COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Jeudi 21 mars 2024

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales du Sénat -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique s'est réunie au Sénat le jeudi 21 mars 2024.

Elle a procédé tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Philippe Mouiller, sénateur, président, de M. Paul Christophe, député, vice-président, de M. Khalifé Khalifé, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Michel Lauzzana et Mme Francesca Pasquini, députés, rapporteurs pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Philippe Mouiller, sénateur, président. - Je souhaite la bienvenue à nos collègues députés. Ce texte, déposé par Francesca Pasquini, adopté par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2023 et par le Sénat le 7 février 2024, était composé initialement de deux articles, dont un introduisant un gage. À l'issue de la navette, seul l'article 1er, devenu article unique, reste en discussion, la suppression de l'article 2 par l'Assemblée nationale ayant été confirmée par le Sénat.

Je crois pouvoir dire que la lecture de cette proposition de loi au sein de chaque assemblée a montré une grande convergence de vues, ce qui devrait nous permettre d'aboutir à un texte commun à l'issue de nos travaux. Nos rapporteurs pourront sans doute le confirmer.

M. Paul Christophe, député, vice-président. - Un excellent travail a été mené, qui devrait nous permettre d'aboutir à un vote favorable et à un texte conforme à l'esprit de nos instances européennes.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur pour le Sénat. - Nous avons la tâche d'examiner un texte auquel ont largement adhéré les parlementaires de nos deux assemblées. La proposition de loi qui vise à interdire les dispositifs de vapotage jetables ou à usage unique a en effet été votée à l'unanimité, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. C'est déjà une victoire dont nous pouvons collectivement nous féliciter.

Pourtant, il ne s'agissait que de la première étape. Il nous revient de préparer la seconde : celle de la notification du texte à la Commission européenne. Cette étape est absolument cruciale, car c'est l'avis de cette institution qui conditionnera la possibilité de faire entrer en vigueur l'interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique que nous avons votée.

Au terme de quinze mois de procédure, la Commission européenne vient de rendre un avis favorable au dossier belge. C'est une nouvelle rassurante pour l'avenir de la proposition de loi que nous examinons, même si elle ne préjuge pas de la décision qui sera rendue pour la France, chaque notification par un État membre devant faire l'objet d'un dossier étayé et circonstancié.

Je rappelle que cette proposition de loi se veut une réponse forte à un double enjeu : d'une part, le risque que la progression de l'usage des puffs fait peser sur la santé de ses utilisateurs et particulièrement des jeunes, directement ciblés par un marketing agressif et décomplexé ; d'autre part, l'impact environnemental majeur de ces nouveaux déchets, pratiquement impossibles à recycler, mais produits en quantité à partir de ressources naturelles rares.

Grâce au travail accompli dans nos deux chambres et au dialogue entretenu avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale, Michel Lauzzana et Francesca Pasquini, que je salue, nous pouvons aborder cette commission mixte paritaire (CMP) dans la sérénité. Je tiens d'ailleurs, mes chers collègues, à vous réitérer dès à présent mes remerciements pour cette collaboration fructueuse. Nos échanges se sont poursuivis à la suite du vote de la proposition de loi au Sénat en février dernier, ce qui a permis de nous concerter rapidement pour nous accorder sur la version du texte à soumettre à la CMP aujourd'hui.

L'article unique de la proposition de loi a pu être enrichi de nos apports respectifs. Nous nous sommes efforcés de le consolider tout au long de la navette parlementaire, en préservant sa cohérence et en restant focalisés sur son unique objet : les puffs.

Pour éclairer chacun avant le vote, je me permettrais simplement d'appeler brièvement l'attention des membres de la CMP sur quatre points importants.

En premier lieu, l'article retient comme définition des dispositifs de vapotage visés par l'interdiction celle qui a été adoptée par le Sénat : deux critères non cumulatifs sont ainsi posés, qui permettent de proposer un texte à la fois agile et englobant. Cette définition s'inspire de celle qui a été envisagée par la Belgique, mais elle va plus loin pour anticiper les évolutions des produits qui ne manqueront pas d'émerger. Plus précise que les seuls termes « d'usage unique » ou de « jetable », elle permet aussi de sécuriser le texte, car la Commission européenne appréciera notamment le risque d'entrave à la libre circulation des marchandises et veillera à ce que l'interdiction soit clairement circonscrite.

En deuxième lieu, le champ de l'interdiction, qui couvrait « la fabrication, la vente, l'offre ou la distribution à titre gratuit », a été élargi à « la détention en vue de la vente, de la distribution ou de l'offre à titre gratuit » et à « la mise en vente de ces dispositifs ».

En troisième lieu, l'inscription dans le texte d'une compétence des agents de la répression des fraudes pour rechercher et constater les infractions à cette nouvelle interdiction résulte d'une réflexion qui a émergé au cours des travaux d'instruction du texte. Elle a trouvé une réponse par un amendement du Gouvernement adopté en séance par le Sénat, que nous n'aurions pas pu présenter en raison de ses conséquences financières. Il nous a paru utile de préserver cette compétence, cantonnée au strict champ du texte, c'est-à-dire aux dispositifs de vapotage à usage unique.

En quatrième lieu, nous proposons de retirer la disposition prévoyant une possibilité d'entrée en vigueur différée dans un délai maximal de six mois, qui avait été adoptée au Sénat. Ce faisant, l'interdiction serait d'application immédiate, dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Le texte qui vous est soumis ce matin est donc le fruit d'un travail de synthèse et traduit une profonde convergence de vues des rapporteurs. J'ai confiance dans la solidité juridique du texte auquel nous sommes parvenus, qui fera, sous réserve de son adoption par la CMP, l'objet d'un examen attentif par la Commission européenne. À l'appui du précédent belge, j'ose croire que, dans six mois au plus, la France pourra se targuer de faire partie des États qui auront ouvert la voie à l'interdiction des dispositifs de vapotage jetables.

Beaucoup reste à faire en faveur de la réduction des risques liés au tabagisme et aux usages des nouveaux produits de la nicotine, mais, avec ce texte, nous nous apprêtons déjà à franchir une étape importante.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Merci de nous accueillir au Sénat afin que nous puissions adopter un texte commun sur notre proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

En novembre 2022, nous déposions ce texte sur le Bureau de l'Assemblée nationale, bientôt cosigné par 168 députés issus de huit groupes politiques différents. Cette proposition de loi a ensuite été inscrite à l'ordre du jour des travaux d'une semaine dite « transpartisane », sur l'initiative de Mme Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Écologiste-NUPES, et de M. Sylvain Maillard, président du groupe Renaissance. Elle a également bénéficié du soutien du Gouvernement, notamment des ministres de la santé successifs : M. François Braun, M. Aurélien Rousseau et Mme Catherine Vautrin.

Nous nous réjouissons que cette proposition de loi ait été adoptée à l'unanimité, tant en commission qu'en séance, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Nos débats ont montré que le Parlement a pleinement conscience du danger que représentent les puffs. Ces dispositifs électroniques contiennent généralement de la nicotine, substance hautement addictive, et ont le plus souvent un parfum alléchant : fruits rouges, chocolat, caramel. Ce sont de véritables pièges destinés à attirer les jeunes dans les griffes de l'industrie du tabac et à les faire passer des puffs aux cigarettes. Rappelons que plus de 42 000 morts par an sont attribuables à des cancers provoqués par la fumée des cigarettes ou de leurs dérivés et que le coût annuel des effets néfastes de ce poison est estimé entre 20 et 26 milliards d'euros par an.

Les puffs représentent également une aberration sur le plan écologique. Elles comptent parmi leurs ingrédients du plastique, du cobalt ou du plomb, et surtout du lithium. Leur mode de production est une catastrophe en matière de gaspillage d'eau et de combustion de pétrole, tandis que leur recyclage et leur réemploi sont presque impossibles, autant par la faute des acheteurs que de la filière elle-même.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je rejoins l'ensemble des propos qui viennent d'être tenus concernant le fléau sanitaire et environnemental que représentent les puffs. Nous avons travaillé en bonne entente, même si nous venons d'horizons différents. Je remercie notre homologue du Sénat pour la grande qualité de nos échanges.

Nous soumettons à la CMP un texte qui conserve les apports successifs de la navette. L'Assemblée nationale a présenté une rédaction claire sur l'exclusion des cartouches et des coordinations d'ordre pénal pour que la nouvelle interdiction puisse être sanctionnée d'une amende de 100 000 euros. Le Sénat a ajouté pour sa part une insertion explicite du fait que seront prohibées à la fois la mise en vente des puffs et la transaction y afférente, ainsi qu'une description détaillée des caractéristiques du liquide et de la batterie et une mention expresse de la compétence des agents de la répression des fraudes.

Nous vous présenterons trois propositions de rédaction, que nous signons conjointement, dans un souci constant de renforcer la sécurité juridique de la proposition de loi. Il s'agit tout d'abord de prévenir les contentieux que ne manqueraient pas d'engager les entreprises voyant disparaître la manne des puffs fabriquées en Chine et vendues à nos adolescents. Ensuite, l'objectif est surtout de mettre toutes les chances de notre côté quant à la notification à la Commission européenne.

En effet, sur le fondement des directives du 3 avril 2014 sur les produits du tabac ou connexes et du 9 septembre 2015 sur divers aspects de la libre circulation des biens et services, la France devra justifier que les puffs, par leur caractère jetable ou à usage unique, présentent une spécificité en matière de santé publique et de positionnement sur le marché. La Commission européenne dispose d'un délai de six mois pour se prononcer, à l'issue duquel seulement nous espérons pouvoir adopter définitivement le texte, soit fin septembre. L'exemple de la Belgique, dont une première tentative d'interdire les puffs en 2022 n'avait pas été validée, mais qui a persévéré et obtenu avant-hier une réponse positive de la Commission européenne, confirme que nous avons eu collectivement raison d'être très rigoureux sur le choix des mots de notre proposition de loi et de ne pas céder à l'envie de déborder sur le sujet des nouveaux produits nicotiniques.

EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION

Article 1er

Mme Francesca Pasquini, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs vise à renuméroter l'article qu'il est proposé de créer à l'alinéa 13, issu d'un amendement du Gouvernement adopté au Sénat et relatif à la compétence des agents de la répression des fraudes pour rechercher et constater les infractions à l'interdiction fixée au nouvel article L. 3513-5-1 du code de la santé publique.

La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs apporte une précision rédactionnelle. Il s'agit d'insérer à l'alinéa 14, dans la rédaction issue des travaux du Sénat, les mots « dernier alinéa du », après le mot « au ».

La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs vise à supprimer le dernier alinéa de l'article 1er, qui permettait de ménager un délai maximal de six mois pour l'entrée en vigueur de la loi à compter de sa publication au Journal officiel. L'idée était de donner de la visibilité aux acteurs, notamment aux buralistes et aux boutiques spécialisées de vapotage.

Toutefois, le délai de six mois d'examen de la proposition de loi par la Commission européenne qui court à compter de la date de sa notification garantit déjà un délai suffisant aux acteurs pour anticiper l'entrée en vigueur de l'interdiction. La suppression de cet alinéa permettra donc une entrée en vigueur immédiate de la loi, au lendemain de sa publication au Journal officiel.

La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

La réunion est close à 10 h 45.