COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mardi 10 avril 2024
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 8 h 30.
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques s'est réunie au Sénat le mercredi 10 avril 2024.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de M. François-Noël Buffet, sénateur, président, et M. Sacha Houlié, député, vice-président, Mme Catherine Di Folco, sénateur, étant désignée rapporteur pour le Sénat et M. Marc Ferracci, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Mes chers collègues, nous sommes réunis pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques. Je souhaite la bienvenue à nos collègues députés.
M. Marc Ferracci, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La version initiale de la proposition de loi que nous discutons aujourd'hui avait pour ambition de faire progresser la lutte contre les discriminations, dont je ne vais pas rappeler ici à quel point elles sont un fléau, qui touche un grand nombre de nos concitoyens.
Cette version, enrichie par les débats en commission des lois et en séance à l'Assemblée nationale, donnait à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) la responsabilité de mener des tests individuels de discrimination, susceptibles d'être utilisés dans le cadre de recours juridictionnels. Elle visait également à ce que soient multipliés les tests statistiques de discrimination, et à ce que ceux-ci soient à la fois précédés et suivis d'un dialogue avec les entreprises et les administrations concernées, ce dialogue pouvant conduire à publier les résultats en cas d'insuffisance des réponses apportées à une situation de discrimination.
Je constate que les débats au Sénat ont conduit à vider purement et simplement le texte de sa substance.
La première suppression majeure est intervenue à l'article 1er, qui a été amputé des alinéas relatifs aux tests individuels. Ceux-ci sont pourtant un moyen, reconnu par le code pénal, d'apporter la preuve des discriminations. Le développement de tels tests est essentiel pour offrir un véritable droit à la réparation aux personnes discriminées. Il faut rappeler ici que, en dépit des moyens offerts par la législation, le nombre de condamnations pénales pour des faits de discrimination est ridiculement faible - en 2020, il n'y en a eu aucune. Cet échec a des causes multiples, mais la principale, selon les acteurs de terrain, reste la difficulté à apporter la preuve de la discrimination. Face à cette situation, la solution retenue par le Sénat consiste à assumer un statu quo, c'est-à-dire à refuser aux citoyens ou aux associations l'accès à un véritable service public du test individuel leur permettant de voir établie la preuve de leur discrimination.
Il a beaucoup été dit, à l'Assemblée nationale et au Sénat, que la création d'un tel service reviendrait à empiéter sur les prérogatives de la Défenseure des droits. Celle-ci a émis un avis très critique sur la capacité donnée à la Dilcrah de réaliser des tests individuels, au motif qu'elle pourrait créer de la confusion et empêcher d'accompagner correctement les victimes de discriminations. Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors des débats et de le rappeler à Mme la rapporteure lors de nos échanges, cet argument ne me semble pas recevable.
Tout d'abord, confier à la Dilcrah la possibilité de faire des tests individuels n'entraverait nullement la capacité de la Défenseure des droits d'en faire de son côté. Le problème est que, à l'heure actuelle, celle-ci ne réalise pas réellement de tests individuels ; elle a d'ailleurs été incapable d'indiquer leur nombre lors de ses différentes auditions à l'Assemblée nationale. Aucun chiffre ne figure non plus dans le rapport d'activité qu'elle vient de publier et qu'elle présentera aujourd'hui même au Sénat. Au fond, la Défenseure des droits défend, sur ce sujet, un pré carré qu'elle a malheureusement laissé en jachère, alors que ses moyens ont récemment été accrus pour faire face à ses différentes missions.
Par ailleurs, elle ne dispose nullement d'une exclusivité sur la réalisation des tests individuels : d'autres acteurs - personnes discriminées, avocats, associations, etc. - peuvent déjà pratiquer de tels tests. La proposition de loi prévoit de mettre à disposition de ces acteurs la capacité à réaliser des tests, c'est-à-dire à concevoir une candidature contrefaite et à l'adresser à un employeur ou à un bailleur pour recueillir sa réponse. Cette opération est, en effet, coûteuse et délicate, comme la Défenseure des droits le reconnaît elle-même en proposant sur son site une fiche pratique pour réaliser des tests individuels. En revanche, une fois le test réalisé, l'accompagnement juridique des personnes discriminées ne relèverait pas de la Dilcrah : il serait réalisé par les acteurs existants - avocats, associations ou même la Défenseure des droits, si celle-ci le souhaitait. Cependant, elle a écarté cette proposition.
En somme, le rôle de la Dilcrah se limiterait, sur ce sujet, à la réalisation de tests individuels, outil essentiel dans la construction de la preuve. Cela contredit, au passage, l'argument selon lequel la Dilcrah serait juge et partie si elle était sollicitée pour réaliser un test individuel sur une administration publique qui conduirait à poursuivre cette dernière en justice.
Enfin, je veux signaler que la question des tests individuels a fait l'objet d'un amendement en séance à l'Assemblée nationale. Cet amendement tendait à modifier l'article 1er pour limiter dans le temps la capacité de la Dilcrah à faire des tests. Cette démarche d'expérimentation, introduite de bonne foi, visait à permettre la réalisation d'un bilan de l'action de la Dilcrah et, ainsi, à juger de l'efficacité de son action, en articulation avec les différents acteurs.
Cela n'a pas suffi à convaincre à la majorité sénatoriale, qui, à ce principe de bon sens consistant à expérimenter les choses, a préféré une suppression pure et simple des tests individuels. Cette idée selon laquelle il vaut mieux ne rien apprendre et ne rien savoir pour engager la décision publique n'est pas la mienne ni celle de la majorité à laquelle j'appartiens. En pratique, elle prive nombre de nos concitoyens d'un droit effectif à réparation face aux discriminations.
La deuxième suppression majeure est celle de l'article 2, dans sa totalité. Cet article instituait au sein de la Dilcrah un comité des parties prenantes, composé de personnalités qualifiées, de parlementaires et de représentants des personnes morales susceptibles d'être testées ainsi que de leurs salariés.
Ce comité des parties prenantes est un élément essentiel à la mise en oeuvre du principe du name and shame, à savoir la publicité des résultats des tests. En le supprimant, c'est ce principe que l'on refuse. Le rôle du comité est d'abord de permettre un consensus sur les méthodes de tests statistiques, afin que les résultats soient admis par les acteurs testés. En effet, faute de consensus sur la méthode, des entreprises testées positives pourraient réagir très vivement en contestant les résultats et ne seraient nullement enclines à modifier leurs pratiques. C'est ce qui s'est produit en 2019 lorsqu'un testing réalisé par des chercheurs indépendants a conduit à publier les noms de sept entreprises du SBF 120, sans aucun préalable.
Le comité des parties prenantes a aussi vocation à donner un avis sur la publication des résultats des testings, ce qui permet de prendre en compte les réponses apportées par l'entreprise ou l'administration en cas de test positif et de décider de ne pas publier les résultats si ces réponses sont satisfaisantes. L'action du comité vise également à établir et à consolider les connaissances sur les pratiques qui peuvent faire reculer les discriminations de manière efficace, notamment dans les processus de recrutement. Les auditions menées ont en effet permis d'établir que nombre d'entreprises ne sont pas forcément conscientes des problèmes associés à leurs pratiques d'embauche et que certaines entre elles souhaiteraient être accompagnées pour les modifier.
Par conséquent, supprimer le comité reviendrait à renvoyer à la Dilcrah la responsabilité de publier les résultats des tests, sans discussion contradictoire sur la méthode et les réponses apportées. C'est contraire à l'intérêt des entreprises, ce qui avait d'ailleurs été admis par certaines organisations patronales, comme le Mouvement des entreprises de France (Medef), lors des auditions à l'Assemblée nationale.
Pour contrer l'argument selon lequel le name and shame viserait à stigmatiser les entreprises, il peut aussi être rappelé que les tests statistiques ont vocation à s'appliquer aux discriminations dans l'accès aux biens et services, comme le logement ou le crédit bancaire, mais aussi dans l'accès aux services publics. Il ne s'agit donc pas de cibler spécifiquement les entreprises ; administrations et opérateurs de l'État ont vocation à être testés. Qui connaît un peu la fonction publique peut imaginer que les dirigeants d'une administration dénoncée comme discriminante réagiraient au moins aussi fortement que ceux des entreprises concernées par le name and shame.
Précisons enfin que, selon les auteurs de l'amendement de suppression de l'article 2, la composition figée du comité n'aurait pas permis de prendre en compte les spécificités de la situation de chacun de ses membres. Ils proposaient que les pouvoirs publics aient davantage de liberté pour établir le format des discussions. Or c'est bien ce que permettait le texte initial de la proposition de loi, qui renvoyait au décret les modalités de fonctionnement du comité.
La dernière suppression majeure concerne la totalité de l'article 3 de la proposition de loi, lequel précisait le processus d'accompagnement et de sanction consécutif à un test statistique positif.
Le postulat adopté par le Sénat consiste à considérer que l'autocontrôle des entreprises suffirait à faire reculer les discriminations et que des sanctions seraient contre-productives. Cela est parfaitement illusoire et va à l'encontre des résultats de l'ensemble des enquêtes, qui montrent la persistance, voire la progression des discriminations dans notre pays. C'est ce qui est affirmé notamment dans les rapports successifs de la Défenseure des droits, qui, en l'espèce, a émis un avis de principe positif à la multiplication des tests statistiques et au name and shame porté par la proposition de loi.
En réalité, la position de la majorité sénatoriale est bel et bien de rejeter le principe du name and shame, comme elle rejette la possibilité donnée à la Dilcrah de réaliser des tests individuels. Il a d'ailleurs été dit, lors de l'examen du texte en commission au Sénat, qu'il ne fallait pas « déstabiliser les entreprises par la publication des résultats ».
Cette position de statu quo ne prend absolument pas la mesure de l'ampleur des discriminations et des dégâts qu'ils occasionnent dans notre pays. Il me semble que c'est aussi méconnaître la volonté sincère de la plupart des entreprises de lutter contre les discriminations et d'adopter des pratiques pour les identifier et les réduire, pratiques que la possibilité ouverte par cette proposition de loi contribuerait à diffuser plus rapidement.
Par ailleurs, le processus conduisant à une éventuelle sanction, qu'il s'agisse de la publicité des résultats ou d'une amende administrative, serait trop long et complexe. Mais il vise précisément à éviter l'arbitraire qui résulte actuellement de la publication dans la presse de résultats de testings statistiques sans que les entreprises concernées aient été en capacité d'apporter des réponses. Sous couvert de ne pas déstabiliser les entreprises, on avalise un statu quo contre lequel certaines organisations patronales ont elles-mêmes émis de vives critiques. Ce n'est pas la moindre des incohérences du vote intervenu au Sénat.
Pour terminer, je veux dire que, durant les échanges que j'ai eus avec Mme la rapporteure après le vote du texte au Sénat, j'ai évoqué des options de compromis possibles. J'ai notamment accepté de considérer la suppression de l'article 2, donc la possibilité pour le comité des parties prenantes d'émettre des avis sur la publication des résultats des tests statistiques. Cette suppression aurait raccourci le processus de sanction prévu à l'article 3. La discussion sur la méthodologie des tests aurait alors eu lieu hors du cadre formel du comité, actant ainsi la modification introduite à l'article 1er par le Sénat. Cela aurait nécessité une modification de l'article 3 permettant que les sanctions soient prononcées en toute autonomie par l'administration - sans l'appui, donc, de l'avis du comité. Au fond, cela serait revenu à reproduire un cadre similaire à celui de l'index de l'égalité professionnelle mis en oeuvre en 2018, cadre qui a d'ores et déjà abouti à sanctionner des entreprises dont l'index ne progressait pas assez. Cette solution de compromis a été rejetée, ce que je regrette profondément.
En conclusion, je fais le bilan - assez amer je dois dire - que, plutôt que de proposer des amendements visant à améliorer le cadre des testings ou à simplifier le processus de sanction, nos collègues sénateurs ont choisi de vider complètement le texte de sa substance. C'est faire peu de cas du travail réalisé avec mes collègues députés et des solutions de compromis qui se sont traduites par l'acceptation de nombreux amendements, en commission et en séance, à l'Assemblée nationale.
Au final, le texte qui nous est proposé ne nécessite pas une loi. Or je veux affirmer de manière extrêmement claire qu'une loi est bien nécessaire pour porter les principes que nous souhaitons défendre. J'ai été assez surpris que cette nécessité soit discutée au Sénat.
Il faut une loi pour sécuriser juridiquement le name and shame. Sinon, les entreprises seraient fondées à intenter des recours contre les chercheurs qui pratiquent les tests. Cette sécurisation juridique a été demandée notamment par le secrétariat général du Gouvernement, dont je ne pense pas qu'il soit peuplé de juristes débutants. Ces recours juridictionnels ne sont pas une menace en l'air : en 2019, les entreprises concernées par le testing que j'ai évoqué tout à l'heure ont envisagé d'en faire.
Il faut aussi une loi pour imposer des amendes administratives. Discuter de la nécessité de cette loi, c'est refuser de manière extrêmement claire un processus de sanction un tant soit peu crédible.
Au final, la position du Sénat prive les acteurs publics d'outils reconnus pour changer les comportements, en supprimant tout dialogue et toute sanction consécutive aux tests statistiques. Elle prive aussi les personnes d'un véritable droit à réparation, en maintenant le statu quo sur les tests individuels.
Lorsque nombre de nos concitoyens sont obligés de changer leur état civil, de mentir sur leur âge ou leur adresse pour bénéficier d'un emploi ou d'un logement, le statu quo n'est pas acceptable. La lutte contre les discriminations est une ardente nécessité ainsi qu'un engagement de la majorité présidentielle. Je prends acte qu'un consensus n'a pu être trouvé en vue de cette commission mixte paritaire et le regrette profondément.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Il n'y a pas de suspense : M. Ferraci l'a dit, nous ne sommes pas parvenus à un accord sur la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique des tests individuels et statistiques.
Avant d'entrer dans les détails du texte, il me semble fondamental d'insister sur un point : notre désaccord ne porte pas sur le constat. Personne ici ne se voile la face sur la réalité et l'ampleur des discriminations dans la société française, ainsi que je l'ai dit et répété en séance. Le chiffre tout à fait préoccupant de 6 700 réclamations relatives à des discriminations transmises à la Défenseure des droits sur l'année 2023 a été régulièrement cité. Nous partageons tous collectivement la volonté de lutter contre ce fléau.
Mais, si nos deux chambres dressent un diagnostic commun, nos votes respectifs ont révélé une différence d'approche significative quant au remède à administrer.
Au-delà de la question abondamment débattue de la nécessité juridique du recours à la loi, le Sénat a largement remanié un texte qu'il a jugé potentiellement contre-productif.
Monsieur le rapporteur, si le secrétaire général du Gouvernement souhaitait qu'il y ait une loi, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas déposé un projet de loi ? Celui-ci aurait été assorti d'une étude d'impact qui aurait peut-être mis en avant toute la difficulté d'appliquer les outils existants...
Pour ce qui concerne les tests individuels, la proposition d'en confier la réalisation à la Dilcrah a suscité de profondes réserves sur la quasi-totalité des travées du Sénat. La préservation de la plénitude de la compétence de la Défenseure des droits en la matière nous semble le moyen le plus efficace de lutter contre les discriminations. En effet, l'introduction d'un nouvel acteur créerait un risque de concurrence qui ne profiterait à personne et surtout pas aux victimes.
Qui plus est, la Défenseure des droits est la seule à pouvoir suivre un dossier de bout en bout, jusqu'à l'accompagnement dans un éventuel contentieux. On voit mal ce que pourrait faire la Dilcrah à la suite de la réalisation d'un test, si ce n'est diriger des victimes vers la Défenseure des droits, au prix d'une perte de temps et d'une nouvelle complexité administrative... Nous nous sommes donc opposés à toute modification de la législation sur ce point.
J'en viens aux tests statistiques et à leurs suites. Là aussi, nous avons estimé que l'approche proposée n'était pas la bonne.
Le comité des parties prenantes a été pensé comme le moyen de prévenir toute critique sur la robustesse de la méthodologie des tests, contrairement à ce qui s'est passé lors de la campagne de 2019-2020. Il n'est toutefois pas réaliste de penser qu'un énième comité puisse couper court aux contestations. Figer un tel comité dans le marbre de la loi, c'est s'engager d'emblée dans une impasse, puisque ce comité devra prendre ses décisions soit à l'unanimité, ce que sa composition rend hautement improbable, soit à la majorité, ce qui ouvrirait d'entrée de jeu la voie de la contestation à la partie mise en minorité.
En outre, ce comité avait un rôle bien plus étendu que celui d'un simple conseil scientifique, puisqu'il devait donner des avis sur les mesures correctives déployées par l'organisation épinglée. Le risque d'interférence avec le dialogue social aurait été majeur : comment un comité qui comprend, par exemple, des experts de la statistique pourrait-il donner un avis légitime et éclairé sur un accord régulièrement conclu au sein d'une entreprise ?
Au vu de ces limites, il nous est apparu plus pertinent de laisser aux pouvoirs publics la liberté d'établir au cas par cas le format d'échanges le plus adapté. Là aussi, cette position a fait très largement consensus parmi les groupes politiques du Sénat.
J'en viens maintenant au coeur du réacteur : l'article 3 et les suites apportées aux tests statistiques. Je veux être claire, nous ne sommes pas opposés à la mise en place par l'État de campagnes de tests statistiques, qui sont indéniablement des outils utiles pour objectiver les discriminations. En revanche, ces tests statistiques comportent des limites et ne peuvent être l'alpha et l'oméga de la lutte contre les discriminations.
Le dispositif proposé pour en assurer les suites ne nous a également pas convaincus, pour trois raisons.
La première est sa complexité, avec une procédure subdivisée en une dizaine d'étapes pas toujours clairement articulées entre elles.
La deuxième est sa philosophie, qui n'avait d'autre finalité que l'imposition de sanctions dont l'efficacité pose question. Ainsi, la lourdeur de l'amende administrative rend son application peu crédible, tandis que l'efficacité du name and shame fait l'objet de nombreux débats, sans qu'aucun consensus n'émerge. Je note, par ailleurs, que le Gouvernement ne se prive pas d'avoir recours à cet outil sans s'appuyer sur la béquille de la loi, et que cette approche ignore les nombreuses initiatives déjà prises par les entreprises.
La troisième raison, qui est aussi la plus importante, est que le droit du travail offre déjà tous les instruments nécessaires. Rien n'empêche un dialogue informel entre l'administration du travail et une organisation visée par un test ! Si l'accompagnement bienveillant a parfois ses limites, l'État est loin d'être désarmé pour répondre aux organisations les plus récalcitrantes. L'inspection du travail dispose d'une compétence générale pour contrôler l'application des dispositions du code du travail et, le cas échéant, engager une action en recherche des discriminations, voire saisir le parquet.
Pour ces trois raisons, nous avons supprimé l'article 3.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nos deux chambres défendent des approches très différentes sur l'usage des tests dans la lutte contre les discriminations. Parce qu'elles sont d'ordre quasi philosophiques, ces différences ne permettent malheureusement pas de rapprochement sur le texte proposé. Tout en insistant une dernière fois sur le fait que nous partageons le même constat, je vous confirme donc que nous n'avons pas trouvé d'accord.
M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Compte tenu du désaccord entre les deux assemblées, je constate que la commission mixte paritaire restera infructueuse.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques.
La réunion est close à 8 h 50.