Mercredi 3 avril 2024
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi visant à renforcer le service civique - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, tout d'abord, nous accueillons parmi nous, Mireille Jouve, qui connait bien notre commission pour y avoir siégé lors de son précédent mandat.
Nous nous réunissons ce matin pour l'examen du rapport de notre collègue Sylvie Robert sur la proposition de loi visant à renforcer le service civique, déposée par le président Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues.
Je vous rappelle que l'examen de ce texte est programmé en séance publique mercredi prochain dans le cadre de l'espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, après l'examen de la proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Depuis sa création, le nombre de volontaires du service civique n'a eu de cesse de progresser. Après une phase d'expansion entre 2010 et 2017, le nombre annuel de missions se stabilise désormais autour de 80 000 par an. Les chiffres pour l'année 2023 ne sont pas encore connus, mais il pourrait s'agir d'une année record avec plus de 88 000 nouveaux engagements. En outre, en prenant en compte le nombre de missions qui débutent, se déroulent ou s'achèvent au cours d'une année civile, près de 150 000 jeunes étaient en service civique à un moment donné en 2023.
Au-delà de ces chiffres, le service civique a trouvé sa place en tant que politique publique en faveur à la fois de la jeunesse et de l'engagement, puisque, en 2021, 84 % des volontaires déclaraient recommander le dispositif et 58 % souhaitaient s'engager bénévolement après leurs missions.
La mission d'information sur le thème « Comment redynamiser la culture citoyenne ? », issue du droit de tirage du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) et présidée par notre collègue Stéphane Piednoir, avait d'ailleurs qualifiée, en 2022, le service civique d'« école de l'engagement citoyen à davantage valoriser ».
Aujourd'hui, des jeunes aux parcours très différents en termes d'âge, de diplôme, de situation ou d'origine sont volontaires chaque année. Cette variété de profils témoigne de la capacité du service civique à remplir sa mission d'accueil de la jeunesse dans sa diversité pour constituer un moment de brassage, de mixité sociale et d'engagement au service des autres.
Je tiens toutefois à attirer l'attention sur un point. Depuis son origine, le service civique est sur une « ligne de crête », selon l'expression de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (Djepva) chargée du suivi de cette politique, entre dispositif de promotion de l'engagement et outil d'insertion sociale et professionnelle.
Soyons vigilants à ne pas rompre cet équilibre qui est l'une des raisons du succès du service civique et de la mixité sociale des jeunes volontaires !
Cette proposition de loi vise à renforcer le service civique. Elle s'inscrit dans une tradition qui dépasse les familles politiques. En effet, le service civique, qui est né d'une initiative sénatoriale sous la présidence de Nicolas Sarkozy, est monté en puissance pendant celle de François Hollande, avant de devenir un élément à part entière du plan « 1 jeune, 1 solution » durant la présidence d'Emmanuel Macron.
Toutefois, actuellement, des obstacles subsistent et entravent son développement.
Deux points me paraissent importants à évoquer, même s'ils ne peuvent pas être abordés par le texte.
Le premier est d'ordre budgétaire : au cours de nos auditions, la Djepva nous a indiqué que l'Agence du service civique connaît 100 millions d'euros d'annulation de crédits dans le contexte budgétaire actuel, soit l'équivalent de 50 000 missions. Si une telle annulation devait se répéter dans les années à venir, c'est la dynamique du service civique qui serait atteinte.
Le deuxième point concerne le lien entre service national universel (SNU) et service civique, qui devait constituer sa troisième phase facultative. Aujourd'hui, nous ne disposons d'aucune information sur le sujet, alors même que l'extension du SNU dès 2026 a été évoquée.
Plusieurs obstacles, à laquelle cette proposition de loi souhaite répondre, ont été identifiés.
Cette forme d'engagement demeure encore trop méconnue des jeunes et reste parfois confondue avec un dispositif d'insertion professionnelle. La proposition de loi tend à renforcer l'information sur le service civique. Je connais la position constante de la commission sur le fameux article L. 312-15 du code de l'éducation relatif à l'enseignement moral et civique. Aussi, je vous soumettrai un amendement visant à supprimer toute modification de cet article.
En revanche, il me semble intéressant de sécuriser le dispositif de césure qui est à la disposition des jeunes, en inscrivant dans la loi le droit à réintégrer la formation dans laquelle ils étaient inscrits avant leur mission. En effet, le service civique intervient le plus souvent lors des études supérieures, puisque l'âge moyen des volontaires est de 21 ans.
Par ailleurs, le montant de l'indemnité constitue parfois un frein pour le jeune en situation précaire. Un premier effort a été fait voilà quelques mois pour porter l'indemnité à 620 euros, soit un montant supérieur au revenu de solidarité active (RSA). La proposition de loi vise à l'aligner sur la rémunération touchée par un jeune en première année d'alternance. Je vous soumettrai un amendement prévoyant un montant identique pour tout volontaire, sans distinction de l'âge, contrairement au contrat d'apprentissage.
Autre point important, le texte ouvre la voie à une aide financière renforcée pour la structure d'accueil en fonction du diplôme, de l'origine ou encore de la situation de handicap du volontaire accueilli. C'est une forme d'encouragement à choisir des jeunes au profil plus atypique. C'est également dans cette optique, selon l'auteur de la proposition de loi, que le texte tend à porter à 30 ans l'âge plafond pour effectuer un service civique.
Si l'augmentation de l'âge limite pour effectuer un service civique répond à des parcours d'études moins linéaires qu'auparavant, avec des interruptions de formation ou des changements de voie, il est important de maintenir cet équilibre entre politique en faveur de l'engagement et outil d'insertion professionnelle - la ligne de crête évoquée précédemment. C'est pourquoi je vous proposerai de porter l'âge limite à 27 ans, soit deux ans de plus que l'âge actuel.
La proposition de loi prévoit de renforcer la formation des jeunes volontaires en portant le nombre de jours de formation de deux à cinq. Ce renforcement de la formation est l'une des recommandations de la mission sénatoriale citée précédemment. Je vous proposerai deux amendements sur ce sujet. Le premier vise à garantir l'effectivité et la qualité de cette formation, qui devra désormais être réalisée par un organisme spécifiquement accrédité. Actuellement, moins de la moitié des jeunes bénéficient effectivement des deux jours de formation prévus par les textes. Un second amendement tendra donc à porter le nombre de jours à trois : s'il me semble important de renforcer la formation, c'est méconnaître la diversité des profils et des parcours de tous les jeunes que d'imposer cinq jours de formation.
Je souscris pleinement à l'objectif de mieux valoriser le service civique. Aussi, je vous soumettrai plusieurs amendements afin de favoriser cette prise en compte dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ou encore des concours de la fonction publique, tout en respectant le principe d'égal accès à l'emploi public. Pour ce qui concerne Parcoursup, il ne semble pas aujourd'hui opportun d'inclure l'engagement de service civique parmi les critères pris en compte dans les filières sélectives. Un amendement visera à supprimer cette disposition.
Enfin, je vous proposerai de prévoir, dans tout contrat de service civique, la possibilité de participer, à la demande du jeune, à une mission de crise ou d'urgence non prévue par sa mission d'origine, par exemple dans le cas d'une catastrophe naturelle. Il s'agit de l'une des recommandations du groupe de travail sectoriel sur les conséquences de l'épidémie de covid-19 sur la jeunesse et la vie associative, présidé par notre ancien collègue Jacques-Bernard Magner.
Lors du premier confinement, l'Agence du service civique avait rencontré des difficultés juridiques pour faire évoluer les contrats des volontaires qui s'étaient inscrits en masse sur la plateforme jeveuxaider.gouv.fr. Or leur mission au sein de leur organisme d'accueil, qui s'était souvent interrompue du fait du confinement, ne le prévoyait pas.
Depuis sa création en 2010, le service civique a montré toute sa pertinence et s'est forgé une place à part entière auprès des jeunes. Ainsi, chaque année, 10 % d'une classe d'âge effectue un service civique. Cette politique publique doit être encouragée et renforcée. Tel est l'objet de cette proposition de loi.
Pour conclure, j'ai déposé plusieurs amendements afin de trouver un équilibre et un compromis pour encourager et renforcer le service civique, ce qui est la philosophie de la proposition de loi déposée par Patrick Kanner. Néanmoins, des blocages et des irritants existaient. Aussi ai-je tenté de trouver un compromis sénatorial qui, je l'espère, vous agréera.
Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives au service civique. En revanche, les dispositions relatives au service national universel en seraient exclues.
M. Cédric Vial. - Le service civique a pris une place importante au sein des politiques publiques en faveur de la jeunesse et a trouvé son public, comme en témoignent les 80 000 nouveaux contrats par an et les quelque 150 000 volontaires financés par le budget de la Nation. Ce dispositif a connu plusieurs évolutions, depuis le volontariat associatif en passant par le service civil, pour aboutir à la version actuelle du service civique. Ses conditions d'accès et sa durée ont été également modifiées. La proposition de loi du président Kanner va dans le sens de son amélioration.
Le service civique est un dispositif d'engagement et non pas d'insertion - nous devons veiller à conserver cette différenciation -, qui doit avoir un intérêt à la fois pour le jeune et pour la Nation. Pour le jeune, celui-ci réside dans l'intérêt de la mission qu'il effectue, dans la formation qui peut lui être dispensée ou encore dans les compétences ou les expériences acquises. Pour la Nation, les missions d'intérêt général proposées aux jeunes servent la collectivité et permettent à ces derniers d'y jouer un rôle, vous l'avez évoqué au travers de l'amendement visant à constituer une sorte de réserve citoyenne d'urgence. Un des objectifs est de favoriser la poursuite de cet engagement grâce à différentes valorisations. Toutefois, il faut distinguer la valorisation liée au simple accomplissement d'un service civique de celle qui est liée aux compétences acquises pendant cette expérience.
Madame la rapporteure, vous nous soumettez plusieurs amendements. Au nom des membres de mon groupe, je souligne que nous nous approchons d'une vision convergente, alors que certaines dispositions initiales nous gênaient. Le service civique doit rester un dispositif d'engagement pour la jeunesse de la Nation et non pas d'insertion.
Nous débattrons peut-être en séance de l'âge limite. Aligner l'âge limite sur celui de l'apprentissage nous semblait poser un problème politique important, puisque des jeunes de plus de 25 ans auraient touché un salaire inférieur ou équivalent au Smic. Vous avez en partie répondu à cette difficulté.
Je remercie Mme la rapporteure de son travail réalisé en un temps particulièrement court. Dans l'attente de savoir si les amendements seront adoptés - ils le seront probablement -la position de notre groupe est celle d'une abstention bienveillante.
Mme Laure Darcos. - Je remercie la rapporteure d'avoir tenté de rapprocher les points de vue.
Il ne faut pas assimiler le service civique au SNU ; aussi ai-je apprécié que ce dernier soit exclu du périmètre.
Pour avoir suivi nombre de cohortes de jeunes effectuant un SNU dans mon département, je peux témoigner qu'il serait intéressant de leur proposer plus facilement un service civique à l'issue de leur SNU - j'en avais discuté avec la déléguée interministérielle de l'époque. À mon sens, cela a été le cas pour les premières cohortes de volontaires SNU. En effet, certains découvrent ce qu'est l'engagement et se retrouvent dépourvus, sans proposition émanant de collectivités ou d'associations. J'ignore comment cela pourrait être mis en place, et cette question n'entre peut-être pas dans le périmètre du texte. Mais s'il fallait opérer une jonction entre le service civique et le SNU, ce devrait être celle-là.
Notre groupe sera favorable à l'adoption du texte.
M. Gérard Lahellec. - Je remercie Mme la rapporteure d'avoir mis en évidence de véritables questions, d'avoir rappelé que le service civique est une école d'engagement citoyen - personne ne peut s'y opposer -, et qu'un équilibre subtil doit exister entre engagement et insertion ainsi que d'avoir pointé l'absence d'information sur le SNU, quant à ses résultats et sa fréquentation.
Dans le même temps, je ne masquerai pas mon sincère embarras. D'une part, le service civique ne satisfait pas toujours l'un des objectifs de sa création : renforcer la mixité sociale dans la société, pourtant principe fondamental du dispositif. Or la communication de la Cour des comptes, La formation à la citoyenneté, souligne la dégradation de la mixité sociale : seuls 12,3 % des volontaires sont des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville, 8,5 % sont boursiers ou bénéficiaires du RSA, alors que 42,5 % sont dotés du niveau baccalauréat.
D'autre part, la convergence entre l'engagement volontaire et l'appropriation des notions d'intérêt général et de citoyenneté demeure fragile.
Enfin, la non-substitution à l'emploi doit demeurer un point de vigilance. Nous prenons acte de vos amendements ayant trait à l'âge.
Toutefois, dans l'état actuel des choses, j'exprime mes plus grandes réserves. Aussi adopterais-je plutôt une position d'abstention.
Mme Mathilde Ollivier. - Je soutiens l'idée de proposer un type d'engagement différent d'un SNU aux sujets d'intérêt et au temps réduits, mis en avant par le Gouvernement.
À l'heure où l'engagement des jeunes est en hausse, comme nous l'avons constaté lors de l'examen de la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative, les initiatives en faveur de la vitalité de la vie associative et de la mixité dans l'engagement bénévole sont importantes.
Je remercie Mme la rapporteure des échanges que nous avons eus ces derniers jours et à l'occasion des auditions.
Le service civique répond au besoin de lien entre les associations et les citoyens. Néanmoins, des alertes fortes existent sur le risque d'emplois dissimulés qu'il comporte. Vous avez évoqué la ligne de crête sur laquelle se tient le service civique.
La proposition de loi répond à une demande récurrente, l'augmentation de l'indemnité du service civique, sur laquelle la ministre s'était engagée à avancer lors de l'examen du dernier projet de loi de finances. Ainsi, la proposition d'aligner le niveau de rémunération du service civique sur celui des apprentis en première année était une bonne nouvelle et nous la soutenons. Malheureusement, l'amendement de la rapporteure revoit cette proposition à la baisse. L'indemnité passerait donc de 619 à 759 euros, une augmentation certes, mais pas suffisante pour vivre. Nous y reviendrons lors de l'examen de cet amendement.
Au regard de la ligne de crête sur laquelle nous nous trouvons, nous nous interrogeons sur certaines mesures, notamment sur l'âge limite - 30 ans ou 27 ans - et sur l'extension du service civique aux assemblées parlementaires et aux juridictions administratives ou financières. À notre sens, l'objectif est de mettre l'accent sur la qualité du service civique. Aussi, les mesures visant à augmenter le nombre de jours de formation sont positives. Toutefois, nous regrettons la réduction du nombre de jours de formation proposés : cinq jours auraient permis d'échelonner la formation tout au long du service civique et de développer l'accompagnement des jeunes en service civique.
Des mesures de contrôle plus importantes, notamment en ce qui concerne le travail dissimulé, seraient nécessaires.
Notre groupe s'abstiendra en commission et présentera des amendements en séance.
M. Pierre-Antoine Levi. - Le service civique a été créé par une proposition de loi d'Yvon Collin, alors sénateur du Tarn-et-Garonne, déposée en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, que Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, a fait adopter. Un des premiers services civiques a été réalisé à Montauban en 2010, j'y étais présent.
Le service civique a fait ses preuves, et il s'agit de le renforcer. Aussi, je salue la proposition de loi du président Kanner.
Plusieurs questions peuvent se poser, notamment sur l'augmentation de l'âge limite.
Permettre l'engagement de volontaires dans une mission de crise ou d'urgence est un point positif. Toutefois, quel mécanisme sera mis en place pour s'assurer que ces missions soient enrichissantes et formatrices pour les jeunes, tout en répondant efficacement aux besoins urgents de la société ?
Vous proposez de revoir l'indemnité des volontaires en prenant pour référence celle des apprentis en première année. Quelle stratégie adopterez-vous pour maintenir l'attractivité du service civique, tout en reconnaissant la valeur de l'engagement des jeunes ? Comment cette mesure influe-t-elle sur la perception du service civique comme un engagement citoyen valorisé et non pas comme un travail sous-payé ?
M. Ahmed Laouedj. - Le service civique permet à chaque jeune qui en bénéficie, quels que soient son parcours, son origine ou son projet professionnel, de contribuer à la société, de tisser des liens avec d'autres générations et de se forger une expérience précieuse pour son avenir. Il s'agit d'un véritable tremplin à l'insertion citoyenne et professionnelle de nos jeunes.
Toutefois, si le service civique a prouvé son efficacité, il est aujourd'hui nécessaire de le renforcer et de lui donner les moyens de ses ambitions afin qu'il soit accessible au plus grand nombre.
Il faut travailler à le rendre plus attractif et inclusif. Tel est l'objet de cette proposition de loi. Le service civique est un outil précieux pour notre société, un levier pour renforcer la cohésion nationale et pour soutenir nos réseaux associatifs et publics.
Cette proposition de loi constitue donc une avancée. Le groupe RDSE est favorable à l'élargissement du dispositif dans le droit fil du rapport d'information d'Henri Cabanel sur la redynamisation de la culture citoyenne : jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer.
M. Stéphane Piednoir. - Je remercie Mme la rapporteure d'avoir cité la mission d'information qui avait pour objet de redynamiser la culture citoyenne, dont le rapport fut remis en 2022. Celle-ci, dotée d'un champ plus large que le seul service civique, était née du désintérêt des jeunes pour les élections et la culture citoyenne. L'idée était de renforcer l'éducation à cette culture et, lors de nos débats, nous avions évoqué la faiblesse de la formation dédiée au fonctionnement de nos institutions dans le cadre du service civique.
Lorsqu'un jeune s'engage seul, il existe des risques concernant l'effectivité de sa mission. Le rapport préconise la présence d'au moins deux jeunes par mission de service civique, et que celle-ci soit vraiment effective.
L'engagement pour le service civique doit rester volontaire, contrairement à celui pour le SNU que l'on annonce obligatoire. À ce titre, l'indemnité versée, à la différence d'une allocation, doit correspondre à un engagement envers la société ; son niveau pourra être discuté en séance.
Enfin, existe-t-il actuellement une évaluation budgétaire du service civique ?
M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi. - Je me joins aux louanges pour saluer le travail de Mme la rapporteure, effectué dans un véritable souci de concertation. Ce dispositif a été créé sous un gouvernement de droite, valorisé ensuite par un gouvernement de gauche et perpétué par un gouvernement... que je peine à qualifier. Un tel consensus mérite au moins, comme l'a exprimé précédemment Cédric Vial, une abstention bienveillante.
L'objectif est d'aboutir à un processus d'engagement vertueux, permettant aux jeunes de donner à la société, tout en recevant de celle-ci. Il s'agit d'un contrat gagnant-gagnant entre un jeune et une association, une collectivité ou un service public ; actuellement, par exemple, le Parlement ne peut pas recevoir de jeunes dans le cadre du service civique.
Un service civique ne correspond pas à un emploi. Il arrive à certains de confondre les deux, mais une mauvaise interprétation du texte ne doit pas discréditer le dispositif. Il convient de donner à l'agence du service civique et à l'inspection de travail les moyens de mieux contrôler les débordements.
Près de 800 000 jeunes ont effectué un service civique depuis sa création en 2010. Je ne souhaite pas l'opposer au SNU, même si j'émets des réserves à l'égard de ce dernier. En effet, le SNU implique douze jours d'engagement en uniforme, et coûte environ 2 000 euros par jeune, soit 170 euros par jour, un coût important - je ne suis pas certain de l'utilité d'un tel dispositif.
Depuis 2017, le Gouvernement a décidé de valoriser ce dispositif qui concerne à peine 40 000 jeunes par an, pour un budget qui ne cesse d'augmenter. Mme la rapporteure a indiqué que l'on allait retirer 100 millions d'euros au service civique, alors que le SNU exige 100 millions d'euros, avec 20 % d'augmentation dans l'épure budgétaire de 2024. Il est donc légitime de s'interroger sur les équilibres budgétaires et les messages que l'on adresse à la jeunesse.
Mon objectif est d'aboutir à un consensus, et les amendements proposés vont dans ce sens. La ligne de crête est étroite, mais l'esprit du texte est conservé, tout en optimisant son effectivité.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Pour répondre à Stéphane Piednoir au sujet de l'évaluation budgétaire, les amendements prévoient d'abaisser l'augmentation prévue dans le texte initial. Après avoir réduit à trois jours le temps de formation, retiré l'allocation et trouvé un compromis à hauteur de 750 euros pour l'indemnité, une forme de rationalité budgétaire a prévalu, avec un coût supplémentaire estimé à environ 14 millions d'euros.
Avec ces amendements, nous sommes sur une ligne de crête, sans créer de confusion. Les débats, au moment de la création du service civique, évoquaient déjà la possibilité d'un salariat déguisé. Comme l'a rappelé Patrick Kanner, il s'agit bien d'un engagement, avec une indemnité. Ce dispositif de service civique n'existe nulle part ailleurs, et l'on peut s'en enorgueillir.
Enfin, pour répondre à Pierre-Antoine Levi, l'idée est de mobiliser les jeunes dans certaines situations d'urgence, sur des missions ponctuelles, afin qu'ils prêtent main-forte.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Le texte initial fixait le plafond d'âge à 30 ans. Pour toutes les raisons déjà évoquées, l'amendement COM-1 prévoit de l'abaisser à 27 ans, sauf pour les jeunes handicapés.
Mme Mathilde Ollivier. - Une étude du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) indique que 22 % des jeunes ont effectué leur mission au cours de leur formation initiale, un tiers au cours des six mois qui suivent la fin de leurs études, et 45 % après leur formation. Plus le niveau de diplôme est élevé, plus le service civique intervient tôt dans le parcours de vie. L'augmentation de l'âge pour favoriser l'accès au service civique ne constitue pas un sujet, sachant que l'âge moyen d'un jeune volontaire est de 21 ans.
Nous sommes défavorables à une extension du plafond d'âge à 30 ans ou même 27 ans ; nous préférons le seuil actuel fixé à 25 ans.
M. Cédric Vial. - Une fois n'est pas coutume, je partage l'avis de Mathilde Ollivier. Il ne s'agit pas de la mesure la plus forte de cette proposition de loi, l'âge des jeunes concernés par le service civique se situant autour de 20 ans. Il existe, pour schématiser, trois publics : les étudiants qui ont décroché, en recherche de sens ou d'activité ; les étudiants en situation de césure ; et de nombreux étudiants ayant fait un mauvais choix d'orientation qui, avant de s'engager dans une nouvelle voie, effectue un service civique afin de donner un sens à leur année. Tous ces jeunes sont au début de leur engagement dans la vie active ; quand ils dépassent les 25 ans, leur attente est moins forte.
Notre position est favorable à cet amendement, même si, lors des débats en séance publique, il conviendra de s'interroger sur la nécessité de déplacer ce seuil de 25 à 27 ans.
M. Patrick Kanner. - J'ai été convaincu par les arguments de notre rapporteure. Pour mes collègues qui douteraient de la nécessité d'augmenter ce seuil de 25 à 27 ans, il s'agit d'offrir à des jeunes une opportunité supplémentaire. Par ailleurs, je rappelle que l'on peut demander le RSA à partir de 25 ans ; le service civique peut s'avérer une alternative positive, avec une indemnisation supérieure.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'argument de l'alternative au RSA est important. Au-delà d'une meilleure rémunération, le service civique s'inscrit dans un parcours d'engagement qui peut ouvrir d'autres portes aux jeunes.
L'amendement COM-1 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-2 permet à des personnes accueillies en France au titre de la protection temporaire de postuler au dispositif de service civique.
L'amendement COM-2 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-3 donne la possibilité à un jeune volontaire de participer à des missions d'urgence en dehors de celles qui sont prévues par son contrat.
L'amendement COM-3 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-15 prévoit de renforcer la formation citoyenne. Actuellement, 75 % des jeunes ne suivent pas les deux jours de formation prévus et, parmi eux, la moitié ne fait qu'un seul jour. Je propose de porter ce temps de formation à trois jours - peut-être à des moments différents, au début, au milieu et à la fin de la mission -, plutôt que cinq jours comme cela était prévu dans le texte initial. Le compromis proposé tient compte également de la situation budgétaire.
M. Cédric Vial. - Pour assurer cette formation, l'agent du service civique rémunère l'association qui accueille le jeune. Le montant s'élève à 100 euros par jour de formation et par jeune.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Le montant de 100 euros concerne les deux jours de formation.
M. Cédric Vial. - Au total, pour les deux jours de formation, cela représente un montant de 14,4 millions d'euros. Le coût de la journée supplémentaire se situe donc entre 7 et 8 millions d'euros, soit un effort budgétaire par rapport à l'ambition initiale qui prévoyait une formation de cinq jours.
L'idée de passer à trois jours me semble cohérente, mais il convient de réaliser un travail d'accompagnement des structures afin de veiller à ce que cette formation soit bien réalisée et selon des standards définis au niveau national. Nous voterons cet amendement.
Mme Mathilde Ollivier. - Nous étions favorables à la proposition du texte initial qui prévoyait cinq jours de formation. Ce temps en dehors de l'organisme où les jeunes effectuent leur service civique permettrait d'avoir des moments de pause, d'alerte ou de précision des missions. La question du contrôle de la formation relève d'un autre débat. Nous voterons contre cet amendement.
L'amendement COM-15 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-4 concerne l'augmentation de l'indemnité perçue par les volontaires du service civique.
Dans le texte initial, il était prévu d'indexer cette indemnité sur celle qui est perçue en première année du contrat d'apprentissage ; je préfère l'indexer sur la rémunération versée aux apprentis dont l'âge est compris entre 18 et 20 ans, dans la cadre de la première année d'apprentissage. Pour rappel, celle-ci est aujourd'hui fixée à 751 euros.
Je vais dans le sens de la proposition de loi en augmentant l'indemnité qui passe ainsi de 620 à 751 euros. Mais il convient d'éviter une possible confusion sur le statut du jeune volontaire, entre apprenti et service civique. Je ne souhaite pas non plus une disparité d'indemnités en fonction de l'âge, comme c'est le cas actuellement pour le contrat d'apprentissage.
Par ailleurs, l'indexation s'établira à partir non plus du point d'indice de la fonction publique, mais du Smic, ce qui va constituer un avantage non négligeable.
M. Laurent Lafon, président. - Le chiffre budgétaire évoqué précédemment tenait-il compte de l'augmentation de cette indemnité ?
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Oui.
M. Cédric Vial. - J'ai un doute sur le montage financier. Environ 88 000 jeunes bénéficient de cette indemnité. L'augmentation s'élevant à 140 euros par mois, la facture s'établit à 150 ou 160 millions d'euros annuels.
M. Laurent Lafon, président. - J'arrivais également à ce montant.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Vous avez raison ! Mon calcul était une estimation par mois de service civique.
M. Cédric Vial. -Sur le principe, on peut être favorable à une augmentation de l'indemnité du service civique. Il reste à préciser les parts respectives de l'État et de la structure d'accueil, qui s'élèvent actuellement à environ 500 euros pour le premier et 115 euros pour la seconde ; cette règle de répartition est-elle maintenue ?
Le risque, à budget constant, est que cette augmentation de 15 à 20 % de l'indemnité conduise à une diminution de 15 à 20 % du nombre de contrats ; ce serait contraire à l'objectif recherché, d'autant que la demande actuelle est forte. Il conviendra de demander au Gouvernement de préciser sa position sur le sujet ; au regard du gel des crédits déjà effectué sur le dispositif - de l'ordre de 100 millions d'euros -, je crains la réponse.
Nous préférons l'approche de Mme la rapporteure fixant une augmentation de 140 euros à l'approche initiale prévoyant un alignement sur le montant des contrats en alternance, qui variait en fonction de l'âge du jeune volontaire pour atteindre, au-delà de 25 ans, le niveau du Smic.
Nous sommes favorables à cet amendement, sous réserve des précisions apportées par le Gouvernement.
Mme Mathilde Ollivier. - Nous étions favorables à la proposition permettant d'aligner l'indemnité sur le niveau de rémunération de l'apprentissage. Une indemnité de 751 euros par mois, si l'on étend l'âge du service civique à 27 ou 30 ans, reste faible pour des jeunes de plus de 25 ans.
Deux types de public sont concernés par le service civique : les jeunes les plus diplômés qui s'engagent, en général, après une période d'emploi ou d'études ; et les jeunes moins diplômés, qui s'engagent notamment après une période de chômage. Lorsqu'ils sont interrogés sur les raisons de leur engagement, les premiers mentionnent le goût de l'intérêt général, tandis que les seconds évoquent une opportunité professionnelle et une source de revenus.
Les plus vulnérables seront défavorisés par l'évolution proposée. En conséquence, nous nous opposons à cet amendement et sommes favorables à la proposition du texte initial qui permettait une véritable revalorisation de l'indemnité.
M. Patrick Kanner. - Dans un souci de compromis, je me rallie à la position de la rapporteure, et notre groupe votera cet amendement.
Nous sommes des parlementaires et, en principe, selon l'article 34, nous votons le budget de ce pays. J'entends déjà les réserves de la ministre, le 10 avril prochain, concernant le défaut de budget ; en retirant, sans même nous consulter, 100 millions d'euros au service civique, j'ai bien compris la position du Gouvernement. Pour avoir assisté à la réunion lunaire organisée à Bercy le 28 mars dernier, un problème démocratique se pose dans notre pays, concernant les moyens nécessaires à la mise en place des politiques publiques.
Au regard des 3 000 milliards de dettes, un consensus me semble envisageable dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, afin de renforcer et rendre plus attrayant notre service civique. Le coût de 150 millions d'euros n'est pas négligeable, mais il sera utile pour les jeunes de notre pays.
M. Max Brisson. - Il me semble important d'avoir un débat en séance sur ce point pour connaître les intentions du gouvernement. La proposition que nous approuvons sur le principe va-t-elle se traduire par une forte réduction du nombre de contrats ?
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Je suis sûre que nous aurons ce débat en séance. Pour répondre à Mathilde Ollivier, ma proposition augmente substantiellement l'indemnité pour les mineurs, celle-ci passant de 470 à 751 euros.
L'amendement COM-4 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - À la fin de son service civique, le jeune volontaire bénéficie d'une ouverture de droits au titre du compte d'engagement citoyen ; celle-ci entraîne un versement de 240 euros. Le texte initial proposait, en outre, de verser une allocation sur projet. Dans le contexte budgétaire actuel, il est à craindre que les 240 euros versés au titre du compte d'engagement citoyen ne servent à payer cette allocation ; les jeunes y perdraient. L'amendement COM-5 prévoit donc de supprimer l'allocation de fin de contrat et de préserver le compte d'engagement citoyen.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-14 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-6 permet aux anciens volontaires du service civique d'utiliser les droits acquis au titre de leur engagement afin de payer les droits d'inscription de leur formation initiale. Cela permet d'étendre l'utilisation du contrat d'engagement citoyen au paiement des frais d'inscription des études supérieures.
L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-7 vise à étendre les dispositifs proposés au jeune à la fin de son service civique. Cela inclut les accompagnements et les dispositifs d'insertion sociale et professionnelle parmi les dispositifs proposés au jeune, même majeur, en fin de contrat de service civique. L'amendement s'aligne sur les formations proposées à un jeune de 16 à 18 ans au titre de l'obligation de formation prévue par la loi.
L'amendement COM-7 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-8 concerne le contenu du programme d'enseignement moral et civique (EMC). Conformément à la règle de notre commission, il ne revient pas au législateur de définir les contenus des programmes scolaires ; je supprime donc la disposition.
M. Max Brisson. - En lisant le texte de la proposition de loi, je n'ai pas compris en quoi l'alinéa modifiait le programme.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Il s'agit, avant tout, d'une question de principe. Par ailleurs, le service civique est mentionné dans le programme d'EMC. La proposition de loi vise en plus à y inclure une information sur la possibilité d'une année de césure après le baccalauréat pour réaliser un service civique. L'amendement supprime cet ajout sur la césure dans les programmes d'EMC.
M. Max Brisson. - L'alinéa 3 ne concerne pas les programmes scolaires.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'article L. 312-15 concerne le contenu du programme d'EMC. Toutes les dispositions de cet article doivent ensuite être prises en compte dans le contenu des programmes.
M. Laurent Lafon, président. - Si l'on veut aller au bout de la logique, il faudrait revoir l'article L. 312-15 afin de supprimer toutes les références au service civique.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Cela irait à l'encontre de l'objectif de ce texte qui est de valoriser le service civique. Mon amendement vise à maintenir le droit en vigueur et éviter que le législateur étoffe à nouveau le contenu de l'article L. 312-5 du code de l'éducation.
M. Patrick Kanner. - L'idée n'est pas de supprimer l'esprit de l'alinéa 3, mais de l'intégrer par voie réglementaire.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - À ce stade, cela relève de la compétence du législateur.
L'amendement COM-8 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-9 tend à sécuriser le droit à la réintégration dans son cursus de formation pour tout étudiant effectuant une césure.
L'amendement COM-9 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - En miroir de la possibilité dont disposent les établissements d'enseignement supérieur de prendre en compte les dispositifs des « cordées de la réussite », l'amendement COM-10 vise à transformer l'obligation de prise en compte du service civique en possibilité pour les formations non sélectives.
L'amendement COM-10 est adopté.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-11 a pour objet de supprimer la prise en compte du service civique dans les critères de sélection pour les filières sélectives dans Parcoursup.
L'amendement COM-11 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-12 concerne la prise en compte du service civique dans les concours de la fonction publique. Au regard du principe constitutionnel d'égal accès à l'emploi public, la rédaction actuelle de cet article pour le concours externe pose question. Mon amendement ouvre la possibilité aux statuts particuliers et cadres d'emplois de prévoir une dérogation aux conditions de diplômes et de titres pour les anciens volontaires du service civique. Un tel système existe déjà pour les parents d'au moins trois enfants ou pour les sportifs de haut niveau. Je tiens à souligner que le concours passé est naturellement le même.
Concernant le troisième concours, le texte actuel conduit à une différence importante entre le service civique et les autres expériences professionnelles ou politiques ; celles-ci, bien que pouvant varier pour les concours, sont souvent de quatre ans, voire de six ans, contre huit mois, en moyenne, pour le service civique.
Mon amendement supprime la création d'une voie spécifique pour le service civique, mais il inclut la durée de celui-ci dans le calcul de l'expérience professionnelle, politique ou bénévole demandée. En cela, le service civique est traité de la même façon que les contrats d'apprentissage ou de professionnalisation. Ce mécanisme est déjà utilisé dans le cadre du concours interne : la durée du service civique est intégrée au calcul de l'ancienneté nécessaire pour se présenter à ce concours.
Il s'agit, avec cet amendement, d'inclure l'engagement du jeune volontaire dans les voies s'accès au concours de la fonction publique.
M. Cédric Vial. - Cet amendement pose question. Même s'il va dans le bon sens, le simple fait de s'engager pour un service civique ne peut justifier l'acquisition de compétences. Dans le cadre d'un concours de la fonction publique ou d'examens pour une filière sélective, cela pose des problèmes si cet engagement constitue un avantage. À titre personnel, je m'abstiendrai.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - Pour rappel, le concours reste le même.
L'amendement COM-12 est adopté.
L'article 3 est ainsi rédigé.
Mme Sylvie Robert, rapporteure. - L'amendement COM-13 permet de prendre en compte le service civique dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience, et s'inscrit dans la démarche des badges de compétences numériques, mise en place pour les jeux Olympiques. Encore une fois, il s'agit ici de valoriser l'engagement.
L'amendement COM-13 est adopté et devient article additionnel.
M. Max Brisson. - Nous entendons respecter le travail effectué, et nous souhaitons que le débat se tienne dans l'hémicycle. Nous avons l'intention d'accompagner ce texte qui va dans le bon sens, concernant un dispositif dont nous avons loué l'efficience, tout en regrettant qu'il soit insuffisamment déployé. Nous allons aujourd'hui nous abstenir, avec la volonté que ce texte puisse aboutir.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 11 h 00.
Audition de Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
La réunion est ouverte à 16 h 30.
M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition devant notre commission. Au nom de l'ensemble de mes collègues, je vous souhaite la bienvenue et vous adresse tous nos voeux de succès face aux nombreux défis qu'il vous appartiendra de relever.
Permettez-moi de vous présenter, en guise d'introduction, quelques-unes de nos préoccupations du moment dans les secteurs relevant de votre ministère.
Notre commission a adopté, voilà quelques semaines, conjointement avec la commission des lois, un rapport consacré aux menaces et agressions dont sont victimes les enseignants. Mon collègue François-Noël Buffet et moi-même avons d'ailleurs eu l'occasion de vous le remettre il y a quinze jours.
L'actualité - je pense notamment à la démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel - montre qu'il est plus que jamais urgent de protéger notre école et l'ensemble de ses agents contre les menaces quotidiennes auxquels ils doivent faire face.
Notre rapport contient 38 recommandations, dont un grand nombre concernent votre ministère. Je profite de cette audition pour vous demander, madame la ministre, quelles suites le Gouvernement entend leur donner. Je pense notamment à la signature par les parents d'un contrat de responsabilisation dès la première exclusion de leurs enfants, ou à la prise en charge des élèves perturbateurs. Je pense aussi aux préconisations visant à promouvoir et à défendre la laïcité dans les établissements scolaires, laïcité trop souvent mal connue, mal comprise, voire mal enseignée.
L'actualité des dernières semaines a par ailleurs montré la vulnérabilité de nos établissements scolaires tant aux alertes à la bombe qu'au piratage des ENT, les fameux espaces numériques de travail, mis à la disposition des élèves et de leurs parents. Pouvez-vous nous préciser les mesures que vous entendez prendre pour sécuriser les locaux scolaires, en lien avec les collectivités territoriales, et ces espaces numériques, qui ont pris une place grandissante dans la vie scolaire ?
Je ne peux introduire cette audition sans évoquer également le fameux « choc des savoirs » annoncé ici même, en novembre dernier, par votre prédécesseur, Gabriel Attal. Il semble qu'il y ait eu quelques discussions au sein du Gouvernement, ces dernières semaines, autour des modalités de mise en oeuvre de ce dispositif. Pouvez-vous nous rappeler, madame la ministre, les arbitrages qui ont été réalisés concernant la mise en oeuvre des groupes de niveau ou de besoins lors de la prochaine rentrée scolaire et le montant des ressources que vous souhaitez consacrer à leur financement ?
Enfin, la question du non-remplacement des enseignants se trouve depuis trop longtemps au coeur des préoccupations de la communauté éducative et, en particulier, des parents d'élèves. Dans plusieurs académies, des collectifs ou des fédérations de parents ont d'ailleurs attaqué l'État pour non-remplacement des enseignants.
Dans une première affaire portée devant la juridiction administrative, dont la décision sera rendue prochainement, le rapporteur public a conclu à la carence fautive de la part de l'État. Bien évidemment, nous n'attendons pas de votre part une réaction sur une affaire en cours, mais, de manière générale, quelles mesures entendez-vous prendre pour améliorer le taux de remplacement des enseignants ?
Madame la ministre, avant de vous laisser la parole, je vous rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Nos rapporteurs vous interrogeront à l'issue de votre propos liminaire ; j'en profite d'ailleurs pour saluer la présence d'Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Enseignement scolaire ». Chaque membre de la commission pourra ensuite bien évidemment vous poser ses questions, en commençant par un orateur par groupe.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord vous dire mon plaisir à partager ces quelques moments avec vous pour réfléchir aux questions liées à l'éducation nationale. Il s'agit d'un secteur majeur et sensible ; en témoignent les événements incessants qui nous conduisent à réaffirmer la place de l'école dans la République et son rôle essentiel pour les futurs adultes de notre société.
Je me suis fixé comme objectifs de concrétiser la promesse selon laquelle l'école doit être une fabrique des possibilités, un lieu offrant à nos jeunes toutes leurs chances, et de refuser toute forme d'assignation. C'est pourquoi, dans la lignée des actions engagées et des succès obtenus depuis 2017, j'aurai à coeur d'orienter mon action selon quatre axes majeurs : mettre en oeuvre, pour assurer la réussite des élèves, toutes les dispositions requises pour accentuer la pleine appropriation des apprentissages, ce qui nous permettra de redonner à l'école son rôle d'ascenseur social ; accompagner nos professeurs et l'ensemble des agents de l'éducation nationale, dont le travail quotidien, au service des élèves, est remarquable et doit être salué ; refuser toute ségrégation au sein de l'école, assumer la diversité de nos élèves et de nos territoires, et agir en faveur de la mixité sociale ; promouvoir l'école de l'avenir, afin que nos élèves aient une forte capacité d'adaptation au monde qui les attend.
Concernant le premier point, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons affirmé une ambition collective : celle de la réussite scolaire. Il nous faut réactiver la fonction d'ascenseur social de l'école ; c'est une priorité dans laquelle nous nous reconnaissons tous, vous les premiers.
Pour cela, nous mettons en place une série de mesures centrées sur la maîtrise des savoirs fondamentaux et la continuité des enseignements. Je m'attacherai à ce titre à déployer le choc des savoirs. Ce plan d'ensemble, comportant une vingtaine de mesures, permettra d'apporter des réponses pertinentes aux fragilités de certains élèves. Je conduirai ce plan à son terme à partir de la rentrée 2024.
Les groupes de besoins seront mis en place au collège, en français et en mathématiques, dès la rentrée prochaine pour la sixième et la cinquième. Cette mesure s'appuiera, au-delà du cadrage général, sur les équipes pédagogiques de chaque établissement, qui évalueront le niveau de leurs élèves au regard des compétences requises afin d'adapter les groupes ponctuels aux besoins. Dans la mesure où je refuse toute assignation et tout tri social, nous avons prévu des possibilités de brassage suivant les séquences pédagogiques, de sorte que les élèves puissent changer de groupe. Pour que cette mesure soit applicable et adaptée aux spécificités de chaque établissement, nous avons mobilisé les inspecteurs pédagogiques régionaux de français et de mathématiques.
Par ailleurs, je sais combien la problématique du remplacement des professeurs absents, de longue ou de courte durée, est sensible pour les familles et cruciale pour la réussite de l'ensemble des élèves. C'est pourquoi les moyens consacrés à la suppléance et au remplacement ont augmenté au cours des dernières années ; nous maintenons nos efforts pour continuer d'améliorer le taux de remplacement. En matière de remplacement de longue durée, le taux de réponse s'élève à près de 95 % en 2023, mais les familles sont très sensibles aux 5 % manquants. Quand un enseignant n'est pas présent, c'est évidemment un échec pour nous, et nous devons tout faire pour améliorer cette situation. En matière de remplacement de courte durée, la mise en place du pacte enseignant a significativement amélioré les choses, puisque le taux de remplacement de courte durée est passé de 5 % à 15 %, mais ce n'est pas encore satisfaisant et nous continuerons de mobiliser ce pacte pour améliorer ce taux.
À ces éléments s'ajoute un travail de fond sur l'orientation, avec un accompagnement des jeunes autour d'un parcours s'étendant sur le collège et le lycée et passant par différents moments, comme les stages d'observation qui se dérouleront pour la première fois cette année en seconde. L'ensemble de ces mesures doit avoir pour effet d'élever les résultats scolaires de nos élèves.
Le deuxième volet de mon action concerne l'accompagnement de notre personnel.
Nos élèves ne sauraient vraiment réussir sans des enseignants et un personnel d'éducation bénéficiant eux-mêmes des meilleures conditions de travail. Il existe indéniablement une certaine désaffection à l'égard du métier d'enseignant ; c'est pourquoi nous éprouvons des difficultés à assurer les remplacements. Nous avons donc décidé d'agir avec force en faveur de l'attractivité des métiers ; cela a même été l'un des premiers sujets que j'ai abordés avec les organisations syndicales, que j'ai reçues juste après ma nomination.
D'importantes avancées ont été obtenues à cet égard grâce au travail des gouvernements qui se sont succédé depuis 2017, notamment en matière de rémunération de notre personnel enseignant. Notre pays était de ce point de vue assez mal classé au sein de l'OCDE, mais, grâce aux efforts financiers consentis et à la revalorisation des débuts de carrière, il se place désormais au-dessus de la moyenne. Cet effort majeur nous permet d'améliorer significativement les entrées de carrière : tous les titulaires débutants - professeurs, conseillers principaux d'éducation, psychologues - commencent désormais leur carrière à environ 2 100 euros net par mois.
Nous agissons aussi pour le personnel non enseignant : les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), les agents de santé scolaire et les assistants sociaux. L'indemnité liée aux fonctions, aux sujétions et à l'expertise des assistants sociaux a ainsi progressé, entre 2020 et 2022 de 4 650 euros brut par an pour les conseillers techniques et de 3 470 euros brut par an pour les assistants de services sociaux.
Je souhaite également souligner les nombreux recrutements d'AESH supplémentaires, qui permettent l'accueil des enfants porteurs d'un handicap. Plus de 400 000 enfants bénéficient du soutien d'un AESH, dont le nombre est désormais de 140 000 ; je tiens à les remercier de leur action. Conformément à l'engagement du Premier ministre, l'État prendra en charge l'activité des AESH sur le temps méridien. La proposition de loi sur ce sujet, déposée par le sénateur Cédric Vial, sera examinée la semaine prochaine à l'Assemblée nationale. Cela entraînera le recrutement de 2 000 à 3 000 AESH supplémentaires à la rentrée prochaine.
Au-delà de la question de la rémunération, nous travaillons à la refonte de la formation initiale des professeurs, afin de mieux préparer ces derniers à leur métier et, toujours, de renforcer l'attractivité de celui-ci. Des annonces seront faites très prochainement à ce sujet.
M. Laurent Lafon, président. - Vous pouvez les faire dès à présent, madame la ministre...
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Je ne puis encore que les esquisser !
L'accent sera également mis sur la formation continue du personnel, qui contribue à l'efficacité des parcours professionnels.
Mais une question essentielle demeure, celle de la sécurité dans les établissements : on ne peut réellement assurer des apprentissages que dans un cadre serein. Nous faisons face depuis quelque temps à une situation extrêmement délicate. Les alertes des dernières semaines nous ont rappelé que l'école était devenue une cible trop régulière de faits de violence, de nature et de niveau divers. Il faut néanmoins se féliciter de la réponse très articulée qui est mise en oeuvre. Nous l'avons construite après l'assassinat terroriste de Samuel Paty, qui a créé un choc immense au sein de l'école comme de la population, puis celui de Dominique Bernard. Il importe à cet égard d'apporter des réponses en matière de sécurité et d'ordre public, que nous élaborons avec le ministère de l'intérieur, mais également des réponses pédagogiques - ce sont mes services et les rectorats qui s'en chargent -, d'accompagnement et de vie scolaire, et juridiques. J'ai pu constater personnellement dans un établissement de Côte-d'Or, où un drame aurait pu survenir, que la formation des agents et l'anticipation des situations à risque pouvaient permettre d'éviter de tels événements. Demain, Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti et moi-même réunirons les préfets, les procureurs généraux et les recteurs afin d'évoquer la sécurisation des établissements scolaires.
La sécurité passe également par l'exigence forte et claire du respect des principes républicains. Je suis, comme vous tous, extrêmement attachée au respect du principe de laïcité dans notre République, particulièrement dans nos établissements scolaires ; je serai intraitable à ce sujet. Le rapport que M. Buffet et vous-même avez élaboré, monsieur le président, nous est à cet égard très précieux. Je ne déclinerai pas dans le détail toutes les mesures que nous comptons mettre en oeuvre, mais je suis prête à vous présenter les résultats de vos préconisations. L'idée du contrat de responsabilité que vous mentionniez me semble intéressante.
Chaque fois qu'un enseignant, un chef d'établissement, ou tout autre agent de la communauté éducative sera confronté à de telles attaques, je serai évidemment à ses côtés ; en témoignent les événements du lycée Maurice-Ravel. Je le répète, le « pas de vagues ! » n'existe pas, ne doit plus exister dans nos établissements scolaires.
Le troisième axe sur lequel je veux agir est le refus de la ségrégation scolaire.
Mon action doit conforter l'accès de chacun à l'école, quels que soient sa situation ou le territoire sur lequel il vit. Avoir accès à l'école, tel est l'objet de la politique « Une école pour tous », dont le Président de la République a réaffirmé l'importance à l'occasion de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023. Nous agissons en ce sens depuis 2017. Le nombre d'AESH a ainsi augmenté de plus de 63 % et une attention constante a été portée à l'amélioration de leurs conditions d'emploi ; cette politique mobilise aujourd'hui près de 4 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 14 % par rapport à 2023.
Réaliser l'école pour tous représente un défi majeur, car, je le vois au quotidien, nos enseignants sont souvent en difficulté. Nous devons donc les aider à prendre en charge les élèves porteurs de handicap et, problème complètement différent, les élèves perturbateurs. Nous devons trouver des réponses adaptées à chacun de ces jeunes. J'ai pu constater lors d'un déplacement au Plessis-Robinson qu'il y a, dans les écoles, des équipes éducatives très mobilisées recourant à des dispositifs performants, mais cela suppose une mobilisation de tous les instants et un accompagnement important.
La politique en faveur de la mixité scolaire implique également la présence de l'école sur tous les territoires. C'est un sujet cardinal et sensible pour tous, particulièrement pour vous.
Je suis tout d'abord attentive à la carte scolaire. Je souhaite à cet égard changer de méthode, pour assurer une plus grande cohérence des politiques de l'État, approfondir le dialogue avec les élus dans les instances appropriées et accroître la prévisibilité des évolutions de la carte scolaire dans les territoires. Il nous faut pour cela déployer l'instance de concertation souhaitée par Élisabeth Borne : les observatoires de la ruralité.
Je suis aussi très attentive au fait de donner leurs chances à tous nos élèves ; je pense notamment à la culture, mais également à l'orientation et à l'information des jeunes, qui sont aussi importantes pour la ruralité que pour la banlieue. L'autocensure des élèves modestes est majeure dans tous les milieux et il faut y répondre. Les ajustements de la carte scolaire auxquels nous procédons chaque année ne suivent pas exactement la courbe démographique, ce qui nous permet d'améliorer sensiblement l'encadrement des élèves. Ainsi, alors que, dans le premier degré, le nombre d'élèves a baissé de 400 000 depuis 2017 sur l'ensemble du territoire national, nous y avons implanté 12 000 emplois supplémentaires. Cela nous permet de prendre en charge des politiques publiques - le dédoublement des classes de la grande section au CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP), par exemple -, mais également d'assurer la présence de nos écoles sur l'ensemble des territoires. De fait, le taux d'encadrement s'est constamment amélioré.
Enfin, je souhaite conduire une politique de mixité scolaire en prolongeant les réflexions sur les questions d'affectation, de sectorisation et sur tous les dispositifs permettant de donner corps à cette volonté politique. Les établissements privés et publics doivent veiller à cette mixité sociale, suivant les termes du premier article du code de l'éducation, l'article L111-1.
J'en viens enfin à mon dernier axe de travail, la construction de l'école de demain.
Cette école doit associer le rôle des parents, le bien-être des élèves et celui du personnel de l'éducation nationale, afin de garantir la transmission des savoirs. Le bien-être des élèves n'est pas un vain mot ; j'en veux pour preuve la mise en place, voilà plusieurs années, des petits-déjeuners gratuits, qui ont profité chaque année à près de 250 000 élèves, ainsi que des repas à un euro et des aides aux devoirs pour un tiers des collégiens depuis 2022.
Nous sommes par ailleurs en lien très étroit avec les collectivités territoriales pour améliorer la situation du bâti scolaire. Je sais les efforts des collectivités en ce domaine ; nous devons trouver le juste équilibre entre autonomie locale et accompagnement national, afin d'offrir à nos élèves des écoles rénovées, respectueuses de l'environnement et répondant aux besoins pédagogiques. J'ai déjà rencontré les responsables de l'association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ; je travaillerai également avec Régions de France et l'Assemblée des départements de France sur cette question.
Je souhaite aussi qu'un travail soit mené sur les évaluations de nos élèves, conduites chaque année pour positionner nos élèves et mesurer le travail accompli par les équipes pédagogiques. Cela conditionne les pratiques des enseignants et le ressenti des différents acteurs. Nous devons être très clairs quant à ce qui est attendu ; il s'agit non pas d'un classement, mais d'un appui pédagogique.
De même, travailler sur les enjeux environnementaux ou numériques me paraît indispensable pour adapter les élèves aux enjeux actuels et à venir. Dans ce cadre, nous nous félicitons du succès du Conseil national de la refondation, méthode de dialogue et d'action lancée par le Président de la République pour construire sur le terrain des solutions concrètes associant les équipes pédagogiques et des acteurs extérieurs. Ce travail laisse une place aux initiatives pédagogiques locales.
Voilà un bref tableau de mon ambition pour l'école : une école entièrement dédiée à la réussite des élèves, autour de professeurs engagés et considérés, dans le respect de notre pacte républicain. Au fond, ce que je souhaite profondément, c'est que l'école change la vie. Pour cela, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai besoin de votre concours.
M. Jacques Grosperrin. - Sur les 10 milliards d'euros de crédits récemment annulés au sein du budget 2024, 692 millions concernent la mission budgétaire « enseignement scolaire » : 262 millions d'euros portent sur le programme 230 « Vie de l'élève », 138 millions sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », 123 millions sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré », 99 millions sur le programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés » et 69 millions sur le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale ». Sans doute, le budget de l'éducation nationale connaît une diminution moins importante que les autres missions, mais cela va tout de même à contre-courant de la stratégie du Premier ministre, qui voulait faire de l'école la mère des batailles. Le ministre des comptes publics a assuré que le schéma d'emploi ne sera pas affecté. Pouvez-vous nous rassurer à cet égard ?
Ma deuxième question porte sur le choc des savoirs. On entend parler de groupes de niveau ou de besoins - ne nous attardons pas sur les questions sémantiques. L'arrêté qui les organise a été publié 17 mars dernier : les classes de sixième et de cinquième seront concernées à partir de la rentrée 2024, celles de quatrième et de troisième à partir de la rentrée 2025. Devant l'Assemblée nationale, vous avez indiqué que cela nécessiterait 2 830 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
Mme Nicole Belloubet, ministre. - C'était erroné, il est question, en réalité, de 2 330 ETP.
M. Jacques Grosperrin. - C'est ce qu'il me semblait. Toutefois, les disciplines de français et de mathématiques connaissent déjà des difficultés de recrutement : 250 postes n'ont pas été pourvus au Capes de mathématiques en 2023. Comment résoudre cette tension entre besoins humains supplémentaires et déficit de lauréats aux concours ?
Pouvez-vous nous faire un bilan du pacte enseignant ? C'était une mesure phare de la rentrée 2023. Quelles sont les principales missions choisies par les enseignants ? L'ensemble des briques sont-elles utilisées ? Y aura-t-il des ajustements à la rentrée 2024 ?
Je souhaite enfin que l'on n'oublie pas le personnel de direction, dont l'attractivité doit également être renforcée.
M. Yan Chantrel. - Le Sénat est attaché au service civique, création sénatoriale. Nous avons d'ailleurs examiné ce matin en commission une proposition de loi du Président Kanner pour renforcer le service civique. Les annulations de crédits décidées récemment affectent le programme 163 à hauteur de presque 130 millions d'euros, dont 100 millions d'euros concernent le service civique, soit 50 000 missions. Or ce programme comporte également le service national universel (SNU), qui est très coûteux : 2 500 euros par jeune. Votre prédécesseur souhaitait sa généralisation, ce qui coûterait 2 milliards, voire 3 milliards d'euros par an. Allez-vous vous engager dans cette voie ? Plutôt que de gaspiller l'argent dans un dispositif qui n'a pas fait ses preuves, ne serait-il pas préférable de l'orienter vers un dispositif qui fonctionne, le service civique ?
M. Olivier Paccaud. - Ma question a été abordée par Jacques Grosperrin. Vous allez devoir faire des choix pour répartir les annulations de 692 millions d'euros. Ce budget est celui de votre prédécesseur, qui, très attaché qu'il est à l'éducation nationale, a en outre annoncé de nouvelles dépenses : le financement des AESH pendant la pause méridienne, le renforcement nécessaire de la médecine scolaire, ou encore les groupes de niveau. D'un côté, on vous rabote 692 millions d'euros, mais, de l'autre, vous devez faire face à des dépenses supplémentaires : quels seront vos choix, sachant que M. Cazenave assure que tous les engagements seront tenus ? Où ferez-vous porter vos économies ?
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Monsieur Grosperrin, sur les 692 millions d'euros annulés, 683 millions concernent directement l'éducation nationale. Cela correspond à 1 % de notre budget, qui s'élève à environ 66 milliards d'euros, hors pensions. Nous devons néanmoins faire des choix, vous avez raison.
Je le confirme, il n'y aura pas de remise en question des schémas d'emplois. Nous aurons besoin de l'ensemble des ETP prévus. Nous consacrons au choc des savoirs 2 330 ETP supplémentaires, qui proviennent pour partie du redéploiement de la vingt-sixième heure et pour partie de création d'ETP.
Pour faire face à nos besoins humains, nous mettons en oeuvre une politique volontariste de recrutement. Vous avez raison, les concours de recrutement ne permettent pas actuellement de satisfaire tous nos besoins. Nous avons donc demandé aux académies de recruter rapidement du personnel contractuel, en français et en mathématiques, si possible dès le 1er juin prochain, afin de les former et de leur indiquer en amont leur lieu d'affectation. Nous mobilisons en outre d'autres dispositifs, notamment le détachement d'enseignants du premier degré, qui pourront apporter leur concours en français et mathématiques tout en étant remplacés dans le premier degré par un appel éventuel aux listes complémentaires. J'ai également suggéré de faire appel au personnel récemment retraité qui voudrait assurer quelques heures de cours à proximité de leur domicile. Les organisations syndicales assurent que cela ne donnera rien, mais qui ne tente rien n'a rien et de tels dispositifs nous permettent d'assurer la présence d'enseignants devant les élèves.
Vous m'interrogez sur le pacte enseignant. Cette politique se poursuivra, car le dispositif a rencontré un certain succès. Nous en ferons prochainement un bilan devant les organisations syndicales. Je puis d'ores et déjà vous indiquer qu'environ 30 % du personnel enseignant s'est engagé dans une ou plusieurs briques du pacte, dont chacune donne lieu à une rémunération ; quelque 30 % de ces volontaires se sont engagés dans le remplacement de courte durée. Ainsi, 2 millions d'heures d'absences de courte durée, sur 13 millions, ont pu être comblées. Nous allons continuer la mise en oeuvre de ce pacte, en insistant sur le remplacement de courte durée, où le besoin est le plus fort.
En ce qui concerne l'importance du personnel de direction, j'ai toujours considéré qu'il s'agissait du point nodal de notre système éducatif ; rien ne peut se faire sans eux. Une prime de 1 000 euros par an leur a d'ailleurs été accordée pour la mise en oeuvre du pacte.
Monsieur Chantrel, vous m'interrogez sur le service civique et le SNU. Celui-ci est une réussite pour les jeunes volontaires qui en ont bénéficié ; ils en ont été très satisfaits. Pour moi, le SNU prend tout son sens dans le cadre d'un parcours d'engagement pour faire de nos jeunes des individus s'engageant au service de la société. Il y a aujourd'hui 60 000 jeunes engagés dans ce dispositif. Nous allons monter en puissance, pour porter ce nombre à 80 000 à la rentrée prochaine, toujours dans la perspective de la généralisation du SNU, soutenue par le Président de la République. Nous étudions les modalités de cette généralisation. Notre estimation de départ s'élevait à un coût de 2 milliards d'euros pour toute une tranche d'âge ; nous tâchons de diminuer cette charge, nous sommes pour l'instant parvenus à la ramener à 1,3 milliard d'euros en diminuant de 2 jours le séjour de cohésion.
Le service civique connaît un vrai succès. Néanmoins, je ne puis pas vous assurer que nous ne devrons pas faire porter une partie de nos économies sur ce dispositif, même si les choses ne sont pas encore arrêtées. Les arbitrages ne sont pas rendus, mais, dans la mesure où je ne veux pas toucher aux schémas d'emplois et que les priorités fixées doivent être respectées, nous allons bien devoir faire porter les réductions quelque part et, je le répète, il n'est pas impossible que le service civique soit touché.
Monsieur Paccaud, oui, nous devrons faire des choix. J'ai indiqué que nous entendions améliorer le statut des AESH et assurer la prise en charge méridienne ; nous ne reviendrons pas sur cette politique prioritaire, qui procède d'un choix du Président de la République et de la Nation - l'accueil de tous les enfants à l'école ; nous le devons aussi aux enseignants, dont certains vivent en classe une situation très difficile. Nous ne touchons pas aux postes de médecine scolaire, mais là n'est pas le problème : nous n'arrivons pas à pourvoir ces postes. Il s'agit plutôt d'une restructuration de la médecine publique. Quant aux groupes de besoins, ils seront financés au travers des 2 330 ETP que j'ai évoqués.
M. Laurent Lafon, président. - Sur le service civique, vos réflexions portent-elles sur un montant allant au-delà des 100 millions d'euros déjà actés ?
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Non, la réduction envisagée s'inscrira dans le cadre de ces 100 millions d'euros.
M. Max Brisson. - Madame la Ministre, j'émets le voeu lors du débat en séance sur la carte scolaire que nous aurons la semaine prochaine à la demande du groupe Les Républicains que vous pourrez faire un certain nombre d'annonces.
Je veux vous interroger sur une note portant sur une réforme profonde de la formation des professeurs. Si cette note correspond à vos souhaits, nous vous soutiendrons. On y envisage notamment l'organisation de la formation autour de la création d'une licence de préparation au concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE), concours qui serait donc passé à bac+3, de deux années de master sous statut de fonction publique et de stages en responsabilité ; l'on dissocierait la formation des professeurs du premier degré de celle des professeurs du second degré, ce qui serait une excellente chose. Le confirmez-vous ? Iriez-vous jusqu'à déconnecter cette formation de l'université ?
Je veux insister sur le continuum qui existe entre formation initiale et formation continue. Aujourd'hui, les professeurs sont en rupture permanente pendant leur temps d'installation dans le métier. Pour étaler la formation, il faut s'appuyer sur le temps de formation initiale et, peut-être, poser la question du caractère académique des concours pour le second degré. Cela permettra d'avoir une unité de lieu et de temps dans la formation des jeunes professeurs, plutôt que de les envoyer non formés au casse-pipes dans les établissements les plus difficiles.
Sur l'instruction en famille, le quatrième motif demandé n'est-il pas un moyen subreptice sous couvert d'une transformation d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation, de passer à un régime d'interdiction, au vu du nombre de refus ?
Je veux enfin évoquer les langues régionales. Dans mon département des Pyrénées-Atlantiques, depuis vingt-cinq ans en histoire-géographie et depuis douze ans en mathématiques, les élèves peuvent passer les épreuves du brevet en langue basque. Or, le 20 novembre dernier, un courrier de la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) a mis fin sans concertation aux traductions des sujets en langue régionale. Comment expliquer un tel recul ? Allez-vous revenir sur cette décision incompréhensible ?
Mme Marie-Pierre Monier. - Je veux revenir sur les groupes de niveau. Ce dispositif signifie-t-il que, s'il y a par exemple trois classes, il y aura trois groupes de niveau ? Vous avez parlé de brassage ; est-ce à dire qu'à la fin de chaque chapitre du programme on brassera les groupes ? Quelles seront les modalités pour les enseignants concernés ?
Les associations représentatives de professeurs de sciences de la vie et de la terre, de physique-chimie et de technologie ont appelé notre attention sur l'impact de ces groupes de besoins sur leurs disciplines au regard de leur dotation horaire globale. La perte d'heures induite empêchera les professeurs de ces disciplines de mettre en place des séances de travail à effectifs réduits, séances pourtant indispensables pour mener les expérimentations dans de bonnes conditions. Or l'enseignement scientifique a déjà été mis à mal par la réforme du baccalauréat. Souhaitez-vous persister dans cette approche ?
Quelque 2 200 fermetures de classe sont prévues dans les écoles maternelles et élémentaires pour la prochaine rentrée. Ces fermetures n'épargnent pas nos territoires ruraux, ce qui conduit à des effectifs trop chargés. Il y a certes une baisse démographique, mais pourquoi ne pas en profiter pour augmenter le taux d'encadrement ? La France est l'un des pays européens où les effectifs par classe sont les plus élevés.
Les cris d'alerte se multiplient concernant le fonctionnement actuel de l'école inclusive, pour les élèves en situation de handicap comme pour le personnel. Ainsi, les AESH exercent leur métier dans des conditions extrêmement précaires et sont toujours rémunérées en dessous du seuil de pauvreté malgré les augmentations. Quant aux professeurs, ils disent être insuffisamment outillés, y compris en unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis). Plus des deux tiers des professeurs affectés sur ces postes ne sont pas spécialisés. Que prévoyez-vous pour passer d'une logique quantitative à une logique qualitative ? Je rappelle la censure par le Conseil constitutionnel de la mise en place des pôles d'appui à la scolarité (PAS) dans la loi de finances pour 2024.
Ma dernière question porte sur l'éducation à la sexualité. Qu'est-il prévu pour que ces heures, suivies aujourd'hui par une minorité d'élèves, soient enfin effectives pour l'ensemble des établissements scolaires, à raison de trois séances annuelles ?
Mme Annick Billon. - Ma première question porte sur l'école inclusive et la place des sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) dans le choc des savoirs. On compte, de la sixième à la troisième quelque 86 000 élèves en Segpa ; 70 % d'entre eux ont une origine sociale défavorisée et 30 % à 50 % d'entre eux souffrent d'un handicap. Les grilles horaires hebdomadaires des élèves de Segpa ont été redéfinies par un arrêté du 15 mars 2024 modifiant l'arrêté du 21 octobre 2015, avec une heure en moins par semaine : celle qui est consacrée au soutien-approfondissement mis en place en 2023 au prix de la suppression de l'enseignement de la technologie en sixième. On peut donc dire que les élèves de Segpa financent les groupes de niveau de leurs camarades en français et mathématiques, sans aucune contrepartie pour eux.
Ma deuxième question porte sur le programme de la spécialité de sciences économiques et sociales (SES) au baccalauréat de 2024. Les épreuves écrites de spécialité ont été reportées du mois de mars au mois de juin et, en parallèle, le programme de spécialité de SES a été considérablement alourdi : alors que sept chapitres étaient évaluables aux épreuves de mars, les élèves devront en maîtriser douze en 2024. Certains enseignants sont contraints de limiter la présentation d'un chapitre via la remise de polycopiés. Quelle est votre approche du problème ?
Plus de la moitié des écoles ne sont pas équipées d'alarme anti-intrusion. Depuis 2015, 40 % d'entre elles n'ont pas investi un seul euro dans leur sécurité pour l'adapter à la menace terroriste. Vous avez annoncé le déploiement d'une force de sécurité mobile, composée d'une vingtaine d'agents. Comment comptez-vous mettre en oeuvre ces mesures ? Comment équiper les établissements ? Avec quel budget ?
Enfin, concernant l'éducation à la vie sexuelle et affective, la loi date de 2001 : à quelle échéance va-t-on enfin l'appliquer ?
M. Gérard Lahellec. - Je tiens à saluer votre présence devant nous, madame la ministre. Fils d'un ouvrier agricole de Bretagne et d'une ménagère sans profession, je dois tout à l'école de la République, qui a fait de moi ce que je suis.
Concernant les groupes de niveaux, j'ai connu le temps qui a précédé le collège unique. Les cursus courts d'enseignement existaient alors : le cours complémentaire, avant le collège d'enseignement général (CEG), puis le collège unique. Nous venions de campagnes profondes, nous n'étions pas riches, notre destinée n'était pas de faire de longues études : il s'agissait bien d'une forme de ségrégation sociale. Je vous remercie d'avoir rappelé que votre objectif était de refuser cette ségrégation et de relever le défi d'un accès au savoir de qualité pour toutes et tous. La grande question est l'ambition que nous donnons à notre société. Certes, l'école ne peut pas tout, mais elle peut beaucoup. Il faut élever chacune et chacun au meilleur niveau possible.
Je reste réservé sur le choc des savoirs, ou plutôt sur cette reconstitution des groupes de niveau. Je le dis d'autant plus aisément que je suis confronté, dans mon département des Côtes-d'Armor, à la mise en oeuvre de la carte scolaire. Nos collectivités devraient être vos alliés objectifs ; nous devons apprendre à travailler ensemble.
Surtout, nous devons aborder la question de l'enseignement scolaire sous un angle préventif et faire de l'enseignement primaire la toute première priorité.
Mme Laure Darcos. - Je déplore, moi aussi, les fermetures de classes dans le monde rural. M. Blanquer disait qu'il ne fermerait pas d'écoles, mais la situation est beaucoup plus compliquée pour les fermetures de classes. Les seuils pour fermer une classe et pour la rouvrir sont très différents : il faudrait revoir les choses.
La labellisation des manuels scolaires, annoncée par l'actuel Premier ministre quand il était rue de Grenelle, m'a toujours terrorisée. Nous vivons dans un monde démocratique, mais tel pourrait ne pas toujours être le cas.
Certains pays ont instauré une labellisation stricte : l'Autriche, l'Allemagne, ou encore le Portugal. Étant donné les délais de conception des programmes, faire des contrôles avant publication semble difficile. Pourrait-on travailler en amont avec les éditeurs scolaires et instaurer une forme de certification de qualité, pour préserver la liberté pédagogique des professeurs, qui doivent pouvoir choisir leurs manuels ? Nous pourrions instaurer une plateforme, fondée sur un système déclaratif, répertoriant tous les manuels publiés conformes au programme. Des contrôles a posteriori seraient possibles. La labellisation brute, telle qu'elle a été annoncée, me semble effrayante. Il faut revoir le dispositif, avec les éditeurs scolaires.
Mme Mathilde Ollivier. - Hasard du calendrier, nous vous auditionnons après une semaine de forte mobilisation des professeurs. La tension était déjà importante à la rentrée, avec la mise en place du pacte enseignant. D'ailleurs, vous indiquez que 30 % des enseignants s'y sont engagés, ce qui semble peu par rapport aux objectifs fixés.
Depuis l'annonce de groupes de besoin et la publication de l'arrêté sur le choc des savoirs, la tension s'accentue. Un professeur de collège m'indiquait que la constitution de ces groupes impose d'arrêter les travaux pratiques de science en troisième, le rugby et les groupes de non-nageurs à la piscine. Les professeurs voient leurs moyens diminuer, au profit de ces groupes. Que leur répondez-vous ?
Il manquait déjà des milliers de professeurs à la rentrée. L'augmentation de l'encadrement ne fonctionne que si les postes sont pourvus. Vous ne pouvez vous contenter de recruter des contractuels précarisés, dont la formation n'est pas adaptée. Comment comptez-vous pourvoir ces postes et mettre ces groupes en place, alors que l'éducation nationale manque de professeurs ?
Vous dites que l'évaluation des élèves se fait dans un objectif non de classement, mais d'appui pédagogique. Je vois là une contradiction, car l'évaluation des élèves dans le primaire doit bien servir à constituer les groupes de besoin en sixième. M. Attal aura eu sa réforme de l'éducation nationale, comme le veut la coutume, mais les problèmes de fond liés à la mixité sociale n'auront pas été abordés. L'éducation nationale n'a pas besoin d'un choc des savoirs gadget, mais d'un choc de l'apprentissage, donc d'un choc de moyens.
M. Martin Lévrier. - Lors de la dernière rentrée, nous attendions un choc de l'épanouissement et de la réussite pour les lycéens de l'enseignement professionnel. Où en sommes-nous de la réforme ? Quels sont les retours des élèves, des enseignants et des entreprises parties prenantes ?
Un poste de haut-commissaire à la réforme du lycée professionnel a été créé. Quel lien assure-t-il entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère du travail ? Comment est-il impliqué dans la réforme ?
M. Bernard Fialaire. - Quelques chiffres : l'éducation nationale compte 1,2 million d'agents, dont 900 000 enseignants et 300 000 membres du personnel non enseignant. Sur ces 900 000 enseignants, combien sont réellement en face des élèves ? Pour trois enseignants, on compte un personnel en fonction support ; ce ratio est-il justifié ? Des enseignants seraient-ils déportés vers d'autres tâches ?
J'en viens au financement des écoles privées par les communes. Le système est injuste. Ne pourrions-nous pas, à partir du coût potentiel des places dans les écoles, revoir le système ? En atténuant les variations, nous pénaliserions moins les communes, les élèves et les écoles privées elles-mêmes.
Enfin, la réalisation d'un stage de cohésion du service national universel (SNU) peut-il se substituer aux stages de fin de seconde ?
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Monsieur Brisson, je serai bien présente lors du débat sur la carte scolaire au Sénat.
Le projet de réforme de la formation des enseignants n'a rien de confidentiel : il s'agit de faire passer le concours plus tôt, pour que les étudiants se projettent mieux, dans un avenir assez proche, avec une formation beaucoup plus professionnalisante et sanctionnée par l'obtention d'un master en cinq ans. L'université a bien un rôle à jouer.
La formation continue est l'une de mes préoccupations. Les injonctions en matière de remplacement sont fortes. Cette formation continue doit être assurée hors temps scolaire, mais elle est essentielle pour que les professeurs se perfectionnent et prennent bien en charge des élèves différents. Le système ne pourra vivre qu'avec cette formation continue, mais nous ne pouvons obérer le face-à-face avec les élèves. Voilà le cadre dans lequel nous travaillons.
Le quatrième motif en matière d'instruction en famille, relatif à la situation de l'enfant, permet de donner corps à toute la sensibilité de nos inspecteurs et à leur faculté d'appréciation. Les accords sont majoritaires : sur 51 229 demandes pour l'année scolaire 2023-2024, 45 000 ont reçu un avis favorable, soit 88,4 %.
Nous devons retravailler prochainement sur le brevet et les langues régionales avec la direction générale de l'enseignement scolaire. Il n'est possible d'utiliser les langues régionales dans les épreuves du brevet que depuis 2021. Cependant, nous avons identifié des risques d'inégalité entre élèves et des risques de fuite de sujets au moment des traductions. C'est pourquoi nous sommes revenus sur ces dispositions. Le sujet est sensible, nous allons revoir les choses, mais je ne sais pas si nous changerons de position.
Madame Monier, j'ai conscience du travail que représente une heure de cours pour un professeur. Vous ne m'entendrez jamais dire que les enseignants ne travaillent pas. Je connais leur investissement et les difficultés qu'ils rencontrent, notamment pour prendre en charge des élèves qui sont différents ; ils ont toute ma reconnaissance.
MM. Blanquer et Ndiaye ont consenti un investissement financier important pour revaloriser la rémunération des professeurs, même s'il n'est pas à la hauteur de ce que ces derniers attendent. On ne peut pas dire que rien n'a été fait. Nous sommes passés de 1 800 euros à 2 100 euros mensuels en début de carrière. La situation budgétaire actuelle me fait cependant envisager l'avenir de manière plus mesurée.
Vous m'interrogez sur les conséquences de l'instauration des groupes de besoin en français et mathématiques sur le dédoublement des groupes dans les enseignements scientifiques. La question est liée à la dotation horaire globale (DHG) attribuée à l'établissement et aux choix opérés par le principal, qui doit décider si l'on dédouble ou non les classes dans telle ou telle matière. Nous sommes attentifs à toutes les situations, nous ne laisserons pas d'établissement en difficulté.
Sur les fermetures de classe, je connais les difficultés que connaissent certains départements. J'ai lu dans Le Monde un article sur les Deux-Sèvres, où la situation est très difficile. Je souhaite instaurer une nouvelle méthode, pour mieux anticiper, grâce à un état des lieux partagé. Je ne dis pas pour autant que nous allons instaurer un moratoire de trois ans.
J'ai répondu sur les AESH. Nous avons fait des efforts en matière de recrutement, d'amélioration du statut et de rémunération. Si les pôles d'appui à la scolarité (PAS) ont été censurés par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif, nous les expérimentons néanmoins dans quatre départements, pour évaluer leur pertinence.
Le Conseil supérieur des programmes a publié un projet de programme sur l'éducation à la sexualité. Les consultations sont en cours. Nous publierons sans doute en juin l'arrêté définitif, pour une application dès la rentrée 2024. L'éducation à la vie affective et relationnelle, dans le premier degré, et à la sexualité, dans le second degré - je tiens beaucoup à cette distinction, car j'ai rédigé un rapport sur ce sujet en 2001 - sera prise en charge par les professeurs de sciences de la vie et de la terre (SVT) et les infirmières scolaires. Nous allons travailler avec tous les personnels éducatifs.
Madame Billon, concernant les élèves de Segpa, un journaliste de Marianne s'étonnait de la suppression d'une heure d'enseignement au profit d'autres élèves. J'ai interrogé notre directeur de l'enseignement scolaire : certes une heure a été reprise, mais deux heures supplémentaires ont aussi été accordées aux Segpa. Les élèves bénéficieront non pas de 26 heures, comme l'année dernière, mais de 27 heures d'enseignement.
Sur le baccalauréat, j'ai rencontré des professeurs de SES lors de mes déplacements, qui m'ont fait part des mêmes préoccupations face à la lourdeur du programme. Je n'ai pas encore traité ce problème, mais j'en ai conscience : nous allons y travailler.
Concernant les alarmes anti-intrusion, nous réunissons demain les préfets pour les sensibiliser à la prise en charge, avec les forces de l'ordre, de la sécurité des établissements scolaires. Les préfets réuniront ensuite par zone, en lien avec les collectivités, les acteurs de la sécurité dans les écoles, pour que toutes les mesures pertinentes soient prises, comme la mise en place d'enceintes périmétriques.
La force mobile scolaire est constituée d'une vingtaine de membres du personnel d'éducation ; elle pourrait être projetée en 24 ou 48 heures dans un établissement qui traverserait une crise importante, pour accompagner cet établissement le temps d'apaiser le climat scolaire. Nous avons eu l'idée de cette force nationale, car, dans certaines académies, les équipes mobiles de sécurité sont parfois toutes mobilisées simultanément.
Monsieur Lahellec, je vous remercie pour vos propos, si sensibles. Oui, je me refuse à la ségrégation sociale, comme nous tous ici. La difficulté, c'est d'obtenir des résultats. Je ne sais pas si une politique nationale est possible. Il faut sans doute travailler zone par zone, territoire par territoire.
Concernant la carte scolaire, nous espérons éviter les psychodrames en anticipant davantage.
Je conviens de la nécessité d'une action préventive. Oui, tout se joue au primaire, c'est là que nos efforts financiers nationaux doivent être ciblés. Le collège est aussi un maillon important, puisque c'est là que commencent les décrochages scolaires. Nous travaillerons sur la question de l'ambition scolaire dans chacun des territoires éducatifs ruraux.
Madame Darcos, nous pourrons traiter la question des seuils d'ouverture et de fermeture de classes dans le cadre de la nouvelle méthode que j'espère présenter rapidement.
Concernant les manuels scolaires, la labellisation porte sur la qualité des ouvrages, mais n'emporte pas d'obligation de choix. De plus, plusieurs manuels seront labellisés. La labellisation sera réalisée par une commission indépendante, rattachée au Conseil scientifique de l'éducation nationale. Quoi qu'il en soit, votre proposition est intéressante.
Madame Ollivier, vous parlez de l'arrêt de certaines activités. Dans le cadre de la dotation horaire globale, les établissements doivent faire des choix, mais nous sommes très attentifs aux situations les plus difficiles. Il n'est pas question que des groupes d'activité ne puissent se tenir en sixième ou en cinquième. Les établissements en difficulté doivent s'adresser au directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen). Pour que les groupes fonctionnent, nous devons effectivement pourvoir les postes. Nous avons anticipé les besoins, les recrutements sont en cours.
La mixité passera par des mesures propres à chaque territoire : des dispositifs liés aux territoires éducatifs ruraux, des mesures d'affectation et de sectorisation, à l'image d'Affelnet à Paris, ou encore des conventions avec des établissements privés. Un protocole d'accord a été signé avec le secrétariat général de l'enseignement catholique (Sgec), qui produira ses premiers résultats dès septembre. Le premier article du code de l'éducation rappelle bien l'exigence de mixité dans tous les établissements, publics comme privés.
Concernant les groupes de besoin, les élèves passeront un moment tous ensemble au début de la sixième, le temps que les évaluations soient effectuées. Les groupes seront aussi constitués grâce aux évaluations de CM2 et à des moments d'observation réalisés par les professeurs de français et de mathématiques. Les groupes seront établis en fonction des besoins des élèves, pour des séquences pédagogiques identifiées. L'élève pourra faire partie d'un groupe pendant trois mois, par exemple sur la numération. Le travail sera ainsi différencié, et les élèves pourront ensuite changer de groupe. Chaque situation devra être traitée différemment en fonction de la taille et de la configuration des établissements. Notre seul objectif est de répondre aux besoins des élèves.
Monsieur Lévrier, les lycées professionnels constituent un sujet majeur. Je crois profondément à toutes les voies de formation, notamment aux lycées professionnels. La réforme a été partiellement mise en oeuvre en 2023, avec la création des bureaux des entreprises dans les lycées et le recrutement de leurs 1 500 responsables. Nous avons fixé un objectif d'évolution de la carte des formations professionnelles, de 5 % chaque année. Nous avons mis en place les allocations pour les périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) ; elles sont en cours de paiement : toutes les périodes de formation effectuées entre septembre et février seront payées fin mai et le solde sera réglé fin juillet. À partir de 2024, nous mettons en place la modification de l'organisation du cursus ; le baccalauréat professionnel sera entièrement réformé pour la session de 2026. Le haut-commissaire, M. Geoffroy de Vitry, m'accompagne pour toute cette réforme. Je rencontrerai moi-même les organisations syndicales et patronales, mais le haut-commissaire joue un rôle important dans le suivi de la réforme et il fait le lien avec le ministère du travail, par exemple en matière d'apprentissage.
Monsieur Fialaire, je suis un peu en difficulté pour répondre à vos deux questions. Sur nos 900 000 enseignants, je ne sais pas combien sont devant nos élèves ; je m'engage à revenir vers vous sur ce point. Vous m'aviez déjà alertée sur le coût de la prise en charge des élèves des écoles privées par les collectivités territoriales. Je m'engage aussi à vous répondre prochainement.
M. Bernard Fialaire. - J'ai aussi évoqué les 300 000 membres du personnel de support des établissements. Que pensez-vous de ce ratio d'un pour trois ?
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Je dois clarifier les chiffres avant de vous répondre.
Mme Béatrice Gosselin. - Le quatrième motif est toujours refusé, systématiquement, dans nos départements, pour l'instruction à la maison. Je vous adresserai ma question sur ce sujet par écrit.
Je vous pose la question suivante au nom de ma collègue de la Vienne, Mme Marie-Jeanne Bellamy. Les crédits du fonds de soutien aux activités périscolaires, menacé de suppression dans la loi de finances pour 2024, ont finalement été rétablis, avec la promesse d'une concertation approfondie avec les élus. Où en sont ces concertations ? Qu'en sera-t-il du fonds l'année prochaine ? Dans la Vienne, 606 communes sont concernées. Si le fonds disparaît, la semaine de quatre jours et demi sera remise en cause. Mme Bellamy vous a adressé un courrier à ce sujet en janvier.
Concernant la pause méridienne, l'État doit prendre en charge les AESH qui accompagnent les enfants en difficulté ; Mme Bellamy souhaite connaître la forme que prendra cette prise en charge.
Mme Colombe Brossel. - La mixité scolaire a fait l'objet de nombreux échanges. Vous nous renvoyez au protocole d'accord, qui ne fixe cependant aucune obligation, mais exprime simplement l'envie de faire ensemble. Vous nous avez aussi renvoyés à la création de soixante postes : pour trente académies, c'est un peu léger. Entre-temps, l'Assemblée nationale a rendu un rapport très riche. Quels seront les actes ? Par exemple, quid d'Affelnet à Paris ? Vous engagez-vous à l'intégration des indices de position sociale (IPS) dans Affelnet sur l'ensemble du territoire ?
Concernant les groupes de niveau, vous dites que la suppression des demi-groupes relèvera des choix pédagogiques des personnels de direction - ceux qui nous écoutent apprécieront. Dans les collèges, on nous dit que la DHG est insuffisante pour mettre en place ces groupes de niveau, que de toute façon les équipes ne veulent pas mettre en place, car elles refusent de trier les élèves. Ce sont tous les enseignements optionnels justifiant votre action en matière de mixité scolaire qui sont supprimés ! J'en perds mon latin.
Pouvez-vous me confirmer que votre administration a renoncé à l'aberration qui consiste à priver 8 000 élèves parisiens d'heures de cours au motif que des épreuves des jeux Paralympiques, dont nous connaissons la date depuis longtemps, se tiendront pendant la semaine de la rentrée scolaire ? C'est à l'organisation des jeux Paralympiques de s'adapter, pas aux élèves ! Seuls ceux qui n'ont pas eu d'enfants ou n'ont jamais été enseignants peuvent avoir imaginé arrêter la journée scolaire à 13 heures. Ainsi, 8 000 élèves, 600 agents municipaux et des centaines d'enseignants sont concernés. Les élèves ont droit à l'école, avant toute chose.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je déplore des dysfonctionnements dans l'application de la loi confortant le respect des principes de la République. Le taux de refus au titre du quatrième motif pour l'instruction en famille avoisine les 75 % dans ma région, contre 30 % dans les autres. J'ai reçu de nombreuses familles qui se sentent harcelées et méprisées. Les délais de réponse ne sont pas respectés, des injonctions de scolarisation avec menaces de saisie sont prononcées, les familles sont convoquées à la gendarmerie, des contrôles sociaux ont lieu. Les familles dénoncent des refus injustifiés. Nous voulons une évaluation de l'application de cette loi. Quid de l'harmonisation des pratiques dans l'ensemble des académies ? La Dasen de l'Eure a dit aux familles, semble-t-il, que les autorisations allaient se transformer en interdictions dans un délai de trois ans. Tel n'était pas l'esprit de la loi votée. C'est d'ailleurs le législateur qui avait introduit ce quatrième motif, pour respecter la liberté des familles. L'évaluation doit être extrêmement sérieuse.
Je vous avais écrit le 28 février dernier au sujet de l'éducation à l'image et au cinéma, qui est gravement menacée par la réforme des remplacements de courte durée, décision unilatérale de l'un de vos prédécesseurs, M. Gabriel Attal, qui n'a pas mesuré ses dommages collatéraux. Ces dispositifs, qui sont largement financés par les collectivités territoriales et qui concernent deux millions d'enfants, ont besoin de professeurs. Cet enseignement est en passe de s'effondrer, à défaut de concertation avec le ministère de la culture.
M. David Ros. - Quel plaisir, en tant que sénateur et universitaire, d'auditionner une ministre qui maîtrise ses dossiers !
Je relaie la question de notre collègue Sylvie Robert, retenue à la présidence de la séance, qui souhaitait vous interpeller sur l'instruction en famille.
Les cités éducatives et les réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+) sont nombreux en Essonne, mais des villes ne bénéficient toujours pas de ces dispositifs, comme Les Ulis. Il existe un décalage entre les moyens accordés aux cités éducatives et ceux accordés aux REP+. Pourriez-vous nous donner des précisions ?
Concernant la semaine de quatre jours, ou quatre jours et demi, on laisse les maires choisir, alors qu'il s'agit d'une organisation qui dépend de l'échelon national. Quelle méthodologie d'évaluation proposez-vous ? N'agissons pas dans l'urgence. Nous devons prendre le temps d'évaluer les dispositifs de l'éducation nationale. Seule une évaluation sereine permet de prendre les bonnes décisions. Vous pourriez avoir recours aux outils de l'intelligence artificielle et de la recherche universitaire.
M. Christian Bruyen. - Ma demande émane aussi des départements et des régions. Le transfert des gestionnaires des établissements du secondaire a octroyé une autorité fonctionnelle aux exécutifs des collectivités. Seules quelques conventions ont été signées, du fait de la faiblesse de la formule proposée, mais cela reste un début louable. En matière de décentralisation et de simplification, cette évolution me semble de bon sens. Nous sommes aujourd'hui loin d'être efficaces pour la maintenance des établissements ou la restauration scolaire, avec des agents des collectivités placés sous l'autorité d'un gestionnaire qui est un agent de l'État. Les dysfonctionnements sont nombreux.
Par exemple, la mobilisation est souvent insuffisante pour mettre en oeuvre les logiques d'approvisionnement ou d'achat adaptées quand les départements décident de valoriser les circuits courts, les filières locales ou l'alimentation biologique.
Quel est le retour sur ces premières conventions ? Quelle est votre ambition en la matière ? J'espère que votre réponse sera différente de celle que vous nous aviez donnée sur la médecine scolaire, il y a quelques jours. Les freins sont similaires, mais vous pouvez impulser une évolution marquante en matière de décentralisation.
M. Adel Ziane. - Nous sommes tous attachés à la laïcité, mais aussi à l'égalité républicaine. Des élèves du lycée Blaise Cendrars de Sevran m'ont dit avoir honte de voir l'État ne pas tenir sa promesse républicaine. Gabriel Attal nous avait dit que quinze millions d'heures de cours n'étaient pas dispensées, en France, chaque année.
Les inégalités en Seine-Saint-Denis sont patentes : les établissements sont manifestement sous-dotés et un enseignant sur deux n'est pas remplacé, contre un taux national de remplacement de 78 %, ce à quoi s'ajoutent des problèmes d'entretien du bâti. Il faut un dialogue et des réponses à la hauteur de l'exigence de l'égalité républicaine. Un soutien de la puissance publique est nécessaire. Les élèves et les enseignants sont mobilisés. Comment le ministère va-t-il traiter la ségrégation sociale qui se met en place ? Existe-t-il des actions spécifiques, par exemple pour la rénovation des infrastructures scolaires ? Comment allez-vous compenser ces déséquilibres territoriaux ?
M. Jean-Gérard Paumier. - Des territoires ruraux sont fragilisés par la baisse des effectifs scolaires et les fermetures de classes. Pour que ces territoires ne deviennent pas des oubliés, pour reprendre les mots de Gauvain Sers, la future école de territoire ne pourra voir le jour sans un dialogue entre les élus et l'État et sans un effort de ce dernier, qui devra investir et assurer le bon fonctionnement des structures, pour une période minimale fixée par contrat, y compris en cas de baisse des effectifs.
Pourquoi ne pas recruter, pour ces écoles de territoire, sur des postes à profil, avec des primes, pour fidéliser les enseignants sur le long terme ? Les classes rurales sont aujourd'hui peu attractives, les jeunes enseignants voulant travailler en équipe.
Quelles sont vos perspectives pour le service public de l'éducation en milieu rural, afin d'assurer un maillage territorial garant de l'égalité des chances ?
Mme Monique de Marco. - Lors de votre visite à Bordeaux vendredi dernier, vous avez annoncé la création de la force de sécurité mobile nationale. Quels seront les profils recrutés, quand sera-t-elle effective ?
Vous évoquez le recrutement de soixante personnes pour le contrôle des établissements relevant de l'enseignement privé. Le rapport de l'Assemblée nationale indique que cinq établissements sont contrôlés par an : à ce rythme-là, il faudrait 1 500 ans pour tous les contrôler ! Ces soixante personnes seront-elles suffisantes ? Quel sera leur statut ? Quand seront-elles opérationnelles ?
Mme Karine Daniel. - Je reviens sur le choc des savoirs et sur l'importance des mots. On parle de groupes de niveaux, de progrès, de besoins. Beaucoup de professeurs et de parents d'élèves sont heurtés par le terme de « choc » : en parlant de « choc des savoirs », on évoque une forme de violence, de percussion, de collision. Or l'apprentissage et la mixité sociale sont des domaines très sensibles, et faire évoluer les structures et les programmes demande du temps.
En Loire-Atlantique, la révision de la carte scolaire des collèges représente un énorme investissement, qui prend beaucoup de temps ; ce travail de long terme est malheureusement percuté par la mise en place hâtive de ce « choc des savoirs ». Il faut du temps pour accompagner les réformes, avec les collectivités, le corps enseignant et tous les membres du personnel éducatif.
Ensuite, qu'en est-il du fonds de soutien aux activités périscolaires ? Les élus doivent-ils annoncer une suppression des activités du mercredi dès la rentrée prochaine ?
Et quid du forfait scolaire ? La question est très sensible pour les communes qui ont des effectifs très faibles : une faible variation de ceux-ci emporte des conséquences budgétaires très importantes.
M. Aymeric Durox. - La polémique sur les groupes de niveaux me semble un peu vaine, ces derniers existant de fait depuis assez longtemps : les classes d'allemand LV1, de latin et de grec, ou encore les sections européennes dans lesquelles j'ai enseigné pendant près de dix ans sont des groupes de niveaux qui, même s'ils ne disent pas leur nom, sont connus des sachants et n'ont jamais suscité la polémique.
Je souhaite surtout aborder le recours de plus en plus fréquent aux contractuels au sein de l'éducation nationale. Dans un courrier récent adressé aux recteurs, le directeur général des ressources humaines de votre ministère semble clairement privilégier le recrutement de contractuels, en leur octroyant des avantages dont ne bénéficient pas les titulaires.
Mon propos ne vise pas à attaquer les contractuels, mais à défendre les titulaires qui ont suivi deux années de master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF), obligatoires depuis la réforme Blanquer, et passé un concours exigeant, mais qui se retrouvent in fine nettement désavantagés. J'en veux pour preuve les privilèges des contractuels énumérés dans cette lettre : une semaine de formation fin août au lieu de deux années éprouvantes ; un contrat payé dès le mois de juin pour commencer en septembre ; une rémunération supérieure à celle des titulaires ; une augmentation à chaque renouvellement de contrat, là aussi de manière plus forte que les titulaires du même échelon ; enfin, une liberté de choix de la zone, au détriment des néo-titulaires qui devront aller là où on leur dira, une stratégie d'ailleurs assumée par l'ancien recteur de Créteil.
À quoi bon s'échiner à faire cinq années d'études et passer des concours difficiles pour se faire doubler par des contractuels disposant d'un bac+3, voire d'un bac+2 dans les matières professionnelles ? L'objectif est-il de supprimer, à terme, les concours de l'enseignement pour ne plus recruter que des contractuels et s'orienter vers un système libéral de type anglo-saxon ? Comprenez-vous le sentiment d'injustice qu'éprouvent les jeunes titulaires issus du parcours classique ?
M. Michel Savin. - Je tiens à aborder un domaine qui n'a pas encore été évoqué, à savoir le sport. Il y a un an et demi, le Président de la République annonçait l'instauration d'une demi-heure de sport à l'école et le ministère de l'éducation nationale s'engageait - en collaboration avec Paris 2024 et le mouvement sportif - à ce que chaque élève bénéficie d'au moins 30 minutes d'activité physique quotidienne dans toutes les écoles primaires.
Si l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (Igers) se félicite d'un sondage éloquent, les résultats sur le terrain semblent, aux dires des enseignants interrogés, éloignés du taux de 80 %, évoqué par la ministre des sports, d'écoles primaires ayant mis en place cette activité. Des syndicats de professeurs ont indiqué, le mois dernier, que la mise en oeuvre du dispositif était compliquée. Pouvez-vous nous indiquer le bilan que vous faites de cette mesure ? Quel appui apportez-vous aux enseignants qui doivent assumer cette mission supplémentaire ?
Par ailleurs, l'année 2023-2024 fournissait l'occasion de célébrer, au coeur de l'école, les valeurs du sport olympique et paralympique. Si la distribution de pièces de deux euros frappées spécialement pour les jeux Olympiques aux élèves de CP à CM2 a permis de constater que nos écoliers ont le sens du commerce, puisque ces pièces sont revendues en ligne à des prix allant jusqu'à 600 euros, que pensez-vous de cette opération coûteuse - à hauteur de 16 millions d'euros - alors que votre ministère, comme celui des sports, recherche des millions d'euros pour soutenir ses politiques ? Cette opération permet-elle vraiment aux élèves de mieux connaître l'histoire et les valeurs de l'olympisme ?
Mme Pauline Martin. - Concernant la prise en charge des enfants à besoins spécifiques, de nombreux dossiers de plans d'accompagnement personnalisés (PAP) sont en attente faute de médecins scolaires, laissant les familles démunies, les enfants en difficulté, les enseignants épuisés et le Dasen sans ressources. Que pourrions-nous faire pour surmonter ces difficultés ?
Mme Nicole Belloubet, ministre. - S'agissant de l'instruction en famille, Mme Gosselin a évoqué un refus systématique du quatrième motif, tandis que Mme Morin-Desailly a mentionné un taux de refus de 75 %. Les chiffres dont je dispose me semblent être en deçà de 50 %, mais je n'en suis pas certaine et je m'engage, sur ce point aussi, à revenir vers vous avec un bilan détaillé.
Mme Gosselin a aussi évoqué le fonds de soutien aux activités périscolaires et m'a interrogée sur la concertation : celle-ci n'a pas commencé, mais j'ai bien entendu l'urgence pour la rentrée prochaine. Dans la loi de finances initiale pour 2024, 39,6 millions d'euros sont consacrés à cette politique ; ce financement est préservé à ce stade.
Pour ce qui est de la pause méridienne, elle sera prise en charge dans le cadre des contrats des AESH, d'où la nécessité de recruter de nouveaux personnels pour assumer l'ensemble des missions.
Madame Brossel, vous me reprochez d'avoir dit que les choix relatifs aux différents groupes et aux dédoublements d'enseignements étaient effectués sur l'initiative des personnels de direction. Je veux être très claire sur ce point : une DHG est octroyée à l'établissement, l'équipe de direction effectue ensuite un certain nombre de choix dont elle fait part aux services académiques, exerçant ainsi ses prérogatives en vertu de l'autonomie de l'établissement. Si des difficultés particulières émergent, nous restons à l'écoute des établissements, dans le cadre d'un dialogue intervenant à la rentrée ou dès le mois de juin. J'ajoute que la DHG englobe une marge de manoeuvre, d'où des choix qui relèvent des établissements. Nous travaillons en lien étroit avec les personnels de direction, je tiens à ce dialogue.
Quant aux jeux Paralympiques, qui doivent commencer le 28 août pour s'achever le 8 septembre, il n'y aura pas de décalage de la rentrée scolaire. En fonction des lieux et des établissements, des aménagements ponctuels et limités des horaires pourraient cependant intervenir, mais nous tâcherions de les limiter le plus possible. En tout état de cause, il n'est question que de quatre ou cinq jours, dans un nombre restreint d'établissements.
Madame Morin-Desailly, je reviendrai vers vous concernant l'instruction en famille et les propos très injonctifs que vous avez évoqués, dans le cadre d'une évaluation de l'application de la loi qui me permettra d'y voir plus clair.
Par ailleurs, vous m'avez adressé fin février un courrier relatif à l'éducation au cinéma : des discussions sont en cours avec le ministère de la culture pour élaborer des voies de formation pour les enseignants et leur permettre de prendre en charge ce travail.
Monsieur Ros, vous avez évoqué, à propos des relations entre les cités éducatives et les REP, la nécessité de faire évoluer certains périmètres, un sujet qui figure dans la lettre de mission que m'a adressée le Premier ministre. Des aménagements ponctuels peuvent être apportés et je serai attentive aux zones que vous avez mentionnées, dont Les Ulis. Nous recensons actuellement 208 cités éducatives ; si elles relèvent du domaine de compétences de ma collègue Sabrina Agresti-Roubache, elles bénéficient d'une dotation annuelle de notre part à hauteur de 15 000 euros par an par cité éducative, afin de leur permettre de prendre en charge une série d'actions. Le budget total de chacune de ces cités varie en fonction des moyens apportés par l'ensemble des acteurs. Au total, 3,12 millions d'euros sont consacrés à ce poste.
Enfin, pour ce qui est de la semaine de quatre jours, ou quatre jours et demi, il me semble que l'évaluation n'a pas encore été menée. Avant de m'emparer de ce sujet extrêmement sensible, tant pour le bien-être de l'enfant que pour le temps des professeurs et pour l'organisation des collectivités territoriales, il faudra d'abord procéder à cette évaluation.
Monsieur Bruyen, vous avez évoqué un éventuel transfert de nos gestionnaires d'établissements vers les collectivités territoriales, en rappelant que des conventions sont déjà signées ou en cours de négociation. Des expérimentations ont donc déjà débuté et leurs résultats devront être observés avec attention. Il me semble que le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) vers les collectivités territoriales a été un véritable succès et que le transfert de la médecine scolaire, s'il semble prématuré à ce stade, peut rester ouvert. Le transfert du poste de gestionnaire, qui travaille en binôme avec le chef d'établissement, est quant à lui extrêmement délicat et complexe : si vous en êtes d'accord, observons dans un premier temps le résultat des expérimentations.
Monsieur Ziane, vous soulevez la question de l'égalité républicaine, principe fondateur dont découle l'exigence de mixité. S'agissant de la Seine-Saint-Denis, les remplacements sont effectivement problématiques, le nombre d'heures perdues s'élevant à 13,5 millions, ce qui reste bien sûr énorme. Ce département pose des difficultés particulières, notamment pour assurer que l'on fait le plein dans les concours d'enseignants, et ce en dépit de toute l'énergie que nous déployons et des efforts des élus.
Des dispositions ont déjà été prises afin de fidéliser le personnel enseignant, dont une prime ; elles se conjuguent à des dispositifs permettant aux élèves de rester dans les établissements, en implantant par exemple des sections internationales, au bénéfice d'une égalité à laquelle je suis très attachée. Vos collègues députés ont évoqué la possibilité de constituer une brigade de remplacement, ce qui pourrait être une piste pertinente.
Nous sommes également très attentifs à la situation de la vie scolaire : la présence d'adultes affectés à cette mission permet d'éviter des dysfonctionnements et des dégradations telles que celles survenues au sein du lycée Blaise-Cendrars. Dans ce domaine, l'action des collectivités territoriales est déterminante, je m'en suis déjà entretenue avec Valérie Pécresse et Stéphane Troussel.
Plus globalement, ma politique en matière de mixité et de lutte contre la ségrégation n'est pas encore complètement arrêtée. Elle doit selon moi conjuguer des dispositions globales et des mesures spécifiques s'attachant à réintroduire de la mixité dans des zones précises, qu'il s'agisse de la ruralité ou des REP.
Monsieur Paumier, nous disposons d'un maillage scolaire extrêmement dense en zone rurale en comparaison de nos voisins, ce qui ne signifie aucunement qu'il faille procéder à des fermetures.
Madame de Marco, la force mobile scolaire comptera une vingtaine de membres et sera composée de conseillers principaux d'éducation et d'assistants d'éducation, afin de restaurer un climat scolaire serein par des moyens pédagogiques. D'autres profils - celui de psychologue, par exemple - pourraient s'y ajouter, cette force devant être déployée à la rentrée de septembre 2024.
S'agissant de l'enseignement privé, je n'ai pas encore consulté le rapport rendu public le 2 avril par vos collègues de l'Assemblée nationale. Je serai bien évidemment très attentive à ce qui y est dit, notamment au sujet du contrôle des établissements d'enseignement privé, domaine dans lequel nous devons faire des efforts. Le secrétaire général de l'enseignement catholique, qui représente la majeure partie des établissements privés, ne voit aucune objection à un renforcement des contrôles, qu'ils portent sur la sécurité, les finances ou les contenus pédagogiques. Nous devons en effet veiller à ce que les établissements privés respectent les règles comme les programmes. Quant au statut des soixante personnes dédiées à ces contrôles, il s'agit d'inspecteurs pédagogiques régionaux et d'inspecteurs de l'éducation nationale, en fonction du niveau.
Madame Daniel, vous avez souligné l'antinomie entre le « choc des savoirs » - formule de mon prédécesseur que je reprends pleinement à mon compte - et le temps long dont l'éducation nationale a besoin. Je ne suis pas en désaccord avec vous, dans la mesure où nous aurons besoin de temps pour déployer ledit choc : nous ne pouvons pas proposer une nouvelle réforme tous les deux ans à nos équipes éducatives qui, à force, s'épuisent.
Une vingtaine de mesures appuient ce choc, dont les groupes qui seront mis en place en sixième et en cinquième. Leur mise en oeuvre nécessitera du temps, car nos collègues enseignants vont devoir apprendre à travailler ensemble et autrement pour construire collectivement les progressions pédagogiques. Ce temps-là, je veux le leur donner : nous commençons par deux demi-journées de concertation qui seront accordées aux équipes éducatives en mai ou en juin - à leur convenance - afin qu'elles puissent commencer à réfléchir au sujet. De plus, des formations d'établissement accompagneront la mise en place de ces nouveaux dispositifs.
Monsieur Durox, je ne suis pas certaine que les groupes de niveaux existent depuis longtemps : si des groupes sont déjà présents en langues vivantes ou en sciences de vie et de la terre, ils ne sont pas nécessairement découpés par niveaux, leur hétérogénéité ayant au contraire été conçue comme l'une des forces de notre système éducatif.
Pour ce qui concerne les contractuels, je ne suis pas persuadée qu'ils bénéficient de davantage de privilèges que les néo-titulaires. Nous souhaitons accroître le nombre de titulaires - notre vivier premier -, d'où notre volonté de modifier la formation initiale des enseignants afin d'améliorer l'attractivité de la profession. De manière conjoncturelle, nous manquons de titulaires, ce qui nous amène à recruter des contractuels que nous souhaitons fidéliser en leur proposant une formation d'une semaine - très réduite par rapport aux cinq années de formation de nos enseignants titulaires - et en les prenant en charge, dans certains cas, dès le mois de juin.
Monsieur Savin, 91,5 % des écoles qui ont répondu à une enquête que nous avons lancée indiquent mettre en place les 30 minutes d'activité physique quotidienne, avec des variations dans les modalités de mise en oeuvre. Nous souhaitons insister sur cet enjeu de santé publique et poursuivre cette trajectoire, des améliorations pouvant encore être apportées.
Pour ce qui concerne les jeux Olympiques, un livret remis aux élèves leur permettra de conserver une trace de ce moment exceptionnel. Les valeurs de l'olympisme, qui sont au fond des valeurs de citoyenneté, y seront à nouveau décrites. La pièce de deux euros qui y est accolée répond également à cet objectif de conserver une trace de l'événement. À ce titre, je rappelle que le Président François Mitterrand avait procédé de la même manière en 1989, à l'occasion du bicentenaire de la Révolution, en distribuant aux élèves une pièce d'un franc.
Enfin, madame Martin a évoqué la prise en charge des élèves ayant des besoins spécifiques, un sujet qui me préoccupe particulièrement. J'ai quitté le système éducatif en 2005, lorsque j'ai cessé d'exercer mes fonctions de rectrice : je le retrouve à peu près semblable vingt ans plus tard, à l'exception de l'accueil de ces enfants, qui s'est massifié - c'est heureux -, mais qui soulève des difficultés pour nos équipes enseignantes, tant il suppose la mobilisation de très nombreux membres du personnel éducatif.
Je travaille, avec mes collègues de la santé, pour réaffirmer l'importance de cette politique et la nécessité d'y consacrer des moyens importants. Comme vous l'avez souligné, les problèmes dépassent le périmètre de l'éducation nationale et affectent les prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) comme la mise en oeuvre des dossiers PAP, en raison d'un nombre insuffisant de médecins scolaires. Nous devrons avancer, en lien avec le ministère de la santé, sur le traitement de ces dossiers.
M. Laurent Lafon, président. - Merci d'avoir été très précise dans vos réponses, madame la ministre. Nous n'hésiterons pas à vous solliciter de nouveau.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 00.