- Mardi 5 mars 2024
- Proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local - Examen des amendements au texte de la commission
- Mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes - Examen du rapport d'information
- Mission d'information sur l'application de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 - Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
- Mercredi 6 mars 2024
- Application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République - Examen du rapport d'information
- Proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission
- Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé - Procédure de législation en commission - Examen du rapport du texte proposé par la commission
Mardi 5 mars 2024
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons ce matin les amendements de séance sur la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. Nous commençons par l'examen des amendements des rapporteurs.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 407 vise à étendre la revalorisation des indemnités de fonction des maires aux adjoints aux maires.
M. André Reichardt. - Qui va assurer le financement de cette revalorisation ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - La collectivité, sachant que nous avons prévu d'élargir le bénéfice de la dotation particulière « élu local » (DPEL) aux communes de moins de 3 500 habitants.
L'amendement n° 407 est adopté.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 408 vise à rendre opérante l'application du principe selon lequel les indemnités de fonction des exécutifs locaux sont par défaut fixées au maximum légal. Il procède par ailleurs à des précisions rédactionnelles et à des mesures de coordination.
L'amendement n° 408 est adopté.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 409 prévoit d'étendre la majoration de la durée d'assurance retraite bénéficiant aux exécutifs des collectivités territoriales à l'ensemble de leurs conseillers bénéficiant d'une délégation de fonctions.
L'amendement n° 409 est adopté.
Article 6
L'amendement de coordination n° 409 est adopté.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 411 prévoit d'étendre aux assemblées de Guyane et de Martinique la faculté de prise en charge des frais de représentation de leur président.
L'amendement n° 411 est adopté.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 412 tend à élargir le bénéfice de la procédure dérogatoire de déclaration des autorisations d'absence auprès de l'employeur aux conseillers municipaux ayant reçu délégation ainsi qu'aux conseillers municipaux ayant été désignés par arrêté municipal pour assurer une astreinte.
L'amendement n° 412 est adopté.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 419 vise à augmenter le nombre d'heures susceptibles d'être compensées par la commune pour les élus municipaux qui exercent une activité professionnelle et ne perçoivent pas d'indemnités de fonction.
L'amendement n° 419 est adopté.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 413 a pour objet d'étendre à l'ensemble des catégories d'élus le statut de l'élu en situation de handicap.
L'amendement n° 413 est adopté.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 414 tend à rendre opérationnel le dispositif de formation dont pourront bénéficier les candidats à un mandat électif local.
L'amendement n° 414 est adopté.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 415 vise à renforcer la protection des élus indemnisés ayant cessé leur activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat et occupant des fonctions exécutives au sein de collectivités territoriales lorsqu'ils se trouvent empêchés d'exercer leur mandat en cas de maladie, de maternité, de paternité, d'accueil de l'enfant, d'adoption ou d'accident.
L'amendement n° 415 est adopté.
L'amendement de coordination n° 416 est adopté.
Article 25
L'amendement de correction n° 417 est adopté.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 418 vise à confier au seul ministre chargé des collectivités territoriales la tâche d'élaborer une certification professionnelle correspondant aux compétences acquises par les élus locaux au cours de leur mandat.
L'amendement n° 418 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 37 rectifié qui concerne une demande de rapport sur l'opportunité de créer un statut d'agent civique territorial. Le sujet est connu dans la mesure où une proposition de loi relative à ce sujet a été déposée ; un rapport n'est donc pas nécessaire. En outre, nous nous considérons que l'élu s'engage bénévolement au service de sa collectivité.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37 rectifié, de même qu'aux amendements nos 90 et 262.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Les élus doivent déclarer chaque année les indemnités qu'ils perçoivent dans les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les départements et les régions. L'amendement n° 315 vise à simplifier la procédure en prévoyant une déclaration unique. Nous aimerions savoir quel en sera le destinataire. Avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 315.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 14 vise à plafonner les indemnités versées aux élus locaux à la hauteur de l'indemnité d'un parlementaire. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements nos 120 et 33 rectifié bis sont contraires à la position de la commission. Nous voulons précisément étendre le dispositif de fixation des indemnités de fonction des exécutifs locaux au maximum légal.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 120 et 33 rectifié bis.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements nos 209 et 321 visent à étendre la possibilité de moduler les indemnités de fonction des conseillers municipaux en fonction de leur participation aux conseils. Dans le cadre de la loi dite « Engagement et proximité », nous avons réservé cette possibilité aux communes de plus de 50 000 habitants. Il convient de laisser de la souplesse aux plus petites communes. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 209 et 321.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 382 vise à supprimer la majoration de la durée d'assurance retraite des élus locaux. Avis défavorable.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - À l'instar de ce qui a été fait pour la retraite des sapeurs-pompiers volontaires, nous prévoyons une bonification.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 382.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 383 du Gouvernement permettra de sécuriser les régimes de retraite constitués par les élus locaux entre 1960 et 1992 en transférant leur gestion à la Caisse des dépôts et consignations. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 383.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 346, car la disposition prévue n'a aucune valeur normative.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 346.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 384 du Gouvernement est contraire à la position de la commission. Nous proposons d'étendre le bénéfice de la DPEL aux communes de moins de 3 500 habitants.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 384.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos 364 et 114 qui visent à étendre le bénéfice de la DPEL à toutes les communes de moins de 10 000 habitants. Cette dotation, qui est à enveloppe constante, est réservée spécifiquement aux communes rurales. Avis également défavorable à l'amendement n° 115 qui, au contraire, limite le bénéfice de la DPEL aux communes de moins de 2 000 habitants.
Nous nous sommes référés au seuil de 3 500 habitants qui existe déjà pour d'autres dispositifs et nous semble équilibré.
M. Alain Marc. - Toutefois, l'impact financier n'est pas le même pour une commune de 1 000 habitants, de 3 500 habitants et de 10 000 habitants. Plus la commune est importante, moins lourde est la charge des indemnités de fonction pour son budget.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - La taille de la commune n'est pas significative de sa richesse. Nous souhaitons être raisonnables et réalistes en proposant l'élargissement de la DPEL à 3 500 habitants.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 364 et 114, de même qu'à l'amendement n° 115.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos 121 et 122 qui visent à majorer deux des trois parts que comporte la DPEL. Or il s'agit d'une enveloppe fermée. Par conséquent, l'augmentation des parts au bénéfice des petites communes aura pour effet de diminuer le montant de l'allocation alloué aux autres communes. Pour notre part, nous préférons défendre une augmentation globale de la DPEL lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 121 et 122, de même qu'aux amendements nos 100 et 99.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Nonobstant l'importance du sujet, notre avis est défavorable à l'amendement n° 345 et aux amendements identiques nos 12 rectifié bis et 349, qui prévoient une demande de rapport sur la santé des élus municipaux.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 345 et aux amendements identiques nos 12 rectifié bis et 349.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - La disposition prévue par l'amendement n° 210 nous semble satisfaite. Avis de sagesse malgré tout.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 210.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Là encore, la disposition prévue par l'amendement n° 171 nous semble satisfaite. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. Philippe Bas. - Il s'agit d'une précision rédactionnelle concernant la prise en charge des frais spécifiques des élus en situation de handicap. Même si cette prise en charge est prévue par la loi, elle est en pratique refusée à de nombreuses personnes en situation de handicap dans certains cas. C'est pourquoi il me semble important de mentionner expressément « les groupements de collectivités territoriales dont est membre la commune ». Si vous pouviez revoir votre avis, monsieur le rapporteur...
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Cela figure déjà dans la loi.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Cet amendement procède du même esprit que l'amendement de M. Benarroche concernant la non-prise en charge par certaines collectivités des frais liés au covoiturage ou aux transports en commun. Nous vérifierons la rédaction des textes en vigueur. Pour l'heure, nous émettons plutôt un avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 171.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 402 comprend des mesures intéressantes, mais ne reprend pas une partie des avancées que nous avons proposées. En conséquence, notre avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 402.
Après l'article 5
L'amendement n° 61 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Il faudrait consacrer un titre du code général des collectivités territoriales (CGCT) aux dispositions regroupant les dispositions statutaires applicables aux titulaires d'un mandat électif local et non les rassembler dans une circulaire, comme le prévoit l'amendement n° 169. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. André Reichardt. - Il s'agit d'un amendement d'appel pour interroger le Gouvernement sur ce sujet.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 169 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 155 sous réserve de rectification pour rendre le dispositif identique à celui qui a été retenu par la commission s'agissant de l'extension aux assemblées de Guyane et de Martinique de la faculté de prise en charge des frais de représentation du président.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 155, sous réserve de rectification.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Les amendements nos 26 et 127 rectifié visent à permettre le recours aux outils de visioconférence pour les réunions du conseil municipal. Nous avons autorisé ces outils pour les commissions d'un conseil municipal ou communautaire sous réserve que les conditions d'exercice soient précisées par le règlement intérieur. Nous sommes opposés au recours à la visioconférence pour les réunions du conseil municipal, du conseil communautaire et des commissions d'appels d'offres, considérant qu'il s'agit de lieux de décision. Il importe de conserver ces lieux de débat pour ne pas dévitaliser la démocratie locale. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 26 et 127 rectifié.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Les amendements nos 128 rectifié, 17, 338 et 4 prévoient la possibilité de recourir à la visioconférence pour un membre du conseil municipal empêché professionnellement. Nous sommes attachés à la présence physique des membres des assemblées délibérantes. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 128 rectifié, 17, 338 et 4, de même qu'aux amendements identiques nos 52 rectifié bis, 137, 142, 195, 215 et 356.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 18 qui a pour objet d'autoriser les maires à afficher une cocarde tricolore sur leur véhicule. Cette disposition relève du domaine réglementaire.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 25 rectifié prévoit la revalorisation du montant de l'abattement fiscal spécifique aux élus locaux des communes de moins de 3 500 habitants. Le texte prévoit déjà des mesures tendant à revaloriser le statut de l'élu local, qu'il s'agisse des indemnités, de la retraite ou encore de la formation. Nous reconnaissons le droit à la différenciation, mais cette disposition nous semble déséquilibrée avec le reste du texte. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25 rectifié.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 54 qui a trait à l'assimilation du temps d'absence légale à une durée effective de travail pour la détermination des droits aux prestations sociales. Avis également favorable aux amendements nos 323 et 287 sous réserve de rectifications pour assurer une meilleure insertion de la disposition proposée dans le code du travail.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 54, de même qu'aux amendements nos 323 et 287, sous réserve de rectification.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 304 : si nous sommes favorables à un regroupement des dispositions applicables au statut de l'élu, il n'est pas pertinent de n'en reprendre qu'une partie pour les intégrer dans le code du travail.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 304, de même qu'à l'amendement n° 376.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 118 soulève une véritable question, mais celle-ci requiert une réflexion plus approfondie. En outre, sa portée est trop large. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 118 et, à défaut, y sera défavorable.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 387 est contraire à la position de la commission, qui souhaite procéder à une harmonisation du congé pour l'ensemble des élections.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 387.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 112. Une harmonisation à vingt jours du congé électif pour toutes les élections semble suffisante.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 112.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis également défavorable à l'amendement n° 340 prévoyant l'obligation pour l'employeur de ne pas déduire des congés payés les jours d'absence au titre du congé électif, dans la limite de cinq jours. Les salariés ne sont pas tenus de prendre les vingt jours : il s'agit d'une durée maximale.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 340.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 187 s'il est rectifié pour l'extension du bénéfice du congé électif aux candidats au conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 187, sous réserve de rectification.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 213, car le dispositif proposé est trop ciblé et sa portée trop restrictive.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Les salariés du secteur privé et de la fonction publique bénéficient d'un dispositif d'aide pour s'engager dans un mandat électif. Cet amendement concerne les chefs d'exploitation agricole et les commerçants qui rencontrent en la matière de vraies difficultés. Toutefois, la question de la création d'un abattement fiscal en cas de mise en location-gérance exige une étude d'impact.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - C'est l'une des modalités possibles.
M. Guy Benarroche. - Je suis ouvert à vos suggestions, car ce problème n'est pas traité dans le texte. Ayons une réflexion commune sur ce sujet.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 213.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 388. S'il contient des mesures intéressantes, il ne prend pas en compte les avancées que nous avons votées.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 388.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos 254 et 282, car la rédaction retenue revient sur l'équilibre auquel nous sommes parvenus.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 254 et 282.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 69 qui est contraire à la position de la commission et à l'esprit de la proposition de loi.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 69.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements identiques nos 8 rectifié bis, 55, 96, 113, 203, 252 et 305 prévoient une extension extrêmement large du champ des autorisations d'absence, ce qui remet en cause l'équilibre que nous avons trouvé. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 8 rectifié bis, 55, 96, 113, 203, 252 et 305, de même qu'à l'amendement n° 182 rectifié.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement no 218 est contraire à la position de la commission, qui a restreint le champ de la procédure spéciale aux exécutifs locaux, qui sont les plus mobilisés en cas de situation de crise ou d'urgence. Nous avons voté un amendement pour que les conseillers délégués ou les conseillers désignés pour assurer une astreinte puissent en bénéficier.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 218.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 271 rectifié, sous réserve de rectification.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 290 tend à introduire la mention « absence d'élu de la République » sur le bulletin de paie des salariés élus bénéficiant d'absences légales. Nous comprenons l'objectif que poursuit l'auteur de cet amendement, mais cette solution ne nous semble pas pertinente d'autant que le bulletin de paie est personnel. Sagesse.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - On voit bien l'intention louable et symbolique que sous-tend cet amendement. Toutefois, l'adoption de cet amendement obligerait les collectivités à changer de logiciel de paie. De même, les éditeurs de ces logiciels devraient également apporter ce correctif. De plus, cette disposition ne relève pas de la loi.
Mme Cécile Cukierman. - Pourquoi cet amendement ne tombe-t-il pas sous le coup de l'article 40 de la Constitution en ce qu'il crée des dépenses supplémentaires ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement procède à un changement d'appellation.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 290.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements identiques nos 84, 107 et 302 ont pour objet de permettre à l'employeur de rémunérer les temps d'absence des élus. Cette disposition est déjà intégrée dans le texte issu des travaux de la commission. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait des amendements identiques nos 84, 107 et 302 et, à défaut, y sera défavorable.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 56 tendant à assimiler les temps d'absence des élus à une durée de travail effective est déjà satisfait par le droit en vigueur. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 56.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements nos 91 et 92 prévoient de supprimer l'obligation d'ancienneté d'un an pour bénéficier d'une suspension de contrat de travail. Or, le dispositif que nous avons retenu apparaît équilibré en l'état. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 91 et 92.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 46 rectifié, aux amendements identiques nos 85, 284, 297 et 352 ainsi qu'aux amendements nos 97 et 251 concernant l'assimilation des temps d'absence des élus à une durée de travail effective pour l'octroi des avantages sociaux. Le droit a déjà été clarifié sur ce point. C'est un problème qui se pose avec l'employeur.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46 rectifié, aux amendements identiques nos 85, 284, 297 et 352 et aux amendements nos 97 et 251.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 29 et les amendements identiques nos 58, 293, 298, 306 et 353 prévoient l'extension du statut de salarié protégé aux élus locaux. Même si nous pouvons comprendre l'objectif sous-tendu par ces amendements, mesurons les conséquences de cette mesure. L'employeur ne peut licencier un salarié protégé qu'après avis de l'inspection du travail. Cette disposition risque d'être un frein à l'embauche. De plus, elle pourrait créer un climat délétère entre les salariés qui subissent les absences des collègues. D'ailleurs, je ne sais pas combien de salariés élus ont été licenciés pour justifier ce statut de salarié protégé. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29 et aux amendements identiques nos 58, 293, 298, 306 et 353, de même qu'à l'amendement n° 223.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 51 rectifié quinquies qui concerne une demande de rapport relatif aux élus locaux travailleurs transfrontaliers. Cette question a été mise en lumière par notre collègue Mathieu Darnaud dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France. Examinons-la dans un autre cadre que celui d'un rapport. Avis défavorable.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - C'est un véritable problème dans certains territoires.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51 rectifié quinquies.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'article 10 vise à créer le label « Employeur partenaire de la démocratie locale » pour faciliter la vie des salariés élus et encourager les salariés à s'engager dans la vie locale. L'amendement n° 219 a pour objet de conditionner l'attribution de ce label à un minimum d'autorisations d'absences exceptionnelles. N'ajoutons pas des contraintes. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 219.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 390 vise à supprimer l'application du label en Polynésie française afin de ne pas empiéter sur les compétences fiscales de ce territoire prévues par son statut particulier. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 390.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 288 prévoit que les préfets adresseront un courrier aux entreprises employant un élu local. Ne créons pas de nouvelles difficultés. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 288.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 93 tend à octroyer un temps partiel de droit, spécialement aménagé pour le salarié titulaire d'un mandat électif local. Nous ne pouvons pas contraindre l'entreprise à être dépendante de la vie municipale. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 93.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 71 tend à supprimer l'entretien professionnel. L'objectif n'est pas d'évoquer l'engagement politique de l'élu local. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 71.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 188, sous réserve de rectification.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 172 prend en compte la qualité d'élu local lors de l'entretien professionnel annuel des fonctionnaires, par analogie avec le secteur privé. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 172.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 221, car il est moins-disant et serait de nature à créer une rupture d'égalité avec les autres candidats.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 221.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :
La réunion, suspendue à 10 h 20, est reprise à 14 h 10.
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, et de M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture -
Mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes - Examen du rapport d'information
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Après neuf mois de travaux, nous avons l'honneur, avec François-Noël Buffet, de vous présenter aujourd'hui les conclusions de la mission conjointe de contrôle sur les pressions, menaces et agressions dont sont victimes les enseignants et les équipes administratives des établissements scolaires, que vous avez bien voulu nous confier en juin dernier.
Vous le savez, cette mission a vu le jour à la suite d'un courrier adressé par Mickaëlle Paty, la soeur de Samuel Paty, au président du Sénat. L'audition de celle-ci, devant nos deux commissions, fut d'ailleurs un moment particulièrement marquant des travaux menés ces derniers mois.
Ces travaux nous permettent aujourd'hui de dresser un constat sans appel : l'école de la République est en danger !
L'institution scolaire continue certes à jouer un rôle central dans la transmission des valeurs de la République ; c'est d'ailleurs l'une des missions que lui confie la loi, avec la transmission des connaissances. Mais on constate, ces dernières années, une hausse alarmante du nombre de remises en cause de ces valeurs, que ce soit par l'intermédiaire de contestations d'enseignement comme à l'occasion de la vie quotidienne des établissements.
À cet égard, il me semble important de souligner deux points. D'une part, les contestations d'enseignement ne se limitent pas à quelques matières identifiées depuis longtemps, comme l'histoire-géographie ou les sciences de la vie et de la terre (SVT) : la quasi-totalité des disciplines fait désormais l'objet de contestations. On nous a ainsi donné des exemples de remises en cause intervenues à l'occasion de cours de musique, de dessin, de lettres, de sport, ou encore de sciences économiques et sociales.
Par ailleurs, tout établissement scolaire peut y être confronté. Près d'un quart des enseignants du secondaire dans des territoires ruraux ont indiqué avoir observé au moins une contestation d'enseignement au cours des années scolaires 2021-2022 et 2022-2023. Cette proportion est la même dans les établissements plus favorisés.
Au-delà d'une approche par matière ou par territoire, nous avons été surpris de constater le décalage existant entre le principe de laïcité tel que voulu par les institutions et sa perception par ceux auxquels il s'applique. Censée garantir la stricte neutralité dans l'espace scolaire et participer à l'idéal émancipateur de l'école, la laïcité est perçue par un nombre désormais élevé et croissant d'élèves comme une interdiction et un principe conçus contre les religions. Plus grave, la défense de la laïcité se délite aussi chez les adultes des établissements, par manque de connaissance, voire de conviction !
Certains jeunes enseignants s'interrogent sur l'utilité de la laïcité et de l'application de règles spécifiques en milieu scolaire. À l'instar d'une partie de la société, ils ont été bercés par l'émergence de termes tels que « laïcité ouverte » ou « laïcité plurielle ». Il n'est d'ailleurs pas rare qu'ils assimilent purement et simplement laïcité et tolérance !
Certes, la laïcité et les valeurs de la République ont été désignées par le ministère comme une priorité nationale. Mais nos travaux nous ont permis de constater qu'elles restent malgré tout des non-dits au quotidien dans les établissements scolaires, sauf en cas de problème. Nous estimons qu'il est donc urgent de passer d'une position défensive à sa promotion par l'intermédiaire d'une démarche proactive. Pour cela, nous avons identifié quatre axes.
Il s'agit, tout d'abord, de permettre au ministère de l'éducation nationale de reprendre la main sur la formation initiale des enseignants.
L'enjeu est à la fois double et crucial. Il faut, d'une part, s'assurer de l'adéquation entre cette formation initiale et les attentes du futur employeur sur ce que doit être un « enseignant aujourd'hui ». Mais il importe également que cette formation corresponde aux réalités du terrain. Je prendrai un seul exemple : un jeune enseignant nous a indiqué ne pas avoir été formé dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) à la gestion des conflits avec les parents, mais seulement à la gestion des conflits avec les élèves. Dans la situation actuelle, ce n'est plus acceptable !
Nous proposons également d'accentuer les efforts concernant la formation continue.
Le ministère s'est fixé un objectif ambitieux : former l'ensemble de ses personnels à la laïcité en cinq ans. Un vaste plan de formation est en cours de déploiement et rencontre de premiers résultats positifs. Mais, selon les académies, il existe d'importantes différences entre les taux de formation continue des personnels. Il convient d'y mettre un terme !
Par ailleurs, la promotion de la laïcité ne peut plus être portée par les seuls personnels traditionnellement en prise, au quotidien, avec sa remise en cause : je pense notamment aux conseillers principaux d'éducation (CPE) ou aux enseignants d'histoire-géographie. Il faut au contraire renforcer la culture collective au sein de l'établissement sur cette thématique.
Enfin, il est nécessaire de combler les « trous dans la raquette » dans l'application de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. En 2022, une très forte augmentation du nombre d'élèves portant une abaya ou un qamis a été constatée. L'interdiction de ces vêtements à la rentrée 2023, à la suite d'une décision du ministre, était bienvenue. La clarté du message politique a d'ailleurs été saluée par l'ensemble des chefs d'établissement que nous avons rencontrés et qui souhaitaient que leur soit adressé un message clair et simple.
Il semble néanmoins important de prendre en compte l'esprit de cette loi et d'inclure les événements auxquels participent les élèves, y compris en dehors du temps scolaire. Je pense aux sorties scolaires le soir - par exemple, une pièce de théâtre -, ou encore à la remise d'un prix pour un concours organisé par l'éducation nationale ou en partenariat avec celle-ci.
Le champ de nos investigations ne s'est pas limité à la remise en cause de la laïcité, qui ne constitue qu'une partie des menaces dont font l'objet les enseignants, comme ceux d'entre vous qui ont participé aux auditions ont pu le constater. De manière générale, il semble que la violence soit endémique à l'école. La problématique n'est pas nouvelle : le premier plan de lutte contre celle-ci date de 1989. Mais elle connaît, ces dernières années, une ampleur croissante et généralisée. Pendant longtemps épargné, le premier degré est désormais touché.
Pour bien saisir l'ampleur du phénomène, il est important de s'intéresser aux nombres absolus. En effet, le recours aux pourcentages, porte d'entrée traditionnelle du ministère, tend à en minimiser la portée.
En 2021 , 3 % des enseignants du premier degré ont déclaré avoir fait l'objet d'une bousculade intentionnelle ou de coups et blessures ; cela représente 11 200 enseignants. Dans le second degré, en 2019, 17 200 enseignants déclaraient avoir été victimes de bousculades intentionnelles ou de coups et blessures, et 37 700 avoir reçu des menaces avec ou sans objet dangereux. Enfin, 0,2 % des enseignants des collèges et lycées déclarent avoir été menacés avec une arme : cela représente plus ou moins 900 enseignants, soit 9 par département, ou encore 3 à 4 enseignants ainsi menacés chaque semaine de cours. Ces chiffres sont loin d'être anecdotiques ! Pour reprendre les mots d'une personne auditionnée, « les agressions sont désormais quotidiennes et constituent une anormalité dans la normalité ».
Nouvelle forme de violence, les réseaux sociaux amplifient les menaces dont sont victimes les enseignants. Aujourd'hui, tout agent public de l'éducation nationale peut se retrouver désigné à la vindicte populaire à la suite d'un message posté par un élève, un parent d'élève ou même un tiers.
L'explosion du nombre de pressions et de menaces intervient dans un contexte d'isolement traditionnel des enseignants ; c'est la figure du professeur seul face à sa classe. D'ailleurs, moins de 60 % des enseignants du secondaire public ont l'impression de faire partie d'une équipe. Or, aujourd'hui, cet isolement assumé s'est transformé en solitude pesante.
Les parents y ont leur part de responsabilité : la coéducation prônée par les textes a progressivement été dévoyée. L'école se retrouve alors écartelée entre, d'une part, des parents dépassés qui en demandent de plus en plus à l'école et, d'autre part, des parents trop intrusifs. Ceux-ci somment les enseignants de s'expliquer sur les notes données à leurs enfants, les choix de documents pédagogiques, ou contestent les punitions. Certains enregistrent les conversations avec les enseignants ou le personnel administratif pour pouvoir ensuite les utiliser comme preuve contre eux. Il n'est plus rare pour les chefs d'établissement de recevoir des courriers d'avocats remettant en cause une sanction disciplinaire prononcée contre un élève. La situation est telle que des enseignants et des personnels administratifs nous ont indiqué ne plus recevoir d'élèves ou de parents sans témoin.
Se pose bien entendu la question du soutien des enseignants par leur hiérarchie, un sujet qui est apparu au grand jour sous les termes « pas de vague » il y a plus de sept ans. Ce qui frappe surtout, c'est la profonde coupure entre les agents de l'éducation nationale dans les établissements scolaires et ceux qui travaillent dans les services centraux ou au rectorat.
Cette augmentation du nombre de contestations, le manque de formation conduisant à un sentiment de malaise pour aborder certains sujets, ce sentiment d'absence de soutien de leur hiérarchie expliquent sans doute la hausse du nombre d'enseignants qui déclarent s'autocensurer : 56 % d'entre eux dans le secondaire ont déclaré l'avoir fait en 2021 pour éviter de possibles incidents sur les questions de religion, contre 36 % en 2018.
Enfin, les enseignants ont été profondément ébranlés par les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard. Il existe désormais une peur : le passage à l'acte à la suite d'une menace verbale est désormais perçu comme une éventualité. Ce constat appelle plusieurs axes d'action.
Tout d'abord, il convient d'apporter une réponse cohérente et systématique face à tout acte commis contre un personnel de l'éducation nationale. Une menace contre un personnel doit faire l'objet de la même réponse dans tous les établissements scolaires. Pour cela, nous proposons qu'il y ait un partage, à l'échelle nationale, du registre des sanctions que doit tenir chaque établissement, et qui recense de façon anonyme les sanctions prononcées avec l'énoncé et les circonstances des faits.
Ensuite, les élèves hautement perturbateurs doivent être mieux pris en charge, au sein de structures d'accueil dédiées. Il en existe quelques-unes à l'échelle du territoire, comme les classes ou internats relais. Il convient d'augmenter leur nombre.
Il faut également responsabiliser les parents et leur rappeler le respect qu'ils doivent, ainsi que leurs enfants, à l'institution scolaire. Pour ce faire, nous proposons une information systématique, en début d'année, sur les prérogatives de l'enseignant et le caractère obligatoire des programmes. Je tiens à le dire avec force : les programmes ne se discutent pas au sein de l'établissement scolaire ; ils s'appliquent ! Cette information se concrétiserait par la signature d'une charte des parents.
Par ailleurs, nous souhaitons faciliter le recours au protocole d'accompagnement et de responsabilisation. Ce document, qui indique l'engagement des parents pour faire évoluer le comportement de leur enfant, ne peut aujourd'hui être mis en place qu'après la deuxième exclusion définitive au cours d'une même année scolaire. Nous proposons sa signature dès la première exclusion.
Enfin, le non-respect répété des règles de vie collective par l'élève et des engagements pris par les parents dans le cadre de ce protocole pourrait faire l'objet d'une sanction pénale, comme c'est le cas pour le non-respect de l'obligation d'assiduité scolaire.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, rapporteur. - Ce qui m'a le plus frappé lors des travaux menés par notre mission, notamment lors de nos déplacements sur le terrain, c'est la solitude des membres du personnel éducatif face à un quotidien marqué par les tensions, voire les conflits. Leur isolement n'a probablement d'égal que leur engagement au service de leurs élèves et de l'école de la République.
Créer les conditions d'une réponse collective de la communauté éducative aux violences, afin qu'aucun de ses membres ne connaisse le terrible isolement dont Mme Mickaëlle Paty nous a dit qu'il avait marqué les derniers jours de son frère, est l'un de nos objectifs, sinon le premier d'entre eux.
Comme l'a rappelé le président Lafon, les enseignants et l'ensemble du personnel éducatif sont aujourd'hui confrontés à des formes très variées de pressions et d'agressions, allant de l'insulte misogyne à l'agression physique, en passant par la menace et la contestation de certains enseignements. S'ajoutent à cette violence du quotidien, dont les chiffres sont vertigineux, les actes de terrorisme islamique dont l'actualité récente a, hélas, donné un nouvel exemple. Ce terrorisme est lui-même en train de se banaliser : en témoigne la diffusion de l'usage, par certains élèves, de la menace proférée à un enseignant de lui « faire une Paty » - usage d'autant plus choquant qu'il est parfaitement conscient et assumé.
La montée de revendications identitaires et communautaires, de manifestations de l'islam radical et de certaines nouvelles formes de spiritualité ne doit pas non plus être ignorée. Elle est favorisée par l'effet amplificateur et déstabilisateur des réseaux sociaux, à l'origine de défis et de rumeurs qui sont autant de provocations instrumentalisées par des groupes de pression.
Au sein des établissements, c'est l'ensemble du personnel qui est susceptible d'être touché par cette violence. Les enseignants sont naturellement et malheureusement en première ligne. Il faut également mentionner les chefs d'établissement, pris à partie directement par les parents qui surgissent de manière inopinée dans leur bureau ; les conseillers principaux d'éducation face à qui les élèves, et de plus en plus leurs parents, contestent le bien-fondé d'une sanction ; les surveillants, qui se trouvent au coeur de la mêlée des cours de récréation ; les agents d'accueil, personnels des collectivités territoriales qui, depuis leur loge, sont souvent au contact direct de la rue et donc très vulnérables face à des parents d'élèves, voire à des personnes parfaitement extérieures à l'établissement, qui souhaiteraient entrer à tout prix pour « s'expliquer » avec un membre de l'équipe pédagogique ou administrative, ou « régler des comptes » avec un élève. Dans ces conditions, il faut une réponse ambitieuse, globale et rapide. Il incombe aux pouvoirs publics d'apporter à l'ensemble des membres du personnel éducatif une protection qui soit à la hauteur des risques et des dangers qu'ils encourent désormais par le simple exercice de leur profession.
La réaffirmation des valeurs de la République, d'une part, et de l'autorité de l'institution scolaire, d'autre part, constitue un enjeu essentiel afin de mieux prévenir les agressions.
J'insisterai également sur la nécessité, pour traiter plus efficacement les agressions, d'améliorer la coordination entre les services de l'éducation nationale, les forces de sécurité intérieure et l'autorité judiciaire. Il est vrai que l'assassinat de Samuel Paty a entraîné une certaine prise de conscience de la part des pouvoirs publics, qui s'est notamment traduite par l'instauration de sanctions renforcées et de procédures de signalement accélérées.
Pour autant, des efforts peuvent et doivent encore être faits pour améliorer la sécurité des établissements scolaires et de leurs abords ; fluidifier et accélérer les procédures administratives et judiciaires ; faciliter la transmission d'information entre les acteurs clés.
S'agissant du premier point, il est évident que la prévention des violences en milieu scolaire nécessite de tenir compte de l'environnement de l'établissement. Il est clair, à ce titre, que le climat général de violence dans certaines parties du territoire se reflète dans la banalisation de la violence entre les élèves et le niveau d'irrespect et de violence verbale, voire physique, à l'encontre des adultes. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire, pour mieux prévenir les agressions à l'encontre du personnel, d'impliquer davantage les forces de police et de gendarmerie dans la sécurité des abords des établissements scolaires. Les partenariats noués entre les communes et les établissements scolaires se révèlent particulièrement efficaces pour permettre un déploiement rapide de la police municipale aux abords de l'établissement dès que la situation l'exige. Nous proposons de généraliser ces coopérations.
S'agissant du deuxième point, qui concerne les procédures administratives et judiciaires, il faut veiller à ce que les agents victimes d'agressions ou de menaces ne soient pas soumis à une double peine : celle, en plus de l'agression en elle-même, d'une procédure judiciaire excessivement complexe, longue et opaque.
Aujourd'hui, un certain nombre d'éléments relatifs à la procédure de dépôt de plainte peuvent dissuader l'agent victime de se rendre au commissariat - peur, méconnaissance de la démarche, crainte des conséquences. Afin de garantir le dépôt de plainte effectif des agents, nous recommandons que l'administration puisse déposer plainte elle-même, en lieu et place de l'agent concerné.
Par ailleurs, il importe de ne pas laisser l'agent victime dans l'incertitude des suites données à sa plainte. Les auditions ont révélé combien la communication était excessivement lente, lorsqu'elle n'est pas franchement inexistante. De façon liée, les délais entre le dépôt de plainte et l'audience sont également source de frustration et d'incompréhension pour les agents victimes de violences ou de menaces. De plus, ils contribuent à nourrir le sentiment d'impunité des auteurs de menaces et d'agressions à l'encontre du personnel éducatif. C'est pourquoi nous invitons à réduire ces délais, afin que l'audience puisse, dans la plupart des cas, intervenir dans l'année scolaire suivant la date de commission des faits.
Enfin, il ressort des travaux de la mission que la protection fonctionnelle ne joue pas pleinement son rôle auprès des membres du personnel éducatif victimes de violences du fait des élèves ou de tiers. Certes, le taux d'octroi par l'administration s'élève à 80 % des demandes. Mais il ne faut pas méconnaître la part des agents qui ne font aucune demande soit par méconnaissance de leurs droits, soit par découragement.
Dans ces conditions, nous proposons de rendre automatique la protection fonctionnelle pour les agents victimes de violences ou de menaces de la part des élèves ou de tiers, sachant que l'administration aurait la faculté de la retirer dans un second temps si elle estimait que les conditions ne sont pas remplies.
J'en viens au troisième point : l'enjeu que constitue la transmission des informations liées aux signalements entre l'éducation nationale, l'autorité judiciaire et les services de renseignement.
Même si des progrès ont été réalisés à la suite de l'assassinat de Samuel Paty, l'éducation nationale et la justice évoluent encore trop souvent en parallèle, avec des procédures et des méthodes de travail distinctes. En particulier, le volume des signalements qui viennent des services de l'éducation nationale et parviennent aux parquets est important ; mais surtout, ceux-ci ne sont pas toujours aisément exploitables par les parquets. C'est pourquoi nous préconisons la généralisation des conventions entre les parquets et les directions académiques, afin de formaliser ces signalements et de permettre ainsi leur traitement efficace et rapide par les parquets.
Plus largement, c'est la connaissance par les parquets du rôle des établissements scolaires, et réciproquement, qui mériterait d'être améliorée. L'approfondissement du dialogue entre les réseaux miroirs que constituent les référents académiques pour la justice, d'une part, et les magistrats référents de l'éducation nationale, d'autre part, constitue un levier possible.
Pour finir, il nous faut nous pencher sur le cas particulier de la menace terroriste et de la radicalisation en milieu scolaire. Depuis l'attentat d'octobre 2020, le dialogue entre la direction nationale du renseignement territorial (DNRT) et l'éducation nationale semble s'être fluidifié, avec un circuit d'information désormais bien établi. Pour autant, ce circuit est aujourd'hui mis à l'épreuve par l'augmentation du nombre de signalements portés à la connaissance des services de renseignement par les chefs d'établissement ; là aussi, il est essentiel d'améliorer la qualité des signalements.
Par ailleurs, il nous apparaît indispensable, pour des enjeux de sécurité publique évidents, que les services des renseignements territoriaux aient accès aux éléments de la procédure judiciaire en cours.
Nous tâchons d'être concrets et opérationnels pour répondre aux attentes des personnels de l'éducation nationale. L'ensemble de la communauté éducative est aujourd'hui en difficulté. Dans les établissements que nous avons visités, nous avons constaté une montée de l'islam radical. Quant aux enseignants, ils ont une conception de la laïcité différente selon la génération à laquelle ils appartiennent.
M. Max Brisson. - L'école n'est plus « l'asile inviolable » dont parlait Jean Zay puisque la violence de la société y est entrée. Par ailleurs, elle n'assume plus sa mission première : transmettre le principe de laïcité.
Vos préconisations, messieurs les rapporteurs, sont concrètes et opérationnelles, et je les approuve largement. Mais il faut poser un préalable indispensable : le pays doit dire de nouveau à l'école ce qu'il attend d'elle et quelle mission il lui confie. Il faut un discours clair et ferme en matière de laïcité, que nous n'avons pu entendre à cause du « zigzag » des derniers ministres de l'éducation nationale. L'école a aussi besoin de moyens qui lui soient propres.
Vos préconisations permettront-elles de réaffirmer que la mission première de l'école est la transmission de la laïcité. Permettront-elles et de protéger les chefs d'établissement, les enseignants, l'institution scolaire, les élèves ? L'école a le droit d'être protégée !
J'approuve la recommandation n° 7, « rendre la main à l'éducation nationale pour la formation des enseignants en ne faisant plus dépendre la formation initiale de l'université ». L'éducation nationale doit en effet reprendre la main en termes de formation au principe de laïcité. Contrairement à ce qu'ont dit les formateurs des Inspé que nous avons auditionnés, la laïcité n'est pas un concept que l'on peut interpréter, une valeur variant selon les croyances de chacun, un marqueur de tolérance et de bienveillance, mais un principe intangible de notre République sur lequel s'est fondé notre vivre-ensemble : l'affirmation d'une stricte neutralité.
La recommandation n° 9, par laquelle vous proposez de faire signer aux parents une « charte des parents » me semble essentielle. Il convient de rappeler à ceux-ci que les professeurs sont des experts, qu'ils sont des fonctionnaires de l'État et que les programmes ne se discutent pas, mais s'appliquent. L'école n'est pas à la carte ! J'aurais souhaité que l'on prévoie un contrat d'engagement réciproque, mais cela ne semble pas juridiquement possible en l'état du droit.
Je suis plus hésitant s'agissant de la journée d'hommage prévue dans la recommandation n° 1. Je considère, pour ma part, que la laïcité se transmet en classe, au travers des programmes d'enseignement moral et civique (EMC) et d'histoire.
Pour ce qui concerne la protection de l'école, j'approuve toutes les recommandations relatives à l'harmonisation des sanctions, la transmission rapide des signalements, l'information des autorités académiques, la sécurisation des établissements, l'accompagnement des chefs d'établissement et des professeurs. Mais l'école a-t-elle aujourd'hui les moyens d'affirmer l'autorité du professeur et du chef d'établissement. A-t-elle les moyens d'empêcher de nuire ceux qui veulent la déstabiliser ? Il faut s'interroger sur la composition des conseils de discipline et des conseils de classe, au sein desquels la place des professeurs est de plus en plus réduite, et redonner des prérogatives à ces instances.
Les propositions relatives aux protocoles d'accompagnement vont dans le bon sens, mais il faut aller plus loin. Des élèves et des parents d'élèves qui veulent perturber, voire détruire, l'école de la République n'y ont pas leur place !
Mme Marie-Pierre Monier. - Lorsque nous avons entamé les travaux de cette mission, les attentes étaient très fortes. Nous ne pouvions prévoir que l'inimaginable se reproduirait, avec l'assassinat de Dominique Bernard. Les conclusions auxquelles aboutissent les rapporteurs sont-elles à la hauteur de ces attentes ? J'ai ressenti un malaise au fil de nos auditions face à une institution scolaire et à des membres ou ex-membres du Gouvernement ayant du mal à concevoir l'ensemble du problème.
Ce rapport fera oeuvre utile en permettant une nouvelle appréhension de ce phénomène et en avançant des solutions concrètes pour protéger et accompagner les professeurs. Je pense notamment à la recommandation relative à l'automaticité de la protection fonctionnelle pour les agents de la communauté éducative - c'est un signal fort -, ainsi qu'à la facilitation et au renforcement de l'information en matière de suivi des dépôts de plainte.
La protection fonctionnelle prend essentiellement la forme d'un accompagnement juridique. Il nous faut veiller à ce que les solutions recouvrent aussi la sécurisation des agents concernés - mise à l'abri ou en sécurité - en cas de menace imminente.
La sécurisation des établissements scolaires en liaison étroite avec les forces de l'ordre et les collectivités territoriales est une proposition qui va dans le bon sens.
L'équilibre général du rapport n'est cependant pas satisfaisant. Les recommandations constituent une réponse relevant de la répression et de l'autorité, lesquelles prennent le pas sur la pédagogie, la prévention, l'accompagnement des élèves et des familles. Ce tout-sécuritaire est de nature à renforcer la défiance entre élèves et corps enseignant, plutôt qu'à renouer le lien.
Nous sommes défavorables à la création d'une sanction pénale pour le non-respect répété des règles de fonctionnement de la vie collective des établissements, ainsi qu'à la création de structures d'accueil pour les élèves hautement perturbateurs ou plusieurs fois exclus. Serait-ce le retour des maisons de correction ? Regrouper ces élèves dans un même lieu fermé risque d'augmenter leur rejet du système. Quels professeurs voudraient enseigner dans de tels établissements, dont le principe est en contradiction avec l'esprit de l'école de la République ?
Quant à la simplification des procédures des conseils de discipline, ne remettra-t-elle pas en cause l'équilibre actuel du processus de prise de décision ?
L'installation de caméras aux abords des établissements sans autorisation du conseil d'administration pose quant à elle question sur le plan juridique.
La recommandation n° 7 s'inscrit en dehors du champ d'études visé par ce rapport.
Les établissements privés sous contrat sont mentionnés seulement dans la partie VII du document. Les recommandations relevant des autres parties s'appliqueraient-elles uniquement aux établissements publics ? Je rappelle que la professeure Agnès Lassalle, qui a été assassinée, enseignait dans un établissement privé. Une approche globale est nécessaire sur ce sujet.
Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont préoccupés par la dégradation des conditions de travail des enseignants, qui doivent faire à des menaces et des agressions de plus en plus nombreuses. Leur sécurité doit être assurée à tout prix. Il faut prévoir une tolérance zéro pour les atteintes à la laïcité dans les enseignements scolaires publics ou privés sous contrat.
Nous saluons les avancées prévues dans ce rapport, mais nous nous abstiendrons lors du vote sur son adoption au regard des lignes rouges franchies pour certaines recommandations.
M. Pierre Ouzoulias. - Mon groupe partage le constat terrible et alarmant des rapporteurs. Les principes républicains sont réinterprétés en vertu d'une idéologie libérale anglo-saxonne selon laquelle l'identité de l'individu prime le projet collectif. Or, comme le disait Ferdinand Buisson, le projet de l'école de la République est de former des républicains.
Je suis favorable à la protection fonctionnelle de droit que vous proposez, laquelle est très importante et pourrait faire l'objet d'une proposition de loi.
Je regrette que vous n'ayez pas prévu de mieux garantir la liberté académique des enseignants, notamment vis-à-vis des parents d'élèves. J'avais déposé des amendements en ce sens.
Je regrette également que les délégués départementaux - institution qui date de 1886 -, ces bénévoles nommés par les inspecteurs d'académie dont le rôle de lien est fondamental, ne soient pas mentionnés. Rendre obligatoire leur présence au sein des conseils d'administration des collèges aurait été utile.
Je le dis en tant que nostalgique des écoles normales : il faut revoir la formation dispensée aux enseignants. À cet égard, les recommandations nos 4 et 7 sont antinomiques...
M. Max Brisson. - La recommandation n° 4 est une réponse à court terme et transitoire. La recommandation n° 7 propose une réponse structurelle.
M. Pierre Ouzoulias. - Par ailleurs, on ne peut pas laisser les établissements privés sous contrat en dehors du dispositif, surtout si l'on considère, à l'instar du Gouvernement, qu'ils font partie du service public de l'éducation. Ces établissements rencontrent aussi les problèmes que nous avons évoqués et leurs syndicats d'enseignants souhaitent une formation à la laïcité. Eux aussi sont confrontés à des élèves qui contestent les enseignements. Je souhaiterais que vous explicitiez le fait que les établissements privés sous contrat soient compris dans ces recommandations.
Mme Monique de Marco. - J'ai moi aussi fait le constat, au cours de ces travaux, de la grande solitude des enseignants.
Quels sont les moyens et la mission de l'école ? Il serait intéressant de partager les recommandations qui nous sont soumises, voire de les amender. À moins qu'elles ne soient figées ? Je suggère les modifications suivantes : mentionner les écoles privées sous contrat ; supprimer la précision selon laquelle la formation à la laïcité dans les Inspé doit être réalisée par un fonctionnaire de l'éducation nationale ; préciser, à la recommandation n° 7, que l'on en revient aux « écoles normales » ; définir ce que seraient les établissements destinés à accueillir les élèves hautement perturbateurs.
Pour ce qui concerne la recommandation n° 23, qui décidera de l'installation de caméras à l'extérieur des établissements ? La municipalité ? L'éducation nationale ? Pourquoi prévoir que cette installation pourra se faire sans l'accord du conseil d'administration de l'établissement ?
Je ne trouve pas grand-chose dans le rapport à propos de la prolifération de la haine en ligne. Qu'en est-il du pôle national de lutte contre la haine en ligne ? Les enseignants le connaissent-ils et lui adressent-ils des signalements ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - J'ai une pensée pour Samuel Paty et Dominique Bernard. Nous payons lourdement ce que nous avons laissé faire : la laïcité ouverte, qui a suscité les discours anti-laïcité d'aujourd'hui ; le « pas de vague » ; l'ouverture de l'école aux parents ; la remise en cause de l'autorité. Or, sans autorité, on ne peut pas enseigner, on fait de la garderie, et les élèves ne peuvent pas se construire.
Ces recommandations ne me choquent pas et je les voterai toutes. Au Sénat, nous avons souvent tiré la sonnette d'alarme, face à Jean-Michel Blanquer, ou à Pap Ndiaye dont le passage au ministère de l'éducation nationale a été catastrophique sur ce plan. Il est temps de passer à autre chose. À cet égard, beaucoup s'interrogent sur la formation des enseignants : il s'agit de les aider à transmettre le principe de laïcité et à ne pas se censurer.
Je suis attachée à la redéfinition du rôle des parents d'élèves, que souhaitent tous les enseignants. La parole d'un enfant et celle d'un adulte ne doivent pas avoir la même force au sein de l'école !
Je suis très critique à l'égard des politiques menées depuis de nombreuses années par le ministère de l'éducation nationale, qui ont mêlé idéologie, démagogie et déni. Ce sont les élèves des quartiers populaires qui en souffrent le plus. Les familles de ces quartiers rêvent d'envoyer leurs enfants dans les établissements privés sous contrat : demandons-nous pourquoi !
J'espère que ces préconisations seront rapidement effectives.
M. Hussein Bourgi. - Les membres de la commission des lois n'ont pas été informés de la disponibilité de ces recommandations des rapporteurs ; il nous est donc difficile de nous prononcer sur ce projet, comme nous l'ont demandé ce matin nos collègues de la commission de la culture. Cela pose un problème d'égalité entre les sénateurs !
Sur le fond, je ne suis pas d'accord avec ma collègue Marie-Pierre Monier. Pour ma part, je ne suis pas défavorable à la création de centres spécialisés pour les élèves fauteurs de troubles. On a bien créé des écoles de la deuxième chance... Mais qu'en sera-t-il de ces structures ?
L'écrasante majorité des conseils d'administration des établissements est favorable à l'installation de caméras de vidéoprotection afin de lutter contre le racket et le trafic de drogue. Mais comment les collectivités financeront-elles le déploiement de ces équipements ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, rapporteur. - Je vous prie de nous excuser. Effectivement, le courriel d'information sur la disponibilité des recommandations sur l'application dédiée n'a pas été adressé comme il aurait dû l'être.
Mme Annick Billon. - J'adresse mes félicitations aux rapporteurs pour la qualité des auditions qui ont été organisées et du rapport qui nous est présenté. Les recommandations de cette mission, qui s'inscrivait dans une actualité triste et inquiétante, étaient très attendues. Le rapport balaye de nombreux sujets. La situation est telle et l'école est dans un tel état qu'il était impossible de présenter des recommandations « molles ». Les enjeux de sécurité auxquels l'école est confrontée appellent des réponses. On nous reproche souvent de répondre par des bougies et des hommages à une actualité grave et tragique. Si les hommages sont évidemment nécessaires, il faut aussi adapter nos outils à ce qu'est devenue notre école.
La laïcité est notre point de départ : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment redresser la barre ? La formation continue est à ce titre essentielle. Max Brisson et moi-même, qui devons conduire une mission d'information sur les modalités de formation et la place des enseignants, veillerons à travailler sur ce sujet.
La charte des parents est un point important. Les parents ont pris dans l'école une place qu'ils n'auraient probablement pas dû prendre. Il faut à la fois les informer et les rassurer et mettre des garde-fous pour éviter qu'ils ne se montrent trop intrusifs.
Pour mettre fin à la tendance au « pas de vagues », l'harmonisation des grilles de sanctions entre établissements me semble bienvenue. À titre de comparaison, l'harmonisation des grilles relatives à la lutte contre les violences faites aux femmes a été très bénéfique.
Recommander qu'il faut prévoir des moyens pour répondre aux enjeux de sécurité des établissements ne me choque pas.
Je partage en outre les mesures proposées pour simplifier le parcours judiciaire, mais m'interroge sur les outils qui seront mobilisés pour les mettre en oeuvre.
Enfin, comment faire pour que les fonctionnaires du ministère de l'éducation nationale qui travaillent dans les bureaux et décident des mesures mises en oeuvre au sein de l'institution soient davantage confrontés à la réalité des établissements, et pour que les décisions prises par l'administration correspondent davantage à la réalité vécue par les enseignants ?
Le groupe Union Centriste votera ce rapport.
Mme Colombe Brossel. - L'état des lieux qui ressort des passionnantes auditions que nous avons menées est un peu désespérant, et l'état d'esprit de certaines personnes ou organisations auditionnées peut laisser perplexe. Les recommandations qui nous sont présentées vont dans le bon sens. Il fallait effectivement des propositions marquantes et sensées.
Je regrette cependant qu'il soit peu fait mention de l'éducation et de la prévention dans le rapport, alors que cela pourrait raffermir certaines préconisations. Ainsi, ne pas mentionner les médecins scolaires, les infirmiers scolaires, les conseillers principaux d'éducation ou les psychologues scolaires dans les recommandations relatives aux atteintes à la laïcité, au climat scolaire ou encore à la place des parents dans l'école me semble poser problème. Le champ éducatif devrait être davantage présent dans le rapport, pour que les recommandations soient vraiment opérationnelles.
De même, il serait bon d'ajouter les acteurs de la prévention à la recommandation n° 20, qui préconise, « dans les quartiers marqués par un niveau élevé de violence des mineurs », de « nouer des partenariats renforcés entre les établissements scolaires, la police et les procureurs. »
Je me permettrais par ailleurs une petite taquinerie sur la recommandation n° 5, où il est fait mention d'une formation obligatoire des contractuels à la laïcité. Puisqu'il est question de leur formation, n'hésitons pas également à les former sur la pédagogie !
Enfin, une clarification est requise concernant le caractère obligatoire de l'ensemble des programmes dans l'ensemble de l'enseignement, y compris les écoles privées sous contrat.
Mme Laure Darcos. - Je remercie également nos deux présidents pour la bonne tenue de nos réunions. J'ai été souvent émue par les témoignages que nous avons reçus.
Je regrette que nous ne soyons pas plus sévères à l'égard des chefs d'établissement. De nombreux professeurs se sentant menacés disent ne pas recevoir de protection de la part de leurs chefs d'établissement. Dans mon département, l'Essonne, plusieurs chefs d'établissement visés par une enquête administrative et contre lesquels des critiques ont été émises, voire des manifestations de professeurs organisées sont couverts par la direction académique des services de l'éducation nationale (Dasen). Il faut faire cesser cette impunité.
Par ailleurs, des recommandations plus fortes auraient été bienvenues concernant les réseaux sociaux. On nous dit que des paroles ou des menaces proférées en dehors de la classe ne peuvent être prises en compte. Une surveillance et un contrôle spécifiques seraient donc souhaités sur les réseaux sociaux ; je pense notamment aux groupes WhatsApp. C'est sur les réseaux que les choses ont dégénéré avant l'assassinat de Samuel Paty.
Mme Sonia de La Provôté. - Merci pour ce travail et les auditions marquantes que nous avons vécues. Je m'interroge sur l'absence de recommandation relative à la formation des élèves via l'enseignement moral et civique. Les problèmes de violence en milieu scolaire ne sont pas tous liés à des questions de laïcité, mais touchent aussi au respect de l'école et du rôle de l'institution scolaire. Les élèves doivent savoir qu'aller à l'école est une chance. De même, vous avez évoqué des croyances alternatives et une forme d'obscurantisme qui émerge au-delà même des questions religieuses. Nous devons agir, par l'éducation à la science, si nous ne voulons pas voir grandir une génération de platistes !
Concernant le dépôt de plainte systématique, les enseignants disent qu'ils doivent prendre sur eux parce que l'institution ne les encourage pas à porter plainte. Les chefs d'établissement sont quant à eux démunis et deviennent la cible de nombreuses attaques, notamment sur les réseaux sociaux, sans soutien de l'institution. Il faut donc insister sur ce sujet.
On observe en outre une concentration des problèmes dans certains établissements, confrontés à des formes diverses de ségrégation et à une rotation importante des équipes éducatives, alors que la stabilité de celles-ci est un élément de sécurisation et de protection pour les enseignants. Or cette question n'est pas évoquée dans vos propositions.
Mme Agnès Evren. - En octobre dernier, Gérald Darmanin a révélé le chiffre de 1 000 mineurs radicalisés fichés S pour islamisme. Les enseignants de ceux d'entre eux qui étaient scolarisés n'étaient pas informés de cette radicalisation. Comment peut-on les protéger ? Le malaise de l'éducation nationale est partout visible. À Paris, 163 chefs d'établissement ont manifesté pour soutenir un proviseur du XXe arrondissement menacé de mort. Les menaces dont ce dernier a été victime ont été proférées sur les réseaux sociaux, comme cela avait été le cas pour Dominique Bernard. C'est un sujet stratégique. Comment pourrait-on le réguler ? Les professeurs, démunis et livrés à eux-mêmes, nous indiquent qu'ils ne signalent même plus les menaces qu'ils reçoivent, car ils ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Ce que nous avons écrit dans le rapport s'applique aussi bien à l'école publique qu'à l'école privée sous contrat. Nous retiendrons donc la modification suggérée par Monique de Marco pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté à ce sujet.
Nous partageons tous le diagnostic sur la situation et l'inquiétude qu'il suscite. C'est un point positif. Quelques bémols, peu nombreux, mis à part, nos recommandations n'ont rencontré guère d'oppositions.
Au travers de celles-ci, nous avons essayé de couvrir le spectre d'intervention et d'action le plus large possible. Nous avons donc pu manquer parfois de précision. La mission d'information conduite par Max Brisson et Annick Billon sera certainement amenée à préciser certaines recommandations et à les rendre plus opérationnelles.
Nous tenions par ailleurs à inscrire dans nos recommandations l'organisation d'une journée d'hommage à Samuel Paty, Agnès Lassalle et Dominique Bernard. L'émotion et l'incompréhension suscitées par leurs assassinats sont telles qu'une journée spécifique pour honorer leur mémoire au sein des établissements scolaires nous semble importante. Cela complète le travail qui doit être fait dans chaque établissement. Il nous a paru d'autant plus nécessaire de dire clairement que cette journée d'hommage devait avoir lieu que nous avons constaté une sorte de flottement à ce sujet au sein du ministère de l'éducation nationale.
La formation initiale est un enjeu essentiel. Compte tenu de certaines évolutions du métier d'enseignant, il faut professionnaliser encore davantage la formation et préparer les professeurs à des situations auxquelles personne n'est préparé : contestations de certains sujets, contestations de la part des parents, contestations physiques parfois. Il paraît logique que le ministère de l'éducation nationale, qui définit l'école de la République, soit davantage présent dans la formation initiale des enseignants. C'est pourquoi nous formulons deux recommandations à ce sujet : pour une refonte intégrale de cette formation, tout en étant conscients que cela ne se fera pas en un jour, et pour augmenter le nombre de cadres de l'éducation nationale mis à disposition pour la formation sur les valeurs de la République prévue par Jean-Michel Blanquer et qui n'est pas assez mise en oeuvre pour l'instant.
Il faut parler par ailleurs des élèves poly-exclus, car ce sujet est très présent à l'esprit des chefs d'établissement et des enseignants. Nous nous sommes inspirés à leur propos des conclusions de la mission conjointe de contrôle sur la délinquance des mineurs, qui allaient dans le même sens que nos recommandations. Il faut insister de nouveau sur ce sujet et sur la nécessité de déployer des lieux spécifiques pour mener, en liaison avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), un travail de fond à destination de ces jeunes en situation de rupture.
Nous n'avons pas de réserve sur la notion de liberté académique. Un malaise profond s'observe chez les enseignants, accru par les menaces et les pressions qu'ils subissent. Le respect de la liberté académique est essentiel. La responsabilité de l'enseignement s'applique au niveau des enseignants, et les enseignants doivent être respectés dans leur travail.
J'ai plus de réserves en revanche sur le rôle des délégués départementaux, mais il était bon de les mentionner.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, rapporteur. - La surveillance des menaces proférées sur les réseaux sociaux est prévue depuis 2021, par la loi confortant le respect des principes de la République. La commission des lois examinera demain un rapport d'information de Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien sur l'application de cette loi.
Les proviseurs disent souvent qu'ils ne peuvent déployer de caméras à l'entrée de leurs établissements en raison de la désapprobation des parents d'élèves qui siègent dans leurs conseils d'administration. Ce blocage est regrettable, car ces caméras leur rendraient vraiment service. Notre idée est que les proviseurs puissent décider d'en installer, en accord avec la puissance publique, et en informer ensuite leurs conseils d'administration. Ce sujet a été abordé au cours de presque tous nos déplacements sur le terrain.
Nous clarifierons la rédaction du rapport pour préciser qu'il concerne toutes les écoles, y compris les écoles privées sous contrat. Nos travaux ont bien porté également sur ces établissements.
De nombreux professeurs d'histoire ou de sciences nous ont dit qu'ils se censuraient et n'enseignaient plus comme ils le faisaient auparavant, car les élèvent contestent leurs propos et parce qu'ils reçoivent aussi la visite de leurs parents. Avant une sortie au théâtre, les parents les interrogent désormais systématiquement sur la nature de l'oeuvre que les élèves iront voir. C'est inacceptable !
Les proviseurs et chefs d'établissement ont par ailleurs souligné qu'ils avaient besoin de clarté de la part de leur hiérarchie. La décision récente relative à l'interdiction de l'abaya était claire et précise. Les situations ont donc pu être gérées calmement et sans drame.
Concernant la formation, je n'ai pas religion particulière. Mettons en place le système qui fonctionne le mieux. Il y a une attente très forte à ce sujet.
Les professeurs ont peur d'aller travailler, ou lorsqu'ils sortent de leur établissement, ce qui est inacceptable. On observe une progression réelle de l'islam radical, y compris dans l'école privée, même si cela se fait à une intensité différente. Personne n'est à l'abri. La communauté éducative a de fortes attentes à cet égard.
Nos recommandations permettent de progresser sans mettre la poussière sous le tapis.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Concernant les chefs d'établissement, ce qu'a dit Laure Darcos n'est pas faux. Pour autant, il nous a semblé important de protéger leur rôle, car ils se trouvent dans une position intermédiaire souvent difficile à tenir, écartelés entre les directives ou l'absence de directives rectorales et une insatisfaction forte des enseignants. Dans certains établissements, cela fonctionne mieux que dans d'autres, en fonction de la personnalité des chefs d'établissement concernés.
Nous avons essayé, pour cette raison, de dépersonnaliser la réflexion et l'action concernant la transmission des valeurs de la République, qui doit être partagée par l'ensemble des personnels éducatifs.
Mme Monique de Marco. - Ne pourrait-on pas ajouter « une information en début d'année à tous les fonctionnaires afin qu'ils puissent saisir directement le pôle national de lutte contre la haine en ligne » à la recommandation visant à « fluidifier le rapport judiciaire pour les agents victimes » ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, rapporteur. - L'enjeu est d'encourager les signalements sur la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos). Nous pouvons l'ajouter, bien sûr.
Mme Monique de Marco. - Je m'abstiendrai tout de même, en définitive.
Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.
La commission de la culture et la commission des lois adoptent le rapport d'information ainsi modifié et en autorisent la publication.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, rapporteur. - Je vous rappelle qu'aucune communication n'est possible sur le présent rapport avant un délai de vingt-quatre heures, conformément à la réglementation applicable aux commissions d'enquête.
La réunion, suspendue à 15 h 45, est reprise à 16h30.
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
Mission d'information sur l'application de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 - Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
M. François-Noël Buffet, président. - Nous accueillons aujourd'hui Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, dans le cadre des travaux de notre mission d'information sur l'application de la loi du 19 mai 2023 relative à la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 dont Agnès Canayer et Marie-Pierre de la Gontrie sont les rapporteurs.
Monsieur le ministre, vous êtes accompagné de Céline Berthon, directrice générale de la sécurité intérieure, ainsi que de Marc Guillaume, préfet de la région Île-de-France, Laurent Nunez, préfet de police de Paris, Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, et Julien Marion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises. Leur présence témoigne de l'importance de notre réunion.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Au regard des enjeux liés à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) à l'été 2024, la commission des lois a souhaité contrôler le dispositif de sécurité mis en oeuvre par les autorités, condition de la réussite de ces Jeux multisites, qui réuniront plus de 13,5 millions de spectateurs, en instituant une mission de suivi de l'application de la loi du 19 mai 2023 dite « JOP ». Elle prévoit plusieurs dispositifs spécifiques dans cette perspective.
Nous avons choisi de porter notre attention sur les conditions de la mobilisation du continuum de sécurité et de la chaîne pénale et sur l'adéquation des moyens des forces de l'ordre à la spécificité et à l'ampleur des menaces, dans le respect des libertés individuelles.
Ainsi, depuis le 15 novembre 2023, nous avons auditionné 90 personnes. Nous devrions achever nos travaux par les auditions de Tony Estanguet, président du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) la semaine prochaine - elle est très attendue - et de Laurent Nunez, préfet de police, la semaine suivante.
Parallèlement à ces auditions, nous avons effectué cinq déplacements : au village olympique, au centre du Cojop, au Stade de France, au centre de commandement opérationnel de sécurité (CCOS) de la préfecture de police et au centre de commandement de la SNCF. Nous avons également participé à une formation des agents de sécurité privée dans le cadre de l'obtention du certificat de qualification professionnelle (CQP) « Grands événements ». Au surplus, à l'issue de l'audition du ministre, nous nous rendrons à la préfecture de police pour observer l'expérimentation de la vidéoprotection intelligente, qui a été déployée pour la première fois à l'occasion du concert de Depeche Mode à Bercy.
Ces travaux nous ont convaincus que la mobilisation de tous les acteurs pour la réussite des Jeux est indiscutable, bien que plusieurs sujets inquiètent toujours les acteurs de terrain : l'organisation de la prise de décision en matière de sécurité, la gestion des ressources humaines mobilisées, les technologies mises en oeuvre pour sécuriser l'événement et les incertitudes qui pèsent sur la cérémonie d'ouverture.
En premier lieu, l'ensemble des auditions conduites ont révélé que la sécurisation des sites franciliens en particulier et de l'ensemble des sites olympiques en général est entourée par une comitologie foisonnante. L'implication d'acteurs très divers et peu habitués à être mobilisés ensemble pour une durée si longue implique de faire évoluer, voire de créer, les outils facilitant leur coordination. Une telle évolution est d'autant plus indispensable que le Cojop sera chargé de la sécurisation de l'ensemble des sites de compétition. Or il s'inscrit essentiellement dans une logique sportive : ses contraintes ne sont pas toujours identiques ni compatibles avec celles qui pèsent sur l'État, garant de la sécurité des jeux Olympiques.
La multiplicité des acteurs risque d'entraîner deux difficultés pratiques : la gestion des remontées d'information et des alertes ; les circuits de réponse en situation de crise au sein de l'État et du Cojop dans les divers sites olympiques.
En deuxième lieu, nos travaux nous ont conduits à nous interroger sur la gestion des nombreuses ressources humaines mobilisées pour la sécurisation d'un événement d'une telle ampleur. Si l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité et du monde judiciaire ont intégré la nécessité de leur forte implication, ils nous ont tout de même fait part de deux difficultés structurelles.
Tout d'abord, les modalités concrètes de la participation de chaque agent et de chaque direction semblent encore inconnues à ce jour. Il en résulte une méconnaissance des conditions concrètes de leur mobilisation, de leur bloc de missions, des lieux de mobilisation, de leur planning et de leur temps de travail, de repos et de congés. Aussi, ils ne savent pas quelles seront les conséquences d'une telle mobilisation sur leur vie personnelle et familiale.
Ensuite, si les conditions indemnitaires d'engagement des policiers ont récemment été précisées, les conditions matérielles d'exercice de leurs missions - je pense en particulier au logement - n'ont pas encore été clairement établies.
Nous avons également constaté que de fortes incertitudes pesaient quant à l'opérationnalité des outils technologiques susceptibles d'être mobilisés pour faciliter la sécurisation des JOP et auxquels la loi du 19 mai 2023 prévoit de recourir.
Alors que les jeux Olympiques débuteront dans 140 jours, il ressort de nos travaux que la vidéoprotection algorithmique ou « intelligente » n'a été testée qu'à une reprise, dimanche soir dernier, et que les scanners corporels ne seront utilisés qu'au village olympique.
Il semblerait également que le dispositif expérimental adopté dans la loi du 19 mai 2023 ne soit pas encore assez opérationnel à ce jour, car il empêche les acteurs de procéder à certains réglages et tests en dehors des événements de plus de 300 personnes, lesquels sont particulièrement exposés à des menaces, alors même que c'est nécessaire pour la RATP et la SNCF.
Nombre d'incertitudes pèsent toujours sur la cérémonie d'ouverture. Si la jauge a fondu comme neige au soleil, il reste encore aujourd'hui des questions sur la manière dont seront sécurisés les contrôles d'accès : l'ensemble des participants seront-ils criblés ? Comment la sécurité des sportifs à bord des bateaux sera-t-elle garantie ?
Enfin, le Sénat a adopté en janvier dernier, sur l'initiative du président François-Noël Buffet, un dispositif permettant au ministre de l'intérieur de prononcer une interdiction de paraître à l'égard d'individus dangereux et radicalisés à l'occasion de certains grands événements. Force est aujourd'hui de constater que le Gouvernement ne s'est pas encore saisi de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, laquelle n'a pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons que le regretter, car les menaces terroristes pesant sur les Jeux sont particulièrement prégnantes.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Récemment, plusieurs articles de presse se sont fait l'écho des difficultés liées aux moyens de lutte anti-drones. Elles résultent de la compétition industrielle et commerciale à laquelle se livrent les acteurs du marché. Compte tenu de la dangerosité de tels engins et de leur vente en libre-service, il conviendrait de doter les forces de sécurité intérieure et les armées de l'ensemble des outils nécessaires à la lutte effective et efficace contre ces nouveaux modes opératoires des contrevenants et opposants aux jeux Olympiques.
Monsieur le ministre, je souhaite également que vous nous confirmiez que des logiciels de reconnaissance faciale du type Briefcam ne seront pas utilisés par les forces de sécurité intérieure. Au cours de nos travaux, j'ai cru comprendre que de tels logiciels avaient pu être utilisés, avant qu'il ne soit demandé aux fonctionnaires de ne plus y recourir, car une enquête serait en cours.
Par ailleurs, deux arrêtés, datant des 1er février et 31 mars 2023, ont profondément modifié les conditions d'obtention de la certification technique des équipes cynotechniques privées en recherche d'explosifs. Cela a eu pour conséquence la perte de certification de 75 % des équipes de la RATP et de 40 % de celles de la SNCF. Selon nous, une mesure transitoire doit être déployée pour les jeux Olympiques.
J'en viens aux difficultés liées à la capacité du secteur de la sécurité privée à répondre aux besoins du Cojop et des autres acteurs locaux qui recourront à ces entreprises pour toute la durée des Jeux. Nous avons identifié deux difficultés matérielles : le raccourcissement superflu des délais d'inscription aux tests de langue pour les étudiants étrangers désireux de se former aux métiers de la sécurité privée, qui raréfie le volume de personnes pouvant se présenter ; les conditions matérielles du retrait des agréments et les modalités de déplacement.
De plus, plusieurs acteurs syndicaux, représentants du personnel ou directeurs de la police et de la gendarmerie s'inquiètent de la période suivant les Jeux, pour laquelle nombre d'agents solliciteraient des jours de congés. Les enveloppes budgétaires allouées en début d'année risquent d'être épuisées, empêchant ainsi de terminer l'année budgétaire correctement, et ce malgré la rallonge budgétaire que vous avez obtenue, monsieur le ministre. Aussi, pourriez-vous nous indiquer ce que vous avez prévu dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) sur ce point ?
Parallèlement, les armées nous ont alertés sur deux difficultés : d'une part, le manque de visibilité sur leur engagement ; d'autre part, l'impossibilité pour elles d'assurer un remplacement d'agents de sécurité privée à hauteur du principe du « un pour un », s'il venait à en manquer.
Enfin, les polices municipales traversent depuis de longs mois une crise qui touche à l'attractivité des carrières, au régime indemnitaire et à leurs pouvoirs. Or certains maires souhaiteraient pouvoir attribuer une prime exceptionnelle, à l'instar de celle qui peut être attribuée aux forces de sécurité intérieure, mais ils ne le peuvent pas, faute d'un fondement légal. Et je ne parle pas de la police municipale parisienne, qui est régie par un statut particulier.
Il me semble que l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité pourront compter sur l'investissement total des acteurs judiciaires. Du reste, l'organisation du tribunal judiciaire de Paris ou de Bobigny nous a impressionnés.
Si l'essentiel des compétitions se déroule dans la plaque parisienne, il n'en demeure pas moins que la sécurisation des sites doit être conciliée avec la lutte contre la délinquance habituelle. Comment comptez-vous faire face aux difficultés que cela soulève dans le reste du territoire ?
J'en termine avec un point précis. Nous savons qu'il faut envisager la tenue de manifestations pacifiques contestant l'existence des Jeux ou soutenant des causes humanitaires. Or, à ce jour, aucun espace de manifestation pacifique n'a été programmé pour les Jeux, contrairement à ce qui avait été mis en oeuvre pour les COP ou pour les réunions du G7 ou du G20. Il nous semblerait utile de le prévoir, afin d'anticiper toute difficulté.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. - Monsieur le président, le point que vous m'avez demandé de faire devant votre commission est très important, puisque dans 64 jours exactement, c'est-à-dire le 8 mai prochain, les jeux Olympiques et Paralympiques commenceront d'un point de vue opérationnel pour les services du ministère de l'intérieur.
Les jeux Olympiques d'été sont le plus grand événement au monde. La France les a organisés pour la dernière fois voilà un siècle. À Paris, en 2024, pour la première fois dans l'histoire, une cérémonie d'ouverture sera organisée en dehors d'un stade. Il s'agit du plus important défi logistique et sécuritaire qu'a jamais dû relever le ministère de l'intérieur.
Pour les services du ministère, les Jeux commenceront le 8 mai prochain, avec l'arrivée en France de la flamme olympique, transportée à bord du Belem depuis le port du Pirée, en Grèce, jusqu'au port de Marseille. S'ensuivra la cérémonie d'ouverture des Jeux - le moment le plus impressionnant et le plus difficile à organiser -, qui aura lieu le long de la Seine. S'ensuivront les épreuves des jeux Olympiques, une pause d'une courte durée, puis la cérémonie d'ouverture des jeux Paralympiques, le 28 août prochain, place de la Concorde, là encore, en dehors d'un stade, où sera réuni l'équivalent du stade de France, dont une cinquante de chefs d'État. Cette longue période se terminera le 8 septembre avec la fin des jeux Paralympiques.
Il s'agit d'un travail de longue haleine. Madame de La Gontrie, avant de penser à la suite, il faut bien prendre conscience que, pour les services du ministère de l'intérieur, les jeux Olympiques s'étalent du 8 mai au 8 septembre.
J'attire votre attention sur le fait que 2024 est vraiment une année exceptionnelle. D'autres grands événements auront tout de même lieu : le Tour de France, dont l'arrivée sera à Nice ; le 14 juillet ne sera pas annulé, puisqu'il se déroulera partout en France et à Paris ; l'intégralité des festivals est maintenue. À cela s'ajoutent, au mois de juin, les 80e anniversaires du débarquement de Normandie et de celui de Provence, qui réuniront de nombreux chefs d'État. Par ailleurs, la finale de la coupe d'Europe de football aura lieu le 14 juillet. Si la France est en finale - nous l'espérons -, des fan zones, des retransmissions seront mises en place, lesquelles devront être sécurisées par les services du ministère de l'intérieur.
Vous le voyez, 2024 concentre nombre d'événements exceptionnels, qui mobilisent les services de police et de gendarmerie, des préfectures et de la sécurité civile.
Nous avons également prévu l'imprévisible - c'est le métier du ministère de l'intérieur -, à savoir une crise migratoire, des mégafeux, des attentats terroristes, qui auraient lieu en même temps que tous ces événements. Je rappelle qu'une telle concentration d'événements entre le 8 mai et le 8 septembre n'a jamais eu lieu en France.
J'en viens à un point sur l'état de la menace terroriste.
La menace terroriste principale est celle qui est inspirée par l'islam radical. Je puis vous dire avec certitude que, aujourd'hui, une telle menace n'est pas caractérisée par les services de renseignement français ou étrangers. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Simplement, à l'heure actuelle, aucun renseignement relatif à une menace particulière pour les jeux Olympiques ne nous est parvenu, même si un événement d'une telle ampleur, diffusé à plus de 1,5 milliard de téléspectateurs pourrait susciter des envies.
Il existe deux types de menaces terroristes islamistes, selon qu'elle est endogène, à savoir le passage à l'acte d'une personne dépourvue de liens avec une organisation étrangère, ou exogène, à savoir l'attentat exécuté par une organisation étrangère, à l'instar du Bataclan, mais aujourd'hui, ni Al-Qaïda ni l'État islamique n'en ont les moyens, même s'ils en ont l'intention. Je vous le dis avec beaucoup d'humilité, car le renseignement n'est pas une science exacte ; nous ne disposons peut-être pas de l'intégralité des informations.
Une troisième menace émerge : la menace qualifiée de « proxy ». Par exemple, une organisation terroriste pourrait, en les payant, mobiliser des délinquants de haut niveau ou issus de la criminalité organisée pour toucher la France.
Il existe également une menace contestataire - elle pose des problèmes d'ordre public et non de terrorisme -, qu'il s'agisse de la contestation des jeux Olympiques, en tant qu'événement supposément polluant et capitaliste, ou de la contestation environnementaliste radicale. Certains pourraient chercher à éteindre la flamme par exemple.
J'ajoute que des événements extérieurs pourraient affecter la France. Je précise également que le week-end précédant la cérémonie d'ouverture aura lieu le deuxième rendez-vous de Sainte-Soline, qui mobilisera particulièrement la gendarmerie nationale.
Cette menace peut également venir de l'ultra gauche ou de l'ultra droite - vous connaissez bien le sujet - ou encore de la contestation économique et sociale - elle pourrait affecter les transports -, voire de la contestation locale, puisque la flamme passera par la Corse, par la Nouvelle-Calédonie et par des territoires touchés par la crise agricole, ou encore confrontés à d'autres problèmes. Ces contestataires ne veulent pas empêcher l'olympiade, mais ils peuvent tout de même la perturber.
Notre mot d'ordre est l'anticipation, en lien avec le garde des sceaux et ses services, dont je salue le travail. Ainsi, nous travaillons sur les mesures d'entrave que la loi nous permet déjà de prendre, à savoir les mesures issues de la loi de 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt, les mesures de surveillance, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), les visites domiciliaires, etc. Nous travaillons sur des mesures de criblage dans le cadre des enquêtes administratives. Sur le million d'enquêtes administratives que nous devrons réaliser, une centaine de milliers de criblages ont déjà eu lieu : jusqu'à présent nous avons émis 280 avis d'incompatibilité, s'agissant de personnes en situation irrégulière, et nous avons découvert six « fichés S » parmi ceux qui voulaient porter la flamme, être agent de sécurité privée ou volontaire auprès du Cojop. Il reste donc 900 000 enquêtes administratives à réaliser.
Je rappelle que, par décision du Président de la République, la DGSI est chef de file de cet événement.
Mme Céline Berthon, directrice générale de la sécurité intérieure. - Le contexte et les perspectives de menaces que nous envisageons pour les jeux Olympiques s'inscrivent dans la continuité du contexte actuel de la menace terroriste. Depuis plus d'un an, le risque est élevé, lequel s'est d'ailleurs traduit dans les faits, et ce d'autant plus que la mouvance endogène est de nouveau dynamique. Celle-ci se caractérise par des profils de jeunes, très actifs en ligne, fortement consommateurs de contenus violents et capables de passer à l'acte rapidement avec des moyens rudimentaires. Cela constitue autant de défis pour nos services, qui plus est dans le contexte d'un événement diffusé mondialement.
Par ailleurs, persistent en France des profils de personnes expérimentées, ancrées dans l'idéologie radicale et animées par l'idée de passer à l'acte.
Enfin, il ne faut pas oublier le retour de la menace liée à des théâtres extérieurs. À n'en pas douter, les organisations terroristes qui prennent pour cible l'Occident essayeront de saisir l'occasion des jeux Olympiques pour agir.
Dans ce contexte, la DGSI, chef de file de la lutte antiterroriste, mobilise les structures interservices existantes, mais, face à la hausse des signalements susceptibles de se produire, a créé une structure ad hoc, capable de centraliser, d'attribuer et de suivre avec certitude la totalité des signalements qui pourront relever d'une menace terroriste. Ainsi, nous nous assurerons que tous les signalements sont bien attribués à un service, afin d'éviter les trous dans la raquette.
Sur cette base, notre objectif est d'être en mesure d'engager des mesures d'entrave, qu'elles soient administratives ou judiciaires, avec le concours de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre. - À compter du relais de la flamme jusqu'à la fin des jeux Olympiques, nous allons organiser avec le monde judiciaire une stratégie d'entrave pour mettre hors d'état de nuire toute personne nécessitant, selon nous, une telle mesure.
Nous sommes aidés dans cette tâche par les services de renseignement français, comme la DGSE, mais aussi étrangers : je les en remercie, car leurs informations concourent à notre stratégie d'entrave, avec l'aval des magistrats, notamment dans le cadre des visites domiciliaires ou des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance - des procédures que vous nous avez accordées.
J'en profite pour répondre à Agnès Canayer : je regrette que la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste déposée par le président Buffet n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Vous savez que le garde des sceaux et moi-même conservons quelques points de divergence sur ce texte : j'ignore ce qu'il en sera dans les prochaines semaines.
En tant que ministre de l'intérieur, il me semble que nous avons déjà des moyens suffisants pour assurer un maximum de sécurité sur notre sol, notamment en matière de lutte contre les acteurs terroristes ; néanmoins, les dispositions de la proposition de loi du président Buffet seront bien entendu bienvenues, si nous parvenons à trouver un compromis dans les temps à venir.
J'en viens au relais de la flamme olympique. La flamme fera étape dans 65 villes et traversera une centaine de sites, 400 villes, ainsi que 6 territoires ultramarins, grâce à 10 000 porteurs. C'est donc un très gros travail. La présence de la police et de la gendarmerie permettra à chacun de vivre ce moment important en toute sécurité. N'oublions pas le relais de la flamme paralympique, qui suit un autre itinéraire que la flamme olympique.
L'une des difficultés posées par la flamme olympique est que celle-ci ne doit jamais être éteinte, y compris lorsqu'elle est transportée en avion ou en bateau - comme ce sera le cas pour les étapes prévues en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.
La bulle de sécurité de la flamme, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter à la presse, comprend 18 policiers et gendarmes en civil autour du porteur de la flamme. Une demi-unité de force mobile les précède afin d'éviter toute entrave à la circulation, comme lors du Tour de France ; une demi-unité est placée à l'arrière du groupe. Les équipes de lutte anti-drones et le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sont également chargés de protéger la flamme. Au total, 115 personnels de police et de gendarmerie forment une bulle de sécurité autour de la flamme. Ils s'entraînent actuellement à Beynes, dans les Yvelines.
Autre événement extraordinaire, la flamme arrivera en France à bord du Belem. À ce titre, si le Premier ministre Manuel Valls a confié, par une lettre, l'organisation de la sécurité du relais olympique et des Jeux au ministère de l'intérieur, tout ne relève pas de son champ de compétences. Ainsi, la sécurité du bateau, tant qu'il sera sur l'eau, sera la responsabilité de la préfecture maritime et de l'armée ; dès que la flamme arrivera sur la terre ferme, mon ministère sera chargé de sa protection.
De même, mon ministère couvre l'ensemble des risques, à l'exception du cyber, dont la gestion relève directement du Premier ministre, puisque l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dépendent du Premier ministre. Le ministère de l'intérieur n'est donc pas chargé de la réponse aux cyberattaques, mais il est responsable de l'ensemble des autres sujets relatifs à la sécurité des Jeux.
Une fois arrivée au port de Marseille, la flamme rejoindra huit étapes dans cette même ville, dont l'une dans les quartiers nord. Un périmètre de protection Silt sera organisé par le préfet de police nouvellement nommé pour assurer la sécurité du port de Marseille et des centaines de milliers de personnes qui accueilleront la flamme. Je me rendrai à Marseille le 18 mars prochain pour inspecter avec la municipalité les conditions de sécurité de cet événement qui sera, j'imagine, très suivi.
La sécurité du relais devra également être assurée à Paris, où la flamme restera trois jours - deux jours dans les sites les plus historiques, puis un jour dans les différents arrondissements. La flamme reviendra à Paris le 26 juillet, après une tournée en province et en Île-de-France.
Je ne veux pas oublier nos outre-mer. La flamme sera présente dans la quasi-intégralité de nos territoires ultramarins. Des dispositions particulières seront prévues pour sa traversée en mer, notamment pour rejoindre la Polynésie française, qui accueillera les épreuves de surf.
J'en viens à la cérémonie d'ouverture. J'en profiterai pour répondre à une partie de vos questions.
Je veux d'abord attirer l'attention de la commission et des Français sur le déroulé de cet événement. En effet, entre 1,5 milliard et 2 milliards de téléspectateurs regarderont cette cérémonie, qui devra suivre un rythme métronomique ! Près de 90 bateaux, transportant 206 équipes, traverseront la Seine sur six kilomètres entre Bercy et Trocadéro, en respectant des temps de passage précis pour les différentes prises de vue. Or, outre la sécurisation de l'ensemble de l'événement et de la parade des bateaux sur la Seine que nous devrons assurer, un geste culturel - dont il ne m'appartient pas de divulguer la nature - a été prévu, alternant une multitude de tableaux.
Il ne s'agit donc pas seulement de sécuriser les bateaux qui longeront la Seine pour amener les sportifs au Trocadéro en passant devant les chefs d'État : alors que ceux-ci descendront le long de la Seine, en quarante-deux minutes chacun, un spectacle se déroulera tout le long de ce linéaire de six kilomètres.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Il y a donc deux fois moins de bateaux que ce qui avait été annoncé, n'est-ce pas ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Le préfet de la région d'Île-de-de-France précisera le nombre exact de bateaux. Entre 80 et 90 bateaux transporteront les 206 équipes. Il y aura donc plusieurs équipes sur un même bateau, ce qui soulève d'autres difficultés dont nous pourrons parler ultérieurement.
Trois points doivent être soulignés. Premièrement, depuis Louis XV, il n'y a pas eu de parade sur la Seine de bateaux qui allaient tous dans la même direction. En effet, l'une des difficultés sur laquelle interviendra le préfet de région est que les bateaux iront tous en même temps de Bercy au Trocadéro, ce que ne prévoit pas la signalisation régissant actuellement la navigation de la Seine.
Deuxièmement, nous devrons répondre au défi que représente la sécurisation de l'ensemble de ces bateaux, des équipes, mais aussi des 150 à 200 chefs d'État et de gouvernement qui seront au Trocadéro et, enfin, des centaines de milliers de personnes qui assisteront à la cérémonie depuis les quais hauts et les quais bas.
Troisièmement, les enjeux liés à la sécurisation s'étendent à tout ce qui se déroulera parallèlement à la cérémonie, notamment dans les « fan-zones » des arrondissements parisiens et ailleurs sur le territoire national.
Le préfet de la région d'Île-de-France s'exprimera sur les difficultés liées à la navigation.
S'agissant des spectateurs, 104 000 billets ont été mis en vente par le Cojop pour assister à la cérémonie depuis les quais bas. Je vous détaillerai la liste précise des quais bas, qui ne sont pas situés tout le long du linéaire de 6 kilomètres. Sur les quais bas, ainsi que sur plusieurs ponts de la Seine, seront installées des tribunes, ce qui soulève d'autres sujets de sécurité, comme l'a récemment rappelé l'accident ayant affecté le pont de Sully.
En outre, 222 000 personnes pourront assister à la cérémonie gratuitement depuis les quais hauts. Ces personnes ne pourront pas aller sur les six kilomètres de linéaire, d'une part, parce que des voies de passage seront réservées, d'autre part, parce qu'à la demande du Président de la République, les boîtes des bouquinistes le long de la Seine ne seront pas démontées. Par ailleurs, pour des questions de sécurité, en raison de l'état de la menace, nous avons fait le choix d'autoriser trois personnes par mètre carré.
De plus, nous estimons que 200 000 personnes, bénéficiant d'une vue sur les six kilomètres de la Seine où défilera la parade, pourront regarder la cérémonie depuis chez elles, tout en étant situées à l'intérieur du périmètre de sécurité.
Enfin, d'après les informations que nous tenons de la Ville de Paris, environ 50 000 personnes regarderont la cérémonie dans des fan zones réparties dans différents arrondissements.
Nous arrivons donc à un total de 576 000 spectateurs, dont 526 000 à l'intérieur du périmètre de sécurité.
Nous devrons ainsi assurer la sécurité de 326 000 personnes sur les quais hauts et les quais bas - soit quatre fois la capacité du Stade de France ! -, pour un temps durant lequel Paris sera coupé, puisqu'il sera impossible, sauf aux services de secours, de traverser la Seine entre la fin de la journée et le début de la nuit.
M. Marc Guillaume, préfet de la région Île-de-France. - La flotte des athlètes comprendra 94 bateaux : ce total inclut les bateaux qui navigueront sur la Seine et les bateaux de réserve. Une flotte connexe composée de 86 bateaux sera chargée d'assurer la sécurité, l'encadrement, la maintenance et l'assistance. La plupart de ceux-ci seront prépositionnés le long du linéaire : c'est notamment le cas des pousseurs.
Ces bateaux circuleront de manière inhabituelle, puisqu'ils iront uniquement dans le sens avalant sur trois files : une file centrale, avec les bateaux des athlètes, une file de gauche, essentiellement réservée à la transmission télévisuelle, et une file de droite dédiée à la régulation. Quelques bateaux de la préfecture de police circuleront en plus de ceux qui auront été prépositionnés pour assurer la sécurité.
Nous devrons assurer la sécurité de la parade fluviale à trois niveaux différents.
Premièrement, nous devons contrôler un à un les bateaux de la flotte principale comme ceux de la flotte connexe. À l'occasion de la répétition du 17 juillet 2023, nous avons déjà vérifié 89 bateaux de la flotte principale. Nous devons contrôler aussi l'ensemble des conducteurs pour accroître, si nécessaire, leur formation.
Deuxièmement, nous devons travailler sur le concept artistique, puisqu'un ensemble de décors sera monté à la fois sur les quais et sur la Seine, principalement hors du chenal. Près de 25 établissements flottants et 35 matériels flottants seront installés pour le spectacle. Là encore, nous avons des dossiers à instruire. Pour ne prendre qu'un seul exemple, nous devons contrôler les conditions d'amarrage de ces installations, afin de vérifier qu'elles n'interviennent pas dans des frayères, et, si c'est le cas, travailler avec des écologues pour garantir le respect des règles environnementales. Nous prévoyons trente-huit nuits de montage, échelonnées sur les trois mois précédant la semaine du 26 juillet. Le démontage se fera plus rapidement.
Troisièmement, nous devons assurer la sécurité des zones d'embarquement et de débarquement. Les navires circuleront sur un trajet de six kilomètres entre Austerlitz et Trocadéro. À l'est, une zone de quatre kilomètres sera réservée à l'embarquement des 10 000 athlètes sur les bateaux : 250 bus seront mobilisés pour les y emmener. Une fois arrivés au Trocadéro, les athlètes pourront débarquer le long d'une zone de trois kilomètres environ. De nombreux pontons devront donc être construits.
Concernant l'accident évoqué par le ministre, un bateau a heurté le 31 janvier la deuxième arche du pont de Sully par laquelle descendent les bateaux avalants. Ce pont appartient à la mairie de Paris, qui est en train de finaliser les expertises afin de procéder aux travaux nécessaires avant la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques. Il s'agira, sans doute, de scinder un bloc de fonte qui risque de tomber, puis de restaurer le pont. Ces travaux devraient être réalisés avant la cérémonie d'ouverture.
Enfin, il faut noter que nous avons réussi à limiter la fermeture à la navigation de la Seine du 20 au 26 juillet, ce qui garantira le maintien de la plupart des activités économiques. Les céréaliers, notamment, pourront acheminer par la Seine les premières moissons dès la fin du mois.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Le nombre de bateaux a-t-il été réduit par rapport à ce qui avait été annoncé il y a un an ? Les 10 500 athlètes seront donc transportés sur 94 bateaux ?
M. Marc Guillaume. - La flotte des athlètes compte 94 bateaux, dont des bateaux de réserve. Le Cojop achève ses derniers calculs : il est possible que quelques bateaux de moins circulent finalement, ce qui faciliterait la fluidité de la parade.
Le projet de faire circuler 160 bateaux a été abandonné depuis assez longtemps par le Cojop. Il y aura donc environ 90 bateaux pour les athlètes et 90 bateaux pour la flotte connexe, qui assurera la sécurité, les retransmissions et les interventions de secours.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Tous les athlètes ne seront donc pas présents sur les bateaux ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il s'agira d'une sélection d'athlètes.
Il faut noter qu'aucun pays ne nous a fait part d'un refus de faire défiler ses athlètes. C'est un point très important et nous partageons un très grand nombre d'informations et de renseignements avec nos partenaires étrangers. Certains pays représentent des cibles potentielles et les enjeux liés à leur sécurité sont particulièrement sensibles. Ils ont donc confiance dans notre organisation. Le préfet de police, le préfet de la région d'Île-de-France et la DGSI travaillent avec eux pour partager les contraintes.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - À qui appartiennent ces bateaux ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ces bateaux ne sont pas les nôtres. Le Cojop nous renseigne sur la parade culturelle et sur le nombre de bateaux qui défileront.
Mme Laurence Harribey. -D'où viennent ces bateaux ?
M. Marc Guillaume. - Depuis qu'il a été décidé que le nombre de bateaux sera inférieur à cent, il a été convenu qu'il s'agirait de bateaux du bief parisien, tels que les « bateaux-mouches », qui circulent sur la Seine et qui seront redécorés à cette occasion.
M. Gérald Darmanin, ministre. - La cérémonie se déroulera entre le pont d'Austerlitz et le pont d'Iéna. Les ponts que les Parisiens pourront emprunter, les jours précédant la cérémonie, pour traverser la ville, ont été définis. Quatre passages seront ouverts aux véhicules et un passage sera réservé aux seuls piétons. Les autres ponts seront occupés soit par les opérations de montage des tribunes, soit par le travail préparatoire de sécurisation de l'ensemble du périmètre antiterroriste dans le centre-ville de Paris.
Nous avons précisé la liste des sept ponts d'accueil du public - pont de la Tournelle, pont d'Arcole, pont au Change, pont du Carrousel, pont Royal, pont de la Concorde et pont d'Alma -, des sept ponts qui accueillent des installations logistiques - pont d'Austerlitz, pont Saint-Louis, pont Neuf, pont des Arts, pont Alexandre III, passerelle Debilly et pont d'Iéna - et les quatre ponts traversants - pont de Sully, pont de Notre-Dame, pont des Invalides et pont d'Iéna - auxquels s'ajoute la passerelle Léopold-Sédar-Senghor.
Je vous expose, pour la première fois, en lien avec la mairie de Paris, la répartition des quais hauts et des quais bas. J'en profite également pour vous communiquer les dates de neutralisation progressive des ponts de la Seine. Des restrictions de circulation seront appliquées à partir du 1er juillet et seront étendues à d'autres ponts le 8 juillet, puis à l'intégralité des ponts, dont le pont de la Concorde, le 15 juillet.
M. Laurent Nunez, préfet de police de Paris. - Concernant les phases de montage, nous avons tenu à préserver des points de passage, car le périmètre de protection autour de la cérémonie rendra difficile la traversée de cette zone. Il était donc indispensable de prévoir des axes qui nous sont laissés libres par le Cojop. Il n'y aura pas d'installation, ni technique ni artistique, sur ces cinq ponts, qui pourront être traversés jusqu'à très peu de temps avant la cérémonie.
Nous ne parlons bien entendu que du centre de Paris, entre Bir-Hakeim et Austerlitz. Tous les ponts situés à l'est et à l'ouest de cette zone resteront ouverts à la circulation, sauf le jour de la cérémonie, où ils seront fermés aux métros et aux véhicules le temps du passage des bateaux.
Les cinq ponts ouverts à la traversée sont le pont de Sully, le pont de Notre-Dame, le pont des Invalides, une partie du pont d'Iéna - l'autre étant occupée par le Cojop - et la passerelle Léopold-Sédar-Senghor pour les piétons. Cela peut paraître faible, mais cela ne dépend pas que de nous. En effet, le Cojop va progressivement procéder au montage de la cérémonie d'ouverture, lors de laquelle les ponts serviront tant à accueillir une partie du public que de support au programme artistique.
Lorsque le périmètre de protection antiterroriste autour de la cérémonie d'ouverture aura été déployé, la plupart des ponts ne pourront pas être utilisés, à l'exception des cinq que nous avons mentionnés et qui resteront accessibles. Le ministre de l'intérieur m'a demandé de porter fermement cette demande auprès du Cojop, afin de réduire les perturbations.
Le Cojop a la responsabilité du montage de la cérémonie d'ouverture. La préfecture de police assure les mesures de restrictions de circulation qui accompagnent ce montage, qui débutera, pour les ponts, entre le 1er et le 15 juillet.
La Ville de Paris doit également installer des « boxes » sur les quais hauts pour accueillir un maximum de 222 000 personnes, à partir du début du mois de juin. L'impact de ce montage sur la circulation sur ces quais sera significatif à partir du milieu du mois de juillet. La Ville de Paris a fait, à notre demande, un effort considérable, puisque dans le scénario initial, les quais hauts étaient fermés à la circulation à partir du 1er juillet. Le montage des installations des quais bas commencera au milieu du mois de juin.
La jauge de 222 000 spectateurs sur les quais hauts correspond à ce qui était affiché dans le dossier initial. Selon vous, madame la rapporteure, cette jauge aurait fondu comme neige au soleil : ce n'est pas le cas. Nous n'avons fait qu'appliquer la réglementation propre à la jauge de trois personnes par mètre carré, avec le nombre d'entrées et de sorties nécessaires par box. Il faut aussi prendre en compte l'incidence du retrait des zones des bouquinistes, qui ne pourront accueillir de public, étant donné que des explosifs pourraient être dissimulés dans les boîtes. La jauge a donc été réduite de 78 000 personnes.
M. Gérald Darmanin, ministre. - S'agissant du périmètre de sécurité, nous agissons en deux temps.
D'abord, nous appliquons la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme dite loi « SILT » dans l'ensemble de ce périmètre, afin de former une bulle de sécurité couvrant une grande partie des 6 kilomètres de la Seine et ses abords immédiats. Certains accès motorisés seront réglementés, avec des périmètres interdits aux véhicules. Ainsi, les véhicules ne pourront pas s'arrêter sur les ponts permettant la traversée et ne pourront pas rentrer, sauf exception - comme les résidents, les livreurs à domicile, les médecins - dans ce périmètre.
Le périmètre « Silt » sera mis en place quelques jours avant la cérémonie d'ouverture, puisque je souhaite garder un petit effet de surprise. En effet, ce périmètre nous permettra de contrôler l'intégralité des personnes qui entreront dans ce périmètre, au nom de la loi dite Silt. Pour accéder à cet hypercentre, les personnes devront s'inscrire auprès de la préfecture de police pour obtenir un QR code. Tout individu qui ne se serait pas inscrit ou qui serait surveillé par les services de police ne pourra entrer dans ce périmètre.
Un essai est prévu trois ou quatre jours avant la cérémonie d'ouverture, à une date que nous ne préférons pas communiquer précisément.
Le jour J, l'ensemble du périmètre sera interdit à la circulation motorisée. Seuls les piétons pourront traverser la Seine, à condition d'être doté d'un QR code ou d'un billet donnant accès aux quais hauts ou bas.
Les bateaux traverseront la Seine de Bercy au Trocadéro. La surveillance des bateaux dans les jours précédant l'événement - pour éviter, par exemple, qu'une bombe n'y soit cachée - requiert une logistique importante. Le ministère des armées, que je remercie, a accepté de se charger de ce périmètre de protection, avec un régiment d'infanterie, ce qui nous libère davantage de forces de l'ordre pour nous assurer que les véhicules ne s'arrêtent pas sur les ponts ouverts à la circulation.
Le préfet de police est aussi chargé de veiller à l'absence de toute circulation dans les catacombes et dans les sous-sols de la ville de Paris, comme les égouts, pour éviter toute porosité dans la zone qui entoure la Seine.
Mme Laurence Harribey. - Une chose m'échappe : vous avez évoqué 200 000 spectateurs depuis les immeubles autour de la Seine. Comment seront-ils contrôlés ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il s'agit d'une estimation. Certaines personnes auront également la possibilité, grâce au Cojop, d'assister à la cérémonie depuis des péniches ou des restaurants.
Toutes ces personnes seront contrôlées, car elles devront s'inscrire pour accéder à ce périmètre, qu'il s'agisse de riverains ou de personnes qui ont loué un appartement. Nous saurons qui entre dans cette zone et nous pourrons en refuser l'accès à certains.
Mme Laurence Harribey. - C'est énorme, 200 000 personnes !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Des dizaines de milliers de personnes habitent en effet dans ce périmètre.
M. Laurent Nunez. - Les gens seront contrôlés pour entrer dans le périmètre « Silt » et devront pour cela s'inscrire à l'avance sur une plateforme internet. Une dérogation sera nécessaire pour les véhicules. La vie économique doit se poursuivre ; en particulier, les restaurateurs doivent pouvoir travailler. Il y a environ 20 000 foyers fiscaux dans ce périmètre.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Je veux saluer l'investissement du préfet de police qui a personnellement tenu, en lien avec la mairie de Paris, des réunions d'information dans tous les arrondissements concernés et je sais que le public était très nombreux.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous mobilisons très fortement les ressources humaines, alors même que nous ne connaissons pas encore tous les tableaux culturels qui seront déployés - nous savons certaines choses, mais nous n'avons pas le droit d'en parler... Ainsi, 45 000 agents des forces de sécurité intérieure seront mobilisés en Île-de-France. Or, vous le savez, la cérémonie d'ouverture aura lieu un week-end où juilletistes et aoûtiens se croiseront, un moment que nous devons également sécuriser à ce titre.
En ce qui concerne la lutte anti-drones, il n'y a pas de problème particulier. Les forces se sont entraînées durant la coupe de monde de football au Qatar, où nous avons exporté notre expertise, et le dispositif est efficace, en particulier grâce au soutien du ministère des armées.
Plus de cent plongeurs-démineurs seront aussi mobilisés.
Le risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC) est pris en compte et des équipes cynophiles seront mobilisées à la fois pour la cérémonie d'ouverture et pour tous les événements.
Pour la première fois dans notre pays, les trois unités d'élite du ministère de l'intérieur se sont mises d'accord pour se répartir la tâche sur un même territoire : le Raid s'occupera des points hauts, c'est-à-dire les toits des immeubles ; le GIGN accompagnera les sportifs sur les bateaux ; la BRI sera prête à intervenir en matière antiterroriste. Il y aura plus de 650 unités d'élite.
Des hélicoptères seront également présents, avec des tireurs d'élite à bord, pour couvrir le ciel de Paris. Vous le savez, c'est historique, la circulation aérienne sera complètement interrompue à partir de 19 heures environ dans un périmètre de 150 kilomètres autour de Paris.
Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. - Toutes les forces sont très engagées depuis un moment sur la question des drones et nous avons pu développer notre expertise au Qatar durant la coupe du monde de football. De nos jours, dès qu'un événement a lieu, une manoeuvre anti-drones est prévue. Nous avons d'importants moyens et ils sont coordonnés, y compris avec l'armée de l'air. De plus, nous assurons une veille technique permanente, parce que les technologies évoluent elles-mêmes constamment. Nous travaillons aussi avec les forces concernées d'autres pays et échangeons nos expériences et techniques. Il n'y a donc pas de problème particulier, même si la menace est réelle.
M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale. - Aujourd'hui, 159 policiers sont déjà formés à la lutte anti-drones et nous continuons d'en former. L'armée de l'air coordonnera un exercice à ce sujet entre le 11 et le 15 mars.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il y aura 2 500 policiers et gendarmes d'autres pays qui viendront nous soutenir pour les Jeux. Dans ce cadre seront mobilisées des équipes cynotechniques étrangères.
En ce qui concerne les équipes cynophiles, je n'ai pas la même vision alarmiste que vous, madame la rapporteure, puisque 75 équipes ont déjà été formées et ont reçu leur qualification. En outre, nous avons donné des consignes pour aménager les examens. Il y aura une centaine d'équipes cynophiles de police et de gendarmerie, une centaine au titre de la sécurité privée et des équipes venant de pays étrangers.
M. Julien Marion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises. - Le risque NRBC est intégré à la manoeuvre, en particulier pour la cérémonie d'ouverture, mais aussi pour tous les jours d'épreuves et sur l'ensemble des sites. Nous allons mobiliser en priorité les ressources spécialisées, car les compétences et les matériels sont particulièrement pointus. Il s'agit principalement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et des quatre services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) de la grande couronne, mais nous allons aussi faire appel à treize équipes de renfort. Une équipe de renfort NRBC - nous parlons dans notre jargon d'une colonne - est composée de 235 sapeurs-pompiers et de leur matériel. Trois équipes de renfort seront déployées pour la cérémonie d'ouverture.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Qui pourra assister à la cérémonie d'ouverture sur les quais hauts ? Comment sélectionner les personnes afin d'assurer la gestion de la foule et de sécuriser l'événement ? L'assistance sera gratuite, mais encadrée. Vous le savez, nous avons diminué la jauge et il ne pourra pas y avoir de spectateur près des boîtes des bouquinistes.
Nous avons décidé de confier à des tiers de confiance le choix des personnes qui pourront assister à la cérémonie sur les quais hauts : les collectivités locales, le Cojop et des services de l'État. Une invitation vaudra pour quatre personnes. Les personnes choisies recevront un lien qui leur permettra, via un site internet, de s'inscrire - ce sera le même site internet que pour les quais bas. Elles auront donc besoin d'un QR code pour accéder, gratuitement, aux quais hauts dans la limite des places disponibles.
Nous gardons la possibilité d'annuler des QR codes pour des personnes que nous ne souhaitons pas voir entrer dans le périmètre Silt, notamment en cas de menace. Ce sont 222 000 places qui sont à distribuer ainsi. C'est Michel Cadot, le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs, qui est chargé de ce sujet avec les tiers de confiance dont j'ai parlé.
Nous souhaitons disposer des noms des invités à la fin du mois de mai pour avoir le temps d'effectuer des vérifications. Ces personnes devront présenter une pièce d'identité, elles ne pourront pas suivre le parcours, elles devront rester à un endroit donné et ne pourront pas bouger.
Les gens qui assisteront au spectacle depuis les quais bas devront accéder par les quais hauts : l'entrée sera la même que vous y assistiez d'en bas ou d'en haut. Les policiers disposeront du matériel adapté pour vérifier les QR codes.
Je vous rappelle que nous aurons ainsi plus de 300 000 spectateurs payants, sur les quais bas, et gratuits, sur les quais hauts, et il faut ajouter les habitants.
M. Laurent Nunez. - L'entrée du périmètre de protection se fera au droit des bâtiments. Les personnes seront fouillées et dirigées en fonction de leur destination. Des forces de l'ordre seront positionnées en appui feu, en capacité d'intervenir à tout moment.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il y aura aussi à ces endroits des agents de sécurité privée et 2 000 policiers municipaux.
Il ne faut pas oublier la cérémonie d'ouverture des jeux Paralympiques qui aura lieu le 28 août sur la place de la Concorde, c'est-à-dire à proximité, notamment, de l'ambassade des États-Unis, de l'Élysée et de l'Assemblée nationale. Cette cérémonie aura aussi des conséquences pour les Parisiens, d'autant que nous attendons environ 65 000 personnes, soit l'équivalent d'un stade de France, dont cinquante chefs d'État. Il y aura aussi un périmètre Silt à cette occasion.
Nous avons évidemment anticipé des scénarios critiques, en particulier s'il se passe d'autres événements particuliers ailleurs en France, comme un grand incendie, un acte terroriste, un afflux migratoire, etc. Des unités de réserve seront positionnées pour couvrir l'ensemble du territoire, y compris outre-mer. Je vous rappelle que 90 % des forces mobiles seront au travail en juillet et août 2024, un taux jamais atteint. Grâce à la loi de programmation, nous avons pu créer onze nouvelles unités de forces mobiles.
En ce qui concerne le logement, nous avons noué des partenariats publics - gendarmerie, armée, centres universitaires, etc. - et avec de grandes entreprises d'hôtellerie afin de loger nos policiers et gendarmes et ceux qui viendront de l'étranger. À ma connaissance, il n'y a pas de problème non plus de ce point de vue.
Nous avons signé un accord social avec les syndicats. Le ministère de l'intérieur sera le seul à être mobilisé à 100 % et nous avons voulu mettre en place un travail d'accompagnement social. Je vais refuser des congés pour la période mi-juillet-mi-août ; en échange, l'accord prévoit plusieurs axes : une prime d'un montant maximum de 1 900 euros - elle sera au maximum pour les agents qui seront directement touchés en Île-de-France - ; le paiement direct des heures supplémentaires réalisées durant cette période ; un accompagnement social, par exemple par l'ouverture de structures d'accueil des enfants, etc.
Il est difficile de répondre aujourd'hui sur le coût total de ces mesures : il dépendra beaucoup des événements et de la manière dont les choses se passeront. Il n'est pas prévu à ce stade de projet de loi de finances rectificative.
Nous autoriserons dix jours de congés entre le 15 juin et le 15 septembre pour l'ensemble des agents du ministère de l'intérieur, mais aucun, pour les agents directement concernés, entre fin juillet et début août. Et toute la chaîne de commandement est évidemment concernée ; tout le monde sera là ! Les réserves seront toutes mobilisées et les élèves des écoles de gendarmerie et de police aussi.
Enfin, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) sera mobilisé. La ville de Saint-Denis par exemple bénéficiera d'un million d'euros pour des caméras de vidéoprotection. L'argent public sera bien utilisé !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Vous n'avez pas donné de précision concernant la base juridique nécessaire pour verser une prime aux policiers municipaux. Qu'en est-il ?
Par ailleurs, vous nous confirmez qu'il n'y a pas de problème pour les équipes cynophiles.
M. Gérald Darmanin, ministre. - En effet !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Et qu'en est-il pour le logement des agents de sécurité privée ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas le ministre de tutelle, mais nous vous avons préparé une diapositive à ce sujet.
Mme Laurence Harribey. - La mobilisation des sapeurs-pompiers aura un coût pour les départements. Quelles dispositions sont prévues à ce sujet ?
M. François-Noël Buffet, président. - Nous avons en effet été saisis de propositions, dont certaines mobilisent des mécanismes de défiscalisation...
M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est alors la compétence du Parlement, monsieur le président...
Je reviens sur la question de la technologie : le législateur a ajouté des conditions qui limitent en partie l'efficacité du dispositif et nous appliquons ce qui a été prévu. Nous avons installé le comité de déontologie, qui est présidé par Christian Vigouroux, mais il nous manque encore les membres qui doivent être désignés par le Sénat...
Au sujet des polices municipales, il est vrai qu'il n'existe pas de base légale pour qu'un maire accorde une prime spécifique, mais il peut accorder des heures supplémentaires. Je ne vois que des avantages à créer une base légale pour une prime et vous savez qu'à la demande de l'ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, nous travaillons sur l'évolution du statut des polices municipales. En tout cas, je n'enverrai pas d'instruction pour que les préfets réalisent un contrôle de légalité particulier sur ce sujet...
Quid d'une éventuelle compensation par l'État ? Nous pouvons bien sûr en débattre, même si cela relève d'abord de l'employeur, mais le FIPD vient déjà en soutien des collectivités pour ce qui concerne l'équipement - ainsi, je vais jeudi à Châteauroux inaugurer le poste de police municipale qui a été payé en grande partie par l'État. On peut donc travailler sur l'investissement, mais logiquement le fonctionnement n'est pas de mon ressort.
En ce qui concerne les sapeurs-pompiers, une grande partie de la mobilisation repose sur la BSPP, dont le financement est partagé à parité entre l'État et la mairie de Paris. C'est à peu près la même situation pour les marins-pompiers de Marseille. La question se pose donc d'abord pour les Sdis. Pouvons-nous trouver un compromis budgétaire comme pour la prime de feu au moment de mon arrivée au ministère ? J'y suis évidemment ouvert et il y a deux manières de faire : soit nous payons une colonne de feu, c'est-à-dire des sapeurs-pompiers qui viennent d'autres départements pour aider en Île-de-France - dans ces cas-là, c'est aujourd'hui toujours l'État qui paye à 100 % - ; soit on aide les sapeurs-pompiers qui verront leurs interventions augmenter - l'État n'est pas leur employeur, mais il peut accompagner. Je verrai bientôt les représentants des sapeurs-pompiers volontaires et ceux des départements ; nous pourrons parler de ces sujets.
En ce qui concerne la Polynésie française, territoire où le surf a été inventé, je le signale, le site de Teahupo'o présente quelques défis, notamment puisqu'il n'y a pas d'hôpital ou de centre de sécurité civile, alors que nous accueillerons sur place de nombreux chefs d'État du Pacifique, des délégations, des spectateurs, etc. J'ajoute que la date des épreuves ne peut pas être fixée à l'avance - il faut attendre la vague... Nous assurons la sécurisation en lien avec le ministère des armées, comme pour l'épreuve de voile qui aura lieu à Marseille. Des hélicoptères seront mobilisés.
Le continuum de sécurité repose aussi sur la sécurité privée qui dépend de l'organisateur. Nous n'avons plus de craintes à ce sujet, puisque 90 % des agents prévus ont été couverts par les appels d'offres lancés par le Cojop. Il reste un quatrième appel d'offres qui va bientôt être ouvert. Est-ce que les entreprises qui ont répondu à ces appels d'offres ont toutes les personnes à disposition ? Nous travaillons sur ce point.
M. Marc Guillaume. - L'État a dégagé 46 millions d'euros pour 20 000 formations en sécurité privée en Île-de-France afin d'atteindre 15 000 embauches par les entreprises attributaires des marchés du Cojop. À ce jour, 11 000 personnes ont été embauchées et 18 000 formées. Nous allons engager des moyens supplémentaires et pensons atteindre, avant les jeux Olympiques, les 15 000 agents attendus. L'essentiel de ces personnes étaient des demandeurs d'emploi ; 122 agences de Pôle emploi ont été mobilisées pour appeler plus de 145 000 personnes et leur proposer une formation. Des étudiants et des personnes en insertion ont également été recrutés. Nous ferons un effort particulier en juin auprès des étudiants à la fin de leurs examens. Depuis décembre, une réunion mensuelle a lieu avec le Cojop, les entreprises attributaires et Pôle emploi sur ce sujet.
En ce qui concerne le logement, 2 500 places ont été mises de côté pour les agents de sécurité privée qui viennent de province.
Vous le voyez, le dispositif est extrêmement ambitieux et a demandé une mobilisation très forte de Pôle emploi. L'enjeu pour les entreprises est de fidéliser ces personnes.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Au sujet de la vidéoprotection intelligente, j'entends qu'il y a un peu de retard et qu'il a fallu du temps pour mettre en place le comité présidé par Christian Vigouroux.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous attendions les nominations par le Parlement !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Pour autant, est-ce que le dispositif sera opérationnel, notamment dans l'objectif d'économiser les moyens humains déployés et faciliter leur prise de décision dans un contexte aussi particulier ? Y a-t-il des difficultés particulières ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - J'ai fini par décider de réunir le comité de déontologie sans les parlementaires, parce qu'ils n'étaient pas désignés et que le temps pressait.
Je rappelle que la reconnaissance faciale a été refusée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et le Conseil d'État. Ce n'est pas le Gouvernement qui a, a priori, refusé d'utiliser cette technique.
Nous avons eu un débat sur l'utilité de l'intelligence artificielle : nous estimons que ce n'est pas l'alpha et l'oméga de la sécurité, mais que c'est utile. Le Parlement est à la source de 80 % des conditions supplémentaires posées pour son utilisation... Nous avons évidemment accepté ce compromis politique, mais sachez que nous travaillons dans ce cadre contraint.
M. Laurent Nunez. - Le dispositif n'est pas encore opérationnel, nous faisons des tests de paramétrage pour répondre à trois ou quatre cas d'usages autorisés par le législateur : détection des flux à contresens, de la surdensité, etc. C'est ce que nous avons fait pour la première fois le 3 mars, où tout a plutôt bien fonctionné, et c'est ce que nous ferons ce soir. Les clignotants sont au vert, nous n'avons pas eu de difficulté particulière, je dirais même que cela fonctionne au-delà de nos attentes, mais nous allons tester de nouveau afin que le dispositif soit opérationnel pour les Jeux. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga d'un dispositif de sécurité : il s'agit en fait d'attirer l'attention des téléopérateurs pour leur faire gagner du temps.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Monsieur le ministre, vous avez renchéri sur le fait que la reconnaissance faciale ne pouvait pas être utilisée. Pourtant, un haut fonctionnaire de votre ministère nous a indiqué qu'il avait été demandé de stopper l'utilisation du logiciel israélien de reconnaissance faciale Briefcam, parce qu'il y avait une enquête. Pouvez-vous confirmer qu'il n'a jamais été fait usage de reconnaissance faciale ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Il n'y a pas d'utilisation de Briefcam et, lorsque des logiciels comme celui-là ont pu être utilisés, c'était toujours sous l'autorité du pouvoir judiciaire.
M. Frédéric Veaux. - Nous allons employer 100 % de nos effectifs, ce qui constitue un effort d'organisation particulièrement important. Les volontaires sont nombreux, nous travaillons à une répartition service par service, en recherchant à diminuer au maximum les relèves, donc en privilégiant les fonctionnaires qui peuvent travailleur sur la durée la plus longue possible afin d'éviter de saturer les logements.
Une telle mobilisation implique des besoins spécifiques pour les véhicules, les radios et l'armement. Nous y répondons, en lien avec le préfet de police et le secrétaire général pour l'administration.
Nous travaillons également sur les conditions d'accueil du personnel. Il faut que les compagnies et équipages résident à proximité des lieux où ils seront employés, tout en étant regroupés. C'est un travail minutieux.
En parallèle, l'objectif est de maintenir une présence active dans les territoires pour accomplir nos missions, notamment là où se dérouleront les matchs de football des équipes nationales d'Israël ou d'Ukraine, qui représenteront un risque évident.
Nous nous livrons à un travail assez fin, dans le cadre d'un dialogue social nourri, à savoir le dialogue institutionnel, que nous pratiquons tout au long de l'année. Nous avons institué un groupe de contact avec les organisations syndicales représentatives et l'administration : tous les quinze jours, nous nous rencontrons pour évoquer un ensemble de sujets, qui vont de la mise en oeuvre des décisions du ministre de l'intérieur aux problèmes d'organisation, de matériel ou d'hébergement. Par exemple, dans certains internats, il n'y a ni cuisine ni provisions. Nous traitons ces sujets au fil de l'eau. De façon générale, nous sommes attentifs aux conditions d'accueil du personnel qui viendra renforcer les effectifs de la préfecture de police au cours de l'été prochain.
M. Christian Rodriguez. - Seuls 15 % des effectifs seront en vacances, au lieu de 30 % habituellement, puisque nous avons réduit les permissions. Pour la gendarmerie, qui compte 100 000 personnes, la « taxe » JO, si je puis dire, s'élève donc à 15 000 personnes. Aussi, nous remplirons toutes nos missions, y compris le renfort saisonnier en montagne ou en bord de mer.
Le véritable sujet logistique, c'est de projeter des gens qui ne le sont pas habituellement. L'ingénierie, c'est une somme de sujets faciles ; la difficulté étant de les traiter en même temps, mais nous y travaillons.
Dans la plaque parisienne comme ailleurs nous ont été confiés des blocs de missions. Aussi, les gendarmes commandent à des gendarmes sous l'autorité des préfets ou du préfet de police, afin que nous soyons efficaces et fluides dans nos relations.
Le dispositif choisi par le préfet de police contribuera à la fluidité et à la rapidité des remontées d'information, en cas d'incident.
De plus, nous nous inscrivons dans une logique zonale. Je ne vais pas commander tous les gendarmes depuis mon bureau ! Ce sont les généraux à la tête des régions zonales de gendarmerie qui piloteront les dispositifs, sous l'autorité des préfets.
Enfin, nous avons tout ce qu'il faut pour héberger les gendarmes, qu'il s'agisse de cantonnements de gendarmes mobiles ou de chambres d'hôtel ; ce n'est pas une difficulté. Les conditions seront différentes, mais toujours correctes. Les gendarmes pourront se reposer entre deux services, car les journées seront denses, d'autant plus que la chaleur pèsera sans nul doute sur les organismes.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous avons renouvelé tous les centres opérationnels départementaux (COD) des préfectures.
Nous avons mis en place une nouvelle cellule interministérielle pour gérer l'ensemble des questions relatives à la sécurité des jeux Olympiques, le centre national de commandement stratégique (CNCS). Nous l'avons inauguré lors de la coupe du monde de rugby, et tout s'est bien passé.
Madame Canayer, en matière de sécurité, c'est le ministre de l'intérieur qui prend les décisions. Il y a aussi des organes déconcentrés, notamment le préfet de police, dont le rôle est stratégique, notamment en cas de crise liée aux transports car il dispose de prérogatives particulières en la matière.
Au reste, après la cybersécurité, les questions de transport sont essentielles dans nos dispositifs, puisqu'elles touchent à la sécurité de la gestion de flux et de foules.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Faute d'avoir eu une réponse, je répète la question que j'ai posée en préambule : est-ce qu'une zone de manifestation pacifique a été prévue, à l'instar de ce qui s'est fait pour les COP ou les réunions du G7 ou du G20 ?
M. Laurent Nunez. - Nous avons réfléchi à un endroit où concentrer les seules manifestations déclarées et compatibles avec un dispositif commun de sécurité. Nous allons faire très prochainement des propositions au ministre en ce sens.
M. Christophe Chaillou. - Je suis impressionné par l'engagement des autorités pour l'organisation des Jeux. Je sais ce que cela représente concrètement pour en avoir discuté avec le directeur interdépartemental de la police nationale du Loiret, mon département, dont près de soixante-dix agents seront mobilisés pour les Jeux.
Qu'en sera-t-il des nominations de nouveaux effectifs dans les départements, qui sont actuellement gelées en raison des Jeux ? Nous en avons besoin dans le Loiret !
Mme Corinne Narassiguin. - En tant que sénatrice de la Seine-Saint-Denis, j'ai la chance d'être en contact régulier avec le Cojop et le préfet de la Seine-Saint-Denis sur l'évolution des dispositifs.
La Seine-Saint-Denis compte de nombreux sites sportifs dans le cadre des jeux Olympiques, mais aussi des « fan-zones ». Vous avez évoqué celles de Paris. Pourtant, celle du parc départemental Georges Valbon est particulièrement importante, en raison de sa surface : avez-vous prévu des dispositifs spécifiques de sécurité pour les sites de cette envergure ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Tout à fait. En temps normal, les fan zones sont tenues par la police municipale et la sécurité privée. En effet, les maires sont responsables de l'organisation de ces événements, de même que les fêtes, et la police et la gendarmerie n'y pratiquent des opérations de sécurité que dans le cadre d'interventions, et non pas pour sécuriser l'événement.
Néanmoins, il est évident que, face à l'ampleur d'événements extraordinaires comme les jeux Olympiques, nous devons échanger avec les maires pour savoir si nous devons établir des périmètres particuliers comme nous l'avons fait pendant la coupe du monde de rugby. Nous avons un très bon dialogue avec l'ensemble des élus du département et nous nous réunissons régulièrement avec le maire de Saint-Denis.
M. Laurent Nunez. - La Seine-Saint-Denis comprend plusieurs « fan-zones » et « clubs 2024 ». Nous avons travaillé sur cette question avec le préfet de la région d'Île-de-France. Certains de ces clubs ont été labellisés. Nous avons validé un dispositif de sécurité, qui s'appuie sur la police municipale et des agents de sécurité privée.
La Seine-Saint-Denis est le département à l'origine du plus grand nombre de candidatures de créations de clubs 2024 et de fan zones. Nous achevons l'étude de l'ensemble des projets avec le préfet de la Seine-Saint-Denis, et les validerons prochainement.
La « fan-zone » du parc Georges Valbon ne pose pas de difficulté particulière. Néanmoins, il s'agira du site phare du département : nous garderons donc un oeil attentif.
M. François-Noël Buffet, président. -Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre, madame la directrice, messieurs les directeurs et messieurs les préfets, pour votre présence au Sénat et pour l'ensemble des précisions que vous nous avez apportées.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 25.
Mercredi 6 mars 2024
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République - Examen du rapport d'information
M. François-Noël Buffet, président. - Mes chers collègues, nous allons examiner le rapport d'information sur l'application de la loi confortant le respect des principes de la République.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Dominique Vérien et moi-même vous proposons aujourd'hui de nous pencher sur l'application d'un texte que le Sénat n'a pas adopté : la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Ce texte, et c'est significatif, est connu sous plusieurs noms : on parle de loi confortant le respect des principes de la République, plus souvent de loi séparatisme, parfois de loi laïcité. C'est le résultat des incertitudes sur l'objet du texte.
Nous avions salué le fait qu'il marquait une prise de conscience nécessaire du péril que fait peser la radicalisation islamiste sur notre pays. Mais nous avons rapidement pris conscience du fait que ce texte, même s'il comporte des dispositions intéressantes, est bien trop technique et trop peu ambitieux pour changer la situation. Presque trois ans après l'adoption en lecture définitive du texte par l'Assemblée nationale, nous constatons, à regret, que nos réserves étaient fondées et que tout reste à faire.
Le texte, il faut le dire, a été largement conforté par la jurisprudence, que ce soit par le Conseil constitutionnel ou le Conseil d'État. Certaines de ses dispositions ont trouvé à s'appliquer, mais souvent d'une manière totalement différente de celle qui était envisagée par les auteurs de la loi : je pense à la dissolution des associations ou aux retraits de subventions ; je pense aussi, de manière plus large, à la lutte contre la haine en ligne.
Pour notre part, nous nous sommes intéressées à l'impact de ce texte sur la préservation des valeurs de la République au travers des quatre thématiques relevant de la commission des lois : la fonction publique, les collectivités territoriales, les relations avec les associations et les cultes. Nous ne pouvions pas nous pencher sur les domaines qui relèvent de la commission de la culture, soit l'éducation et le sport. Là aussi, il y aurait beaucoup à dire.
J'aborderai d'abord la question de la laïcité dans la fonction publique.
Peu innovante en matière de laïcité dans l'administration, la loi du 24 août 2021 a opéré des rappels s'agissant de l'action et de la déontologie des fonctionnaires et a tenté de redynamiser, en lui donnant un statut législatif, la fonction de référent laïcité, qui existait déjà, mais n'était pas mise en oeuvre partout. L'article 3 prévoit ainsi l'obligation pour toute administration de nommer un référent laïcité, notamment chargé d'apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte et d'organiser la journée de la laïcité du 9 décembre.
Toutefois, le déploiement de ce dispositif, censé être la cheville ouvrière de la laïcité dans l'administration, se heurte à de nombreuses difficultés. La première, que nous avions pointée en 2021, est de trouver les profils et les compétences requises pour cette fonction. N'est pas expert en matière de laïcité et de valeurs de la République qui veut, surtout pour exercer des fonctions impliquant notamment de dresser annuellement « un état des lieux de l'application du principe de laïcité et, le cas échéant, des manquements constatés ».
Par ailleurs, pour ne pas multiplier les fonctions, la fusion des postes de référent laïcité et de référent déontologue a été préconisée. Elle a d'ailleurs été présentée comme une opportunité de disposer d'une vision d'ensemble des obligations déontologiques des fonctionnaires.
Cependant, certains ministères au sein desquels les déontologues s'occupent principalement des questions relatives aux mobilités et aux liens avec le secteur privé, à l'instar des établissements hospitaliers, se trouvent confrontés à des difficultés pour accomplir véritablement les deux missions. Les administrations centrales craignent donc que des postes de référent laïcité au sein de certains établissements ne constituent en fait qu'une mise en conformité nominale, sans mise en oeuvre réelle des missions prévues par la loi.
Sans demander des référents laïcité dédiés à ce seul sujet, ce qui ne se justifie pas toujours, nous préconisons donc que la formation de ces référents à leur mission spécifique soit garantie.
Le réseau des référents laïcité se construit progressivement : 17 000 référents ont été nommés dans les ministères, dont 14 000 au ministère de l'éducation nationale. L'appropriation de cette obligation par les collectivités territoriales semble toutefois plus laborieuse. À titre d'exemple, seules 3 communes iséroises sur 512 s'y étaient conformées fin 2022.
Sur le fond, les bénéfices de ce dispositif sont encore peu perceptibles. Le rapport annuel d'activité sera établi pour la première fois au titre de l'année 2023 et devrait permettre de disposer à terme d'une photographie du nombre et du type d'atteintes à la laïcité et au principe de neutralité religieuse signalées indépendamment d'une procédure disciplinaire. Nous attendons donc impatiemment que le ministère de l'intérieur mène à bien ce lourd travail de collecte et de compilation.
Nous pensons que, pour connaître la situation dans les administrations et aider réellement les agents, il faut nous fonder sur ce qui fonctionne. Nous proposons de créer dans chaque fonction publique un collège sur le modèle du collège des sages de la laïcité constitué au sein de l'éducation nationale. Ce collège sera chargé d'animer le réseau des référents laïcité, de suivre l'organisation des formations et de centraliser la remontée du nombre de saisines et des éventuelles questions posées.
L'article 3 de la loi prévoyait également que tous les agents publics soient formés à la laïcité. Avant l'adoption du projet de loi, le gouvernement d'alors avait annoncé sa volonté de former l'ensemble des agents publics au respect du principe de laïcité d'ici à 2025. Une stratégie de formation interministérielle a été mise en place au niveau de l'État, qui conjugue une formation « socle » à distance de deux heures pour l'ensemble des agents et des formations en présentiel pour les agents identifiés comme prioritaires, en particulier ceux qui sont en relation avec le public. Selon les données disponibles, 505 000 agents publics ont aujourd'hui été formés à la laïcité, dont 380 000 au ministère de l'éducation nationale. Il n'existe toutefois pas de données agrégées au niveau des collectivités territoriales. Rappelons quand même qu'il y a plus de 5 millions d'agents publics en France...
Concrètement, l'objectif de formation de 100 % des agents d'ici à décembre 2025 est hors de portée. Cela ne veut pas dire qu'il faut relâcher l'effort. Des comportements d'agents publics contraires à la laïcité existent, comme le rapport de Patrick Pelloux l'a montré pour l'hôpital, et nous savons tous qu'il faut les aider à faire face aux atteintes à la laïcité auxquelles ils sont confrontés.
Afin de mieux protéger les agents, l'article 9 de la loi a créé un nouveau délit de séparatisme. Force est de constater que ces faits sont aujourd'hui relativement peu, voire très peu poursuivis. Le préfet de la Seine-Saint-Denis nous a indiqué avoir identifié uniquement trois dossiers.
La direction générale de la fonction publique a pointé, pour sa part, le périmètre beaucoup trop restrictif du dispositif. Nous proposons d'étudier cette question.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - J'aborderai maintenant les dispositions de la loi qui sont relatives aux associations, ainsi qu'aux collectivités territoriales. Autant le dire tout de suite, le bilan n'est guère plus reluisant que celui que Jacqueline Eustache-Brinio vient de vous présenter au sujet de la fonction publique.
Commençons par le sujet qui fâche : le contrat d'engagement républicain. Celui-ci avait alors été défendu d'arrache-pied par le Gouvernement comme un instrument potentiellement décisif pour lutter contre le séparatisme dans la sphère associative. Je rappelle que ce dispositif, qui figure à l'article 6 de la loi précitée, conditionne l'octroi de subventions publiques aux associations ou fondations à la signature d'un contrat. La subvention peut être refusée aux organismes qui n'en remplissent pas les critères ou retirée lorsque l'activité de l'association est contraire à ces principes.
L'enjeu était grand puisque l'on dénombre plus de 1,5 million d'associations actives en France et que près de 61 % d'entre elles perçoivent des subventions publiques. Bien entendu, la plupart sont irréprochables au regard des valeurs de la République : il est impératif de le souligner aujourd'hui, comme nous l'avions d'ailleurs fait en 2021. Mais gardons-nous de toute naïveté : il existait et il existe encore des associations en délicatesse avec nos valeurs, et c'est précisément pour combattre celles-ci que le contrat d'engagement républicain a été imaginé.
Ne nous voilons pas la face : l'éléphant a accouché d'une souris. Le contrat d'engagement républicain est très loin de s'être imposé comme l'instrument de référence qu'il était censé devenir dans la lutte contre le séparatisme.
M. Philippe Bas. - C'était prévisible !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La faute en revient tout d'abord aux choix réalisés par l'administration dans la mise en oeuvre concrète du dispositif. Force est de constater que la signature du document relève aujourd'hui davantage d'une formalité administrative que d'un quelconque engagement. Pour remplir cette obligation, il suffit de cocher une case qui se situe à la septième des dix pages du formulaire Cerfa de demande de subvention. La portée de cet engagement n'est même pas explicitée : pour connaître le contenu concret du contrat, il faut se référer à l'annexe du décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021. Autant dire que personne ne regarde vraiment ce qu'il recouvre...
Il nous paraît donc indispensable de redonner du sens à ce contrat. Pour cela, nous appelons l'exécutif à en faire un document indépendant du formulaire de subvention. La signature du contrat d'engagement républicain n'est pas une formalité comme les autres, et il est crucial que les associations en soient conscientes. Il est donc impératif de rendre cet engagement à la fois plus éclairé et plus solennel !
Au-delà de ces questions de forme, nous regrettons vivement que les services de l'État ne se soient pas emparés plus avant de cet outil. Je ne m'étendrai pas sur le fait qu'il n'existe aucun canal centralisé de remontée des données, ce qui est une nouvelle illustration de l'absence de culture de l'évaluation dans notre pays. Les quelques chiffres que nous avons pu collecter au cours de nos travaux se suffisent toutefois à eux-mêmes : le contrat d'engagement républicain n'a jamais donné lieu à aucun refus de subvention. Quant au nombre de retraits de subvention pour manquement à ses stipulations, nous en avons recensé quatre en deux ans et demi : un groupuscule d'extrême droite en Isère, l'association de protection, d'information et d'études de l'eau et de son environnement (APIEEE) dans les Deux-Sèvres, l'association Alternatiba dans le Rhône ainsi que l'association Canal Ti Zef dans le Finistère.
Le ministère de l'intérieur se défend en indiquant que la validation du décret d'application par le Conseil d'État n'est intervenue que très récemment. Dont acte. Mais tout de même, nous sommes en droit d'attendre mieux.
L'analyse de la liste des retraits de subvention laisse par ailleurs perplexe. La plupart d'entre eux concernent plus des associations militantes que séparatistes. Sans se prononcer sur le bien-fondé de leurs actions, qui peut être contestable, force est de constater que la loi a raté son objectif. Comme nous l'ont dit tous nos interlocuteurs, il suffit finalement à une association réellement séparatiste de ne pas solliciter de subventions pour passer sous les radars...
Sans surprise, la philosophie de notre ministère de l'intérieur - « gentil avec les gentils, méchant avec les méchants » - s'est finalement traduite par une nouvelle obligation administrative pour les gentils et une remarquable liberté pour les méchants. Tout cela a eu un prix : une dégradation nette des relations avec le monde associatif qui, à tort ou à raison, s'est senti stigmatisé par le dispositif, voire, le craint.
Là aussi, un sursaut s'impose ! Pour ce faire, nous recommandons de nous inspirer de l'action des préfets qui ont pris des initiatives intéressantes et que nous appelons à généraliser. C'est le cas du préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a donné instruction aux collectivités de lui faire remonter l'ensemble des demandes de subvention formulées par les associations cultuelles dites « mixtes » afin de les soumettre à un contrôle approfondi.
J'en viens maintenant à l'autre instrument majeur intéressant le monde associatif : la modernisation du régime des dissolutions.
Le bilan est plutôt positif sur ce point puisque l'article 16 de la loi a indéniablement favorisé le recours à la dissolution. Sur les six dissolutions décrétées en 2023 et 2024, quatre étaient partiellement fondées sur le nouveau motif de « provocation à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ». Certes la dissolution des Soulèvements de la terre a été annulée, mais nous disposons désormais d'une définition large et précise de la notion de « provocation ». Sur l'initiative de Marc-Philippe Daubresse, nous avions d'ailleurs entrepris de la consacrer dans la loi lors de l'examen de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste. Nous avions également voté la création d'un nouveau régime de dévolution des biens des associations dissoutes. Il serait donc de bon ton que la navette reprenne au plus vite.
Les autres dispositions applicables aux associations étaient essentiellement techniques et ont eu pour la plupart une portée limitée. Seules deux amendes ont été prononcées pour une émission irrégulière de reçus fiscaux tandis que la législation sur les fonds de dotation semble faire l'objet d'une application très disparate selon les territoires. Le préfet d'Isère nous a notamment alertés sur ce dernier point lors de son audition.
Je serai plus brève sur les dispositions applicables aux collectivités territoriales. Malheureusement, le bilan est toujours aussi terne de ce côté-là.
De l'avis général, les collectivités ne se sont pas encore pleinement approprié leurs nouvelles obligations. Nos travaux ont mis en évidence d'importantes disparités dans l'application de cette loi par les élus. Au-delà de la question des référents laïcité que Jacqueline Eustache-Brinio a évoquée, il est notamment possible de citer l'avis obligatoire du préfet sur les projets relatifs à des constructions de lieu de culte ou l'information du même préfet de la garantie d'un emprunt contracté à cette fin. Dans un cas comme dans l'autre, les collectivités ne semblent pas encore avoir pleinement intégré l'évolution des normes applicables. Cela est d'autant plus préoccupant que l'État ne s'est pas saisi des outils de contrôle que le législateur lui a pourtant offerts. Vous l'avez deviné, je parle bien du désormais célèbre référé laïcité qui, à notre connaissance, a été utilisé en tout et pour tout à deux reprises : une fois en Isère, pour suspendre l'application du règlement intérieur des piscines de Grenoble, et une autre fois, sans succès, en Seine-Saint-Denis. Au fond, le référé laïcité a bien plus alimenté les copies de contentieux administratif que la lutte contre les atteintes à la laïcité...
Nous appelons donc à intégrer pleinement les atteintes à la laïcité dans les priorités prises en compte dans le contrôle de légalité et à systématiser l'usage du déféré laïcité.
De manière générale, nous pensons que l'importance de cette loi justifie que les services de l'État puissent adapter leur organisation en conséquence, lorsque les circonstances locales le justifient. Nous plaidons donc pour la désignation dans chaque département d'un sous-préfet chargé des missions relatives aux valeurs de la République et au lien avec les associations cultuelles. Un sous-préfet exclusivement dédié à cette tâche pourrait par ailleurs être nommé dans les territoires les plus sensibles sur ce sujet.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - J'en viens à ce qui devait être le point central de la loi de 2021, à savoir la réforme du régime des cultes et de la loi de 1905.
Là encore, le résultat est décevant. Les cultes les plus favorables à la loi s'estiment aujourd'hui inutilement remis en cause alors que les plus éloignés du régime de 1905 n'y sont pas véritablement rentrés.
L'article 69 de la loi constitue, je le rappelle, une évolution majeure des relations entre l'État et les cultes en imposant une reconnaissance préalable obligatoire du caractère cultuel des associations qui souhaitent relever du statut d'association loi de 1905. Il entraînait l'obligation de remplir une déclaration de qualité cultuelle avant le 30 juin 2023 pour les associations constituées avant le 25 août 2021.
Cette mesure avait un double objectif. Le premier concernait la police administrative : s'assurer que les avantages fiscaux et financiers liés au statut d'association cultuelle ne bénéficient pas à des officines séparatistes. Le second, plus essentiel, était de favoriser la restructuration du culte en France pour inciter à la transformation des associations mixtes, privilégiées par les nouvelles spiritualités et le culte musulman, en associations loi de 1905.
Les chiffres qui nous ont été communiqués font état de plus de 3 000 associations actuellement reconnues ou dont le dossier est en cours d'instruction, dont 300 relèvent du culte musulman. Or il existait préalablement à la loi de 2021 environ 5 000 associations cultuelles et 2 600 mosquées.
Nous avons pu constater le traitement très disparate selon les préfectures des procédures de déclaration préalable et une multitude d'obstacles administratifs liés à l'impréparation des préfectures, sans doute faute d'information, de formation et de personnel dédié.
Cela a abouti à des demandes non conformes à la loi, comme la convocation de ministres des cultes par la police ou la demande de signature des contrats d'engagement républicain, ce qui n'était pas prévu.
La méconnaissance des spécificités des associations cultuelles a aussi pu entraîner des incompréhensions, comme la demande de modification par certaines préfectures du statut des associations diocésaines, alors que celui-ci est défini par un accord international.
La charge administrative pesant sur les membres des associations, qui sont souvent des bénévoles, s'est donc révélée particulièrement pesante, ainsi que l'avait anticipé le Sénat lors de la discussion du texte. La difficulté pour les bureaux en charge des cultes au sein des préfectures de faire face à l'afflux des demandes s'est traduite dans de nombreuses instances, partout sur le territoire, par des délais particulièrement longs pour obtenir l'attestation de qualité cultuelle.
Ainsi que le Sénat l'avait voté en 2021, nous souhaitons donc que le renouvellement de la reconnaissance du statut cultuel des associations puisse se faire par tacite reconduction à la réception des demandes, les préfectures conservant la possibilité de soumettre à nouveau l'association à la procédure de déclaration.
La nouvelle procédure a également entraîné un effet paradoxal, mais sans doute inévitable : l'obligation faite à des associations bénéficiant depuis parfois plusieurs décennies du statut d'association loi de 1905 de se séparer d'une partie de leurs activités considérées comme sociales ou culturelles et dont la nature ou l'ampleur faisaient qu'elles ne pouvaient être considérées comme accessoires à l'activité cultuelle.
Des associations relevant de la loi de 1905 se sont donc trouvées face à l'obligation de créer des structures relevant de la loi de 1901 pour ne pas se voir refuser le caractère cultuel. C'est sous cette seule forme qu'elles pourront continuer à conduire des activités qu'elles assumaient historiquement. Ces cas, auxquels s'ajoute l'incertitude liée à la notion d'activité annexe, susceptible d'être interprétée différemment selon les préfectures, ont renforcé le sentiment de nombreuses associations cultuelles de se trouver soumises à des contraintes disproportionnées au regard de l'ancienneté de leur engagement républicain.
Au regard des difficultés rencontrées par les associations, il est également important que le ministre de l'intérieur puisse envisager avec les cultes des solutions aux difficultés liées à l'utilisation des dons pour la rénovation des bâtiments - la synagogue de Verdun en est un exemple frappant -, à la location des immeubles et aux activités sociales historiques des associations cultuelles.
Il nous apparaît également particulièrement important que le travail engagé avec le bureau des cultes du ministère de l'intérieur se poursuive pour publier au plus vite les textes réglementaires et les fiches pédagogiques nécessaires à la bonne appropriation par les associations cultuelles de leurs nouvelles obligations.
L'accompagnement des associations mixtes vers le statut de 1905 doit être une mission prioritaire mobilisant l'action des préfectures. Les exemples de la Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise, où les préfets ont mené une politique active d'incitation, parfois de sanction avec le prononcé d'astreintes en cas d'absence de mise en conformité des statuts, mais aussi d'accompagnement, montrent que des actions de ce type sont efficaces. Cela exige la mobilisation des services de l'État sur l'ensemble du territoire.
On peut noter que les nouvelles obligations imposées aux associations cultuelles en matière de déclaration des financements étrangers semblent avoir produit leurs effets. Le service de renseignement Tracfin nous a ainsi indiqué avoir observé un « effet signal » qui se traduit par une nette diminution des flux de financements, désormais résiduels. Il ne faudra pas cependant relâcher la vigilance.
La loi de 2021 devait aussi, et nous y étions attachés, rénover la police des cultes, qui a pour objet de garantir le respect de l'ordre public dans le cadre des pratiques religieuses. Or toutes les mesures relatives à la police des cultes n'ont pas été appliquées de la même manière ni avec la même efficacité sur tout le territoire.
L'article 87 a donné au préfet la possibilité de prononcer la fermeture temporaire des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent incitent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes, tendent à justifier ou à encourager cette haine ou cette violence, ou remettent en cause les valeurs de la République.
Le 27 février dernier, lors de son audition, le ministre a fait état de sa satisfaction sur le fonctionnement de la mesure, ce qui nous étonne, au vu du faible nombre - seulement trois - de lieux de culte fermés depuis la promulgation de la loi.
D'autres mesures paraissent moins efficaces, comme la clause « anti-putsch » prévue par l'article 68. Il est donc proposé de réfléchir à une évolution de cette disposition afin de clarifier la possibilité pour le préfet de refuser l'enregistrement des actes problématiques.
Nous estimons enfin que certaines mesures sont trop peu investies par la justice. Dès 1905, la loi a réprimé les comportements séparatistes des ministres des cultes et d'individus prétendant imposer des pratiques religieuses.
Notre assemblée avait donc augmenté les peines applicables aux ministres des cultes incitant publiquement, dans les lieux où s'exerce le culte, à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, au soulèvement ou à la guerre civile. Philippe Bas, notamment, avait fait des propositions efficaces en ce sens. Mais la justice est très peu saisie des questions relatives à la police des cultes et les mesures prises ne trouvent quasiment pas à s'appliquer.
Nous souhaitons donc que ces dispositions soient mieux appliquées et complétées, comme le souhaitait le Sénat.
J'en viens pour conclure à un point qui me semble particulièrement important même s'il ne figure pas dans la loi elle-même. En effet, parallèlement à la loi du 24 août 2021, le Président de la République a souhaité relancer le dialogue avec le culte musulman et rompre avec une « personnalisation trop forte » des structures précédentes, dans l'« objectif de faire aboutir concrètement des projets portés par des acteurs de terrain et de faciliter la structuration d'un islam de France, émancipé des ingérences étrangères et de l'entrisme de ceux qui s'opposent à la République et sont des propagateurs de haine ».
Lancé en février 2022 au palais d'Iéna, réuni au palais de l'Élysée en février 2023 et au ministère de l'intérieur en février 2024, le Forum de l'islam de France (Forif) est une structure dont le devenir nous interroge. Constitué de groupes de travail, le Forif se voit appelé par l'État à se pencher sur des sujets d'une particulière importance, comme le statut des imams et leur formation. Il doit même être le porteur d'un projet de fédération des associations musulmanes, selon le souhait du ministre de l'intérieur formulé lors de son discours du 26 février dernier, auquel j'ai assisté en compagnie de Dominique Vérien.
Pourtant, comme l'indique le ministre, le Forif est une méthode et non une structure ; ni sa composition ni les modalités de participation de ses membres ne sont connues, malgré nos demandes répétées. Sans minimiser l'intérêt des travaux qui peuvent être conduits par les groupes de travail, la transition d'une méthode fluide vers une fédération solide est un défi qui appelle plus de transparence de la part de l'État. Nous souhaitons donc que la composition du Forif et le nombre de groupes de travail soient rendus publics dans les meilleurs délais.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Vous l'aurez compris, trois ans plus tard, nous ne pouvons nous satisfaire de si peu, même si nous ne négligeons pas les difficultés ni l'importance des travaux en cours. Nous vous soumettons donc seize recommandations pour essayer de rendre les dispositions plus opérationnelles.
M. André Reichardt. - Plusieurs dispositions de la loi étaient consacrées à son application au droit local d'Alsace-Moselle. Avez-vous étudié ce cas particulier ? Si vous ne l'avez pas fait, c'est peut-être une bonne nouvelle : moins on s'en occupera, mieux cela fonctionnera !
Dans un océan de difficultés, vous relevez néanmoins un succès : le tarissement des financements étrangers. Avez-vous vérifié que ce tarissement n'était pas compensé par d'autres voies ? Il y a quelques années, dans le cadre de la mission d'information « De l'Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés » menée avec Corinne Féret et Nathalie Goulet, nous avions révélé un nombre important de graves dysfonctionnements liés à l'opacité totale des flux relatifs au hajj, à la redevance sur l'abattage halal ou encore à la zakat. Dès lors qu'une loi interdit le financement étranger, il existe pour les acteurs impliqués d'autres façons d'intervenir en faveur de la cause défendue...
Les travaux du Forif ont abouti à une demande envers les communautés musulmanes de se mettre d'accord sur un statut de l'imam et sur un niveau de qualification. En effet, aucune formation n'est actuellement requise pour devenir imam, les ministres du culte musulman étant généralement choisis selon d'autres critères tels, par exemple, que la parentalité.
Il y a quelques années, j'ai commis une proposition de loi visant à exiger des ministres du culte une qualification minimale dont le niveau serait fixé par les religions, et non par l'État. Or cela fait des années que les communautés musulmanes travaillent sur cette question sans parvenir à se mettre d'accord. Selon vous, est-il possible que ces travaux aboutissent dans les six mois à venir ?
Mme Audrey Linkenheld. - Nous n'étions pas favorables à ce texte au moment de son adoption. Son application ne suscite pas davantage notre adhésion. Cette loi a été très peu ou mal appliquée : ainsi, aucun refus de subvention n'a été observé.
Dans le département du Nord, les tentatives d'application de cette loi, notamment avec le contrat d'engagement républicain, n'ont pas visé de militants radicalisés ; elles ont ciblé des associations environnementales menant des actions pacifiques, qui ont pignon sur rue et qui sont soutenues par différentes collectivités locales de tous bords, ou des associations d'insertion qui proposent elles-mêmes un dispositif de lutte contre la radicalisation, unique dans le département, mais qui ne convenait pas au pouvoir d'État local.
Cette situation inquiète les associations et les collectivités locales qui les soutenaient. Cette loi a fait la preuve de son inutilité à tous points de vue. Je doute que vos propositions permettent de l'améliorer, tant en théorie qu'en pratique. Ce texte complique le travail quotidien des associations, mais aussi celui des collectivités à l'origine de ces subventions, qui doivent désormais prendre connaissance du contrat d'engagement républicain.
Nous restons donc opposés à cette loi.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Mayotte est le département français qui compte le plus de musulmans, devant d'autres territoires ultramarins comme La Réunion. Nonobstant, l'importante proportion de Français pratiquant ce culte ne suscite pas, à ce jour, de problème de coexistence entre les préceptes de cette religion et les principes de la République. Néanmoins, au vu des difficultés qui touchent ce département, il n'est pas impossible que nous assistions un jour à un phénomène similaire à ceux que l'on observe dans certaines cités de la métropole. Il serait donc intéressant d'étudier le cas de Mayotte, non seulement à titre préventif, mais aussi pour en tirer des recommandations.
Mme Corinne Narassiguin. - Prenons garde à ne pas aggraver le problème initial avec les recommandations de ce rapport, à savoir le manque d'utilité et d'efficacité des mesures que cette loi contient, au-delà de son seul effet d'annonce.
La recommandation n° 16 vise ainsi à aggraver les peines qui sont prévues à l'article 31 de la loi de 1905, et que la loi de 2021 avait déjà modifiées, à juste titre puisqu'il s'agissait d'actualiser le montant des amendes.
L'excellent article 31 de la loi 1905 est le pendant de l'article 1er. Il permet de poursuivre les personnes qui voudraient contraindre d'autres individus à croire ou ne pas croire, ce qui est contraire au principe de laïcité. C'est ce qui rend effective l'application du principe de laïcité. Néanmoins, cet article est très peu utilisé, et je suis convaincue qu'aggraver les peines n'y changera rien.
M. Philippe Bas. - L'investissement des rapporteures pour améliorer, dans la mesure du possible, cette loi dont elles tirent un bilan mitigé est révélateur de l'ampleur de leur déception.
Ce bilan mitigé est non pas dû à un manque de mobilisation des services de l'État ou des collectivités territoriales, mais au contenu de la loi elle-même, qui relève essentiellement du droit mou : un catalogue de bonnes intentions et de procédures censées favoriser une évolution des pratiques. Certes, le texte inclut quelques dispositions de droit dur, mais celles-ci figuraient dans la loi de 1905. Rappelez-vous que le garde des sceaux s'était étonné d'apprendre que la loi de 1905 permettait déjà de poursuivre des ministres du culte qui portaient atteinte aux principes de la République ! Par ailleurs, la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure comporte des mesures répressives : à ce sujet, notons que davantage de mosquées ont été fermées sur le fondement de ses dispositions que sur celles de la loi de 2021.
Changeons de paradigme, et arrêtons de considérer que l'islamisme radical et le djihadisme relèvent de la police des cultes ! Il s'agit d'idéologies politiques subversives portant des atteintes fondamentales aux valeurs de la République.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Bien sûr.
M. Philippe Bas. - N'entraînons pas le catholicisme, le protestantisme ou le judaïsme dans la mise en oeuvre de législations qui ne leur sont pas destinées.
Mme Audrey Linkenheld. - L'islam non plus !
M. Philippe Bas. - Nous luttons contre l'islamisme radical, et cela n'est pas la même chose que le respect par les cultes, y compris l'islam, des valeurs de la République, qui sont suffisamment bien défendues par la loi de 1905.
Cessons de renforcer des réglementations inutilement contraignantes ou tatillonnes, qui font émerger la bureaucratie dans la gestion des diocèses, des temples et des synagogues, pour des motifs complètement étrangers à la pratique de ces cultes.
Nous avons récemment voté une révision constitutionnelle. Il serait temps de la voter à nouveau. Il suffirait d'en modifier une virgule pour justifier que le Sénat en soit de nouveau saisi : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune. » Que chacun, dans les ateliers, les centres de loisirs et culturels ou les mairies, sache à quoi s'en tenir, quand les revendications communautaristes sont présentées. On y cède encore trop souvent, et la loi de 2021 n'y a rien changé.
Dès la discussion de cette loi, nous en avions perçu les faiblesses. Nous avons essayé de l'améliorer, car nous étions globalement favorables à la direction qu'elle prenait. Désormais, il faut remettre l'ouvrage sur le métier avec une nouvelle approche.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Monsieur Reichardt, nous n'avons pas auditionné les représentants des cultes d'Alsace-Moselle. Votre voeu est donc exaucé !
Lors de son audition, le ministre de l'intérieur nous a appris que le Forif avait pour objectif de proposer au Gouvernement un statut d'imam de France d'ici au mois de septembre. Nous verrons ce qu'il en est, notamment s'agissant de la question de la formation - à titre personnel, je m'interroge sur ce point. En effet, l'Institut européen des sciences humaines (IESH) aurait été par le passé missionné pour assurer cette formation, alors que l'un de ses professeurs a récemment été expulsé par le préfet du Val-d'Oise.
Monsieur Mohamed Soilihi, vous avez raison de dire qu'il n'existe pas de problème à Mayotte « à ce jour » : il y a quelques années, nous n'étions pas non plus confrontés à ces questions en métropole...
Monsieur Bas, une idéologie ne se combat pas par un texte. Certes, l'État doit se doter des outils nécessaires, mais la lutte contre l'idéologie relève davantage d'une question de volonté. L'islam n'est pas l'islamisme : l'islam est une religion comme les autres, quand l'islamisme est un projet politique, qui met en cause notre unité. Ce n'est pas un texte comme cette loi qui réglera ce problème. C'est la raison pour laquelle nous avions rejeté ce texte technique, qui ne correspond ni aux aspirations ni à notre volonté de répondre à un grave défi. Les auditions ont montré que cette loi a bousculé des pratiques qui ne posaient pas de problème, sans apporter de réponse pour celles qui en posaient.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - S'agissant du tarissement des financements étrangers, les flux ont bien été réorientés, vers l'Afrique, ce qui n'est pas une bonne nouvelle.
La loi de 1905 nous empêche d'imposer un statut de l'imam. Je suis étonnée que le problème puisse se poser en Alsace-Moselle, où il est possible d'imposer des mesures aux cultes.
Monsieur Mohamed Soilihi, l'islamisme est un projet politique, qui pourrait, à terme, représenter un risque à Mayotte. Il serait surprenant que les acteurs de ce projet politique, qui avancent masqués derrière une religion, ne se servent pas de ce levier, en prenant en otages les musulmans. Nous devrions nous tenir aux côtés de ceux-ci pour lutter contre ces dérives.
Madame Narassiguin, la recommandation n° 16 vise à faire de la participation forcée à un culte dans le cadre intrafamilial une circonstance aggravante pour les peines prévues à l'article 31. Néanmoins, l'objectif est bien d'inciter les magistrats à se saisir de cet article.
Mme Cécile Cukierman. - Faire respecter les principes de la République, ce n'est pas interdire les religions, puisque le droit de croire, ou de ne pas croire, en fait partie. La difficulté est précisément d'entraver l'action de ceux qui portent atteinte à ces principes. Ne nous trompons donc pas de cible.
Nous devrions en effet parfois faire preuve de plus de volontarisme, voire d'intransigeance. Adoptons, en outre, une vision plus large que celle de notre seul territoire national.
En effet, si l'on peut se satisfaire de la réorientation des flux financiers, ceux-ci ne se sont pas interrompus : le combat de ceux qui défendent un modèle politique contraire aux nôtres se poursuit dans d'autres pays, et finira par toucher la France par d'autres biais.
Nous devons donc faire preuve d'une vigilance permanente.
Le débat sur la formation des imams avait été abordé lors de l'audition des différents cultes avant l'examen de ce texte.
Il est plus facile à notre République de faire avec certaines religions, en raison de leur organisation et de leur histoire. Ma vision apparaîtra sans doute caricaturale, mais je ne veux heurter personne. Pour dire les choses de façon schématique, l'organisation de l'église catholique apostolique et romaine est hiérarchique, ce qui facilite ses rapports avec l'État. Au surplus, dans l'histoire, notre pays a su s'affranchir de Rome, pensons au gallicanisme et à la déclaration des Quatre Articles au temps de Louis XIV. L'organisation de l'Église, compatible avec notre modèle politique, a rendu possible son contrôle, si bien que, en 1905, nous étions déjà prêts.
Ce n'est pas le cas d'autres églises, à l'instar des évangéliques - elles n'ont rien à voir avec les églises protestantes - qui entraînent également des dérives sectaires.
Je le répète, il faut aborder cette question avec force et intransigeance, mais aussi avec humilité, car la République a pour principe de n'exclure personne.
Le rapport d'information est un point d'étape ; il faudra aborder de nouveau ce sujet dans quelques années, car les risques évoluent. Le modèle républicain dérange certains qui veulent asseoir leur pouvoir.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le nombre d'églises évangéliques continue de progresser. Aujourd'hui, les megachurches peuvent rassemblent jusqu'à 4 000 fidèles.
D'ailleurs, je précise que le protestantisme - je pense notamment aux églises évangéliques - est la religion qui reçoit le plus de financements extérieurs, qu'ils viennent des États-Unis, du Brésil ou d'Afrique. Cela est parfois en lien avec un véritable risque de dérives sectaires.
M. François-Noël Buffet, président. - Je vous indique que le rapport de la mission d'information s'intitule : « Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : tout reste à faire. » Pour paraphraser Churchill, nous leur donnons les outils, qu'ils fassent le travail !
Les recommandations sont adoptées.
La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
Proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons à la suite des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. Nous commençons par l'examen des amendements des rapporteurs.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS (SUITE)
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Le sous-amendement n° 422 vise à éviter la suppression par le Gouvernement de certaines dispositions relatives à la formation des candidats auxquelles nous sommes attachés.
Le sous-amendement n° 422 est adopté.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 420 vise à simplifier la rédaction de l'énumération des liens familiaux susceptibles de constituer une prise illégale d'intérêts.
L'amendement n° 420 est adopté.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 421 tient compte des modifications adoptées par la commission mixte paritaire du 27 février 2024 sur la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, pour harmoniser les rédactions.
L'amendement n° 421 est adopté.
Article 26
Le sous-amendement n° 423 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION (SUITE)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Nous sommes très attachés à la création d'un statut de l'élu étudiant. L'amendement n° 294 est déjà satisfait.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 294.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Par l'amendement n° 391, le Gouvernement souhaite supprimer la coordination pour les outre-mer, afin de ne pas empiéter sur les compétences de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 391.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Le Gouvernement annonce vouloir créer un statut de l'élu étudiant, mais, au travers de son amendement n° 392, il propose de supprimer le remboursement des frais de déplacement des élus étudiants pour participer aux réunions et séances du conseil municipal que nous avions proposé.
Le Gouvernement affirme que le remboursement des frais de déplacement des élus étudiants est déjà satisfait par son amendement à l'article 5, mais à ce stade il n'a pas encore été voté. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 392.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 393 vise à supprimer l'augmentation du plafond de remboursement des frais spécifiques des élus en situation de handicap.
Nous avions adopté dans le cadre de la loi « Engagement et proximité » une mesure permettant le cumul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) avec une indemnité de fonction d'élu local. Pourtant, quatre ans après, le décret d'application n'est toujours pas entré en vigueur ! C'est une situation indigne. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 393.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 180 rectifié a pour objet de permettre la prise en compte de l'expérience professionnelle acquise dans la fonction publique territoriale pour l'accès au troisième concours de la fonction publique, car les élus locaux sont souvent des fonctionnaires territoriaux. Nous y sommes défavorables, car les élus locaux faisant déjà partie de la fonction publique territoriale n'ont pas besoin de passer un nouveau concours pour intégrer la fonction publique.
Par ailleurs, la modification proposée risquerait de créer une rupture d'égalité, puisque seule la prise en compte de l'expérience acquise dans la fonction publique d'État serait écartée pour l'accès au troisième concours. En revanche, celle acquise dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale serait prise en compte, ce qui serait contraire au principe d'égalité. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 180 rectifié.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Si le sous-amendement LOIS.18 est adopté, nous sommes favorables à la réécriture proposée dans l'amendement n° 403.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 403, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.18.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 336 prévoit une formation obligatoire pour les élus locaux disposant d'une délégation, en lien avec celle-ci. Il est déjà satisfait, car les élus locaux délégués ont une formation obligatoire après leur élection.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 336, de même qu'à l'amendement n° 335.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Cet amendement s'inscrit dans la même logique, et concerne l'ajout d'une formation obligatoire sur les violences sexistes et sexuelles. N'entrons pas dans la logique d'une liste à la Prévert, qui n'est jamais complète. Aussi, je vous propose d'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 308 rectifié.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il faut être lucide, il y a un déficit en matière de formation la prévention des violences sexistes et sexuelles. Il faut également être cohérent avec les grandes déclarations que l'on peut entendre parfois en séance publique sur ce sujet.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Le catalogue de formations disponibles dans le cadre du droit individuel à la formation est très large. Bien sûr, certains sujets sont déterminants, mais en fonction de leurs délégations, les élus peuvent les trouver tous très importants. La liste proposée soulèvera nombre de difficultés. On ne voit donc pas l'intérêt d'ajouter des formations spécifiques. Il faut laisser de la souplesse.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce qui est important dans cet amendement, c'est le caractère obligatoire de la formation.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - J'ajoute que d'autres amendements tendent à rendre obligatoires d'autres formations, notamment en matière de déontologie ou de prévention des conflits d'intérêts. Nous estimons qu'un tel catalogue est contre-productif.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Nous avons cherché à être universels dans nos propositions. Nous considérons que le recours à la formation doit être encouragé. Toutefois, je vous mets au défi d'établir une liste des formations obligatoires et nécessaires ; la loi ne peut pas ériger cinq d'entre elles en priorité et délaisser les autres !
Nous faisons confiance à l'esprit de responsabilité des élus locaux, qui les incitera à s'engager dans des formations qui leur permettront d'exercer leur mandat.
Mme Audrey Linkenheld. - Je pense qu'un certain nombre de formations devraient être systématiques, notamment en matière de transition écologique et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Par ailleurs, comment s'articulent les formations à destination des élus, mais aussi à destination des agents publics, qui portent sur des thèmes similaires ?
M. Guy Benarroche. - Certes, on ne peut pas imposer toutes les formations, mais on peut prioriser ; on ne fait que cela ! D'ailleurs, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été érigée en grande cause du quinquennat - c'est une priorité.
On pourrait également rendre obligatoire une formation sur la lutte contre le narcotrafic, et ainsi en faire une priorité.
Mme Dominique Vérien. - L'association des maires ruraux de France (AMRF) a lancé une action « Élu rural relais de l'égalité ». Ces élus seront, au sein de leur conseil municipal, les spécialistes de ce sujet et ils pourront sensibiliser leurs collègues. Je crois davantage à ce type de démarche volontaire qu'à un catalogue d'obligations.
M. Guy Benarroche. - L'un n'empêche pas l'autre !
Mme Dominique Vérien. - Je ne crois pas qu'il soit pertinent d'imposer de telles obligations à tout le monde.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 308 rectifié.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements nos 309 et 310 sont dans la même logique. Avis défavorable.
Je souhaite cependant ajouter, pour répondre à Madame Linkenheld, que la situation des agents publics et celle des élus ne sont pas comparables, ce qui justifie par là même des différences en termes de formation.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les responsabilités ne sont pas les mêmes.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Je ne vois pas l'intérêt de rendre obligatoires trois types de formation : la prévention et la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles ; la déontologie, la prévention des conflits d'intérêts et la probité ; la prévention et la gestion des risques. Pourquoi ces formations et pas d'autres ? L'esprit de ce texte est de trouver un équilibre entre les droits et les devoirs des élus et, à mon sens, il ne faut pas leur imposer d'obligation de ce type.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 309 et 310.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 227 prévoit une formation obligatoire du maire sur ses pouvoirs de police par le tribunal judiciaire. On voit bien les limites de l'exercice... Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 227.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 250 prévoit une extension du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale aux élus locaux. Cela pourrait être utile ; néanmoins, les élus salariés en bénéficient déjà. En conséquence, nous proposons un avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 250.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 325 rectifié ter prévoit le financement de bilans de compétences par le droit individuel à la formation des élus locaux. Cela permettra aux élus locaux de faire le point sur leurs compétences et facilitera leur retour à l'emploi. La rédaction est toutefois perfectible. C'est pourquoi nous en demandons la rectification. Avis favorable sous réserve de rectification.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 325 rectifié ter, sous réserve de rectification.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements nos 16 rectifié et 226 prévoient une formation sur les enjeux énergétiques et climatiques la première année de mandat. Cela nous semble satisfait et les élus peuvent mobiliser leur droit à la formation. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 16 rectifié et 226, de même que sur l'amendement n° 152 rectifié ter.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 126 rectifié bis prévoit une session d'information générale de deux jours sur les fonctions d'élu local. Une telle session en début de mandat nous paraît utile pour notamment informer les élus locaux de leurs droits, mais également de leurs devoirs. Avis de sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 126 rectifié bis.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements identiques n° 339 et 394 tendent à proposer une nouvelle rédaction de l'article 16, en reprenant l'ensemble des mesures que nous avons prévues tout en les étendant à toutes les catégories d'élus. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 339 et 394.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Le dispositif prévu à l'article 16 est complet. Avis défavorable à l'amendement n° 233.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 233.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Il ne semble pas nécessaire d'étendre encore davantage le dispositif prévu aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) majorée. Avis défavorable à l'amendement n° 102.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 102.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 267, car le seuil proposé ne nous semble pas plus pertinent que celui que nous avons retenu.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 267.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 337 prévoit la création d'une ligne budgétaire pour les frais de garde. Ce formalisme ne nous semble pas indispensable. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 337.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements identiques nos 194 rectifié et 404 tendent à supprimer les dispositions initiales comme les ajouts apportés par la commission des lois. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 194 rectifié et 404.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 3 rectifié prévoit de maintenir le principe selon lequel un médecin doit expressément autoriser la poursuite du mandat. Nous avons déjà débattu de cette question ; il nous semble plus simple et efficace de prévoir une possibilité de poursuite du mandat par principe, sauf avis contraire du praticien. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement n° 228 est bienvenu : il ouvre la possibilité de continuer l'exercice du mandat local avec la perception d'indemnités journalières lors d'un congé d'adoption. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 228.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les auteurs de l'amendement n° 235 souhaitent que trois nouvelles infractions entrent dans le champ des peines complémentaires obligatoires d'inéligibilité. Nous préférons nous en tenir au droit existant, puisque le code pénal permet au juge de prononcer la déchéance des droits civiques, lorsque cela est adapté. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 235.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les amendements identiques nos 73 rectifié bis, 138 rectifié ter, 145 et 193 proposent une nouvelle rédaction de l'article 18 qui supprimerait les apports de la commission et ne serait pas protectrice pour les élus. Il en est de même pour les amendements identiques nos 74 rectifié bis et 200 rectifié. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 73 rectifié bis, 138 rectifié ter, 145 et 193, de même qu'aux amendements identiques nos 74 rectifié bis et 200 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 368 rectifié tend à supprimer le montant fixe de l'amende encourue du délit de prise illégale d'intérêts, ce qui nuit à la lisibilité de la sanction pénale et n'atteint pas l'objectif de sévérité poursuivi par son auteur. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 368 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les amendements identiques nos 59 rectifié et 301 posent une question importante : le caractère intentionnel des manquements à la probité. Nous avons déjà rencontré ce problème sur la prise illégale d'intérêts. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 59 rectifié et 301.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 20 rectifié prévoit la publicité de certaines infractions contenues au bulletin 2 du casier judiciaire des élus européens et des élus locaux. Nous ne voyons pas l'intérêt de cette mesure. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les amendements identiques nos 146, 192, 246 et 357 rectifié prévoient la saisine pour avis du représentant de l'État en cas de demande de protection fonctionnelle. Je ne vois pas pourquoi le préfet s'insérerait dans ce processus, alors même qu'il peut déjà saisir le tribunal administratif au titre du contrôle de légalité. Les amendements nos 178 et 103 relèvent de la même logique. Retrait ou défavorable.
La commission demande le retrait des amendements identiques nos 146, 192, 246 et 357 rectifié et des amendements nos 178 et 103 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 395 du Gouvernement prévoit l'octroi de la protection fonctionnelle pour les élus entendus en qualité de témoin assisté ou placés en garde à vue.
Je rappelle l'intention de l'article 20 de la proposition de loi : prévoir pour les élus locaux une disposition analogue à celle qui existe depuis 2021 pour les fonctionnaires des forces de sécurité intérieure et les sapeurs-pompiers professionnels, à savoir, l'octroi de la protection fonctionnelle dès l'audition libre. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 395.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les amendements identiques nos 87 rectifié, 289 rectifié, 326 rectifié ter et 379 rectifié bis sont contraires à la position de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 87 rectifié, 289 rectifié, 326 rectifié ter et 379 rectifié bis.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement 405 du Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'article 22 qui nous paraît permettre une meilleure prise en compte de la situation des personnes dites politiquement exposées au regard des demandes des établissements financiers.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 405 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Les amendements identiques de suppression nos 189 rectifié et 247 sont contraires à la position de la commission. Il nous paraît intéressant de rappeler les valeurs de la République dans une charte.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 189 rectifié et 247.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 168 rectifié, qui prévoit une cérémonie publique de prestation de serment pour les élus locaux lors de leur prise de fonctions. Nous partageons avec les auteurs de cet amendement la volonté de rappeler l'attachement aux valeurs de la République, mais une prestation de serment semble trop formaliste. Rien n'empêche un maire de l'organiser. En l'état la charte de l'élu et l'engagement public à la respecter sont déjà une réponse au besoin de solennité. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 168 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 190 prévoit que l'élu local s'engage à lutter contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles. Avis défavorable : comme évoqué précédemment s'agissant de la formation, nous n'allons pas établir une liste, au risque d'en oublier !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 190.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 35 rectifié ter prévoit le rattachement du référent déontologue à l'association départementale des maires ou au centre de gestion. Pourquoi complexifier ? Laissons la liberté aux élus de s'organiser. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 35 rectifié ter et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement n° 104 prévoit la création d'un fichier sur internet renseigné par les donateurs et recensant les dons, invitations ou avantages d'une valeur supérieure à 150 euros perçus par les élus locaux. Ce dispositif apparaît clairement excessif. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 104.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 397 du Gouvernement conduit à supprimer les principales avancées et le coeur du dispositif que nous introduisons concernant les reconversions professionnelles et la validation des acquis de l'expérience. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 397.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 202 rectifié bis prévoit un dispositif d'accès au concours de catégorie B. Avis favorable.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Cette disposition crée volontairement une dérogation.
Mme Catherine Di Folco. - Il ne s'agit pas d'accéder à un concours, mais à une liste d'aptitude. Habituellement, les listes d'aptitude sont réservées aux fonctionnaires. Une telle dérogation est particulièrement importante.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Cette mesure nous semble importante afin de permettre aux élus de convertir l'expérience acquise pour occuper un poste de secrétaire de mairie.
M. Francis Szpiner. - Combien de personnes seraient concernées ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Par définition, nous ne pouvons pas le savoir, mais ce serait assurément peu de personnes.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 202 rectifié bis.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement n° 399 du Gouvernement prévoit une évolution louable, que nous approuvons, du dispositif de l'allocation différentielle de fin de mandat (ADFM). Sous réserve de l'adoption du sous-amendement de la commission, nous y sommes favorables, car l'amendement est moins-disant en ce qui concerne l'éligibilité des adjoints à l'ADFM.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n°399, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.19.
La commission a également donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :
Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous allons désormais procéder à l'examen du rapport sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, l'ordonnance du 24 mai 2023 soumise à notre ratification vient compléter le livre du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) consacré à la Polynésie française.
Au-delà de son aspect profondément technique, cette ordonnance est emblématique des difficultés juridiques auxquelles sont confrontées les collectivités d'outre-mer. Celles-ci résultent, en premier lieu, de la difficile appréhension de l'état du droit applicable, souvent peu lisible et accessible. Elles se conjuguent, en second lieu, à la nécessité de veiller à ce que cet objectif de clarté ne fasse pas fi des spécificités locales et ne conduise pas à omettre toute adaptation et toute prise en compte du statut particulier de la collectivité.
C'est à la lumière de ce double équilibre, dont la présente ordonnance me semble être une bonne illustration, que je souhaiterais aborder l'examen de ce texte.
L'une des spécificités du cadre juridique de la Polynésie française réside dans le croisement de différents niveaux de compétences normatives. La collectivité dispose, comme vous le savez, d'une compétence normative de principe, tandis que l'État ne peut agir qu'au sein d'un périmètre de compétences qui lui est dévolu par la loi statutaire de 2004. À cela s'ajoute la coexistence de différentes catégories de domaines.
Depuis 1977, la Polynésie française est propriétaire de son propre domaine, auquel l'État a transféré l'entièreté de son domaine public maritime, à l'exception - il est bon de le noter - des dépendances affectées à l'exercice de sa souveraineté, comme celles de la marine nationale. Dans cette collectivité d'outre-mer particulièrement autonome en matière domaniale, l'État et ses établissements publics conservent néanmoins la propriété d'un vaste domaine public, qui comprend des aérodromes, des palais de justice, des ports ou des écoles, et d'un domaine privé.
Jusqu'en 2019, seul le « domaine public de l'État » figurait parmi les compétences reconnues aux autorités étatiques par le statut de 2004. A contrario, l'État n'était donc pas compétent pour établir les règles relatives à son domaine privé. Cette répartition des compétences était singulière par rapport aux autres collectivités d'outre-mer. À la lumière des auditions que j'ai conduites, elle semble davantage relever d'une omission que d'un choix délibéré.
Il en résultait une insécurité - si ce n'est un vide - juridique. En effet, bien qu'ayant la compétence théorique pour légiférer sur le domaine privé de l'État, la Polynésie française n'en a jamais fait usage. Dès lors, le domaine privé de l'État se trouvait, en pratique, régi par l'ancien code du domaine de l'État, maintenu en vigueur à titre dérogatoire.
Cette fragmentation normative a été naturellement préjudiciable à l'intelligibilité des normes, mais également à leur évolution. Comme le relevait le Conseil d'État en 2016, le législateur ordinaire demeurait, en effet, incompétent pour modifier une disposition touchant au domaine privé de l'État en Polynésie française.
Face à ce statu quo insatisfaisant, la loi organique de 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française a fait un premier pas vers la résolution de cette situation. Elle a ainsi étendu expressément la compétence de l'État en Polynésie française à son domaine privé et à celui de ses établissements publics. Par souci de simplification et de lisibilité, le régime de l'applicabilité de plein droit a été élargi, sur l'initiative de notre commission, au domaine privé de l'État et aux domaines public et privé de ses établissements publics.
Cependant, cette réforme ne peut être pleinement effective sans une mise en cohérence concrète du CG3P. L'ordonnance que le présent projet de loi tend à ratifier procède donc à cette actualisation, quatre ans après.
Vous connaissez mon engagement et l'attention que je porte à la qualité du droit applicable à nos collectivités d'outre-mer. Je tiens ici à déplorer les lenteurs de la réforme, au regard des enjeux particulièrement prégnants de lisibilité du droit en Polynésie. Ainsi, pendant vingt ans, une surface d'environ 15 kilomètres carrés a été régie en Polynésie française par des dispositions obsolètes depuis 2006 et maintenues en vigueur à défaut d'autre solution.
J'en viens au second enjeu, celui du respect des spécificités locales.
Outre son objectif de rendre le droit domanial plus lisible et cohérent grâce à l'application de plein droit du CG3P, cette ordonnance doit répondre à son corollaire, celui de respecter pleinement le périmètre de compétences de la Polynésie française et les réalités locales malgré l'application automatique de ces mêmes dispositions du CG3P.
À cet égard, quinze articles sont insérés à la cinquième partie du CG3P, afin d'adapter les dispositions applicables. Certains articles ne procèdent qu'à des ajustements mineurs, en supprimant, par exemple, la mention de codes inapplicables en Polynésie ou encore des éléments qui n'ont pas d'équivalent local, comme les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural.
Le travail le plus important réside finalement dans l'identification des dispositions relevant de la compétence de la Polynésie française. Pour des motifs historiques et politiques, le statut de 2004 réserve en effet à la Polynésie française une compétence exclusive pour acquérir certains biens. Ainsi, la Polynésie française dispose d'un droit de préemption immobilier. Ce droit en faveur de la protection du patrimoine foncier et des espaces naturels locaux s'inscrit dans le cadre des mesures dites de « préférence locale » prévues à l'article 74 de la Constitution. Le statut d'autonomie inclut également dans le domaine de la Polynésie française - et, par conséquent, dans son champ de compétence - « les biens vacants et sans maître » ou « ceux des personnes qui décèdent sans héritier ». L'ordonnance exclut, dès lors, expressément l'application par l'État en Polynésie de ces procédures d'acquisition, qui risqueraient d'empiéter sur les compétences propres du pays.
Au cours de mes travaux, j'ai accordé une importance particulière à cet enjeu du respect des compétences de la Polynésie française. J'ai ainsi conduit mes travaux préparatoires dans un esprit d'ouverture et de concertation, en recueillant l'avis et les observations des représentants polynésiens, dont le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF), le président de l'assemblée de Polynésie française et notre collègue Lana Tetuanui.
Consultée par le Gouvernement sur le projet d'ordonnance - comme l'y oblige la Constitution -, l'assemblée de la Polynésie française n'avait pas pu émettre d'avis puisque cette saisine avait eu lieu en pleine période électorale d'avril 2023. Je précise avoir pris connaissance de ce fait grâce à l'audition du président de l'assemblée de Polynésie française.
Les membres de cette dernière m'ont fait part, au cours de leur audition, d'un certain nombre de réserves, auxquelles, soyez-en assurés, j'ai accordé une attention particulière. L'une de ces réserves concerne le renvoi à une disposition du code du patrimoine qui permet l'acquisition par l'État de biens culturels maritimes.
Après une analyse approfondie, je suis parvenu à la conclusion - je m'en expliquerai en détail lors de l'examen de l'amendement déposé par Lana Tetuanui - que les compétences de la Polynésie française sont préservées, dès lors qu'il est expressément prévu que la disposition en question ne s'applique qu'au seul domaine public maritime de l'État, au demeurant restreint. Cette répartition des compétences est, par ailleurs, conforme avec celle qui est déjà prévue par différentes dispositions du code du patrimoine métropolitain et du code du patrimoine local.
En définitive, ce texte met en cohérence, avec du retard, mais une certaine prudence, le droit domanial de l'État en Polynésie française : une cohérence qui, par la création d'un ensemble homogène, évite les vides juridiques et les « trous dans la raquette » ; une cohérence à l'égard du droit polynésien qui, en établissant un état de droit coordonné avec le droit local, prévient les contradictions ; une cohérence, enfin, parce qu'il s'agit d'une réforme de clarification pour un contenu intelligible et accessible à tous.
Considérant donc cette ordonnance comme un facteur d'amélioration de la cohérence et de la lisibilité des règles de droit domanial applicables en Polynésie française, je vous invite, chers collègues, à approuver sa ratification sans modification.
M. Jérôme Durain. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Notre groupe suivra son avis, l'ensemble des changements apportés s'inscrivant dans le prolongement logique de la loi organique de 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française. Lesdits changements viennent à la fois combler des lacunes, clarifier la loi et adapter celle-ci aux spécificités locales.
Ces modifications du CG3P sont bénéfiques pour le territoire, au-delà de l'alignement entre le droit positif en métropole et le droit spécifique à la Polynésie, puisqu'elles garantissent un accès facilité de la population aux logements sociaux. En effet, la réforme codifie les règles qui permettent à l'État de vendre des terrains de son domaine public à des prix très réduits afin d'y construire ce type de logements.
En outre, l'ordonnance rend la législation plus claire, afin d'assurer un accès équitable aux services publics essentiels et de favoriser le développement économique et social de l'archipel polynésien. Le texte devrait également permettre une meilleure administration des terrains publics et une amélioration de la qualité de la vie.
Notre groupe votera donc en faveur de la ratification de l'ordonnance du 24 mai 2023 dans les termes que vous avez indiqués.
Mme Agnès Canayer. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour la clarté de sa présentation sur ce sujet fort complexe mêlant de nombreux enjeux. Dans le cadre d'un déplacement de la délégation aux collectivités territoriales, en compagnie de Françoise Gatel, nous avions perçu le manque de lisibilité du droit applicable en Polynésie, les plus hautes autorités elles-mêmes éprouvant des difficultés à distinguer les champs d'application respectifs du droit commun et du droit dérogatoire, ou à identifier la répartition des compétences entre l'État et de la Polynésie.
Le principal enjeu du texte, auquel je souscris, consiste donc à clarifier et à codifier le droit applicable dans le territoire, tout en comblant une omission liée à ce manque de clarté du droit positif.
De manière plus concrète, de nombreux maires rencontrés lors de notre visite ont évoqué le statut des voies privées : ne pouvant actuellement être transférées dans le domaine public - notamment des collectivités territoriales -, celles-ci ne peuvent pas être entretenues ni raccordées à différents réseaux, ce qui suscite de réelles difficultés sur le terrain. Nous devrions nous pencher sur cette question et tâcher d'y apporter une solution juridique.
M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la modification et à l'adaptation des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Lana Tetuanui. - Je remercie notre collègue rapporteur. Si mon amendement risque de ne pas être adopté, je maintiens le souhait d'ouvrir le débat en séance publique après avoir découvert avec stupéfaction que l'État est propriétaire d'un domaine public maritime en Polynésie française. J'aimerais savoir de quelle manière le Gouvernement délimite ce domaine, le sujet étant véritablement explosif et susceptible d'attiser un sentiment antifrançais, au risque de soulever la question de l'indépendance.
Je suis allée fouiller dans les textes adoptés à 20 000 kilomètres de notre territoire et j'ai nagé dans ce véritable dédale de corail que représente l'empilement de différents codes. Ainsi, la notion de « gisement » évoquée par le code du patrimoine soulève des difficultés d'interprétation : de quoi s'agit-il précisément ?
L'amendement COM-1 que je présente vise non pas à supprimer l'ensemble de l'ordonnance, mais à empêcher le Gouvernement et l'État d'empiéter sur l'autonomie de la Polynésie française en supprimant l'article L.5261-2 du CG3P rendant applicable au domaine public maritime de l'État en Polynésie française l'acquisition de biens culturels maritimes par l'État.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Je vous remercie pour ces observations et tâcherai de vous rassurer, rappelant que j'accorde la plus grande attention aux réserves exprimées par les représentants de la Polynésie française. Permettez-moi de détailler les raisons pour lesquelles j'estime que l'ordonnance n'entraînera pas d'empiétements sur les compétences de la Polynésie française.
Il convient tout d'abord de rappeler que cet article ne fait que mettre en cohérence, à droit constant, le CG3P avec les dispositions du code du patrimoine. Ce dernier prévoit en effet, en Polynésie française, une procédure d'acquisition par l'État des biens culturels maritimes situés dans son domaine public maritime.
Pour être plus précis, les réserves exprimées à propos de l'application de l'article L. 1127-1 du CG3P sont en réalité de deux natures.
Premièrement, il serait à craindre que l'application de cet article en Polynésie française autorise l'État à empiéter sur la compétence culturelle de la Polynésie française. Les consultations et les travaux que j'ai conduits me permettent d'affirmer qu'un tel empiétement n'est en réalité pas à redouter. En effet, l'ordonnance précise bien que l'article est applicable « en tant qu'il concerne les biens situés dans le domaine public maritime de l'État ».
Or la quasi-totalité du domaine public maritime en Polynésie appartient à la collectivité. Le domaine public maritime de l'État est très résiduel, et il se limite en réalité à quelques installations portuaires affectées à la marine nationale.
La possibilité pour l'État d'acquérir des biens publics maritimes sera donc restreinte à son propre domaine, lui-même très résiduel : cela correspond à la répartition des compétences fixées par la loi organique statutaire de 2004.
Ainsi, l'avis du Conseil d'État du 21 septembre 1999 dispose bien que la Polynésie française est compétente pour les biens culturels « situés dans le domaine public maritime du territoire », et non pas dans celui de l'État.
J'ajouterai, par ailleurs, que cette compétence de l'État sur son domaine public maritime est reconnue par le code du patrimoine de Polynésie française lui-même, puisque ce dernier prévoit que la collectivité peut également revendiquer un bien culturel maritime hormis ceux qui sont « situés dans le domaine public maritime de l'État ».
Deuxièmement, les représentants de la Polynésie française considèrent que l'application de cet article présente un risque d'immixtion de l'État dans l'exploitation des ressources naturelles présentes dans les sous-sols marins polynésiens.
Cette crainte est liée à la définition des biens culturels maritimes qui nous est fournie par le code du patrimoine, à savoir « les gisements, épaves, vestiges ou généralement tout bien présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë ».
Or la notion de « gisement » au sens du code du patrimoine n'est pas équivalente à celle qui est présente dans le code minier. Ici, la notion revêt une dimension archéologique et implique une intervention de l'homme : cela exclut donc toutes les ressources naturelles biologiques ou non biologiques, dont l'exploitation relève d'une compétence appartenant à la Polynésie française.
Plus spécifiquement, un gisement est « archéologique » lorsqu'il est constitué par une épave qui présente un intérêt archéologique de par sa cargaison ou de sa bonne conservation.
Ces dispositions s'appliquent d'ailleurs de manière identique en Nouvelle-Calédonie depuis 2016 et n'ont jamais conduit à des empiétements ou immixtions de l'État.
Pour l'ensemble de ces raisons, et même si j'entends les craintes qui ont été exprimées, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est adopté sans modification.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels - Examen du rapport et du texte proposé par la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons maintenant le rapport sur la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Souvent envisagée, mais toujours repoussée, la réforme de la responsabilité civile constitue une sorte de serpent de mer législatif, puisqu'elle est constamment renvoyée aux calendes grecques. Voilà deux décennies que les avant-projets de loi et propositions de loi se succèdent - et je salue bien sûr l'important travail mené par nos collègues Philippe Bas et André Reichardt en la matière -, sans jamais que les évolutions proposées ne connaissent une traduction législative.
C'est pourquoi il est heureux que nous examinions aujourd'hui une proposition de loi, émanant de l'Assemblée nationale, qui inscrit dans le code civil la réforme de la responsabilité sans faute pour troubles anormaux de voisinage. Cette proposition de loi a été adoptée à l'Assemblée nationale sur l'initiative de la députée du Morbihan Nicole Le Peih.
Sans préjuger des votes de chacun, il me semble que notre commission pourrait pleinement partager l'objet de la présente proposition de loi, à savoir codifier la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, laquelle a été dégagée par la jurisprudence, dans un régime souple et autonome.
Cette responsabilité est qualifiée dès lors que les trois critères suivants sont réunis : l'existence d'un dommage, l'anormalité du trouble allégué et une relation de voisinage entre le défendeur et le demandeur. Chacun de ces critères est apprécié par le juge à partir des seules circonstances de la cause, lequel distingue les situations en milieu rural et en milieu urbain. Ainsi, le juge judiciaire a produit une jurisprudence très abondante, qui permet de qualifier le trouble anormal de voisinage dans une multiplicité de cas.
La souplesse du régime et ses difficultés d'application, particulièrement en matière agricole, ont conduit le législateur à l'encadrer. Ainsi, le législateur a prévu une cause exonératoire de responsabilité, que l'on résume parfois par l'expression d'« exception d'antériorité », qui traduit le principe selon lequel « celui qui vient aux dommages ne peut s'en plaindre ».
Aujourd'hui codifiée à l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation, cette disposition traduit la conception communément admise qu'un nouveau « voisin » s'installant, en connaissance de cause, en bordure d'une activité génératrice de nuisances - telle qu'une activité industrielle ou agricole - ne saurait ensuite exiger la réparation de son préjudice dès lors que cette activité s'est poursuivie conformément aux réglementations en vigueur et dans des conditions similaires.
C'est ce régime - dans son principe comme son exception - que vise à codifier dans le code civil l'article unique de la présente proposition de loi.
Le premier alinéa de l'article 1253 du code civil ainsi proposé prévoit donc le principe d'une responsabilité de plein droit - être responsable sans avoir commis de faute - de l'auteur du dommage résultant d'un trouble anormal de voisinage. La liste des auteurs potentiels d'un tel dommage a d'ailleurs été opportunément complétée lors de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale.
Le second alinéa codifie l'exception au principe posé, à savoir la fameuse exception d'antériorité. S'inspirant de la rédaction actuelle de l'article L. 113-8 du code précité, elle en diffère néanmoins quelque peu. D'une part, seraient visées toutes les activités, quelle qu'en soit la nature ; d'autre part, le critère de la poursuite de l'activité « dans les mêmes conditions » serait légèrement assoupli pour prévoir que la poursuite de l'activité puisse s'opérer « dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine de l'aggravation » du trouble anormal de voisinage.
Je vous proposerai, chers collègues, d'adopter la présente proposition de loi qui me paraît opportune dans l'effort de codification et de clarification du droit qu'elle poursuit. En revanche, je vous présente un amendement, qui vise trois objectifs.
En premier lieu, il m'a paru nécessaire d'apporter une précision supplémentaire s'agissant de l'application de ces dispositions aux activités agricoles. Nous le savons tous chers collègues : les agriculteurs sont particulièrement confrontés aux difficultés posées par l'excès de normes. Or celles-ci peuvent les conduire à causer de nouveaux troubles - bien malgré eux ! - à leur voisinage. Par exemple, depuis l'interdiction de l'élevage de poules pondeuses en batterie, les voisins des agriculteurs, qui les élèvent désormais en plein air, ne voient plus qu'elles, n'entendent plus que leur caquètement, et en sont agacés. Aussi, nous vous proposons que les activités évoluant sous l'effet de l'adoption de nouvelles normes ne puissent pas constituer un trouble anormal de voisinage. Ainsi, afin d'éviter que les exploitants agricoles soient contraints de choisir entre la mise en conformité aux normes nouvelles et l'exonération de leur responsabilité, je vous propose de prévoir une cause exonératoire spécifique, insérée au sein du code rural et de la pêche maritime. Dès lors qu'une exploitation agricole modifierait les conditions d'exercice de son activité pour mettre celles-ci en conformité celles-ci aux lois et règlements, le trouble anormal en résultant serait insusceptible d'engager la responsabilité de l'exploitant. Une telle exonération me paraît devoir être explicitement prévue par le législateur.
Nous vous proposons également de sécuriser le dispositif sur deux points. Premièrement, la notion d'activités est indéterminée dans le texte de l'Assemblée nationale, qui fait référence aux « activités, quelle que soit leur nature », c'est-à-dire tout et n'importe quoi ! Aussi, nous voulons circonscrire la notion aux seules « activités économiques », de sorte qu'elle ne concerne pas des activités exercées à titre privé, dont certaines ne pourraient pas même être connues du nouvel arrivant. Je vous propose donc de considérer, s'agissant de cette clause exonératoire, que l'équilibre que nous devons rechercher est, pour reprendre les termes la présidente de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, « entre jouissance paisible et liberté d'entreprendre ». Il nous semble que cette formulation nous permet de trouver une conciliation équilibrée entre ces deux principes.
Par ailleurs, la notion d'installation retenue par l'Assemblée nationale m'a également semblé floue. Par exemple, on pourrait être considéré comme « installé » dans une maison que l'on a achetée et dans laquelle on a déposé deux meubles, sans pour autant l'habiter ! Sur ce point, nous devons donc éviter un risque contentieux inutile en précisant la notion.
Nous proposons donc de sécuriser la formulation, au travers d'un amendement tendant à renvoyer à « l'acte ouvrant le droit de jouissance de la personne qui allègue subir le dommage ». Une telle formulation implique ainsi la possession d'un titre. Cela renvoie à une datation précise et à une réalité juridique plus objective.
Enfin, je vous propose de compléter la codification de la jurisprudence à laquelle procède la présente proposition de loi, en prévoyant les conditions, actuellement déterminées par la jurisprudence, dans lesquelles le juge judiciaire peut, dans le cas d'une activité autorisée par l'administration, ordonner des mesures visant la réduction ou la cessation du trouble anormal du voisinage.
Cette disposition avait été déjà envisagée par nos collègues Philippe Bas, André Reichardt et notre ancien collègue Jacques Bigot. Il m'a néanmoins semblé qu'elle gagnait à être précisée pour tenir compte de la jurisprudence du Tribunal des conflits. Celui-ci a eu l'occasion de préciser, au sujet du contentieux des antennes-relais, que le juge judiciaire ne saurait, dans les mesures qu'il ordonne pour faire cesser le trouble anormal du voisinage, substituer son appréciation à celle de l'autorité administrative, au risque d'enfreindre la séparation des pouvoirs. En effet, il serait problématique que le juge judiciaire définisse à la place de l'autorité administrative la hauteur des antennes-relais ou les fréquences qu'elles peuvent émettre ou interdise une activité économique pourtant autorisée par voie administrative !
Mme Muriel Jourda. - Beaucoup de publicité est faite autour de ce texte qui, pourtant, ne remet pas beaucoup en cause le droit en vigueur ! Certes les dispositions présentées par notre rapporteure ne sont pas codifiées dans le code civil, mais elles le sont déjà dans le code de la construction et de l'habitation.
Nous comprenons évidemment l'objet de la disposition tendant à empêcher quelqu'un qui vient de s'installer de se plaindre des activités préexistantes, mais je rappelle que les dispositions du texte du code de la construction et de l'habitation ont déjà pour objet « les nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques ». Les activités économiques sont déjà bien recensées, me semble-t-il.
Je rappelle également que ces dispositions concernent les personnes qui demandent un permis de construire, qui viennent d'acheter ou qui ont pris à bail un logement à côté. Je ne vois pas qui d'autre peut se plaindre ! Je ne suis pas sûre que ce texte fasse beaucoup évoluer le droit sur ce point.
En revanche, l'apport de notre rapporteure sur les activités agricoles fait considérablement progresser notre droit, puisque l'évolution de l'activité peut être différente de l'activité existante. Tel est le véritable intérêt du texte.
M. François Bonhomme. - Le travail de notre rapporteure a permis de combler les lacunes du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Voilà vingt ans que l'étalement urbain et la consommation d'espaces sont limités : comment cela ne pourrait-il pas produire des conflits d'usage ? Je rappelle que, chaque année, plus de cent saisines ont pour fondement le trouble anormal de voisinage.
Je partage la volonté de notre rapporteure de trouver un point d'équilibre entre les relations de voisinage et les activités.
Récemment, le tribunal d'Amiens a condamné un agriculteur à verser près de 106 000 euros de dommages et intérêts à un voisin pour ce motif ; imaginez l'effet que cela peut avoir sur son activité, alors même que sa profession est déjà bien en peine ! Quel est le message envoyé à nos agriculteurs ?
Notre rapporteur a traduit juridiquement la notion d'antériorité, et c'est une bonne chose, tout comme la prise en compte de l'évolution des activités résultant de l'adoption de nouvelles normes.
Mme Audrey Linkenheld. - Ce texte nous laisse, à ce stade, encore un peu perplexes. Même si nous sommes tentés de partager le diagnostic de la rapporteure sur le texte, nous ne sommes pas sûrs de son apport juridique véritable : il se contente d'inscrire dans la loi ce que la jurisprudence a déjà acté.
Nous réservons notre vote sur l'amendement, car ce sujet concerne aussi bien le monde rural que le monde urbain. Or je suis gênée par la suppression de l'article du code de la construction et de l'habitation, qui s'applique aussi bien aux territoires urbains que ruraux. Certains riverains s'inquiètent de ces dispositions, tout comme un certain nombre de néoruraux, qui craignent l'instauration d'un droit à faire du bruit ou à polluer, ou de certains citadins, également confrontés à des nuisances.
Je ne voudrais pas créer un droit de nuisances pour des activités en ville ni figer les choses, car faire la transition écologique peut impliquer de surélever des bâtiments, de construire en fond de parcelle, de densifier la ville. Ces dispositions sont-elles favorables à la transition écologique ?
Au reste, s'agissant de la suppression d'un article du code de la construction et de l'habitation, il aurait fallu demander l'avis de la commission des affaires économiques, dont les membres sont plus avertis que nous en la matière.
Les effets de l'adoption de la proposition de loi et de l'amendement nous laissent encore dubitatifs. Nous avons plus de questions que de certitudes, à ce stade !
M. Philippe Bonnecarrère. - Je partage les réserves de mes collègues quant à la faible opportunité de la codification de cette responsabilité. Les rédacteurs du code civil ont pris des dispositions à partir desquels la jurisprudence a pu, au fur et à mesure, répondre aux situations qui se sont posées dans notre société. Prenons un seul exemple : l'intelligence artificielle. Son essor nous conduit déjà à nous interroger sur la notion de responsabilité.
Il s'agit d'un droit qui a toujours été en évolution ; aussi, il faut laisser à la jurisprudence le soin de l'appréhender. Je ne comprends donc pas l'intérêt de codifier des domaines déjà bien balisés par tous les professionnels.
En revanche, si l'objectif est de modifier la jurisprudence sur les questions des activités agricoles au regard d'éléments de jurisprudence récents, alors il faut le faire directement, dans un texte qui pointe l'élément sur lequel on veut modifier le code. Si l'on ne dit pas clairement le but affiché, il y a peu de chances qu'il puisse être atteint.
Dans le cas précis évoqué, je souhaite pouvoir lire l'arrêt de la cour d'appel. Il faut toujours faire attention au cas d'espèce d'une décision qui a priori peut surprendre lorsque l'on ne connaît pas les éléments factuels de l'affaire. Je suis réservé sur ce texte.
Sans porter atteinte à l'autorité morale et intellectuelle de notre rapporteure, je suis étonné de sa proposition concernant la relation entre l'autorité judiciaire et l'autorité administrative ; il est envisagé que l'autorité judiciaire ne puisse prononcer que des mesures de compensation ! Pourtant, cela fait bien longtemps que le juge pénal est amené à examiner des dispositions de droit administratif. Comment le juge pénal pourrait-il faire son travail sans être confronté à des appréciations administratives ?
Il me semble que les dispositions de ce texte auront un impact négatif sur notre droit.
Mme Cécile Cukierman. - Ce texte est symptomatique du mal du siècle : la difficulté que nous avons à vivre ensemble.
Ce texte ne réglera pas les contradictions de ceux qui défendent le bien-être animal, tout en refusant d'entendre la poule caqueter, ou encore de ceux qui veulent relocaliser et développer l'activité industrielle sans être gênés par les nuisances du port industriel de Marseille, de ceux enfin qui veulent sortir du nucléaire sans avoir d'éoliennes en face de chez eux ; et je n'évoque pas ceux qui veulent moins de routes et plus de fret ferroviaire, mais le plus loin possible de chez eux ! Les dispositions de ce texte concernent tous les territoires.
Le législateur essaie de trouver les meilleures solutions possibles, mais il ne peut que répondre à des situations conjoncturelles.
Nous voterons ce texte, même si nous ne sommes pas convaincus qu'il changera grand-chose à la vie des gens. Au moins, il ne l'aggravera pas ! Pourvu que nous examinions, dans les semaines à venir, des textes qui changent davantage la vie des gens, et qui traitent des véritables problèmes de notre pays...
M. Olivier Bitz. - Nous sommes également conscients que ce texte ne révolutionnera pas les choses. Je remercie notre rapporteure de sa proposition, qui contribue à l'amélioration du texte.
Dans le Perche, nous comptons près de 40 % de résidences secondaires. Le mitage du territoire est très fort. Il y a des maisons tous les 400 mètres.
Nous cristallisons complètement le territoire et nous empêchons nos agriculteurs de développer leurs activités.
Je souscris à la proposition de notre rapporteure qui cherche à trouver un équilibre.
Comment permettre le développement des exploitations agricoles ? Il n'y aura pas de reprise s'il n'y a aucun projet de développement de l'activité !
Je n'ai pas encore de proposition d'amendement à déposer, car il faut trouver différents équilibres. Simplement, je souhaite dire que, dans certains territoires, il est plus compliqué qu'avant de continuer ou de reprendre des activités, ce qui bloque tout projet de développement agricole.
M. André Reichardt. - J'exprime les mêmes réserves juridiques que mes collègues, surtout si l'objet du texte est limité aux activités économiques. Ce sujet va bien au-delà des nuisances occasionnées par les activités économiques. La semaine passée, la question du bruit des cloches la nuit est réapparue en Alsace, au point qu'elle fasse une double page dans les Dernières Nouvelles d'Alsace. Il faut faire attention aux dispositions que nous sommes sur le point d'adopter, car il existe d'ores et déjà une jurisprudence abondante sur ce point.
La seule novation du texte émane de notre rapporteur, à savoir la possibilité de tenir compte de l'évolution des activités.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Cécile Cukierman a bien montré quel était le fond de l'affaire : on veut que les poules soient élevées en plein air, mais on ne veut pas les voir ni les entendre ! Je pense également à l'affaire Verschuere dans l'Oise, évoquée par François Bonhomme. Il s'agit en quelque sorte d'une condamnation de cessation d'activités, alors que ces gens ont vocation à nourrir leurs voisins et que cette exploitation est là depuis de nombreuses générations. Il faut donc trouver un équilibre entre la liberté d'entreprendre et la jouissance paisible.
Je fais miens les commentaires de Muriel Jourda. Au regard de la jurisprudence, l'apport de la proposition de loi est notamment de viser les propriétaires non occupants. Par ailleurs, je souligne que sont visés ici les troubles anormaux de voisinage : le terme « anormaux » est extrêmement important puisqu'il permet déjà à la jurisprudence d'admettre de nombreux troubles, y compris résultant d'activités économiques, mais qui n'ont pas de caractère anormal au regard du contexte ou de leur gravité.
Par exemple, s'agissant de la remarque d'André Reichardt, je souligne que le contexte rural contribue à juger de la normalité du trouble que peuvent constituer le bruit des cloches, des grenouilles ou du coq, d'autant qu'ils font désormais partie du patrimoine sensoriel des campagnes, qui a fait l'objet d'une loi ; vous pouvez continuer à faire sonner les cloches, dès lors que vous n'abusez pas. Il est important de le dire, mais notre texte traite - j'y insiste - des troubles anormaux de voisinage.
Sera-t-il possible d'exercer, à la campagne, des activités qui permettent de nourrir la Nation ? Voilà la véritable question.
Pour répondre à Audrey Linkenheld, la disposition que nous prenons va concerner toutes les activités économiques et ont vocation à inclure les dispositions déjà prévues en matière de construction. Certes, les dispositions spécifiques du code de la construction et de l'habitation vont disparaître, mais elles seront en réalité maintenues et intégrées dans le cadre général posé par le régime qui serait ainsi prévu dans le code civil. Le but de cette suppression est notamment de ne pas laisser coexister une distinction entre un régime général et un régime spécial dont la pertinence interrogerait.
Pour répondre à Philippe Bonnecarrère, nous considérons que le juge judiciaire ne peut, dans les mesures qu'il ordonne pour réduire ou faire cesser le trouble anormal de voisinage, substituer son appréciation à celle de l'autorité administrative. Le juge peut donc bien prononcer des mesures, mais il ne pourra en aucun cas se substituer à l'autorité administrative, qui a exercé son pouvoir de police spéciale dans la détermination de la hauteur de l'antenne relais, par exemple, sauf à enfreindre le principe de séparation des pouvoirs. Il s'agit en réalité d'une codification de la jurisprudence déjà établie en 2012 par le Tribunal des conflits.
M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la responsabilité civile pour troubles anormaux de voisinage.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Françoise Gatel, rapporteur. - L'amendement COM-1 poursuit les objectifs que j'ai détaillés dans mon propos liminaire. Il vise en particulier à sécuriser juridiquement la notion de responsabilité exonératoire, spécifique aux activités agricoles, pour permettre une continuité d'activités résultant d'une mise aux normes obligatoire.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Mme
Catherine Di Folco, rapporteur. - Cette
proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la
pratique de tests individuels et statistiques a été
déposée à l'Assemblée nationale le
4 juillet 2023 par le député Marc Ferracci. Elle
répond à un engagement du Président de la
République et au souhait du ministre du travail de l'époque,
Olivier Dussopt, de lancer des campagnes annuelles de testing. Une situation de discrimination est
caractérisée par la conjonction de trois éléments,
à savoir le traitement moins favorable d'une personne par l'utilisation
d'un critère de distinction interdit par la loi, dans un domaine
également prohibé par la loi. Le droit de la discrimination
comprend un versant pénal, l'article 251-1 du code pénal
listant vingt-cinq critères constitutifs du délit de
discrimination, lequel est passible de trois ans d'emprisonnement et de
45 000 euros d'amende. Sur le versant civil, le régime de la
discrimination, longtemps de nature jurisprudentielle, a trouvé une
consécration législative avec la loi n° 2008-496 du
27 mai 2008, qui a procédé à la transposition de
cinq directives européennes relatives à l'égalité
de traitement. Son article 1er définit deux
catégories de discrimination - directe et indirecte - qui
peuvent ouvrir droit à réparation, tandis que son article 2
fixe le principe général de leur interdiction. Le droit français comprend également de
nombreuses dispositions sectorielles visant à prohiber certaines
différences de traitement dans des situations ou pour des personnes
déterminées. C'est par exemple le cas s'agissant de
l'accès à l'emploi, au logement, à certaines prestations
sociales ou encore pour les agents publics. L'ensemble des données et études
disponibles convergent pour démontrer la persistance de discriminations
en France, et ce dans tous les domaines. À titre d'exemple, la
Défenseure des droits a indiqué avoir reçu
6 703 réclamations en matière de discrimination
en 2023, contre 5 215 en 2021. Les trois principaux
critères sont le handicap, à hauteur de 21 %, l'origine dans
13 % des cas et l'état de santé pour 9 %. Les dernières données publiées par
l'Insee mentionnent par ailleurs que 4,8 % des personnes en emploi
déclarent avoir subi, dans leur emploi, des traitements
inégalitaires avec un motif discriminatoire. Ce taux
s'élève même à 6,5 % s'agissant des femmes. Les
motifs invoqués sont le sexe - 19 % -, l'origine
- 11 % -, l'âge - 7 % -, ainsi que
l'état de santé ou le handicap, à hauteur de 6 %. Dans ce contexte, les tests de discrimination sont des
outils visant, selon les cas, à confirmer ou à
révéler l'existence d'une pratique discriminatoire. Deux
catégories de tests de discrimination doivent être
distinguées : le test individuel vise tout d'abord à
confirmer ou à infirmer une situation de discrimination dont s'estime
victime une personne réelle, en opposant donc la candidature de
l'intéressé à une candidature fictive analogue. Le test statistique repose, quant à lui, sur
l'envoi d'un grand nombre de candidatures exclusivement fictives afin de
détecter d'éventuelles pratiques discriminatoires dans une
entité déterminée. J'en viens au contenu de la proposition de loi. L'article 1er confie à un service
placé sous l'autorité du Premier ministre - qui serait a
priori la direction interministérielle à la lutte contre le
racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) - une
compétence élargie en matière de prévention et de
correction des situations de discrimination, en priorité s'agissant de
l'accès à l'emploi, au logement et aux biens et services publics
ou privés. La Dilcrah aurait notamment pour missions la
réalisation et le financement de tests de discrimination individuels et
statistiques. Elle serait également compétente pour accompagner
les organismes visés par un test statistique afin de corriger leurs
pratiques et, le cas échéant, pour les sanctionner. S'agissant des tests individuels, les nombreuses
auditions que j'ai réalisées m'ont permis de mesurer l'opposition
de la quasi-totalité des personnes interrogées, y compris au sein
du milieu associatif, à leur réalisation par la Dilcrah. La Défenseure des droits, notamment, s'est dite
dans un avis public « très défavorable à la
possibilité offerte à la Dilcrah de réaliser des testings
individuels à visée contentieuse, car cette évolution
serait préjudiciable aux victimes de discrimination qui ne sauraient
plus à quelle institution s'adresser ». En effet, les
services de la Défenseure des droits disposent d'une expertise
avérée que la Dilcrah ne possède pas. De plus, elle est
l'institution la mieux placée pour accompagner les victimes de
discrimination dans la suite de la procédure. Enfin,
l'indépendance de la Défenseure des droits aura une plus-value
indéniable dans les cas où une personne publique serait mise en
cause. Je vous proposerai donc un amendement tendant à
limiter les missions de la Dilcrah à la production de tests statistiques
et à la diffusion annuelle de résultats généraux
sur l'état des discriminations en France, afin que la Défenseure
des droits demeure l'interlocuteur privilégié en matière
de tests individuels. Les tests statistiques représentent quant à
eux un outil utile pour objectiver l'état des discriminations en France.
La mise en place de campagnes annuelles de tests statistiques peut relever
d'une démarche vertueuse, sous réserve du respect de certaines
précautions. Il est ainsi important de garder à l'esprit les
limites des tests de discrimination. D'une part, ceux-ci ne sont qu'un outil
parmi d'autres de la lutte contre les discriminations, puisque le test
statistique ne permet de détecter que certaines discriminations parmi
d'autres et pendant un laps de temps déterminé ; d'autre
part, seul le suivi d'une méthodologie rigoureuse et exigeante est
à même de garantir la fiabilité de ses résultats.
Ceux-ci ne permettent pas, à eux seuls, de tirer des conclusions
définitives sur les pratiques d'un organisme. Sans remettre en cause le bien-fondé de
l'organisation régulière de tests statistiques par la puissance
publique, il me semble en premier lieu que l'utilité du recours à
la loi pour confier la mise en oeuvre d'une politique de
testing à grande échelle à la Dilcrah n'est pas
établie. Cependant, je vous propose de ne pas nous y opposer. En second lieu, j'estime que le dispositif proposé
devait être corrigé sur deux aspects. D'une part,
l'énumération des principales situations de discrimination
testées crée une confusion sur le périmètre
réel des tests statistiques ; d'autre part, l'approche corrective
proposée, complexe et reposant essentiellement sur la crainte de la
sanction, présente de faibles chances de succès. Je vous proposerai donc dans le même amendement de
corriger l'énumération des situations de discrimination par une
mention générale des situations de discrimination, qui
comprennent bien évidemment celles relatives à l'accès
à l'emploi ou au logement, mais qui ne s'y limitent pas. Je vous proposerai également de limiter les
missions de la Dilcrah à la production de tests statistiques et à
la diffusion annuelle de résultats généraux sur
l'état des discriminations en France obtenus par cet
intermédiaire. Celle-ci ne serait donc plus chargée d'assurer la
suite des tests. Enfin, je vous proposerai de renvoyer au pouvoir
réglementaire le soin de déterminer les modalités de
consultation des partenaires sociaux pour l'élaboration de la
méthodologie des tests, afin de favoriser l'acceptabilité de la
démarche par les entreprises. L'article 2 prévoit ensuite la mise en place
d'un comité des parties prenantes au sein de la Dilcrah, qui, d'une
part, participerait à l'élaboration de la méthodologie des
tests et, d'autre part, émettrait des avis et recommandations sur les
suites à leur donner. Il serait composé de parlementaires,
d'experts, ainsi que de représentants des organismes susceptibles
d'être testés, des employeurs, des salariés et des
associations. Il interviendrait à toutes les étapes de la
procédure, à commencer par la phase de préparation des
tests, individuels comme statistiques, en participant à
l'élaboration de leur méthodologie. Il interviendrait ensuite
dans la phase de dialogue avec les personnes morales visées par un test
statistique. Lorsque le test conclut à de potentielles pratiques
discriminatoires, son résultat serait transmis à la personne
morale concernée, assorti d'un avis du comité. L'absence de
précision sur le contenu de cet avis ne permet toutefois pas de
déterminer avec certitude s'il s'agit d'une simple certification de la
conformité de la mise en oeuvre du test à la méthodologie
commune, d'une interprétation du résultat ou d'un ensemble de
recommandations immédiatement adressées à la personne
morale en vue de l'accompagner dans la correction de ses pratiques. Enfin, le
comité interviendrait dans la phase de sanctions, lorsque la personne
morale n'aurait pas procédé aux mesures correctives
appropriées. La Dilcrah devrait ainsi recueillir l'avis du comité
des parties prenantes avant de procéder à la publication du nom
d'une personne morale, soit lorsque celle-ci se serait soustraite à
l'obligation de conclure un accord ou un plan d'action pour la lutte contre les
discriminations, soit lorsqu'elle jugerait insuffisante la qualité de
leur contenu. La proposition de loi renvoie en revanche
intégralement au pouvoir réglementaire la détermination
des règles de fonctionnement concret de ce comité, en particulier
pour ce qui concerne les procédures de délibération et la
répartition entre voix délibératives et voix
consultatives. Parce qu'il permet une participation des entreprises
à l'élaboration des tests, le comité des parties prenantes
est présenté comme le moyen de prévenir toute critique sur
la robustesse de leur méthodologie. Pour rappel, une
précédente campagne de tests introduite entre 2019 et 2020 avait
connu un relatif échec, en raison notamment d'importantes contestations
par les entreprises « épinglées » de la
méthodologie employée. Les auditions ont néanmoins démontré
que ce comité n'était pas un instrument pertinent pour aboutir
à un consensus sur la méthodologie adéquate. Le nombre
important de ses membres, conjugué à l'absence de
précisions sur son processus de délibération rend le
dispositif peu opérationnel. Il semblerait en effet illusoire de
requérir l'unanimité compte tenu de la diversité des
personnes représentées. Une mise en minorité de l'une des
parties fixerait quant à elle d'entrée de jeu les jalons d'une
contestation future des résultats obtenus. De fait, la confiance se
construit plutôt qu'elle se décrète, et il serait illusoire
d'espérer un ralliement des entreprises à la cause du
testing statistique au seul motif que la loi le prescrit. De plus, les
spécificités de chaque situation de discrimination peuvent
justifier d'adapter la méthode de test, voire de s'adresser à des
interlocuteurs différents. La composition figée de ce
comité ne permet pas de répondre à cet impératif de
souplesse. En conséquence, il me semble que la
création d'un énième comité supplémentaire
serait superflue, voire contre-productive. Elle est par ailleurs contraire
à l'ambition de simplification normative dont se revendique actuellement
l'exécutif. Il serait plus pertinent de laisser aux pouvoirs publics la
liberté d'établir au cas par cas le format d'échanges le
plus adapté, étant entendu que les partenaires sociaux devront
systématiquement être associés. Enfin, les missions confiées au comité des
parties prenantes vont bien au-delà de celles qui devraient revenir
à un comité scientifique faisant office de tiers de confiance sur
l'élaboration de la méthodologie et certifiant que la mise en
oeuvre du test y a été conforme. Si les résultats d'un
test statistique laissent présager de pratiques discriminatoires, il
revient en priorité à l'administration du travail d'accompagner
l'entreprise pour qu'elle mette en place, en concertation avec les
représentants du personnel, des mesures correctives. Le comité des parties prenantes, qui comprend, par
exemple, des personnalités qualifiées en matière
statistique ou des représentants d'associations ne dispose pas des
compétences ou de la légitimité requises pour cela. Il ne
peut pas non plus se substituer au dialogue social interne à la personne
morale concernée. Il me paraît notamment inconcevable qu'il puisse
avoir voix au chapitre sur le contenu d'un accord régulièrement
conclu au sein de celle-ci. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous proposerai un
amendement supprimant l'article 2. L'article 3 fixe la procédure applicable
lorsqu'un test statistique révèle de potentielles pratiques
discriminatoires. La personne morale concernée est soumise à une
obligation de négociation en vue d'établir un accord portant sur
des mesures correctives ou, à défaut, d'établir
unilatéralement un plan d'action. En l'absence d'accord ou de plan
d'action, ou bien lorsque le contenu de celui-ci est insuffisant, le nom de la
personne morale peut être publié - c'est ce que l'on appelle
le « name and shame » - et/ou
celle-ci peut faire l'objet d'une amende administrative. L'ensemble du processus peut être
découpé en une dizaine d'étapes et durer potentiellement
jusqu'à deux ans. Il implique un nombre important d'acteurs - la
Dilcrah, le comité des parties prenantes, les organisations syndicales,
l'administration du travail -, dont certains interviennent à
plusieurs reprises, sans que l'articulation entre leurs différentes
actions soit toujours clairement explicitée. Cette procédure se
caractérise par une forte complexité qui va à l'encontre
de l'objectif de simplification normative mis en avant par l'exécutif et
que le Sénat partage pleinement. Sur le fond, les procédures proposées
comportent également plusieurs vices majeurs. D'une part, leur
déclenchement n'est précédé d'aucune phase
contradictoire, qui permettrait pourtant de purger rapidement les situations
où la personne morale concernée est en mesure d'apporter une
réponse convaincante aux anomalies mises en évidence par le test.
D'autre part, il existe un risque important de conflit de
légitimité, dans les cas où le contenu d'un accord conclu
au niveau de l'entreprise serait jugé insuffisant par la Dilcrah
après avis du comité des parties prenantes. Aucune de ces deux
instances ne dispose d'une légitimité suffisante pour remettre en
cause un accord régulièrement conclu entre l'employeur et les
partenaires sociaux, comme je l'ai indiqué
précédemment. J'en viens aux sanctions : le « name
and shame » ou l'amende administrative. Il paraît
évident que la logique sous-jacente du dispositif, comme cela est trop
souvent le cas en la matière, est celle de la sanction. Lorsque nous
avons consulté les chercheurs à l'initiative des
méthodologies et des campagnes de tests de 2019 et 2020, ils ont par
exemple employé le mot « piéger ». Les auditions n'ont pourtant pas fait émerger de
consensus quant à l'efficacité de la publication des noms des
entreprises. Concernant l'amende administrative, son montant
particulièrement important, qui pourrait aller de 1 % à
5 % des rémunérations et des gains, et les
précédents en la matière rendent son application peu
crédible. Cette approche fondée uniquement sur la crainte de
la sanction ignore, de plus, les initiatives, certes sans doute perfectibles,
déjà prises par les employeurs en matière de lutte contre
les discriminations. Par exemple, la lutte contre les discriminations est
déjà partiellement prise en compte dans le cadre des
négociations en entreprise. Des obligations légales de formation
existent déjà dans certains secteurs. Des outils de droit souples
sont mis en oeuvre, en coopération avec l'État, pour
prévenir les discriminations. Des entreprises volontaristes mettent
enfin en oeuvre de bonnes pratiques, voire recourent à des
autotestings. La lutte contre les discriminations ne peut être
efficace que lorsqu'elle suscite l'adhésion des employeurs. Elle suppose
donc l'établissement d'un dialogue reposant sur la confiance et la mise
en place d'un accompagnement aussi rigoureux qu'exigeant. Cet objectif peut
tout à fait être atteint en droit constant, par
l'intermédiaire d'un dialogue informel avec les personnes morales
concernées. S'il est vrai que le dialogue a parfois ses limites,
l'État est toutefois loin d'être désarmé pour
répondre aux entreprises les plus récalcitrantes. L'inspection du
travail dispose notamment d'une compétence générale pour
contrôler l'application des dispositions du code du travail. En
conséquence, je vous proposerai un amendement de suppression de
l'article 3. Enfin, l'article 3 bis modifie les
critères du délit de discrimination fixés par
l'article 225-1 du code pénal. Il substitue le terme de
« nom de famille » à celui de
« patronyme ». Les modifications successives, depuis le
début des années 2000, de la législation relative au
choix du nom, ont en effet rendu ce terme largement obsolète. L'article
ajoute également la domiciliation bancaire à la liste des
critères fondant une discrimination pénale. Je vous proposerai un
amendement visant à prolonger cette harmonisation, en remplaçant
également le terme « patronyme » dans la loi du
27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit
communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ainsi que
dans le code général de la fonction publique.
Mme Corinne
Narassiguin. - Je remercie la rapporteure de son travail. Ce
texte, aux intentions louables, comporte de nombreuses mesures
problématiques, voire contre-productives. Nous ne pourrions donc le
voter en l'état. Confier à la Dilcrah, organisme non
indépendant, des prérogatives déjà exercées
par le Défenseur des droits pose notamment problème. Le
rôle de ce dernier doit être préservé. Nous approuvons le premier amendement de la
rapporteure qui retire à la Dilcrah la capacité de mener des
tests individuels. La suppression du mot « correction »
à l'alinéa 1 de l'article 1er nous semble en
revanche regrettable. Nous approuvons également votre deuxième
amendement portant suppression de l'article 2. Le comité des
parties prenantes n'est effectivement pas la bonne solution par rapport aux
objectifs fixés par le texte. Votre quatrième amendement ne pose aucun
problème. En revanche, nous ne sommes pas d'accord avec votre
proposition de supprimer la totalité de l'article 3, même si
sa rédaction pose effectivement problème. Une
réécriture nous semblerait préférable. Nous
voterons donc contre cette suppression. Si nous comprenons votre volonté
d'équilibrer le texte et de le rendre le plus opérationnel
possible, cette suppression ne nous paraît pas conforme à cet
objectif. L'article contient en effet une partie substantielle du dispositif de
la proposition de loi, car il doit assurer que les résultats des tests
révélant l'existence de discriminations soient bien suivis
d'effet. Il est important que des sanctions véritablement dissuasives
existent en cas d'absence de réponse apportée à l'issue de
la constatation de l'existence de pratiques discriminatoires. Il ne s'agit pas d'ignorer les initiatives vertueuses
prises par beaucoup d'entreprises, mais de s'assurer que les situations qui
exigent une correction sont bien corrigées. Par ailleurs, cet amendement dénonce des sanctions
particulièrement lourdes et trop peu appliquées par les
entreprises. Il faudrait plutôt voir comment encourager une meilleure
application. Selon nous, seules des sanctions lourdes peuvent être
dissuasives. Il faut peut-être simplement chercher à les
diversifier et à les rendre plus applicables, pour juguler correctement
le phénomène discriminatoire. Enfin, l'objet de l'amendement précise que les
mêmes objectifs semblent pouvoir être plus sûrement atteints
à droit constant par la mobilisation des outils offerts par le code du
travail. Cette supposition est fausse, sinon il n'y aurait plus de
discriminations et cette proposition de loi n'aurait pas d'objet ! Il y a
encore des mesures à prendre pour contraindre les entreprises qui
n'agissent pas, sans ignorer pour autant celles qui font beaucoup d'efforts, et
donc un équilibre à trouver entre mesures incitatives et mesures
punitives.
Mme Marie
Mercier. - Je félicite la rapporteure pour son travail
précis et fouillé. On dit que la confiance se gagne en gouttes et
se perd en litres. Or la suspicion est le fondement de ce texte. Nous
constatons pourtant au cours de nos visites que le dialogue social
prévaut véritablement dans les entreprises. Des cas de
discrimination peuvent survenir, mais le souci des chefs d'entreprise en ce
moment est de pourvoir les postes vacants. Un texte comme celui-ci va à
l'encontre de volonté d'apporter de la richesse à leurs
territoires. Ce texte, qui les met en difficulté et témoigne
d'une suspicion à leur égard, serait un très mauvais signe
en ce temps où nous essayons de simplifier les embauches.
Mme Catherine
Di Folco, rapporteur. - Nous avons
proposé de supprimer le mot « correction » dans
l'article 1er, parce que cela était cohérent avec
notre proposition de supprimer l'article 3. Si l'inspection du travail constate des problèmes,
elle peut saisir le procureur de la République pour que des sanctions
interviennent. Il reste qu'elle doit faire son travail, aller au bout de la
démarche et disposer des moyens pour le faire. Si l'on impose des sanctions très lourdes aux
entreprises, cela peut poser problème. Le « name and
shame » a des conséquences, notamment
réputationnelles, très lourdes. Concernant l'amende, son montant
minimal, initialement fixé à 0,5 % des
rémunérations et des gains, a été augmenté
à 1 % lors de l'examen à l'Assemblée nationale, et
peut aller jusqu'à 5 % en cas de récidive. Or cela risque de
tuer certaines entreprises. Par ailleurs, les entreprises n'ont pas
intérêt à faire de la discrimination à l'embauche,
alors même qu'elles essaient de trouver des employés.
Réduire leur vivier en appliquant des critères discriminatoires
n'aurait pas de sens. Il existe toutefois des cas de discrimination, c'est
évident. C'est la raison pour laquelle nous avons conservé
l'article 1er. Pour lutter contre les discriminations, il faut
une photographie fiable de la situation. Pour ce faire, il importe de donner
des moyens à la Dilcrah. Il est intéressant de noter, au passage,
que celle-ci a reçu des crédits avant même que la loi ne
soit votée, puisque 3 millions d'euros lui ont été
attribués dans la loi de finances pour 2024. J'ai été assez sensible à la demande
du Défenseur des droits et du Haut Conseil à
l'égalité entre les femmes et les hommes pour la création
d'un observatoire. J'inciterai le Gouvernement à répondre
à cette demande. Par l'intermédiaire de cet observatoire, nous
pourrions peut-être aller plus loin dans les mesures correctives à
apporter.
M. François-Noël
Buffet, président. - Concernant le
périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur
l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la
Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je
vous propose de considérer qu'il comprend les dispositions relatives aux
tests statistiques et individuels de discrimination ainsi qu'aux suites
apportées à leurs résultats. Il en est ainsi décidé. EXAMEN DES ARTICLES Article 1er L'amendement
COM-1
est adopté. L'article 1er est adopté dans
la rédaction issue des travaux de la commission. Article 2 L'amendement
COM-2
est adopté. L'article 2 est supprimé. Article 3 L'amendement
COM-3
est adopté. L'article 3 est supprimé. Article 3 bis
(nouveau) L'amendement de coordination
COM-4
est adopté. L'article 3 bis est adopté
dans la rédaction issue des travaux de la commission. Article 4
(supprimé) L'article 4 demeure supprimé. La proposition de loi est adoptée dans la
rédaction issue des travaux de la commission. Les sorts des amendements du rapporteur
examinés par la commission sont retracés dans le tableau
suivant : La réunion, suspendue à
12 h 20, est reprise à 14 h 00. - Présidence de M. Christophe-André
Frassa, vice-président - La réunion est ouverte à
14 h 00.
M. Christophe-André
Frassa, président. - Nous examinons,
selon la procédure de législation en commission définie
aux articles 47 ter et suivants de notre Règlement, le rapport
sur la proposition de loi visant à faciliter la mise à
disposition aux régions du réseau routier national non
concédé.
M. Alain
Marc, rapporteur. - Cette proposition de
loi, très pragmatique, vise à répondre à une
difficulté rencontrée dans la mise en oeuvre de
l'expérimentation visant à mettre à disposition des
régions une partie du réseau routier national non
concédé. En effet, l'article unique de ce texte vient
compléter l'article 40 de la loi du 21 février 2022
relative à la différenciation, la décentralisation, la
déconcentration et portant diverses mesures de simplification de
l'action publique locale (3DS) par l'instauration d'une possibilité de
délégation de signature du président du conseil
régional aux services de l'État mis à la disposition de la
région pour la gestion du réseau routier confié dans le
cadre de l'expérimentation. Une telle disposition relève de l'évidence
pour ceux qui, comme moi, étaient conseillers
départementaux : les départements ont des services
spécifiques, contrairement aux régions. Avant de revenir plus en détail sur les effets de
la proposition de loi, il me semble intéressant de vous rappeler
quelques éléments de contexte relatifs à la gestion
décentralisée des routes. Au conseil départemental de l'Aveyron, j'ai
notamment été vice-président chargé des routes.
Cette expérience m'a montré que les collectivités locales
font souvent bien mieux que l'État lorsqu'il s'agit de gérer des
infrastructures locales. D'ailleurs, je crois que vous en êtes aussi
convaincu, monsieur le ministre. Prenez l'exemple des collèges et des
lycées. Ils n'ont jamais été aussi modernes que depuis
qu'ils sont gérés par les départements et les
régions, ce qu'a permis la loi Defferre de 1982 ! Pour les routes,
c'est la même chose. La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de
l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam)
a fait des régions les chefs de file pour l'exercice de la
compétence mobilités. La loi 3DS a complété ce
dispositif en autorisant le transfert définitif de routes aux
départements volontaires et la mise à disposition aux
régions volontaires, à titre expérimental, du
réseau routier national non concédé. Cette
expérimentation, qui doit durer huit ans, prendra donc fin en 2030,
à moins qu'elle ne soit prorogée. Vous le savez, le réseau routier national non
concédé est actuellement géré par l'État et
ses services, les directions interdépartementales des routes (DIR), les
directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du
logement (Dreal), que nous connaissons dans nos territoires en tant
qu'élus locaux. Ce réseau représente
12 000 kilomètres de voies, soit seulement 1,1 % du
réseau routier national. Néanmoins, c'est un réseau
stratégique, puisqu'il représente près de 19 % du
trafic routier. À l'issue de l'adoption de la loi 3DS, les
régions Grand Est, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes ont
manifesté leur intention de bénéficier de
l'expérimentation. Le 4 janvier 2023, le ministère des
transports a indiqué à ces trois collectivités locales les
portions d'autoroutes et routes nationales qu'il entendait mettre à leur
disposition. Cela représente 1 638 kilomètres en tout.
Après cette décision, les négociations entre l'État
et les régions se sont poursuivies pour procéder à la
signature d'une convention encadrant cette mise à disposition. La convention avec la région Grand Est a
été signée le 19 octobre 2023 et la région
Auvergne-Rhône Alpes a signé la sienne le 24 janvier 2024. En
Occitanie, les négociations entre l'État et la région sont
toujours en cours, mais devraient aboutir prochainement. Au cours des discussions entre les régions et
l'État des difficultés techniques et opérationnelles sont
apparues. C'est pour cette raison que nous examinons aujourd'hui cette
proposition de loi. En effet, l'article 40 de loi 3DS, qui
prévoit l'expérimentation, ne donne pas la possibilité au
président de région de déléguer sa signature aux
agents de l'État. Or dans le code général des
collectivités territoriales (CGCT), il n'est pas prévu que le
président du conseil régional puisse déléguer sa
signature aux agents de l'État. Le Conseil d'État est
particulièrement vigilant sur ce point et n'hésite pas à
sanctionner les délégations de signature du conseil
départemental à des agents de l'État qui se feraient sans
base légale. L'objet de la proposition de loi est donc très
simple : autoriser le président du conseil régional à
déléguer sa signature aux services de l'État, à
savoir les DIR et les Dreal. C'est nécessaire, puisqu'au quotidien la
gestion des routes implique la signature de plusieurs dizaines d'actes
administratifs, dont certains sont parfois pris en urgence, en cas
d'intempérie ou d'incident, par exemple. En l'absence d'une telle délégation,
l'expérimentation risque d'être inutilement complexifiée,
voire mise à mal, ou pire encore, abandonnée par les
régions volontaires. À mon sens, le texte qui nous est proposé
est complet et ne pose aucune difficulté technique ou juridique. Les
services du ministère des transports m'ont indiqué que la
proposition de loi répond parfaitement au problème pointé
par les régions. D'ailleurs, j'ai eu le plaisir d'auditionner le
président de la région Grand Est, Franck Leroy, qui m'a
expliqué toute l'importance de ce texte pour la bonne mise en oeuvre de
l'expérimentation dans son territoire. En 2030, nous serons conduits à faire le
bilan de cette expérimentation, à condition que nous adoptions
aujourd'hui la proposition de loi adoptée par nos collègues de
l'Assemblée nationale. M. Patrice Vergriete, ministre
délégué auprès du ministre de la transition
écologique et de la cohésion des territoires, chargé des
transports. - Cette proposition de loi vise à faciliter la
mise en oeuvre du volet routier de la loi 3DS, afin de combler une
omission, laquelle empêche les présidents de région de
déléguer leur signature aux agents de l'État qui exercent
dans les services routiers mis à leur disposition. Or la délégation de signature est
nécessaire, car les DIR prennent chaque année des centaines
d'arrêtés de circulation pour travaux, pour interventions ou pour
gestion d'événements sur la voie publique ; elles
émettent des milliers de bons de commande pour réparer,
entretenir, maintenir le patrimoine routier et elles en émettent tout
autant pour en exécuter la liquidation - je ne suis pas exhaustif.
Il paraît difficilement soutenable de faire remonter ces actes au niveau
de l'exécutif régional pour qu'ils soient signés. Aussi, le Gouvernement ne peut que soutenir cette
proposition de loi.
M. Jean-Michel
Arnaud. - Mon intervention ne concerne pas
directement le texte, qui ne suscite pas de grands débats : il
s'agit simplement de permettre aux régions volontaires
d'expérimenter pleinement le transfert de la gestion du réseau
routier national non concédé. Monsieur le ministre, je vous interpelle sur la demande
formulée par des conseils départementaux, notamment les
Hautes-Alpes, que je représente ici, qui n'ont pas réussi
à trouver un accord avec l'État avant le 31 décembre
2022 sur le niveau de compensations de crédits. Ils souhaitent de
nouveau discuter de la perspective d'un transfert vers les départements
de quelques dizaines de kilomètres de routes nationales. À quel moment souhaitez-vous reprendre le dialogue
avec les départements concernés ? Quels délais
proposez-vous à ces départements pour que l'on puisse agir vite,
afin d'avoir un service routier cohérent, efficace et au service de nos
concitoyens ?
Mme Muriel
Jourda. - Si je comprends bien,
l'État met à disposition des conseils régionaux une partie
de la voirie et, au travers de ce texte, il s'agit de permettre à leur
président de déléguer son pouvoir de signature à
l'un de ses vice-présidents, afin que lui-même
délègue son pouvoir à l'État. À la fin, on
revient à l'État ! Était-il donc bien raisonnable de
confier aux régions la gestion des routes, alors qu'elles ne disposaient
d'aucun service routier, contrairement aux départements ?
M. Guy
Benarroche. - Nous pensons que cette
proposition de loi répond utilement aux besoins opérationnels et
techniques nécessaires à la bonne mise en oeuvre de
l'expérimentation évoquée. En revanche, cette expérimentation n'a connu qu'un
faible engouement pour l'instant. Il faut donc garantir les financements de
l'État, en prévoyant notamment de nouvelles sources de
financement, à l'instar de l'écotaxe, pour répondre
à la mise en concession privée des routes nationales. D'ailleurs,
la Collectivité européenne d'Alsace, frontalière d'un pays
où l'écotaxe fonctionne très bien, y
réfléchira. De plus, les modalités de compensation
financière de l'État aux régions nous inquiètent.
Le président de Régions de France a confirmé, en
janvier 2024, que cette mise à disposition représenterait
pour les régions concernées des investissements non
négligeables. Ce texte met en lumière l'éparpillement des
compétences entre les différents échelons de
collectivités territoriales, qui rend incohérente la gestion du
réseau routier national.
M. Christophe
Chaillou. - Ce texte fait l'objet d'un large
consensus parmi nous. L'article 40 de la loi 3DS a permis une
expérimentation, mais il n'en a pas précisé les
modalités techniques. Le groupe Socialiste, Écologiste et
Républicain avait émis des réserves sur cette
expérimentation lors de l'examen du texte. Nous avions critiqué
le manque de cohérence et de lisibilité de la répartition
des compétences en matière de voirie. Malgré nos réticences initiales, nous
reconnaissons tout l'intérêt d'une telle expérimentation.
Il est donc de notre devoir de la rendre opérationnelle. Cette
proposition semble donc apporter les ajustements nécessaires et
clarifier certaines compétences. Néanmoins, il me semble que le calendrier des
versements financiers dus par l'État aux régions pourrait
être mieux défini. Il serait intéressant de préciser
que ces versements aient lieu au premier semestre de chaque année, pour
permettre aux régions de mieux gérer leur trésorerie. Il me semble également pertinent que la convention
de mise à disposition entre l'État et la région
précise le périmètre exact du domaine et des installations
concernés. Je souligne également qu'un amendement
adopté en commission des lois à l'initiative de notre
collègue député Boris Vallaud vise à prolonger le
délai de conclusion des conventions entre l'État et les
régions, ce qui permet de sécuriser juridiquement les
opérations à venir. Nous soutenons cette proposition de loi.
M. Olivier
Jacquin. - Le bilan du volet routier de la
loi 3DS mériterait d'être dressé, car nous en mesurons
encore mal les effets sur le morcellement du réseau routier national.
Dans la région Grand Est, nous avons
demandé qu'une écotaxe puisse être appliquée
à d'autres axes routiers. Les régions frontalières
victimes de report de trafic peuvent expérimenter une gestion
autoroutière, selon notre analyse juridique de la loi du
22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement
climatique et renforcement de la résilience face à ses effets,
dite loi Climat et résilience. C'est ce que fera la région Grand
Est à partir du 1er janvier 2025, ce qui lui permettra
de lever l'écotaxe au même titre que la Collective
européenne d'Alsace. Ce modèle pourrait être suivi
ailleurs. Le délai d'expérimentation, qui est de huit
ans, devra être prorogé. On voit mal une région mettre en
place une gestion autoroutière, lever une écotaxe, et abandonner
tout cela au bout de quelques années.
M. Alain
Marc, rapporteur. - Je rappelle que certains
départements ont pu demander un transfert définitif de certaines
routes, car ils disposent déjà de services chargés de la
voirie. Ainsi, les fonctionnaires d'État auront un droit d'option
pendant une certaine période, au cours de laquelle ils choisiront soit
de rester dans la fonction publique d'État, ce qui les conduira vers
d'autres métiers, soit de devenir fonctionnaires territoriaux. Je rejoins mon collègue Jean-Michel Arnaud, car la
RN88 passe aussi en Aveyron. Or le président du conseil
départemental a demandé que sa gestion lui soit
transférée, mais les compensations financières ne sont pas
à la hauteur de nos espérances. Je constate que nombre de
conseils départementaux discutent avec l'État pour assurer un
niveau de compensation suffisamment élevé. Pour les conseils régionaux, il s'agit d'une mise
à disposition temporaire. On peut espérer que
l'expérimentation soit prolongée. Les régions n'ont pas de services chargés
des routes. Or en cas d'incidents, d'intempérie ou d'aléa, il
faut prendre immédiatement des mesures administratives, ce que le droit
en vigueur ne permet pas. L'objet de la proposition de loi est donc de
permettre la délégation de signature. La région Grand Est a besoin de cela pour lever
l'écotaxe le plus rapidement possible. Les présidents des régions Occitanie et
Auvergne-Rhône-Alpes ont besoin de réaliser des
aménagements spécifiques sur la RN88, qui part de Toulouse
jusqu'à Lyon, car c'est un axe routier structurant. Ce texte soulève donc un débat global sur
les axes stratégiques pour le développement de nos régions
et un débat technique, sur la délégation de signature. M. Patrice Vergriete, ministre
délégué. - Nous avons bien identifié
le sujet du niveau des compensations, monsieur le rapporteur. J'aurai
l'occasion d'échanger sur ce sujet, dans les semaines à venir,
avec le président de la commission
« mobilités » de l'Assemblée des
départements de France (ADF), François Durovray. Je rappelle que les régions se sont portées
candidates, elles n'ont aucune obligation ; elles ont choisi de demander
une telle mise à disposition. Dans ce cas, les services de l'État
sont à la disposition des régions. C'est la région qui
décide et non l'État ; c'est une évolution majeure.
Les orientations stratégiques relèvent de la région et non
plus de l'État. Les services de l'État ne font qu'exécuter
les décisions du conseil régional. Nous aurons l'occasion de revenir sur les questions
économiques que vous avez soulevées, notamment celles qui
touchent aux recettes liées à la décarbonation des routes
ou à leur développement. La question relative à la prorogation de
l'expérimentation me semble évidente ; nous y travaillerons.
Mme Cécile
Cukierman. - Le débat en
séance sera inévitablement contenu compte tenu de l'objet
circonscrit du texte. Pour être claire, je le redis devant vous
aujourd'hui, nous n'avions pas soutenu cette expérimentation lors de
l'examen du projet de loi 3DS. L'examen de ce texte montre que
l'expérimentation n'a pas si bien fonctionné que cela. Au
surplus, peu de régions se sont emparées de la capacité de
reprendre les routes ! Je rejoins les observations du rapporteur : seules
trois régions ont demandé de participer à
l'expérimentation. Pour deux d'entre elles, il s'agit pour la
présidente et pour le président d'exister fortement dans le
débat national. Pour autant, le problème de la RN88 n'est pas
réglé : son passage dans la métropole
stéphanoise demeure en suspens, notamment sur la question de la
sécurisation de son trajet vers le sud-ouest du Massif central. Avec ce texte, nous permettons de finaliser une
expérimentation, sans répondre à la véritable
question : qui entretient le mieux nos routes nationales ?
M. Mathieu
Darnaud. - Co-rapporteur du projet de
loi 3DS, je défendrai une voix singulière. Tout d'abord, je
rappelle que la rédaction finale de l'article 40 laisse la primeur
aux départements. De plus, je suis élu d'une région, en
l'occurrence Auvergne-Rhône-Alpes, qui a demandé la mise en place
de l'expérimentation pour la RN88 et la RN102. Il s'agit pour elle de
compenser les difficultés de certains départements, lorsqu'ils
doivent réaliser de lourds aménagements pour entretenir le
réseau routier, alors qu'ils n'en ont pas les moyens. Il est regrettable que le Gouvernement ne suive pas
suffisamment les travaux du Sénat. Nous sommes aujourd'hui réunis
pour résoudre des problèmes que nous avions déjà
identifiés. Nous avions dit que le délai d'expérimentation
était trop court. Nous aurions gagné du temps - il y a eu
une double délibération sur cette question - si nous avions
été écoutés. Le délai
l'expérimentation est trop court, les faits nous donnent
raison ! Il faut pouvoir redonner à l'État la
capacité à agir pour traiter les sujets que nous venons
d'évoquer, cela donne raison au Sénat. Le Gouvernement serait
bien inspiré d'être plus à l'écoute du Parlement.
M. Jean-Michel
Arnaud. - Malgré sa
technicité, le débat sur les modalités juridiques
permettant aux régions de prendre en charge une partie des
compétences routières de l'État est intéressant. Ce texte montre que la question des routes dans ce pays
est loin d'être secondaire. Il ne faut pas opposer le transport routier aux autres
mobilités, notamment ferroviaires. On voit que l'État n'est plus en mesure de
gérer son réseau national parce qu'il a perdu des
compétences et qu'il est incapable de décliner ses propres
engagements concernant le réseau routier national dans les contrats de
plan État-région (CPER). J'ai administré une commune où des travaux
prévus depuis quinze ans n'ont toujours pas commencé,
malgré les investissements du département et de la région
et le volontarisme des élus locaux. Accélérons, monsieur
le ministre ! Mettez sur la table les modalités
financières de transfert qui permettront aux départements de
s'engager et ainsi de faire en sorte que, dans les zones rurales, les usagers
de la route - les autochtones et les touristes - puissent
accéder à leurs lieux de résidence dans les meilleures
conditions. Le réseau ferré n'est pas totalement fiable, et le
réseau routier national l'est encore moins ! Monsieur le ministre, nous sommes prêts à
discuter avec vous kilomètre par kilomètre de l'enjeu routier des
déplacements, notamment dans les territoires peu denses. Aussi,
j'espère vous revoir rapidement afin de trouver des solutions
importantes quant aux problèmes liés à la mobilité
du quotidien dans les départements. M. Patrice Vergriete, ministre
délégué. - Je suis conscient de l'importance
de la question routière. Il s'agit non pas d'opposer la route au
ferroviaire - ce serait une immense erreur ! -, mais de
rechercher la complémentarité entre les modes de transport,
même si le report modal est parfois nécessaire. Je suis un élu local, je crois beaucoup au
principe de subsidiarité. Oui, dans certains cas, les
collectivités territoriales peuvent mieux gérer une partie du
réseau, car elles sont plus proches du terrain. L'État sait
gérer efficacement un certain nombre de politiques publiques, les
collectivités territoriales d'autres ; cette
complémentarité fait la force de notre pays, j'en suis fortement
convaincu.
M. Alain
Marc, rapporteur. - Mes chers
collègues, chacun d'entre vous a élevé le débat,
mais permettez-moi de le recentrer sur le point technique qui nous occupe
aujourd'hui. À l'époque où j'étais jeune
conseiller général de l'Aveyron - il y a plus de trente
ans -, le département définissait des orientations et les
services de l'État les exécutaient ! Ce que permet aux
régions cette expérimentation existait déjà
à l'époque pour les départements, même si
aujourd'hui les motivations sont différentes, j'en conviens. Les mobilités douces ne doivent pas être
opposées aux véhicules thermiques dont chacun peut avoir besoin
pour vivre en milieu rural. Mais ces considérations, importantes, ne
doivent pas nous détourner de l'objectif de voter cette proposition de
loi technique.
M. Christophe-André
Frassa, président. -
Concernant le périmètre de ce projet de loi, en
application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre
de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence
des présidents, je vous propose de considérer que ce
périmètre inclut les dispositions relatives à la mise
à disposition aux conseils régionaux, à titre
expérimental, du réseau routier national non
concédé. Il en est ainsi décidé. EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE SELON LA
PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION
M. Christophe-André
Frassa, président. -
Aucun amendement n'a été déposé sur ce texte. L'article unique constituant l'ensemble de la
proposition de loi est adopté sans modification. La réunion est close à
14 heures 35.Proposition de loi, adoptée par
l'Assemblée nationale, visant à lutter contre les discriminations
par la pratique de tests individuels et statistiques - Examen du
rapport et du texte de la commission
Proposition de loi, adoptée par
l'Assemblée nationale, visant à faciliter la mise à
disposition aux régions du réseau routier national non
concédé - Procédure de législation en commission -
Examen du rapport du texte proposé par la commission