COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 27 février 2024

- Présidence de M. Sacha Houlié, député, président -

La réunion est ouverte à 8 h 34.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 27 février 2024.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Sacha Houlié, député, président, de M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président, de Mme Catherine Di Folco, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de Mme Violette Spillebout, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions du projet de loi restant en discussion.

M. Sacha Houlié, député, président. - La proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, dont le président François-Noël Buffet était le premier signataire, a été déposée le 26 mai 2023 sur le bureau du Sénat. Elle a été successivement adoptée par le Sénat le 10 octobre 2023 et par l'Assemblée nationale le 7 février 2024.

Le texte comportait initialement quatorze articles. Le Sénat en a ajouté deux et supprimé un. L'Assemblée nationale a adopté conformes deux articles, en a ajouté six, supprimé un et a rétabli l'article supprimé par le Sénat. Ainsi, vingt articles restent en discussion. Il revient à nos rapporteures de nous éclairer sur leurs dispositions.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Nous arrivons donc au terme de l'examen de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Je me félicite de l'esprit de coconstruction qui a présidé au travail des deux assemblées et du Gouvernement. Je salue les échanges nourris que j'ai eus avec mon homologue, Violette Spillebout : ils nous permettent de vous proposer une rédaction commune pour l'ensemble des dispositions restant en discussion, à l'exception de l'article 2 bis.

Nous pouvons être fiers du travail accompli : déposée le 26 mai dernier, peu après la démission de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, la proposition de loi du président Buffet entendait satisfaire les attentes des élus et des citoyens de nos territoires. Il s'agissait de reconnaître le travail des élus et l'urgence de les protéger, avec leurs proches, alors qu'ils font face à des contraintes et à des menaces croissantes. Je suis convaincue que nous avons un objectif commun : relever le défi majeur que représente la protection, par la République, des élus locaux, ses chevilles ouvrières.

Le texte initial comportait des mesures utiles, largement inspirées de travaux parlementaires antérieurs. Fruit d'un travail réalisé en bonne intelligence avec les associations d'élus locaux et les sénateurs de tous les groupes politiques, il a été adopté à l'unanimité au Sénat.

Toutes les dispositions adoptées par celui-ci, initiales ou nouvelles, ont été reprises par l'Assemblée nationale, en commission et en séance publique. Certaines ont toutefois été modifiées, nos collègues Violette Spillebout, Thibault Bazin, Paul Molac et Sébastien Jumel ayant permis d'améliorer le texte et de lui apporter plusieurs précisions utiles. Je pense en particulier à la disposition visant à conférer le caractère de dépense obligatoire aux dépenses liées à la protection fonctionnelle des élus. Il est également intéressant d'avoir consolidé, avec la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, les dispositions permettant aux candidats particulièrement exposés à des menaces de bénéficier de la protection fonctionnelle, ainsi que du remboursement de leurs dépenses de sécurité indépendamment de leurs résultats électoraux.

En cohérence avec les objectifs initiaux du texte, deux dispositions ont été introduites qui visent à mieux tenir compte de la situation des anciens élus victimes de violences du fait de décisions prises durant leur mandat. Nous avons travaillé dans un esprit identique en vue d'un objectif commun, ce qui explique que les points de désaccord restants soient peu nombreux. L'Assemblée nationale a préservé les grands équilibres du texte et maintenu les apports du Sénat, mais il demeurait quelques divergences mineures entre les deux assemblées, sur lesquelles nous avons trouvé des compromis solides juridiquement, au service d'un objectif politique partagé : la meilleure protection des élus locaux et, lorsque c'est nécessaire, des candidats.

Pour ce qui est de la composition et du fonctionnement des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSP et CISPD), nous avons trouvé un compromis satisfaisant, permettant d'associer l'ensemble des acteurs locaux intéressés, y compris les parlementaires, sans perdre de vue l'objectif initial du texte, qui était de rendre obligatoire la présence annuelle du procureur de la République et de son représentant. De même, nous sommes parvenus à une solution raisonnable et solide s'agissant des aggravations de peine pour les violences commises à l'encontre d'anciens élus du fait de décisions prises au cours du mandat expiré, ainsi que pour les atteintes à la vie privée des candidats aux élections locales. L'ensemble de ces dispositions apporteront des solutions concrètes et opérationnelles aux difficultés que nos maires rencontrent quotidiennement sur le terrain.

Un regret, toutefois : nous aurions souhaité aller plus loin concernant le périmètre de la protection fonctionnelle - elle pourrait être étendue à l'ensemble des élus, y compris ceux dépourvus de responsabilités exécutives -, ainsi que s'agissant des conditions de couverture assurantielle des élus et des biens nécessaires à l'exercice de leur mandat. Nous resterons donc attentifs aux actions que le Gouvernement proposera pour traduire les engagements pris au banc par la ministre déléguée, Mme Faure, comme aux décrets d'application.

J'en viens à l'article 2 bis, pour lequel je souhaite rétablir la rédaction, issue d'une initiative transpartisane, que le Sénat avait votée à l'unanimité. Elle reprenait les catégories en vigueur et éprouvées de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lesquelles regroupent des représentants de corps constitués et des personnes représentant l'autorité publique : injuriés ou diffamés publiquement, ils subissent une atteinte en raison de leur fonction, qui dépasse leur seul intérêt privé. En outre, leur qualité de dépositaire de l'autorité publique peut les conduire à vouloir apaiser la situation en renonçant dans un premier temps à porter plainte, et s'ils veulent bénéficier de la protection fonctionnelle, ils doivent la solliciter auprès de leur collectivité ou de leur administration, avant d'engager des poursuites, ce qui requiert un certain temps. Un délai de prescription de trois mois paraît court eu égard à ces nécessités et aux conséquences d'une action judiciaire par une personne exerçant de telles fonctions publiques.

Les délais de prescription enserrant les possibilités d'action judiciaire contre les délits de presse paraissent inadaptés aux évolutions technologiques, qui permettent la persistance de la diffusion de tels contenus dans l'espace public et, surtout, en facilitent l'accessibilité. Nombreux sont les élus qui, plusieurs mois après la diffusion en ligne d'une première injure ou diffamation, voient ressurgir les contenus, lesquels ne disparaissent plus comme c'était le cas pour les articles de la presse écrite.

En conclusion, je formule le voeu que cette commission mixte paritaire (CMP) soit une réussite, sans oublier que certains débats restent ouverts, en particulier celui sur le statut des élus, qui sera demain à l'ordre du jour de la commission des lois du Sénat. L'Assemblée nationale et le Sénat ont toujours fait preuve de responsabilité pour protéger les élus locaux. Ils se sont systématiquement accordés sur les réformes législatives en la matière. J'espère que ce même état d'esprit guidera nos travaux.

Mme Violette Spillebout, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Chers collègues, je vous remercie pour votre présence à cette commission mixte paritaire portant sur un sujet essentiel qui concerne tous les élus locaux, et dont je suis heureuse qu'elle ait pu être organisée rapidement. L'initiative qu'a prise François-Noël Buffet et le fait que le texte ait été examiné sans tarder au Sénat nous conduit, dès le début de 2024, à atteindre nos objectifs communs : nous allons mieux protéger les élus locaux, leurs familles et les candidats. Je remercie particulièrement Catherine Di Folco pour le travail que nous avons mené pendant plusieurs semaines en bonne intelligence. Il nous permet de présenter à la CMP un texte à 99 % commun à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans un esprit transpartisan qui n'est pas si habituel à l'Assemblée nationale. Je salue également Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui éclaire régulièrement nos travaux de son point de vue, y compris à l'Assemblée. Enfin, je salue M. Sébastien Jumel, avec lequel j'ai déposé une proposition de loi portant réforme du statut de l'élu local que nous espérons examiner bientôt.

Mon propos liminaire se concentrera sur ce qui nous rassemble. C'est le plus important, à la fois du point de vue du nombre d'articles, puisque seul l'article 2 bis méritera de plus longs débats, et sur le fond, car nous sommes d'accord sur le principal.

Par ce texte, nous renforçons les sanctions encourues par les auteurs de faits de violences commis à l'encontre de titulaires de mandats électifs et nous créons une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure publique à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique ou de certains élus, ainsi qu'une circonstance aggravante en cas de harcèlement. Ce week-end encore, dans ma circonscription, le maire d'Hantay, une petite commune de 1 200 habitants, a reçu le soutien de l'ensemble des élus locaux après avoir été victime d'injures, de menaces et de pressions publiques. La nouvelle loi, qui sera efficace dès le premier outrage, envoie un signal très fort à ces élus.

Nous prévoyons aussi des mesures pour améliorer la prise en charge des élus locaux victimes de violences. Ainsi, nous rendons automatique l'octroi de la protection fonctionnelle - la disposition était très attendue par les élus locaux qui exercent des fonctions exécutives. Nous précisons et réaffirmons que la protection fonctionnelle assurée par la commune comprend les restes à charge et les dépassements d'honoraires résultant des dépenses liées aux soins médicaux et à l'assistance psychologique. Nous prévoyons en outre - c'est une petite divergence avec le Gouvernement - un dispositif de saisine du bureau central de tarification pour les élus locaux ne parvenant pas à assurer leur permanence électorale, car Mme Di Folco et moi-même estimons important que le droit des élus d'assurer leur permanence figure dans la loi. Nous étendons le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats à un mandat électif public et nous leur ouvrons le droit à une prise en charge par l'État des dépenses engagées pour leur sécurité pendant la période électorale. J'entends enfin que nous visons un objectif commun pour l'avenir, celui d'aller encore plus loin s'agissant de la protection fonctionnelle, en l'étendant à tout type d'élu.

Le titre III a pour objectif d'améliorer la prise en compte de la réalité des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques. Dans de nombreux départements, des conventions tripartites sont signées entre procureur de la République, représentants de la préfecture et de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) fonctionnent très bien à certains endroits, mais ils sont moins organisés et efficaces dans d'autres. Nous avons eu des débats intéressants sur ces questions à l'Assemblée nationale.

Enfin, plusieurs demandes de rapport ont été introduites dans le texte, portant sur l'opportunité d'élargir la protection fonctionnelle à l'ensemble des élus locaux, y compris ceux qui n'exercent pas de fonctions exécutives ; sur les actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et leurs résultats, en vue de disposer de statistiques plus précises concernant les élus locaux ; sur le coût pour les communes de l'obligation de souscrire un contrat d'assurance couvrant les frais liés à la protection fonctionnelle.

Je tiens à remercier tous les parlementaires qui ont contribué à améliorer le texte. Catherine Di Folco, en premier lieu, est notamment à l'origine de la nouvelle circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée des candidats, prévue à l'article 2 ter, et de l'extension du dispositif d'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives. La vie privée des élus, qui est souvent revenue dans nos débats parlementaires, est une question d'actualité. Éric Poulliat, rapporteur d'une mission d'information sur l'activisme violent, a permis de combler un vide juridique concernant les atteintes dangereuses aux biens impliquant des personnes chargées d'une mission de service public. Par leurs amendements, Thomas Rudigoz et Didier Paris ont complété l'article 2. François Cormier-Bouligeon a appelé notre attention sur l'après-mandat et les violences consécutives à des décisions prises pendant le mandat. Paul Molac a été à l'origine de l'article 3 bis, qui ajoute à la liste des dépenses obligatoires des communes les dépenses liées à la protection fonctionnelle des élus municipaux. Enfin, Sébastien Jumel, Sébastien Rome et Stéphane Delautrette ont apporté des éléments importants à notre réflexion, notamment sur le fonctionnement des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Nous pouvons être collectivement fiers du travail accompli.

M. Sacha Houlié, député, président. - Il apparaît que vous avez trouvé un accord sur la quasi-totalité des articles. Nous les examinerons un par un, en réservant l'article 2 bis pour la fin.

Article 1er

M. Sacha Houlié, député, président. - L'alinéa 5 de l'article fait l'objet d'une proposition de modification.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Je m'interroge sur la pertinence de la limite de six années après l'expiration du mandat, qui entre en contradiction avec la formulation de l'article 3. À titre personnel, j'estime que cette limite ne se justifie pas.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Ce bornage a été proposé après le vote de l'Assemblée nationale, car une personne qui a été titulaire d'un mandat est considéré comme un ancien élu jusqu'à la fin de sa vie. Toutefois, on ne pourra pas prouver trente ans après qu'une agression est bien due à des décisions prises pendant le mandat. Limiter le dispositif à la durée d'un mandat supplémentaire paraît cohérent et raisonnable.

M. Sacha Houlié, député, président. -D'autant que vous avez choisi la durée du mandat le plus long, à savoir six ans.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Cela signifie-t-il que ce délai est corrélé à la procédure de l'offre de preuve ? Je ne vois pas de différence entre un élu cinq ans ou dix ans après la fin de son mandat, mais il est certain que l'offre de preuve devient de plus en plus difficile à apporter pour l'auteur. En revanche, la discordance avec l'article 3 subsiste : si vous bornez le dispositif, faites-le partout.

Mme Violette Spillebout, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - L'Assemblée nationale en a débattu lorsque M. Cormier-Bouligeon a proposé d'étendre la protection fonctionnelle à l'après-mandat, ce que ne prévoyait pas le texte initial : il a suggéré un bornage de six ans, en raison de la difficulté à apporter des preuves que l'agression était bien liée au mandat. Le Gouvernement l'a refusé, considérant la limite de six ans comme arbitraire. C'est la raison pour laquelle l'article 3 ne comporte pas de bornage.

Dans les négociations que nous avons eues avec Mme Di Folco, je ne me suis pas opposée aux six ans.

M. Sébastien Jumel, député. - Il faut nous référer à l'objectif qui nous a guidés tout au long de l'élaboration du texte : protéger les élus et en prendre soin. Pour cela, il convient de ne pas les transformer en personnes à part, au risque d'accentuer la fracture qui les sépare de nos concitoyens. D'où l'idée de les protéger après l'exercice de leurs responsabilités pendant une durée équivalente à un mandat, mais pas plus.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Je suis d'accord mais, dans ce cas, il faut poser la même limite pour tous. Le Sénat visait initialement les dépositaires de l'autorité publique ; l'Assemblée nationale a décidé de traiter les élus à part. Si on ne les considère pas comme une catégorie séparée de justiciables, on doit appliquer à tous le même délai. Par ailleurs, la question de la cohérence entre les articles 1er et 3 se pose : on ne saura pas quel délai s'applique.

M. Sébastien Rome, député. Ma voix sera discordante puisque nous avons voté contre l'ensemble des articles du titre Ier. Le débat montre que l'on a mis le doigt dans un engrenage et qu'il sera difficile de l'en retirer. Ce matin, sur France Culture, le maire d'Hantay nous invitait à nous interroger sur les raisons qui conduisent à de telles situations ; il faut adopter une vision préventive plutôt que curative. C'est ce qui manque au texte. Il faut au minimum borner le dispositif, pour traiter les citoyens et les élus de la même façon.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 ter

L'article 2 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Que décidez-vous pour le délai des six années ? J'ai posé la même question à trois reprises sans obtenir de réponse.

M. Sacha Houlié, député, président. - Les rapporteures semblent avoir décidé de ne pas bouger.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Tant mieux si les rapporteures ont décidé d'entretenir de bonnes relations, mais nous sommes en train d'écrire la loi. Le fait que les délais ne soient pas les mêmes dans deux articles pose un problème. Je n'ai pas voté la modification que vous avez décidée. Il faut veiller à la cohérence.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Comme vous, je me suis interrogée sur l'article 3. En réalité, les deux articles traitent de questions différentes. L'article 3 concerne la protection fonctionnelle. Celle-ci est attribuée par une décision de l'assemblée délibérante de la collectivité, laquelle est libre de ne pas l'octroyer à une personne qui en fait la demande, si elle juge que les faits sont trop lointains ou que les preuves sont insuffisantes. Un bornage n'est donc pas nécessaire à l'article 3 alors qu'il était indispensable à l'article 1er.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 4 (supprimé)

L'article 4 est supprimé.

Article 5

L'article 5 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 7

L'article 7 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 8

L'article 8 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 9

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 10

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 12

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 13

M. Éric Kerrouche, sénateur. -  L'article 13, rétabli par l'Assemblée nationale, est une fausse bonne idée. Il permet au procureur de la République de s'exprimer dans les supports de communication d'une commune, notamment dans le bulletin municipal. La mesure avait été supprimée au Sénat car il n'y a pas de raison de donner à un seul fonctionnaire d'autorité cette capacité de s'exprimer : le recteur ou le préfet pourraient également y prétendre.

Par ailleurs, s'il existe déjà des règles d'expression au sein des bulletins municipaux, certains pourraient y réagir aux positions du procureur. Or ce n'est pas le lieu d'un tel débat. Bref, au lieu d'aider les élus, la disposition les contraint.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 14

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 15

L'article 15 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 16

L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 18

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 19 (supprimé)

L'article 19 est supprimé.

M. Sacha Houlié, député, président. Nous en venons donc maintenant à l'examen de l'article 2 bis, précédemment réservé.

Article 2 bis (supprimé)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Comme je l'indiquais dans mon propos liminaire, je propose d'adopter l'article dans la rédaction issue des travaux du Sénat.

Mme Violette Spillebout, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Malgré des débats assez houleux, l'Assemblée nationale a adopté cet article en commission puis dans l'hémicycle, en restreignant ses dispositions aux élus locaux. Des syndicats de journalistes et l'Association des avocats praticiens du droit de la presse nous ont pris à partie, avec parfois des propos très insultants envers les députés, mais aussi envers les sénateurs. J'ai proposé à mes collègues de l'Assemblée nationale de les recevoir et organisé une table ronde le 14 février avec ces organisations représentatives des médias - éditeurs de presse, syndicats de journalistes et quelques médias plus agressifs -, que nous avons écoutés pendant deux heures, en format transpartisan.

Mme Di Folco a dit ne pas vouloir céder à des pressions. Vous le savez, je ne suis pas quelqu'un qui cède. En revanche, j'ai voulu prendre en compte l'avis de mes collègues de tous les groupes ainsi que les alertes des journalistes, que cet article ne visait pas. Nous avons bien précisé que celui-ci avait pour objet les outrages, la diffamation, les injures publiques en ligne sur les réseaux sociaux dont les élus n'avaient pas pu prendre connaissance dans le délai de trois mois, ce qui les empêchait d'exercer leur droit de porter plainte.

Par un effet de bord, mineur pour nous mais majeur pour les professionnels de la presse, l'article vient toucher à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, principe à valeur constitutionnel. Cette loi a déjà été modifiée, mais chacune de ces modifications a été précédée de débats prolongés et approfondis avec l'ensemble des acteurs de la profession, ce qui n'a pas été possible cette fois, compte tenu du rythme auquel la proposition de loi était examinée. Ni le Sénat, ni l'Assemblée nationale n'ont échangé avec les représentants du secteur. Aucune évaluation n'a été menée concernant l'impact des dispositions sur l'exercice de la profession de journaliste, sur la liberté d'expression ou la réalité économique de certains médias - les modèles économiques des organes de presse sont en effet très fragiles. Les états généraux de l'information, récemment ouverts par le Président de la République, traitent de ces questions pour trouver des solutions, réfléchir aux aides publiques, à la judiciarisation de l'ensemble de la vie publique, dont les médias font également les frais - même si notre objectif reste de protéger les élus locaux des personnes qui harcèlent, outragent et diffament sur Facebook ou Twitter.

À l'issue de cette table ronde, en accord avec l'ensemble des groupes présents, j'ai suggéré de proposer à la commission mixte paritaire de supprimer l'article 2 bis.

Cela ne signifie pas que nous renonçons à traiter ce problème important pour les élus locaux - hier encore, à Hantay, le maire d'une autre petite commune m'a expliqué qu'il avait pris connaissance d'une grave diffamation en ligne trois jours avant l'expiration dudélai de prescription de trois mois, et qu'il avait pu porter plainte. Je me suis engagée à le traiter dans le cadre des états généraux de l'information, qui achèveront leurs travaux avant l'été, ainsi que du groupe de travail que je copréside avec mes collègues du MODEM et d'Horizons et qui a pour but de proposer des évolutions de la loi eu égard aux implications de la révolution numérique. Enfin, avec Sébastien Jumel, je compte introduire dans notre proposition de loi portant réforme du statut de l'élu local des dispositions pouvant constituer des solutions au problème soulevé par le Sénat, dont certaines, telles que le bannissement automatique ou la suppression de contenus diffamants, ont été travaillées lors de l'examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.

M. Hussein Bourgi, sénateur. - Vos propos me troublent, madame la rapporteure de l'Assemblée nationale. Au Sénat, les débats ont été particulièrement sereins, et nous avons voté un amendement transpartisan permettant de protéger toutes les personnes dépositaires de l'autorité publique. S'ils ont été houleux à l'Assemblée nationale, c'est en raison de votre initiative hasardeuse et malheureuse. Par votre amendement, vous avez donné le sentiment que vous vouliez créer un privilège pour les élus et les candidats. C'est ce qui a surpris et heurté.

Je suis chagriné d'être ainsi embarqué dans les difficultés où vous vous êtes embourbés : celles-ci ne concernent pas le Sénat. Vous nous avez appelés à la rescousse, en nous sommant de participer à une table ronde la veille pour le lendemain. J'aimerais que nous soyons plus respectueux les uns des autres dans nos façons de travailler. Lorsqu'un problème survient, on contacte ses collègues pour essayer de trouver ensemble une solution.

Lorsqu'elle a été votée, en 1881, la loi sur la liberté de la presse concernait trois secteurs d'activité : la librairie, l'imprimerie et la presse. Au fil du temps, les journalistes se sont approprié ce texte, s'opposant à toute volonté du législateur de l'adapter aux enjeux et aux défis du jour. En 2004, lors du débat sur la loi dite « Perben 2 », qui avait engagé la nécessaire lutte contre les propos racistes, antisémites, sexistes et homophobes sur les réseaux sociaux, le militant associatif que j'étais s'était retrouvé confronté aux mêmes réactions épidermiques. Dominique Perben et le gouvernement de l'époque ont tenu bon. Certains journalistes nous avaient accusés de vouloir les empêcher de rédiger des articles de presse critiquant la PMA (procréation médicalement assistée) ou la GPA (gestation pour autrui). Je vous mets au défi de trouver un seul journaliste en France qui a été poursuivi par une association LGBT pour avoir écrit un article critique sur ces sujets : les craintes exprimées en 2004 se sont révélées infondées.

Vingt ans plus tard, alors que nous entendons défendre les élus locaux, les gardes champêtres, les magistrats, les policiers municipaux et nationaux, tous victimes de violences au quotidien, les journalistes se mobilisent à nouveau. En considérant la loi de 1881 comme un totem, ils défendent des intérêts corporatistes. Or la réalité de 2024 est différente de celle de 1881. En tant que législateur, nous devons prendre en considération l'intérêt général et non des intérêts particuliers. Certes, ce type de contentieux est difficile à mener car de tels actes sont difficiles à poursuivre. Il nous appartient d'adapter les outils permettant aux élus locaux de se protéger afin de faire cesser le sentiment d'impunité existant en France à l'égard de ces infractions.

M. Sébastien Jumel, député. - Actons tout d'abord que députés et sénateurs se respectent mutuellement. Nous ne devons pas perdre de vue ce pour quoi nous sommes rassemblés : réparer une République abîmée en protégeant ceux qui la représentent, à savoir les élus de proximité, et en tenant compte du fait que le dépôt d'une plainte peut prendre du temps. J'ai été maire. Il est urgent de prendre soin de ceux qui, au quotidien, tiennent la « baraque France ».

Ensuite, nous devons éviter de dénaturer notre objectif afin que les élus n'encourent pas le reproche d'avoir cherché à se protéger eux-mêmes. Loin d'être corporatiste, la loi de 1881 sur la liberté de la presse fait partie du bloc de constitutionnalité : nous ne devons pas la fragiliser. En protégeant la liberté d'expression et la liberté de la presse, nous nous protégeons nous-mêmes.

L'engagement qu'il nous faut prendre ensemble, c'est de trouver un autre véhicule législatif. Plusieurs occasions s'offrent à nous : les états généraux de l'information ; la proposition de loi que nous envisageons de faire aboutir avec Violette Spillebout ; le statut des élus que Françoise Gatel entend faire adopter. Je pense que nous commettrions une erreur politique majeure si nous renoncions.

J'en ai discuté avec le sénateur communiste Fabien Gay, qui est très attaché tant à la protection des élus locaux qu'à la liberté de la presse. Ce cheminement le conduit à dire avec nous qu'une évolution est nécessaire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Je me demande comment l'Assemblée nationale en est arrivée à voter une telle disposition. Peut-être venez-vous seulement de découvrir la loi de 1881 ? De fait, notre seule obligation, au sein de cette CMP, est d'aboutir à une rédaction qui tienne la route. Alors qu'au Sénat, nous avons voté l'allongement de la prescription à un an pour tous les dépositaires de l'autorité publique, à l'Assemblée, vous avez décidé de faire du découpage et de limiter ce dispositif aux élus et, pour faire bonne mesure, aux candidats. Quelle idée curieuse ! La polémique était dès lors assez prévisible.

La loi de 1881 est très compliquée à appliquer : il est incontestable que la procédure est particulièrement protectrice de la liberté d'expression en général, et pas seulement de celle de la presse. Nous avons décidé de toucher à cet équilibre. Cela avait déjà été fait : certaines catégories d'infractions, comme les discriminations, bénéficient déjà d'un délai de prescription exorbitant mais nous n'avions jamais modifié ce délai pour des catégories de victimes.

Je note qu'aucune proposition de rédaction n'a été distribuée. Essayons quand même de travailler. Voici donc ce que je propose.

Je souhaite que l'on ne limite pas cette disposition aux seuls élus et candidats : elle doit s'appliquer à l'ensemble des dépositaires de l'autorité publique.

Par ailleurs, s'agissant du délai, deux arguments plaident en faveur de son allongement au-delà de trois mois. Le premier concerne l'évolution du mode de diffusion des écrits depuis 1881 : il nous a semblé pertinent, pour cette raison, de porter le délai à un an. Le second porte sur la protection fonctionnelle : la fabrication de la défense demande du temps et peut buter sur le délai de trois mois. En revanche, je vous encourage à ne pas utiliser comme argument la nécessité de disposer de temps pour trouver des éléments prouvant que ce l'on écrit est vrai car, en principe, un journaliste en dispose avant de rédiger son article.

La version du Sénat porte le délai à un an. La version de l'Assemblée réserve cette disposition aux élus et aux candidats. Je propose une formule alternative : six mois.

M. Sébastien Jumel, député. - Nous, nous proposons de tout supprimer !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - À ce stade, je ne connais que deux versions : celle du Sénat et celle de l'Assemblée nationale. Il faut forcément une proposition de rédaction.

M. Sacha Houlié, député, président. - Nous allons voter la version du Sénat. Si elle n'est pas adoptée, nous voterons alors la version de l'Assemblée nationale. Si cette dernière n'est pas adoptée non plus, nous en tirerons les conséquences en constatant qu'il n'y a pas d'article 2 bis - à moins que vous ne nous présentiez une autre proposition, qu'il faudrait nous soumettre assez rapidement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Je sais bien qu'il faut l'écrire. Je n'imaginais pas que personne ne viendrait avec une solution à proposer - mais si notre groupe, minoritaire au Sénat, peut y contribuer, c'est avec bonheur !

Notre proposition consiste, d'une part, à appliquer cette disposition à toutes les personnes dépositaires de l'autorité publique et, d'autre part, à porter le délai de prescription à six mois. Cela permettrait d'assurer la protection fonctionnelle sans la réserver de façon dérogatoire à une catégorie au-delà de ce qui est raisonnable.

M. Mathieu Darnaud, sénateur. -  Nous avons publié, en juillet 2023, un rapport d'information sur l'avenir de la commune et du maire pour tenter de cerner les raisons poussant certains élus à démissionner ou à ne pas se représenter aux prochaines élections. Parmi les trois premières causes citées par les élus figurent toutes les formes de violence qu'ils subissent, singulièrement sur les réseaux sociaux. Alors que 18 500 communes comptent moins de 500 habitants, les élus n'ont pas tous la capacité de diligenter les mesures nécessaires pour se défendre ou ester en justice dans un délai relativement court. Il convient donc de faire évoluer la situation.

Le texte issu du Sénat présente l'avantage de concerner l'ensemble des personnes dépositaires de l'autorité publique. En tout état de cause, nous devons entendre les demandes criantes de la plupart des élus en leur donnant réellement les moyens de faire face à la violence qui les frappe quotidiennement sur les réseaux sociaux.

M. Sébastien Rome, député. - Sur les murs de Pompéi, on a retrouvé des insultes contre les sénateurs : un délai de prescription très long pourrait être nécessaire ! Plus sérieusement, si nous faisons toujours référence à la loi de 1881, c'est parce que les législateurs de l'époque avaient pris le temps de légiférer, ce que nous ne faisons malheureusement pas suffisamment.

Mon groupe avait proposé, dans une version proche de celle du Sénat, d'aligner l'ensemble des délais de prescription. Les débats ont été assez calmes - je tiens à rassurer M. Bourgi sur ce point. La presse nous en a d'ailleurs fait le reproche, déplorant que personne ne se soit levé pour défendre la liberté de la presse. Pour ma part, je me suis rallié à un amendement de M. Didier Paris, soutenu par le Gouvernement, qui mettait en avant le fait qu'un délai de prescription court permettait de laver rapidement l'honneur de la personne insultée. J'ai été sensible à cet argument. Par ailleurs, la plupart des insultes sont d'origine anonyme. Pour assurer la protection des élus, il me semble donc pertinent de travailler à la fois sur un délai de prescription court et sur la levée de l'anonymat sur les réseaux sociaux. Dans l'attente d'une rédaction plus équilibrée, nous souhaitons la suppression de cet article.

Mme Françoise Gatel, sénatrice. - Tout le monde est d'accord pour protéger les élus.

Le texte proposé par François-Noël Buffet contient aussi une disposition relative aux sanctions en cas de violences contre les élus, qui seraient alignées sur celles visant tout agresseur d'un dépositaire de l'autorité publique. L'article 2 bis ne dégrade pas la protection due aux élus mais s'inscrit dans le régime universel de la protection des personnes. Nous devons y être très attentifs si nous voulons sécuriser et faciliter l'engagement, mais aussi retrouver la confiance de nos concitoyens. Les régimes spécifiques sont plus dangereux qu'utiles : ils desservent plus qu'ils ne protègent. Nous devons préserver la cohérence du texte, qui garantit la meilleure des protections pour les élus. Je maintiens donc, avec une obstination tranquille, que nous devons adopter la version du Sénat.

M. Sacha Houlié, député, président. - Je vais vous faire distribuer la proposition de rédaction de Mme de La Gontrie qui porte sur la version sénatoriale et a pour objet de fixer le délai à six mois au lieu d'un an.

M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-president. -  Il me semble important de ne pas limiter ce dispositif aux élus locaux. À défaut, nous donnerions l'impression de protéger une catégorie de personnes, ce qui serait néfaste. Il me paraît donc absolument nécessaire d'étendre cette protection à l'ensemble des personnes dépositaires de l'autorité publique.

Je voudrais rappeler que le délai de prescription de trois mois a été créé pour protéger l'auteur de l'article, et non la victime : si celle-ci n'a pas déposé plainte dans un délai de trois mois, l'auteur ne peut plus jamais être poursuivi. C'est ainsi que l'on garantit la liberté de l'information.

L'objectif est de s'adapter aux nouveaux moyens de communication. Or les réseaux sociaux posent une difficulté technique : il faut du temps pour obtenir la levée de l'anonymat et pour établir d'où vient l'information diffusée - quand on est au courant de celle-ci ! Il me paraît donc utile de fixer un délai de prescription d'un an. Quant à la proposition de le ramener à six mois, si elle permet de trouver un accord sur le principe, ce ne serait pas une mauvaise affaire.

J'insiste beaucoup sur l'idée qu'un délai de prescription est aussi un délai de protection. Pour une victime, qu'il s'agisse d'un élu ou d'une personne dépositaire de l'autorité publique, il est extrêmement difficile de faire prospérer son action en cas d'agression sur les réseaux.

Enfin, il est évident que ce ne sont pas les journalistes qui sont visés. Toutefois, nous ne voulons pas créer des catégories car cela rendrait le texte illisible.

Mme Violette Spillebout, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je tiens tout d'abord à réaffirmer mon respect pour mes collègues sénateurs. Dès l'alerte des syndicats de journalistes et de la presse, j'ai immédiatement pris contact avec Mme Di Folco pour évoquer cette situation et lui proposer d'en discuter. Monsieur Bourgi, je m'excuse de ne pas vous avoir contacté personnellement. Il y a peut-être eu de l'incompréhension, mais en aucun cas un manque de respect.

J'aimerais vous apporter quelques éclaircissements avant le vote.

Tout d'abord, la polémique n'est pas née parce que l'Assemblée nationale a restreint cette disposition aux élus locaux. L'ensemble des acteurs de la table ronde nous ont en effet indiqué qu'ils n'imaginaient pas que ce texte aurait des conséquences sur la loi de 1881. Il se trouve que les journalistes ont vu un passage de la retransmission de la réunion de la commission des lois ; c'est ce qui les a conduits à lancer l'alerte, déclenchant la polémique. S'ils s'en étaient aperçus au moment de l'examen de la version du Sénat, ils auraient réagi de la même façon, puisque l'article 2 bis y créait une dérogation pour les personnes dépositaires de l'autorité publique, dont les élus font partie.

La lutte contre la haine en ligne soulève le problème de l'identification des auteurs. Or la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire a rendu leur recherche plus difficile en interdisant de recueillir les données techniques permettant d'identifier les auteurs lorsque les crimes ou les délits sont punis de moins de trois ans d'emprisonnement. Ainsi, que le délai de prescription soit de trois mois ou d'un an, on ne résoudra pas ce problème. J'imagine que nous allons devoir modifier cette disposition.

J'entends les arguments sur l'évolution des réseaux sociaux et sur la transformation des modalités de harcèlement. Les témoignages que nous avons reçus avec Sébastien Jumel, pendant nos six mois de mission, évoquaient sans cesse les insultes, la diffamation et le harcèlement sur les réseaux sociaux. Nous devons impérativement trouver des solutions à ce problème majeur.

Je suis d'accord sur le fait que le délai de prescription protège les auteurs. Je suis favorable au principe de son allongement quand on n'a pas eu connaissance des faits et que l'on doit pouvoir porter plainte. En revanche, ce qui me pose un problème, en tant que responsable politique, c'est que ces modifications affecteront toute une profession sans que l'on ait suffisamment échangé avec ses représentants. Toucher à la loi de 1881 dans ces conditions ne me semble pas respectueux de la presse ni des journalistes, même s'ils ne sont pas notre cible.

Enfin, si cet article était validé, cela créerait différentes catégories de personnes dépositaires de l'autorité publique, en fonction desquelles l'injure et la diffamation ne seraient pas traitées de la même façon. Toutefois, je pense que nos débats ne portent pas sur ces détails, mais sur l'esprit de la loi en question.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Il n'a jamais été question de fragiliser la loi de 1881. Nous n'avons absolument pas modifié la caractérisation des infractions, ni les personnes concernées - ce sont les personnes dépositaires de l'autorité publique, déjà mentionnées dans la loi de 1881. Nous avons simplement allongé le délai de prescription pour l'aligner sur celui prévu par la loi dite « Perben 2 » lorsque la diffamation ou l'injure est commise à raison de l'origine, notamment ; ce délai n'a jamais causé le moindre problème. La loi de 1881 s'applique à tous.

L'article 2 bis a été adopté à l'unanimité au Sénat, avec l'accord du Gouvernement. À l'issue des débats, nous avons fait un communiqué de presse : personne n'a bougé, les journalistes ne s'étant pas sentis visés puisque nous n'avions pas créé de catégorie particulière, que ce soit pour les victimes ou pour les journalistes. C'est le fait d'avoir mis en avant les élus et les candidats qui a provoqué une étincelle.

Je maintiens donc que la rédaction du Sénat était très robuste. Des améliorations sont certes nécessaires en ce qui concerne la levée de l'anonymat, mais cela doit faire l'objet d'un autre texte. Je demande le rétablissement du texte issu du Sénat.

M. Sébastien Jumel, député. - Nous proposons de voter contre la version du Sénat et contre celle de l'Assemblée nationale afin de nous laisser le temps d'élaborer un dispositif permettant de protéger les élus sans fragiliser la loi de 1881.

M. Sacha Houlié, député, président. - Nous allons d'abord voter sur l'amendement à la version sénatoriale puis, s'il est repoussé, sur la version sénatoriale et enfin, en cas de rejet, sur la version de l'Assemblée nationale. Il convient en effet d'examiner un amendement à un article avant l'article lui-même : si l'on vote l'article en premier et qu'il est adopté, la proposition de rédaction deviendra sans objet.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. - Il me semble que la proposition de rédaction de Mme de La Gontrie est une solution de repli par rapport à la rédaction du Sénat.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice. - Oui, il s'agit d'un amendement de repli.

M. Sacha Houlié, député, président. - Je vais donc considérer qu'il s'agit d'une proposition de rédaction globale de l'article distincte.

Je mets d'abord aux voix la version sénatoriale portant le délai de prescription à un an.

L'article 2 bis dans la rédaction du Sénat n'est pas adopté.

M. Sacha Houlié, député, président. - Je mets aux voix la proposition de rédaction limitant ce délai à six mois.

La proposition de rédaction n'est pas adoptée.

M. Sacha Houlié, député, président. - Enfin, je mets aux voix la version de l'Assemblée nationale.

L'article 2 bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale n'est pas adopté.

M. Sacha Houlié, député, président. - Aucune version de l'article 2 bis n'ayant été adoptée, le texte ne comporte pas d'article 2 bis.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

La réunion est close à 9 h 44.