Mercredi 3 avril 2024

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Financiarisation de l'offre de soins - Audition de MM. Jean Canarelli, président de la commission nationale de biologie médicale, Christophe Tafani, président de la commission des relations avec les associations de patients et d'usagers du Conseil national de l'ordre des médecins, et Mme Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens

M. Philippe Mouiller, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants du conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) et du conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop) sur le thème de la financiarisation de l'offre de soins dans le domaine de la biologie médicale.

Le Cnom est représenté par M. Jean Canarelli, président de la commission nationale de la biologie médicale et par M. Christophe Tafani, président de la commission des relations avec les associations de patients et d'usagers. M. Francisco Journet, directeur des affaires juridiques du Cnom, les accompagne.

Le Cnop est représenté par sa présidente Mme Carine Wolf-Thal et par M. Philippe Piet, président du conseil central de la section G, représentant les pharmaciens biologistes médicaux.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, elle est retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Dans le cadre des auditions par la commission des acteurs de l'ensemble de la filière de la biologie médicale, nous entendrons la semaine prochaine des représentants des principaux groupes privés actifs dans ce domaine, ainsi que la caisse nationale de l'assurance maladie.

La biologie médicale est généralement considérée comme le secteur de la médecine de ville le plus concerné à ce jour par le phénomène de financiarisation de l'offre de soins.

Ainsi, six grands groupes contrôlent plus de 60 % de l'offre de biologie médicale.

Or, les ordres que vous représentez, Mesdames et Messieurs, sont chargés du contrôle déontologique de la profession, ce qui inclut le contrôle de l'indépendance des professionnels.

Vous allez nous préciser dans votre propos liminaire comment vous appréhendez ce mouvement et, le cas échant, la façon dont vous entendez contribuer à sa régulation.

Les rapporteurs Corinne Imbert, Olivier Henno et Bernard Jomier, ainsi que les membres de la commission vous interrogeront par la suite.

Je vous cède à présent la parole.

Jean Canarelli, président de la commission nationale de biologie médicale du Cnom. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs et sénatrices, je vous remercie de nous accueillir pour la deuxième fois au Sénat.

Je commencerai par vous préciser les différentes fonctions que j'occupe afin que vous ayez une vision claire quant à mes éventuels liens d'intérêt.

Je suis médecin biologiste au sein d'un groupe indépendant de laboratoires et PDG d'une clinique indépendante que nous avons reprise avec plusieurs collègues praticiens alors qu'elle se trouvait au bord du dépôt de bilan.

Je connais donc les difficultés auxquelles sont confrontés les établissements de santé.

Je suis également vice-président de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA) de la Corse et président du conseil d'administration du GRADeS Corse, un groupement d'intérêt public qui représente plusieurs organismes (hôpitaux, cliniques, unions régionales des professionnels de santé, URPS).

Mes différentes fonctions m'amènent à interagir avec de nombreux usagers et acteurs du secteur de la santé.

En préambule de cette audition, je serai très direct et très clair.

Le Cnom s'est positionné dans sa session plénière en faveur de la suppression pour des tiers non professionnels de la possibilité d'avoir des participations dans une société d'exercice libéral.

Nous nous sommes également positionnés pour l'interdiction pour les personnes physiques ou morales n'exerçant pas dans la société d'exercice libéral d'en détenir directement ou indirectement plus de la moitié du capital social.

Nous plaçons nos exigences déontologiques au plus haut niveau possible.

Ce système a selon nous entraîné une dégradation importante des conditions d'exercice des biologistes. Surtout, il menace l'avenir de l'ensemble des structures libérales, et potentiellement de la santé publique.

Les situations ne sont pas les mêmes selon les activités concernées. Les établissements de santé sont comparables à des entreprises commerciales nécessitant des investissements lourds avec une gestion très complexe. Leur mode de fonctionnement s'apparente à celui des hôpitaux et diffère de celui des sociétés d'exercice libéral.

Les laboratoires ont été les premiers acteurs de la financiarisation dans le monde de la santé. Aujourd'hui, entre 60 % et 70 % se situent dans le champ des grands groupes de laboratoires.

Il y a une vingtaine d'années, le laboratoire dans lequel j'exerce aurait été considéré comme un groupe alors qu'aujourd'hui, il s'agit d'une structure détenue par des professionnels en exercice.

Les autres spécialités font aussi l'objet de nombreuses convoitises. De nombreux acteurs tentent notamment de développer des groupes ou des chaînes en radiologie, en ophtalmologie, dans le premier recours ou dans d'autres spécialités.

La situation du secteur de la biologie n'est qu'un exemple de ce qui peut se produire ailleurs.

On assiste en effet à une dérive aux causes multiples.

Alors que la loi de 1975 régissant l'organisation des laboratoires était devenue largement obsolète, la réforme de l'organisation de la biologie médicale initiée en 2008 par la ministre de la santé Roselyne Bachelot partait sur des bases tout à fait saines et claires.

La lettre de cadrage comprenait quatre notions phares : la médicalisation, l'efficience, « l'eurocompatibilité » et « la qualité prouvée ».

Malgré toutes ces bonnes intentions, le Cnom avait à l'époque prévenu que nous courions au désastre.

Le résultat de cette réforme reste en effet très discutable.

Les bénéfices obtenus dans le secteur de la biologie médicale, qui subit depuis des années des coups de rabot, n'ont pas permis de réaliser des économies pour la sécurité sociale.

Le Cofrac est l'instance de référence en matière d'accréditation en France. C'est un organisme semi-public quasi industriel auquel on donne un vernis médical, dont le système est très normé, coûteux et sclérosant. Il y a quelques années, un surcoût résultant de l'accréditation de 3 à 4 % sur le chiffre d'affaires des laboratoires, à mon sens non justifié, avait été estimé.

Une alternative beaucoup moins coûteuse aurait été de s'appuyer sur la Haute Autorité de santé et les normes ISO 9001, comme recommandé à l'époque par le Cnom.

Face au flou ayant conduit aux regroupements anarchiques, le secteur avait besoin de règles prudentielles. Mais si celles-ci ont été écrites, elles restent difficilement applicables.

Le Cnop avait ainsi été condamné par la Commission européenne à cinq millions d'euros d'amende pour s'être immiscé, en tentant de les réguler, dans la vie des entreprises.

Les ordres étaient devenus relativement frileux à l'idée d'intervenir, craignant d'être sanctionnés sans être réellement soutenus par l'État.

Nous sommes depuis toujours en attente de compléments d'information pour savoir quelle doit être la conduite à tenir.

En 2017, un projet de circulaire des ARS et des ministères définissant les rôles des ordres nous a été transmis. Nous attendons toujours avec impatience la publication de ce document qui nous aurait permis de nous référer à une base solide.

Afin d'empêcher la création d'oligopoles régionaux, on a prôné la création de structures nationales qui ont aujourd'hui pris la main sur des régions.

Nous avions malheureusement anticipé cette situation qui est la conséquence de regroupements anarchiques non contrôlés et de l'idée, qui s'est imposée, qu'il n'était pas possible de revenir en arrière malgré la réglementation. Par ailleurs, ceux qui avaient travaillé dans une quasi-illégalité ont pu continuer à acquérir des laboratoires. En revanche, les nouveaux entrants, les petits groupes comme le mien, n'ont pas eu ce droit.

Selon la loi, les non-professionnels ne peuvent acquérir que jusqu'à 25 %, sauf cas particulier, du capital. Cependant, des montages très particuliers ont été élaborés pour permettre à ces structures de détenir réellement le contrôle et les revenus des sociétés. Avec des actions de droits différents, il devient ainsi possible de percevoir 99 % des dividendes avec 1 % des actions.

Le droit prévoit que les biologistes détiennent 50 % du capital des sociétés. Or la plupart du temps, par le biais d'une cascade de textes, de protocoles et de pactes d'associés plus ou moins secrets, des accords sont fixés pour limiter leurs prérogatives en matière de gouvernance. Les biologistes se voient confier la présidence et un comité de direction est créé, lequel dispose du pouvoir de décision. On se retrouve donc avec un homme de paille à la tête de ces structures.

Le Cnom demande donc une garantie sur l'indépendance professionnelle afin que le choix médical ne soit pas impacté par des contraintes économiques supérieures.

Plusieurs acteurs de la filière de la biologie médicale (ordres, académies, syndicats, etc.) ont ainsi établi un document listant une vingtaine de missions à confier aux biologistes.

Ce document devra être assorti de règles prudentielles.

Un nombre suffisant de biologistes - 1,2-1,3 en moyenne par site - devrait également être assuré.

Des commissions réglementaires ou législatives de biologistes pourraient aussi être mises en place au sein des grandes structures, afin que ces derniers puissent disposer d'un droit de regard sur les choix médicaux et techniques sans être possesseurs du capital.

Cette réforme a donc créé de toutes pièces le besoin de recourir à des acteurs financiers dans les laboratoires, en mélangeant financement et financiarisation.

Il y a 15 ans, les laboratoires, encore cantonnés à une échelle locale ou infrarégionale, n'avaient aucune difficulté à trouver des financements auprès des établissements bancaires. Les investissements se chiffraient alors en centaines de milliers d'euros. Les groupes s'étant considérablement agrandis, ces montants, qui représentent désormais plusieurs dizaines de millions d'euros, ne sont plus à la portée des biologistes.

Ces investissements tiennent plus aux politiques de rachats successifs qu'aux investissements opérationnels dans les laboratoires dont les bénéfices alimentent des fonds qui se trouvent très souvent à l'étranger.

La réforme nous a également fait perdre en efficience et en qualité. Le coût logistique généré par l'allongement des distances et une administration alourdie vient contrebalancer les bénéfices du regroupement des analyses. Par ailleurs, les délais pour le rendu des résultats sont devenus plus longs. Focalisés sur la gestion de la qualité et l'organisation de plus en plus complexe des laboratoires, les biologistes ont également moins de temps à accorder aux patients.

En parallèle, on constate un désintérêt croissant des jeunes internes en médecine et pharmacie pour la biologie.

L'avenir d'autres spécialités médicales suscite également des inquiétudes. Des bouleversements similaires menacent aujourd'hui la radiologie, l'anatomo-cytopathologie ou encore l'ophtalmologie.

Christophe Tafani, président de la commission des relations avec les associations de patients et d'usagers du Cnom. - Merci Monsieur le Président, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs. Je suis ici en tant que conseiller national du Cnom, mais également en tant que radiologue. Le groupe dans lequel j'exerce a été financiarisé il y a un peu moins d'un an, ce qui me permet d'avoir une vision pratico-pratique de l'évolution des laboratoires ces dernières années.

D'un point de vue juridique, les contrats sont devenus extrêmement complexes.

La financiarisation n'a pas que des impacts financiers, mais engendre également des problèmes de santé publique. Dans ma ville, un autre groupe, financiarisé depuis plus longtemps que le nôtre, ne réalise par exemple plus de biopsies de seins et d'échographies de thyroïdes.

Carine Wolf-THAL, présidente du conseil national de l'ordre des pharmaciens. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je vous remercie de vous pencher sur ce sujet majeur qui engage la santé publique. En tant qu'élus territoriaux, mais aussi législateurs, vous serez probablement intéressés par les impacts de cette réforme non seulement sur les patients et l'accès aux soins, mais aussi sur le financement.

Je partage tout ce qui vient d'être dit, notamment par M. Christophe Tafani. Le problème n'est pas tant le financement que l'accès aux soins qui figure parmi les premières préoccupations des Français.

L'ordre des pharmaciens comme les autres ordres professionnels est en effet en charge de contrôler l'indépendance des professionnels de santé.

Cette question est capitale. Il faut pouvoir garantir que les choix des professionnels de santé sont opérés systématiquement au bénéfice des patients et de la santé publique et non en fonction de la rentabilité financière au profit d'investisseurs souvent extérieurs.

Le dernier rapport « Charges et Produits » de la caisse nationale d'assurance maladie a déjà alerté quant aux risques d'augmentation des coûts de reste à charge.

De nombreux sites, qu'il s'agisse de laboratoires de biologie médicale, et potentiellement à l'avenir d'officines de pharmacie, risquent de disparaître.

La préoccupation des pouvoirs publics quant au financement du système de santé est compréhensible. Néanmoins, d'autres solutions existent et méritent d'être creusées.

Des financements vertueux ou éthiques assurés par la profession elle-même permettraient de développer ces sociétés tout en donnant la priorité à la santé publique et aux patients.

Ces changements se répercutent sur l'attractivité des professions. Nous avons aujourd'hui de grandes difficultés, tous métiers confondus, à attirer les jeunes vers les professions de la santé.

Concernant la pharmacie, ce mode d'exercice n'intéresse pas les jeunes qui aspirent à travailler en tant que libéraux, au plus près des patients.

Philippe Piet, président de la biologie médicale au sein de l'ordre des pharmaciens. - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, ce sujet est extrêmement grave, car il touche directement nos citoyens.

Alors que la biologie apporte un réel complément dans le traitement de nos patients, la dégradation de l'offre de soins risque de leur porter préjudice.

Le problème ne se réduit pas à l'introduction de la financiarisation dans le secteur de la santé.

Une mauvaise gestion et un manque d'anticipation sont également en cause. Nous avons aujourd'hui besoin de mesures prudentielles d'exercice et de définir les besoins de santé publique en termes de biologie.

Je ne reviendrai pas sur les nombreux dysfonctionnements soulevés dus à la gouvernance des sociétés.

La question est la suivante : comment avancer sur ce sujet tout en sauvegardant le service médical ?

Certes les intentions derrière cette réforme n'étaient pas mauvaises au départ. Mais la manière dont elle a été mise en oeuvre est problématique.

Tout d'abord, on a confié au Cofrac, une structure à la culture industrielle, la responsabilité de gérer des entités médicales. Il faut revoir la gouvernance de la maîtrise de la qualité au sein du Cofrac.

De plus, il n'était sans doute pas indispensable de financiariser l'offre de soins. Pour dégager des investissements, il aurait fallu avoir recours à des regroupements intelligents de professionnels plutôt qu'à des rapprochements non maîtrisés.

Il convient de rappeler que seules les sociétés d'exercice sont inscrites aux ordres et non les chaînes et les grands groupes.

Redonner et garantir une certaine forme d'indépendance dans le secteur de la biologie médicale est essentiel.

Les causes structurelles et les conséquences sur le terrain de cette situation doivent être mises en lumière, et des mesures prudentielles instaurées afin d'éviter de reproduire les erreurs du passé.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Merci, Monsieur le président, Madame la présidente, Messieurs, pour vos propos introductifs qui nous interpellent tous. Merci également de vous être déplacés à nouveau au Sénat devant la commission pour évoquer cette question de la financiarisation de l'offre de soins.

Les six plus grands groupes de biologie privée concentrent 62 % des sites de biologie médicale. Selon une étude de 2023, 80 % de la population résiderait à moins de sept kilomètres d'un laboratoire de biologie médicale privé. Ce maillage vous paraît-il globalement satisfaisant ? Partagez-vous les conclusions de cette étude ?

En quoi la financiarisation contribuerait-elle à garantir un maillage de proximité des laboratoires de biologie médicale ?

Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'offre de biologie médicale au vu de l'assouplissement progressif du cadre législatif et réglementaire ?

L'ordonnance du 8 février 2023 qui vise à protéger les activités des professions libérales d'investisseurs non professionnels devrait-elle permettre de mieux réguler le secteur ?

Vous avez également souligné qu'aujourd'hui, la biologie, en médecine comme en pharmacie, est une spécialité moins choisie, ce qui nous a été confirmé lors de l'audition réalisée la veille avec des internes.

La démographie des biologistes, qu'ils soient médecins ou pharmaciens, permettrait-elle d'atteindre le ratio de 1,2-1,3 biologiste par site évoqué par M. Canarelli ?

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous propose de répondre directement avant de passer la parole aux autres rapporteurs.

Jean Canarelli. - La France compte aujourd'hui 10 000 biologistes disposant d'un haut niveau de formation et de compétences. C'est une particularité de notre pays dans ce domaine dont il faut pouvoir tirer parti.

On recense également près de 400 sociétés d'exercice libéral et près de 4 000 sites, auxquels il faut ajouter les hôpitaux publics.

Nous ne sommes donc pas très loin du ratio de 1,2-1,3 biologiste par laboratoire.

En revanche, nous nous trouvons actuellement dans une spirale descendante liée au manque d'attractivité de la profession. La situation risque de n'être plus tenable dans cinq ou dix ans. Il est donc important que des décisions soient prises dès aujourd'hui pour faire évoluer ce métier dans le bon sens, en faisant preuve, bien entendu, de souplesse selon les secteurs.

Philippe Piet. - Le biologiste a les moyens d'apporter une solution aux problèmes de santé publique rencontrés au niveau du territoire.

Les laboratoires demeurent une plaque tournante pour l'orientation des patients, avec des résultats obtenus en direct, des éléments cliniques et la possibilité de gérer les patients. Il y a beaucoup d'éléments à gérer, en particulier dans le contexte d'une pénurie de médecins.

Le nombre de laboratoires n'a pas diminué, il a même augmenté depuis dix ans. Il convient donc de se demander si les sites de laboratoires sont répartis de manière efficace sur le territoire, s'il y a des redondances. Une optimisation des ressources devrait permettre de compenser le problème de la démographie.

J'ai également insisté pendant des années auprès de l'ONDPS (observatoire national de la démographie des professions de santé) afin que le nombre d'internes en pharmacie augmente pour la biologie. Le métier de biologiste a perdu sa dimension médicale, ce qui explique sa désaffection chez les jeunes. Afin de gagner en rentabilité, la profession s'est industrialisée, au détriment de la relation avec les patients. Une forme de désillusion vis-à-vis de cette spécialité s'est donc installée chez les biologistes médecins et même chez les pharmaciens.

Tout un ensemble d'éléments doit donc être pris en considération pour pouvoir apporter une réponse complète aux enjeux dans ce secteur.

La présence de biologistes sur les sites de laboratoire est indispensable pour éviter de basculer dans une gestion qui serait purement administrative. Elle garantit la proximité avec les patients et permet de distiller une culture médicale auprès des équipes.

Il convient pour ce faire de mettre en place des mesures de régulation, prudentielles et d'exercice.

M. Olivier Henno. - Merci Monsieur le président, merci Mesdames et Messieurs pour vos interventions.

Mme Corinne Imbert a abordé les conséquences de la financiarisation de l'offre de soins, je m'interrogerai pour ma part plutôt sur les causes du problème et la régulation.

Les ordres ayant une mission de régulation, avez-vous la capacité à analyser les montages juridiques et les contrats ?

L'arrivée des financiers est-elle liée à un besoin de financement ou à un taux de rentabilité très attractif ?

Quelle relation entretenez-vous avec les ARS ? Quelle articulation pourrait-il y avoir à ce niveau pour travailler à cette régulation ?

Jean Canarelli. - Vous pointez effectivement le coeur du problème. La financiarisation n'est pas un gros mot et peut être intéressante pour un certain nombre de structures, y compris, pourquoi pas, dans la biologie.

Le problème est que ce changement a transformé le secteur en une espèce de « jungle » en ouvrant des pans entiers de la filière à des juristes particulièrement avisés dans le champ du droit des sociétés.

Certaines structures disposent de dizaines d'avocats qui savent contourner les règles.

Par exemple, dans certains pays européens, les professionnels sont des sociétés, ce qui leur permet de venir, suivant nos textes, exercer dans nos laboratoires. Ces sociétés deviennent alors un professionnel exerçant. Sinon, elles sont considérées comme un associé professionnel non exerçant.

Les textes d'aujourd'hui n'empêchent pas ce genre de manipulations juridiques et la béance qui a existé en matière de textes pendant plusieurs années a favorisé tout cela.

Certes, le contrôle des contrats fait partie des prérogatives des ordres.

Certains montages s'apparentent à un millefeuille de contrats et de pactes cachés illisibles.

La fameuse circulaire qui nous avait été soumise pour avis en 2017 permettait de clarifier le rôle des ARS et des ordres en particulier en précisant les prérogatives des uns et des autres.

Faute de clarification, les ARS et les ordres se sont donc retrouvés durant cette période très critique sans savoir comment se positionner.

Je rappelle que le Cnop a été condamné par la Commission européenne à payer cinq millions d'euros d'amende pour ingérence dans les sociétés. Cette sanction a été très dure.

Les dossiers sont à chaque fois tellement denses qu'ils nécessitent qu'on y alloue tous nos moyens. Si une cinquantaine de dossiers nous arrive en même temps, nous nous retrouvons dans l'incapacité technique de pouvoir les analyser en profondeur.

Il faut donc légiférer pour demander aux sociétés de nous fournir l'ensemble des pièces et de garantir que rien d'autre n'est susceptible d'entraver les dispositions mentionnées dans les éléments apportés.

Philippe Piet. - Quelques évolutions ont eu lieu ces derniers temps sur la valeur des documents des sociétés.

Un effort a été fait à ce niveau, ce qui a changé beaucoup de choses.

Par ailleurs, il est important que les professionnels puissent garder la main sur certaines décisions qui ne relèvent pas du domaine médical à proprement parler, mais qui contribuent également au bon fonctionnement des laboratoires (niveau de salaire des employés, matériel informatique, organisation des locaux, etc.).

Les ordres devraient également pouvoir se prononcer sur le mode de management des structures afin de garantir l'indépendance et le respect des patients. Ils ont besoin de plus de latitude afin de pouvoir émettre un avis sans être accusés d'outrepasser leurs prérogatives.

Je n'utiliserais pas le terme de « régulation » pour définir le rôle des ordres. Nous remplissons nos missions suivant le cadre fixé par la loi, sachant que nous sommes la dernière strate de la puissance publique.

Certaines réalités doivent également être prises en compte pour améliorer notre capacité de gestion.

Les dossiers qui nous arrivent sont de plus en plus complexes. Il est parfois difficile de juger si telle ou telle disposition porte réellement atteinte à l'indépendance et jusqu'à quel niveau.

Carine Wolf-Thal. - Je souhaiterais compléter cette intervention en portant à votre connaissance un exemple observé chez les vétérinaires. Dans ce secteur, des sociétés ont été radiées malgré le respect par ces structures d'exercice libéral de l'ensemble des droits et statuts.

Le Conseil d'État a en effet considéré que le professionnel était privé d'exercer ses droits de contrôle effectif.

Christophe Tafani. - L'entrée de financiers au capital de laboratoires de biologie s'accompagne en général d'une baisse des salaires.

Par ailleurs, si les financiers et les cardiologues ont chacun leur « enveloppe », celle du financier n'est jamais négociable.

Certes, ceux-ci ne s'opposeront pas à une demande d'augmentation de salaire du personnel. Ils laisseront en revanche le cardiologue en supporter le coût en ouvrant par exemple durant le week-end où en réalisant plus rapidement certains examens.

Voilà comment, de façon très insidieuse, les professionnels sont amenés à modifier dangereusement leurs pratiques.

Il y a là un problème de santé publique majeur.

M. Bernard Jomier. - Pourriez-vous nous expliquer précisément en quoi la financiarisation impacte la santé publique ? Des actes utiles ou nécessaires pour notre population ne sont-ils pas effectués du fait de cette financiarisation ? Assiste-t-on à un non-respect des référentiels de bonnes pratiques professionnelles et des arbres décisionnels ? La logique financière l'emporte-t-elle parfois sur celle de la santé ?

On justifie souvent la financiarisation par la nécessité d'investir dans nos systèmes de santé. Des capitaux extérieurs seraient donc les bienvenus pour financer des innovations technologiques, la modernisation et le développement de l'offre de soins. Vous affirmez que le résultat financier pour la nation est très discutable. Pour quelle raison ?

Enfin, les organisations de jeunes soignants ont un discours au fond assez commun. Ils affirment ne pas être suffisamment préparés à de nombreuses questions d'ordre organisationnel au moment de débuter un exercice professionnel. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans la formation des jeunes soignants ?

Jean Canarelli. - Les jeunes soignants sont formés à l'université et au CHU. Il s'agit il est vrai d'un milieu fermé à l'intérieur duquel ils développent un panel de compétences en biologie.

En plus de la formation universitaire ou hospitalière, des stages de longue durée au sein de laboratoires leur permettraient de s'initier à la gestion de ces structures et d'acquérir quelques connaissances en matière notamment de comptabilité, de logistique ou encore de management.

S'agissant des résultats de la financiarisation, la qualité a représenté un premier surcoût que le Cofrac avait estimé à 3-4 %.

Des solutions moins coûteuses existaient pourtant. Les laboratoires étaient déjà soumis au guide de bonne exécution des analyses. On aurait pu y ajouter un suivi transversal par des organismes indépendants, une certification ISO 9001, comme c'est le cas dans beaucoup d'entreprises, ainsi qu'une validation de l'ensemble par la Haute Autorité de santé.

Cette approche plus « médicale » aurait permis davantage de souplesse et d'efficacité.

Un second surcoût est lié aux regroupements trop importants de structures.

Ces rapprochements ont du sens lorsque dix sites se partagent dans un rayon de 5,6 kilomètres un même automate d'analyses médicales. Ils permettent alors à la nation de faire des économies et de baisser en contrepartie les tarifs.

Transporter des tubes à plus d'une centaine de kilomètres nécessite en revanche des frais et une logistique supplémentaires. Par un effet ciseaux, les gains obtenus par cette mutualisation et le coût généré par l'éloignement finissent donc par se croiser, ce qui se traduit par une perte de rentabilité.

Philippe Piet. - Il convient de rappeler que la loi sur les SEL a étendu le territoire de santé à cinq puis dix sites, soit, comme l'a dit Jean Canarelli, soit une échelle bien trop importante. Ces groupements n'ont plus aucun sens sur le plan de la prise en charge biologique.

Si la financiarisation n'est, en elle-même, pas négative, c'est l'absence de mesures permettant de la réguler qui pose problème.

Par ailleurs, selon une étude réalisée par l'ordre des pharmaciens, 95 % de la population se trouve à moins d'une demi-heure d'un site de laboratoire ce qui montre que la couverture demeure assez satisfaisante.

Un frein supplémentaire provient des agences régionales de santé (ARS) qui ne s'engagent pas dans la prise en compte du soin dans les territoires. Le Projet régional de santé pour la biologie doit être ambitieux. Sans doute y aurait-il quelque chose à faire du côté du ministère pour distiller aux ARS des bonnes pratiques et rendre pertinente l'offre de soins à l'échelle du « vrai » territoire de santé, celui où le patient a accès à des professionnels de premier recours (infirmières, spécialistes médicaux, etc.).

M. Khalifé Khalifé. - Merci beaucoup pour toutes ces interventions. Médecin hospitalier pendant plus de 40 ans, je n'ai rien contre la médecine libérale telle que nous l'avons connue et que vous l'avez décrite et je m'oppose pleinement à sa financiarisation.

Je m'interroge néanmoins sur le rôle régulateur du Cnom et du Cnop. Monsieur Piet, qu'entreprenez-vous depuis des années face à ce phénomène que vous dénoncez et que nous dénonçons tous ?

Monsieur Tafani, vous faites partie d'un groupe de radiologie qui, si j'ai bien compris, a été « financiarisé » et vous dénoncez en même temps ce phénomène. Je suis donc perplexe.

Comme tous les élus locaux et nationaux aujourd'hui, et également en tant qu'ancien médecin, je suis interpellé par cette dérive de la médecine. J'ai l'impression que les doyens de médecine, mais aussi, pardonnez-moi, les ordres, considèrent que le problème de la démographie médicale et des territoires n'est pas le leur. Qui donc est responsable dans ce pays ?

Vous dites qu'il faut un biologiste par laboratoire, or je n'en vois pas beaucoup en ville dans les sites sur lesquels je me rends.

À mon sens, la qualité ne peut que pâtir de la financiarisation. À titre d'exemple, je n'ai pas vu une échographie ne pas se terminer par un scanner ou une IRM. Il est inconcevable de proposer à un interne de gagner 15 000 euros par mois à condition de multiplier les examens. Où va-t-on ? Où va cet argent ?

M. Alain Milon. - Vous avez surtout évoqué la biologie et l'imagerie médicale. Peut-être le contact humain est-il moins important dans ces métiers que dans d'autres professions médicales.

Je dois reconnaître que votre intervention m'a un peu déçu. En tant qu'ancien médecin, je considère qu'il est primordial de connaître le patient dans sa personne et son environnement avant de pouvoir diagnostiquer ou prescrire un traitement.

Vos métiers, l'imagerie et la biologie, évoluent d'une manière dangereuse à mes yeux.

Est-ce pour vous une inquiétude d'être probablement un jour supplanté par l'intelligence artificielle (IA) ?

Mme Céline Brulin. - Plusieurs intervenants sont revenus sur le coût élevé des matériels et des outils de travail nécessaires au fonctionnement des laboratoires, ce qui conduit aujourd'hui à un regroupement des structures en vue de mutualiser les dépenses.

Quel est aujourd'hui le niveau de financement nécessaire pour garantir le fonctionnement d'un laboratoire digne de ce nom ? Ces investissements restent-ils à la portée des structures d'exercice libéral ?

La financiarisation s'invite-t-elle dans ce domaine parce que les coûts sont trop importants ? Faut-il réfléchir à d'autres modèles économiques, notamment ceux faisant appel à la puissance publique ?

Jean Canarelli. - Je vais tenter de répondre brièvement à ces questions qui nécessiteraient toutes de longs développements.

Le rôle de l'ordre est de garantir le respect des textes, de la réglementation et de la loi.

Nous attendons désespérément depuis des années des évolutions réglementaires et législatives qui nous donnent les moyens d'agir.

Quelques petites évolutions favorables ont eu lieu. Nous commençons ainsi tout juste à ne pas inscrire certaines sociétés d'exercice libéral parce qu'elles ne correspondent pas à ce qu'on attend aujourd'hui de l'exercice libéral.

L'ordre n'a pas les moyens techniques d'aller chercher des éléments où il risque de se retrouver face à une kyrielle d'avocats.

Donnez-nous les moyens de recevoir directement l'ensemble des éléments pour agir. Nous avons besoin de savoir que les pactes qui existent derrière les dossiers que nous recevons n'ont aucune valeur et ne risquent pas de détruire la structure.

Monsieur le Sénateur, vous m'avez demandé de parler de la financiarisation. Si vous m'aviez demandé d'aborder les missions des biologistes, j'aurais pu y revenir très longuement aussi. Beaucoup d'éléments très intéressants à ce sujet ont été compilés par la profession ainsi que les autres spécialités.

J'ai abordé la question très brièvement, mais le danger est réel. Nous avons évoqué la biologie, mais la radiologie et l'anatomopathologie seront également bientôt concernées par ces dérives. Des centres de santé sous des formes de plus en plus atypiques voient le jour. À ce rythme, le territoire français ne comptera plus que des groupes ou des start-up.

Je fais partie de ceux qui pensent que l'IA a un rôle important et positif à jouer dans l'apprentissage, l'accompagnement et le diagnostic. Si l'IA devait surpasser les biologistes, en termes de compétence, cette profession n'aurait alors aucune raison de se maintenir. Cependant, j'ai aussi la faiblesse de croire que le contact avec le patient reste primordial et nous pouvons le développer davantage.

Il est donc important d'asseoir pleinement la mission des biologistes.

La réforme n'est pas allée assez loin dans l'objectif de médicalisation de la profession. Elle s'est limitée à donner la possibilité au biologiste de modifier une ordonnance, en conformité avec les textes existants et avec l'accord du médecin.

Il aurait fallu lui donner davantage de latitude. Par exemple, sur un pré-diagnostic médical clinique, les biologistes devraient pouvoir lancer une recherche syndromique avec une suspicion d'anémie ou une recherche d'étiologie sur une fièvre au long cours.

Quant aux coûts des investissements, ce n'est pas un sujet. Aujourd'hui, les banquiers de quartier ont la capacité de lever un million d'euros pour un laboratoire s'il le faut. Les financements importants servent à faire du LBO, pas à investir dans un laboratoire.

Carine Wolf-Thal. - Nous disposons en effet d'outils, comme l'ordonnance du 8 février 2023, pour nous aider à mieux contrôler l'indépendance des professionnels de santé.

Nous restons néanmoins vigilants quant aux décrets d'application à venir.

Par ailleurs, certains éléments qui induisent une perte d'indépendance du professionnel nous échappent, comme la création d'actions de préférence ou de comités.

Je vous rejoins absolument sur la nécessité d'être au plus proche du patient et de revenir à une relation humaine. Je considère pour ma part que l'IA doit être au service de l'humain, et non l'inverse, et permettre justement de renforcer ce contact.

Dans notre officine, l'IA nous permet par exemple de gagner du temps au niveau des analyses afin de nous rendre plus disponibles pour les patients, la prévention et l'accompagnement.

Philippe Piet. - J'ai bien entendu votre remarque. Pour revenir à la préoccupation de votre collègue ancien hospitalier, je vous renverrai à la difficulté de l'équilibre de la gouvernance à l'hôpital avec les praticiens. Il s'agit en effet d'un problème complexe.

Concernant l'IA, j'estime comme mon collègue Jean Canarelli que si un jour le métier de biologiste n'était plus utile, il ne servirait à rien de conserver cette profession. C'est une question de dignité.

Mais à mon sens, l'IA reste un outil et certainement pas un supplétif et c'est ainsi que nous devons l'appréhender. Toute la difficulté consiste à trouver le bon équilibre.

L'Europe a d'ailleurs émis une recommandation très intéressante à ce sujet dont nous devrions nous inspirer.

Il est également important de comprendre que le patient évolue dans une offre de soins avec des compétences diverses. Le rôle du biologiste consiste notamment à l'orienter selon sa pathologie et les éléments de biologie vers le praticien le plus pertinent. Cette compréhension de la problématique clinique du patient et ce dialogue clinico-biologique sont essentiels.

Enfin, je ne suis pas certain que le financement extérieur soit indispensable dans le secteur de la biologie médicale. La décision de maintenir ou pas cet apport relèvera de votre compétence.

En revanche, la coopération publique-privée est essentielle. Ces partenariats, qui peuvent prendre beaucoup de formes, devraient être sérieusement envisagés pour permettre des économies en termes de ressources humaines et techniques.

S'agissant de la formation, j'estime qu'il est du devoir de chaque génération de se préoccuper de la suivante. La grandeur d'une société se mesure en partie à sa capacité à préparer la suite. Or, je constate que, d'une manière générale, nous ne prenons pas suffisamment soin des générations futures.

Je considère pour ma part que la formation doit être d'abord scientifique et médicale. Les biologistes qui exercent sont en capacité de former les jeunes sur cette expertise et cette qualité de prise en charge médicale du patient.

Je pense par ailleurs que ces jeunes, qui ont suivi de longues études, sont capables de se donner les moyens d'appréhender le volet gestion dans les laboratoires. Je les respecte d'autant plus que j'ai des exigences à leur égard.

Enfin, les missions des biologistes devraient être étendues à la modification des traitements antibiotiques, anticoagulants, etc. Il existe un réel manque à ce niveau qui me conduit à insister lourdement sur ce sujet.

Mme Corinne Bourcier. - Pourquoi le métier de biologiste n'intéresse-t-il plus les jeunes ?

Philippe Piet. - Les jeunes constatent que le métier tend à se démédicaliser, et sont déstabilisés par la dynamique d'industrialisation qui est à l'oeuvre.

Des questions liées à la formation peuvent aussi expliquer ce désintérêt. J'ai parfois des doutes sur la volonté des aînés de s'approprier tous ces questionnements.

En revanche chez les pharmaciens, l'ensemble des postes est toujours largement choisi, certes avec un peu moins d'attrait qu'avant.

Certes, les pharmaciens sont moins attachés à la médicalisation que les médecins biologistes. Cependant, certains souffrent tout de même de l'absence d'exercice médical dans leur métier.

Jean Canarelli. - Il est vrai que cette désaffection est très marquée chez les médecins, avec des postes qui ne sont pas pourvus.

Elle se retrouve toutefois aussi chez les pharmaciens. Alors que la biologie figurait en tête des choix, cette spécialité tend progressivement à descendre dans le classement des choix.

Le métier a beaucoup évolué, sans aller dans le sens de la médicalisation. Cet objectif était pourtant l'un des quatre points mis en avant par la ministre de la santé Roselyne Bachelot dans la réforme de la biologie médicale.

Alors que la réforme était censée encourager la polyvalence, la profession s'est rigidifiée et sclérosée davantage.

Cantonnés à des silos au sein de leur métier, les biologistes se retrouvent à faire des prises de sang ou valider à la chaîne des analyses.

Ce métier a donc beaucoup changé. Les missions que j'évoquais au début de mon intervention sont peut-être les fondements d'un renouveau qui rendront à cette profession son attractivité.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 35.

Proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle à présent l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans, déposée par notre collègue Monique Lubin. Ce texte sera examiné en séance mercredi 10 avril.

Je donne la parole à notre rapporteure, Marion Canalès, que je salue à l'occasion de la présentation de son premier rapport fait au nom de notre commission.

Mme Marion Canalès, rapporteure. - Je n'étais pas encore parlementaire lorsqu'il y a un an la réforme des retraites était définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, au terme d'une procédure inédite caractérisée par le choix délibéré du Gouvernement d'activer tous les leviers pour tronquer le débat parlementaire.

Un an après, il me revient de vous présenter la proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites, déposée par notre collègue Monique Lubin - dont je tiens à saluer ici la constance et l'engagement - et inscrite à l'ordre du jour du Sénat sur la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER).

Nous sommes toutes et tous face à un paradoxe. Notre pays, ruiné au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avait relevé, avec le Conseil national de la Résistance, le défi de jeter les bases d'un système de retraite par répartition. L'année dernière, alors que la France n'a jamais été aussi riche, le Gouvernement a pourtant décidé quasi unilatéralement de le faire régresser.

Je voudrais commencer par rappeler le contexte dans lequel cette réforme est née, même si vous le connaissez bien. Bien que le système de retraite soit redevenu excédentaire en 2021 et que sa bonne santé financière se soit consolidée en 2022, le Conseil d'orientation des retraites (COR) a estimé, dans son rapport annuel de septembre 2022, que sa trajectoire devait se dégrader dès 2023. Le retour à une situation déficitaire devait découler d'une croissance des dépenses de l'ordre de 1,8 % par an du fait, notamment, du vieillissement démographique, mais pas seulement.

En effet, comme l'a très justement rappelé à de nombreuses reprises l'ancien président du COR, ce qui, du reste, lui a valu d'être démis de ses fonctions une fois la réforme promulguée, les dépenses de retraites ne dérapaient pas. Plutôt qu'un dérapage des dépenses, nous assistions à une diminution des recettes qui n'a fait que se poursuivre. Les dépenses représentant 13,8 % de la richesse nationale en 2021, elles devaient atteindre 14,5 % du PIB en 2032 et se replier à 13,7 % du PIB à l'horizon de 2070. Cette stagnation à long terme résulterait de l'appauvrissement relatif des retraités par rapport aux actifs - même si la productivité de ces derniers n'a eu de cesse de croître au cours des vingt dernières années -, appauvrissement qui est la conséquence de l'indexation des pensions sur l'inflation, moins dynamique à long terme que les salaires.

Le véritable problème à l'origine de la dégradation du solde du système de retraite réside donc plutôt du côté des recettes, qui devraient chuter de 13,8 % du PIB à environ 12 % d'ici à 2070. Cette contraction s'explique par la conjonction de trois facteurs : le recul des recettes du régime de la fonction publique de l'État et des régimes spéciaux ; la diminution des contributions versées au système de retraite par la branche famille et l'assurance chômage, qui résultera des projections de baisse de la natalité et du reflux du chômage retenues par le COR ; et le reflux de la part représentée par le traitement des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers dans la masse totale des rémunérations, qui découle des politiques de maîtrise de la masse salariale dans la fonction publique, dès lors que le taux de cotisation d'assurance vieillesse applicable à ces assurés est supérieur à celui des salariés du secteur privé.

C'est sur cette base que le COR projetait un déficit de l'ordre de 10 milliards d'euros en 2027 et de 25 milliards d'euros en 2070. S'étant engagé à limiter à 0,6 % par an la croissance des dépenses publiques auprès des partenaires européens de la France dans le cadre du programme de stabilité de juillet 2022, le Gouvernement s'est appuyé sur les travaux du COR pour justifier la mise en oeuvre de sa réforme.

Chose étonnante que de voir un gouvernement porter avec une telle vigueur une réforme si longtemps battue en brèche par le chef de l'État lui-même ! En effet, celui-ci proclamait en 2019 : « Tant qu'on n'a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement ce serait assez hypocrite de décaler l'âge légal. Quand, aujourd'hui, on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu'on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans !» Pour régler le problème du chômage, il faut non pas casser le thermomètre du chômage - c'est pourtant ce vers quoi l'on tend avec les réformes successives de l'assurance chômage, mais tâcher de créer plus d'emplois.

Vous m'opposerez alors sans doute la promesse de campagne faite en 2022 par le candidat Macron. Mais le devoir de rigueur intellectuelle qui nous caractérise dans cette assemblée nous impose de rappeler que la moitié de ses électeurs du second tour, dont je faisais partie, n'appuyait pas son projet, tandis que seulement 12 % des électeurs inscrits sur les listes électorales en France ont voté pour des députés se revendiquant dudit projet.

Quoi qu'il en ait coûté de mobilisation citoyenne, sociale et parlementaire, la réforme fut cependant mise sur les rails et ce n'est que grâce à une levée de boucliers au sein de la majorité présidentielle elle-même que la réforme n'a pas été intégrée au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 par le biais d'un simple amendement gouvernemental. Finalement, le choix fut fait de recourir à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour porter la réforme. Heureux hasard sans doute, cette formule permettait de limiter au maximum le débat parlementaire.

Rien n'obligeait le Gouvernement à user de ce véhicule législatif, si ce n'est pour contraindre le débat, puisque le Parlement n'a disposé que de 50 jours pour examiner cette réforme d'ampleur, qui modifiait profondément le pacte social. On pourra me rétorquer qu'il ne faut pas oublier la réforme Touraine, mais celle-ci a fait l'objet d'une loi ordinaire et a donné lieu à un véritable débat. Je n'ai pas le temps de revenir sur l'usage du vote bloqué au Sénat pour raccourcir les débats. Il ne s'en est d'ailleurs fallu que de neuf voix que le Gouvernement ne soit renversé par l'Assemblée nationale, après qu'il a dû engager sa responsabilité pour faire adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.

Mais tel ne fut pas le cas et le Président de la République s'est empressé de promulguer la LFRSS pour 2023, tandis que le Gouvernement assurait la publication de la quasi intégralité de ses décrets d'application, alors que d'autres lois pourtant plus consensuelles, telle la loi dite « Taquet », attendent encore une mise en oeuvre concrète.

La LFRSS pour 2023 prévoit deux mesures principales, dont l'Assemblée nationale n'aura jamais pu débattre : le relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961, de façon à le porter de 62 à 64 ans pour la génération 1968, d'une part ; et l'accélération du calendrier de relèvement de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein, pour atteindre les 43 annuités à compter de la génération 1965 au lieu de la génération 1973, d'autre part.

D'autres mesures de même nature ont été mises en oeuvre à cette occasion, notamment le relèvement de 60 à 62 ans de l'âge de départ à la retraite anticipée pour carrière longue pour les assurés qui ont débuté leur activité entre 18 et 20 ans, le relèvement de 60 à 62 ans de l'âge de départ à la retraite anticipée pour incapacité permanente pour les assurés dont le taux d'incapacité est inférieur à 20 % ou encore la fermeture des principaux régimes spéciaux de retraite aux nouveaux entrants.

Sous leur effet, le système de retraites devait revenir à l'équilibre en 2030, comblant un déficit évalué par le Gouvernement à 13,5 milliards d'euros à cette échéance, une estimation semble-t-il assez peu rigoureuse. Nos rapporteurs, Élisabeth Doineau et René-Paul Savary, avaient justement rappelé que celle-ci reposait sur une très optimiste hypothèse de taux de chômage à 4,5 % et était donc vraisemblablement trop faible. Par ailleurs, pour calculer le produit de la réforme, le Gouvernement s'est fondé sur les projections du COR, qui intégraient déjà en 2022 les effets d'une réforme des retraites sur les recettes du système de retraites, dans la mesure où elles reposaient sur le programme de stabilité de la France. Dès lors, d'après l'économiste Michaël Zemmour, ces effets en recettes auraient été comptabilisés deux fois par le Gouvernement, sous-estimant le déficit de 3 milliards à 4 milliards d'euros en 2030.

Il n'est donc pas étonnant de constater que le rapport annuel du COR de juin 2023 ne laisse présager de retour à l'équilibre ni à court ni à long terme. Ses projections sont certes légèrement moins dégradées que celles de 2022, mais l'écart résulte essentiellement de la révision des hypothèses macroéconomiques retenues par le COR et, dans une moindre mesure, de l'effet de la réforme sur les dépenses de retraites - ses effets sur les recettes ayant déjà été pris en compte en 2022.

Ainsi, en 2030, le système de retraite afficherait un déficit de l'ordre de 5 milliards d'euros au lieu de 10 milliards d'euros, mais s'établirait toujours aux alentours de 25 milliards d'euros en 2070. En effet, la montée en charge de la réforme permettrait de réduire les dépenses de retraites à hauteur de 1,1 % en 2030, mais les alourdirait de 0,7 % en 2050 et de 1,7 % en 2070, en raison de l'augmentation de la pension moyenne induite par l'allongement de la durée des carrières.

Du reste, je vous rappelle que la notion de « système de retraite », purement conventionnelle, n'a pas de portée concrète : ce système ne correspond de fait qu'à l'agglomération des 43 régimes de retraite, dont la situation est très variable. Ainsi, avec ou sans réforme, le déficit du régime général continuera de se creuser au cours des prochaines décennies, tandis que, d'après les projections du COR, les régimes complémentaires devaient être en excédent constant jusqu'en 2070.

Je tiens néanmoins à souligner que ces projections se fondaient sur l'hypothèse du maintien des règles de revalorisation des pensions prévues par les partenaires sociaux gestionnaires de l'Agirc-Arrco - qui est depuis hier dans le viseur du Gouvernement - pour la période 2023-2033, à savoir une indexation sur l'évolution du salaire moyen par tête minorée d'un facteur de soutenabilité de 1,16 %. Or, à la suite de la réforme des retraites, l'accord national interprofessionnel 2023-2026 a acté le principe d'une revalorisation des pensions, entre 2024 et 2026, sur la base du taux d'inflation diminué d'un facteur de soutenabilité de 0,4 point, tout en permettant au conseil d'administration de ne pas appliquer ce dernier.

À cela, il convient d'ajouter la décision des partenaires sociaux de rendre le cumul emploi-retraite de nouveau créateur de droits, comme l'a prévu la réforme pour les régimes de base, et de supprimer le coefficient de solidarité temporaire qui visait à inciter au report du départ en retraite et ne se justifiait plus dès lors que l'âge légal était reporté de deux ans. Ces mesures devraient placer l'Agirc-Arrco en déficit technique jusqu'en 2037, pour un montant de plus de 2 milliards d'euros en 2030.

Un an après son adoption, il est donc relativement évident que la réforme des retraites n'atteindra pas l'objectif d'équilibre budgétaire qui lui était assigné. Dans le même temps, ses conséquences humaines et sociales ne peuvent pas être tues.

En relevant de six mois l'âge conjoncturel de départ à la retraite à l'horizon de 2070, pour le porter à 64,6 ans (l'espérance de vie sans incapacité à la naissance se situant à 63,8 ans pour les hommes et à 65,3 ans pour les femmes en 2022), un niveau que les générations nées avant 1910 sont les dernières à avoir connu, elle réduira d'autant la durée de vie à la retraite, qui sera ramenée de 27,2 ans à 26,8 ans pour la génération 2000.

Vouloir faire travailler plus longtemps les seniors est-il l'assurance qu'ils travaillent effectivement plus ? Rien n'est moins sûr. Le taux d'emploi des seniors dans notre pays est structurellement bas, notamment chez les femmes, et ne s'élevait qu'à 36,2 % chez les personnes âgées de 60 à 64 ans en 2022, contre plus de 60 % en Allemagne et aux Pays-Bas. Je rappelle que, d'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), un tiers des assurés de la génération 1950 n'étaient pas en emploi au cours de l'année précédant la liquidation de leur pension.

Une étude conduite par la direction générale du Trésor laisse envisager une progression de l'ordre de 3,2 milliards d'euros des dépenses sociales hors retraite au terme de la montée en charge de la réforme, dont 1,3 milliard d'euros au titre des allocations chômage - on comprend aisément l'empressement du Gouvernement à vouloir en modifier les paramètres par deux fois en l'espace d'un an en vue d'en réduire et le montant et la durée de versement ; 970 millions d'euros au titre des indemnités journalières maladie - là encore, le ballon d'essai de l'allongement du délai de carence paraît une ficelle un peu grosse ; 830 millions d'euros au titre des prestations de solidarité, incluant l'allocation de solidarité spécifique (ASS), en passe, elle aussi, d'être supprimée pour combattre les « trappes à inactivité », selon les mots du Premier ministre.

En d'autres termes, pour chaque euro de dépenses de retraite économisé, 25 centimes supplémentaires devraient être dépensés au titre des autres prestations sociales... si ces dernières ne sont pas d'ici là réformées, voire supprimées !

N'oublions pas, d'autre part, que la réforme pénalisera encore davantage les femmes que les hommes. Monique Lubin nous avait d'ailleurs alertés à ce sujet. En règle générale, les femmes ont tendance à atteindre plus largement que les hommes la durée de cotisation requise à 62 ans grâce aux majorations de durée d'assurance accordées au titre de la maternité et de l'éducation des enfants. Dans ces conditions, le report de l'âge légal à 64 ans contraindra nombre d'entre elles à travailler deux ans de plus sans gain à la clé, tandis que les hommes doivent déjà souvent travailler au-delà de 62 ans pour atteindre le taux plein. Ainsi, pour la génération 1972 par exemple, l'âge moyen de départ des femmes augmentera de neuf mois sous l'effet de la réforme, contre cinq mois pour les hommes. Ce n'est pas juste, surtout lorsque l'on connait déjà les inégalités qu'elles subissent dans l'emploi : rémunérations inférieures et accidents du travail en progression de 42 % en vingt ans quand ceux des hommes ont diminué de 27 %, pour ne citer que celles-ci.

Et tout cela pour quoi ? Quel est le bilan des mesures dites « d'accompagnement » de la réforme mises en avant, à commencer par la revalorisation de 100 euros des minima de pension et la fameuse retraite minimale à 1 200 euros par mois ? Dans les faits, seuls les assurés ayant accompli une carrière complète cotisée au niveau du Smic en bénéficient. Le montant moyen accordé au titre du minimum contributif (Mico) aux nouveaux retraités de 2024 n'a ainsi augmenté que de 30 euros. Pour ce qui concerne les retraités ayant liquidé leurs droits avant l'entrée en vigueur de la réforme, seules 20 000 personnes sur les 500 000 retraités du régime général qui avaient perçu la majoration exceptionnelle à la fin de 2023 avaient effectivement bénéficié de 100 euros supplémentaires. Un bilan bien trop maigre pour nous épargner le débat proposé aujourd'hui !

Telles sont les considérations qui m'amènent, mes chers collègues, à vous proposer d'adopter cette proposition de loi. Je sais que je ne renverserai pas la table ce matin, mais nous pouvons à tout le moins débattre du sujet. Des alternatives au relèvement de l'âge légal existent. Comme l'a si bien démontré Pierre-Louis Bras avant son éviction de la présidence du COR, c'est du côté des recettes qu'il s'agit de regarder aujourd'hui.

Je veux parler des allègements généraux de cotisations sociales, dont le coût pour la sécurité sociale a frôlé les 60 milliards d'euros en 2022, de la diminution des impôts de production à hauteur de 10 milliards d'euros ou encore de la question de la taxation des superprofits - certains ont lancé le pavé dans la mare, et pas seulement à gauche ; je pense notamment à la présidente de l'Assemblée nationale.

Je fais partie de la délégation aux entreprises du Sénat et je tiens à insister sur le fait qu'il ne s'agit pas de faire porter aux entreprises et aux employeurs tout le poids de la solidarité. Nous sommes lucides : nous avons besoin d'emplois. Mais il s'agit de la juste répartition des richesses. La semaine dernière, en séance, nous avons débattu de la simplification administrative au profit des entreprises. Quel est le coût supporté par celles-ci du fait des contraintes administratives qui pèsent sur elles ? Le chiffre de 60 milliards d'euros semble faire consensus, comme l'a rappelé le président Rietmann.

C'est en agissant aussi sur ce point, qui n'a jamais été une priorité du Gouvernement - d'autant qu'il n'y a plus de ministre chargé de la simplification depuis 2017, que l'on peut redonner des marges de manoeuvre aux entreprises et aborder sereinement la perspective d'un relèvement d'un point du taux de la cotisation patronale d'assurance vieillesse. Cette mesure, préconisée par le Haut-Commissaire au plan, François Bayrou, lors de l'examen de la réforme, permettrait de dégager près de 8 milliards d'euros de recettes, pour un effet extrêmement limité sur le coût du travail.

Misons également sur l'emploi, notamment celui des seniors, mais pour cela il faut créer de l'activité. Je vous propose donc, mes chers collègues, de rebattre les cartes, d'abroger cette réforme, de redéterminer ensemble les règles du jeu, de décider d'une meilleure distribution des richesses et d'activer de nouveaux leviers afin d'inciter le Gouvernement à construire une réforme plus juste socialement et plus efficace économiquement. Car si telle était l'ambition du Gouvernement en 2023, 2024 nous enseigne qu'il n'y est pas parvenu.

Pour terminer, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives : aux ressources affectées au financement de la branche vieillesse des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ; aux charges supportées par la branche vieillesse de ces régimes ; à l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite ; à la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein ; et aux minima de pension servis par les régimes obligatoires de base. En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs : aux ressources affectées au financement des branches autres que la branche vieillesse des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi qu'à celui des régimes complémentaires de retraite ; aux charges supportées par ces branches et ces régimes ; et aux paramètres applicables aux assurés sociaux en matière de retraite complémentaire.

Il en est ainsi décidé.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Revoilà donc le brûlant sujet des retraites qui a mis des millions de personnes dans la rue - un mouvement social d'une ampleur inégalée ! Notre groupe est constant : nous n'avons voté aucune réforme des retraites. Je remercie Monique Lubin d'avoir déposé cette proposition de loi, et la rapporteure d'avoir tenu des propos que nous partageons complètement, puisque la gauche était unie contre la réforme des retraites. La réforme a été promulguée le 14 avril 2023 ; dès le 18 avril, notre groupe déposait une proposition de loi visant à abroger la LFRSS pour 2023 portant réforme des retraites.

Sur la forme, faut-il rappeler les conditions dans lesquelles la réforme a été adoptée au Sénat ? Tous les moyens de procédure ont été utilisés pour raccourcir les débats.

Sur le fond, la réforme est inégalitaire, inefficace et injuste.

Inégalitaire, parce qu'aucune contribution n'a été demandée au patronat et au capital. La réforme repose sur le dos des salariés et des travailleurs de notre pays.

Inefficace, parce que l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a montré que d'ici à dix ans elle provoquera chômage et baisses de salaires, élargira le « sas de précarité » et fera exploser le niveau de pauvreté des femmes.

Injuste, parce que, si la réforme permettra de réaliser 7 à 8 milliards d'euros d'économies pour la branche retraite, elle aggravera la situation des autres branches. Le Gouvernement s'est attaqué aux régimes spéciaux, ce qui a porté un coup dur aux métiers les plus pénibles. Je me souviens du débat sur les égoutiers, dont on a fini par juger qu'ils n'exerçaient pas un métier pénible...

Je retiens aussi les mensonges qui nous ont été dits tout au long de la réforme. Je pense à la retraite minimale à 1 200 euros, dont 40 000 personnes devaient bénéficier, puis 20 000, puis 10 000... Nous n'avons jamais su quel serait le nombre de bénéficiaires, le Gouvernement étant incapable de nous le fournir.

Pour toutes ces raisons, nous allons voter la proposition de loi.

M. Daniel Chasseing. - La retraite à 64 ans a constitué une source d'anxiété pour nombre de nos concitoyens - 70 % d'entre eux y étaient opposés. Fallait-il voter la réforme ? Peut-être pas, mais il faut noter que le Sénat a apporté d'importantes modifications au texte pour atténuer les effets de cette augmentation du temps de travail, avec des mesures relatives notamment aux carrières longues, aux femmes, aux aidants, aux sapeurs-pompiers volontiers...

Doit-on aujourd'hui remettre en cause la réforme ? Le COR et la Drees estiment que le déficit s'établira à 10 milliards d'euros en 2026 et à 20 milliards d'euros par an après 2030. Ce déficit augmentera parce que les dépenses de retraite s'accroîtront de 1,8 % par an, avec une prévision de croissance inférieure à 1 %. En France, le nombre de retraités était de 17 millions en 2020, avec 1,7 cotisant pour un retraité ; il sera de 21 millions en 2035, avec 1,5 cotisant pour un retraité. Mme Touraine avait bien vu les difficultés qu'il y a à équilibrer le système de retraites : la loi qui porte son nom prévoyait 43 années de cotisations pour obtenir une retraite à taux plein.

Maintenir la retraite à 62 ans nécessiterait non seulement d'augmenter de manière importante les impôts et taxes affectés, et les cotisations des assurés, mais également de supprimer des exonérations de cotisations, alors que le coût du travail en France est déjà le plus élevé d'Europe avec celui de l'Allemagne. Si l'on veut créer davantage d'emplois, il faut que les entreprises restent compétitives : les exonérations de cotisations doivent alors être conservées. Ainsi, nous aurons davantage de croissance et de cotisants, ce qui nous permettra de ne pas aggraver notre dette, qui s'élève déjà à plus de 3 000 milliards d'euros.

Nous devons penser à l'avenir, à nos enfants, à notre pays, et travailler avec les partenaires sociaux afin d'équilibrer notre système par répartition. Il faut notamment travailler : sur les carrières longues et pénibles, afin que les personnes concernées puissent partir à partir de 60 ans ; sur l'augmentation des retraites minimales ; et sur le travail des seniors. Sur ce dernier point, nous devrions réfléchir à la mise en place de CDI de fin de carrière, au développement de la retraite progressive, à la mise en place de temps partiels de tutorat, aux dispositifs de retraite anticipée.

Je ne voterai pas cette proposition de loi.

Mme Pascale Gruny. - Mon intervention pourrait se résumer à une question : estil bien sérieux aujourd'hui, dans la période que nous vivons, de revenir sur cette loi ?

Son adoption fut difficile pour tous : chacun d'entre nous a une famille, des amis, d'anciens collègues... Personne n'est ravi de travailler plus longtemps, mais nous avons pris nos responsabilités. Le texte a été proposé par le Gouvernement, mais nous l'avons largement modifié afin de le rendre plus équilibré. Nous aurions voulu aller plus loin, notamment sur l'emploi des seniors. Or on nous avait promis une loi « Travail » ; nous l'attendons toujours.

Cathy Apourceau-Poly a rappelé la constance de son groupe, mais nous avons été, nous aussi, constants dans nos convictions. En revanche, madame la rapporteure, vous avez l'air de renier la loi Touraine, dont la dernière réforme des retraites ne fait qu'avancer la montée en charge.

Les hypothèses retenues par le Gouvernement étaient très optimistes - nous sommes d'accord sur ce point, mais le président du COR a usé du même procédé : il a eu une lecture biaisée de l'évolution des dépenses, et c'est sûrement la raison pour laquelle il lui a été demandé de quitter son poste.

Notre groupe votera contre cette proposition de loi. Il est préférable de travailler à une nouvelle loi « Travail » et d'accompagner les salariés en améliorant la prévention en matière de santé et de sécurité, afin que ceux-ci soient toujours en bonne santé au moment de prendre leur retraite.

Les jeunes que je rencontre me disent qu'ils n'auront pas de retraite : cela me fend le coeur car ils travaillent et payent les retraites actuelles. La réforme a été faite aussi pour leur en garantir une.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Je m'abstiendrai sur cette proposition de loi.

J'avais voté contre la réforme des retraites, non pas parce que je suis opposée au fait de travailler plus longtemps, mais parce que j'ai regretté que l'on n'ait pas pu travailler davantage sur le cas des femmes. Je suis convaincue que le niveau de pauvreté des femmes explosera. Nombre d'entre elles ont une carrière professionnelle en pointillés, car elles sont souvent la béquille des plus fragiles de nos concitoyens. Les trimestres de maternité et d'éducation ne leur permettent pas de bénéficier d'un départ anticipé, même quand elles ont validé la durée requise pour le taux plein. Elles devront travailler plus longtemps, et auront des retraites moins élevées que les hommes. J'y insiste, nous aurions dû prêter une attention plus importante à la question de la retraite des femmes.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Nous avons l'habitude d'avoir, à la commission des affaires sociales, des rapports plus mesurés que celui, à charge, que nous venons d'entendre.

Les travaux du COR, auquel je participe - nous aurons d'ailleurs demain une réunion pour préparer le rapport annuel, démontrent la nécessité d'une réforme des retraites, laquelle aurait dû être plus équilibrée. Lors des débats, j'étais favorable à une contribution plus importante des entreprises et du capital.

Notre groupe s'opposera à l'abrogation d'une réforme qui nous apparaît plus que jamais nécessaire.

Mme Monique Lubin. - Je suis ravie que ma proposition de loi suscite des réactions : nous aurons des débats qui seront certainement intéressants dans l'hémicycle. J'avais envie de « célébrer » l'anniversaire de la loi avec un texte qui nous permette de reparler des retraites. Il est facile de se demander, un an après, si au vu de la situation actuelle il est bien sérieux de discuter de cela. À l'époque, il avait été démontré que les projections du Gouvernement en matière de taux de chômage étaient extrêmement optimistes. Aujourd'hui, on voit bien où nous en sommes... Fallait-il faire une réforme des retraites, c'est-à-dire maintenir dans l'emploi des personnes qui auraient pu partir à la retraite, et donc interdire l'accès à l'emploi à ceux qui auraient pu les remplacer ? Ce n'était pas le bon moment pour mener cette réforme.

On parle beaucoup du COR, et nous sommes quelques-uns ici à y siéger. Ce qui fait la richesse de cet organisme, c'est que l'on met autour de la table de nombreux experts, venant notamment des grandes directions ministérielles. Je veux bien que l'État conteste le rapport du COR, mais celui-ci est fait à partir de chiffres fournis par ses propres administrations...

Les rapports du COR étaient basés sur trois, puis deux conventions, et désormais une seule. Chacune de ces conventions est construite autour de quatre scénarii de croissance de la productivité. Les projections étaient en général réalisées sur le scénario à 1 %. On ne peut donc pas tirer des conclusions hâtives de ses travaux.

Le COR a été créé pour être une instance indépendante, respectée. Il m'a semblé comprendre que nous seraient proposées demain des modifications substantielles de son mode de fonctionnement, autour de scénarii volontairement revus à la baisse pour permettre de justifier a posteriori la réforme des retraites. Cela serait un drôle de virage... Je demande à mes collègues d'être extrêmement vigilants, car il ne faudrait pas faire du COR un instrument à la solde de tout gouvernement qui voudrait absolument allonger la durée des carrières.

Mme Marion Canalès, rapporteure. - Madame Gruny, oui, cette proposition de loi est sérieuse car, s'agissant de cette réforme des retraites, il aurait fallu forcer le Gouvernement à reculer, à passer par un véhicule législatif adapté, à tenir ses engagements de continuer le travail après les efforts consentis par certains d'entre vous, à ne pas contraindre le débat parlementaire...

En ce qui concerne la réforme de Marisol Touraine, je rappelle qu'elle a fait l'objet d'une loi ordinaire, et non d'un PLFSS. Le débat parlementaire avait pu se tenir et aller jusqu'à son terme. Même si vous avez pu obtenir des avancées ici, au Sénat, il n'est pas possible de réformer aussi profondément le pacte social dans les conditions que j'ai rappelées. Du reste, la réforme Touraine n'a pas relevé l'âge légal et était par conséquent moins contraignante que celle-ci.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Bien sûr que si !

Mme Marion Canalès, rapporteure. - Non, ce n'était pas contraignant, chaque assuré demeurant libre de liquider ses droits dès 62 ans. J'assume cette loi, car il faut avoir le courage de faire des réformes justes socialement et efficaces économiquement.

Monsieur Chasseing, on voit bien qu'avec la réforme de l'ASS et de l'assurance chômage, on tente de casser le thermomètre : on pourra ainsi dire que le sas de précarité s'est dégonflé... En France, il y a 4 millions d'entreprises : il faut ouvrir le débat sur l'élargissement des recettes, la taxation des superprofits et la réduction des allègements généraux. Nous avons d'autres marges de manoeuvre : j'ai notamment évoqué la simplification administrative.

Je remarque que, sur les acquis sociaux, des ballons d'essai sont vite lancés, sans véhicule législatif à ce jour : c'est le cas pour l'allongement des délais de carence en cas d'arrêt maladie.

Les jeunes disent souvent qu'ils n'auront pas de retraite. Comme l'a dit Mme Lubin, ne pas travailler trop longtemps est une forme de solidarité intergénérationnelle. Les inégalités sont nombreuses aujourd'hui dans notre pays, et cette réforme ne contribue pas à renforcer la justice sociale. Il aurait fallu un véritable débat parlementaire et citoyen, une vraie loi. Il ne faut pas se contenter de dire que maintenant les choses sont faites : nous sommes ici pour légiférer si nous le jugeons nécessaire.

Pour répondre à Madame Gruny, en ce qui concerne le COR, les quatre scénarii de croissance de la productivité aboutissaient certes à des résultats différents, mais la trajectoire qu'ils induisaient restait la même, c'est-à-dire celle d'une stagnation de la part des dépenses de retraites dans le PIB à l'horizon de 2070.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Philippe Mouiller, président. - Nous passons à l'examen de l'article unique.

Je vous informe qu'aucun amendement n'a été déposé sur ce texte.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

- Présidence de M. Jean Sol, vice-président. -

Proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Jean Sol, président. - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales, déposée par notre collègue Maryse Carrère. Ce texte sera examiné en séance publique jeudi 11 avril.

Je salue notre rapporteure, Guylène Pantel, à l'occasion de la présentation de son premier rapport fait au nom de notre commission.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Maryse Carrère, inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat dans le cadre de l'espace réservé au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE). Ce texte vise à préserver l'accès aux pharmacies d'officine dans les communes rurales.

Avant toute chose, il me semble nécessaire de vous fournir quelques éléments sur l'état de notre réseau officinal et les difficultés rencontrées dans certains territoires. Celles-ci n'ont rien d'évident : la qualité du maillage officinal a longtemps été vantée. La France bénéficiait, ces dernières années encore, d'une densité d'officines supérieure à la moyenne des pays développés : 32 officines pour 100 000 habitants en 2019 contre 28, en moyenne, dans les pays de l'OCDE.

Du fait d'une régulation ancienne des ouvertures des officines, les pharmaciens sont, par ailleurs, plus équitablement répartis sur le territoire national que la plupart des autres professionnels de santé. En effet, l'ouverture d'une officine, même par voie de transfert ou de regroupement, doit être autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) et ne peut l'être, en principe, que dans une commune de plus de 2 500 habitants, puis une fois par tranche de 4 500 habitants supplémentaires.

Il résulte de l'application de ces règles un maillage territorial performant des pharmacies d'officine. Un rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales concluait, en 2016, que 97 % des Français vivaient à moins de dix minutes en voiture d'une officine. Les 35 % d'officines situées dans des communes de moins de 5 000 habitants contribuent largement à ce maillage.

Pourtant, le réseau officinal s'est beaucoup affaibli ces dernières années. Depuis dix ans, le nombre de pharmacies d'officine diminue de manière constante : la France a perdu, entre 2012 et 2022, plus de 8 % de ses officines quand elle gagnait 3,7 % d'habitants. Il faut, bien sûr, ajouter à cela l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques et, de manière générale, des besoins de santé de la population : ce sont là des réalités que vous connaissez déjà.

Je dois, encore, préciser que si le réseau officinal est moins inéquitablement réparti que d'autres, des inégalités territoriales sont néanmoins constatées dans l'implantation des pharmacies. Près d'un tiers des départements comportaient, en 2022, moins de 30 officines pour 100 000 habitants, contre plus de 35 dans les départements les mieux dotés.

Les difficultés d'accès aux officines sont, bien sûr, aggravées par les fermetures constatées. Dans les territoires les moins bien pourvus, il arrive désormais que les habitants se trouvent sans solution de proximité : les villages de Tende, dans la vallée de la Roya, ou de Cozzano, en Corse, ont récemment fait l'objet d'une importante attention médiatique.

Face à ce constat, le législateur a entendu agir au cours de ces dernières années. Deux dispositifs ont visé à maintenir l'accès aux médicaments dans les territoires les plus sinistrés : les antennes d'officine et les « territoires fragiles ». Ils sont toutefois, pour l'heure, restés entièrement inappliqués.

Pour maintenir l'accès aux médicaments dans les communes à très faible population, la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) a autorisé, à titre expérimental, la création d'une antenne d'officine par un pharmacien titulaire d'une commune limitrophe lorsque la dernière officine de la commune d'accueil a cessé son activité et lorsque l'approvisionnement en médicaments y est compromis. Des difficultés juridiques qui empêcheraient le lancement effectif de l'expérimentation ont toutefois été mises en avant par la profession. La récente loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a cherché à les résoudre.

Par ailleurs, une ordonnance de janvier 2018 a permis d'identifier les territoires au sein desquels l'accès aux médicaments n'est pas assuré de manière satisfaisante, dits « fragiles ». Les directeurs généraux des ARS doivent fixer la liste de ces territoires, dans des conditions définies par décret, permettant, notamment, de tenir compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, de l'offre pharmaceutique et des particularités géographiques de chaque zone.

Dans les « territoires fragiles » ainsi identifiés, l'ouverture d'une officine est facilitée dans une commune de moins de 2 500 habitants : elle peut être autorisée si celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine, lorsque l'une recense au moins 2 000 habitants et lorsque toutes totalisent au moins 2 500 habitants. Par ailleurs, des aides spécifiques peuvent être accordées par l'ARS ou l'assurance maladie aux officines situées dans ces territoires pour favoriser leur ouverture et leur maintien.

Plus de trois ans après l'autorisation de l'expérimentation des antennes d'officine et plus de six ans après l'adoption du dispositif « territoires fragiles », ceux-ci apparaissent encore inappliqués. D'après les parties prenantes interrogées, les premières antennes d'officine devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya ou le village de Cozzano. En revanche, le dispositif « territoires fragiles » demeure toujours inapplicable en l'absence de décret.

Cette situation est préjudiciable compte tenu du contexte actuel et, plus encore, de l'accélération du rythme de fermeture des officines ces dernières années. Depuis 2018, la France perd chaque année environ 1 % de ses pharmacies. Ce mouvement, désormais bien installé, pourrait se poursuivre et s'aggraver : d'après le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop), la part des titulaires d'officine de plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans. Des difficultés de recrutement dans les études de pharmacie, matérialisées par des places laissées vacantes, sont par ailleurs observées ces dernières années.

La situation est d'autant plus dommageable que les pharmaciens se sont vu confier, ces dernières années, de nouvelles missions destinées à améliorer l'accès aux soins. Leur rôle a été renforcé dans la réalisation de tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), la prescription de vaccins ou l'accompagnement des patients. Si ces nouvelles compétences positionnent les pharmaciens en acteurs essentiels de proximité, particulièrement lorsque les médecins manquent, les difficultés constatées pour accéder à une officine risquent toutefois de neutraliser, dans certains des territoires visés, les effets de cette politique.

Dans nos territoires ruraux, ces tensions s'ajoutent ainsi à l'ensemble des difficultés d'accès aux soins décrites depuis longtemps. L'Association des maires ruraux de France (AMRF), que j'ai auditionnée, a conduit une étude établissant que les écarts d'espérance de vie entre départements ruraux et départements urbains s'aggravent pour atteindre, désormais, près de deux ans pour les hommes et un an pour les femmes.

Parce qu'il est nécessaire d'agir pour faciliter l'installation d'officines dans nos campagnes, la proposition de loi déposée par la présidente de notre groupe Maryse Carrère vise à assouplir les conditions d'ouverture des pharmacies d'officine, par voie de transfert, de regroupement ou de création. Elle autorise une telle ouverture dans les communes de moins de 2 500 habitants, lorsqu'elles sont situées dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine qui totalisent ensemble une population dépassant ce seuil.

Les auditions que j'ai conduites ont toutefois révélé qu'une révision des critères de droit commun d'ouverture des officines, applicables à l'ensemble du territoire national, inquiète la profession. Celle-ci craint une forte déstabilisation du réseau officinal existant et, localement, des effets d'éviction non souhaitables.

Aussi, je vous proposerai d'entendre ces inquiétudes en recentrant le dispositif sur sa cible prioritaire : les territoires les moins bien pourvus en officines et, en leur sein, les communes faiblement peuplées qui ne peuvent accueillir, en application des critères actuels, une pharmacie. Pour ce faire, je vous soumettrai un amendement réécrivant le dispositif de l'article unique pour contraindre, plutôt, le Gouvernement à prendre dans les prochains mois le décret attendu depuis six ans et devant permettre l'application du dispositif « territoires fragiles ».

En l'absence de décret au 1er octobre prochain, le dispositif deviendrait d'application directe : il appartiendrait, dans ce cas, aux directeurs généraux des ARS d'identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères d'ores et déjà prévus par la loi. Au sein de ces territoires, l'ouverture de pharmacies d'officine dans les communes rurales sera facilitée et des aides pourront être octroyées afin de favoriser leur maintien.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, dans les territoires ruraux, nos concitoyens qui souffrent du manque de professionnels de santé sont en droit d'attendre davantage. Faisons évoluer positivement les choses.

Il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives aux conditions d'ouverture, par voie de transfert, de regroupement ou de création, des pharmacies d'officine ; aux conditions d'accompagnement des pharmacies d'officine dans les territoires au sein desquels l'approvisionnement en médicaments n'est pas satisfaisant.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux études de pharmacie, aux missions des pharmaciens d'officine ou à l'approvisionnement en médicaments.

Il en est ainsi décidé.

Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi. - En vingt ans, près de 4 000 officines ont mis la clé sous la porte. Bien moins médiatisée que la désertification médicale, la désertification pharmaceutique n'est pas moins préoccupante, car elle est lourde de conséquences sur l'accès aux soins, notamment en milieu rural et en milieu montagneux. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) considère en effet que 3 % à 5 % de la population française vivent aujourd'hui dans des territoires considérés comme fragiles au regard de leur offre pharmaceutique.

Ce problème de santé publique mérite une attention particulière, d'autant que le pharmacien, loin de se limiter à la délivrance des médicaments, s'est vu confier de plus en plus de responsabilités et de missions, notamment dans le cadre des renouvellements d'ordonnances en cas d'affection chronique, de la vaccination, du dépistage et de la délivrance d'antibiotiques pour les cystites simples et les angines. En sus de son rôle de conseil habituel, le pharmacien intervient désormais dans les domaines de la prévention, du suivi et de la prise en charge de certaines maladies.

Acteur de proximité et maillon essentiel du système de santé, le pharmacien a été mis à contribution pendant la crise du covid-19. La fermeture de pharmacies en milieu rural met en exergue les défis auxquels sont confrontés ces territoires en matière d'accès aux soins : sans officine de proximité, les patients doivent parcourir de longues distances pour se rendre à la pharmacie la plus proche, ce qui est source de problèmes pour les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite et celles qui sont dépourvues d'un moyen de transport, et cela n'est pas sans conséquence sur la qualité des soins et le suivi des patients.

En outre, la fermeture d'une pharmacie peut avoir des répercussions économiques et sociales dans les territoires, la perte d'un service de proximité pouvant contribuer à l'isolement des habitants et à la désertification des territoires en décourageant les jeunes familles comme les professionnels de santé de s'y installer.

Certes, une ordonnance de 2018 a prévu un assouplissement des règles d'ouverture d'une officine dans les territoires dits « fragiles » et permet, dans certains territoires, l'installation de pharmacies dans les communes de moins de 2 500 habitants qui en sont dépourvues, à deux conditions : premièrement, les communes contiguës doivent se regrouper pour dépasser ce seuil de 2 500 habitants ; deuxièmement, cette alliance de communes doit compter au moins une localité recensant plus de 2 000 habitants.

Or cette ordonnance n'est toujours pas entrée en vigueur faute de décret, d'où la démarche entreprise par les sénateurs du groupe RDSE via cette proposition de loi, avec l'objectif de maintenir un maillage pharmaceutique de qualité sur notre territoire.

Nous souhaitions ainsi ne plus imposer la condition des 2 000 habitants : compte tenu du fait que la France compte un peu plus de 29 000 communes de moins de 2 000 habitants, je ne suis pas certaine que l'assouplissement prévu par l'ordonnance de 2018 réponde aux défis posés. Pour prendre l'exemple de mon département, seules 10 communes comptent plus de 2 000 habitants, les autres communes recensant entre 20 à 600 habitants.

Au cours des auditions menées par notre rapporteure, l'ordre des pharmaciens et les syndicats professionnels ont exprimé une série de réserves d'ordre économique, mais les sénateurs ont le devoir de mener des réflexions centrées sur l'aménagement du territoire.

La rapporteure nous propose une réécriture de l'article unique afin de demander au Gouvernement de publier le décret nécessaire à l'application du dispositif « territoires fragiles » avant le 1er octobre, ce que les cosignataires de la proposition de loi acceptent sans difficulté.

En conclusion, j'évoquerai la situation dans mon département, qui a été l'élément déclencheur de cette proposition de loi : en moins de six mois, trois pharmacies situées dans trois territoires différents ont été rachetées dans un seul but : les fermer, afin d'éviter la concurrence avec les territoires voisins et les grandes pharmacies du périmètre urbain de la ville de Tarbes. De surcroît, des pharmacies de montagne situées à proximité de cabinets médicaux ont fermé pour renforcer une officine située à plus de trente kilomètres.

Cette tendance lourde à l'hyperconcurrence et aux rachats d'officines s'accompagne de l'impossibilité, pour les maires de communes de moins de 2 500 habitants, de rouvrir des pharmacies dans leurs territoires. D'où cette proposition de loi qui doit permettre d'ouvrir le débat et d'inciter le Gouvernement à se pencher sur la réorganisation territoriale du réseau d'officines, en particulier dans nos territoires ruraux et de montagne.

Mme Céline Brulin. - Je remercie l'auteure et la rapporteure de ce texte, qui me semble utile. Les auditions que vous avez conduites vous ont-elles permis de comprendre les causes de la non-publication du décret ? Les pharmaciens sont effectivement amenés à assumer de plus en plus de missions, dont les Trod et la vaccination, tandis qu'un nombre grandissant d'officines accueillent également des cabines de téléconsultation, qui constituent une réponse, certes imparfaite, à la désertification médicale.

Le constat établi ne me semble pas sans lien avec l'audition précédente consacrée à la financiarisation de la santé, puisque nous constatons que ce mouvement est aussi à l'oeuvre dans les officines. Si je comprends la volonté de recentrer le texte sur la publication des décrets, j'estime que nous devrions creuser ce sujet plus avant.

Au cours d'une audition, l'ordre des pharmaciens a indiqué, sans surprise, que les professionnels allaient davantage s'installer à proximité des médecins. De la même manière, il est peu probable que les médecins s'installent dans des zones dépourvues de pharmacies : je pense que nous devrons faire preuve de davantage de volontarisme si nous voulons éviter d'aller de pénurie en pénurie.

Par ailleurs, même si je comprends que le périmètre soit resserré en raison de l'objet très précis de la proposition de loi, je tiens à souligner que j'ai été particulièrement alertée par le fait que les études de pharmacie ne font plus le plein depuis deux ans. Ce phénomène extrêmement inquiétant est visiblement lié à la réforme de l'accès aux études de santé et à un accès à la filière pharmaceutique devenu complètement illisible pour ceux qui souhaiteraient s'y engager. Il s'agit d'un véritable sujet de préoccupation compte tenu de la désertification actuelle, cette pénurie d'étudiants ne pouvant qu'augurer de futures difficultés.

Notre groupe soutiendra la proposition de loi.

Mme Corinne Imbert. - Je remercie la rapporteure pour les échanges que nous avons pu avoir en amont de sa présentation. La question du déficit d'attractivité des études de pharmacie représente effectivement un objet de préoccupation majeure : l'année dernière, 1 000 places étaient vacantes en deuxième année, contre 400 à 500 places cette année. De plus, les difficultés de recrutement existent déjà pour un pharmacien en milieu rural qui souhaite recruter un préparateur ou un pharmacien adjoint.

Jusqu'à présent, nous disposions pourtant d'un réseau d'officines qui représentait à la fois une véritable colonne vertébrale du système de santé et un modèle d'aménagement du territoire, avec des pharmacies accessibles en une quinzaine de minutes. Dans sa première version, le texte ciblait les pharmacies rurales installées dans des communes de moins de 2 000 habitants et qui couvrent un bassin de population de 2 500 habitants, qui existent en vertu de licences données il y a fort longtemps. Ces mêmes officines sont aujourd'hui en proie à des difficultés économiques et ne trouvent que difficilement un successeur, à tel point qu'elles ferment ou sont vendues à un euro symbolique.

Certes, toutes ces officines ne sont heureusement pas mal en point, certaines parvenant à assumer les nouvelles missions qui leur sont confiées, mais lesdites missions nécessitent une équipe assez fournie. De plus, un pharmacien doit pouvoir libérer une partie de son temps pour se former, ce qu'il est dans l'incapacité de faire s'il travaille seul ou avec des effectifs réduits.

Face à ces difficultés plurielles, nous partageons tous l'inquiétude de voir apparaître des déserts pharmaceutiques, le nombre d'officines ayant chuté de 25 000 à 19 000 en l'espace de vingt-cinq ans. Ce phénomène de concentration nous renvoie à la logique de financiarisation évoquée dans le cadre de l'audition précédente.

Par ailleurs, je vous signale qu'un député représentant les Français de l'étranger devrait prochainement remettre un rapport portant une vision opposée à celle que vous avez exprimée, en défendant, dans le prolongement de la déclaration de politique générale du Premier ministre, une libéralisation totale de la vente de médicaments - en grande surface ou en ligne -, qui s'apprête à balayer d'un revers de main le modèle de pharmacie de proximité qui a structuré l'aménagement du territoire dans notre pays.

Nous voterons cette proposition de loi telle que la rapporteure propose de l'amender.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - D'après le ministère de la santé, 6 % de la population française - hors Mayotte - réside dans des territoires qui répondent à l'un des critères de fragilité envisagés.

Le retard dans la publication du décret est imputable au ministère, qui avait invoqué la crise sanitaire en 2020. Une première proposition a été transmise aux représentants des pharmaciens début 2023, mais a été rejetée.

Les auditions que nous avons menées ont mis en exergue un déficit d'attractivité des études de pharmacie et, parmi les diplômés des pharmacies d'officine, alors que celles-ci sont essentielles à l'accès aux soins et un vecteur de lien social dans nos territoires ruraux.

Mme Corinne Féret. - L'amendement proposé vise à contraindre le Gouvernement à publier un décret d'application : il est incroyable que des dispositifs écrits ne soient pas mis en oeuvre compte tenu des besoins existants dans nos territoires.

Dans le Calvados, les élus travaillent avec acharnement pour attirer des professionnels de santé dans leurs petites communes, quitte à imaginer des projets d'aménagement de l'ensemble du centre-bourg au-delà du pôle ou du centre de santé envisagé. Cependant, lorsqu'ils décrochent l'accord de professionnels de santé pour créer un tel pôle, ils se heurtent au refus de l'ARS de valider l'ouverture d'une pharmacie, justement au motif que le fameux décret n'a pas été publié. Cette impossibilité inquiète les porteurs de projets, qui se trouvent fragilisés par cette impossibilité d'ouvrir une pharmacie alors que les besoins sont bien réels.

Nous voterons cette proposition de loi, l'amendement visant à contraindre le Gouvernement à publier ce décret étant essentiel pour résoudre bon nombre de situations difficiles, en particulier dans nos territoires ruraux.

Mme Jocelyne Guidez. - L'amendement est effectivement bienvenu. Pour prendre un autre exemple, celui d'une ville de mon département - l'Essonne - de 5 000 habitants qui comptait deux pharmacies, le départ à la retraite d'une pharmacienne a donné lieu à une entente entre les professionnels et à la fermeture d'un des deux établissements. Il se révèle très difficile de rouvrir une deuxième pharmacie alors que nous avons reçu des propositions de professionnels prêts à venir s'installer et que la population croît. J'ajoute que la commune ne connaît pas de difficultés en termes de présence de médecins. Nous voterons bien sûr cette proposition de loi.

Mme Chantal Deseyne. - Comme tous les autres orateurs, je suis attachée à la présence des pharmacies dans tous les territoires, y compris les plus éloignés et les moins peuplés, mais nous devons également tenir compte des réalités économiques et de la nécessité pour les pharmaciens de pouvoir vivre de leur métier. Dans mon département, les médecins propharmaciens ont longtemps eu la possibilité de délivrer des médicaments, ce qui pourrait être une piste à explorer pour remédier aux difficultés actuelles.

Mme Corinne Bourcier. - Les pharmaciens sont essentiels pour le conseil, l'accompagnement des patients et l'accompagnement des médecins. Ils doivent aussi assumer de nouvelles missions.

Si je salue votre initiative, je m'interroge sur la pertinence du seuil retenu : parmi les nombreuses communes nouvelles que compte le Maine-et-Loire, j'ai en tête le cas d'une commune nouvelle de 16 000 habitants qui regroupe onze communes, dont la plupart comptent moins de 2 500 habitants. Un ajustement dudit seuil pourrait donc être nécessaire. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Marie-Pierre Richer. - Merci, madame la rapporteure, de mettre une nouvelle fois en avant la désertification pharmaceutique. Je suis intervenue, voilà maintenant plusieurs années, pour souligner qu'elle était en marche, notamment dans le département du Cher.

Je me réjouis que cette proposition de loi permette de parler du milieu rural et de ce sujet en particulier.

J'attends beaucoup de l'expérimentation des antennes de pharmacies socles, des pharmacies annexes. Elle est dans les tuyaux, mais, pour qu'elle fonctionne, il faudra que les ARS aient la possibilité d'accorder des autorisations en nombre. Je crains qu'elle ne soit trop restreinte, ce qui m'inquiète un peu.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - L'un des effets bénéfiques attendus du dispositif Territoires fragiles est d'obliger les ARS à mieux mesurer les difficultés d'accès qui existent déjà, notamment dans les territoires ruraux. Parmi les critères envisagés, il faut être situé à plus de quinze minutes d'une pharmacie d'officine, ce qui est assez courant dans les territoires très isolés.

Les médecins propharmaciens existent encore. Dans mon département, il y en a encore dans quatre villages, et c'est heureux, parce que la pharmacie la plus proche est dans le Gard. C'est une réponse de proximité importante.

Dans le cas des communes nouvelles, les critères sont appréciés à l'échelle de celles-ci.

Je souscris à tous vos propos. Nous espérons tous que les décrets seront appliqués au mois d'octobre !

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à réécrire l'article unique de la proposition de loi, afin de contraindre le Gouvernement à publier le décret nécessaire à l'application de ce dispositif avant le 1er octobre 2024. Dans le cas contraire, il appartiendra aux directeurs généraux des ARS, à compter de cette date, d'identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères légaux et d'appliquer, en leur sein, les conditions d'ouverture assouplies devant favoriser l'installation de pharmacies d'officine.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Je vous remercie sincèrement, mes chers collègues.

La réunion est close à 12 h 05.