COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 30 avril 2024

- Présidence de M. Sacha Houlié, président -

La réunion est ouverte à 14 h 06.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 30 avril 2024.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Sacha Houlié, député, président, de M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président, de M. Jean-Luc Warsmann, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale et de Mme Muriel Jourda, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Sacha Houlié, député, président. - La proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 25 avril 2023 par M. Jean-Luc Warsmann. Inscrite à un ordre du jour transpartisan, elle a été adoptée par l'Assemblée nationale le 25 novembre 2023, avant de l'être par le Sénat le 27 mars dernier.

Le texte comportait initialement trois articles ; il en a compté onze après son adoption à l'Assemblée nationale, puis dix-neuf après le vote du Sénat. Trois articles ayant été adoptés « conformes », seize articles restent en discussion.

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat. - Le titre de la proposition de loi illustre bien son contenu : il s'agit de pouvoir saisir, confisquer et appréhender le patrimoine mal acquis des délinquants.

Le premier enjeu de ce texte est celui de la lutte contre la délinquance. Nous nous sommes rendu compte que les délinquants motivés par le lucre n'étaient plus tant freinés par le risque carcéral que par celui de perdre le patrimoine issu de l'infraction. Il y a moins de recours contre les détentions provisoires que contre les saisies. Pour donner tout son poids à l'adage bien connu selon lequel « le crime ne paie pas », il est donc important que nous puissions appréhender le patrimoine des délinquants et criminels.

L'autre intérêt de ce texte, plus accessoire, est qu'il permet à l'État de récupérer quelques subsides et actifs pour lutter contre la délinquance.

Cette question a été abordée il y a déjà longtemps par Jean-Luc Warsmann, à l'origine d'un texte adopté en 2010 portant création de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), qui est le pilier du dispositif. Notre collègue rapporteur a été de nouveau missionné par le Premier ministre, en 2019, pour remettre un rapport dont certaines préconisations ont été reprises dans la présente proposition de loi.

Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions de ce texte, un peu aride et technique. Il s'agit de faire connaître ces procédures de saisie et de confiscation, de les rendre suffisamment simples pour que les magistrats puissent s'en emparer, et de veiller à leur efficacité. Nous confisquons aujourd'hui environ 30 % des biens saisis, ce qui n'est pas beaucoup, et cela ne s'explique pas toujours par de bons motifs. Nous avons, je pense, atteint conjointement notre objectif en simplifiant un certain nombre de procédures, notamment s'agissant des recours contre les décisions de saisie.

Le principal apport de l'Assemblée nationale a été de faire de la confiscation une peine complémentaire obligatoire. Cela permettra, me semble-t-il, de résoudre le problème de la conversion des saisies en confiscations dans un grand nombre de cas.

L'apport majeur du Sénat a été de réparer un oubli assez ancien mais révélé par la pratique : à l'issue de l'enquête ou de l'instruction, il était jusqu'ici impossible de gérer les biens saisis car il fallait attendre, parfois assez longtemps, que le tribunal ait statué sur le sort de ces derniers. D'un commun accord et en lien avec la Chancellerie, nous avons élaboré une procédure palliant cette difficulté.

Avec mon collègue rapporteur pour l'Assemblée nationale, que je remercie pour la qualité de nos échanges, nous avons donc atteint un accord sur lequel nous pourrons, je l'espère, tous nous retrouver.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je vous remercie moi aussi, madame la rapporteure pour le Sénat, pour l'excellent climat dans lequel nous avons travaillé. Je rappelle qu'à l'Assemblée nationale, ce texte a été adopté à l'unanimité.

À l'article 1er, notre assemblée a voulu élargir les possibilités d'affectation des biens saisis, en faveur notamment des fédérations sportives - à l'initiative du président de notre commission des lois - et des associations d'utilité publique. Le Sénat n'a été qu'à moitié convaincu, si j'ai bien compris, et a mis en avant le risque qui pourrait résulter de l'affectation d'un bien saisi mais non confisqué. Il n'avait pas tort. Muriel Jourda et moi-même avons donc fait un pas l'un vers l'autre en ne retenant l'extension des possibilités d'affectation sociale que pour les biens confisqués. Cette mesure bénéficiera à nos concitoyens.

Je n'ai pas été convaincu par l'article 1er bis AA, introduit par le Sénat. Je comprends les motivations de nos collègues sénateurs mais ne suis pas sûr de la solidité juridique de cette disposition consistant à rendre certains recours non suspensifs. Le cabinet de M. le garde des sceaux, que j'ai sollicité, partage mon opinion. Je remercie donc Muriel Jourda d'avoir accepté la suppression de cet article.

L'article 1er bis C prévoit l'information systématique de l'Agrasc des décisions de saisie et de confiscation. J'ai en effet souhaité combler les trous dans la raquette s'agissant de l'information de l'Agrasc, qui aboutit à ce que certains biens saisis ou confisqués qui devraient être gérés ne le soient pas. L'Assemblée nationale avait proposé une notification systématique à l'Agence, mais le Sénat a craint que cette procédure soit trop lourde. L'Agrasc a été notre juge de paix, et nous avons opté pour une obligation d'information, et non de notification, qui emporterait des conséquences juridiques. La rédaction sur laquelle nous nous sommes accordés donne à cette autorité les moyens de jouer son rôle de tour de contrôle des saisies et confiscations opérées en France. Du reste, je remercie Mme Jourda d'avoir soulevé et traité la question des données personnelles collectées par l'Agrasc.

J'en viens à l'article 1er bis D. L'Assemblée nationale avait voté avec beaucoup d'enthousiasme la possibilité d'affecter les biens confisqués aux collectivités territoriales. Mais notre Parlement légifère beaucoup et nous ne nous étions pas tout de suite aperçus que cette disposition figurait déjà dans le projet de loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement. Avec ma collègue rapporteure pour le Sénat, nous en avons tiré la conséquence en supprimant l'article.

L'article 1er bis relatif aux actions de formation de l'Agrasc avait été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de l'opposition. Il me paraît justifié. Le Sénat n'a pas été convaincu mais je remercie Mme Jourda d'avoir proposé une rédaction qui, semble-t-il, convient aux uns et aux autres.

L'article 1er quater comble une lacune que madame la rapporteure vient d'exposer, à savoir l'absence d'acteur judiciaire désigné pour statuer sur les biens une fois la juridiction de jugement saisie. Nous avons trouvé une solution consistant à donner au président du tribunal judiciaire ou à un juge délégué par lui, une fois la juridiction de jugement saisie, compétence pour statuer sur les requêtes relatives à l'exécution de la saisie des biens. Une partie des magistrats éprouve une appréhension envers ce droit qu'ils jugent trop technique ; en outre, une minorité d'entre eux n'est pas entièrement convaincue de l'opportunité d'avancer dans les saisies et les confiscations. Notre proposition permettra au président du tribunal judiciaire de désigner un ou deux magistrats, convaincus de l'utilité des procédures, qui se spécialiseront dans la matière et assureront une meilleure traduction de la volonté du législateur.

Le Sénat a très justement souligné les problèmes liés à la saisie de sommes d'argent déposées sur un compte d'actifs numériques : l'article 2 bis résout le problème en autorisant le juge des libertés et de la détention (JLD) ou le juge d'instruction à se prononcer par ordonnance sur le maintien ou la mainlevée de la saisie.

Nous avons débattu de l'article 3 et sommes parvenus à une conviction partagée. Dans le cas d'une confiscation d'un immeuble dans lequel des amis d'un voyou sont locataires, il faut actuellement reprendre toute la procédure de droit commun pour procéder à leur expulsion : pendant ce temps-là, de l'argent public est mobilisé, à travers l'Agrasc, pour entretenir l'immeuble et financer les actions judiciaires. L'Assemblée nationale avait retenu, dans sa version du texte, la notion d'« occupant de son chef », mais tous les groupes politiques, à l'Assemblée comme au Sénat, refusaient de pénaliser les personnes de bonne foi, celles qui ont répondu à une annonce pour louer un appartement sans savoir qu'un trafic criminel se cachait derrière la transaction. La notion de « bonne foi » que Muriel Jourda et moi-même vous proposons de retenir ménage un équilibre, qui ne résoudra pas tous les litiges mais permettra de chasser les occupants de mauvaise foi d'un logement confisqué.

Enfin, nous proposons d'introduire un article 5 portant diverses dispositions rendant le texte applicable outre-mer.

Le texte marque une nouvelle étape importante pour notre pays : le renforcement des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels est un moyen de sanctionner visiblement et rapidement les actes délinquants. Comme je l'ai dit en séance publique, une personne condamnée par un tribunal à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis ou sortant libre d'une garde à vue avait l'impression d'avoir été blanchie ; si elle doit rentrer à pied parce que son véhicule a été confisqué, les voisins et les victimes constateront que la société a imposé une première sanction. Pour une fois, le texte prévoit des peines qui abondent le Trésor public.

Les victimes n'avaient jusqu'à présent que deux mois pour demander l'obtention des biens confisqués. Ce délai, trop court, empêchait dans un grand nombre de cas de satisfaire les requêtes : nous avons donc décidé de l'allonger à six mois. L'objectif de cette mesure est d'assurer une meilleure protection des victimes, de même que pour celle qui consiste à rappeler qu'il appartient à l'officier de police judiciaire de conduire des enquêtes patrimoniales préalables afin de bloquer et de saisir les avoirs.

En résumé, les saisies seront plus rapides et plus efficaces, les procédures d'appel accélérées, la confiscation obligatoire étendue et l'indemnisation des victimes plus généreuse. Enfin, nous comblons notre retard par rapport à d'autres pays européens en matière d'affectation sociale - à des associations, des fédérations sportives ou des collectivités - des biens confisqués, cette mesure parachevant notre effort d'amélioration de l'efficacité de la sanction.

M. Sacha Houlié, député, président. - La grande efficacité de ce texte tient aux procédures pénales exemplaires et opérantes qu'il déploie.

Monsieur le rapporteur, une partie des débats sur l'attribution des biens saisis a porté sur les fédérations sportives, notamment sur le choix de réaffecter plutôt que de détruire les véhicules utilisés dans les sports mécaniques, la pratique de ceux-ci se révélant assez onéreuse - je vous remercie, madame le rapporteur, d'avoir accepté de maintenir, à l'alinéa 21 de l'article 1er, l'amendement allant en ce sens, pour les biens confisqués, défendu par monsieur le rapporteur.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis AAA

L'article 1er bis AAA est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis AAB

L'article 1er bis AAB est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis AA (supprimé)

L'article 1er bis AA est supprimé.

Article 1er bis AB

L'article 1er bis AB est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis B

L'article 1er bis B est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 1er bis C

L'article 1er bis C est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis D (supprimé)

L'article 1er bis D est supprimé.

Article 1er bis E

L'article 1er bis E est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er ter

L'article 1er ter est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 1er quater

L'article 1er quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 bis A

L'article 2 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 bis B

L'article 2 bis B est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 2 bis

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 5 (nouveau)

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.

La réunion est close à 14 h 22.