 200 millions d'euros ont été investis, deux nouvelles lignes de production ont été installées et plusieurs centaines d'emplois vont être créés. Il y a dix ans, ce site devait fermer et j'ai été heureux d'y retourner et d'y croiser des salariés qui avaient le sourire aux lèvres, parce qu'ils savent que l'avenir de l'usine est garanti pour les décennies à venir. Cependant, Renault et Stellantis doivent prendre des engagements sur les volumes de production, les modèles et les plateformes qui correspondent à l'investissement que réalise la Nation française dans ce domaine. Notre stratégie est cohérente : accélérer, maîtriser l'intégralité de la filière et obtenir des volumes satisfaisants.
J'ajoute un point qui peut irriter : il faut protéger notre industrie face aux surcapacités chinoises. Nous ne parviendrons pas à résister sans rétablir un équilibre commercial entre la Chine et l'Europe. Les 26 autres États membres de l'UE doivent aussi le comprendre. Les normes environnementales strictes que nous imposons à nos constructeurs ont un coût et si ce dernier n'est pas facturé à l'entrée sur le marché européen, nous n'avons aucune chance de maintenir notre industrie. La compensation est indispensable. Produire de l'acier ou de l'aluminium décarboné, à Fos-sur-Mer ou à Dunkerque, nécessite l'installation de fours électriques, qui coûtent des milliards d'euros. Le coût plus élevé de l'acier ou l'aluminium sera répercuté sur ceux de la carrosserie et de la voiture. Cette voiture ne peut pas rivaliser commercialement avec des produits fabriqués dans d'autres pays, dans des conditions environnementales moins satisfaisantes.
Se protéger, c'est aussi assumer que les bonus versés pour l'achat d'un véhicule électrique ou d'une pompe à chaleur soient réservés aux biens qui respectent les règles environnementales les plus strictes. Je regrette que d'autres pays européens n'aient pas suivi cette politique.
Il s'agit de l'un des enjeux stratégiques pour l'industrie européenne dans les décennies à venir : si l'on ne rééquilibre pas les conditions de marché avec la Chine, l'industrie européenne disparaîtra, comme c'est déjà le cas avec le secteur de la chimie. Nous ne pouvons pas demander à nos industriels de supporter le coût environnemental sans garantir un équilibre
Je me permets de rajouter ce bout de ^phrase supprimé dans le CR car il est important pour les entreprises
commercial avec leurs concurrents.
Enfin, j'en viens à la feuille de paie. Les changements prévus prennent du temps parce que transférer la charge de l'émission des données de l'entreprise au portail national des droits sociaux prendra un peu de temps. La tâche du chef d'entreprise sera allégée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - En ce qui concerne le dispositif prévu par la loi Hamon, le mécanisme en place est trop lourd et freine les repreneurs, ce dont témoigne la faible proportion de transmissions aux salariés. Nous sommes ouverts à toute proposition qui pourrait enrichir les dispositions prévues.
Nous sommes également ouverts à vos suggestions sur la question des commissaires de justice.
Quant à l'article 12, il vise à simplifier les contraintes pesant sur les juges des référés et à supprimer le critère de grade, qui conditionne l'exercice de cette fonction, afin que ces juges soient plus nombreux.
Madame Poncet Monge, dire de ce texte qu'il est à la fois technique et politique n'est pas une insulte. Par ailleurs, il comprend de nombreuses mesures à destination des TPE et des PME : supprimer les formulaires Cerfa, faciliter l'accès à la commande publique en ligne, développer les visites de conformité, généraliser les rescrits et la médiation, réformer le droit des contrôles spéciaux, instaurer le « test PME », ouvrir la résiliation à tout moment pour les assurances de dommages des professionnels, reconnaître le statut de tiers déclarant, alléger les obligations de la DAS 2, fournir des outils pour faciliter l'embauche, faciliter la création de groupements momentanés d'entreprises et simplifier les démarches des entreprises du bâtiment et des travaux publics - peu importe que nous empruntions la voie législative ou réglementaire, ces mesures s'adressent aux TPE et aux PME.
Monsieur Mérillou, nous sommes ouverts à considérer des mesures de simplification pour d'autres types de projets d'intérêt national majeur.
Mme Pascale Gruny. - Je suis parlementaire depuis vingt ans et j'ai vu passer de nombreux textes de simplification. Alors j'ai envie de vous dire : ne touchez à rien, ce sera pire après !
Je souhaite revenir sur la question des bulletins de paie, pour que vous ne pensiez pas que la critique ne vient que d'un côté de l'hémicycle. Le bulletin est déjà simplifié et je ne sais pas à quoi fait référence M. Le Maire quand il évoque 55 lignes. Par ailleurs, l'entreprise aura toujours besoin des informations qui figuraient sur le bulletin. Vous ne simplifiez rien, mais le coût en matière de maintenance informatique et d'expertise comptable sera certain. Enfin, en ce qui concerne le portail, la déclaration sociale nominative (DSN) permet déjà d'avoir accès à toutes les informations.
Dans le dossier de presse préparé par votre ministère sur le projet de loi, vous précisez que la disparition des formulaires Cerfa pourra passer par le fait de « supprimer purement et simplement la démarche », auquel cas, « l'information sera obtenue autrement ». Il faudrait alors veiller à ce que l'on puisse parler à de vrais interlocuteurs lorsqu'on contacte l'administration ; j'ai pu constater personnellement hier les carences en la matière en appelant le service des impôts, car personne n'a su me répondre
Je mets car je sais qu'elle apprécie que l'on garde les exemples concrets du quotidien qu'elle cite
M. Martin Lévrier. - J'évoquerai la course difficile que les entreprises doivent mener pour obtenir des subventions. Des entrepreneurs m'ont dit qu'ils pouvaient toucher jusqu'à 280 subventions pour un même produit. Quant à des dispositifs comme MaPrimeRénov', ils sont devenus bien trop compliqués pour que de petits entrepreneurs tentent d'en bénéficier. Le sujet mériterait un travail de réflexion et la simplification pourrait prendre la forme d'un guichet unique des subventions.
Vous avez présenté l'administration française comme l'une des meilleures du monde, mais elle est souvent perçue comme une police des polices. Ne devrait-on pas préférer le mot « conseiller » aux termes « contrôleur » et « inspecteur » ? Pendant la crise de la covid, l'administration s'est montrée beaucoup plus proche des entreprises et il faudrait poursuivre ce travail en modifiant certains mots.
J'en viens aux « tests PME » et aux évaluations annuelles. Pourrait-on aussi envisager une évaluation normative ou réglementaire des amendements votés ? Nous en concevons beaucoup et sommes parfois les pires constructeurs de la réglementation.
M. Hervé Reynaud. - D'abord, je souhaite que le texte final soit bien d'inspiration sénatoriale, car nous avons mené un travail de longue haleine sur le sujet.
Ensuite, j'évoquerai un regret. Il semble dommage que l'objectif de simplification ait été scindé, séparant, par exemple, les questions économiques de l'agriculture. Nous aurions pu évoquer aussi les collectivités territoriales et rapprocher l'administration déconcentrée et décentralisée de nos entreprises.
Vous avez dit avoir consulté des organisations professionnelles ; quel a été le périmètre de ces concertations ? Il était important de réintroduire les corps intermédiaires dans la réflexion.
Enfin, je souhaite revenir sur la facilitation de l'accès aux commandes publiques pour toutes les entreprises. Ces dernières doivent fournir les pièces administratives requises dès la phase de candidature ; il serait sans doute possible d'alléger cette procédure.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Je souhaite évoquer les formalités administratives induites par la mise en conformité de nouvelles normes, qui menace la compétitivité des plus petites entreprises. En effet, celles-ci sont obligées de recruter pour se conformer à ces normes et les sommes importantes ainsi dépensées ne sont pas investies en recherche et développement (R&D) ni dans la production. Dans notre rapport d'information sur la directive CSRD, qui a été adopté par la délégation aux entreprises, Marion Canalès et moi avons formulé une proposition : l'extension aux entreprises du principe : « dites-le-nous une fois ». Compte tenu de la densité des informations demandées aux entreprises dans le rapport de durabilité de la CSRD, l'administration ne devrait pas avoir à demander de nouveau les éléments qui s'y trouvent. J'aimerais que cet exemple de simplification soit intégré au texte.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je remercie Mme Gruny pour sa mise en garde, mais il m'en faut plus pour me décourager ! Certes, la simplification est un travail difficile, notamment parce qu'il touche aux intérêts particuliers. À titre d'exemple, dans le cas de la CSNP, pour laquelle je m'en remets à votre sagesse, les parlementaires savent qu'ils devront cesser d'y siéger si elle devait être supprimée. La même chose se produit pour les agents de la fonction publique, qui redoutent une perte d'activité. La simplification crée de l'inquiétude et nécessite de la confiance. M. Lévrier le mentionnait de façon très juste, le conseiller doit prendre la place de la police des polices. Dans le cas de DAS 2, le contrôle est tel parce que le dispositif repose sur l'idée que tout chef d'entreprise est un fraudeur en puissance. Je pars du principe qu'il faut faire confiance et que les contrôles doivent permettre de sanctionner lourdement ceux qui trichent et abusent de cette confiance. Il s'agit d'un renversement complet : ne pas multiplier dès le départ les contrôles et la paperasse pour éviter toute fraude, et faire en sorte que la confiance soit le principe.
En ce qui concerne le guichet unique pour les subventions, il s'agit de l'une des réflexions que nous sommes prêts à ouvrir. Un tel dispositif serait utile et j'y suis favorable.
Pour le « test PME », nous proposons de reprendre le travail remarquable d'Olivier Rietmann. Cependant, il s'agit d'un débat politique lourd. En effet, cela suppose de faire confiance à des chefs de PME et de TPE pour juger d'un texte et de son impact sur la vie des entreprises. En second lieu, le secrétariat doit être assuré de manière interministérielle pour garantir l'efficacité de la procédure, ce qui est complexe.
Enfin, notamment sur la question du « test PME », ce texte est bien d'inspiration sénatoriale.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - J'ai lancé à Bercy un groupe de travail, qui rassemble des avocats, des administrateurs et mandataires judiciaires, des philosophes et d'autres acteurs, pour réfléchir aux mots à poser sur les maux de nos entrepreneurs. M. Lévrier et tous ceux qui pourraient être intéressés sont invités à venir échanger. Je crois à l'importance des mots, notamment pour les entrepreneurs qui rencontrent des difficultés. Recevoir un courrier du tribunal pour une « liquidation » ne donne pas envie d'ouvrir sa boîte aux lettres et le déni constitue un problème, notamment pour les micro-entrepreneurs. Je voudrais proposer d'autres termes, ainsi que des procédures allégées et moins difficiles humainement, pour faire face à l'échec et au rebond. L'expérience des sénateurs nous serait utile en la matière.
Monsieur Reynaud, la consultation que nous avons organisée a duré plusieurs mois, a rassemblé 70 fédérations professionnelles, le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l'Union des entreprises de proximité (U2P), mais aussi des acteurs sectoriels du bâtiment, du commerce, de l'industrie, de l'artisanat, du chiffre et du droit. Nous avons reçu 1 500 propositions et 33 000 citoyens et chefs d'entreprise ont participé en ligne, nous adressant 5 300 propositions.
Madame Romagny, le principe : « dites-le-nous une fois » est au coeur de l'article 2. L'administration détient déjà 80 % des informations qu'elle demande. L'article concernant la plateforme unique pour les marchés publics va aussi dans ce sens, puisqu'il suffira de donner son numéro Siret une fois pour avoir accès à l'ensemble des marchés publics disponibles.
Cette question est aussi au centre de nos préoccupations concernant la directive CSRD et je salue votre engagement sur le sujet. Nous avons décidé de prétester le « test PME » auprès des PME sur la CSRD, en réunissant quinze PME, qui ont appliqué les douze normes prévues par la directive. Nous n'avons pas constaté de rejet en bloc puisque 70 % des informations ne consistent pas à agréger des données quantitatives, mais à décrire la politique menée par l'entreprise, ce qui ne peut être noté ni sanctionné. De plus, un tiers des données paraissent compliquées ou très compliquées, ce qui signifie que deux tiers d'entre elles sont assimilables par les PME. Un autre point important est apparu : la simplification doit aussi consister à éviter de demander plusieurs fois aux entrepreneurs des documents qui se ressemblent, sans être tout à fait les mêmes. À cet égard, nous avons veillé à ce qu'il y ait convergence entre les demandes liées à la CSRD et à l'indicateur climat de la Banque de France.
M. Rémy Pointereau, président de la commission spéciale sur le projet de loi de simplification de la vie économique. - Nous avons encore beaucoup de travail. Il nous faut arrêter la surtransposition européenne, faire mieux en matière de dérogation des préfets et étudier de plus près la proportionnalité des lois, ainsi que la différenciation en fonction du nombre de salariés.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez évoqué la suppression de certains comités et de certaines commissions. Chiche ! Mais alors, il faudra aussi travailler à la suppression d'un certain nombre d'agences, qui coûtent très cher à notre pays.
La réunion est close à 16 h 00.